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10/17/2019 Lorsque le diapason de Verdi donnait le la

Le parti du travail humain


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Lorsque le diapason de Verdi donnait le « la »


La rédaction
mercredi 13 avril 2016

Le 9 avril 1988 s’est tenu à Milan, dans le bâtiment historique de Giuseppe Verdi, un immeuble
de style Renaissance que le grand compositeur fit construire pour les musiciens à la retraite, la

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première conférence internationale de l’Institut Schiller sur le diapason et la musique classique.

Voici un dossier en quatre parties permettant de comprendre les enjeux essentiels du sujet
présenté lors de cette conférence historique :

Le résumé de la conférence : « Quand de grands artistes proclament qu’il faut revenir au


diapason scientifique de Verdi »

La bataille de Verdi pour l’adoption du diapason scientifique : « Giuseppe Verdi et le diapason


scientifique »

Le projet de loi présenté au sénat le 13 juillet 1988 : « Un projet de loi historique »

L’historique de la bataille pour le diapason scientifique : « La lutte pour le diapason


scientifique : un historique »

Quand de grands artistes proclament qu’il faut revenir au  


diapason scientifique de Verdi

La première conférence internationale de l’Institut Schiller sur le diapason et la musique


classique s’est tenue samedi 9 avril 1988 dans le bâtiment historique de la Maison de Giuseppe
Verdi, un immeuble de style Renaissance que le grand compositeur fit construire pour les
musiciens à la retraite.
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La violoncelliste française Eliane Magnan


(violoncelle) et la pianiste japonaise Marie-
Pierre Soma ont ouvert la conférence en
jouant l’Allegro ma non troppo de la sonate
N°3 en la majeur de Beethoven. Dés que les
basses notes commencèrent à résonner dans
cette très belle salle de concert, les 200
participants comprirent que c’était une
journée historique.

Le discours introductif, prononcé par Fiorella


Operto, présidente de l’Institut Schiller en
Italie, explicita immédiatement cette pensée.
Elle souligna que le théâtre et la musique
classiques, et Giuseppe Verdi en particulier,
ont « fait les Italiens après avoir fait l’Italie », et
qu’il était maintenant de l’intention de l’Institut
Schiller de reprendre ce puissant moyen, afin
de reconstruire une nation agressée. Il y a
Marie-Pierre Soma, Éliane Magnan. cohérence entre esthétique et éthique, a
affirmé Mme Operto en citant une récente
interview d’un historien du Vatican, le père Ezler, qui fait remonter la dichotomie entre ces deux
concepts au mouvement antichrétien de Richard Wagner. Elle conclut en rappelant combien le
théâtre et l’opéra classique élèvent l’âme et éduquent le citoyen. C’est pourquoi Verdi, grand
compositeur et l’un des pères de la nation italienne, est si cher au cœur des Italiens.

Mme Helga Zepp-LaRouche, fondatrice de l’Institut Schiller, cita dès le début de sa présentation


les fameux vers de Friedrich Schiller de Die Künstler, (Les Artistes) : « La dignité de l’homme est
remise en vos mains, gardez-la ! », pour démontrer quels sont les critères nécessaires pour le
véritable art.

Liliana Celani présenta alors le décret pris en 1884 par le ministre italien de la guerre, décret
selon lequel Giuseppe Verdi et un groupe de musiciens et de savants établirent que l’ut (c’est-à-
dire le do) à 256 cycles par seconde (correspondant au la à 432 Hertz) devenait « le diapason
scientifique officiel » en Italie. Elle raconta comment elle retrouva ce décret. « En été 1986,
j’étais à Leesburg en Virginie pour un séminaire de l’Institut Schiller sur l’opéra. Au cours d’un
repas de travail, Lyndon LaRouche nous dit « Ajoutez des viroles de métal, ou des morceaux de
scotch si nécessaire aux instruments à vent, mais accordez l’orchestre sur l’ut à 256 sinon ce
sera la fin des voix ». Mme Celani décrivit ensuite comment cela fut fait pour l’interprétation de
la Messe du Couronnement de Mozart, même si le basson dut boucher certains trous avec du
Scotch. « Vous pouvez imaginer ma joie et ma surprise, a-t-elle dit à l’auditoire, quand, en
revenant en Italie, j’ai retrouvé au Conservatoire de Milan une lettre de Verdi et le décret
gouvernemental de 1884 disant précisément la même chose, et quand j’ai rencontré des
dizaines de chanteurs qui voyaient la question exactement comme nous-mêmes et comme le
grand compositeur ».

Par deux fois pendant sa présentation, le public applaudit spontanément, indiquant ainsi l’esprit
qui règne parmi les chanteurs et les amateurs de Verdi : d’abord quand elle lut la lettre au
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ministère de la Guerre dans laquelle Verdi


demandait « un son noble et majestueux »
s’opposant aux « criaillements du diapason
trop élevé » ; et la seconde fois quand elle dit :
« si nos hommes politiques écoutaient plus
souvent Verdi et regardaient moins la
télévision, alors nous aurions moins de
problèmes à résoudre, en Italie et dans le
monde ». Elle conclut :

« Le décret de Verdi est important


parce qu’il rétablit l’unité entre art et
science, et s’opposait à une idée
erronée de la liberté artistique.

C’est précisément cette unité entre art et


science qui fut le thème de l’exposé du
directeur européen de la Fondation pour
l’énergie de fusion. A l’aide d’une série de
diapositives et de graphiques, il détruisit la
théorie helmoltzienne du son et rétablit
« l’harmonie des sphères » de Kepler comme
base de l’accord juste de la voix humaine.

La conférence connut un sommet lors de la


Helga Zepp-LaRouche fondatrice de l’Institut Schiller. première session de l’après-midi, quand la
soprano Renata Tebaldi, connue
internationalement sous le surnom de La voce d’angelo (la voix d’ange) entra dans la salle et se
dirigea vers la tribune, accueillie par une ovation de l’auditoire. Tebaldi fut bientôt rejointe au
podium par le célèbre baryton Piero Cappuccilli, qui participa à la conférence milanaise entre
une répétition d’Aïda et une autre de La force du destin, toutes deux à Munich. Les deux artistes
déchaînèrent l’enthousiasme de l’auditoire par leurs interventions courageuses, qui tournèrent
au dialogue entre eux deux, l’auditoire posant des questions.

Je suis contente d’avoir été invitée à prendre la parole sur cette question,
expliqua Tebaldi, parce que c’est une question importante. La hausse
continuelle du diapason crée de terribles problèmes aux chanteurs, et je
l’ai combattu, avec Mario del Monaco, pendant ma carrière.

Tebaldi et del Monaco refusaient en effet tout contrat ne respectant pas le diapason d’origine.

Liliana Celani répondit à cet appel de Tebaldi en lisant le projet de loi que l’Institut Schiller veut
faire adopter par le parlement et le gouvernement italiens (présentation au sénat le 13 juillet
1988), et qui est copié sur le décret de 1884. Outre les chanteurs ayant déjà signé la pétition, au

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moins une centaine d’autres chanteurs ont


promis de le faire, parmi lesquels Luciano
Pavarotti et Fedora Barbieri, ainsi que des
instrumentistes et deux chefs d’orchestre :
Bruno Rigacci (qui a remporté cette année le
prix Giuseppe Verdi) et Gian Paolo Sanzogno.

Alors que Piero Cappuccilli entrait dans la


salle, lui aussi accueilli par un tonnerre
d’applaudissements, le maestro Bruno Rigacci,
pianiste et chef d’orchestre, donnait un
premier exemple musical prouvant la
supériorité de l’ut à 256 Hz sur le la à 440 Hz.
Il joua simplement les premières mesures de
la célèbre aria « Casta diva », tirée de l’opéra
Norma de Bellini, d’abord sur un piano droit
accordé sur ut à 256 Hz, puis sur un piano de
concert accordé sur la à 440 Hz. Après l’avoir
jouée sur le premier piano, il demanda à
l’auditoire : « Avez-vous entendu quelque
chose de bizarre ? » Tout l’auditoire l’avait
trouvée agréable. Mais dès qu’il commença à
jouer les mêmes notes sur le piano accordé
plus haut, l’auditoire fut surpris et choqué, car
c’était criard et totalement différent.

Démonstration :

Piero Cappuccilli prit alors le microphone et


déclara :

Le diapason à l’époque de Verdi était


le la à 432 Hz, et Verdi écrivit ses
opéras pour ce diapason. Or Verdi
était une personne très intelligente,
il comprenait très bien les voix et
écrivait pour elles. Le fait que le
diapason a été haussé aux sommets
d’aujourd’hui provoque un effort
extraordinaire sur les cordes vocales.
C’est la raison pour laquelle de
nombreux chanteurs, après une
carrière de deux, trois ou quatre ans,
rencontrent de grandes difficultés.
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Parce qu’ils tendent leurs cordes


Les chanteurs Piero Cappuccilli et Renata Tebaldi. Ici
Cappuccilli explique pourquoi un diapason trop élevé
détruit la voix des chanteurs. vocales d’une façon qui n’est pas
naturelle. En cette époque où les
bonnes voix deviennent rares, il est nécessaire de revenir au diapason
normal, pour ne pas détruire les voix qui existent. Revenir au diapason
normal signifie aussi restituer la couleur normale de la voix.

Une autre question posée à Cappuccilli concernait son refus, il y a quelques années, de
chanter le rôle titre de Rigoletto à Florence, sous la direction de Youri Lioublimov (qui « décore »
les décors de ses mises en scène de mannequins représentant Hitler et Mussolini !). Cappuccilli
répondit en s’attaquant à ce genre de metteurs en scène qui placent des communistes et des
fascistes partout, et qui essaient de maintenir en vie la haine qui eût dû être enterrée il y a
quarante ans. De plus, ajouta-t-il plaisamment, « je ne pouvais de toute façon pas comprendre
Lioublimov, car il ne parlait que russe. »

La deuxième session de l’après-midi fut consacrée aux dégâts que le diapason trop haut fait
subir non seulement aux voix, mais aussi aux instruments. Le Pr Bruno Barosi, de l’école
internationale de lutherie de Crémone, montra comment le diapason élevé perturbe l’équilibre
statique du violon et fait subir des contraintes dangereuses sur son bois. Le maestro Ginevra, du
Conservatoire de Milan, retraça un historique du diapason à travers les siècles, et montra
comment il est devenu impossible d’interpréter de la musique ancienne avec des instruments
accordés trop haut.

Gianni Mascioni, restaurateur d’orgues,


confirma ce que le père Circelli, de l’Institut
pontifical de musique sacrée, avait déjà
indiqué, à savoir que les orgues anciennes
sont généralement accordées sur le la à
435 Hz, même s’il existe dans ce domaine des
variations importantes. Le maestro Bruno
Sacchetti, directeur du chœur de la RAI, la
télévision nationale italienne, et organiste à
Radio Vaticana, expliqua que la raison de la
tendance à la hausse du diapason était que les
interprètes avaient souvent perdu le sens de la
moralité. Sacchetti expliqua que son
expérience de direction de chorale lui avait
montré que beaucoup de directeurs de
chœurs changeaient le diapason d’un jour à
l’autre, et détruisaient ainsi les voix des
choristes ; il rappela à cet égard qu’une loi
italienne prévoyait la suspension des
subventions aux orchestres ne se conformant
pas au diapason correct.

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Cette conférence historique s’est conclue sur une table ronde consacrée à « la musique et
l’interprétation classique », au cours de laquelle Günther Ludwig, Werner Thärichen, de
l’Orchestre symphonique de Berlin, et Éliane Magnan montrèrent comment, à côté du diapason
juste, une conception élevée de la musique était nécessaire pour communiquer les grandes
œuvres classiques aux auditoires.

Une preuve vivante de cette qualité fut


présentée le soir même, lors du concert
concluant la conférence : plus de 200
personnes écoutèrent Norbert Brainin et
Günther Ludwig interpréter la sonate Op.100
en sol majeur de Brahms et la magnifique
sonate N°7, Op.30 N°2, en ut mineur de
Beethoven.

C’est l’adagio cantabile de cette dernière


œuvre que Günther Ludwig avait utilisée dans
sa communication de l’après-midi pour
illustrer comment Beethoven tire une pleine
composition d’une simple mélodie chantée.

Giuseppe Verdi et le « diapason scientifique »  

Par Liliana Celani

Stridentes, les dernières notes de l’ouverture du Nabucco de Giuseppe Verdi résonnent dans la
grande salle de l’opéra. Profondément ému par le thème patriotique de « Va pensiero » ébauché
par l’orchestre, le public se prépare, dans l’obscurité de la salle, à apprécier l’opéra à venir, tandis
que le rideau se lève.

Grande est alors la surprise quand, au lieu du chœur des solistes, le public aperçoit seulement
sur la scène un tas de ferraille clinquante, de morceaux de cuivres, cors et trombones, dont les
reflets lumineux semblent se moquer des incrédules qui espéraient encore être émus par la
puissance de la voix humaine exprimant harmonieusement le grand drame lyrique classique. Au
milieu du tas de ferraille, avec un sourire dérisoire, s’adresse le directeur de l’opéra qui s’excuse
devant un public interdit : « Malheureusement, nous devons interrompre ici la représentation
par manque de chanteurs. J’espère, par contre, que vous avez apprécié la grande sonorité de
notre orchestre, dont le la est accordé sur 450 hertz ».

Cette scène imaginaire pourrait bientôt devenir réalité, si nous ne parvenons pas à défendre la
grande musique classique en retournant au « diapason scientifique » pour lequel se battit
Giuseppe Verdi en 1881. C’est la seule hauteur d’accord qui respecte les lois de l’univers et par
conséquent celles de la voix humaine et des instruments musicaux qui s’en inspirent. Les plus

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grandes œuvres classiques, de Bach à Verdi,


furent toutes écrites pour un diapason bas
fixant l’ut à 256 hertz, ce qui correspond
approximativement à un la à 430,5 hertz, dans
le système de tempérament égal, et à 432 Hz
dans la plupart des autres systèmes d’accord
en usage. Jouer ces œuvres plus haut, arrivant
aujourd’hui jusqu’à des pointes de 448-
450 Hz dans certains opéras, par exemple
ceux de Florence et de Vienne, équivaut à une
conspiration en vue de tuer les voix, qui ne
peuvent résister à un effort qui va à l’encontre
des lois physiques de la nature, des
instruments et de la musique même.

Les amateurs de musique lyrique savent, ou


devraient savoir, que l’école du « bel canto »
se base sur l’utilisation des registres de la voix,
c’est-à-dire sur la capacité de « couvrir » les
notes quand on entre dans le registre aigu (sur
le fa dièse pour les sopranos et les ténors, sur
le mi pour les barytons et mezzo-sopranos, et
sur le ré pour les basses et les contre-altos),
procurant à chaque registre vocal une couleur
différente. Alors que la tendance naturelle
serait celle de « crier »les notes aiguës, le
chanteur apprend à couvrir les notes du
troisième registre (aperto, ma coperto,
« ouvert mais couvert », telle est la règle du
bel canto), appliquant une technique
différente pour chacun des trois registres (le
premier, ou registre de poitrine, le second, ou
« centre de la voix », et le troisième, ou
registre de tête), si bien que chaque note
d’une aria ou d’un chœur d’opéra requiert un
placement précis de la voix.

En changeant de diapason, on déplace tous


Chanteurs « bel canto ». Bas-relief de Luca della Robia,
les changements de registre, « qui sont la
Musée du dôme, Florence.
chose la plus importante dans une voix »,
comme de nombreux chanteurs célèbres
nous l’ont confirmé dans des interview. C’est ainsi, qu’un baryton de La Scala de Milan devient
ténor à Vienne, et, peut-être basse dans un autre opéra, étant donné que ce n’est pas la tessiture
(le type de voix), mais le passage de registre qui définit sa voix. Combien de temps les voix
peuvent-elles résister à l’usure imposée par un tel sévice, surtout si l’on considère que les
grandes voix du passé n’existent plus parce qu’à l’école du bel canto et des registres se
substituent souvent des écoles modernes de chant qui nient les registres, et enseignent
seulement à appuyer la voix sur le diaphragme ?
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C’est ce que comprit Giuseppe Verdi, dans sa


profonde connaissance de la voix humaine,
quand il décida en 1881 de lancer ce que
d’aucuns baptisèrent « la guerre des voix
contre les cuivres », une bataille fondamentale
pour faire adopter dans le monde entier un
diapason unique, correspondant à l’ut à 256
cycles. Grâce au rôle politique de Verdi dans
la construction de la nation italienne, et dans
les réformes de l’enseignement sur lesquelles
il travaillait avec des savants comme Emilio
Betti et Eugenio Beltrami, l’Italie gagna cette
bataille en 1884, quand le ministère de la
Guerre déclara que toutes les fanfares
militaires (composées d’instruments à vent, à
accord « fixe ») adopteraient uniformément
l’ut à 256 cycles, démontrant ainsi l’absurdité
de la thèse selon laquelle il n’était pas possible
de retourner au diapason utilisé par Bach,
Mozart et Beethoven parce que le hautbois,
qui donne le la à l’orchestre, et les cuivres
sont « à son fixe » et ne peuvent pas être ré
accordés différemment.

Préoccupé par les voix, Verdi mit au travail les


savants italiens, et l’Italie se trouva sur le point
de convoquer une conférence internationale
Giuseppe Verdi lança la « guerre des voix contre les
cuivres », une bataille fondamentale pour faire adopter dans
à Rome pour faire adopter le « diapason
le monde entier une diapason unique, correspondant à scientifique » par tout le monde musical
l’« ut » à 256 cycles par seconde. De grands savants comme quand l’Autriche, s’ingérant dans les affaires
Eugenio Beltrami l’ont secondé pour gagner cette bataille
en 1884. intérieures transalpines, sabota cette initiative
qui nous eût épargné bien des dommages
souvent irréparables. Vienne organisa sa propre conférence en 1885, un an après le décret du
ministère italien de la Guerre, et adopta le la à 435 Hz au lieu du « diapason scientifique » voulu
par Verdi. C’était une négation des principes physiques qui sont la base du grand art et qui
avaient été compris par Verdi et ses amis des milieux scientifiques et militaires.

Voix contre cuivres  

Expliquant les motivations de sa décision historique, la Commission musicale du ministère italien


de la Guerre écrivit en 1881 :

De nombreux chefs-d’œuvre du passé furent évidemment écrits sous


l’influence de diapasons très modérés. Malheureusement, avec nos
diapasons trop aigus, on ne peut plus les reproduire aujourd’hui, ou on le
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fait, mais en gâchant les effets phoniques. Il est probable qu’on s’éloigne
peu de la vérité en affirmant que les anciens diapasons, qui étaient
vraiment judicieusement mesurés sur l’extension naturelle de la voix
humaine, différaient presque d’un demi-ton des plus hauts diapasons
actuels.

Personne ne peut nier ce fait. Le


« diapason » de Beethoven, conservé à
Vienne, la ville même qui aujourd’hui adopte
un la très élevé (448 Hz), était accordé sur 427
cycles. Comme le Pr Pietro Righini le rapporte
dans son intéressant ouvrage Il diapason,
publié par l’ERI en 1969, le luthier Fronticelli-
Baldelli soulignait, sur la base d’une étude du
physicien et acousticien français Félix Savart,
que « le volume de l’air contenu dans les
meilleurs violons de Crémone (Stradivarius et
Guarneri) avait toujours une fréquence (de
résonnance) de 256 Hz » (ut3).

Si Bach, Mozart, Beethoven, Chopin,


Schumann et Verdi écrivaient pour le même
diapason, comment en sommes nous arrivés
à trouver aujourd’hui un la à 448 cycles ? La
tendance à hausser le diapason, que l’on
justifie habituellement par l’exigence de
Violon (Giuseppe Guarneri, Cremona, 1738). donner plus de « sonorité »et de « brillance »
à l’orchestre dans des salles de concert plus
grandes, coïncidait en fait avec la tendance à détruire la musique classique, tendance qui débuta
au Congrès de Vienne (1815-1816) et mena à Wagner et à la musique moderne. Celle-ci défie les
lois de l’univers en n’acceptant ni les registres, ni la suprématie de la voix (qui est un phénomène
organique) sur les instruments. Ce n’est pas un hasard si ce furent les cours impériales russe et
autrichienne qui commencèrent à hausser le diapason des fanfares militaires pour leur donner
plus d’ « éclat ». Cet argument (encore avancé par les chefs d’orchestre qui se refusent à
abaisser le diapason) fut démoli par Verdi en 1884.

Après avoir écrit différentes lettres à l’éditeur Ricordi et aux principaux opéras italiens pour
demander que l’on baissât le diapason pour le salut des voix, et après avoir refusé de diriger son
œuvre Un Ballo in Maschera (Un Bal Masqué) à l’opéra San Carlo de Naples qui n’acceptait pas
un diapason « normal », comme l’écrivait Verdi dans une lettre, le compositeur décida de livrer
bataille. Il regroupa des savants italiens, parmi lesquels le physicien Pietro Blaserna, qui se
réunirent en congrès à Milan en 1881 pour discuter des lois physiques à la base de l’accord. Et
c’est à ce congrès scientifique que fit référence la commission du ministère de la Guerre quand
elle entreprit de changer le diapason destiné aux fanfares militaires et aux opéras. Voici ce que la
commission écrivait en 1881 :

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Il serait superflu de retracer ici la


longue histoire des tentatives faites
pour réduire les différents diapasons
à un seul, typique et universel. Et,
comme l’a dit l’illustre Verdi, il
semble incroyable qu’on n’ait pas pu
encore faire comprendre cette vraie
incongruité que l’on appelle à Rome
la ce qui est à Paris un si bémol,
alors que la musique est une seule
dans tout le monde, et les notes en
musique sont éternelles et
immuables comme les lois
physiques dont elles dépendent.

A la commission, qui lui avait demandé son


avis sur le « diapason scientifique » proposé
par le congrès milanais, Giuseppe Verdi
répondit de Gênes par la lettre suivante, datée
Pavarotti dans Un Ballo in Maschera. du 10 février 1884, dont les arguments furent
repris par les directeurs des conservatoires de
Milan, A. Bazzini, et de Naples, Lauro Rossi :

Messieurs,

Depuis que la France a adopté le diapason normal, j’ai conseillé qu’on


suivit l’exemple aussi chez nous ; et j’ai demandé formellement aux
orchestres des différentes villes d’Italie, parmi lesquels celui de La Scala,
d’abaisser le diapason en uniformité avec la norme française. Si la
commission musicale instituée par notre Gouvernement croit, pour des
exigences mathématiques, devoir réduire les 870 vibrations du diapason
français à 864, la différence est si petite, presque imperceptible à l’oreille,
que je m’y associe bien volontiers.

Ce serait une grave, une très grave erreur que d’adopter, comme on le
propose à Rome, un diapason de 900 ! Je partage aussi votre opinion que
l’abaissement du diapason n’ôte rien à la sonorité et à la brillance de
l’exécution ; mais, donne au contraire, quelque chose de plus noble, de

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plus plein et de plus majestueux que ne pourraient donner les stridences


d’un diapason trop aigu.

Pour ma part je voudrais qu’un seul diapason soit adopté dans tout le
monde musical. La langue musicale est universelle ; pourquoi donc la
note qui s’appelle la à Paris ou à Milan devrait-elle devenir si bémol à
Rome ? 

Votre très dévoué G. Verdi.

L’un des savants réunis à Milan, Archimede Montanelli, publia aussi une argumentation
intéressante dans un article intitulé Empirisme et science : réponse à un article de S. Perone sur
l’unité du diapason. Le savant y démontre que l’adoption du « diapason scientifique » (ut à 256)
n’est pas du tout un « débat sur le sexe des anges », comme l’affirmait Perone, et comme
l’affirment aujourd’hui encore des empiristes de tout poil quand on propose de retourner au
« diapason scientifique » fixant l’ut à 256 cycles.

Comme l’a montré LaRouche à la conférence de l’Institut Schiller qui s’est tenue à Augsbourg le
10 et 11 janvier 1987, les savants autour de Verdi soutinrent l’ut à 256 Hz parce que « l’art est
subordonné à toutes les lois de la nature que la science révèle ».

Pour que l’accord soit réellement scientifique, il devra se fonder sur l’ut, qui définit les tonalités
fondamentales d’ut majeur et mineur, qui détermine le changement de registre le plus
important : celui de la soprano et du ténor, qui s’appuie sur le fa dièse (la sensible du sol et
conduit non seulement à un passage de registre, mais aussi de tonalité (de l’ut majeur au sol
majeur). Les savants italiens avaient compris que le « diapason scientifique » était l’ut à 256
cycles ; quand ils voulurent adopter une valeur du la correspondant à l’ut à 256 Hz, ils choisirent
le la à 432 Hz (ou 864 demi-vibrations), à la fois pour éviter le nombre décimal (environ 430,5)
que donnerait un tempérament égal, et parce qu’ils calculèrent leur la en utilisant trois quintes
(do-sol-ré-la) dites « naturelles » (non tempérées) pour arriver à 432. Les documents disponibles
sur le congrès de Milan et sur le décret du ministère de la Guerre font explicitement un parallèle
entre l’ut à 256 Hz, qui est le vrai « diapason scientifique », et le la à 432 Hz, expliquant que l’on
était arrivé à l’ut à 256 Hz en partant du ut1 qui a une fréquence de 16 cycles, et « est le son le
plus grave audible » :

« Une corde tendue sur le monocorde (...) vibre complètement et donne un cycle pour la
fondamentale ou tonique ; deux pour l’octave (... ) et ainsi de suite jusqu’à la troisième période,
c’est-à-dire à la neuvième puissance, soit 512 demi-vibrations (256 Hz) pour le ut3, la note
admise comme base de notre système musical. »

La même chose s’applique aux instruments à cordes, qui se rapprochent le plus de la voix
humaine car ils sont construits dans un bois qui subit un processus de vieillissement lent

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permettant de maintenir les propriétés organiques, surtout pour les violons les plus anciens tels
que Stradivarius et Guarneri.

« Dans les instruments à cordes – les instruments les plus parfaits que nous ayons – on arrive à
l’ut2 de l’alto à 128 et une octave plus basse à l’ut1 = 64 du violoncelle. Cet ut est une puissance
de deux, c’est pourquoi en descendant d’octave en octave, dans le rapport d’un à deux, on arrive
à un ut extrêmement bas et purement idéal d’une vibration par seconde, ce qui n’est autre que le
pendule battant la seconde, et serait ainsi la base de notre système musical. »

Si l’ut du violoncelle a une fréquence de 64 Hz (256/4), celle de l’alto de 128 Hz (256/2), l’ut du
violon a une fréquence naturelle de 256 Hz, comme en témoignent Savart et Fonticelli-Baldelli :

« Le volume d’air dans les meilleurs violons de Crémone (Stradivarius et Guarneri) avait toujours
une fréquence de résonnance de 256 Hz (ut3). »

Le savant Montanelli fait état d’autres preuves de la « scientificité » de l’ut à 256 cycles, qui est
entre autres le diapason qui s’emploie pour mesurer la fréquence de la colonne vertébrale,
démontrant que tous les phénomènes organiques sont accordés de la même manière :

Pourquoi ne pas vouloir croire que tout ce qui évolue, tout ce qui se meut,
sur la terre soit harmonique, ordonné comme dans le système planétaire ?
Pourquoi le diapason de la3 = 864 cycles par seconde ne devrait-il pas
avoir un rapport sérieux avec le mécanisme de la voix humaine ? A ce
propos, je disais en 1885, répondant à l’illustre Pr Bimboni :
« Des expériences faites par le Dr Collongues, concernant les vibrations
vitales, il résulte que le nombre normal de vibrations, chez l’homme en
bonne santé, est de 72 par seconde pour le ré le plus grave, lequel
correspond à l’ut à 72 X 8/9 = 64 cycles par secondes. »

Si l’ut à 256 est l’accord scientifique, il l’est pour les instruments comme pour les voix. Dans
son livre ’Il diapason, le Pr Righini affirme que les effets physiques des altérations du diapason
sont nocives non seulement pour les voix, mais aussi pour les instruments.

Pour un violon, par exemple :

« L’augmentation de 5 Hz correspond à un accroissement proportionnel de la tension, qui


correspond, pour la seule corde du la, à une accentuation de la pression de près 900 grammes
(-forces). Le violon ayant quatre cordes de différentes épaisseurs et densités ; l’augmentation
des tensions peut. être évaluée à près de 4 kilogrammes(-force). Écoutons donc l’avis duPrBruno
Barosl (professeur à l’École internationale de lutherie de Crémone) : « Les expériences conduites
montrent qu’une telle accentuation compromet la stabilité des violons dont la table d’harmonie
(la partie du violon sous le chevalet) a une épaisseur égale ou inférieure à 2,5 millimètres ».

Le piano subit aussi de graves dégradations du fait de cette manie de hausser le diapason :

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10/17/2019 Lorsque le diapason de Verdi donnait le la

Considérons à nouveau cette augmentation de 5 Hz par rapport au


diapason normal. L’accroissement de pression dû à cette augmentation
est énorme, à savoir de l’ordre de dizaines de kilogrammes. Les acteurs de
piano peuvent en tirer les conséquences. Citons à ce propos l’avis
d’Europiano, qui est l’association de presque tous les constructeurs
européens. Il est absolument négatif, à tel point que récemment, les
techniciens des plus importants fabricants du monde ont exprimé leur
mécontentement pour le « mal subi par trois pianos à la suite des
prétentions d’un célèbre chef d’orchestre de les faire accorder au la à
445 Hz.

Quant aux instruments à vent, le ministère italien de la Guerre publia en 1884 un manuel
pour changer l’accord de l’ut à 256 des « cuivres, bois, clarinettes et flûtes en métal », soulignant
que « les modifications sont faciles à réaliser pour n’importe quel fabricant ou réparateur
d’instruments et sont praticables en peu de temps ». Le diapason élevé est aussi nuisible aux
instruments à vent, comme l’écrit le ministère de la Guerre :

La Commission est en outre persuadée que la baisse du diapason ne peut


absolument pas diminuer la sonorité des instruments, parce que ce n’est
pas la hauteur excessive qui donne la brillance à la musique. Au contraire,
un diapason excessivement haut nuit à la sonorité, altère le timbre et
dénature le caractère des instruments.

Le fait que ce soit les chanteurs qui,


jusqu’à présent, aient protesté les plus
vivement contre la hausse du diapason est
simplement dû à « la primauté de la voix » et
au fait que les cordes vocales ressentent, plus
brutalement encore que les cordes d’un
violon, le caractère anti-scientifique des
diapasons imposés de nos jours. Le Pr Righini
fait état d’un référendum organisé par
l’Académie nationale de sainte Cécile (le
Conservatoire de Rome) en 1953 parmi les
chanteurs, les instrumentistes et les chefs
d’orchestre, dont le résultat confirma
l’insatisfaction de tous devant l’augmentation
Théâtre Apollo de Rome. C’est là qu’eut lieu la première
représentation du Trouvère de Verdi, le 19 janvier 1853. continuelle du diapason. Un des chanteurs de
l’Académie de sainte Cécile, le ténor Mario Del
Monaco, exigea une clause portant sur un diapason bas dans ses contrats pour des concerts et
des œuvres lyriques, et fit écrire par la firme de disques Decca la lettre suivante au maître de
l’Académie de sainte Cécile :

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A l’occasion de notre enregistrement, l’année dernière à Rome, M. Del


Monaco et un ou deux autres artistes, se sont plaints que le diapason de
votre orchestre était plus haut que celui de la Scala de Milan, et ils
affirment donc, M. Del Monaco en particulier, avoir trouvé cette différence
assez fastidieuse. Bien que je puisse difficilement croire que le diapason
de votre orchestre soit plus haut que celui de Milan, je vous saurais gré de
me faire parvenir votre diapason, pour le la ou pour l’ut, ou les deux si
possible, afin, que je puisse convaincre les artistes du peu de fondement
de leurs plaintes.

Malheureusement les plaintes des chanteurs ne sont pas peu fondées, et il n’est pas étonnant
que les représentations de nombreuses œuvres de Verdi aient dû être interrompues en Italie ces
derniers mois, en raison d’ « aphonie » imprévues des chanteurs. Giuseppe Verdi faisait un
emploi scientifique de la tonalité des registres, non seulement pour les voix mais aussi pour les
instruments : il suffit de voir comment « chante »le violoncelle dans l’introduction à la célèbre
aria du roi Philippe « Ella giammai m’ammo » dans le Don Carlos. Aussi ne tolérerait-il pas
aujourd’hui de voir transposer d’un demi-ton ou d’un ton ses œuvres par l’incompétence de
chefs qui ne comprennent rien aux voix et aux registres, et qui dirigent Wagner ou Boulez avec
la même indifférence que Beethoven ou Mozart.

Si nous ne retournons pas au « diapason scientifique », nous n’aurons bientôt plus que des
chanteurs atones et aphones, incapables d’interpréter les plus grands rôles du répertoire
classique. Que les vrais mélomanes, en particulier les amateurs de musique lyrique et de chant,
se mobilisent contre cette entreprise de destruction de la musique classique !

Un projet de loi historique  

Auditions au Sénat de Rome  

Pour la première fois de ce siècle, un parlement va légiférer sur la valeur à accorder au diapason
musical, suite à une initiative internationale de l’Institut Schiller. Deux sénateurs italiens, Carlo
Boggio et Pietro Mezzapesa, ont en effet déposé un projet de loi qui fixerait le la à 432 hertz par
seconde (ce qui correspond à l’ut égal à 256 herz).

L’étude du projet de loi a été confiée à la Commission de l’éducation, qui tient le 24 novembre
prochain une première audition. De nombreux exemples musicaux sont prévus, qui
démontreront pourquoi les œuvres composées pour un diapason de la à 432 Hz (celles de
Giuseppe Verdi entre autres), sont déformées si on les interprète à un diapason plus haut. Lors
de ces auditions, extraordinaires même pour le parlement italien, des artistes de renommée
internationale comme Renata Tebaldi, Piero Cappuccilli, Norbert Brainin, le ténor Nicola
Martinucci, et le professeur Augusto Loppi, premier hautboïste de l’Académie Santa Cecilia de

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Rome, expliqueront et feront entendre la différence que cela fait pour eux de chanter ou de
jouer plus haut.

Si la Commission du Sénat adopte la proposition, elle sera soumise à un vote de l’Assemblée. Le


projet de loi stipule que seuls recevront des fonds publics ces théâtres qui respectent l’accord
naturel des voix humaines et de la plupart des instruments anciens, par exemple des violons de
Crémone. Seront donc privés de fonds les orchestres qui ne jouent pas au diapason voulu par
les compositeurs (il s’agit non seulement de Verdi, mais de Mozart, Bellini, Donizetti, Beethoven,
Bach, etc.)

L’objectif principal de cette loi est de protéger la voix des chanteurs (Karajan par exemple fait
jouer l’orchestre de Berlin avec un diapason de la à 450 hertz). Par conséquent, des
« exceptions »peuvent être consenties pour des raisons artistiques ou de recherche, pour ce qui
concerne le répertoire instrumental, mais jamais dans le domaine de l’opéra ou du répertoire
chanté.

Texte du projet de loi présenté le 13 juillet 1988 par les sénateurs  


Mezzapesa et Boggio à Rome
Art. 1 Le son de référence pour l’intonation de base des instruments musicaux est la note la3,
dont la hauteur doit correspondre à la fréquence de 432 hertz (Hz ), mesurée à la
température ambiante de 20 degrés centigrades.

Art. 2 Il est obligatoire que les Écoles de musique, les institutions et organisations
subventionnées par l’État ou par des organismes publics qui gèrent ou utilisent des
orchestres ou autres ensembles de musique, les émetteurs du service public de la radio et de
la télévision, adoptent comme son de référence pour le diapason le la3 défini par l’article
précédent. Des dérogations peuvent être consenties pour des raisons de recherche ou
artistiques, sauf pour les œuvres de musique vocale et les spectacles lyriques.

Art.3 Afin d’obtempérer aux articles précédents, il est obligatoire d’utiliser, pour l’intonation,
des instruments de référence pratique (diapason à fourchette, règles métalliques,
générateurs et électroniques, etc.) ajustés à la fréquence de 432 Hz et dotés d’un certificat
de garantie. Il est admis une différence, en plus ou en moins, de 0,5 Hz maximum.

Art. 4 Les contributions de l’État ou des organismes publics dépendront aussi de


l’observation prouvée des normes contenues dans la loi présente.

Art. 5 L’utilisation d’instruments de référence non conformes à la loi, selon l’article 3, est
punie par la confiscation de l’objet non-conforme et par une amende pour chaque
exemplaire allant de 100 000 à 1 000 000 lires.

Art. 6 Le ministère de l’Instruction Publique indiquera par décret les instituts spécialisés
autorisés à fournir la fréquence-étalon pour l’ajustement des instruments de référence et à
exercer les fonctions de contrôle.

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Art. 7 Le ministère de l’Instruction Publique, de concert avec le ministère du Tourisme et du


Spectacle, prévoit d’ici un an de publier les décrets d’application pour la loi ici présentée.

Art. 8 Toutes les dispositions de loi précédemment en vigueur sont abrogées.

La lutte pour le diapason scientifique : un historique  

L’Institut Schiller a lancé il y a quelques mois une vaste campagne internationale pour ramener
le la du diapason à 432 Hz (correspondant à un ut à 256 Hz). Sa campagne de pétition a
rassemblé près d’un millier de signatures parmi les musiciens et chanteurs professionnels,
facteurs d’instruments, compositeurs, etc.

Ce retour au « diapason scientifique » utilisé par les grands compositeurs classiques et défendu
notamment par Giuseppe Verdi permettra d’interpréter les grandes œuvres de la musique
classique dans leur tonalité d’origine et de sauvegarder les voix d’efforts nuisibles. En lançant
cette initiative, l’Institut Schiller se replace dans le contexte d’une longue bataille historique pour
la musique classique dont nous esquissons ici les grandes lignes.

« Il est certain que dans le cours d’un siècle, le Diapason s’est élevé par une progression
constante. Si l’étude des partitions de Gluck ne suffisait pas à démontrer, par la manière dont les
voix sont disposées, que ces chefs-d’œuvre ont été écrits sous l’influence d’un Diapason
beaucoup moins élevé que le nôtre, le témoignage des orgues contemporaines en fournirait une
preuve irrécusable. (... ) Il est désirable que le Diapason soit abaissé. »

Voilà ce qu’écrivait en 1859 le compositeur Jacques François Halévy (1799-1862), membre de


l’Institut et secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, dans le rapport de la
« Commission chargée de recherches moyens d’établir en France un diapason musical
uniforme », créée par un arrêté du ministre d’État le 17 juillet 1858. A l’époque, comme nous le
verrons, la Commission impériale proposa de fixer le la du diapason (la3) à 435 Hz – on écrivait à
l’époque 870 « vibrations simples » [1] –, et cette proposition fut adoptée le 16 février 1859 par
arrêté ministériel et imposée à tous les conservatoires et salles de concert subventionnées de
France. Que devrait-on dire aujourd’hui, alors que le diapason réel utilisé fixe fréquemment le la
à 450 Hz, voire plus ? Et pourtant, cette « tendance historique » du diapason à monter n’est peut
être pas aussi « naturelle » et « inéluctable » que l’on cherche à nous le faire croire.

Notons tout de suite que cette valeur de 435 Hz était en fait un compromis boiteux, une
mauvaise approximation du diapason réellement scientifique d’ut à 256 Hz, correspondant au la
à 432 Hz, pour lequel se battit, par exemple, le grand compositeur Giuseppe Verdi. Toujours est-
il que cette valeur du la à 435 Hz, pour scientifiquement inexacte qu’elle soit (et ce fut la source
de bien des problèmes théoriques), est suffisamment proche de la valeur scientifique – elle n’en
diffère que de 3 savarts, soit moins d’un huitième de demi-ton [2] – pour être acceptable dans la
pratique musicale, alors que les valeurs adoptées de facto aujourd’hui ne le sont plus.
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En fait, il y a tout lieu de penser que c’est délibérément que d’aucuns ont fait monter le
diapason, dans le but de démolir la tradition musicale classique qui s’est toujours, au moins
implicitement, appuyée sur un diapason respectant le premier de tous les instruments musicaux,
la voix humaine. Au siècle de « relativisme culturel » dans lequel nous vivons, il est devenu de
bon ton d’affirmer que le niveau lui-même du diapason n’a aucune importance, et que seule
importe l’intonation correcte en termes de rapports entre les notes musicales. Comme si le la
était une denrée aussi fluctuante que le dollar ou le pétrole ! Voilà une opinion particulièrement
singulière à une époque où l’on définit les étalons de mesures, la seconde, le mètre ou le
kilogramme, avec une précision atteignant la huitième décimale, au point que les définitions
classiques du genre « dix-millionième partie du quart du méridien terrestre » ne sont plus jugées
assez précises ! Comme si sciences et arts devaient s’opposer irréductiblement, comme si la
musique ne faisait pas partie de l’univers de l’homme et n’était pas soumise aux mêmes lois que
le reste de la nature !

Alors, tendance séculaire du diapason à grimper ? Voire. Si le diapason a certes connu des
périodes de hausse, nous ne pouvons quant à nous discerner que dispersion des niveaux,
diversité d’écoles et grand manque de précision dans la valeur du diapason, ce qui est du reste
naturel puisque l’on n’avait à l’époque aucun moyen de mesurer avec exactitude le nombre de
vibrations d’un phénomène acoustique. Au début du dix-huitième siècle, lorsque le fondateur de
l’acoustique musicale moderne, Joseph Sauveur (1653-1716), étudia les cordes vibrantes et
tuyaux d’orgues, les physiciens fixèrent rapidement l’ut de la clef (noté aujourd’hui l’ut3) à
256 Hz – très précisément la valeur à laquelle nous devrions revenir aujourd’hui. Pourquoi l’ut à
256 ? Tout simplement parce que 256 est la huitième puissance de deux, et que ceci donne
donc l’ut5 (huit octaves en-dessous de l’ut3 de la clef) à une oscillation par seconde, ce qui
correspond au fameux « pendule battant la seconde » de Galilée, Pascal, Huygens et Leibniz,
l’instrument de base de toute la physique des mouvements oscillatoires et l’ancêtre de l’horloge.

Cet ut de base, à une oscillation par seconde, est certes inaudible, mais il se fonde sur les lois les
plus fondamentales de la nature, puisque la valeur de la seconde découle de la révolution de la
Terre autour du Soleil. Hausser le diapason, c’est donc allonger la durée de la seconde, c’est-à-
dire rien moins que ralentir le mouvement céleste – ce qui équivaut à éloigner la Terre du Soleil,
altérer le cycle des saisons, bref bouleverser toute la création ! Et depuis Huygens et Sauveur,
pratiquement tous les physiciens qui se sont penchés sérieusement sur l’acoustique ont adopté
cette valeur de l’ut à 256 Hz – citons par exemple le baron Gaspard de Prony (1755-1839), Ernst
Chladni (1756-1827), Félix Savart (1791-1841), Jules Antoine Lissajous (1822-1880), Karl Rudolph
Koenig (1832-1901) et, au vingtième siècle, Henri Bouasse. Il parait donc clair que les physiciens
ont, à toutes époques, fixé l’ut aux puissances entières de deux, ce qui correspond au la du
diapason à 432 Hz – ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que les musiciens aient toujours suivi
ce standard...

Premiers pas  

Historiquement, le terme « diapason » a signifié beaucoup de choses, et il faut attendre


pratiquement le dix-neuvième siècle pour le voir signifier la hauteur à laquelle s’accordent les
instruments et les voix avant d’exécuter un morceau. Avant cette époque, les interprètes des
orchestres avaient plutôt tendance à s’accorder « entre eux », sans qu’une valeur absolue fût

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réellement fixée ; ceci ne voulait cependant pas dire absence de norme physique, puisqu’il fallait
bien que les notes correspondissent aux tessitures des voix et des instruments. Il est impossible
aujourd’hui d’interpréter dans leur tonalité originale des œuvres de Vivaldi ou de Gluck, et même
certains morceaux classiques célèbres, comme le chœur final de la Neuvième Symphonie de
Beethoven ou certaines arias de la « Reine de la nuit » dans La flûte enchantée, sont devenus
presque impossibles à exécuter. On possède un diapason à fourche, ayant appartenu à Mozart,
fixant le la à 428 Hz – soit presque un demi-ton en-dessous du la à 450 Hz fréquemment utilisé
de nos jours, et tout chanteur sait combien un demi-ton fait de différence.

Toujours est-il que dès le début du dix-neuvième siècle, de nombreux chanteurs et interprètes
ont commencé à s’émouvoir de diapasons qui les forçaient à s’égosiller au lieu de chanter
normalement des œuvres écrites ailleurs ou seulement quelques années auparavant. En 1812,
Bernard Sarrette, fondateur et directeur du Conservatoire impérial de musique et de
déclamation, s’émut de la hausse excessive du diapason et décida une mesure méritoire. Dans
ses Notices sur les travaux du Conservatoire impérial pour l’année 1812, lues en séance publique
le 11 décembre 1812, M. Baillot, membre du Conservatoire, écrivait :

Le comité d’enseignement de l’École de musique s’étant aperçu que


l’extrême élévation du ton adopté pour l’exécution des concerts du
Conservatoire gênait la voix des élèves et la mettait en danger d’être
forcée, en les entraînant hors de leurs moyens naturels, a jugé qu’il était
indispensable de ramener le ton d’orchestre à un degré plus favorable à la
conservation des voix. On a comparé le diapason des orchestres existants
à Paris, et l’on a pris un terme moyen entre celui du théâtre de l’Académie
impériale de musique, et celui de l’Opéra Buffa, de la chapelle de
S.M. [Napoléon], et des exercices des élèves du Conservatoire. M. Le
Directeur [Sarrette] a, en conséquence, arrêté que le diapason choisi par le
Comité serait dorénavant mis en usage au Conservatoire.

Pour salutaire quelle fût, cette mesure n’était cependant pas dictée par des considérations
théoriques ou scientifiques ; mais par un évident danger pour les voix et une mesure
pragmatique des diapasons alors en usage. Les sources que nous avons retrouvées divergent sur
la hauteur du diapason qui avait été retenue (on trouve les valeurs 439, 430 ou encore 425 Hz)
et ne nous permettent donc pas de savoir avec certitude laquelle avait été choisie. Mais nous
savons sans l’ombre d’un doute que trois des plus grands acousticiens de l’époque, Chladni,
Savart et Prony, recommandaient explicitement un ut3 à 512 vibrations simples par seconde (soit
256 Hz ou oscillations entières par seconde). Dans son Traité d’acoustique (Leipzig, 1802),
Chladni prit les ut puissances entières de deux comme base pour sa description du tonomètre
qu’il avait inventé et qui servait à mesurer directement le nombre de vibrations d’un son donné.
Savart, un savant célèbre aussi bien par ses recherches sur le magnétisme que par celles sur
l’acoustique, étudia dans les années 1820 la résonnance de la caisse de plusieurs dizaines de
violons fabriqués par D’Amati, Stradivarius, Guarneri, et mesura un maximum de résonnance à
256 Hz. Dans son Instruction élémentaire sur les moyens de calculer les intervalles musicaux
(Paris, 1832), le baron de Prony, membre de l’Institut (Académie des sciences), propose de fixer

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l’ut de la clef (ut3) à 512 vibrations par seconde (256 Hz), et, dans son chapitre consacré à la
« détermination du son fixe », il écrit :

(52) Il est aisé, d’après ce qui précède, de résoudre physiquement le


problème du son fixe, son dont la détermination est fort importante en
musique. Il serait coupable et désirable que ce son fût établi sous la
condition de comprendre les nombres de vibrations donnés par les ut des
différentes octaves, dans la série des puissances de 2, (... ) en prenant le
nombre 32 pour celui des vibrations de l’ut à l’unisson du tuyau de 32
pieds de l’orgue.

Nous savons également qu’une protestation des chanteurs de l’opéra amena, en 1822, un
abaissement du diapason à 432 Hz - très exactement 431.7 Hz d’après Ellis [3].

Diverses conférences internationales eurent lieu à cette époque sur la question du diapason,
notamment en 1834 à Stuttgart (où fut proposé un la à 440 Hz), mais sans résultat durable.
Pourtant, les moyens de transport modernes commençaient à permettre aux célèbres virtuoses
alors très prisés de voyager rapidement d’une ville à l’autre, et nécessitaient de plus en plus une
unification internationale du fameux la.

L’arrêté de 1859  

C’est en 1858-59 que la situation commença à changer pour de bon. Le 17 juillet 1858, Achille
Fould, ministre de Napoléon III, prit l’arrêté suivant :

Le Ministre d’État, considérant que l’élévation toujours croissante du diapason présente des
inconvénients dont l’art musical, les compositeurs de musique, les artistes et les fabricants
d’instruments ont également à souffrir ; considérant que la différence qui existe entre les
diapasons de divers pays, des différents établissements musicaux et des diverses maisons de
facture est une source constante d’embarras pour la musique d’ensemble et de difficultés dans
les relations commerciales ; sur le rapport du secrétaire général, arrête :

Art. 1er. Une Commission est instituée au Ministère d’État à l’effet de rechercher les moyens
d’établir en France un diapason musical uniforme, de déterminer un étalon sonore, qui
puisse servir de type invariable, et d’indiquer les mesures à prendre pour en assurer
l’adoption et la conservation.

Art. 2. Cette Commission est composée des membres dont les noms suivent : MM. Pelletier,
secrétaire général du Ministère d’État, président ; Auber, directeur du Conservatoire impérial
de musique et de déclamation, membre de l’Institut ; Berlioz, membre de l’Institut ; Desprez,
membre de l’Académie des sciences, professeur de physique à l’Académie des sciences ;
Doucet (Camille), chef de division des théâtres ; Halévy (E), membre de l’Institut, secrétaire
perpétuel de l’Académie des beaux-arts ;
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Lissajous, professeur de physique au lycée Saint-Louis, membre de la Société


d’encouragement pour l’industrie nationale ; Mellinet, général de division, chargé de
l’organisation des musiques militaires ; Meyerbeer, membre de l’Institut ; Monnais (Edouard),
commissaire impérial auprès des théâtres lyriques et le Conservatoire ; Rossini, membre de
l’Institut ; Thomas (Ambroise), membre de l’Institut.

Le 1er février 1859, la commission ministérielle


ainsi formée remettait au ministre son rapport,
rédigé par François Halévy, et recommandant
l’adoption d’un « diapason normal », fixant le
la à 435 Hz. A la suite des considérations
générales sur la progression constante du
diapason citées au début de cet article, on y
lit :

« Remarquons que cette marche


ascensionnelle, en même temps qu’elle a été
constante, a été générale ; qu’elle ne s’est pas
bornée à la France ; que les Alpes, les
Pyrénées, l’Océan n’y ont pas fait obstacle. »

Les responsables ? Le commission estime que


ce sont avant tout les facteurs d’instruments
recherchant une sonorité plus éclatante, et les
instrumentistes complices des facteurs en
cette affaire.

« La grande sonorité acquise aux instruments


à vent trouva bientôt une application directe,
et en reçut un essor plus grand encore. La
musique, qui se prête à tout et prend partout
Diapason normal de 1859 qui fice le la à 435 Hz par arrêté
ministériel. sa place, marche avec les régiments : elle
chante aux soldats ces airs qui les animent et
leur rappellent leur patrie. Il faut alors qu’elle résonne haut et ferme, et que sa voix retentisse au
loin. Les corps de musique militaire, s’emparant du diapason pour l’élever encore, propagèrent
dans toute l’Europe le mouvement qui l’entraînait sans cesse. »

On sait en effet qu’en 1815, lors du Congrès de Vienne, la fanfare d’un régiment autrichien
appartenant au tsar Alexandre 1er jouait si haut qu’elle « éblouit » les cours réactionnaires qui se
préparaient à dépecer l’Europe et à l’assujettir à nouveau au joug de leur absolutisme, tant et si
bien que Metternich, Castlereagh et les autres responsables de la Sainte-Alliance firent monter le
diapason au même niveau déraisonnable que celui des fanfares du tsar.

Si bien qu’en 1859, en Autriche, le diapason des musiques militaires « différait d’un demi-ton
d’avec celui [déjà beaucoup trop haut, puisqu’il atteignait alors là-bas 449,75 Hz] des divers

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établissements musicaux », d’après une lettre écrite à l’époque par Kittl, alors directeur du
Conservatoire de Prague.

Pourtant, la Commission de 1859, poursuit :

Mais aujourd’hui la musique militaire pourrait, sans rien craindre,


descendre quelque peu ce Diapason qu’elle a excité. Sa fierté n’en
souffrirait pas, ses fanfares ne seraient ni moins martiales, ni moins
éclatantes. Le grand nombre d’instruments de cuivre dont elle dispose
maintenant lui ont donné plus de corps, plus de fermeté, et un relief à la
fois solide et brillant qui lui manquait autrefois.

Le rapport précise que Mellinet, « l’honorable général qui représente dans là Commission
l’organisation des corps de musique », est prêt à ’« seconder de tous ses efforts » une baisse du
diapason dans les fanfares militaires. La Commission rapporte ensuite qu’elle a pris contact avec
les opéras et orchestres de toute l’Europe pour leur demander où en était le diapason.

En même temps, nous demandions aux hommes éclairés à qui nous nous
adressions de nous faire connaître leur opinion sur l’état actuel du
diapason, et leurs dispositions, favorables ou contraires, à un
abaissement, à une modération du ton. La musique est un art d’ensemble,
une sorte de langue universelle. Toutes les nationalités disparaissent
devant l’écriture musicale, puisqu’une notation unique suffit à tous les
peuples. (... ) N’est-il pas désirable qu’un Diapason uniforme et désormais
invariable vienne ajouter un lien suprême à cette communauté
intelligente, et qu’un la toujours le même, résonnant sur toute la surface
du globe avec les mêmes vibrations, facilite les relations musicales et les
rende plus harmonieuses encore ?

C’est dans ce sens que nous avons écrit en Allemagne, en Angleterre, en


Belgique, en Hollande, en Italie, jusqu’en Amérique, et nos
correspondants nous ont envoyé des réponses précieuses, des
renseignements utiles, des souvenirs intéressants. (... ) Tous,
reconnaissant l’exagération actuelle, nous envoyaient leur cordiale
adhésion. Trois d’entre eux (...), tout en partageant l’opinion générale,
demandent il est vrai qu’on fixe le Diapason à l’état actuel de celui de
Paris, mais c’est pour l’arrêter dans sa progression ascendante, et en faire
un obstacle à de nouveaux envahissements ; obstacle impuissant, à notre
avis, qui protège le mal, l’oppose à lui même, et le consacre au lieu de le
détruire. Les autres sont unanimes à désirer un Diapason moins élevé,

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uniforme, inaltérable, véritable Diapason international, autour duquel


viendraient se rallier, dans un accord invariable, Chanteurs,
Instrumentistes, Facteurs de tous les pays. La plupart de nos
correspondants étrangers joignent à leur approbation l’éloge de
l’initiative.

Le rapport cite ensuite quelques-unes de ces lettres très élogieuses. Par exemple, François
Erkel, maître de chapelle de Pesth, écrit : « Je vous dois des remerciements pour la cause
importante que vous avez entrepris de plaider. » Reissiger, premier maître de chapelle à la cour
de Dresde, s’enthousiasme : « J’adopte la somme entière de vos sages réflexions en espérant
que toute l’Europe applaudira vivement à la Commission. (...) La grande élévation du Diapason
détruit et efface l’effet et le caractère de la musique ancienne, des chefs-d’œuvre de Mozart,
Gluck, Beethoven. » Joseph Abenheim, directeur de la chapelle du roi de Wurtemberg, se réjouit
d’avance : « Je ne doute pas que la Commission ne réussisse dans cette question importante. Ce
sera un nouveau service rendu par votre nation à l’art et au commerce. » Parmi de nombreuses
autres lettres ainsi citées, l’une, adressée par M. de Lwoff, maître de la Chapelle impériale de
Russie, à Saint-Pétersbourg, fait une remarque intéressante :

L’élévation progressive du Diapason est non seulement préjudiciable à la


voix humaine, mais aussi à tous les instruments. Ce sont surtout les
instruments à cordes qui ont beaucoup perdu pour le son, depuis qu’on
est obligé, à cause de cette élévation, d’employer des cordes très minces,
les cordes fortes ne pouvant résister à cette tension exagérée ; de là, ce
son qui, au lieu de se rapprocher de la voix humaine, s’en éloigne de plus
en plus.

Le rapport de la Commission fait ensuite état du niveau des diapasons de différents pays et
de différentes époques qui lui ont été adressés. Les diapasons usités alors en France vont de
452 Hz à Lille et à 437 au Conservatoire de Toulouse, en passant par 448 à Paris, 447 à Marseille,
et 443 à Bordeaux. A l’étranger, on trouve 455,5 Hz à Bruxelles, 451,5 à Berlin, 441 à Dresde et
435 à Carlruhe, tandis que trois diapasons de Londres s’étageaient sur les valeurs 455, 452,5 et
434.

Ainsi la France compte à ses extrémités un des Diapasons les plus élevés,
celui de Lille ; un des diapasons les plus graves, celui de l’École de
Toulouse. On peut suivre sur la carte la route que suit en France le
Diapason ; il s’élève et s’abaisse avec la latitude. De Paris à Lille, il monte ;
il descend de Paris à Toulouse. Nous voyons le nord soumis évidemment
au contact, à la prédominance de l’art instrumental, tandis que le Midi
reste fidèle aux convenances et aux bonnes traditions des études vocales.

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Après cette description de ses travaux, la Commission conclut cette partie de son rapport par
deux vœux :

En présence des opinions presque unanimes exprimées pour une


modération dans le ton, et des opinions unanimes pour l’adoption d’un
Diapason uniforme (... ), la Commission, après avoir discuté, a adopté en
principe, et à l’unanimité des voix, les deux propositions suivantes :

Il est désirable que le Diapason soit abaissé.

Il est désirable que le Diapason abaissé soit adopté généralement comme


régulateur invariable.

Le niveau du diapason normal  

Fort bien, mais il ne suffit pas de vouloir abaisser le diapason, encore faut-il déterminer de
combien. Là-dessus, l’unanimité fut beaucoup plus difficile à obtenir, et c’est là que la
Commission, tout en prenant une décision fort louable, a malheureusement choisi une valeur de
compromis, plutôt qu’une valeur scientifique.

« Il restait à déterminer la quantité dont le Diapason pourrait être abaissé. (... ) Il était évident que
le plus grand abaissement possible était d’un demi-ton, qu’un écart plus considérable n’était ni
praticable, ni nécessaire ; et sur ce point, la Commission se montrait unanime. Mais le demi-ton
rencontra des adversaires, et trois systèmes se retrouvèrent en présence : abaissement d’un
demi-ton, abaissement d’un quart de ton, abaissement moindre que ce dernier. »

Un seul membre de la Commission proposait un abaissement inférieur à un quart de ton. En


définitive, c’est une baisse d’un quart de ton qui remporta la majorité des suffrages :

La Commission a donc l’honneur de proposer à Votre Excellence


d’instituer un Diapason uniforme pour tous les Établissements musicaux
de France, et de décider que ce Diapason, donnant le la, sera fixé à huit
cent soixante-dix (870) vibrations par seconde [soit 435 Hz]. (... ) La
Commission a pensé, Monsieur le Ministre, qu’il conviendrait :

Qu’un diapason type, exécutant 870 vibrations par seconde à la


température de 15 degrés centigrades, Fût construit sous la direction
d’hommes compétents, désignés par Votre Excellence ;

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Que votre excellence déterminât, pour Paris et les départements, une


époque à partir de laquelle le nouveau diapason deviendrait
obligatoire ;

Que l’état des Diapasons et Instruments dans tous les Théâtres, Écoles
et autres Établissements musicaux, fût constamment soumis à des
vérifications administratives.

Aussitôt dit, aussitôt fait : par un arrêté du


16 février 1859, Achille Fould décide d’instituer
« un diapason uniforme pour tous les
établissements musicaux de France », fixant le
la à 870 vibrations par seconde (435 Hz), et
baptisé diapason normal (normal est pris ici au
sens de norme, d’étalon de mesure). L’arrêté
ordonne en outre la construction d’un étalon
prototype de ce diapason normal, qui sera
déposé au Conservatoire impérial de musique.
Jules Lissajous, acousticien talentueux
inventeur de plusieurs méthodes
extrêmement précises de « comparaison
optique » entre deux sons et membre de la
Commission, fut chargé de construire ce
diapason prototype et d’étalonner les copies à
distribuer dans les différents conservatoires,
orchestres, etc. Des mesures électroniques
Diapason avec résonateur.
récentes confirment la grande précision de
son travail : l’erreur est, d’après Leipp
inférieure à un pour mille. Il fit également fondre pour le Conservatoire une cloche donnant le
nouveau la, afin que les élèves entendissent toutes les heures le nouveau diapason et pussent
accorder en permanence leurs instruments. Il est malheureusement fort difficile d’accorder une
cloche (car l’intonation n’en est souvent pas nette, diverses parties pouvant vibrer à des
fréquences légèrement différentes) et des mesures effectuées récemment semblent indiquer
que cette cloche-diapason ait été accordée quelques hertz plus bas (à moins que ce ne soit
l’usure du temps qui en ait modifié le ton depuis) [4].

A l’époque, la décision d’uniformiser le diapason reçut semble-t-il un très bon accueil


international. Jules Pelletier, secrétaire général du ministre Fould, pouvait déclarer le 4 août
1860 :

[Une mesure prise récemment] a eu la fortune de rencontrer une


approbation que l’on peut dire unanime, car, de Londres comme de
Vienne et de Madrid, comme de Saint-Pétersbourg et de Berlin, des
félicitations nous sont parvenues ; je veux parler de la fixation du
diapason normal. Il serait inutile de vous énumérer les avantages de cette
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réforme. (... ) La musique a le privilège d’être la seule langue jusqu’à ce jour


universelle. Tous les peuples civilisés la parlent, et les peuples sauvages
eux-mêmes la comprennent. Le nombre et l’inégalité des diapasons
tendaient à détruire ce caractère presque divin de la musique, et allaient
en faire autant de dialectes inconciliables par la différence de l’intonation
et de l’accent. Il était digne du pays qui symbolise si glorieusement le
progrès et l’unité d’essayer de mettre un terme à cette anarchie musicale.

De 435 à 432 Hz  

Certaines voix, cependant, n’allaient pas tarder à regretter un léger manque d’audace de la
Commission.

Les extraits cités, du rapport de Halévy montrent que la Commission s’était appuyée, dans ses
travaux, sur des considérations essentiellement pratiques (dommages pour les voix, difficulté
d’exécuter des œuvres anciennes, etc.). Aussi, bien qu’elle fût arrivée à un résultat remarquable,
elle n’avait malheureusement pas vu, en s’abstenant d’aborder la question scientifique théorique,
l’écueil sur lequel elle se précipitait : cette valeur de 435 Hz, pour proche de la valeur scientifique
de 432 qu’elle soit (en abaissant le diapason d’un quart de ton, la Commission s’est arrêtée
seulement entre un seizième et un dix-septième de ton trop court), n’avait aucune justification
théorique précise, et ne permettait pas de résoudre le problème une fois pour toutes.

Dans son ’Instruction élémentaire du calcul musical et philosophie de la musique(Bruxelles,


Paris, 1864), le Pr Charles Meerens (1831-1909), célèbre acousticien belge et théoricien de la
musique, écrivait à juste titre :

Le la du diapason devrait donner 864 vibrations par seconde ; le diapason


normal a malheureusement été fixé arbitrairement à 870 vibrations ;
néanmoins, il était utile d’uniformiser universellement le diapason pour
obvier à l’inconvénient qui résulte de la diversité des diapasons régnant
dans les localités différentes.

C’est avec raison que, jusqu’à ce jour, tous les pays n’ont pas encore
adopté le diapason donnant 870 vibrations (... ) ; ailleurs, j’ai donné la
théorie de cette question en faisant ressortir l’impardonnable
inconséquence de cette commission.

Nous ignorons à quel autre texte Meerens fait référence, mais il reprend la question en détail
dans d’autres écrits ultérieurs. Le problème, explique-t-il dans Le diapason et la notation
musicale simplifiés (1873), est que l’abaissement du diapason a naturellement créé de grandes
difficultés pour les facteurs et instrumentistes, qui eussent certes été facilement résolues s’il eût
permis l’uniformité tonale universelle. Mais, poursuit-il, « quels arguments militaient donc en
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faveur du choix de cette mesure » de 435 Hz ?


Après avoir rappelé que la Commission avait jugé qu’un quart de ton était l’abaissement idéal
permettant d’éviter de nuire à la fabrication des instruments, il poursuit :

L’abaissement du diapason, profitable à tous égards, fut fixé à un quart de


ton ; mais l’utilité de l’abaissement de plus ou moins un quart de ton étant
un fait acquis, pourquoi le nouveau diapason fut-il fixé à 870 vibrations
par seconde ? Pourquoi, lorsque l’on devait s’attendre à un si grand
trouble musical et au renouvellement forcé de tous les instruments à sons
fixes, pourquoi, disons-nous, choisir ce nombre tout arbitraire, tandis que
l’on aurait pu mettre cette circonstance à profit pour baser du coup le
diapason sur une théorie rationnelle et invariable, de manière que les
intonations musicales soient applicables à l’expérience tirée des lois
suprêmes de la mécanique.

Ce nombre de 870 vibrations ne provient que d’une circonstance fortuite.


(... )En l’adoptant, l’inconséquence de la commission a été d’autant plus
apparente, que le vrai diapason théorique, celui qui (... ) est de 864
vibrations, ne diffère avec le diapason normal que d’une quantité quasi
imperceptible. (... ) Cette différence équivaut à 0,557 comma, soit un
demi-comma ; or, le comma entier passe déjà inaperçu dans la pratique et
constitue la fluctuation des corps sonores entre les températures de l’hiver
et de l’été.

Meerens explique ensuite en détail pourquoi 864 vibrations par seconde est le vrai diapason
théorique : c’est la valeur du la qui correspond le mieux aux ut puissances entières de deux.
Dans ces conditions, le problème du « diapason normal français » est clair :

Est-il étonnant que ce fameux diapason normal de 870 vibrations, qui


serait plus exactement qualifié d’anormal, ait rencontré si peu d’adhérents
et mette tant de lenteur à sa propagation ?

Pourquoi les musiciens voudraient-ils que le mètre, par exemple, qui


constitue le principe de tout le système des poids et mesures, vaille
exceptionnellement pour eux un mètre et une fraction, comme 1,05
mètre ? (... )

Nul doute, si le diapason proposé en France eût aussi bien été de 864
vibrations, c’est-à-dire, s’il eût eu une base rationnelle et fondée sur la
science et la nature humaine, que tous les pays ne l’eussent adopté avec
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empressement ; mais en présence d’une raison d’être aussi empirique


qu’arbitraire, celle qui amène 870 vibrations pour l’étalon sonore, les
nombreux adversaires de ce diapason mettront un éternel obstacle à
l’unification tonale universelle.

En vertu de ce fait, il y a lieu, non d’adopter la décision française, mais de


la réviser. Un décret émanant d’une autorité compétente qui stipulerait
864 vibrations pour le la du diapason, serait accueilli favorablement de
tout musicien éclairé.

Ces arguments s’appliquent évidemment avec plus de force encore à l’encontre de ceux qui,
tout en reconnaissant les excès actuels du diapason, voudrait cependant éviter de revenir à la
valeur scientifique de 432 Hz, et s’en tenir simplement à la valeur de 440Hz qui, nous le verrons,
a été adoptée dans de bien curieuses conditions lors de deux congrès de normalisation à
Londres.

Mais pourquoi la Commission française, qui avait si clairement et louablement essayé de


ramener le diapason à sa vraie valeur, s’était-elle arrêtée en chemin si près du but ? La réponse
nous est peut-être donnée par une lettre du célèbre facteur d’orgue parisien Aristide Cavaillé-
Coll, publiée dans le Guide musical daté du 10-17 août 1876 :

J’avais vu à cette époque (1858) les Membres de la Commission,


notamment MM. Auber, Berlioz et Lissajous ; tous ces messieurs étaient
d’accord avec moi et m’engagèrent à persuader M. Halévy [de ramener le
diapason à 432 Hz, et non 435]. Mais il était trop tard. M. Halévy avait son
parti pris, il avait trouvé un vieux diapason rouillé chez un accordeur de
piano du conservatoire de Toulouse, et comme les meilleures voix nous
venaient alors du midi, il en a attribué légèrement la cause à ce fameux
diapason. La seule raison que me donnât M. Halévy, lors de ma visite, c’est
qu’il fallait faire quelque chose. (... )

Il est donc regrettable qu’en France, où nous avons un diapason officiel


établi et un contrôle sérieux, on n’ait pas mieux choisi cet étalon officiel.
J’en ai voulu à mon ami, M. Lissajous, pour s’être laissé entraîné, malgré
ses convictions et celles de tous les gens sérieux au diapason Halévy. (... )

Cette question est aussi importante, à mon avis, que celle de l’unité des
poids et mesures. La langue musicale est la seule universelle. Il serait donc
désirable, à tous les points de vue, que le vrai diapason fût aussi
universellement fixé et adopté.

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Le diapason de Verdi  

On le voit, si beaucoup de musiciens s’étaient rangés à l’avis de la Commission en constatant les


avantages pratiques de la mesure qu’elle avait recommandée, le choix malencontreux de
435 Hz, au lieu de 432, empêcha un ralliement unanime qui eût peut-être résolu la question une
fois pour toutes. Au début des années 1880, Giuseppe Verdi, qui se désolait du diapason
beaucoup trop élevé en usage à Rome et à Naples (il fit même interdire la représentation du Bal
Masqué à Naples), voulut dans un premier temps que le diapason normal français fût adopté
dans tout le pays nouvellement réunifié. C’est ainsi qu’il écrivit : « Pourquoi faut-il que l’on
appelle à Rome la ce qui est un si bémol à Paris et à Milan ? » Nul doute que ce grand spécialiste
de la voix qu’était l’auteur de Rigoletto voyait d’abord l’aspect pratique de la question : la
sauvegarde de la musique vocale.

Le ministère italien de la Guerre ayant alors créé une Commission pour résoudre ce problème,
Verdi se rangea rapidement à l’avis des théoriciens qui lui firent valoir que si la différence entre
432 et 435 Hz était pratiquement insignifiante, le la à 432 Hz avait l’immense mérite d’être le
« diapason scientifique ». C’est en 1884 que le ministère italien de la Guerre fit adopter pour
toutes les fanfares un diapason fixant le la à 432 Hz.

En 1885, une convention internationale réunie à Vienne, considérant les progrès accomplis dans
les faits par l’adoption du diapason normal français, décida d’entériner celui-ci, et le la à 435 Hz
devint dès lors le standard international. Encore une fois, ce choix avait le mérite de résoudre les
problèmes pratiques, mais, n’étant point fondé sur des critères scientifiques objectifs, restait
sujet à toutes sortes de contestation.

Le vingtième siècle  

Plusieurs auteurs comme Emile Leipp et Jacques Chailley pensent pouvoir affirmer qu’après la
brusque baisse produite par l’arrêté français de 1859 et la décision internationale de 1885, le
diapason se mit derechef à remonter.

Il s’agit, à leur yeux, d’une reprise de la « tendance historique naturelle » du diapason à monter.
Ils citent comme preuve l’existence de quelques diapasons allemands un peu plus hauts et en
déduisent que les conventions internationales de 1939 et de 1953 fixant le diapason à 440 Hz ne
firent qu’entériner une situation de fait. Plusieurs éléments en notre possession semblent
indiquer que l’affirmation est pour le moins contestable. L’un d’eux est un « phénomène » dont
on a beaucoup parlé dans les années cinquante et soixante à propos des musiciens dotés d’une
« oreille absolue », la tendance qu’avaient de nombreux musiciens âgés à « entendre » la
musique un demi-ton plus haut qu’elle n’était jouée. On a voulu à l’époque y voir un
phénomène physiologique (baptisé « métacousie ») dont aucune expérience scientifique ne
semble à notre connaissance avoir confirmé l’existence dans les faits. Tout porte à penser qu’en
fait, ces musiciens ayant entamé leur carrière entre les deux guerres avaient habitué leur oreille à
un diapason plus bas, et se sont trouvés légèrement déroutés après 1945, quand le diapason
remonta à 440 Hz et au delà.

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On nous dira que la différence auditive est relativement faible, mais il semble qu’il existe dans
l’ouïe des changements de registres qui font qu’une différence d’une fraction de demi-ton suffit,
si l’on franchit la limite entre les deux registres d’audition, à entendre une différence d’un demi-
ton. Une analogie permet de mieux comprendre ce phénomène : lorsque l’on regarde un arc-
en-ciel, on ne voit pas un passage continu du rouge à l’orange, ou du vert au bleu, mais sept
couleurs nettement séparées les unes des autres par des lignes de démarcation précises. Si l’on
se trouve près d’une ligne de séparation, par exemple entre le vert et le bleu, il suffit d’une légère
modification de la fréquence, bien inférieure à la largeur de la bande de fréquence
correspondant à une couleur, pour percevoir un changement de couleur. C’est pour cela que
l’on a coutume de dire qu’un écart objectif d’un comma (entre cinq et six savarts) peut
parfaitement, à proximité d’un changement de registre (ou de couleur), se traduire par une
différence subjective de perception d’un demi-ton (25 savarts).

A côté de cette explication naturelle d’un phénomène qui paraît en fait simple, il y a bien sûr
d’innombrables sources écrites datant de l’époque qui paraissent dans leur immense majorité
confirmer l’utilisation entre les deux guerres du diapason à 435 Hz... et même souvent plus bas !
Nous n’en citerons pour exemple que l’article consacré au diapason du Grand Larousse du
Vingtième siècle :

En 1859, une commission internationale décida que le diapason normal


devait fournir 870 vibrations à la seconde, la température étant de 15
degrés. Ce nombre de vibrations correspond au la normal. Les musiciens
adoptent en général un diapason plus grave (864 vibrations à la seconde).

Nous avons repris ce texte de l’édition de 1929 du Larousse, et les éditions ultérieures
(notamment 1933) l’ont conservé tel quel, ce qui semble bien indiquer que personne n’a alors
trouvé l’affirmation incongrue. Il semble donc bien qu’en France du moins, la valeur retenue était
jusqu’à la Seconde guerre mondiale de 435 Hz. C’est d’ailleurs la seule valeur qui soit officielle
encore à ce jour, puisque l’arrêté pris par Fould en 1859 n’a jamais été abrogé.

Le diapason de Goebbels  

C’est Radio-Berlin qui, en 1938-1939, organisa une conspiration délibérée pour hausser le
diapason. Or, comme chacun sait, Radio-Berlin était à l’époque le principal instrument de
propagande du Dr Joseph Goebbels, et était entièrement sous la coupe des nazis.

Le musicien et compositeur français Robert Dussaut, théoricien de la musique et, comme nous
le verrons, un fervent défenseur du la à 432 Hz, écrivait en 1950 :

Dès septembre 1938 (au moment de Munich !), le Dr Grutmacher et le


comité acoustique de la radio de Berlin ont demandé à l’Association
britannique de normalisation d’organiser un congrès, à Londres pour faire
adopter internationalement le diapason allemand à 440 périodes.
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Effectivement, ce congrès a eu lieu à Londres, très peu de temps avant la


guerre, en mai-juin 1939. Aucun compositeur français n’y a été invité. La
décision de hausser le diapason a donc été prise à l’insu des musiciens
français et contre leur désir.

En parlant du « diapason allemand », Dussaut commet nous semble-t-il une légère


inexactitude : il s’agit en fait du diapason de la Radio allemande. Quoi qu’il en soit, une chose
reste sûre : les responsables de Radio Berlin n’eussent jamais pu être nommés à leurs postes
sans au moins l’assentiment de Goebbels.

Mais il y a plus. Non seulement, comme le dit Dussaut, aucun musicien français n’avait été invité,
mais René Dumesnil rapporte (dans Le Monde du 30 septembre 1965) que les organisateurs du
Congrès de Londres (c’est-à-dire, en particulier, Radio Berlin) « n’avaient point invité ceux que
l’on savait devoir s’opposer aux résolutions préméditées de hausser le diapason à 440
périodes ». Autrement dit, nous sommes ici en présence d’une conspiration délibérée visant à
faire adopter une mesure injustifiable en n’invitant que ceux qui l’accepteraient !

Dans ces conditions, l’affirmation selon laquelle le Congrès de Londres s’est contenté
d’entériner une situation de fait paraît être au mieux une vue de l’esprit.

La guerre ayant éclaté peu après, cette première hausse du diapason ne fut pas officiellement
confirmée. Aussi, un nouveau congrès, sous les auspices de l’Organisation internationale de
standardisation (ISO), eut lieu à Londres en octobre 1953. Une nouvelle fois, les invités furent
triés sur le volet pour éviter toute opposition au la à 440 Hz. En France, de nombreux musiciens
se mobilisèrent contre cette nouvelle machination. Robert Dussaut et son ami Claude
Delvincourt, alors directeur du Conservatoire, avaient organisé un référendum parmi les
musiciens français, et une vaste majorité d’entre eux soutinrent le projet de Dussaut de revenir à
un la à 432 Hz. Delvincourt, Henri Busser et Jaujart écrivirent à Londres en ce sens, mais leur
appel resta lettre morte.

La raison essentielle pour laquelle le la à 410 fut adopté alors est que les facteurs d’instruments
(en particulier d’instruments à vent) voulaient pouvoir exporter aux Etats-Unis, où l’influence du
jazz avait fait monter le diapason à 440 Hz et bien au-delà (à 445 et même 447 dans les
orchestres classiques, et jusqu’à 470 dans les formations de jazz). Dussaut avait pourtant
protesté dès le 9 avril 1950 :

Mes contradicteurs m’ont répondu que les Américains veulent que le


diapason soit à 440 périodes, à cause du jazz, et que nous devons
demeurer en conformité avec eux. Il m’a paru choquant que nos
musiciens d’orchestre et nos chanteurs fussent ainsi sous la dépendance
des joueurs de jazz d’outre-Atlantique. (... ) Les considérations
commerciales priment. Les artistes ne peuvent qu’abdiquer.

Dans un article du Monde, paru le 28 juin 1966, Dumesnil rappelait :

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Quand les facteurs d’instruments ont haussé le diapason pour satisfaire


les musiciens de jazz, ils auraient dû consulter les compositeurs, les
chanteurs, ce qu’ils se sont bien gardé de faire. (... ) Ce n’est pas l’un des
moindres méfaits commis par l’invasion du jazz.

Dussaut et le la à 432  

A l’époque du deuxième congrès de Londres, Dussaut faisait campagne depuis plusieurs années
en faveur d’un abaissement du la du diapason à 432. Henri Busser, membre de l’Académie des
beaux-arts, et Joseph Magrou avaient présenté le 19 juin 1950 une communication de Robert
Dussaut, intitulée Acoustique musicale – proposition d’un nouveau son fixe : sol3= fréquence
384. D’où La3=432. Après avoir constaté l’abandon du diapason normal à 435 Hz et la hausse
adoptée au premier congrès de Londres, en mai 1939, Dussaut remarque :

Les musiciens français, en général, se plaignent du diapason à 440 p/s, le


trouvant exagérément élevé. Avec ce diapason, les œuvres vocales et
chorales sont devenues presque impossibles à interpréter dans le ton
original. Il faudrait transposer la plupart de ces œuvres (... ). Il apparaît qu’il
devient nécessaire de demander l’abaissement du diapason, par un
nouveau décret officiel, celui de 1859 étant devenu caduc.

La solution idéale serait que les musiciens et les physiciens eussent la


même échelle musicale, c’est-à-dire celle de Sauveur, fixant à l’Ut3 et l’Ut4
les fréquences 256 et 512, Malheureusement, dans la pratique musicale, la
note Ut ne peut servir de diapason, parce que les violonistes ne peuvent
s’accorder que sur des cordes à vide ; or le violon n’a point de corde Ut. Le
son fixe ne doit donc être que La, Ré ou Sol, ces trois notes correspondant
aux notes des cordes du violon, de l’alto, etc. Depuis longtemps, les
musiciens ont adopté La3 comme diapason. Ce choix a été
malencontreux, car Ut devient alors très variable : la tierce mineure de La
à Ut diffère selon qu’il s’agit du système de Pythagore, du tempérament,
ou du système de Zarlino.

Il propose donc de prendre sol à 384 comme diapason, ce qui permet de ré-obtenir la même
valeur de l’ut à 256 (ou 512) « à la fois dans le système de Zarlino et dans celui de Pythagore. (... )
Non seulement Ut serait plus stable, mais le La3 =432 également, puisque le ton 9/8 est le
même dans ces deux systèmes. »

Il ajoute :

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Les nombres 384 et 432 ont l’avantage ’de n’avoir d’autres facteurs
premiers que 2 et 3. Ils sont plus logiques et d’un emploi plus pratique que
435 (... ). Le La serait 8 savarts plus bas que le diapason actuel à 440 p/s,
soit environ 1/6 de ton. Tel est le diapason demandé par les musiciens.

En résumé, les musiciens français ne souhaitent pas seulement que le


diapason soit abaissé, mais aussi qu’il soit fixé définitivement et ne
variatur. (... ) Ayant une base logique, la convention du son fixe 384 aurait
plus de chance de demeurer stable et de devenir internationale.

Par référendum, de nombreux musiciens français ont accepté que le La3


soit ramené à la fréquence 432. ( ... ) Il serait souhaitable que les musiciens
et les physiciens adoptassent la même échelle musicale.

Quinze jours après cette présentation, le 3 juillet 1950, les membres de l’Académie des
sciences ont approuvé sa proposition. A la suite d’un rapport de la Commission du diapason
présidée par M. Esclangon, et considérant que le diapason à 440 périodes « a non seulement
pour effet de dénaturer les œuvres interprétées, mais est aussi très préjudiciable aux voix des
chanteurs », l’Académie a adopté à l’unanimité le vœu suivant :

Conjointement avec l’Académie des Beaux-Arts, l’Académie des Sciences


adresse à M. le Ministre de l’Éducation Nationale le vœu qu’un nouveau
décret, annulant celui du 16 février 1859, puisse être pris, stipulant que :
« L’accord des instruments de musique et des voix devra être fixé, en
France, suivant la note La3 de fréquence 432 vibrations doubles par
seconde. »

Cette recommandation était signée par les secrétaires perpétuels de l’Académie des
sciences, les Prs Robert Courrier et Louis de Broglie.

Nouvelles bagarres contre le la à 440  

Dussaut rapporte ailleurs que le référendum dont il parle avait touché, directement ou
indirectement, quelque 23 000 musiciens professionnels, et qu’une très large majorité s’était
dégagée en faveur de sa proposition du la à 432 Hz. Il était naturel que la décision du deuxième
congrès de Londres suscite bien des oppositions.

Claude Delvincourt, directeur du Conservatoire national de musique, déclara en 1953, dans la


dernière interview qu’il ait accordée avant de trouver la mort dans un accident de voiture [5] :

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10/17/2019 Lorsque le diapason de Verdi donnait le la

Si vous achetez 1 m de ruban, on ne vous en donnera pas 90 cm !...

Le diapason est une mesure au même titre que le mètre. Cette mesure
n’aurait jamais dû varier. Le diapason à 440 pérs/s est déjà trop haut. Lui
donner une consécration officielle est dangereux : c’est créer un
précédent.

Les œuvres de Rameau, Lully, Bach deviennent inchantables avec le


diapason actuel (pensez à ce que donne maintenant le final de la
Neuvième Symphonie !) Il faut changer les couleurs des voix voulues par
les compositeurs classiques.

Au même moment, Pierre Le Roy, chef des émissions culturelles à la télévision française,
s’insurgeait :

Un ré est une note qui me procure une sensation différente de celle d’un
sol ou d’un si, non par sa hauteur dans la gamme, mais, si j’ose dire, par sa
valeur intrinsèque, par sa couleur.

De même que l’œil distingue l’orangé du jaune et perçoit une sensation


aimable ou fâcheuse, de même les sons touchent notre sensibilité en
fonction des fréquences.

Élever le diapason, c’est donner aux sons que nous entendons une autre
couleur, c’est dénaturer l’œuvre du compositeur, c’est, pour continuer la
comparaison, changer les couleurs d’un Delacroix en reproduisant en
jaune les orangés et les verts en bleus.
Que devient le tableau ?

Toujours au moment du Congrès de Londres, Jean Farger, ancien président de l’Institut


international du son, regrette que l’on « tue la musique dans l’âme de nos enfants », reprend les
arguments de Robert Dussaut et ajoute :

Le professeur Le Mée, de l’hôpital Necker-Enfants Malades, qui vient de


mourir et qui était une sommité de la physiologie de l’audition, se faisait
l’interprète des chanteurs et soutint la proposition de Robert Dussaut. Le
maître Charles Koechlin et le savant Jean Becquerel agirent de la même
façon. Le célèbre professeur Bouasse, de sa retraite toulousaine, nous fit
parvenir une très intéressante étude. Des démarches furent faites auprès

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de l’UNESCO. L’ingénieur P.-J. Richard, acousticien réputé, et M. Gabriel


d’Alençon, chargé de recherches scientifiques, agirent dans leurs milieux,
tandis qu’une pétition signée du directeur et des professeurs du
Conservatoire national de musique de Paris, des chefs d’orchestre (... )
était remise au gouvernement. De son côté, le maître Henri Busser
intervenait à l’Académie des Beaux-Arts. On remua ciel et terre et, malgré
les efforts de tous, la France a signé l’accord de Londres d’octobre 1953.

Années soixante : le débat rebondit  

Tous ces musiciens qui s’étaient mobilisés en faveur du diapason à 432 Hz avaient donc échoué.
Mais si cette bataille fut perdue, la guerre ne pouvait que reprendre. Dans la livraison d’août-
septembre 1965 du Journal de la Confédération musicale de France, André Petiot, président de
la CMF, écrivait :

J’ai déploré avec beaucoup d’autres musiciens – notamment avec


l’éminent maître Marcel Dupré – cette véritable psychose de hausse qui,
dans nos orchestres, ne cesse d’élever le niveau de notre la d’accord.
Personnellement je me suis toujours fort bien accommodé de l’ancien
diapason officiel qui (... ) avait imposé chez nous le la3 de 435 vibrations
doubles par seconde. Ce diapason, quoiqu’en puissent dire certains de
nos modernes princes de l’archet, n’était pas si ridiculement bas. (... ) Il
suffit d’ailleurs de citer les noms d’un Ysaye, d’un Capet, d’un Thibaud,
d’un Casals, d’un Kreisler, d’un Enesco – pour nous limiter à quelques
grands noms – pour démontrer qu’en ce temps-là les instruments à
cordes n’ont nullement été handicapés en se soumettant au diapason 435.

Le 30 septembre 1965, René Dumesnil reprenait les arguments d’André Petiot dans un article
du Monde qu’il concluait :

[N’oublions pas] que s’il suffit de tourner une cheville pour accorder un
violon, les cordes vocales ne se manœuvrent pas aussi facilement, et que
leur surmenage peut mettre brutalement fin à la carrière d’un excellent
artiste.

Près d’un an plus tard, dans un article intitulé « Deux périls menaçants : la hausse du
diapason et l’accélération du tempo » et publié dans Le Monde (du 28 juin 1966), le même
Dumesnil écrivait :

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Quelque admiration que Mozart pût ressentir pour sa belle-sœur, Aloysua


Weber, devenue Mme Lang, pour la qualité de sa voix, l’agilité de ses
vocalises, il n’aurait pas écrit dans la tessiture qu’il a choisie l’allegro assai
de la Reine de la Nuit (... ) dont les trentième et trente-et-unième mesures
offrent les pires difficultés, car elles exigent que la voix s’élève jusqu’au
contre-fa. (... ) Les soprani capables de chanter les airs de la Reine de la
Nuit avec le diapason actuel sont, on peut le dire, des oiseaux fort rares.

D’ailleurs le danger est double : ce n’est pas seulement l’interprète qui s’y
trouve exposée : c’est le théâtre lyrique qui en souffre.

(... ) Il devient de plus en plus difficile de maintenir au répertoire des


chefs-d’œuvre de cette sorte. D’autre part, comment constituer des
troupes permanentes et bien homogènes, comme doivent l’être de
véritables troupes, quand on est obligé de faire appel à des ’spécialistes’
pour l’interprétation des rôles de premier plan ? Oui, la hausse du
diapason est un véritable fléau.

A la même époque, le bimestriel Musique et instruments consacra de nombreux articles et


points de vue sur cette question. En particulier dans son numéro 5 (mai/juin 1965), une enquête
d’une dizaine de pages rassemblait les opinions de grands facteurs d’instruments (Ets. Buffet
Crampon, Georges Selmer, Robert de Gourdon, Chardon’s, CLAER, Leblaric, Etienne Vatelot,
etc.),. ainsi que d’artistes et de spécialistes. Le célèbre luthier Etienne Vatelot, qui a signé
récemment un article dans Le Figaro critiquant la position de ses confrères italiens sur les risques
que fait courir le diapason trop haut aux instruments anciens des maîtres de Crémone, défendait
alors une opinion fort différente :

Les instruments construits au dix-septième et dix-huitième siècle et


même au dix-neuvième siècle subissent, quelquefois avec une certaine
peine, les efforts incessants qui leur sont demandés. Certaines tables, plus
minces ou plus fragiles que d’autres, s’affaissent sous le poids du chevalet
et se déforment en attendant de s’effondrer complètement. Verra-t-on,
par une stupide décision, l’agonie des merveilleux instruments qui sont le
rêve de chaque musicien ?

Il parle ici d’une nouvelle hausse par rapport au 440 Hz, et affirme aujourd’hui que le
diapason élevé ne pose aucun problème pour autant que l’on ne dépasse pas 441 ou 442 Hz.
Mais justement, c’est en officialisant le diapason à 440 Hz que l’on a ouvert la course à l’abîme
vers 450 Hz et au-delà. Par ailleurs, les travaux de Savart ayant montré un maximum de
résonnance des violons de Stradivarius à 256 Hz, ne serait-il pas justifié d’utiliser ces merveilleux
instruments au diapason pour lequel l’artiste de Crémone les avait construits ?

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Marcel Dupré, organiste et titulaire des orgues de Saint-Sulpice, ne mâchait pas ses mots :

Je suis absolument opposé à la hausse du diapason. Les constructeurs


d’instruments à vent s’en plaignent amèrement. Ceux qui préconisent
cette folie n’ont donc pas pensé que la voix humaine ne change pas. Que
devient donc la musique vocale ?

Marcel Dupré regrettait amèrement d’avoir dû faire modifier les orgues de Saint-Sulpice
(raccourcissement des tuyaux) pour satisfaire les violonistes et violoncellistes réclamant un
diapason plus élevé, alors que le diapason à 435 « donnait toute satisfaction aux chanteurs ainsi
qu’à lui-même ».

Manuel Rosenthal est tout aussi vif : « Je suis contre toute nouvelle hausse du diapason, jugeant
l’actuel bien trop élevé ! »

Dans son ouvrage intitulé Le Son (Coll. Que sais-je, PUF), Jean-Jacques Matras, écrit :

Malheureusement, une conférence internationale réunie à Londres en


1953 décida d’élever la valeur officielle du la3 et de la fixer à 440 Hz. On ne
peut féliciter ceux qui se sont associés à cette regrettable entreprise.

Dans son numéro de mars-avril 1968, Musique et Instruments livre l’anecdote suivante à la
réflexion de ses lecteurs :

Un professeur de chant (Scala de Milan) eut l’idée de faire accorder un de


ses pianos d’après le diapason de l’époque de Monteverdi. Devant
quelques musiciens rassemblés, ce maestro fit interpréter le Lamento
d’Ariane par une de ses élèves accompagnée sur ce piano. Tout de suite
après, le même Lamento fut chanté et donc accompagné sur un piano au
diapason d’aujourd’hui.

L’expérience fut plus que concluante. Un monde de différence. La


première version donna l’impression de grandiose, de largeur, de souffle,
l’autre version était rapetissée, étriquée, un peu riquiqui. Cette impression
restera extraordinaire chez tous les musiciens présents. Et disons que
devant la beauté, les arguments sont sans valeur.

Voilà qui devrait donner matière à réfléchir aux interprètes qui croient obtenir plus de
brillance ou d’éclat en serrant toujours un peu plus la cheville de leur cordes.

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Cette longue bataille que nous venons de retracer reprend aujourd’hui, sous l’impulsion de
l’Institut Schiller, et avec le soutien de très nombreux musiciens et chanteurs professionnels
venant de nombreux pays. Un Placido Domingo a même menacé de faire la grève ! Les
conditions du succès n’ont peut-être jamais été aussi bien réunies, la victoire jamais aussi
proche. Alors, mobilisons nous une bonne fois, pour sauver la grande musique classique et
retrouver des voix capables d’interpréter les chefs d’œuvre du répertoire.

Pour approfondir :

[1]  On considérait à l’époque que le trajet aller-et-retour d’un corps vibratoire représentait deux vibrations
« simples », alors que l’on n’y voit aujourd’hui qu’une « oscillation complète » ou « période ». Dans la plupart des
oscillations complexes (par exemple la vibration d’une anche sous l’influence d’un vent ou d’une corde sous celle
d’un archet), la seconde demi-période n’est pas symétriquement équivalente à la première comme dans le cas
d’un mouvement pendulaire simple. Aussi la notation moderne en périodes par seconde ou hertz est-elle jugée
scientifiquement plus juste que « vibrations simples » employées au siècle dernier.

[2]  Le
savart est l’unité de mesure la plus pratique d’un intervalle musical. La valeur en savarts d’un intervalle est
égale à mille fois le logarithme décimal du rapport des deux fréquences considérées. A très peu près, le demi-ton
vaut 25 savarts, et l’octave 300. Il permet l’addition ou la soustraction simples de deux intervalles consécutifs : par
exemple, l’intervalle entre ut et ré étant de 50 savarts, et celui entre ré et mi bémol de 25 savarts (dans le
tempérament égal), celui de la tierce mineure ut et mi bémol est simplement égal à 75 savarts. Il se trouve qu’il
présente une facilité de calcul supplémentaire intéressante dans la discussion qui nous occupe : aux alentours de
432 Hz, une différence d’un hertz se traduit avec une très bonne précision par un intervalle d’un savart.

[3]  Alexander
Ellis, On the History of Musical Pitch, mémoire lu le 3 mars 1880 devant la «  Society or Arts  » de
Londres. Cet essai souvent jugé monumental sur le diapason reste fortement sujet à caution sur bien des points,
mais apporte des précisions intéressantes.

[4] Emile Leipp & Michele Castellengo, Du diapason et de sa relativité, publié dans La revue musicale, Numéro 294
(1977)  ; voir aussi de nombreux textes de Leipp publiés dans le bulletin du «  Groupe d’acoustique musicale  »,
notamment celui consacré à la cloche-diapason du conservatoire.

[5] Cette
interview de Delvincourt et les deux textes cités juste ensuite (P. Le Roy et J. Farger) ont été publiés dans
Science et Vie, novembre 1953.

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