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et critique littéraire. Cet ouvrage de 366 pages, que


Mediapart a retrouvé, est composé à la fois d’inédits
Affaire Matzneff: un éditeur de Gallimard
des Carnets noirs de l’écrivain, d’entretiens et de
lui aussi dans le viseur de la justice textes d’admirateurs. Il comporte des détails sur les
PAR FABRICE ARFI ET MARINE TURCHI
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 12 FÉVRIER 2020 voyages aux Philippines de Gabriel Matzneff, au cours
desquels celui-ci avait des relations sexuelles avec des
petits garçons mineurs (lire notre article).
Cette enquête judiciaire a été déclenchée par la
publication, le 2 janvier, du livre de Vanessa
Springora, Le Consentement (Grasset), qui décrivait
l’emprise qu’exerçait sur elle Gabriel Matzneff, avec
qui elle a eu des relations sexuelles à l’âge de quatorze
ans.
Christian Giudicelli.
Les éditions Gallimard ont été perquisitionnées Dans ce livre, la directrice des éditions Julliard
ce mercredi. Les enquêteurs, qui recherchent des évoquait aussi les séjours à Manille de l’écrivain.
passages censurés de ses livres, s’interrogent sur Lisant un jour en cachette les « livres interdits » de
l’implication de son éditeur et compagnon de voyage Matzneff à son domicile, elle relate s’être arrêtée
aux Philippines, Christian Giudicelli. « sur un paragraphe en particulier, où en voyage à
Manille, G. [Gabriel Matzneff] se met en quête de
Les éditions Gallimard ont été perquisitionnées pour
“culs frais” », et mentionne des « petits garçons de
la première fois, mercredi 12 février, dans le cadre
onze ou douze ans qu’[il] met ici dans [son] lit ».
de l’enquête ouverte pour « viols commis sur
L’écrivaine évoquait «une orgie de corps de petits
mineur » de moins de quinze ans à l’encontre de
garçons de onze ans », qu’il s’offrait « pour le prix
l’écrivain Gabriel Matzneff, selon nos informations.
d’un billet d’avion vers les Philippines ».
Les policiers de l’Office central pour la répression
des violences aux personnes (OCRVP), chargé des Ces agissements, Matzneff, aujourd’hui âgé de 83 ans,
investigations, mènent cette semaine une opération a dit les « regretter », dans un entretien sur BFMTV,
destinée notamment à mettre la main sur des écrits le 29 janvier : « On peut parfois faire des choses
de Gabriel Matzneff expurgés de ses livres avant sans y penser. Je dois dire qu’à l’époque, personne
parution, et conservés par l’écrivain dans un coffre- ne pensait à la loi. On faisait des choses interdites.
fort. Coffre-fort que les services enquêteurs ont C’était tout à fait regrettable. Un touriste, un étranger,
localisé, d’après nos informations. ne doit pas se comporter comme ça. »
Mardi, les policiers de l’OCRVP ont lancé sur les
réseaux sociaux un appel pour retrouver d’éventuels
« victimes ou témoins ».
Outre l’écrivain, un deuxième personnage est
aujourd’hui dans le viseur des enquêteurs : Christian
Giudicelli, 78 ans. Cet intime de Matzneff, lui-
même romancier, est membre du comité de lecture
Christian Giudicelli, au micro de RCJ, le 11 juin 2019.
de Gallimard et dirige la collection « La fantaisie
Les enquêteurs ont également versé au dossier un autre du voyageur » aux éditions du Rocher, dans laquelle
élément : un livre hommage consacré à l’écrivain – a publié l’écrivain. Contacté par Mediapart, M.
Gabriel Matzneff –, publié en 2010 aux éditions du Giudicelli n'a pas donné suite.
Sandre, sous la direction de Florent Georgesco, éditeur

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Bien introduit dans les milieux intellectuels et La décennie 1980 mentionne une série de voyages
littéraires parisiens, Giudicelli est l’un des dix jurés à Manille « avec Christian Giudicelli » (30 mars-17
du prix Renaudot. À plusieurs reprises, il a poussé la avril 1985 ; 26 avril-26 mai 1986 ; février 1988) :
candidature de Matzneff lors des délibérations, comme
l’a relaté Le Monde. En 2013, son lobbying a payé :
l’écrivain a reçu le Renaudot, catégorie essai, pour son
livre Séraphin, c’est la fin ! Extrait de la chronologie du site internet dédié à
Matzneff (matzneff.com), supprimé fin décembre 2019.
Leur proximité transpire dans les ouvrages de
Giudicelli. Dans Les Spectres joyeux (2019), il se
Extrait de la chronologie du site internet dédié à
définit ainsi comme le « fidèle complice » de Matzneff. Matzneff (matzneff.com), supprimé fin décembre 2019.
Dans un texte intitulé « Gabriel infiniment aimable », Cette chronologie est confirmée par une série
publié dans le livre hommage des éditions du Sandre d’éléments. Notamment deux photographies publiées
(2010), il évoque un « coup de foudre » amical avec dans le livre hommage des éditions du Sandre. Sur
« un homme qui [lui] est si proche depuis environ l’une, on voit Christian Giudicelli aux côtés de
trente-cinq ans ». Il souligne « l’inaltérable complicité Matzneff aux Philippines ; sur l’autre, Matzneff pose,
qui [les] unit » depuis « la fin des années 70, lors d’un avec, à l’arrière-plan, deux petits garçons philippins :
dîner chez Pia Daix, avenue de l’Opéra ».
Gabriel Matzneff a affirmé, mardi, au New York
Times, que son ami Christian Giudicelli avait accepté
de cacher chez lui des lettres et les photos de Vanessa
Springora qui étaient compromettantes pour lui.
Ce n’est pas la complaisance de l’éditeur avec
son écrivain qui intéresse les enquêteurs, mais son
éventuelle complicité. Christian Giudicelli fut aussi, si
ce n’est surtout, le partenaire de voyage de Matzneff
lorsque celui-ci se rendait aux Philippines pour
avoir des relations sexuelles avec des petits garçons
mineurs. Les policiers s’interrogent sur l’implication
de Christian Giudicelli. D’autant que le duo a, au
fil des années, semé des indices dans ses livres et
interviews, que Mediapart a retrouvés.
Sur le site internet dédié à Matzneff (matzneff.com)
– supprimé fin décembre après les premiers
articles chroniquant le livre de Vanessa Springora
Les deux photographies issues du livre hommage à
–, une chronologie détaillée évoque les voyages de Gabriel Matzneff publié aux éditions du Sandre en 2010.
l’écrivain aux Philippines. L’écrivain s’y rend pour la
Gabriel Matzneff, dans un tome de son
première fois le 14 décembre 1978, d’après ce site.
journal consacré à Vanessa Springora (La Prunelle de
mes yeux,1993), mentionne ses « semaines vécues aux
Philippines » avec Christian Giudicelli, au printemps

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1986. Il relate l’un de leurs échanges, le « 13 mai Gabriel Matzneff » en précisant : « Eight o four dans
1986 », dans l’avion Air-France qui quitte Manille certains de mes livres, alors que je suis Eight one one
pour Paris, avec escale à Bangkok : dans les siens. »
Gabriel Matzneff se risque à poser un autre petit
caillou – explicite celui-là – dans la dédicace de son
livre Les Émiles de Gab la Rafale (2010): « Pour
Christian Giudicelli, alias Eight one one ».
Dans leurs écrits ne transparaissent pas seulement des
codes de numéros de chambres. Dans ses Carnets
noirs (2008), Matzneff aborde « ce que l’on appelle
aujourd’hui (en fronçant les sourcils) le “tourisme
sexuel” » qui « est toujours un tourisme de pauvres
types de ratés, de pauvres types », à de « notables
Extrait du livre "La prunelle de mes yeux" (1993). exceptions », souligne-t-il, en citant « Byron »,
Mais Matzneff et Giudicelli ont été plus explicites « Gide », « Montherlant », et surtout « 811 et moi ». Il
encore. Dans leurs livres respectifs, ils se désignent évoque les « galipettes en Orient avec le jeune Nelson
par des numéros – « 804 » pour le premier, « 811 » ou le jeune Lito », avec « 811 ».
pour le second. Un clin d’œil à leurs chambres à l’hôtel On retrouve ce même Lito dans un chapitre entier
Tropicana, à Manille. C’est ce qu’écrit noir sur blanc de La Planète Nemausa, roman de Giudicelli dans
Christian Giudicelli dans un article compilé dans le lequel le narrateur, « un peu plus de la quarantaine »,
même livre hommage : a des relations sexuelles pendant trois semaines, à
• « Nous nous sommes beaucoup promenés. […] Manille, avec ce « jeune Philippin de la middle class »
Au Caire et surtout à Manille où, gagnés par le qui « ne boit que du Coca », étudie au lycée (« high
charme et épris de chaleur, nous sommes retournés school »), et « transpir [e] du front comme les bébés ».
à plusieurs reprises. Durant notre premier séjour, Prudent, il affirme que Lito a 18-20 ans. Le Point avait
à l’hôtel Tropicana, lui habitait la chambre 804 vu dans ce livre un « autoportrait ».
(Eight o four) et moi la 811 (Eight one one) : ainsi,
en bavardant, avons-nous pris l’habitude de nous Dans La Prunelle de mes yeux, Gabriel Matzneff relate
désigner plutôt que par nos prénoms et, lorsqu’il une scène où il sodomise une jeune fille, qui a mal,
s’agit d’évoquer, ici et là, en un court paragraphe, et ajoute : « Je me suis aussitôt retiré du “sentier
de menues coquineries et fredaines dont nous ne des épices” (ça, c’est une anecdote de Giudicelli, un
nous sentons guère coupables, mon cher Eight o four private joke) ».
prend soin de dissimuler son cher Christian sous
l’aile protectrice d’Eight one one : un tour de passe-
passe qui n’abuse plus depuis longtemps ses fidèles
lecteurs.»
Ces codes émaillent leurs ouvrages. Dans Station
balnéaire (1986) – roman de Giudicelli où l’on
retrouve un écrivain quadragénaire ayant des relations Extrait du livre "La prunelle de mes yeux"
(1993). Nous avons masqué le nom de la jeune femme.
sexuelles avec un Portugais de 18 ans qui se prostitue
–, le héros séjourne dans une chambre d’hôtel « 811 », Dans un entretien paru dans l’hebdomadaire
« Eight one one », sur la Côte d’Azur. Dans La Planète Belgique no1 (10 mai 1990), Matzneff revient sur ses
Nemausa (2016), Giudicelli mentionne son « cher relations avec des filles de 14, 15, 16 ans (dont Vanessa

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Springora), et il exprime son attirance pour l’Asie, en demain, je vous ferai passer des tests plus approfondis.
particulier la Thaïlande et les Philippines. Il présente Je vous raccompagne. Acceptez mon mouchoir, vous
son journal comme « du vécu à l’état brut et pur ». avez du sang sur la jambe. »
« Je suis naturel, je ne peux truquer mon journal »,
dit-il. Le journaliste, Skender Sherifi, ironise sur cet
écrivain « pervers » qui « collectionne mineurs et
mineures, qui se tape les Philippines ». Dans Un galop
d’enfer (1985), l'un des tomes de son journal, Matzneff
est on ne peut plus explicite :
• « Journée délicieuse, entièrement consacrée à
l’amour, entre ma nouvelle passion, Esteban, beau
et chaud comme un fruit mûr, douze ans, le petit
que j’appelle Mickey Mouse, onze ans et quelques
autres, dont un huit ans. (…) Il m’arrive d’avoir
jusqu’à quatre gamins – âgés de 8 à 14 ans –
dans mon lit en même temps, et de me livrer avec
eux aux ébats les plus exquis, tandis qu’à la porte
d’autres gosses, impatients de se joindre à nous ou
de prendre la place de leurs camarades, font “toc-
Christian Giudicelli, recevant le prix Cazes en
toc”. » 2010 pour son roman Le square de la couronne.

Dans Une leçon particulière, premier roman de Matzneff et Giudicelli ont conscience que ces actes
Christian Giudicelli (1968), le narrateur évoque quant sont répréhensibles. Dans un entretien au site Biffures,
à lui ses jeunes maîtresses en ces termes : « À moi en juin 2008 – qui figure lui aussi dans le livre
les filles. Dès quatorze ans elles m’intéressent et hommage –, Gabriel Matzneff évoque en effet « le
jusqu’à vingt-trois. Déflorer les vierges, j’adorerai risque de poursuites judiciaires ». Dans cette même
ça. [...] Déchirer la jupe courte, ouvrir les cuisses. interview, l’écrivain déclare qu’« en 2001 » il a été
Mordre. Les yeux révulsés. Le cri. Satisfaire mon goût « pour la première fois [...] censuré pour un volume de
du saccage. Plus je détruirai, plus je serai fort. ». [son] journal, Les Soleils révolus, chez Gallimard ». Il
Quelques pages plus loin, il explique qu’« il serait dit avoir, sur « les conseils de prudence » de Philippe
bon de se disloquer sur les seins durs de Virginie. Il Sollers et Christian Giudicelli, qui « avaient lu le
en coulerait du lait qui se mêlerait au sang. Avant de manuscrit », « décidé de couper certains passages
mourir, avoir la force de lui faire l’amour. Cette chair que le nouvel ordre moral aurait jugés spécialement
calme attend le saccage ». scandaleux ».
Il décrit aussi une relation sexuelle avec une jeune Que contenaient ces passages ? « Le genre de
fille. « Oh, monsieur, apprenez-moi le latin. Mais passages que Montherlant a détruits lorsqu’il a jeté
avec plaisir, mon enfant. [...] Descendez vos prunelles son journal intime à la Seine… », répond Matzneff à la
bleues jusqu’à mon bas-ventre. Impressionnant n’est- journaliste, ajoutant que leur publication entraînerait
ce pas ? Oh, monsieur, monsieur, j’appelle maman. « un tollé », « l’indignation des bien-pensants »
Mater. Mater. Dolorosa [Mère de douleur – ndlr]. et potentiellement une action judiciaire. Ces pages
Ouïe. Aïe. Pour un début ce n’est pas mal. [...] Venez cachaient-elles d'éventuels complices?

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L'écrivain révèle en tout cas n’avoir pas détruit ces fasse état de faits réels concernant des personnes
« pages censurées » : « Elles sont en sécurité dans vivantes », tout en soulignant qu’il s’opposait à toute
un coffre de banque et seront publiées dès que les forme de censure. « Ce n'est ni une maison ni un
conditions atmosphériques le permettront. » C’est ce milieu qui est ici en cause, s'est-il défendu, mais bien
coffre-fort qu’ont localisé les enquêteurs. le fonctionnement d'une société tout entière, dont nous
Contacté par Mediapart, Antoine Gallimard n'a sommes. »
pas répondu à nos questions. Début janvier, après Boite noire
avoir décidé d’arrêter de commercialiser le Journal de Sollicités par Mediapart, Antoine Gallimard et
Matzneff qu’il publiait depuis trente ans, le patron de Philippe Sollers n’ont pas répondu. Joint, Christian
la maison d’édition avait affirmé, dans un entretien au Giudicelli nous a expliqué être en rendez-vous, puis,
JDD, qu’il avait « toujours été gêné que le Journal relancé, il n’a plus répondu.

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