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« COMMENT DÉVELOPPER LA CAPACITÉ DE TRANSFORMATION

D’UNE ORGANISATION ? »
Soufyane Frimousse et Jean-Marie Peretti

I.M.C.F | « Question(s) de management »

2018/2 n° 21 | pages 157 à 180


ISSN 2262-7030
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« Comment développer
la capacité de transformation
d'une organisation ? »
Soufyane FRIMOUSSE,
Jean-Marie PERETTI

La capacité de transformation, entendue comme la capacité qu’ont les personnes, les groupes internes
et les parties prenantes de modifier leurs cadres et modèles mentaux de référence, constitue une capa-
cité organisationnelle clé. Selon Autissier, Guillard et Moutot (2010)1, elle est une composante majeure
du capital humain de l’organisation. Développer la capacité de transformation est une question à fort
enjeu pour les chercheurs en sciences de gestion et pour les dirigeants. C’est pourquoi dirigeants et

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enseignants-chercheurs ont été sollicités dans le cadre de la traditionnelle rubrique « regards croisés »,
pour répondre à la question : « Comment développer la capacité de transformation d’une organisa-
tion ? »
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François ACQUATELLA, Hélène BEAUGRAND, Jean-Christophe BEJANNIN, Laurent BIBARD, Mireille


BLAESS, André BOYER, Luc BOYER, Patrick DAMBRON, Richard DELAYE, Séverine DIEUZE, Yves
ENREGLE, Jean-Marie ESTEVE, Malick FAYE, Corinne FORASACCO, Anne Marie FRAY, Christelle GE-
RARDOT, Baï Judith M. GLIDJA, Laurence HIRBEC, Jacques IGALENS, Michel JONQUIERES, Sabine
KHALIL, Assya KHIAT, Hubert LANDIER, Jean-Pierre LE CAM, Jocelyne LOOS BAROIN, Mouloud MA-
DOUM, Claire MARTIN, Gérard MATENCIO, Xavier MOULINS, Jean-François NGOK EVINA, Emmanuel
OKAMBA, Philippe PACHE, André PERRET, Frédéric PETITBON, Patrick PLEIN, Patrick PLUEN, Philippe
POZZO di BORGO, Frédéric ROUSSEAU, Delphine VAN HOOREBEKE et Benjamine VO VINH MARE-
CHAL ont accepté de répondre et de confronter leurs regards.
La capacité à se transformer joue un rôle central dans la réussite d’un processus de changement.
Les comportements valorisés par l’organisation dans un contexte dynamique sont le développement
de nouvelles compétences, la créativité, le savoir interagir avec autrui et l’adaptation à de nouveaux
contextes. Ces comportements agiles sont considérés comme cruciaux dans l’atteinte des objectifs
organisationnels. L’agilité s’insère dans des dynamiques d’apprenance. Il s’agit d’apprendre le change-
ment permanent. La question se pose alors de savoir comment créer cette ouverture à la transforma-
tion.
Devenir une organisation apprenante semble la stratégie la plus efficace. Etre une organisation appre-
nante consiste à développer sa capacité à se structurer de manière à permettre une professionnalisa-
tion collective au service de la professionnalisation de son activité. Dans cette perspective, les notions
de confiance, responsabilisation, accompagnement au développement professionnel des collaborateurs,
réflexion sur les problèmes rencontrés dans le travail, droit à l’erreur, valorisation et reconnaissance,
prise d’initiative, autonomie... sont valorisés et développés. Dans une organisation apprenante, tous les
membres apprennent les uns des autres. Les apprentissages des uns favorisant ceux des autres. Les

1 Autissier, D., Guillard, A. & Moutot, J. (2010). La capacité de transformation comme composante du capital humain : une
étude exploratoire dans un groupe coté. Management & Avenir, 31,(1), 95-117.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 157


REGARDS CROISÉS

individus comme le collectif sont invités à apprendre à apprendre. Apprendre plus vite que la concur-
rence, c’est la seule façon de demeurer compétitif et de se transformer. « Learn or die ». L’essentiel
est de créer les conditions pour que chacun apprenne. La question n’est plus de savoir quoi apprendre,
mais comment susciter une dynamique d’apprentissage et de transformation.
Les 40 experts – enseignants-chercheurs, dirigeants d’entreprise, DRH, directeurs des affaires sociales,
experts en relations sociales et consultants RH – qui ont accepté de répondre à la question posée,
apportent des éclairages complémentaires et nous proposent des pistes intéressantes pour relever ces
défis.

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158 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Transformation digitale : les RH votent pour le MOOC
François ACQUATELLA, Telecom-Paristech
La transformation numérique porte un nouvel idéal de production, de conception, d’organisation du
travail, définissant ainsi une nouvelle intelligence économique que l’organisation doit intégrer pour
demeurer compétitive. Il devient nécessaire pour toute organisation de développer ses capacités de
transition numérique. La reconfiguration des compétences organisationnelles par le biais d’un arte-
fact socio technologique de formation semble stratégique. Le modèle d’apprentissage collaboratif
porté par le MOOC est perçu comme « désilotant » l’organisation. Ce dispositif offre un espace
d’interactions plus libres et informelles entre des salariés aux cultures, actions, métiers diversifiés sur
des lieux de travail éloignés. Le MOOC est ainsi perçu comme un artefact permettant des formations
plus coopératives et transversales notamment en raison d’une égalité de statut entre les salariés.
L’usage du MOOC inciterait au développement de nouvelles routines de formation entraînant un par-
tage de valeurs de transversalité, flexibilité, innovation, afférentes au dispositif et susceptibles dans
le temps de faire évoluer l’organisation.

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Transformations : ouvrir les voies individuelles et collectives


Hélène BEAUGRAND, Directrice TCHANCA
Développer la capacité de transformation d’une organisation, c’est développer la capacité des acteurs
qui la composent à identifier et anticiper les changements, à construire ensemble le chemin pour y
parvenir, dans l’objectif de se renouveler collectivement. Mais pour cela, encore faut-il que chaque
individu composant le collectif ait envie de s’engager dans cette voie, y compris lorsque les chan-
gements s’imposent à lui et qu’il semble les subir. Comment le convaincre de s’engager dans la
transformation ? Cette question est d’autant plus prégnante à la lecture de l’étude Gallup de 2017 qui
montre qu’en France, moins de 10 % des actifs sont « engagés » ; ce sont ceux qui se donneraient
à fond pour réaliser leur travail, seraient capables d’innover et chercher à faire avancer l’entreprise. A
contrario près de 70 % des salariés auraient un comportement « désengagé », réalisant le minimum
attendu, exécutant les tâches sans toutefois prendre d’initiative. Développer la capacité de transfor-
mation d’une organisation, pour moi, passe donc par cette problématique d’engagement individuel
au service du collectif et de l’organisation. Pour y répondre, il me semble important de donner du
sens, expliquer le pourquoi du changement, fixer un cap et le partager, stimuler les initiatives collec-
tives, responsabiliser, susciter l’intérêt personnel pour créer l’envie de se transformer. Avec un accent
spécifique sur les managers, qui restent des salariés à part entière et sont en même temps des
acteurs particuliers, piliers de la transformation. L’engagement n’est pas intrinsèque à une fonction ;
l’accompagnement des managers sur leur propre chemin vers la transformation est une clef majeure
de réussite pour favoriser la capacité à co-créer et ouvrir la voie des transformations individuelles et
collectives.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 159


REGARDS CROISÉS

La transformation de l’organisation COVEA


Jean-Christophe BEJANNIN, Méthodes projet & Accompagnement du Changement,
Direction Technologie & SI, COVEA
Développer la capacité de transformation de l’organisation Covéa : – en fonctionnant en mode projet
le plus souvent possible et en intégrant la transformation dans les projets (démarche AQUEDUC,
Amélioration Continue Apprenante…). – en intégrant des démarches souples et agiles dans l’orga-
nisation de nos projets de transformation (SCRUM), – en mettant en place des circuits et lieux pour
« vivre » des transformations (CODEV, CAMPUS, TRACE, LABs…) – en mettant en place trois grands
programmes mobilisateurs, sponsorisés au plus haut niveau de l’entreprise, qui rendent les partici-
pants acteurs de la transformation (Relation Client, Environnement de Travail immobilier, WorkPlace
numérique). – en ouvrant nos chakras face aux transformations en cours « à l’extérieur » (Veille,
Safaris, Webconférences, Expéditions apprenantes…). – en faisant évoluer notre réseau managérial
vers un rôle d’acteur des transformations (formations, démarches RH, objectifs…). – en transformant
progressivement notre modèle d’apprentissage vers l’« Any Time, AnyWhere, Any Device ». Ces
leviers concourent à augmenter la capacité de transformation des collaborateurs, des managers et
donc de Covéa. Pour mesurer cette évolution et l’efficacité de nos dispositifs, nous construisons des
indicateurs et… apprenons en marchant : – Par la mesure du nombre de participants aux expériences
ci-dessus, – Par la cartographie des foyers de « transformers » sur lesquels s’appuyer, – Par des baro-
mètres et mesures de l’implication dans les transformations …

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Pour transformer, reconnaître d’abord !


Laurent BIBARD, Professeur ESSEC Business School
La frénésie contemporaine de changement a plusieurs effets identifiables dont deux particulièrement
saillants : la focalisation sur le changement pour le changement d’un côté, et la transformation du
vocabulaire ensuite. Il est devenu indispensable de parler de transformation, le changement ayant
pris un coup de vieux. Il est indispensable de ne jamais être dupe des modes managériales, et encore
moins de leurs slogans plus ou moins idéologiques (c’est-à-dire irréfléchis). Il est évident que les
entreprises et les organisations ont besoin de savoir changer, se transformer, s’adapter à un monde
qui change lui-même de manière drastique sur certains points. Mais il est tout aussi indispensable
d’observer avec une bienveillante ironie, que dans un contexte où le changement – ou les « trans-
formations » – est et sont devenus la règle, le véritable changement est de s’arrêter de changer.
Ceci, en particulier quand le changement est tellement considéré comme une évidence, qu’il devient
le but et non le moyen d’une durabilité et d’une stratégie sensée des organisations. Pour favoriser
véritablement le changement, ou les possibilités d’une réelle transformation des organisations, il est
indispensable d’observer qu’il n’y a pas de changement sans stabilité minimum, ou de transforma-
tion sans continuité de ce qui se transforme. On peut prendre une métaphore plus que parlante qui
m’avait été dite par un ami qui me voulait du bien, il n’y a pas d’élan sans appui. Jusqu’à nouvel ordre
organisationnel, l’appui solide des organisations consiste en ce qu’elles savent déjà faire. Recon-
naissez les compétences déjà en route dans une organisation, et vous deviendrez capable de tout
transformer sans qu’il y ait de morts, dont les Directions elles-mêmes ! Comment faire cela ? C’est
une autre histoire…

160 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Transformer l’organisation : petit guide pratique
d’alignement comportemental
Mireille BLAESS, Directeur Ressources Humaines et RSE
Partant du fait qu’une organisation est composée d’individus, nous préférons au terme de transfor-
mation la notion d’évolution de comportements partant d’un postulat qui est qu’on ne change pas
fondamentalement les individus mais qu’une évolution des comportements est possible. Pour avoir
travaillé dans des organisations en complète refonte de leur « business model », il convient dans ces
démarches de définir quelles sont les transformations à opérer relatives au métier de l’entreprise et
en évaluer les conséquences dans le management de celle-ci. Cette étape permet de décliner des
comportements clés attendus par chacun des managers de l’organisation qui sont ensuite déclinés
en actions et partagés dans l’ensemble des équipes. Pour faciliter ces évolutions, il nous semble
essentiel de capitaliser sur chacun. Pour cela, s’assurer que chacun renforce sa connaissance de lui-
même, facteur essentiel à une meilleure acceptation du changement. Cela passe par des bilans et de
la formation adaptés à la transformation à mener. Chacun ayant une meilleure connaissance de soi
aborde alors avec sérénité la mise en œuvre de la transformation. Pour créer les conditions de l’évo-
lution, la formation doit reposer sur une philosophie bienveillante par exemple avec des orientations
du type :
• une réflexion personnelle autour des valeurs de l’entreprise ;
• des moments de partage et d’échange entre managers ;
• des messages passés par la direction ;
• un temps de parole libre avec les dirigeants.

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Cela passe par un entrainement comportemental sur des situations concrètes, des apports pratiques
sous forme de fiches outils, des étapes formalisées de suivi de progrès pour chaque collaborateur.
Alors l’organisation pourra évoluer grâce au comportement bienveillant et adapté de chacun !
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La conduite du changement au cœur de l’organisation


André BOYER, Professeur Émérite en Sciences de Gestion, Université Nice Sophia-Antipolis
Toute organisation se trouve confrontée à la nécessité de se transformer, que ce soit pour répondre
aux nouveaux enjeux du marché ou pour mettre en place de nouveaux modes de fonctionnement ma-
nagériaux ou pour utiliser de nouvelles technologies. Or, tout processus de transformation implique
de mettre en avant la capacité de transformation de l’organisation. En effet, toute transformation agit
à la fois sur les structures formelles de l’entreprise, à savoir sur son organisation, ses processus, ses
systèmes, son business model mais aussi sur ses structures informelles que sont ses pratiques pro-
fessionnelles, ses compétences, ses valeurs, son identité qui sont plus difficiles à saisir donc à maî-
triser. Il s’agit donc de mobiliser les différentes dimensions managériales susceptibles d’agir sur les
structures formelles et informelles de l’organisation, sa vision, ses cibles évolutives, ses objectifs
de création de valeur, sa dynamique incarnée par le management et les valeurs d’entreprise. Cette
mobilisation implique de revenir sans cesse aux finalités stratégiques de la transformation, d’identifier
les gains futurs attendus de la transformation, de manager la complexité et de traiter les risques liés
aux projets de transformation. Développer la capacité de transformation de l’organisation implique de
placer la conduite du changement au cœur de son dispositif.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 161


REGARDS CROISÉS

Se transformer : Vivre ou Mourir


Luc BOYER, Directeur de Recherches, Université Paris-Dauphine
Les Organisations – un peu comme le êtres vivants-ne peuvent survivre (et a fortiori se développer)
dans un statu quo : elles sont condamnées, conçues en quelque sorte, pour évoluer : Vivre, c'est-à-dire
« Agir » ou « Mourir ». Il peut exister quelques exceptions, par exemple lorsque la « Référence » de
notre entité se situe en dehors du cadre étudié(le cas des Ordres..). Voulue (poussée par une volonté
interne) ou subie (l’action de forces exogènes), la transformation ne peut que faire l’objet d’un accom-
pagnement dont l’efficacité sera déterminante. Pour développer cette capacité à se transformer, l’Or-
ganisation devra mette évidence des enjeux qui agiront comme autant d’incitations au changement.
Le Management va être conduit à utiliser au mieux ce concept d’enjeux, quitte parfois à en exagérer
l’ampleur supposée pour obtenir le maximum d’implications. Une Organisation, finalement, donnera
son optimum d’efficacité que lorsqu’elle le but à atteindre est ambitieux… ou lorsque elle est en
grand danger !

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Le mécénat d’entreprise, possible prélude à la transformation


Patrick DAMBRON, Président de l’Institut des Etudes d’Administration et de Management
La capacité de transformation d’une organisation est dépendante de son management, bien entendu,
de la culture d’entreprise, également. Ils ne suffisent cependant pas. L’ouverture culturelle dont béné-
ficient chacune et chacun influe sur la faculté d’aborder le changement. Deux attitudes opposées se
rencontrent, l’une conduisant au repli, l’autre cherchant l’ouverture, avec des nuances entre ces deux
possibilités. Sous-jacents, c’est l’éducation reçue, les études entreprises, les activités menées, l’inté-
rêt porté à la vie en collectivité qui rejaillissent sur la capacité à accepter tout projet de transformation
dont nous savons qu’il est nécessaire. L’art est, en ce sens, un facteur déterminant. Il est ouverture,
par essence. J’ai eu l’occasion, voici quelque temps, de rapporter ma visite auprès du patron d’une
entreprise de métallerie installée à Nay, en Béarn. Tous les ans, il invitait un artiste à concevoir une
œuvre dans les ateliers pour que les salariés le voient créer. Il voulait les sortir des projets tradition-
nels sur lesquels ils travaillaient et les inciter à aller plus loin pour enrichir leur perception de leur mis-
sion. Penser que les choses ne se répètent pas nécessairement, qu’elles peuvent être mises en pers-
pective et réinventées. Rien n’est jamais figé et les artistes, plus que d’autres, le démontrent. Cette
ouverture sur la vie peut éviter l’enfermement dans les habitudes, le repli sur soi, la peur de l’inconnu,
et corriger cette impression de confort – ô combien précaire – auquel on s’accroche, persuadé que le
pire est à venir. La pratique du mécénat d’entreprise est, à cet égard, d’une aide précieuse. Dans un
monde appelé à évoluer en permanence, elle est source d’ouverture et participe au renouveau des
pratiques d’entreprise. Elle est instigatrice de métamorphose, pour reprendre le mot cher à André
Malraux (La Métamorphose des dieux) qui voyait dans l’art les infinies potentialités humaines.

162 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Une dimension sacralisée qui repose sur la confiance
Richard DELAYE-HABERMACHER, IMSG et Groupe IGS
« Transformation », ce mot que l’on retrouve accolé à de nombreux autres (numérique, génétique,
financière, digitale, de l’action publique…) puise son origine dans la sphère religieuse (transformatio).
Pour Saint-Augustin (IVe siècle après J.-C. ou après notre ère), il est synonyme de métamorphose, de
changement d’une forme en une autre. Cette approche qui relève du sacré est intéressante car elle
est un fondement de la doctrine catholique (concile de Trente, 1551). On retrouve, en effet, le terme
de transformation dans la transsubstantiation qui incarne le changement du pain et du vin en Corps et
Sang du Christ tout en gardant leurs propriétés initiales. C’est du reste un point central qui opposera
et oppose toujours de nos jours catholiques et protestants. Pour ces derniers point de transforma-
tion d’un état à un autre, mais place à la consubstantiation, une coexistence des différents états et
matières.
En réalité, dans le cadre de la transformation organisationnelle, cette étymologie prend tout son sens.
Dans un premier temps car il s’agit bien d’une métamorphose qui fait passer les organisations (ainsi
que les mentalités) d’une forme structurelle plutôt verticale et rigide à une autre beaucoup plus fluide,
mobile et par conséquent agile. Dans un second temps parce que la transformation impose une véri-
table déconstruction de l’état précédent pour pouvoir reconstruire à l’image de tous les rites de pas-
sage que nous côtoyons dans les espaces professionnels comme personnels. Cette disconfirmation
qui caractérise cette rupture nécessaire pour qu’il y ait continuité, comme aime à le rappeler le Prof.
Luc Boyer, est reprise par le sociologue américain Kurt Levin dans sa méthode U.M.R. (Unfreeze-
Moving-Refreeze) qui régit le pilotage du changement organisationnel. Néanmoins, cela ne peut être
rendu possible si un ingrédient est absent de l’équation. Il s’agit de la confiance, car, sans confiance,

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point d’engagement et donc impossibilité de constituer un « noyau du changement », composé des
fidèles parmi les fidèles, (autre terme relevant sacré), et qui est incontestablement la véritable pierre
angulaire de tout pilotage du changement réussi.
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Permettre à chacun d’avoir conscience de son


potentiel créateur et de le développer en commun
pour créer les conditions de la métamorphose
Séverine DIEUZE, Ingénieur Formation Continue, Conseil en Formation Entreprises, Groupe
ESC Clermont
La transformation signifie le passage d’une forme à une autre. La capacité de transformation d’une
organisation réside dans la capacité des individus qui la composent à imaginer cette nouvelle forme
et à la co-façonner au service du bien commun et de ce qui fait sens pour chacun. Nous pouvons
faire le parallèle avec la métamorphose, terme du vivant utilisé par Alain de Vulpian dans son ouvrage
Eloge de la métamorphose. Soyons ces cellules imaginales de la chrysalide, connectons-nous pour
imaginer et créer l’organisation qui fait sens pour nous. Cela passe par une vraie croyance des diri-
geants dans le potentiel créateur de chaque membre de l’organisation, par la (re)connexion de chaque
personne à ses capacités et par la création d’espaces de co-création d’un futur commun choisi. Les
derniers apports des neurosciences, l’étude des sciences sociales (sociologie, sciences cognitives,
psychologie humaniste, etc.), les expériences de décentrement, les espaces de dialogue structuré
(méthodes agiles, design thinking, liberating structures, etc.), l’accompagnement du développement
des personnes et des collectifs (mentoring, coaching individuel et collectif), la formation transforma-
trice peuvent aider à créer ces organisations apprenantes capables de générer les conditions de leur
propre transformation.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 163


REGARDS CROISÉS

Développer la capacité de transformation d’une organisation


Yves ENREGLE, Président de Propédia, centre de recherche du groupe IGS
Thème rabattu s’il en est !
Les années soixante bourdonnaient déjà de discussions sans fin, de livres d’articles… On parlait alors
de Développement Organisationnel, de Processus de Changement, d’Analyse Institutionnelle etc…
Ce qui fut alors nouveau et en tant que tel salutaire, voire (presque) utile existe encore à la manière
d’un vieillard qui raconterait ses combats d’antan.
Il est donc temps d’une nouvelle rupture à laquelle Propédia souhaite contribuer en posant ce pro-
blème de transformation à partir des notions de « territoire » et « d’identité ».
Constat de départ : si on habite un territoire, en retour ce territoire nous habite tout autant en nous
imprégnant de toute une série de repères, traces des fortes émotions de la première enfance qui
nous marquent à jamais ; nous sommes ce que ce territoire originel a fait de nous et cela s’exprime
par une symbolique commune à tous ceux qui ont vécu dans ce même territoire. (Ce qui justifie
pleinement le « droit du sol » en ce qui concerne les questions de nationalité ; voire Montesquieu !)
Symbolique commune, à commencer par ce qui en est l’essentiel : la langue que nous parlons, mais
aussi tous les rituels qui marquent la vie d’une communauté. C’est grâce à cette symbolique com-
mune que l’on peut vivre ensemble : on a, qu’on le veuille ou non, les mêmes émotions, exprimées
par les mêmes mots et vécues au travers des mêmes rituels.
Cela a bâti notre identité et notre « identité commune » (pardon pour ce pléonasme : le mot identité
procède de « idem » ; l’identité c’est ce qui est identique, donc ce qui est commun ; il nous faudra

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donc articuler notre identité avec notre personnalité, qui elle est porteuse de l’indispensable unicité
de la personne.)
C’est donc à partir de ces repères qu’on peut décrire, voire maîtriser et infléchir l’évolution d’un
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groupe social, « macro » ou « micro » : Territoire symbolique rituels identité donc possibilité
d’un nouveau territoire donc nouvelle symbolique nouveaux rituels nouvelle identité, etc… à
l’infini. On pense à la conclusion des « Voix du Silence » lorsque Malraux contemple « l’éternel dia-
logue des métamorphoses et des résurrections ». Et ceci pour toute société et toute organisation, de
l’entreprise à la Cité.
Transformer une organisation c’est, avant tout, poser et reposer sans cesse la question du « nous » :
Qu’est-ce qui constitue ce « nous » et comment le faire évoluer ? Quel sont les symboles que nous
partageons ? Les émotions que nous revivons ensemble grâce à nos rituels ? Comment enrichir ces
rituels ?
Cela revient à dire qu’il faut aborder une organisation avec une approche similaire à celles que nous
utilisons lorsqu’on étudie un peuple. Micro-peuple d’une entreprise. Macro-peuple de la Cité. Les
deux posent le même problème de l’articulation « Laos »-« Demos »(les deux mots grecs signifiant
« peuple »).
Laos renvoie à l’idée d’un ensemble instructuré de besoins et de désirs : c’est l’émotionnel dans
toute sa splendeur. Fort mais enclin à de possibles explosions incontrôlables.
Demos lui, renvoie à l’idée d’organisation rationnelle.
L’indispensable dialogue « Laos-Demos », c’est l’incontournable nécessité de l’articulation « émotion-
nel-rationnel » ; l’énergie des émotions cadrée par l’exigence de la raison. : on retrouve la « témérité
dirigée » chère au philosophe Alain.
C’est dans cette perspective que Propédia met au point ses grilles d’analyse et d’interventions pour
la transformation micro et macro-sociétale.

164 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Il n’est de richesse que d’hommes (J. Bodin)
Jean-Marie ESTEVE, Président Valor BTP, Chercheur associé Labex Entreprendre, Montpellier
Recherche Management
Pour assurer avec sérénité sa transformation progressive et minimiser sa forte dépendance au diri-
geant, la PME doit développer de l’intelligence collective. C’est-à-dire s’appuyer sur une équipe d’indi-
vidus solidaires et complémentaires. Un essai avec une observation longitudinale est en cours dans
une PME du BTP avec la mise en place d’une innovation managériale facilitatrice d’une innovation
produit. Voilà une approche en PME singulière et causale, que certains qualifieront de déterministe :
l’innovation sociale comme émulation du succès industriel. Après avoir proposé au dirigeant d’éva-
luer son capital réticulaire (nombre de contacts…), son implication réticulaire (affective, calculée et
normative) et le bilan réticulaire de sa PME, il a été décidé d’opérationnaliser ces concepts auprès
des proches collaborateurs qui constituent le noyau dur. La finalité est de dépasser la vision isolée du
dirigeant de PME en considérant l’apport du réseau du noyau dur. Ainsi, le dirigeant sort de son isole-
ment tout en étant soulagé d’une activité réticulaire chronophage. Cette méthode permet de sortir le
dirigeant isolé de la routine managériale et de mobiliser des ressources humaines collectives néces-
saires à la transformation de son organisation. La libération des énergies des collaborateurs exige du
dirigeant de l’humilité et de l’altérité. En d’autres termes, la reconnaissance de leur richesse. La toile
collective ainsi tissée permet de saisir un grand nombre d’opportunités par une maîtrise plus large de
l’activité, du marché et la perception de signaux faibles. La proxémie qui caractérise la PME et la mul-
tiplication des contacts génèrent une plus forte densité réticulaire. Ces interactions cognitives sont
source d’émulation et d’implication collective. Cette innovation managériale, accompagnée par deux
séniors, après une phase d’étonnement, a été le moteur du développement d’expertises distinctives

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portées par les membres du noyau dur. Cet entrepreneuriat créatif et collectif est, et a été, source de
développement et de transformation de la PME.
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Une chance pour l’Afrique


Malick FAYE, Directeur des programmes et Accréditations, BEM Dakar – Sénégal
Le discours sur la transformation des organisations a connu un succès fulgurant ces dernières années
sous l’effet conjugué de la crise économiques et de l’intensité de la concurrence. Il s’agit au fond de
s’adapter, de changer de se transformer ou de disparaître. Cet amer constat ne doit pas nous conduire
à faire le choix de l’inertie. Bien au contraire, la transformation sous toutes ses formes (organisation-
nelle, digitale…) est à l’ordre du jour. Elle suppose le passage d’un état connu à un état souhaitable.
Seulement entre les deux, beaucoup de perturbations peuvent surgir mettant en cause le confort, les
certitudes et les avantages acquis. On sait généralement ce que l’on perd, mais on ne sait pas for-
cément ce que l’on gagne. De façon machiavélique, on sait aussi que le changement a pour ardents
détracteurs ce qui perdront leurs avantages et pour tièdes défenseurs ceux qui bénéficierons de
l’ordre nouveau.
Dans le contexte africain, le processus est beaucoup plus délicat du fait des difficultés économiques,
de la faiblesse des ressources humaines qualifiées et des capacités financières. C’est en cela que
paradoxalement, réside notre chance. Le développement de nos capacités de transformation de nos
organisations doit s’appuyer principalement sur deux leviers que sont la volonté de changer et l’agi-
lité de nos organisations du fait de leur petite taille. Les capacités d’adaptation, d’anticipation, et de
réactivité seront des atouts incontestables. La jeunesse des populations et les innovations majeures
dans le domaine de l’économie numérique en Afrique en sont la preuve.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 165


REGARDS CROISÉS

Pour un leader transformé et transformant


Corinne FORASACCO, Coach et Partner d’Alma Alter Consulting
L’engagement global d’une organisation dans la transformation exige l’implication du dirigeant lui-
même ; il s’agit là d’une nécessité largement démontrée et partagée.
Mais comment cette exigence se concrétise-t-elle dans la réalité des changements dans l‘entre-
prise ? Bien souvent ledit dirigeant hérite d’un titre de « sponsor » et se voit ainsi attribué un rôle
associé avec quelques actes symboliques notamment de communication ; participation à un « quick
off » de projet ou à quelques expressions publiques.
Le curseur est parfois poussé plus loin dans la mise en place d’organisations plus collaboratives Et
sans aller jusqu’à viser le costume du « leader libérateur » pivot d’une entreprise dite « libérée » il est
fondamental que le dirigeant incarne et donc vive effectivement des transformations dans son propre
leadership et ses modes de gouvernance.
Quels ingrédients à cette transformation du dirigeant ? Ne s’agissant pas d’une recette managériale
mais de l’évolution de comportements directement liés à la personne il serait réducteur de répondre
par une liste de compétences nouvelles à développer.
Cependant au cœur, la question nouvelle pour le dirigeant, est réellement d’apprivoiser la complexité.
Il lui faut mettre en particulier dans la transformation à la fois vision et rapidité d’exécution, traduction
concrète d’une capacité à surfer en permanence sur le double registre des court et moyen termes.
Mais il s’agit en termes plus personnels que ce gardien du temple suprême des résultats et de la
« compliance » puisse aussi reconsidérer certaines croyances et accepter de se connecter à ses

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émotions moteurs profonds de l’action. Développer une nouvelle écologie personnelle lui permettant
en conscience et confiance de revisiter sa relation au pouvoir, de pouvoir sortir de sa zone de confort,
accepter les échecs, d’avoir une envie véritable de « faire avec les autres », de s’autoriser à être
ouvert et curieux à l’égard de la différence et de l’innovation. Bref un marathonien qui a l’énergie, la
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concentration et le souffle pour tenir la distance tout en sachant regarder et capter l’évolution quoti-
dienne de son environnement.
Un humaniste enfin qui perçoive que son changement de regard sur les autres puisse changer les
autres, message que le dirigeant ne doit pas oublier s’il veut embarquer son entreprise dans une
réelle transformation.

Changer de tête n’est pas guillotiner…


Anne Marie FRAY, secrétaire générale de l’IAS
Et pourtant, développer la capacité de transformation d’une organisation passe souvent par un chan-
gement de tête. Méthode brutale, mais à valeur forte… pour un moment…. Car rien ne garantit la
transformation de l’organisation par une nouvelle arrivée. Donc pourquoi pas un changement dans
la tête tout en gardant le chef sur le col ? Mais c’est bien la transformation des individus qui est la
plus difficile. Comment penser ou faire penser autrement tout en gardant les compétences néces-
saires. Comment être le, la, même tout en étant un, une, autre ? Et pour quelle transformation ?
Faut-il devenir agile et/ou militant ? Faut-il se séparer de ses dirigeants emblématiques ou les inscrire
dans une pérennité rassurante face aux bouleversements ? Faut-il tracer des plans ou vivre une
transformation empirique ? C’est donc bien sur les dirigeants que se pose la question, car imposer la
transformation n’est pas possible. Le processus doit être organique, dynamique, vécu, expérientiel
et agile. Dirigeants et salariés doivent apprendre à le vivre par des activités, des ateliers, des initia-
tives innovantes, des remue-méninges… qui font appel à la collaboration de tous les membres de
l’organisation, pour vivre ensemble une co-transformation. Construite sur le courage de changer des
responsables de l’organisation. C’est à ce prix que chacun gardera une tête dans laquelle il se sentira
en adéquation avec son environnement et ses propres valeurs.

166 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Des petites actions pour une grande transformation
Christelle GERARDOT, Consultante en change management dans le secteur de l’assurance
Je vois trois axes à investiguer pour y parvenir : d’abord, encourager l’apprentissage permanent et
vivre de nouvelles expériences pour tous au sein de l’entreprise. Cela peut passer par des learning
expeditions, des conférences, du benchmark, des rencontres avec des start-ups, de l’innovation par-
ticipative avec les collaborateurs, des réseaux apprenants etc. Second axe : favoriser l’amélioration
continue, le retour d’expériences, la « positive attitude » et la libération de la parole. On peut ainsi
imaginer la mise en place de groupes d’échanges de pratiques type co-dev entre pairs ou des focus
groupes au sein des différentes entités de l’entreprise par exemple mais aussi introduire des modes
de travail inspirés de la méthode agile. Troisième piste : former l’ensemble de la ligne managériale,
top management inclus, au management collaboratif et agile pour s’orienter vers une animation
des nouvelles pratiques et favoriser la prise d’initiatives des collaborateurs. Toutefois, pour réussir à
mettre en œuvre ces idées, un certain nombre de conditions me semblent nécessaires. En premier
lieu, communiquer régulièrement sur le sens du changement (le célèbre « Why » de Simon Sinek)
et les réussites, petites ou grandes, encourager, féliciter et récompenser. Deuxièmement, bien sûr,
obtenir des budgets pour rendre possibles les actions nécessaires. Troisièmement, disposer d’une
équipe interne en change management pour concevoir et animer le change stream permanent mais
aussi faciliter la capitalisation des expériences et chercher à mesurer régulièrement l’évolution de
cette capacité de transformation de l’organisation pour proposer de nouvelles pistes de travail. Et
enfin mettre en place un dispositif de prévention et de traitement des RPS (Risques Psycho-sociaux)
inhérents aux situations de changement pour que chacun, s’il le souhaite, travaille sur ses résistances
et ses leviers de changement.

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La perpétuelle transformation
Baï Judith M. GLIDJA, Professeure, Université Abomey-Calavi, Cotonou, Bénin
Système d’actions collectives, l’organisation est en perpétuelle transformation car elle doit entre-
tenir des relations durables avec son contexte (attentes des clients, révolution digitale, etc.) pour
rester compétitive (Peretti, 2016). Les intérêts divergents des parties prenantes rendent davantage
complexe la gestion de l’organisation dans ce contexte très instable. La transformation est donc
consubstantielle aux organisations, mais ses dernières aussi bien que les individus préférant la sta-
bilité et un horizon prévisible donc entretenant une forte résistance au changement (Magakian et al.,
2003), toutes les analyses soulignent la complexité de ce processus en mettant l’accent sur la dimen-
sion essentielle de l’apprentissage. La transformation implique ainsi le développement de capacités
diverses : anticipations de conditions futures de productions, rythme de renouvellement des outils,
nouveaux profils de compétences requises, modifications incontournables des systèmes d’organi-
sation et de gestion. De l’approche de la Conduite du Changement (1960) à celle de Lewin (1965),
les modèles de Kotter (1996) et le modèle de changement agile sont nécessaires pour réussir une
transformation durable et relever les enjeux collaboratif et du digital qui restent actuels.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 167


REGARDS CROISÉS

Quelques ingrédients vers une organisation auto-transformante 


Laurence HIRBEC, Leadership Learning & Development Manager, Thales Talent & Culture,
Thales Group
« La capacité de transformation d’une organisation est intimement liée à la capacité de transformation
des êtres humains qui la composent, celle-ci étant fortement influencée par la culture de l’organisa-
tion et les modes managériaux qui y règnent. Dans l’optique d’une libération des énergies de change-
ment, les managers sont appelés à favoriser les approches d’intelligence collective qui redonnent de
l’autonomie aux collaborateurs et invitent à la pleine expression de leur créativité et de leur capacité
à innover, ingrédients de base de toute transformation. Le pilotage de la transformation est alors
partagé, distribué, et agile, afin de prendre en compte à la fois les changements rapides et ceux qui
nécessitent plus de temps. Dans un principe d’apprentissage permanent, l’expérimentation est valo-
risée, l’erreur fait partie intégrante du processus de changement, les contributions au changement
sont visiblement valorisées, et il est naturel de donner ou recevoir du feedback. En bref, la capacité
de transformation d’une organisation est une résultante de la confiance qu’elle accorde aux hommes
et aux femmes qui y agissent et interagissent. »

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Il y a toujours plus de nouvelles idées ailleurs que chez nous


Jacques IGALENS, Professeur émérite, Université de Toulouse Capitole
Toute organisation est en interaction avec de nombreux environnements, le marché pour les orga-
nisations productives et commerciales, le public pour les services publics mais aussi les institutions
qui l’encadrent, le monde scientifique pour certaines d’entre elles (nos Universités, par exemple).
« Etre en interaction » signifie que des échanges de toute nature ne cessent d’avoir lieu, échanges
commerciaux, financiers, informationnels, symboliques, etc. Pour moi la meilleure façon de dévelop-
per la capacité de transformation d’une organisation est de tout mettre en œuvre pour favoriser ces
échanges et pour en tirer des enseignements. Autant je suis convaincu que la qualité des ressources
internes (notamment bien-sûr la compétence et l’engagement des salariés) constitue un facteur clef
de performance, autant je doute qu’elle soit suffisante pour développer la capacité de transformation.
Etre ouvert, favoriser les rencontres et les échanges, chercher à apprendre des « Autres », voilà, pour
moi, le secret du développement de la capacité de transformation. Après il faut réussir la transforma-
tion mais c’est un autre sujet sur lequel nous attendrons un prochain numéro de QDM.

168 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Et si la responsabilité sociétale était réellement un indiscutable
vecteur au service de la transformation d’une organisation ?
Michel JONQUIERES, Secrétaire Général, Académie de l’Ethique
Jadis décriée par le patronat français, la responsabilité sociétale représente désormais un réel gise-
ment de vecteurs d’amélioration et de facteurs d’évolution au service de toute organisation. En effet,
mettre en œuvre une démarche de responsabilité sociétale conduit plus particulièrement l’organisa-
tion a : – se préoccuper de l’impact de ses décisions et activités sur la société et pouvoir s’en expli-
quer (la redevabilité) ; – se pencher sur son mode de gouvernance et être en mesure de rendre des
comptes auprès des parties intéressées (la transparence, say or pay) ; – porter un regard différent sur
l’éthique de ses pratiques et le comportement éthique de ses parties prenantes (l’éthique de la res-
ponsabilité) ; – être capable de démontrer le respect des exigences auxquelles elle doit satisfaire ou
qu’elle a choisi de s’appliquer (la compliance, le respect du principe de légalité) ; – se préoccuper de
nouvelles problématiques telles que le devoir de vigilance, la discrimination, la corruption, les achats
responsables...Ces opportunités doivent indéniablement permettre à l’organisation de développer sa
capacité de transformation.

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Transformation organisationnelle ; vers une


appropriation réussie des nouvelles technologies
Sabine KHALIL, Enseignant-chercheur en Management des Systèmes d’Information, ICD
Paris – Groupe IGS
La conduite des transformations organisationnelles, suscitées par la mise en place des nouvelles tech-
nologies d’information et de communication, ne sont pas faciles à mener. Une myriade de projets de
digitalisation échoue, principalement, à cause d’une non prise en compte des besoins des acteurs
concernés par le processus de digitalisation. De fait, les acteurs organisationnels se retrouvent face
à des technologies faiblement voire non alignées à leurs besoins métiers, compétences techniques
ou encore à leurs méthodes et organisation de travail. A cet effet, l’identification et l’analyse des par-
ties prenantes constitue une première étape fondamentale dans tout processus de transformation
organisationnelle.
Les utilisateurs finaux doivent ainsi être placés au cœur du processus de changement. Des méthodes
d’innovation managériale, notamment celles qui relèvent du design thinking, vont aider les entreprises
à centrer le processus de transformation organisationnelle autour des utilisateurs concernés. En ce
sens, celles-ci vont être en mesure de mieux cerner les ajustements à faire au niveau des processus
métiers, de la structure et de la culture organisationnelles affectés par la mise en place des technolo-
gies. Ces ajustements sont fondamentaux pour aligner les technologies aux besoins de l’organisation
et des individus et par conséquent, améliorer l’appropriation et l’utilisation de ces technologies.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 169


REGARDS CROISÉS

Habitude quand tu nous fige ! Innovation quand tu nous porte !


Assya KHIAT, professeure, Université d’Oran 2 – Mohamed Ben Ahmed – Algérie
« Comment développer la capacité de transformation d’une organisation ? « Une question qui met
en avant soit la perspective d’acteur, soit la perspective d’observation. Deux questions alors : Com-
ment gérer le changement ? Ou alors Comment se produit le changement ? (Rondeau A. 2006).
L’une et l’autre des questions ne peuvent s’exclure. Reste cependant la grande faculté pour trouver
le juste équilibre et l’harmonie entre les deux. Quoi, pourquoi et comment dans une réflexion parta-
gée entre les différentes parties prenantes vont mettre en marche un processus de transformation
dynamique, évolutif, ou tout un chacun apporte sa pierre à l’édifice dans le processus à améliorer,
voire à construire. Les énergies vont alors se rencontrer, se confronter, fusionner pour impulser le
partage des connaissances en vue de la création, de l’innovation conditions nécessaires à la création
de richesse. La magie dans la capacité de transformation d’une organisation ne tient-elle pas dans la
confiance à laisser l’intelligence collective se développer tout en maintenant un système de pilotage
agile et flexible ? Seuls ceux et celles qui sauront conjuguer passé, présent et avenir trouveront des
réponses à ce dilemme.

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Pour une transformation inclusive


Hubert LANDIER, Expert en relations sociales
Le management du changement se heurte souvent à des résistances qui s’expliquent par :
• la force de l’habitude et la paresse intellectuelle ;
• la crainte de perdre les avantages ou la rente de situation dont on bénéficiait ;
• le manque d’informations sur les raisons du changement envisagé ;
• l’incompréhension qui en résulte des intentions de la Direction ;
• le comportement autoritariste et bureaucratique de celle-ci.
La politique de la Direction peut donc se heurter à la résistance passive, voire active, de l’ensemble
du corps social. D’où la nécessité :
• d’une information massive sur les circonstances qui justifient les changements envisagés ;
• d’une participation de chacun des salariés à la mise en œuvre du projet, chacun à son niveau de
responsabilité ;
• d’une information des représentants du personnel sur les conséquences qui en résultent pour les
salariés, en amont du projet, suivie, dans sa mise en œuvre d’une prise en compte de leurs obser-
vations et d’une négociation des compensations prévues au bénéfice du personnel.
Ces dispositions ne doivent pas être improvisées mais s’inscrire dans la durée de façon à créer de
la confiance. A contrario, pour paralyser la capacité de changement d’une organisation, la Direction
doit se montrer autoritariste, ceci afin de susciter une opposition a priori et une mobilisation massive
du personnel contre le projet, le rapport de force suppléant à l’intelligence stratégique et les intérêts
corporatistes l’emportant sur la recherche du bien commun. Sous peine de ‘enfoncer dans l’inertie, le
changement organisationnel doit être inclusif.

170 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Positionner les managers de la banque en acteurs
opérationnels de la transformation
Jean-Pierre LE CAM, Directeur Conduite du changement, Société Générale
L’industrie bancaire subit des vagues incessantes de changements qui nécessitent de dé-
velopper fortement la capacité de transformation de leurs organisations, métiers ban-
caires de réseaux ou financements spécialisés, fonctions support ou régaliennes.
Ces inducteurs de changement sont notamment les (trop ?) nombreuses réglementations (BCBS
239, IFRS 9, GDPR, MIFID 2, BÂLE 3, ...), l’extension rapide du digital comme les usages du RPA
dans les middle offices bancaires, la montée de l’AI dans le conseil et l’analyse financière, la concur-
rence grandissante des GAFA dans les applications numériques de paiements. Tous ces éléments
permettent, ou nécessitent, des transformations bancaires importantes comme, par exemple, les
nouveaux maillages et formats d’agences, la mutualisation accélérée des middle offices, l’offshoring
progressif des back offices comptables, la virtualisation des centres d’appels mass market, les capa-
cités nouvelles de pilotage marketing et financier par le big data, le recours à l’intelligence artificielle
dans le conseil financier mass affluent, dans l’analyse des risques corporate ou dans la lutte contre la
fraude et le blanchiment... Face à ces multiples changements qui s’entrecroisent et se superposent,
le management et le pilotage de la transformation ne doivent donc pas être réservés à une minorité
de spécialistes située dans une direction projet ou programme, fût-elle transversale, mais maîtrisés
par l’ensemble du dispositif managérial. Développer la capacité de transformation d’une organisation
bancaire, passe donc par la montée en compétences et l’autonomisation des managers en matière
de conduite du changement, de pilotage de la transformation et d’innovations managériales. Ainsi les
Top managers, les exécutives des enseignes bancaires notamment, doivent pratiquer une conduite

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du changement efficace auprès de leurs collaborateurs, bien sûr, mais également auprès de leurs
partenaires parties prenantes de la transformation de leurs franchises et enseignes : directions IT,
ligne finance, filière risques, producteurs externes, distributeurs franchisés. Et ainsi ne pas subir les
changements des autres mais faire intégrer sa propre transformation dans la stratégie de celles des
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autres... En parallèle, les responsables des fonctions supports et régaliennes doivent faire monter en
compétences leurs relèves managériales en terme de techniques de transformation, et les mission-
ner en mode coalition avec les managers clés des métiers bancaires afin de co-construire de manière
agile et interactive les changements, et éviter d’imposer des changements d’« en haut » ou par
« injonctions bureaucratiques » des entités supports ou régaliennes. Au niveau du middlement mana-
gement, leur montée en compétences et autonomisation doit intégrer impérativement les techniques
de conduite du changement, bien sûr, mais aussi les nouveaux formats managériaux et organisation-
nels du Run The Bank ou du Change The Bank (agilité, sociocratie, ...) qui permettent la réactivité et
la souplesse face aux transformations, et facilitent grandement l’adhésion des collaborateurs en les
rendant acteurs du changement. Il faut sortir l’innovation managériale du bac à sable, et accompagner
les managers pour qu’ils disposent d’un nouveau levier, d’une nouvelle capacité, de management de
la transformation bancaire.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 171


REGARDS CROISÉS

De l’art d’ouvrir des options et de se laisser challenger


Jocelyne LOOS BAROIN, Senior Consultant, Innovations sociales & Accompagnement du
Changement
Nombre de plans de transformation échouent car la dimension humaine de la transformation et la
mobilisation des hommes et des équipes n’ont pas été prises en compte au bon niveau et avec
une dynamique appropriée. De mon expérience, je retiendrai ces lignes directrices qui me servent
aujourd’hui pour l’action. Si un alignement de l’équipe dirigeante autour de la vision et de valeurs co-
hérentes avec la culture d’entreprise est un incontournable, il ne saurait se suffire à lui-même. Les im-
pulsions Top Down, même soutenues par une excellente stratégie de communication, peuvent rester
lettre morte car le déploiement par la ligne hiérarchique métiers/régions/fonctions ne va pas de soi.
Pour que la capacité de transformation d’une organisation se développe, il faut que l’équipe de Direc-
tion prenne conscience de la nécessité d’embarquer pleinement le management et les équipes dans
le projet en acceptant d’ouvrir les options et de se faire challenger ! Le pilotage de la transformation
centré sur des boucles rétroactives avec les managers locaux est un levier majeur de l’appropriation
par les équipes. Dans cette perspective, les enquêtes d’engagement récurrentes, assorties de plans
d’actions et d’ajustements croisés Direction/entités locales ont fait leur preuve. Des commandos de
transformation, organisés en mode projet très en amont des décisions organisationnelles, et aguerris
aux méthodes de conduite du changement, permettent de changer de braquet ! Des communautés
d’acteurs sont alors enrôlés pour co-designer le changement organisationnel et en devenir les ambas-
sadeurs les plus convaincants. Le passage à l’échelle se fait dans ce cas par propagation virale dans
leurs écosystèmes.
D’abord reconnecter l’organisation avec elle-même

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Mouloud MADOUM, professeur, FireBird, Institute of Research in management, Coimbatore,
Tamil Nadu, India
The future is not some place we are going to, but one we are creating. The paths to it are not found,
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but made, and the activity of making them changes both the maker and the destination. John SCHAAR
L’organisation fait face à des défis majeurs : Aujourd’hui c’est la digitalisation qui met en question le
modèle de management encore en vigueur : Relations au travail et relations sociales connaissent des
bouleversements dont on perçoit à peine les effets. Transformer l’organisation et la société de façon
globale devient un impératif et exige de nouvelles capabilités.
Développer la capacité de transformation c’est d’abord reconnecter l’entreprise avec elle-même,
l’amener à se voir et voir d’un autre regard les autres et ses partenaires, se reconnecter à soi et
aux autres. Aujourd’hui, l’organisation reste une structure hiérarchique, un mode de contrôle qui se
heurte aux exigences et défis de la confiance et de l’autonomie recherchées par les employés encore
souvent considérés comme marchandises. Dans son livre la « grande transformation », Karl Polanyi
dénonçait la « commodity fiction » et la marchandisation des individus, de la nature et des relations
sociales qui empêche de renouveler la conception que l’entreprise entretient avec les individus et les
parties prenantes.
La capacité de transformation passe aussi par le développement de sa capacité d’écoute : Passer
de l’écoute « téléchargement », voire empathique à l’écoute « générative » qui permet de co-créer
le contenu et la méthode de transformation. Le digital, intégré dans une vision humaine peut aider à
acquérir cette capabilité.
Un exemple concret pour illustrer la puissance de la co création : Confronté à une crise majeure
(baisse significative de la performance et menace sur la survie) le Directeur réunit ses collaborateurs
pour connaître leurs suggestions. Tous (Le DRH, en tête) proposèrent une baisse des effectifs de
25 % en attendant la reprise. Il décida de réunir tous les salariés pour avoir leur avis et suggestions.
Il arrive à la décision de réduire les salaires, acceptés par tous les salariés. Il commence par réduire
son propre salaire. Deux ans plus tard, la situation s’améliorant, il décida de rétablir et faire rattraper
tous les salaires ; il remercie le personnel pour les sacrifices. « Je suis amené à les obliger à partir en
vacances aujourd’hui », me dit-il, il y a un mois.

172 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


L’Énergie du changement, de l’homéostasie
à la dynamique de transformation. 
Claire MARTIN, directrice générale, RENAULT-NISSAN Consulting
Benjamine VO VINH MARECHAL, Directrice Practice People & Management, RENAULT-
NISSAN Consulting

Appréhender la transformation d’une organisation, c’est accepter d’accueillir et de solliciter l’énergie du


mouvement selon deux composantes : celle, de vie, des individus et celle de la force motrice des orga-
nisations conçues comme un organisme aux équilibres complexes mais puissants. Les organisations
les plus agiles et célères aujourd’hui nous donnent à voir une forte capacité de mobilisation de l’énergie
humaine de construction. De retour de la Sillicon Valley où nous sommes allés à la rencontre d’un autre
mode de management propre à favoriser le rebond opportun de tous et l’action de chacun, nous avons
en effet identifié quelques leviers inspirants ; à adapter à notre culture bien évidemment. La capacité de
transformation, au sens le plus littéral, de ces organisations (start-up – au stade de graine ou unicorne re-
connue – incubateur, capital venture, écosystème universitaire) peut se mesurer autour de trois sources
d’énergie collective et individuelle : l’état d’esprit, l’environnement organisationnel, les compétences et
méthodes de travail. Bienveillance, passion et envie sous-tendent cet état d’esprit moteur. Elles sont gé-
nérées au travers de la création forte de sens et d’une éthique vécue, d’un sentiment de sécurité assuré
aux équipes pour encourager l’initiative, la responsabilité et le droit d’échouer, rapidement. La reconnais-
sance et la valorisation de la différenciation, la réflexion à partir du besoin du client (de son « problème »
non résolu) viennent y consolider davantage la capacité de rebond. L’organisation qui étaye cette culture
managériale s’appuie sur une réelle clarté structurelle pour tous, sur un écosystème fluide et ouvert à
toutes formes de contribution, et sur des équipes et/ou des individus transdisciplinaires encouragés par

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une licence d’innovation constante.
La structure organisationnelle est plate ou à ressenti plate (flat feeling) ie. les accès à chacun, où qu’il
soit dans l’organisation, même hiérarchique, sont ouverts. L’environnement de travail vise la concentra-
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tion décontractée et l’adaptation aux usages des métiers plutôt que l’inverse. Les compétences et les
méthodes de travail croisent constamment émotions, cognitions, relations (du soft et du hard) dans un
enjeu de maîtrise d’un temps accéléré et d’une complexité accentuée par des données foisonnantes.
L’empathie, l’usage de la visualisation, la créativité (design thinking, out-of the box) sont au service de
la capacité à développer une vision, à résoudre des situations complexes. Elles facilitent la création de
boucles projet courtes en mode essai-erreur-rebond, dans un écosystème requérant une réelle agilité
organisationnelle. La responsabilisation et la capacité d’action de l’ensemble des collaborateurs, au plus
près du besoin du client, est le terreau de ce mode d’approche. Il est le garant du droit à l’erreur, donc –
croisé à l’envie de succès – de l’initiative. La pratique de la conduite du changement, quant à elle, nous a
fortement sensibilisé à l’importance de la prise en compte du mouvement nominal de l’organisation. Les
transformations apparaissent ainsi non comme des remises en cause mais comme une puissance mo-
trice à accompagner vers un nouveau chemin, un nouveau but formulé en cohérence avec un constat col-
légialement partagé et la culture de l’organisme. Il s’agira alors d’identifier collectivement et dès l’origine
les équilibres que les décisions transformationnelles viendront percuter, mettre en mouvement, créant
parfois des paradoxes, ce, afin d’élaborer en continu les inflexions de mouvements, les réponses aux in-
terrogations. La mise en mouvement de ces équilibres, par effets de ricochet, doit pouvoir s’appuyer sur
des catalyseurs de la transformation, soient des agents aux profils pionniers, découvreurs, passionnés,
analytiques, courageux et tenaces mais aussi bienveillants, responsables, intellectuellement honnêtes,
pédagogues, agiles dans les situations. Ils sont internes de préférence mais aussi externes, pour l’enri-
chissement, et sont déployés dans les différents secteurs de l’organisation, où liberté de mouvement
et prise d’initiative leur offriront les moyens de leur action. Entraîneurs par le partage réitéré de sens,
ces innovateurs à l’affût des nouvelles tendances, curieux et déterminés peuvent initier et structurer
une démarche de transformation, qui doit toujours bénéficier du soutien du top management, voire être
initiée par celui-ci. Ce mouvement développé volontairement sera alors guidé et ancré par des instances
et méthodes – robustes, joyeuses et festives à la fois – d’animation, de visualisation, de suivi qualité-coût
délai, de relance, de résolution, d’écoute et de clarification des comportements hors-jeu, si besoin est.
Enfin, en tablant sur la force des émotions positives dans le changement, la célébration viendra marquer
les avancées significatives mais aussi les difficultés comme autant de progressivité du mouvement.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 173


REGARDS CROISÉS

Développer la plasticité de l’entreprise. Pour une


approche systémique et coordonnée
Gérard MATENCIO, Directeur de la Transformation, DRHTS, ENEDIS
Seule une approche systémique et coordonnée tendue vers ce seul objectif : permettre la résilience
et la « plasticité » de l’organisation à son contexte, ses enjeux, ses challenges …est réellement
de nature à développer cette capacité transformative de l’entreprise. Ce sont les comportements
humains qui sont comme toujours, évidemment, la clé de cette approche systémique et que l’on
souhaite durable. Dès lors, l’ensemble des process destinés à induire les comportements adéquats
doivent être alignés avec cette impérieuse nécessité :
• Le recrutement interne et externe.
• La formation.
• L’évaluation.
• La reconnaissance. 
• La gestion des carrières et des parcours professionnels.
• Les rites sociaux (réunions, remise de prix, etc.).
Ces process doivent largement intégrer la valorisation des comportements basés sur la confiance,
l’ouverture, la capacité à oser, la capacité à rebondir après un échec, à agir plus qu’à procrastiner, à
jouer collectif en tissant des partenariats internes et externes. Force est de constater que l’outillage
managérial est souvent très pauvre pour permettre une appréciation objective, lucide et sincère de
ces comportements. Il est temps d’y consacrer l’investissement nécessaire.

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Savoir se transformer : « Felix qui potuit rerum cognoscere causas »*
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Xavier MOULINS – DRH Groupe de GETLINK (ex Groupe Eurotunnel


Avoir la capacité de se transformer est un enjeu vital pour une entreprise. Ce n’est donc pas une
option à laquelle elle doit porter une attention particulière : c’est une obligation qu’elle doit intégrer
dans son mode de fonctionnement.
Pourquoi donc ? C’est précisément la question que doit être capable de se poser continuellement
toute entreprise qui veut performer durablement et ce, aux fins d’identifier les actions à mettre en
œuvre et d’y apporter ainsi la réponse idoine.
Pourquoi se transformer ? Car les besoins des clients évoluent, car les outils, les techniques se
modernisent, car les compétences et les appétences des collaborateurs actuels et futurs changent...
Pouvoir développer sa capacité à se transformer, c’est donc pour l’entreprise tout d’abord un pré-
requis à satisfaire : celui de l’acquisition d’une connaissance élargie de son écosystème et de la
compréhension qui en résulte. C’est dès lors naturellement bien connaître ses métiers et son envi-
ronnement technique, mieux connaître ses clients, leurs attentes, leurs usages, mieux connaître ses
collaborateurs actuels et futurs, les compétences futures à mobiliser ou à acquérir,...
Une entreprise qui a compris l’enjeu de la transformation devra dès lors, au service de cette connais-
sance et de cette nécessaire compréhension, valoriser avec force au sein de son collectif de travail
à la fois :
• le sens renforcé de l’écoute ;
• celle des clients, des collaborateurs, des concurrents, de son territoire, de son écosystème de
formation interne ou externe ;
• la curiosité ;
• l’audace et le droit à l’erreur ;

174 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


• la créativité et l’innovation ;
• le sens et l’envie du partage, en s’efforçant quotidiennement d’aller chercher l’adhésion du col-
lectif au-delà de la simple obéissance et en favorisant pour ce faire la libération des énergies. Et
en veillant à respecter un rythme soutenu mais soutenable. Car à défaut, la transformation sera
vouée à l’échec et l’entreprise, et l’emploi qu’elle génère, et la valeur qu’elle crée, seront à court
ou moyen terme en péril.
Développer sa capacité de transformation, c’est donc savoir favoriser un « modèle contributif » per-
mettant à toutes les parties prenantes, internes ou externes, d’être des contributeurs du développe-
ment durable de l’entreprise.
Ce prérequis rempli, une telle entreprise constituera une « communauté apprenante » qui saura ainsi
positionner la formation au cœur de la transformation. Et qui sera apte à la fois à savoir pourquoi
elle doit se transformer et à savoir comment elle doit le faire, au bon moment et au bon rythme.
Confrontée à un environnement qui évolue de manière inédite tant dans ses proportions que dans
son rythme, une telle entreprise, s’inspirant ainsi de l’aphorisme de Spinoza, n’aura « ni (à) rire ni (à)
pleurer » de son sort « mais (à) comprendre »... pour mieux anticiper et agir et, in fine, pour exister et
se développer durablement.
Car, résolument, ayons la conviction à l’instar d’Antonio GRAMSCI, qu’« il faut avoir une parfaite
conscience de ses propres limites, surtout si on veut les élargir. ». Ou a minima les maintenir.
* « Heureux celui qui peut connaître la raison des choses » (Virgile in Les Géorgiques)

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La triple préoccupation
Jean-François NGOK EVINA, Professeur agrégé, Université de Douala Cameroun
La transformation d’une organisation pose en réalité une triple préoccupation qui relève du style de
leadership mis en place par le dirigeant. C’est la raison pour laquelle Hirschman (1970) conçoit qu’un
membre faisant partie d’une organisation a trois choix fondamentaux :
• rester et participer comme prévu, ce qu’il appelle la « loyauté » ;
• partir, ce qu’il appelle « faire sa sortie » ;
• rester et s’efforcer de changer le système, ce qu’il décrit par protestation.
Pour peu qu’un acteur de l’organisation choisisse de s’exprimer, il devient un détenteur d’influence.
Hirschman s’intéresse particulièrement au comportement des clients mécontents par rapport à une
organisation qui leur fournit un bien ou un service défectueux. Le dirigeant doit donc, par son style de
leadership faire en sorte que tout le monde puisse adhérer aux idéaux de transformation de l’organi-
sation. On distingue généralement six styles de leadership dans la littérature managériale à savoir : le
leader directif ; le chef de file ; le visionnaire ; le collaboratif ; le participatif et le coach. Ces différents
styles de leadership ne sont pas exclusifs, ils sont cependant complémentaires car un bon leader doit
combiner tous ces styles.
Nous convenons donc ainsi avec Alfred Sauvy que « Tout organisme social qui doit se réformer le fait
plus facilement par additions que par soustractions ».

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 175


REGARDS CROISÉS

Accompagner et faciliter
Emmanuel OKAMBA, MCF HDR en Sciences de Gestion, Université Paris Est
La capacité de transformation des organisations est leur aptitude à créer continuellement les condi-
tions favorables au changement, à favoriser son déploiement et son intégration dans leur fonction-
nement pour s’adapter à leur environnement. Elle se distingue de la conduite du changement qui ne
vise qu’à maîtriser et à contrôler le processus de transformation pour tirer un avantage concurrentiel.
La capacité de transformation consiste à accompagner et à faciliter la construction des pratiques et
des savoirs permettant de gérer l’auto-transformation nécessaire au développement continue des
activités. Cette ressource, par son contenu (actif tangible et intangible) qu’un processus, par sa capa-
cité à créer et à utiliser la dynamique du changement et par son contexte paisible ou violent qui
renouvelle la capacité organisationnelle. Celle-ci est la faculté d’intégrer les pratiques et les savoirs
opérationnels et stratégiques, en créant davantage de la valeur, mesurable par l’efficacité ou capacité
à fabriquer un langage commun permettant aux routines organisationnelles de s’ajuster pour faciliter
la communication ; la portée, faisant référence à leur complémentarité plus qu’à leur substitution ; et
la flexibilité, renvoyant à la capacité d’innover, de développer de nouvelles capacités, de les intégrer
et de reconfigurer les capacités existantes.

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Transformer l’organisation c’est responsabiliser


Philippe PACHE, psychologue, Genève, ppache@imsgeneva.ch
Développer la capacité de transformation d’une organisation a toujours été un enjeu essentiel. Avec
l’augmentation du flux d’information, l’omniprésence des outils de communication ainsi que leur sim-
plicité d’utilisation, la propension au changement est à la fois devenue plus rapide et plus présente.
Créer un environnement propice à la transformation d’une organisation passe avant tout par le soin
apporté aux liens sociaux de ses acteurs. Ces derniers, confrontés de plus en plus à une accélération
des processus de changement, chercheront dans l’organisation un cadre structurant leur permettant
de trouver une sécurité à travers des objectifs et buts auquel ils adhèreront. C’est donc une confiance
en des valeurs communes qui permettra de renforcer l’implication des acteurs dans le processus de
transformation de l’organisation.
Cette dernière se doit donc de favoriser la créativité de ses acteurs tout en les rassurant d’un cadre
structurant, afin d’éviter une crise de confiance déclenchée par des changements technologiques et
sociétaux trop brutaux.
L’enjeu consiste donc à responsabiliser l’individu, à favoriser sa créativité, et à lui permettre de pro-
poser des solutions novatrices et inattendues sans crainte de s’exposer. Il s’agit de renforcer la
conscience collective à travers la mission de l’organisation tout en soulignant l’intérêt des spécificités
de chaque acteur.

176 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Non ! Orgasme et organisation n’ont pas
la même étymologie… surpris ?
André PERRET, Vice-Président, Directeur Pôle Formation et Conseil, DPM & Associés
Le plus souvent voici ce que l’on dit de la nécessité de peaufiner une organisation : « L’in-
térêt de l’organisation – tant dans sa conception que dans sa gestion – est de prendre en
compte pour essayer de la réduire, la tension naturelle qui existe spontanément entre d’une
part les finalités choisies, de l’autre les moyens disponibles et/ou réunis pour y parvenir.
L’organisation parvient d’autant mieux à réguler cette tension qu’elle est capable de « faire sys-
tème », c’est-à-dire d’être et d’agir comme un ensemble d’éléments en interaction, regroupés au
sein d’une structure pilotée, ayant un système de communication pour faciliter la circulation de l’in-
formation, dans le but de répondre à des besoins et d’atteindre des objectifs déterminés. ». On
est d’accord…mais ça fonctionnait bien comme dans le théâtre antique : unité de lieu, de temps et
d’action. Aujourd’hui l’entreprise est un théâtre moderne : les trois unités ne sont plus là ! On peut
travailler de n’importe où (télétravail, coworking.), n’importe quand et sur des actions mouvantes.
Les parties prenantes sont de plus en plus souvent hors les murs. Dès lors pour mettre à jour une
organisation performante, en accord avec ce nouveau type d’environnement, il n’est plus possible de
faire abstraction des besoins (eux aussi mouvants) et des variations de finalités (visibilité restreinte
oblige). Considérer l’Organisation comme un contenant rigide ne peut satisfaire à l’hétérogénéité
du contenu, la géométrie variable devient la règle. Alors la seule obligation : faire passer l’idée (et
rechercher le consensus) selon laquelle la structure que l’on co-construit est à revoir périodiquement,
avec très certainement une date de péremption… Mais on ignore quand… il convient de s’y préparer.
Organigrammes glissants peut-être, mais avec anticipation renforcée, pour éviter les décalages trop

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abrupts. Et un non-dit… interdit ! Ce n’est pas l’organisation qu’il va être difficile d’adapter, mais bien
le mode de management qui l’accompagne. D’ailleurs il n’existe pas d’anagramme complet avec
organisation : on trouve avec 11 lettres des mots comme agonisions, rationnais... alors à quoi bon le
regretter.
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La transformation du mindset des managers est la clé


Frédéric PETITBON, People & Organisation, Associé, PWC Consulting
La capacité de transformation d’une organisation se mesure maintenant avec précision par des ques-
tionnaires ad hoc qui explorent tout à la fois méthodologies du changement, modes de coaching et
d’apprentissage, organisation des projets1.
Idem, on sait ce que devrait être une learning company, son organisation de l’apprentissage pour
porter les indispensables capacités de transformation de toute entreprise dynamique qui se respecte.
Néanmoins la concrétisation de cette capacité de transformation ne va pas de soi, c’est le moins
qu’on puisse dire, si on écoute les lamentos des dirigeants sur la lenteur d’adaptation de leur entre-
prise.
La transformation du mindset des managers est clé ici, et bien mal enclenchée dans de nombreux
cas… Trois points ici permettent de la concrétiser2 :
Tout d’abord la construction commune, individuelle et collective, du management à adopter dans
l’univers particulier de chaque entreprise / de chaque situation : comment, dans la relation bilatérale
avec mon collaborateur, je développe la capacité de transformation en explicitant son « contrat mo-
ral » à court terme, en construisant avec lui ce qu’il va apprendre et en quoi il va permettre à l’unité de

1 Autissier D., Guillard A., Moutot J.M, 2010, « La capacité de transformation comme composante du capital humain :
une étude exploratoire dans un groupe coté », Management & Avenir, 31,(1), 95-117.
2 Petitbon F., Bastianutti J., Descamps M (2017), Managers : libérez, délivrez, … surveillez ? Les 6 clés pour travailler
en confiance !, Cherche Midi

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 177


REGARDS CROISÉS

grandir… et en lui facilitant son employabilité, son « coup d’après ». Comment je crée des « rites pour
ma tribu » qui seront autant de transformations concrètes et d’occasions d’apprentissage ; comment
mon parcours personnel me conduit à sortir de l’entreprise, à découvrir d’autres univers et d’autres
réflexes que je pourrai rapatrier.
Ensuite le travail sur l’écosystème du manager : comment faire pour que les exigences de la vraie vie
au travail ne soient pas être orthogonales avec ces pratiques du « manager-qui-incarne-et-développe-
les-capacités-de-transformation-de-l’organisation » ? Que les KPIs ne soient pas délirants de ce point
de vue ? C’est possible, il faut rentrer dans le cambouis de l’environnement du manager..
Et enfin que le dirigeant incarne un tant soit peu ces pratiques. Exemple de hier matin dans une
convention interne d’une entreprise du CAC 40 portant une volonté d’apprentissage collectif et de
développement de capacités de transformation – très belles planches, sympathiques… mais un diri-
geant qui cloue au pilori les deux collaborateurs ayant posé une question un tant soit peu décalée…
cherchez l’erreur !

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La transformation, c’est permanent !


Patrick PLEIN, directeur digital working VINCI, Academy VINCI
Pour toute entreprise, se transformer continuellement pour rester dans le jeu n’est plus optionnel
mais est bien devenu une condition normale de son fonctionnement. Sa capacité à se transformer
doit donc désormais être une donne naturelle devant être intégrée à son ADN. Dès lors, quelles sont
les leviers à actionner pour créer les conditions durables d’une transformation permanente ? Nous en
distinguerons cinq :
Développer son agilité organisationnelle, en s’appuyant sur une remise en question régulière de
son positionnement, sur sa capacité à disposer d’un système informationnel lui permettant de se
nourrir en flux continu d’informations pour adapter son comportement, sur son aptitude à autori-
ser le droit à l’erreur et la prise de risque, à impliquer les individus qui la composent et à se nourrir
de leurs richesses. S’ouvrir sur son écosystème et entrer en interaction permanente avec lui, en
rendant ses frontières perméables pour accélérer la recherche de solutions aux problématiques ou
encore la création de nouvelles activités. Fonctionner en réseau : le partage des informations, des
pratiques, des expériences est la règle et les échanges entre les individus, les équipes, les entités ou
les départements de l’entreprise sont favorisés et encouragés afin d’accroître la collaboration, source
de création de valeur. Faire des compétences son carburant : l’enjeu est d’anticiper et d’adapter les
compétences en flux continu, de maximiser l’utilisation de toutes les compétences présentes, de les
actualiser, de les renouveler, et d’en acquérir de nouvelles. Enfin, placer les individus au cœur de
sa réflexion et de son fonctionnement et les engager individuellement et collectivement à apprendre
tout le temps, plus rapidement, sous des formes variées. En synthèse, c’est en rendant l’entreprise
plus apprenante qu’elle créera les conditions de sa transformation continue.

178 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS


Savoir se transformer en impliquant les
équipes, un apprentissage et un atout
Patrick PLUEN, consultant
Une organisation accroîtra significativement sa capacité de transformation lorsque ses dirigeants se
rendront compte que l’approche directive, top-down, quels que soient les atouts de la nouvelle orga-
nisation qu’ils projettent, n’est pas efficace et générera des freins, lorsqu’ils prendront conscience
que tout changement est un véritable projet, lorsqu’ils comprendront qu’associer dès le départ leurs
équipes à leur réflexion, en leur faisant confiance, libérera les énergies et fera surgir des idées qui
contribueront au succès. Lorsqu’ils sauront aussi que la difficulté d’un changement réside bien plus
dans son implémentation que dans sa conception... car il s’agit d’obtenir l’adhésion d’hommes et de
femmes plutôt que de dessiner des organigrammes et des flux. Les dirigeants, à mon sens, pren-
dront ce chemin lorsqu’ils verront au sein de l’entreprise des expériences réussies, des cas réels où
la mise en œuvre du changement de façon construite, par étapes, en co-construction avec tous les
acteurs, mène à des résultats bien plus solides et acceptés par tous, avec de réels gains de produc-
tivité, et en prime la confiance et la motivation réelle des équipes.

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Casser les codes de bonne conduite et lever


le pied ! (parole d’un tétraplégique)
Philippe POZZO DI BORGO
Autant se poser la question : « qu’est-ce qui s’oppose à la capacité de transformation d’une organisa-
tion ? ». La routine, la normalité, une hiérarchie pesante, la pression du résultat… Tous ces diagnos-
tics sont évidents.
Un avantage compétitif demande un investissement sur le long terme. Les transformations requises
nécessitent du temps et s’oppose à l’immédiateté des résultats exigés par des actionnaires pressés.
La direction doit s’opposer à la tyrannie de la performance à court terme.
Une organisation a une tendance naturelle à se sécuriser. Le risque est de se déconnecter de la réalité
du terrain et de ses marchés. Maintenir l’organisation dans un mode d’adaptation permanente revient
à inoculer le changement dans l’ADN de l’entreprise. Cette aptitude au changement se conjugue à la
différence. Introduire systématiquement la différence dans l’entreprise remet en question les solu-
tions acquises, dérange, oblige à l’analyse, à la considération de la différence, source de solutions
et de richesses pour l’organisation. La DRH, soutenue par la direction générale, aura une politique
d’embauche qui privilégie l’originalité et la diversité par rapport au profil standard.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 / 179


REGARDS CROISÉS

L’œil guide la main : L’émergence d’une vision partageable


prépare la marche transformative de l’organisation
Frédéric ROUSSEAU, Directeur Adjoint de la Maîtrise d’ouvrage, VINCI Concessions
Comme en urbanisme, la capacité de transformation d’une organisation s’appuie sur un trépied : une
vision, un process, des actions. La vision est incarnée et fractale, s’ancrant dans chaque entité. Le
process, ouvert, cadence et structure la transformation, intègre toute l’entreprise en mode étendu. La
mise en œuvre des actions engage simultanément le court terme, le moyen terme et le long terme.
Le développement des capacités de transformation d’une organisation se fait en marchant sur deux
jambes l’une latente, l’autre active. Et pour marcher il faut accepter le déséquilibre ! Développer les
capacités latentes de transformation : par le partage de la vision du monde actuelle, une connais-
sance profonde des enjeux de la société, du marché, et de l’entreprise et de leur temporalités. Faire
entrer des intrus dans les équipes, ceux qui montrent les vaches invisibles dans les couloirs. Cette
capacité latente s’exprimera lorsque le temps sera venu de la transformation. Développer les capa-
cités actives de transformation : à petite échelle mener des expérimentations locales, faire émerger
des leaders, learning expédition, vis ma vie,… Progressivement assembler les histoires individuelles
dans un récit collectif qui va nourrir un rêve partageable. Ce rêve de plus en plus partagé, sera le
vecteur puissant ancrant la vision de la transformation souhaitée, outillée par le process, mise en
œuvre par les actions. Ce process est à mener avec rigueur, ce qui signifie pour tous, partout et tout
le temps.

Transformation de l’organisation, une

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question de cognition et d’émotion ?
Delphine VAN HOOREBEKE, Maître de Conférences, HDR, Université de Toulon
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L’entreprise se transforme pour survivre ou se développer dans un contexte mouvementé et com-


pétitif. L’individu au travail se doit, alors, de prendre la décision d’accepter le changement que cela
implique et de s’y adapter. Un moyen d’assurer la capacité de transformation, selon March et Simon
(1955) au sujet des choix d’innovation en entreprise, c’est de créer des conditions afin que l’accep-
tation du changement, vue comme une décision inhabituelle et non programmée, se transforme en
une décision programmée, c’est-à-dire attendue, raisonnée, cognitive, presque mécanique. Il est à
présent pris pour acquis que la décision, quel que soit son type, est dépendante des émotions. L’un
des objectifs de rendre la décision d’acceptation du changement ‘programmée’ serait de libérer l’indi-
vidu de toute préoccupation émotionnelle négative. En effet, si ces dernières peuvent aider la prise
de décision, elles peuvent aussi agir comme frein ou biais de la décision. Reste, néanmoins, un point
subversif à ne pas négliger, puisque les émotions aident à la décision efficace, limiter leur intervention
ne doit pas nuire aux capacités des individus à prendre les décisions d’innover, d’entreprendre, autres
éléments indispensables à la pérennité et à la transformation de l’entreprise.

Achevé d’imprimer par Corlet numéric, Z.A. Charles Tellier, 14110 Condé-en-Normandie
N° d’imprimeur : 150973 - Dépôt légal : Septembre 2018 - Imprimé en France

180 / Question(s) de Management ? / N°21 / Septembre 2018 © Éditions EMS

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