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Marie Gaille-Nikodimov
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l’ordre
conflictuel
du politique :
Marie
Gaille-Nikodimov
166 · MULTITUDES 13 · ÉTÉ 2003
que l’élucidation des causes des haines et des divisions des cités est essen-
tielle aux citoyens et aux gouvernants (Histoire de Florence, Préambule).
Il insiste d’autre part — ce qui fit scandale en son temps et continue à
provoquer des réactions de condamnation, suspicieuses et apeurées —
sur l’idée que les lois favorables à la liberté ont émergé à Rome de la
désunion des grands et du peuple, et plus précisément de l’opposition
de la plèbe romaine au désir de domination des patriciens (Discours
I, ). Il développe enfin une analyse extrêmement riche des différentes
formes de discorde civile — diverses par leur intensité et leur mode d’ex-
pression — pour aboutir à une vision nuancée des effets de la discorde :
tous les conflits qui agitent les cités ne sont pas bons. S’ils ont conforté
la liberté à Rome, cela ne dura qu’un temps, et force est de constater
— tel est bien le problème de Machiavel — qu’à Florence, les divisions
ont surtout abouti à des meurtres et des exils, et induit une instabilité
institutionnelle qui fragilise la cité. Bons ou mauvais, les conflits sont
au cœur de la vie civile et politique. Ils sont « ordinaires » selon les propres
termes de Machiavel.
pla. Mais là n’est pas la question. Elle est décevante, insuffisante, autant
qu’on voudra, mais elle n’en a pas moins ses effets : Foucault n’a pas
lu Machiavel comme penseur du conflit civil. Michel Senellart a sug-
géré que si Foucault n’avait pas cherché à approfondir sa compréhen-
sion de l’œuvre machiavélienne, cela tenait à sa façon de concevoir la
vérité d’une œuvre : « à cette idée d’une vérité totalisable après-coup,
dans des textes affranchis de leur contexte bruyant et offerts à la lec-
ture paisible et silencieuse, Foucault oppose, si l’on peut dire, le prin-
magistratures. Dans les deux cas, la « refiguration » de la communauté ne marque pas seule-
ment une modification de celle-ci, mais aussi la naissance de nouvelles parties. Cependant,
le retour à la pensée des classiques dans La Mésentente, même s’il est fait sur un mode cri-
tique, détermine une représentation de la cité comme une communauté composée de par-
ties. Or, le modèle du tout et de ses parties ne correspond pas au corps politique machiavé-
lien, qui est un mélange aux frontières mouvantes. Remarquons d’ailleurs qu’à la lumière de
la cité « perméable » conçue par Machiavel, cette représentation de la cité n’est pas dépour-
vue d’ambiguïtés. En effet, l’émergence d’une part des sans-parts modifie la composition de
la communauté, mais aussi sa forme. La communauté n’est donc pas un ensemble fixe. Dans
ce cas, pourquoi formuler l’embarras de la politique dans un modèle dont les éléments sont
des parties, puisque les temps de « refiguration » de la cité remettent en cause la distribution
des parts et, du même coup, toute forme de communauté établie comme un ordre naturel ?