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PARTICULES N° 24 — AVRIL / MAI 2009

VIDÉO /  
MARIE VOIGNIER :
ANGLES MORTS

Symptomatique de la reconfiguration des rap- périphérie du système de l’art tout en étant tra- cède la place à un exercice fastidieux, elle se qui se négocie autour d’un vide qu’elle essaie
ports entre l’objet esthétique et son système versés, sur un mode centrifuge et biaisé, par trouve dépossédée de son propre discours ; désespérément de combler. Ici, les mouve-
d’encadrement, le rapprochement désormais des questions proprement esthétiques, qu’il ayant mis prématurément fin à l’enregistre- ments de caméra découvrent une chorégraphie
consommé, opéré les vingt dernières années s’agisse de la définition de l’« hyper-esthétisa- ment, elle est remplacée par une autre actrice à laquelle ils ne sauraient eux-mêmes échapper,
entre le cinéma, la vidéo et l’art contemporain tion » et de l’« œuvre d’art totale » donnée par avant que celle-ci ne disparaisse aussi de l’observateur et l’acteur s’échangent les rôles
n’est pas pour autant un simple effet de la per- tel chef d’entreprise ou de l’indistinction bau- l’écran. L’interview filmée, soumise à des pro- d’autant plus facilement que leur familiarité
méabilité des lieux d’exposition et réseaux de drillardienne du virtuel et du réel prêchée par tel cédés sériels et répétitifs analogues à ceux qui avec ce théâtre tend à le rendre naturel. Chez
diffusion des produits culturels. Il devient opé- autre. À l’aune de l’« esthétique d’entreprise », sont à l’origine de la rationalisation, du morcel- Voignier il ne s’agit pas tellement de réhabili-
ratoire à partir du moment où des questionne- Voignier ne brouille les frontières entre réalité lement et de la spécialisation du corps dans la ter une réalité transparente ou objective contre
ments provenant de sources diverses (cinéma et fiction que pour mieux localiser les angles société de consommation, comme une autre la manipulation de l’industrie de l’information
narratif ou expérimental, film scientifique, morts qui se créent au croisement de systèmes invention de Morel1, enregistre ainsi « les effets mais plutôt de parvenir à discerner comment,
docu-fiction, performance filmée, télé-réalité et de signes et de références relevant de discours de l’image sur l’organisme » (pour paraphraser de nos jours, l’image produit la réalité comme
nous en passons) convergent vers un territoire variés, allant du rationalisme et du pragma- une publicité connue) et le conflit ouvert qui image impossible, image d’un regard qui inscrit
où l’image en mouvement apparaît comme un tisme économiques à l’histoire et à la mémoire l’oppose à son référent. la cécité au cœur du visible.
« mode de penser » plutôt que comme simple collective allemandes et du relevé anthropolo-
objet de réflexion. gique ou sociologique au cinéma et à la culture Cette double insistance sur la réflexivité du
de masse. Angles morts d’un regard qui ne médium et sur la construction publique de
L’œuvre de Marie Voignier se situe précisément cesse de se confronter à son propre caractère sa signification est au centre de Hearing the
dans cet espace, entre une démarche docu- d’acte, n’hésitant pas, au cours du processus, shape of a drum (2010, 17 min.), qui sera pré-
mentaire et une pratique artistique réflexive où à retourner les conventions du documentaire senté à la 6e Biennale d’art contemporain de
l’une sert de prétexte à l’autre, d’une manière contre lui-même. Dans Des trous pour les yeux Berlin. Focalisant cette fois sur un fait divers
qui déconstruit leurs limites respectives tout en et Going for a walk (2007, installation vidéo), la hautement médiatisé (le procès de l’autrichien
évitant de fournir la solution rassurante de leur dimension performative du processus d’enre- Joseph Fritzl), Voignier construit son travail
esthétisation. Car ce qui est constant dans le gistrement, le rapport de pouvoir instauré par autour d’un point aveugle, un défaut de visibi-
travail de Voignier, c’est une incertitude délibé- la caméra et son interaction avec le sujet filmé lité qui advient par saturation communication-
rément cultivée vis-à-vis du statut de l’image ; sont menés à leurs extrêmes conséquences. nelle. Le procès étant à huis clos (acceptation PAR VALLIA ATHANASSOPOULOS
incertitude non seulement entre le documen- Going for a walk consiste en l’interview d’une explicite de l’impossible neutralité de son enre-
taire et l’artistique, mais surtout, en deçà des actrice de voix-off menée sur une période d’un gistrement) l’artiste prend comme sujet le spec- 1 • A. B. Casares, L’invention de Morel, trad. A. Pierhal, Paris, 10/18,
catégories et des genres, comme problémati- an. L’interview retranscrite, l’actrice est appe- tacle de la couverture médiatique lui-même, 1973.
sation des mécanismes de projection et d’iden- lée à la « rejouer » à plusieurs reprises, jusqu’au s’immergeant dans une réciprocité visuelle qui
tification de l’image, instabilité du ton adopté, point de rupture. En donnant accès à l’image renvoie l’image à ses propres conditions de ILLUSTRATION :
glissement perpétuel vers les marges d’un récit à un personnage que l’industrie du spectacle production tout en démontrant les limites et Hearing the shape of a drum, vidéo HDV, 17 min.
construit autour d’une impossibilité, celle d’un a réduit à sa seule voix, l’œuvre ne permet la les contradictions d’une entreprise strictement Production : 6e Biennale d’art contemporain de Berlin
rapport direct et inconditionné au réel. réintégration d’une présence fragmentée que autoréférentielle. et CAC Brétigny, centre d’art contemporain de Brétigny.
Des parcs d’attraction (Western DDR, 2005, pour en faire la base d’une nouvelle désincor- À travers le contraste entre la sur-médiati- Courtesy galerie Marcelle Alix, Paris
10 min., Hinterland, 2009, 49 min.) aux musées poration. Comme l’actrice elle-même le recon- sation de l’événement et la pénurie flagrante
ethnographiques (Des trous pour les yeux, naît, passablement énervée, dans la troisième d’images s’esquisse une critique des mécanis- Agenda :
2009, 12 min., co-réalisé avec Vassilis Salpis- des cinq vidéos qui complètent l’installation, mes de mise en spectacle qui s’adresse en fait Marie Voignier, Effigies, 26.05.–31.07.2010,  
tis) et aux entreprises virtuelles (Les fantômes, « de toute façon, je n’ai aucun contrôle sur mon au regard lui-même comme relation dialectique galerie Marcelle Alix, Paris. 6th Berlin Biennale for Contemporary
2004, 13 min.), les sujets choisis gravitent à la image ». Au fur et à mesure que sa spontanéité entre le voir et l’être vu, construction sociale Art, 11.06. – 08.08.2010, Berlin

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