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Le 9 avril 1988 s’est tenu à Milan, dans le bâtiment historique de Giuseppe Verdi, un immeuble
de style Renaissance que le grand compositeur fit construire pour les musiciens à la retraite, la
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Voici un dossier en quatre parties permettant de comprendre les enjeux essentiels du sujet
présenté lors de cette conférence historique :
Le projet de loi présenté au sénat le 13 juillet 1988 : « Un projet de loi historique »
Liliana Celani présenta alors le décret pris en 1884 par le ministre italien de la guerre, décret
selon lequel Giuseppe Verdi et un groupe de musiciens et de savants établirent que l’ut (c’est-à-
dire le do) à 256 cycles par seconde (correspondant au la à 432 Hertz) devenait « le diapason
scientifique officiel » en Italie. Elle raconta comment elle retrouva ce décret. « En été 1986,
j’étais à Leesburg en Virginie pour un séminaire de l’Institut Schiller sur l’opéra. Au cours d’un
repas de travail, Lyndon LaRouche nous dit « Ajoutez des viroles de métal, ou des morceaux de
scotch si nécessaire aux instruments à vent, mais accordez l’orchestre sur l’ut à 256 sinon ce
sera la fin des voix ». Mme Celani décrivit ensuite comment cela fut fait pour l’interprétation de
la Messe du Couronnement de Mozart, même si le basson dut boucher certains trous avec du
Scotch. « Vous pouvez imaginer ma joie et ma surprise, a-t-elle dit à l’auditoire, quand, en
revenant en Italie, j’ai retrouvé au Conservatoire de Milan une lettre de Verdi et le décret
gouvernemental de 1884 disant précisément la même chose, et quand j’ai rencontré des
dizaines de chanteurs qui voyaient la question exactement comme nous-mêmes et comme le
grand compositeur ».
Par deux fois pendant sa présentation, le public applaudit spontanément, indiquant ainsi l’esprit
qui règne parmi les chanteurs et les amateurs de Verdi : d’abord quand elle lut la lettre au
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Je suis contente d’avoir été invitée à prendre la parole sur cette question,
expliqua Tebaldi, parce que c’est une question importante. La hausse
continuelle du diapason crée de terribles problèmes aux chanteurs, et je
l’ai combattu, avec Mario del Monaco, pendant ma carrière.
Tebaldi et del Monaco refusaient en effet tout contrat ne respectant pas le diapason d’origine.
Liliana Celani répondit à cet appel de Tebaldi en lisant le projet de loi que l’Institut Schiller veut
faire adopter par le parlement et le gouvernement italiens (présentation au sénat le 13 juillet
1988), et qui est copié sur le décret de 1884. Outre les chanteurs ayant déjà signé la pétition, au
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Démonstration :
Une autre question posée à Cappuccilli concernait son refus, il y a quelques années, de
chanter le rôle titre de Rigoletto à Florence, sous la direction de Youri Lioublimov (qui « décore »
les décors de ses mises en scène de mannequins représentant Hitler et Mussolini !). Cappuccilli
répondit en s’attaquant à ce genre de metteurs en scène qui placent des communistes et des
fascistes partout, et qui essaient de maintenir en vie la haine qui eût dû être enterrée il y a
quarante ans. De plus, ajouta-t-il plaisamment, « je ne pouvais de toute façon pas comprendre
Lioublimov, car il ne parlait que russe. »
La deuxième session de l’après-midi fut consacrée aux dégâts que le diapason trop haut fait
subir non seulement aux voix, mais aussi aux instruments. Le Pr Bruno Barosi, de l’école
internationale de lutherie de Crémone, montra comment le diapason élevé perturbe l’équilibre
statique du violon et fait subir des contraintes dangereuses sur son bois. Le maestro Ginevra, du
Conservatoire de Milan, retraça un historique du diapason à travers les siècles, et montra
comment il est devenu impossible d’interpréter de la musique ancienne avec des instruments
accordés trop haut.
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Cette conférence historique s’est conclue sur une table ronde consacrée à « la musique et
l’interprétation classique », au cours de laquelle Günther Ludwig, Werner Thärichen, de
l’Orchestre symphonique de Berlin, et Éliane Magnan montrèrent comment, à côté du diapason
juste, une conception élevée de la musique était nécessaire pour communiquer les grandes
œuvres classiques aux auditoires.
Stridentes, les dernières notes de l’ouverture du Nabucco de Giuseppe Verdi résonnent dans la
grande salle de l’opéra. Profondément ému par le thème patriotique de « Va pensiero » ébauché
par l’orchestre, le public se prépare, dans l’obscurité de la salle, à apprécier l’opéra à venir, tandis
que le rideau se lève.
Grande est alors la surprise quand, au lieu du chœur des solistes, le public aperçoit seulement
sur la scène un tas de ferraille clinquante, de morceaux de cuivres, cors et trombones, dont les
reflets lumineux semblent se moquer des incrédules qui espéraient encore être émus par la
puissance de la voix humaine exprimant harmonieusement le grand drame lyrique classique. Au
milieu du tas de ferraille, avec un sourire dérisoire, s’adresse le directeur de l’opéra qui s’excuse
devant un public interdit : « Malheureusement, nous devons interrompre ici la représentation
par manque de chanteurs. J’espère, par contre, que vous avez apprécié la grande sonorité de
notre orchestre, dont le la est accordé sur 450 hertz ».
Cette scène imaginaire pourrait bientôt devenir réalité, si nous ne parvenons pas à défendre la
grande musique classique en retournant au « diapason scientifique » pour lequel se battit
Giuseppe Verdi en 1881. C’est la seule hauteur d’accord qui respecte les lois de l’univers et par
conséquent celles de la voix humaine et des instruments musicaux qui s’en inspirent. Les plus
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fait, mais en gâchant les effets phoniques. Il est probable qu’on s’éloigne
peu de la vérité en affirmant que les anciens diapasons, qui étaient
vraiment judicieusement mesurés sur l’extension naturelle de la voix
humaine, différaient presque d’un demi-ton des plus hauts diapasons
actuels.
Après avoir écrit différentes lettres à l’éditeur Ricordi et aux principaux opéras italiens pour
demander que l’on baissât le diapason pour le salut des voix, et après avoir refusé de diriger son
œuvre Un Ballo in Maschera (Un Bal Masqué) à l’opéra San Carlo de Naples qui n’acceptait pas
un diapason « normal », comme l’écrivait Verdi dans une lettre, le compositeur décida de livrer
bataille. Il regroupa des savants italiens, parmi lesquels le physicien Pietro Blaserna, qui se
réunirent en congrès à Milan en 1881 pour discuter des lois physiques à la base de l’accord. Et
c’est à ce congrès scientifique que fit référence la commission du ministère de la Guerre quand
elle entreprit de changer le diapason destiné aux fanfares militaires et aux opéras. Voici ce que la
commission écrivait en 1881 :
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Messieurs,
Ce serait une grave, une très grave erreur que d’adopter, comme on le
propose à Rome, un diapason de 900 ! Je partage aussi votre opinion que
l’abaissement du diapason n’ôte rien à la sonorité et à la brillance de
l’exécution ; mais, donne au contraire, quelque chose de plus noble, de
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Pour ma part je voudrais qu’un seul diapason soit adopté dans tout le
monde musical. La langue musicale est universelle ; pourquoi donc la
note qui s’appelle la à Paris ou à Milan devrait-elle devenir si bémol à
Rome ?
L’un des savants réunis à Milan, Archimede Montanelli, publia aussi une argumentation
intéressante dans un article intitulé Empirisme et science : réponse à un article de S. Perone sur
l’unité du diapason. Le savant y démontre que l’adoption du « diapason scientifique » (ut à 256)
n’est pas du tout un « débat sur le sexe des anges », comme l’affirmait Perone, et comme
l’affirment aujourd’hui encore des empiristes de tout poil quand on propose de retourner au
« diapason scientifique » fixant l’ut à 256 cycles.
Comme l’a montré LaRouche à la conférence de l’Institut Schiller qui s’est tenue à Augsbourg le
10 et 11 janvier 1987, les savants autour de Verdi soutinrent l’ut à 256 Hz parce que « l’art est
subordonné à toutes les lois de la nature que la science révèle ».
Pour que l’accord soit réellement scientifique, il devra se fonder sur l’ut, qui définit les tonalités
fondamentales d’ut majeur et mineur, qui détermine le changement de registre le plus
important : celui de la soprano et du ténor, qui s’appuie sur le fa dièse (la sensible du sol et
conduit non seulement à un passage de registre, mais aussi de tonalité (de l’ut majeur au sol
majeur). Les savants italiens avaient compris que le « diapason scientifique » était l’ut à 256
cycles ; quand ils voulurent adopter une valeur du la correspondant à l’ut à 256 Hz, ils choisirent
le la à 432 Hz (ou 864 demi-vibrations), à la fois pour éviter le nombre décimal (environ 430,5)
que donnerait un tempérament égal, et parce qu’ils calculèrent leur la en utilisant trois quintes
(do-sol-ré-la) dites « naturelles » (non tempérées) pour arriver à 432. Les documents disponibles
sur le congrès de Milan et sur le décret du ministère de la Guerre font explicitement un parallèle
entre l’ut à 256 Hz, qui est le vrai « diapason scientifique », et le la à 432 Hz, expliquant que l’on
était arrivé à l’ut à 256 Hz en partant du ut1 qui a une fréquence de 16 cycles, et « est le son le
plus grave audible » :
« Une corde tendue sur le monocorde (...) vibre complètement et donne un cycle pour la
fondamentale ou tonique ; deux pour l’octave (... ) et ainsi de suite jusqu’à la troisième période,
c’est-à-dire à la neuvième puissance, soit 512 demi-vibrations (256 Hz) pour le ut3, la note
admise comme base de notre système musical. »
La même chose s’applique aux instruments à cordes, qui se rapprochent le plus de la voix
humaine car ils sont construits dans un bois qui subit un processus de vieillissement lent
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permettant de maintenir les propriétés organiques, surtout pour les violons les plus anciens tels
que Stradivarius et Guarneri.
« Dans les instruments à cordes – les instruments les plus parfaits que nous ayons – on arrive à
l’ut2 de l’alto à 128 et une octave plus basse à l’ut1 = 64 du violoncelle. Cet ut est une puissance
de deux, c’est pourquoi en descendant d’octave en octave, dans le rapport d’un à deux, on arrive
à un ut extrêmement bas et purement idéal d’une vibration par seconde, ce qui n’est autre que le
pendule battant la seconde, et serait ainsi la base de notre système musical. »
Si l’ut du violoncelle a une fréquence de 64 Hz (256/4), celle de l’alto de 128 Hz (256/2), l’ut du
violon a une fréquence naturelle de 256 Hz, comme en témoignent Savart et Fonticelli-Baldelli :
« Le volume d’air dans les meilleurs violons de Crémone (Stradivarius et Guarneri) avait toujours
une fréquence de résonnance de 256 Hz (ut3). »
Le savant Montanelli fait état d’autres preuves de la « scientificité » de l’ut à 256 cycles, qui est
entre autres le diapason qui s’emploie pour mesurer la fréquence de la colonne vertébrale,
démontrant que tous les phénomènes organiques sont accordés de la même manière :
Pourquoi ne pas vouloir croire que tout ce qui évolue, tout ce qui se meut,
sur la terre soit harmonique, ordonné comme dans le système planétaire ?
Pourquoi le diapason de la3 = 864 cycles par seconde ne devrait-il pas
avoir un rapport sérieux avec le mécanisme de la voix humaine ? A ce
propos, je disais en 1885, répondant à l’illustre Pr Bimboni :
« Des expériences faites par le Dr Collongues, concernant les vibrations
vitales, il résulte que le nombre normal de vibrations, chez l’homme en
bonne santé, est de 72 par seconde pour le ré le plus grave, lequel
correspond à l’ut à 72 X 8/9 = 64 cycles par secondes. »
Si l’ut à 256 est l’accord scientifique, il l’est pour les instruments comme pour les voix. Dans
son livre ’Il diapason, le Pr Righini affirme que les effets physiques des altérations du diapason
sont nocives non seulement pour les voix, mais aussi pour les instruments.
Le piano subit aussi de graves dégradations du fait de cette manie de hausser le diapason :
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Quant aux instruments à vent, le ministère italien de la Guerre publia en 1884 un manuel
pour changer l’accord de l’ut à 256 des « cuivres, bois, clarinettes et flûtes en métal », soulignant
que « les modifications sont faciles à réaliser pour n’importe quel fabricant ou réparateur
d’instruments et sont praticables en peu de temps ». Le diapason élevé est aussi nuisible aux
instruments à vent, comme l’écrit le ministère de la Guerre :
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Malheureusement les plaintes des chanteurs ne sont pas peu fondées, et il n’est pas étonnant
que les représentations de nombreuses œuvres de Verdi aient dû être interrompues en Italie ces
derniers mois, en raison d’ « aphonie » imprévues des chanteurs. Giuseppe Verdi faisait un
emploi scientifique de la tonalité des registres, non seulement pour les voix mais aussi pour les
instruments : il suffit de voir comment « chante »le violoncelle dans l’introduction à la célèbre
aria du roi Philippe « Ella giammai m’ammo » dans le Don Carlos. Aussi ne tolérerait-il pas
aujourd’hui de voir transposer d’un demi-ton ou d’un ton ses œuvres par l’incompétence de
chefs qui ne comprennent rien aux voix et aux registres, et qui dirigent Wagner ou Boulez avec
la même indifférence que Beethoven ou Mozart.
Si nous ne retournons pas au « diapason scientifique », nous n’aurons bientôt plus que des
chanteurs atones et aphones, incapables d’interpréter les plus grands rôles du répertoire
classique. Que les vrais mélomanes, en particulier les amateurs de musique lyrique et de chant,
se mobilisent contre cette entreprise de destruction de la musique classique !
Pour la première fois de ce siècle, un parlement va légiférer sur la valeur à accorder au diapason
musical, suite à une initiative internationale de l’Institut Schiller. Deux sénateurs italiens, Carlo
Boggio et Pietro Mezzapesa, ont en effet déposé un projet de loi qui fixerait le la à 432 hertz par
seconde (ce qui correspond à l’ut égal à 256 herz).
L’étude du projet de loi a été confiée à la Commission de l’éducation, qui tient le 24 novembre
prochain une première audition. De nombreux exemples musicaux sont prévus, qui
démontreront pourquoi les œuvres composées pour un diapason de la à 432 Hz (celles de
Giuseppe Verdi entre autres), sont déformées si on les interprète à un diapason plus haut. Lors
de ces auditions, extraordinaires même pour le parlement italien, des artistes de renommée
internationale comme Renata Tebaldi, Piero Cappuccilli, Norbert Brainin, le ténor Nicola
Martinucci, et le professeur Augusto Loppi, premier hautboïste de l’Académie Santa Cecilia de
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Rome, expliqueront et feront entendre la différence que cela fait pour eux de chanter ou de
jouer plus haut.
L’objectif principal de cette loi est de protéger la voix des chanteurs (Karajan par exemple fait
jouer l’orchestre de Berlin avec un diapason de la à 450 hertz). Par conséquent, des
« exceptions »peuvent être consenties pour des raisons artistiques ou de recherche, pour ce qui
concerne le répertoire instrumental, mais jamais dans le domaine de l’opéra ou du répertoire
chanté.
Art. 2 Il est obligatoire que les Écoles de musique, les institutions et organisations
subventionnées par l’État ou par des organismes publics qui gèrent ou utilisent des
orchestres ou autres ensembles de musique, les émetteurs du service public de la radio et de
la télévision, adoptent comme son de référence pour le diapason le la3 défini par l’article
précédent. Des dérogations peuvent être consenties pour des raisons de recherche ou
artistiques, sauf pour les œuvres de musique vocale et les spectacles lyriques.
Art.3 Afin d’obtempérer aux articles précédents, il est obligatoire d’utiliser, pour l’intonation,
des instruments de référence pratique (diapason à fourchette, règles métalliques,
générateurs et électroniques, etc.) ajustés à la fréquence de 432 Hz et dotés d’un certificat
de garantie. Il est admis une différence, en plus ou en moins, de 0,5 Hz maximum.
Art. 5 L’utilisation d’instruments de référence non conformes à la loi, selon l’article 3, est
punie par la confiscation de l’objet non-conforme et par une amende pour chaque
exemplaire allant de 100 000 à 1 000 000 lires.
Art. 6 Le ministère de l’Instruction Publique indiquera par décret les instituts spécialisés
autorisés à fournir la fréquence-étalon pour l’ajustement des instruments de référence et à
exercer les fonctions de contrôle.
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L’Institut Schiller a lancé il y a quelques mois une vaste campagne internationale pour ramener
le la du diapason à 432 Hz (correspondant à un ut à 256 Hz). Sa campagne de pétition a
rassemblé près d’un millier de signatures parmi les musiciens et chanteurs professionnels,
facteurs d’instruments, compositeurs, etc.
Ce retour au « diapason scientifique » utilisé par les grands compositeurs classiques et défendu
notamment par Giuseppe Verdi permettra d’interpréter les grandes œuvres de la musique
classique dans leur tonalité d’origine et de sauvegarder les voix d’efforts nuisibles. En lançant
cette initiative, l’Institut Schiller se replace dans le contexte d’une longue bataille historique pour
la musique classique dont nous esquissons ici les grandes lignes.
« Il est certain que dans le cours d’un siècle, le Diapason s’est élevé par une progression
constante. Si l’étude des partitions de Gluck ne suffisait pas à démontrer, par la manière dont les
voix sont disposées, que ces chefs-d’œuvre ont été écrits sous l’influence d’un Diapason
beaucoup moins élevé que le nôtre, le témoignage des orgues contemporaines en fournirait une
preuve irrécusable. (... ) Il est désirable que le Diapason soit abaissé. »
Notons tout de suite que cette valeur de 435 Hz était en fait un compromis boiteux, une
mauvaise approximation du diapason réellement scientifique d’ut à 256 Hz, correspondant au la
à 432 Hz, pour lequel se battit, par exemple, le grand compositeur Giuseppe Verdi. Toujours est-
il que cette valeur du la à 435 Hz, pour scientifiquement inexacte qu’elle soit (et ce fut la source
de bien des problèmes théoriques), est suffisamment proche de la valeur scientifique – elle n’en
diffère que de 3 savarts, soit moins d’un huitième de demi-ton [2] – pour être acceptable dans la
pratique musicale, alors que les valeurs adoptées de facto aujourd’hui ne le sont plus.
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En fait, il y a tout lieu de penser que c’est délibérément que d’aucuns ont fait monter le
diapason, dans le but de démolir la tradition musicale classique qui s’est toujours, au moins
implicitement, appuyée sur un diapason respectant le premier de tous les instruments musicaux,
la voix humaine. Au siècle de « relativisme culturel » dans lequel nous vivons, il est devenu de
bon ton d’affirmer que le niveau lui-même du diapason n’a aucune importance, et que seule
importe l’intonation correcte en termes de rapports entre les notes musicales. Comme si le la
était une denrée aussi fluctuante que le dollar ou le pétrole ! Voilà une opinion particulièrement
singulière à une époque où l’on définit les étalons de mesures, la seconde, le mètre ou le
kilogramme, avec une précision atteignant la huitième décimale, au point que les définitions
classiques du genre « dix-millionième partie du quart du méridien terrestre » ne sont plus jugées
assez précises ! Comme si sciences et arts devaient s’opposer irréductiblement, comme si la
musique ne faisait pas partie de l’univers de l’homme et n’était pas soumise aux mêmes lois que
le reste de la nature !
Alors, tendance séculaire du diapason à grimper ? Voire. Si le diapason a certes connu des
périodes de hausse, nous ne pouvons quant à nous discerner que dispersion des niveaux,
diversité d’écoles et grand manque de précision dans la valeur du diapason, ce qui est du reste
naturel puisque l’on n’avait à l’époque aucun moyen de mesurer avec exactitude le nombre de
vibrations d’un phénomène acoustique. Au début du dix-huitième siècle, lorsque le fondateur de
l’acoustique musicale moderne, Joseph Sauveur (1653-1716), étudia les cordes vibrantes et
tuyaux d’orgues, les physiciens fixèrent rapidement l’ut de la clef (noté aujourd’hui l’ut3) à
256 Hz – très précisément la valeur à laquelle nous devrions revenir aujourd’hui. Pourquoi l’ut à
256 ? Tout simplement parce que 256 est la huitième puissance de deux, et que ceci donne
donc l’ut5 (huit octaves en-dessous de l’ut3 de la clef) à une oscillation par seconde, ce qui
correspond au fameux « pendule battant la seconde » de Galilée, Pascal, Huygens et Leibniz,
l’instrument de base de toute la physique des mouvements oscillatoires et l’ancêtre de l’horloge.
Cet ut de base, à une oscillation par seconde, est certes inaudible, mais il se fonde sur les lois les
plus fondamentales de la nature, puisque la valeur de la seconde découle de la révolution de la
Terre autour du Soleil. Hausser le diapason, c’est donc allonger la durée de la seconde, c’est-à-
dire rien moins que ralentir le mouvement céleste – ce qui équivaut à éloigner la Terre du Soleil,
altérer le cycle des saisons, bref bouleverser toute la création ! Et depuis Huygens et Sauveur,
pratiquement tous les physiciens qui se sont penchés sérieusement sur l’acoustique ont adopté
cette valeur de l’ut à 256 Hz – citons par exemple le baron Gaspard de Prony (1755-1839), Ernst
Chladni (1756-1827), Félix Savart (1791-1841), Jules Antoine Lissajous (1822-1880), Karl Rudolph
Koenig (1832-1901) et, au vingtième siècle, Henri Bouasse. Il parait donc clair que les physiciens
ont, à toutes époques, fixé l’ut aux puissances entières de deux, ce qui correspond au la du
diapason à 432 Hz – ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que les musiciens aient toujours suivi
ce standard...
Premiers pas
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réellement fixée ; ceci ne voulait cependant pas dire absence de norme physique, puisqu’il fallait
bien que les notes correspondissent aux tessitures des voix et des instruments. Il est impossible
aujourd’hui d’interpréter dans leur tonalité originale des œuvres de Vivaldi ou de Gluck, et même
certains morceaux classiques célèbres, comme le chœur final de la Neuvième Symphonie de
Beethoven ou certaines arias de la « Reine de la nuit » dans La flûte enchantée, sont devenus
presque impossibles à exécuter. On possède un diapason à fourche, ayant appartenu à Mozart,
fixant le la à 428 Hz – soit presque un demi-ton en-dessous du la à 450 Hz fréquemment utilisé
de nos jours, et tout chanteur sait combien un demi-ton fait de différence.
Toujours est-il que dès le début du dix-neuvième siècle, de nombreux chanteurs et interprètes
ont commencé à s’émouvoir de diapasons qui les forçaient à s’égosiller au lieu de chanter
normalement des œuvres écrites ailleurs ou seulement quelques années auparavant. En 1812,
Bernard Sarrette, fondateur et directeur du Conservatoire impérial de musique et de
déclamation, s’émut de la hausse excessive du diapason et décida une mesure méritoire. Dans
ses Notices sur les travaux du Conservatoire impérial pour l’année 1812, lues en séance publique
le 11 décembre 1812, M. Baillot, membre du Conservatoire, écrivait :
Pour salutaire quelle fût, cette mesure n’était cependant pas dictée par des considérations
théoriques ou scientifiques ; mais par un évident danger pour les voix et une mesure
pragmatique des diapasons alors en usage. Les sources que nous avons retrouvées divergent sur
la hauteur du diapason qui avait été retenue (on trouve les valeurs 439, 430 ou encore 425 Hz)
et ne nous permettent donc pas de savoir avec certitude laquelle avait été choisie. Mais nous
savons sans l’ombre d’un doute que trois des plus grands acousticiens de l’époque, Chladni,
Savart et Prony, recommandaient explicitement un ut3 à 512 vibrations simples par seconde (soit
256 Hz ou oscillations entières par seconde). Dans son Traité d’acoustique (Leipzig, 1802),
Chladni prit les ut puissances entières de deux comme base pour sa description du tonomètre
qu’il avait inventé et qui servait à mesurer directement le nombre de vibrations d’un son donné.
Savart, un savant célèbre aussi bien par ses recherches sur le magnétisme que par celles sur
l’acoustique, étudia dans les années 1820 la résonnance de la caisse de plusieurs dizaines de
violons fabriqués par D’Amati, Stradivarius, Guarneri, et mesura un maximum de résonnance à
256 Hz. Dans son Instruction élémentaire sur les moyens de calculer les intervalles musicaux
(Paris, 1832), le baron de Prony, membre de l’Institut (Académie des sciences), propose de fixer
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l’ut de la clef (ut3) à 512 vibrations par seconde (256 Hz), et, dans son chapitre consacré à la
« détermination du son fixe », il écrit :
Nous savons également qu’une protestation des chanteurs de l’opéra amena, en 1822, un
abaissement du diapason à 432 Hz - très exactement 431.7 Hz d’après Ellis [3].
Diverses conférences internationales eurent lieu à cette époque sur la question du diapason,
notamment en 1834 à Stuttgart (où fut proposé un la à 440 Hz), mais sans résultat durable.
Pourtant, les moyens de transport modernes commençaient à permettre aux célèbres virtuoses
alors très prisés de voyager rapidement d’une ville à l’autre, et nécessitaient de plus en plus une
unification internationale du fameux la.
L’arrêté de 1859
C’est en 1858-59 que la situation commença à changer pour de bon. Le 17 juillet 1858, Achille
Fould, ministre de Napoléon III, prit l’arrêté suivant :
Le Ministre d’État, considérant que l’élévation toujours croissante du diapason présente des
inconvénients dont l’art musical, les compositeurs de musique, les artistes et les fabricants
d’instruments ont également à souffrir ; considérant que la différence qui existe entre les
diapasons de divers pays, des différents établissements musicaux et des diverses maisons de
facture est une source constante d’embarras pour la musique d’ensemble et de difficultés dans
les relations commerciales ; sur le rapport du secrétaire général, arrête :
Art. 1er. Une Commission est instituée au Ministère d’État à l’effet de rechercher les moyens
d’établir en France un diapason musical uniforme, de déterminer un étalon sonore, qui
puisse servir de type invariable, et d’indiquer les mesures à prendre pour en assurer
l’adoption et la conservation.
Art. 2. Cette Commission est composée des membres dont les noms suivent : MM. Pelletier,
secrétaire général du Ministère d’État, président ; Auber, directeur du Conservatoire impérial
de musique et de déclamation, membre de l’Institut ; Berlioz, membre de l’Institut ; Desprez,
membre de l’Académie des sciences, professeur de physique à l’Académie des sciences ;
Doucet (Camille), chef de division des théâtres ; Halévy (E), membre de l’Institut, secrétaire
perpétuel de l’Académie des beaux-arts ;
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On sait en effet qu’en 1815, lors du Congrès de Vienne, la fanfare d’un régiment autrichien
appartenant au tsar Alexandre 1er jouait si haut qu’elle « éblouit » les cours réactionnaires qui se
préparaient à dépecer l’Europe et à l’assujettir à nouveau au joug de leur absolutisme, tant et si
bien que Metternich, Castlereagh et les autres responsables de la Sainte-Alliance firent monter le
diapason au même niveau déraisonnable que celui des fanfares du tsar.
Si bien qu’en 1859, en Autriche, le diapason des musiques militaires « différait d’un demi-ton
d’avec celui [déjà beaucoup trop haut, puisqu’il atteignait alors là-bas 449,75 Hz] des divers
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établissements musicaux », d’après une lettre écrite à l’époque par Kittl, alors directeur du
Conservatoire de Prague.
Le rapport précise que Mellinet, « l’honorable général qui représente dans là Commission
l’organisation des corps de musique », est prêt à ’« seconder de tous ses efforts » une baisse du
diapason dans les fanfares militaires. La Commission rapporte ensuite qu’elle a pris contact avec
les opéras et orchestres de toute l’Europe pour leur demander où en était le diapason.
En même temps, nous demandions aux hommes éclairés à qui nous nous
adressions de nous faire connaître leur opinion sur l’état actuel du
diapason, et leurs dispositions, favorables ou contraires, à un
abaissement, à une modération du ton. La musique est un art d’ensemble,
une sorte de langue universelle. Toutes les nationalités disparaissent
devant l’écriture musicale, puisqu’une notation unique suffit à tous les
peuples. (... ) N’est-il pas désirable qu’un Diapason uniforme et désormais
invariable vienne ajouter un lien suprême à cette communauté
intelligente, et qu’un la toujours le même, résonnant sur toute la surface
du globe avec les mêmes vibrations, facilite les relations musicales et les
rende plus harmonieuses encore ?
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Le rapport cite ensuite quelques-unes de ces lettres très élogieuses. Par exemple, François
Erkel, maître de chapelle de Pesth, écrit : « Je vous dois des remerciements pour la cause
importante que vous avez entrepris de plaider. » Reissiger, premier maître de chapelle à la cour
de Dresde, s’enthousiasme : « J’adopte la somme entière de vos sages réflexions en espérant
que toute l’Europe applaudira vivement à la Commission. (...) La grande élévation du Diapason
détruit et efface l’effet et le caractère de la musique ancienne, des chefs-d’œuvre de Mozart,
Gluck, Beethoven. » Joseph Abenheim, directeur de la chapelle du roi de Wurtemberg, se réjouit
d’avance : « Je ne doute pas que la Commission ne réussisse dans cette question importante. Ce
sera un nouveau service rendu par votre nation à l’art et au commerce. » Parmi de nombreuses
autres lettres ainsi citées, l’une, adressée par M. de Lwoff, maître de la Chapelle impériale de
Russie, à Saint-Pétersbourg, fait une remarque intéressante :
Le rapport de la Commission fait ensuite état du niveau des diapasons de différents pays et
de différentes époques qui lui ont été adressés. Les diapasons usités alors en France vont de
452 Hz à Lille et à 437 au Conservatoire de Toulouse, en passant par 448 à Paris, 447 à Marseille,
et 443 à Bordeaux. A l’étranger, on trouve 455,5 Hz à Bruxelles, 451,5 à Berlin, 441 à Dresde et
435 à Carlruhe, tandis que trois diapasons de Londres s’étageaient sur les valeurs 455, 452,5 et
434.
Ainsi la France compte à ses extrémités un des Diapasons les plus élevés,
celui de Lille ; un des diapasons les plus graves, celui de l’École de
Toulouse. On peut suivre sur la carte la route que suit en France le
Diapason ; il s’élève et s’abaisse avec la latitude. De Paris à Lille, il monte ;
il descend de Paris à Toulouse. Nous voyons le nord soumis évidemment
au contact, à la prédominance de l’art instrumental, tandis que le Midi
reste fidèle aux convenances et aux bonnes traditions des études vocales.
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Après cette description de ses travaux, la Commission conclut cette partie de son rapport par
deux vœux :
Fort bien, mais il ne suffit pas de vouloir abaisser le diapason, encore faut-il déterminer de
combien. Là-dessus, l’unanimité fut beaucoup plus difficile à obtenir, et c’est là que la
Commission, tout en prenant une décision fort louable, a malheureusement choisi une valeur de
compromis, plutôt qu’une valeur scientifique.
« Il restait à déterminer la quantité dont le Diapason pourrait être abaissé. (... ) Il était évident que
le plus grand abaissement possible était d’un demi-ton, qu’un écart plus considérable n’était ni
praticable, ni nécessaire ; et sur ce point, la Commission se montrait unanime. Mais le demi-ton
rencontra des adversaires, et trois systèmes se retrouvèrent en présence : abaissement d’un
demi-ton, abaissement d’un quart de ton, abaissement moindre que ce dernier. »
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Que l’état des Diapasons et Instruments dans tous les Théâtres, Écoles
et autres Établissements musicaux, fût constamment soumis à des
vérifications administratives.
De 435 à 432 Hz
Certaines voix, cependant, n’allaient pas tarder à regretter un léger manque d’audace de la
Commission.
Les extraits cités, du rapport de Halévy montrent que la Commission s’était appuyée, dans ses
travaux, sur des considérations essentiellement pratiques (dommages pour les voix, difficulté
d’exécuter des œuvres anciennes, etc.). Aussi, bien qu’elle fût arrivée à un résultat remarquable,
elle n’avait malheureusement pas vu, en s’abstenant d’aborder la question scientifique théorique,
l’écueil sur lequel elle se précipitait : cette valeur de 435 Hz, pour proche de la valeur scientifique
de 432 qu’elle soit (en abaissant le diapason d’un quart de ton, la Commission s’est arrêtée
seulement entre un seizième et un dix-septième de ton trop court), n’avait aucune justification
théorique précise, et ne permettait pas de résoudre le problème une fois pour toutes.
C’est avec raison que, jusqu’à ce jour, tous les pays n’ont pas encore
adopté le diapason donnant 870 vibrations (... ) ; ailleurs, j’ai donné la
théorie de cette question en faisant ressortir l’impardonnable
inconséquence de cette commission.
Nous ignorons à quel autre texte Meerens fait référence, mais il reprend la question en détail
dans d’autres écrits ultérieurs. Le problème, explique-t-il dans Le diapason et la notation
musicale simplifiés (1873), est que l’abaissement du diapason a naturellement créé de grandes
difficultés pour les facteurs et instrumentistes, qui eussent certes été facilement résolues s’il eût
permis l’uniformité tonale universelle. Mais, poursuit-il, « quels arguments militaient donc en
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Meerens explique ensuite en détail pourquoi 864 vibrations par seconde est le vrai diapason
théorique : c’est la valeur du la qui correspond le mieux aux ut puissances entières de deux.
Dans ces conditions, le problème du « diapason normal français » est clair :
Nul doute, si le diapason proposé en France eût aussi bien été de 864
vibrations, c’est-à-dire, s’il eût eu une base rationnelle et fondée sur la
science et la nature humaine, que tous les pays ne l’eussent adopté avec
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Ces arguments s’appliquent évidemment avec plus de force encore à l’encontre de ceux qui,
tout en reconnaissant les excès actuels du diapason, voudrait cependant éviter de revenir à la
valeur scientifique de 432 Hz, et s’en tenir simplement à la valeur de 440Hz qui, nous le verrons,
a été adoptée dans de bien curieuses conditions lors de deux congrès de normalisation à
Londres.
Cette question est aussi importante, à mon avis, que celle de l’unité des
poids et mesures. La langue musicale est la seule universelle. Il serait donc
désirable, à tous les points de vue, que le vrai diapason fût aussi
universellement fixé et adopté.
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Le diapason de Verdi
Le ministère italien de la Guerre ayant alors créé une Commission pour résoudre ce problème,
Verdi se rangea rapidement à l’avis des théoriciens qui lui firent valoir que si la différence entre
432 et 435 Hz était pratiquement insignifiante, le la à 432 Hz avait l’immense mérite d’être le
« diapason scientifique ». C’est en 1884 que le ministère italien de la Guerre fit adopter pour
toutes les fanfares un diapason fixant le la à 432 Hz.
En 1885, une convention internationale réunie à Vienne, considérant les progrès accomplis dans
les faits par l’adoption du diapason normal français, décida d’entériner celui-ci, et le la à 435 Hz
devint dès lors le standard international. Encore une fois, ce choix avait le mérite de résoudre les
problèmes pratiques, mais, n’étant point fondé sur des critères scientifiques objectifs, restait
sujet à toutes sortes de contestation.
Le vingtième siècle
Plusieurs auteurs comme Emile Leipp et Jacques Chailley pensent pouvoir affirmer qu’après la
brusque baisse produite par l’arrêté français de 1859 et la décision internationale de 1885, le
diapason se mit derechef à remonter.
Il s’agit, à leur yeux, d’une reprise de la « tendance historique naturelle » du diapason à monter.
Ils citent comme preuve l’existence de quelques diapasons allemands un peu plus hauts et en
déduisent que les conventions internationales de 1939 et de 1953 fixant le diapason à 440 Hz ne
firent qu’entériner une situation de fait. Plusieurs éléments en notre possession semblent
indiquer que l’affirmation est pour le moins contestable. L’un d’eux est un « phénomène » dont
on a beaucoup parlé dans les années cinquante et soixante à propos des musiciens dotés d’une
« oreille absolue », la tendance qu’avaient de nombreux musiciens âgés à « entendre » la
musique un demi-ton plus haut qu’elle n’était jouée. On a voulu à l’époque y voir un
phénomène physiologique (baptisé « métacousie ») dont aucune expérience scientifique ne
semble à notre connaissance avoir confirmé l’existence dans les faits. Tout porte à penser qu’en
fait, ces musiciens ayant entamé leur carrière entre les deux guerres avaient habitué leur oreille à
un diapason plus bas, et se sont trouvés légèrement déroutés après 1945, quand le diapason
remonta à 440 Hz et au delà.
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On nous dira que la différence auditive est relativement faible, mais il semble qu’il existe dans
l’ouïe des changements de registres qui font qu’une différence d’une fraction de demi-ton suffit,
si l’on franchit la limite entre les deux registres d’audition, à entendre une différence d’un demi-
ton. Une analogie permet de mieux comprendre ce phénomène : lorsque l’on regarde un arc-
en-ciel, on ne voit pas un passage continu du rouge à l’orange, ou du vert au bleu, mais sept
couleurs nettement séparées les unes des autres par des lignes de démarcation précises. Si l’on
se trouve près d’une ligne de séparation, par exemple entre le vert et le bleu, il suffit d’une légère
modification de la fréquence, bien inférieure à la largeur de la bande de fréquence
correspondant à une couleur, pour percevoir un changement de couleur. C’est pour cela que
l’on a coutume de dire qu’un écart objectif d’un comma (entre cinq et six savarts) peut
parfaitement, à proximité d’un changement de registre (ou de couleur), se traduire par une
différence subjective de perception d’un demi-ton (25 savarts).
A côté de cette explication naturelle d’un phénomène qui paraît en fait simple, il y a bien sûr
d’innombrables sources écrites datant de l’époque qui paraissent dans leur immense majorité
confirmer l’utilisation entre les deux guerres du diapason à 435 Hz... et même souvent plus bas !
Nous n’en citerons pour exemple que l’article consacré au diapason du Grand Larousse du
Vingtième siècle :
Nous avons repris ce texte de l’édition de 1929 du Larousse, et les éditions ultérieures
(notamment 1933) l’ont conservé tel quel, ce qui semble bien indiquer que personne n’a alors
trouvé l’affirmation incongrue. Il semble donc bien qu’en France du moins, la valeur retenue était
jusqu’à la Seconde guerre mondiale de 435 Hz. C’est d’ailleurs la seule valeur qui soit officielle
encore à ce jour, puisque l’arrêté pris par Fould en 1859 n’a jamais été abrogé.
Le diapason de Goebbels
C’est Radio-Berlin qui, en 1938-1939, organisa une conspiration délibérée pour hausser le
diapason. Or, comme chacun sait, Radio-Berlin était à l’époque le principal instrument de
propagande du Dr Joseph Goebbels, et était entièrement sous la coupe des nazis.
Le musicien et compositeur français Robert Dussaut, théoricien de la musique et, comme nous
le verrons, un fervent défenseur du la à 432 Hz, écrivait en 1950 :
Mais il y a plus. Non seulement, comme le dit Dussaut, aucun musicien français n’avait été invité,
mais René Dumesnil rapporte (dans Le Monde du 30 septembre 1965) que les organisateurs du
Congrès de Londres (c’est-à-dire, en particulier, Radio Berlin) « n’avaient point invité ceux que
l’on savait devoir s’opposer aux résolutions préméditées de hausser le diapason à 440
périodes ». Autrement dit, nous sommes ici en présence d’une conspiration délibérée visant à
faire adopter une mesure injustifiable en n’invitant que ceux qui l’accepteraient !
Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle le Congrès de Londres s’est contenté
d’entériner une situation de fait paraît être au mieux une vue de l’esprit.
La guerre ayant éclaté peu après, cette première hausse du diapason ne fut pas officiellement
confirmée. Aussi, un nouveau congrès, sous les auspices de l’Organisation internationale de
standardisation (ISO), eut lieu à Londres en octobre 1953. Une nouvelle fois, les invités furent
triés sur le volet pour éviter toute opposition au la à 440 Hz. En France, de nombreux musiciens
se mobilisèrent contre cette nouvelle machination. Robert Dussaut et son ami Claude
Delvincourt, alors directeur du Conservatoire, avaient organisé un référendum parmi les
musiciens français, et une vaste majorité d’entre eux soutinrent le projet de Dussaut de revenir à
un la à 432 Hz. Delvincourt, Henri Busser et Jaujart écrivirent à Londres en ce sens, mais leur
appel resta lettre morte.
La raison essentielle pour laquelle le la à 410 fut adopté alors est que les facteurs d’instruments
(en particulier d’instruments à vent) voulaient pouvoir exporter aux Etats-Unis, où l’influence du
jazz avait fait monter le diapason à 440 Hz et bien au-delà (à 445 et même 447 dans les
orchestres classiques, et jusqu’à 470 dans les formations de jazz). Dussaut avait pourtant
protesté dès le 9 avril 1950 :
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Dussaut et le la à 432
A l’époque du deuxième congrès de Londres, Dussaut faisait campagne depuis plusieurs années
en faveur d’un abaissement du la du diapason à 432. Henri Busser, membre de l’Académie des
beaux-arts, et Joseph Magrou avaient présenté le 19 juin 1950 une communication de Robert
Dussaut, intitulée Acoustique musicale – proposition d’un nouveau son fixe : sol3= fréquence
384. D’où La3=432. Après avoir constaté l’abandon du diapason normal à 435 Hz et la hausse
adoptée au premier congrès de Londres, en mai 1939, Dussaut remarque :
Il propose donc de prendre sol à 384 comme diapason, ce qui permet de ré-obtenir la même
valeur de l’ut à 256 (ou 512) « à la fois dans le système de Zarlino et dans celui de Pythagore. (... )
Non seulement Ut serait plus stable, mais le La3 =432 également, puisque le ton 9/8 est le
même dans ces deux systèmes. »
Il ajoute :
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Les nombres 384 et 432 ont l’avantage ’de n’avoir d’autres facteurs
premiers que 2 et 3. Ils sont plus logiques et d’un emploi plus pratique que
435 (... ). Le La serait 8 savarts plus bas que le diapason actuel à 440 p/s,
soit environ 1/6 de ton. Tel est le diapason demandé par les musiciens.
Quinze jours après cette présentation, le 3 juillet 1950, les membres de l’Académie des
sciences ont approuvé sa proposition. A la suite d’un rapport de la Commission du diapason
présidée par M. Esclangon, et considérant que le diapason à 440 périodes « a non seulement
pour effet de dénaturer les œuvres interprétées, mais est aussi très préjudiciable aux voix des
chanteurs », l’Académie a adopté à l’unanimité le vœu suivant :
Cette recommandation était signée par les secrétaires perpétuels de l’Académie des
sciences, les Prs Robert Courrier et Louis de Broglie.
Dussaut rapporte ailleurs que le référendum dont il parle avait touché, directement ou
indirectement, quelque 23 000 musiciens professionnels, et qu’une très large majorité s’était
dégagée en faveur de sa proposition du la à 432 Hz. Il était naturel que la décision du deuxième
congrès de Londres suscite bien des oppositions.
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Le diapason est une mesure au même titre que le mètre. Cette mesure
n’aurait jamais dû varier. Le diapason à 440 pérs/s est déjà trop haut. Lui
donner une consécration officielle est dangereux : c’est créer un
précédent.
Au même moment, Pierre Le Roy, chef des émissions culturelles à la télévision française,
s’insurgeait :
Un ré est une note qui me procure une sensation différente de celle d’un
sol ou d’un si, non par sa hauteur dans la gamme, mais, si j’ose dire, par sa
valeur intrinsèque, par sa couleur.
Élever le diapason, c’est donner aux sons que nous entendons une autre
couleur, c’est dénaturer l’œuvre du compositeur, c’est, pour continuer la
comparaison, changer les couleurs d’un Delacroix en reproduisant en
jaune les orangés et les verts en bleus.
Que devient le tableau ?
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Tous ces musiciens qui s’étaient mobilisés en faveur du diapason à 432 Hz avaient donc échoué.
Mais si cette bataille fut perdue, la guerre ne pouvait que reprendre. Dans la livraison d’août-
septembre 1965 du Journal de la Confédération musicale de France, André Petiot, président de
la CMF, écrivait :
Le 30 septembre 1965, René Dumesnil reprenait les arguments d’André Petiot dans un article
du Monde qu’il concluait :
[N’oublions pas] que s’il suffit de tourner une cheville pour accorder un
violon, les cordes vocales ne se manœuvrent pas aussi facilement, et que
leur surmenage peut mettre brutalement fin à la carrière d’un excellent
artiste.
Près d’un an plus tard, dans un article intitulé « Deux périls menaçants : la hausse du
diapason et l’accélération du tempo » et publié dans Le Monde (du 28 juin 1966), le même
Dumesnil écrivait :
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D’ailleurs le danger est double : ce n’est pas seulement l’interprète qui s’y
trouve exposée : c’est le théâtre lyrique qui en souffre.
Il parle ici d’une nouvelle hausse par rapport au 440 Hz, et affirme aujourd’hui que le
diapason élevé ne pose aucun problème pour autant que l’on ne dépasse pas 441 ou 442 Hz.
Mais justement, c’est en officialisant le diapason à 440 Hz que l’on a ouvert la course à l’abîme
vers 450 Hz et au-delà. Par ailleurs, les travaux de Savart ayant montré un maximum de
résonnance des violons de Stradivarius à 256 Hz, ne serait-il pas justifié d’utiliser ces merveilleux
instruments au diapason pour lequel l’artiste de Crémone les avait construits ?
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Marcel Dupré, organiste et titulaire des orgues de Saint-Sulpice, ne mâchait pas ses mots :
Marcel Dupré regrettait amèrement d’avoir dû faire modifier les orgues de Saint-Sulpice
(raccourcissement des tuyaux) pour satisfaire les violonistes et violoncellistes réclamant un
diapason plus élevé, alors que le diapason à 435 « donnait toute satisfaction aux chanteurs ainsi
qu’à lui-même ».
Manuel Rosenthal est tout aussi vif : « Je suis contre toute nouvelle hausse du diapason, jugeant
l’actuel bien trop élevé ! »
Dans son ouvrage intitulé Le Son (Coll. Que sais-je, PUF), Jean-Jacques Matras, écrit :
Dans son numéro de mars-avril 1968, Musique et Instruments livre l’anecdote suivante à la
réflexion de ses lecteurs :
Voilà qui devrait donner matière à réfléchir aux interprètes qui croient obtenir plus de
brillance ou d’éclat en serrant toujours un peu plus la cheville de leur cordes.
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Cette longue bataille que nous venons de retracer reprend aujourd’hui, sous l’impulsion de
l’Institut Schiller, et avec le soutien de très nombreux musiciens et chanteurs professionnels
venant de nombreux pays. Un Placido Domingo a même menacé de faire la grève ! Les
conditions du succès n’ont peut-être jamais été aussi bien réunies, la victoire jamais aussi
proche. Alors, mobilisons nous une bonne fois, pour sauver la grande musique classique et
retrouver des voix capables d’interpréter les chefs d’œuvre du répertoire.
Pour approfondir :
[1] On considérait à l’époque que le trajet aller-et-retour d’un corps vibratoire représentait deux vibrations
« simples », alors que l’on n’y voit aujourd’hui qu’une « oscillation complète » ou « période ». Dans la plupart des
oscillations complexes (par exemple la vibration d’une anche sous l’influence d’un vent ou d’une corde sous celle
d’un archet), la seconde demi-période n’est pas symétriquement équivalente à la première comme dans le cas
d’un mouvement pendulaire simple. Aussi la notation moderne en périodes par seconde ou hertz est-elle jugée
scientifiquement plus juste que « vibrations simples » employées au siècle dernier.
[2] Le
savart est l’unité de mesure la plus pratique d’un intervalle musical. La valeur en savarts d’un intervalle est
égale à mille fois le logarithme décimal du rapport des deux fréquences considérées. A très peu près, le demi-ton
vaut 25 savarts, et l’octave 300. Il permet l’addition ou la soustraction simples de deux intervalles consécutifs : par
exemple, l’intervalle entre ut et ré étant de 50 savarts, et celui entre ré et mi bémol de 25 savarts (dans le
tempérament égal), celui de la tierce mineure ut et mi bémol est simplement égal à 75 savarts. Il se trouve qu’il
présente une facilité de calcul supplémentaire intéressante dans la discussion qui nous occupe : aux alentours de
432 Hz, une différence d’un hertz se traduit avec une très bonne précision par un intervalle d’un savart.
[3] Alexander
Ellis, On the History of Musical Pitch, mémoire lu le 3 mars 1880 devant la « Society or Arts » de
Londres. Cet essai souvent jugé monumental sur le diapason reste fortement sujet à caution sur bien des points,
mais apporte des précisions intéressantes.
[4] Emile Leipp & Michele Castellengo, Du diapason et de sa relativité, publié dans La revue musicale, Numéro 294
(1977) ; voir aussi de nombreux textes de Leipp publiés dans le bulletin du « Groupe d’acoustique musicale »,
notamment celui consacré à la cloche-diapason du conservatoire.
[5] Cette
interview de Delvincourt et les deux textes cités juste ensuite (P. Le Roy et J. Farger) ont été publiés dans
Science et Vie, novembre 1953.
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