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Dossier

Le management agricole

Un secteur inégal
Depuis son lancement, durant la période de la colonisation,
l’agriculture moderne a connu, au Maroc, des tournants significatifs
qui ont façonné son développement. La situation actuelle de
l’agriculture n’est que le fruit des succès et échecs des diverses étapes
par lesquelles elle est passée. Retour en arrière…
Dossier réalisé par Fady Sediki

A
u Maroc, toutes les condi- marocaine. Ce sont ces aspects managé- développement d’un secteur agricole or-
tions sont réunies pour riaux que nous nous proposons d’analyser ganisé. C’est dans ce cadre que la France
mener une activité agricole dans ce dossier. Un travail qui a rarement s’est appropriée de larges superficies agri-
réussie et ce, dans l’ensem- été réalisé, aussi bien dans la presse que coles et les a distribuées à des colons, afin
ble des régions. Terrains, ressources en dans la recherche scientifique en agricul- d’y développer des plates formes de pro-
eau et climat sont largement propices ture. Il suffit de «taper» management et duction plus ou moins modernes. A cette
au développement d’un secteur agricole agriculture sur le moteur de recherche époque, les grandes zones de production
prospère. Il suffit juste d’adapter le type Google pour se rendre compte qu’il n’est agricole et les premiers systèmes d’irriga-
et le mode de production au contexte pas aisé de trouver de la documentation. tion modernes voient le jour. C’est le cas,
naturel et économique de chaque région En l’absence de ce background documen- par exemple, de Tadla, El Gharb et Mou-
ou localité. Dans certaines régions, no- taire étoffé, nous avons eu recours à cinq loya. Ou encore à Afourar, près du barrage
tamment celles qui sont irriguées, c’est consultants, dont trois de renommée Bin el Ouidane, dont les canaux d’irriga-
une réalité. Mais, dans beaucoup d’autres, mondiale, pour analyser les divers aspects tion datant de l’époque coloniale, conti-
le déficit est flagrant. Cela explique le stratégiques et managériaux. nuent à fonctionner, à ce jour. D’ailleurs,
fait que nous soyons, d’un côté, un pays les français sont à l’origine du dévelop-
exportateur de produits agricoles tels Colonisation,début pement de variétés agricoles nouvelles,
que les agrumes et les primeurs issus de d’unegestionagricole à l’époque, tels que les agrumes à Tadla
régions spécifiques et de l’autre côté, un moderne et Moulouya, les rosacées dans le Moyen
grand importateur de céréales et de bien Les débuts des premiers principes de Atlas et les betteraves sucrières dans le
d’autres aliments, indispensables pour la management dans le secteur agricole re- Gharb. Néanmoins, les filières dont dé-
sécurité alimentaire des citoyens. montent à l’époque coloniale. C’est durant pendait la survie de populations locales,
Qu’est-ce qui explique un tel déséquilibre cette période que sont nées les premières telles que la céréaliculture et l’oléiculture,
entre des espaces agricoles modernes et exploitations agricoles organisées, avec sont en majeure partie régies par les mo-
d’autres qui n’arrivent pas à se structurer, l’introduction des techniques de mécani- des de production vivrières ancestrales.
malgré de multiples années de réformes? sation et d’amélioration des rendements Des modes qui, malheureusement, de-
Plus que les ressources naturelles, ce sont (engrais, insecticides…). Etant un pays meurent d’actualité, cinquante ans après
surtout les problèmes de gestion et d’or- de grande tradition agricole, la France l’indépendance.
ganisation de la production, ainsi que la a voulu profiter au maximum de sa pré- La naissance des exploitations agricoles
commercialisation et le financement, qui sence en Afrique du Nord pour bénéficier modernes avec une production organisée
empêchent un réel envol de l’agriculture au maximum des conditions, propices au et des principes basiques de gestion, est

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agriculture

accompagnée de la naissance d’une main


d’œuvre agricole au sens premier. Car, dans le
système ancestral qui régit l’agriculture ma-
rocaine, le travail salarié n’est que saisonnier,
juste au moment des récoltes et des semen-
ces. Et encore, la Touiza, mode traditionnel de
production coopérative, remplaçait le salariat
dans plusieurs régions du pays. Les colons ont
recruté, parmi les populations locales, des
ouvriers travaillant selon une saisonnalité et
des horaires prédéfinis. Chose qui constituait
une révolution à l’époque, malgré les salaires
limités et les conditions difficiles de travail
de cette main d’œuvre. Ceci dit, c’est durant
le protectorat que sont nés les premiers ins-
tituts de formation agricole. C’est le cas de
l’école nationale d’agriculture à Meknès qui,
à ce jour, forme des ingénieurs agronomes.

Marocanisationde
lagestionagricole
A l’aube de l’indépendance, les choses sont
plus ou moins restées stables, jusqu’à la pu-
blication, durant les années 60, de la loi sur la
nationalisation des terrains. «Une loi qui a eu
sur l’agriculture le même effet qu’a eu celle de
la marocanisation des activités industrielles et
des services», note Nourreddine El Aoufi, pro-
fesseur d’économie à l’Université Mohamed
V-Rabat-Agdal. En effet, la reprise des terrains
agricoles des mains des colons a, d’une part,
donné naissance aux entreprises nationales
de référence dans le domaine agricole. C’est
le cas des Domaines, Delassus et autres struc-
tures familiales tels que les Domaines Zniber
ou Tazi. En reprenant les terres des colons,
ces derniers ont réussi à capitaliser sur les
principes de gestion agricole moderne intro-
duite par ces derniers, pour bâtir des grou-
pes agricoles structurés. Ce sont ces groupes
qui assurent aujourd’hui le rayonnement de actuellement sous le nom de Crédit Agricole gestion étatique, à travers Sogea et Sogeta.
l’agriculture marocaine, à l’échelle mondiale. du Maroc. Outre le transfert des terres des Une autre expérience managériale qui s’est
D’autre part, certains cas de transfert ont colons, les décennies 60 et 70 ont connu la également soldée par un échec. S’il y a une
entraîné «un aplatissement du management naissance du système coopératif dans sa ver- région agricole qui s’est fortement dévelop-
agricole», notamment dans les terrains qui sion moderne. «Cela se traduit par la création pée depuis les années 70, tant au niveau de
ont été effrités pour être distribués aux petits de trois types de coopératives: les coopératives la production que des méthodes de gestion,
agriculteurs. Le cas le plus saillant est celui dédiées aux activités de production laitière, les c’est bien celle du Souss. Grâce à cet essor,
de la plaine d’El Haouz, près de Marrakech: coopératives de production agricole et les coo- cette région alimente, aujourd’hui, le marché
le grand morcellement des exploitations a pératives qui gèrent les silos de stockage des local et de l’export en primeurs et agrumes.
conduit à une baisse sensible de leurs perfor- céréales», explique Mohamed Bajeddi, expert Durant toutes ces décennies, l’agriculture
mances. agricole international. Hormis quelques ra- traditionnelle est restée le parent pauvre du
Le début des années 60 a également connu res modèles de réussite, ces expériences ont secteur. Les modes de gestion y sont toujours
la mise en place de l’unique modèle de finan- connu un échec cuisant. Les deux décennies aussi archaïques. D’ailleurs, peu d’efforts si-
cement exclusivement destiné à l’agriculture: précitées ont également connu le passage gnificatifs ont été fournis pour améliorer la
la Caisse Nationale du Crédit Agricole, connu de grandes superficies dans le giron de la situation de ces exploitations.

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Plan vert

La révolution verte,
quels espoirs ?
Le plan vert, stratégie de développement du secteur agricole lancée en
2007, a introduit une dynamique de changements et ce, à plusieurs niveaux.
Investissements, financements, économie solidaire, agrégation… des aspects qui
connaissent un changement radical, suite à la réforme Plan Maroc Vert.

L
’année 2007 constitue un tournant pour les secteurs de l’agri-
culture et de la pêche au Maroc. Après des décennies de
«hauts et de bas» s’accompagnant de politique de réformes plus
ou moins réussies, le pays se dote enfin d’un plan stratégique
pour le développement de l’agriculture et de la pêche. Au-delà des ob-
jectifs de développement du secteur et des investissements prévus dans
le cadre du Plan Vert, connus de tous, nous nous intéressons à la nou-
velle dynamique managériale introduite par ce plan.
Il y a tout d’abord l’intérêt qu’a généré le lancement du Plan Vert pour
l’investissement, dans le domaine de l’agriculture. En effet, les longues
années de sécheresse et l’instabilité du rendement dans le secteur ont fait
que le Plan Vert n’a pas été aussi attractif, notamment pour les grandes
fortunes commerciales des villes. «Actuellement, on voit de plus en plus de
gens fortunés s’intéresser à l’investissement dans le domaine. Même s’ils ne
sont pas experts, ils veulent absolument profiter de cette dynamique», pré-

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cise d’emblée Ali Ellissigui, expert agricole que se concrétise une autre dynamique Recherche Agricole. La deuxième alterna-
international et directeur du cabinet Fellah introduite par le Plan Vert. En effet, le tive-phare constitue le transfert des terres
Conseil. Bon nombre de ces investisseurs secteur agricole n’est plus ce laissé-pour- agricoles du public Sogea / Sogeta vers le
sont déjà des agriculteurs ou fils d’agri- compte chez les institutions de la place. privé. La plus grande alternative qu’offre
culteur, qui cherchent à développer leur Au contraire, bon nombre d’entre elles le Plan Vert n’est autre que l’agriculture
business en profitant des mesures du Plan commencent à concurrencer le Crédit solidaire, qui se substitue aux modes tra-
Vert. Mais il s’agit aussi d’une large frange Agricole du Maroc, pour avoir leur part du ditionnels de production. Celle-ci, qui re-
d’industriels et de professions libérales qui gâteau. Preuve en est, la pose sur des structures de
souhaitent investir dans le vert. «Ce sont signature de convention production basique, aussi
souvent des gens qui ont moins de visibilité de financement, dans le Avec le Plan bien dans la plantation
sur leur secteur de prédilection et qui veulent cadre du Plan Vert, par Vert, les que dans l’élevage, a mon-
se tourner vers la terre», précise Ellissigui. Il les groupes Attijariwafa tré ses preuves dans les
s’agit, entre autres ,de bon nombre d’opé- Bank et la Banque Popu-
investisseurs activités génératrices de
rateurs dans le textile et l’immobilier. «Les laire. Cela se traduit, éga- agricoles sont, revenus pour les plus dé-
gens ne savent pas forcément en quoi consis- lement, à travers le mode non plus boudés munis. Encore faut-il la
tent les objectifs et les mesures du Plan Vert. de traitement du client. par les banques, généraliser sur l’ensemble
Mais ils savent pertinemment qu’une nou- Alors que les investisseurs des zones, dans lesquelles
velle dynamique est là et ils veulent absolu- agricoles, notamment les
mais, bien au la pauvreté agricole pose
ment en profiter», indique Ellissigui. plus petits, étaient obli- contraire, solli- problème. «Il ne faut pas
gés de «supplier» les ban- cités. oublier les réformes intro-
Leterraind’abord! quiers et parfois même de duites au niveau des outils
Cette nouvelle dynamique se ressent éga- les soudoyer, comme nous le confie notre de financement, tel que le fonds de développe-
lement chez les agriculteurs, même les source, ce sont désormais les banques qui ment agricole», note Fouad Jinate, expert au
plus petits. La multiplicité des subventions cherchent les dossiers de financement dans ministère de l’agriculture. La dynamique
introduites par le Plan Vert a, en effet, in- le secteur. Elles s’arrachent même les plus du Plan Vert s’est également étendue au
troduit une conviction partagée par tous. profitables. personnel des administrations publiques
«Il suffit d’avoir le terrain, le reste c’est facile». opérant dans l’agriculture. Ces derniers ne
«Le reste» renvoie à l’ensemble des investis- Diversmodèles sont plus attachés à leur statut de fonction-
sements liés à l’exploitation, ainsi qu’aux managériaux naires se tournant les pouces. Désormais,
systèmes d’irrigation en goutte-à-goutte L’autre grand apport du plan Maroc ils doivent réaliser les objectifs prédéfinis et
aux engrais, en passant par les plans et les Vert: les alternatives managériales, face sont obligés de rendre des comptes, quant
insecticides. Les mécanismes de finan- aux modèles historiques ayant subi des à leurs réalisations. «Il m’est arrivé d’être
cement et de subvention ne sont plus un échecs cuisants. Au lieu de coopératives, contacté par un fonctionnaire du ministère un
secret, pas même pour les agriculteurs les le Plan propose le modèle de l’agrégation, samedi après-midi», confie Ellissigui.
moins avisés. Une dynamique qui n’exis- qui consiste, pour rappel, à regrouper des Cette dynamique, avec tous les aspects
tait pas auparavant, lorsque le client était petits exploitants autour de gros investis- positifs qu’elle génère, peut-elle mener à
totalement à la merci des banques et des seurs. «Cette forme d’association peut don- une révolution, comme c’est le cas en Côte
fournisseurs. ner de meilleurs résultats», précise Khalid d’Ivoire, en Inde ou au Brésil ? C’est l’espoir
C’est au niveau des banques, d’ailleurs, Daoui, chercheur à l’Institut National de que nous partageons tous...

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agriculture

Management

A chaque type d’exploitation,


son management
La gestion de l’exploitation agricole diffère selon sa taille. Les micro-
exploitations ne peuvent être structurées qu’à travers des modèles
d’économie solidaire. La gestion agricole moderne concerne seules
les exploitations moyennes et grandes. Explications

L
a grande problématique de l’agri- tes superficies, majoritairement dédiées à la et sa famille vivent du travail familial forcé.
culture au Maroc est celle du foncier. culture vivrière. Les experts de l’économie Il exercent, en plus de leur métier de base, des
Le morcellement des terrains est le agricole au Maroc distinguent trois types activités annexes tels que commerçant de souk
principal frein au développement d’exploitation agricole. Primo, les micro- ou ouvriers du bâtiment», explique Bajeddi.
d’exploitations modernes», lance d’emblée exploitations, dont la surface ne dépasse par La notion d’exploitation agricole employant
Mohamed Bajeddi, expert agricole, direc- un hectare. La part de celles-ci représente des ouvriers et nécessitant une organisation
teur du cabinet de conseil agricole Bajic. En 8% du total des surfaces. Avec une superfi- de la production ne s’applique pas aux mi-
effet, il est difficile de mettre en place des cie aussi petite, la seule exploitation possible cro-exploitations. «Ces exploitants sont plus
stratégies de développement pour des peti- est l’agriculture traditionnelle. «L’agriculteur des ruraux que des agriculteurs», précise Ali

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Ellissigui, directeur de Fellah Conseil. Une abandonnées par leurs propriétaires partis gestion, pour percer sur le marché local, mais
définition que conteste Bajeddi. «Quand en ville, des structures moyennes plus pro- aussi et surtout, sur l’export. C’est au niveau
on parle de ruraux, on sort de la définition de fitables émergent. D’autre part, de grandes de ces grandes exploitations que l’activité est
l’agriculture et on inclut d’autres activités exer- exploitations morcelées, suite notamment à exclusivement dédiée soit à l’agriculture soit
cées dans le monde rural tel que l’artisanat ou la transmission de la propriété aux héritiers. à l’élevage. «Néanmoins, le rassemblement des
l’éco-tourisme», note-t-il. Ruraux ou agricul- deux activités existe toujours, car la contrainte
teurs, ces micro-exploitants sont les plus en Grandesexploitations: de financement existe aussi chez les grands ex-
proie à la pauvreté et à l’exclusion, à l’échelle Devraiesentreprises ploitants», note Bajeddi. En effet, la concep-
nationale. Seule l’économie solidaire peut les modernes tion d’un financement, qui distingue entre
sortir de ce gouffre. Cette catégorie d’exploitations est la plus les investissements structurels et les dépen-
propice au développement d’une agriculture ses de campagne est encore rare dans le do-
Exploitationmoyennes: moderne. Ce sont des exploitations, dont la maine agricole. Cette anarchie financière
Unpotentielàstructurer superficie dépasse 50 hectares. «Néanmoins, pousse même les grands exploitants à se do-
Cette deuxième catégorie domine la struc- une grande exploitation l’est non seulement ter de moyens alternatifs de trésorerie. Ven-
ture foncière de l’économie marocaine. En par la taille mais aussi et surtout par l’acti- dre un troupeau d’ovins ou de bovins, c’est
effet, «entre les deux derniers recensements vité», note Bajeddi. Cette distinction est s’assurer du cash supplémentaire, pour com-
agricoles, la part des exploitations entre 1 et 50 importante, car même avec une superficie bler les dépenses de campagne. L’agrégation
hectares a sensiblement progressé», note Bajed- supérieure à 50 hectares, si le propriétaire que prône le Plan Vert est une opportunité
di. Bien que leur profitabilité soit inférieure à est un vieux fellah à la mentalité archaïque, indéniable, pour concevoir des ensembles
celle des grandes exploitations, les superficies aucune modernisation de la production ni complémentaires. Avec une entreprise agri-
moyennes permettent d’instaurer un mode rentabilité ne sont possibles. Mais, c’est au cole structurée comme chef de fil agrégateur,
de gestion agricole plus ou moins organisée. niveau des grandes structures, dotées d’une les agrégés sont aussi bien des exploitations
Elles marient le plus souvent agriculture et gestion moderne, que l’on peut parler d’en- moyennes que grandes. Les responsabilités
élevage car le bétail constitue, pour elles, une treprise moderne avec une réelle hiérarchie sont réparties selon la capacité de produc-
source de trésorerie pour financer les dépen- et des activités de supports, tels la finance, tion de chacun. C’est une intégration verti-
ses de campagne. Elles peuvent également le marketing et le commercial. Cette défini- cale, qui profite à tout le monde.
abriter des avancées technologiques, tels que tion ne s’applique qu’à quelques dizaines de Encore faut-il que l’ensemble agrégateur/
le goutte-à-goutte ou la culture sous serre. sociétés structurées du type Les Domaines, agrégés dispose de ses propres moyens de
Les propriétaires ont accès au financement. Delassus ou Arbor Holding. Pour le reste, «il transport. A défaut, il restera à la merci des
Par exemple, Tamwil El Fellah (SFDA), est difficile de parler d’entreprise agricole car le intermédiaires, qui contrôlent les circuits de
lancé par le Crédit Agricole du Maroc, système de management est complètement dif- distribution.
constitue une grande opportunité pour eux. férent des entreprises industrielles et de servi- A noter, enfin, que la dynamique du Plan
La prédominance des exploitations moyen- ces», précise Bajeddi. Cela n’empêche pas ces Vert a entraîné une flambée des prix du fon-
nes est favorisée par deux facteurs. D’une domaines de grande taille de générer le plus cier agricole, même dans les zones les plus
part, le rassemblement des micro-exploita- grand nombre d’emplois dans le monde ru- reculées. Ce qui montre l’intérêt pour l’in-
tions. En rachetant plusieurs petites surfaces ral. Ils se doivent d’améliorer leurs modes de vestissement dans le secteur.

Apport du Plan Vert pour les trois catégories d’exploitations agricoles


Catégorie d’exploitation caractéristiques Processus de gestion & Marché Vision PMV
Micro-exploitation Nombre: 600.000 n Gestion traditionnelle du quotidien n Appui par Micro-crédit
agricole (MEA) 8% de la surface n Revenu agricole insuffisant n Regroupement en coopératives
agricole utile (SAU) n Supplément par le travail hors exploitation n Accompagnement à l’accès à l’écono-
notamment dans les villes mie marchande
n Absence d’accès à l’économie marchande

Petites et Moyennes Nombre: 750.000 n Gestion par unité de production (gestion fami- n Appui par le financement SFDA
Exploitations Agricoles 70% de la SAU liale) (Crédit Agricole)
(PMEA) n Revenu agricole insuffisant n Accompagnement pour une meilleure
n Revenu supplément par les activités pastorales professionnalisation et agrégation
n Main d’œuvre familiale à moyen potentiel n Promotion à l’organisation profession-
n Accès timide à l’économie marchande et aux nelle
technologies n Accompagnement à l’accès au marché
et aux technologies marchandes
Grandes Exploitations Nombre: 150.000 n Existence d’une stratégie d’entreprise n Meilleure structuration des filières
Agricole (GEA) 22% de la SAU n Travail structuré n Diversification de l’avantage compétitif
n GEA Bancables et immatriculables (maîtrise de qualité)
n Main d’œuvre qualifiée n Meilleure pénétration des marchés
n Accès à l’économie marchande et aux technologies (national et international)

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agriculture

Commerce intérieur

Les intermédiaires
s’accaparent la valeur ajoutée !
Quel est le cheminement que suivent les viandes et les fruits & légumes,
des exploitations agricoles à nos assiettes? Une longue chaîne logistique
et commerciale, qui demeure faiblement organisée et dans laquelle les
intermédiaires concentrent l’essentiel de la valeur ajoutée, aux dépens des
agriculteurs et des consommateurs.

L
es intermédiaires… Ce sont réso- tion d’abattage est vital. Mais, lorsque ce lui permettent d’acheminer la marchandise
lument la bête noire de la filière contrôle n’arrange pas les professionnels, ils vers un deuxième maillon: les propriétaires
du commerce intérieur, aussi bien n’hésitent pas à le détourner. Conséquence: des moyens de stockage. Ce sont, en effet,
des viandes que des fruits & légu- dans des villes comme Casablanca, l’abat- ceux qui développent et gèrent les frigos,
mes, à l’échelle nationale. A cause de la lon- tage clandestin bat son plein. A tel point que entrepôts, silos et autres petites et moyennes
gue chaîne de commercialisation de ces deux ce mode de production alimente des quar- infrastructures, aux fins de conserver l’ali-
catégories de produits, le producteur n’arrive tiers entiers, aux dépens du risque de santé ment. Car, il ne faut pas oublier que la gran-
pas à dégager une rentabilité suffisante de publique. de particularité du commerce de fruits &
son cycle de production et le consommateur légumes s’opère sur des produits hautement
ne peut accéder aux fruits, légumes et vian- Fruitsetlégumes, périssables. Celui qui contrôle les moyens de
des, qui constituent l’essentiel de sa nourri- uneforte intermédiation conservation des aliments détient un énor-
ture de base, à des prix proches de la réalité. Dans la filière fruits & légumes, les maillons me pouvoir, qui n’est égalé que par celui des
Résultats: les deux principaux maillons de la de la chaîne de commercialisation sont plus mandataires du marché de gros. Le pouvoir
chaîne, producteur et consommateur, sont ou moins maîtrisés. Mais, cela ne veut pas de ces derniers provient d’un statut attribué
profondément lésés. Les intermédiaires dire qu’ils sont organisés. En effet, tomates, par les pouvoirs publics, pour organiser le
empochent l’essentiel de la valeur ajoutée oranges, courgettes et autres produits de secteur. Finalement, ce statut leur offre une
du secteur. Concernant la ce segment sont rachetés situation de rentier, car ce sont des intermé-
chaîne de commercialisa- auprès de producteurs diaires forcés, contrôlant toutes les transac-
tion des viandes, c’est en La fin de par un premier intermé- tions via les marchés de gros, passage forcé
amont que le désordre est l’intermedia- diaire, communément pour le commerce de ces aliments. Aussi, ils
le plus notable. Le bétail
se négocie dans les souks
tion du marché appelé «Guerraj». Difficile
de trouver une traduction
ne fournissent pas d’efforts pour aller à la re-
cherche de clients ou pour mobiliser la mar-
urbains et ruraux hebdo- de gros ne fait- française précise. Cela veut chandise. Les mandataires achètent chez
madaires, «sans aucune règle elle pas partie plus ou moins dire «rassem- les «stockistes» et revendent aux grossistes.
commerciale claire ni contrô- de la réforme bleur». Le mot est tiré du C’est là où démarre la chaîne du commerce
le des prix et des marges», terme «Guerja», signifiant de détail. Elle commence chez le grossiste
note Mohamed Bajeddi,
du commerce «achat de grande taille». En et se termine dans une boutique de fruits
expert agricole auprès de intérieur des effet, la particularité de & légumes ou dans la «karouila», marchand
l’USAID. Les grossistes- aliments frais ? ce métier provient du fait ambulant, en passant par le semi-grossiste.
bouchers qui emportent que le Guerraj se spécia- Un simple calcul montre qu’il ne faut pas
leurs matières premières aux abattoirs muni- lise dans un nombre restreint de produits, moins de sept intermédiaires, avant que les
cipaux, constituent le premier maillon, plus qu’il rachète auprès de plusieurs petits et fruits & légumes n’atterrissent dans l’assiette
ou moins organisé, de la chaîne de commer- moyens agriculteurs. La force principale de de la ménagère. Une telle chaîne ne peut être
cialisation. Hygiène et santé publique oblige, ce premier maillon réside dans le fait que le que défavorable pour le consommateur et le
le contrôle sanitaire et vétérinaire de l’opéra- Guerraj détient les moyens de transport, qui producteur. Qu’est-ce qui fait donc la force

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des intermédiaires ? D’une part, «c’est le fait plicité des intermédiaires leur est profitable. intermédiation organisée…), ce qui créera une
qu’il détiennent les moyens de transport et de Actuellement, le bâtiment de cette bourse ne concurrence entre les différents marchés», expli-
stockage». D’autre part, la disponibilité du sert plus à rien. «C’était une tentative brusque que Ellissigui.
cash constitue leur principale force de frappe de réformer, sans tenir compte des intermédiai- L’exemple espagnol est très significatif. «Ac-
financière. Face à des agriculteurs dépour- res. Ces derniers ont pris un tel poids qu’ils ne tuellement, des privés y sont autorisés à dévelop-
vus de moyens et, compte tenu du caractère peuvent plus être occultés. Ce qu’il faut, c’est per des marchés privés de gros. Vendeurs et ache-
périssable du produit, «l’agriculteur est en les intégrer progressivement dans un système teurs sélectionnent les plates-formes, en fonction
position de faiblesse. Pour combler ses dettes, plus ou moins organisé, avant de les pousser à de la qualité de service», précise-t-il. Cette
l’agriculteur vend au premier acheteur venu se restructurer eux-mêmes», explique Ali El- libéralisation permettrait aussi des deals de
sans pouvoir maximiser sa rentabilité», précise lissigui, fondateur de Fellah Conseil. Cette grande envergure entre de gros producteurs
Bajeddi. évolution passe d’abord par un financement et de gros acheteurs, telles que les grandes
En revanche, la force de frappe logistique plus adapté pour les producteurs. Lorsque surfaces. Acheteurs et vendeurs pourront
et financière permet aux intermédiaires de ces derniers disposeront d’un fonds de rou- s’arranger avec les collectivités locales, afin
réguler, à leur manière, les prix des aliments, lement qui comblera, ne serait-ce qu’une de payer la taxe de 7% imposée pour chaque
pour maximiser leur rentabilité. C’est ce qui partie de leurs charges, ils ne seront pas obli- transaction dans les marchés de gros. Fouad
fait perdre le plus d’argent au consomma- gés de brader leur production, en la vendant Jinate, chef du bureau de la programmation
teur. au premier acheteur. De plus, il faut doter les au ministère de l’agriculture, reconnaît le
producteurs de moyens de transport et de problème du commerce interne. «L’objectif
Libéraliserlemarchédegros? stockage. Dans ce contexte, ce n’est possible du Plan Vert est de réorganiser les circuits de ce
Dans ce contexte, quelle serait la solution? que grâce à l’agrégation. La suppression du commerce, en les adaptant aux particularités de
La seule tentative de réforme, menée à passage obligé par les marchés de gros ne chaque filière, afin de réduire les intermédiai-
aujourd’hui, s’est traduite par la bourse des fait-elle pas partie de cette solution? «Cette res», précise-t-il. De même, le plan Rawaj
primeurs, installée aux environs d’Agadir, mesure permettra d’annuler le caractère rentier vise à réorganiser les marchés de gros, dans
pour faire directement rencontrer les pro- de ces marchés et obligera leurs gestionnaires à le cadre d’appels d’offres. Seulement, aucun
ducteurs et les gros acheteurs. Cependant, améliorer la qualité de leurs services (condi- de ces objectifs n’a encore dépassé l’étape de
ces derniers semblent la bouder, car la multi- tionnement, stockage dans de bonnes conditions, la conception.

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Dossier
agriculture

Export
Quelle stratégie pour assurer
le succès à l’international?
A l’instar des produits et services, les fruits & légumes nécessitent
une démarche commerciale et marketing solide, pour assurer une
rentabilité satisfaisante à l’export. Maîtriser la chaîne logistique à
l’international constitue également un élément crucial.

L
es filières à l’export sont celles où les conquérir des marchés à l’international et non et même celui des fruits exotiques. Bref, en
systèmes de gestion et de manage- seulement miser sur le facteur prix», nous ex- dépit de toutes les critiques, il est mondia-
ment sont appliquées. C’est en cela plique un responsable de Morocco Fruit lement reconnu que le Maroc est l’un des
que l’on peut parler d’entreprises Board, société spécialisée dans l’exportation exportateurs traditionnels mondiaux de
agricoles», lance d’emblée Mohamed Bajed- des agrumes, principalement produits par produits agricoles et notamment de fruits &
di, expert agricole international. En effet, les les Domaines et autres producteurs de re- légumes.
critiques peuvent être légion, vu la situation nom. Pour les agrumes, les tomates et les
de l’agriculture au Maroc. Mais le Royaume primeurs, le marché se limite à l’Europe de LabelMaroc,
est reconnu comme une référence mondiale l’Ouest. Pour rappel, la période durant la- legoûtauthentique
au niveau des exportations agricoles. En tête, quelle les producteurs marocains sont da- Comment s’effectue l’exportation des pro-
les agrumes et, plus particulièrement, les clé- vantage autorisés à acheminer leurs produits duits agricoles? L’on distingue deux modes
mentines, dont le Maroc produit les meilleu- vers l’Europe est celle de la contre-saison, de commercialisation. D’une part, la métho-
res variétés au monde, telles qu’Afourer ou qui coïncide avec la période d’hiver glacial de des contrats fermes, qui consiste, au préa-
Nour. «D’ailleurs, c’est au niveau que connaît le vieux continent. En lable, en un arrangement entre acheteurs et
de ces produits que l’on sus de ces filières tradition- vendeurs à l’international, en fonction d’un
peut jouer sur l’ima- nelles, le Maroc se incoterm adapté à leur deal: transport à la
ge de marque et positionne de plus charge de l’acheteur ou du vendeur, détermi-
le goût savou- en plus sur le nation de la responsabilité des deux parties,
reux pour segment des avoirs exigés… Les conditions du deal sont
pouvoir fraises, des appliquées et le règlement se fait en fonction
melons d’un délai et d’un mode pré-défini. Ce mode
d’exportation est principalement pratiqué
avec les importateurs de Russie et d’Europe
de l’Est, qui se positionnent notamment sur
les agrumes. Néanmoins, bon nombre d’ex-
portateurs se plaignent d’un recouvrement
difficile auprès de cette clientèle. De plus,
l’exportation se fait selon le mode des com-
missions. Le négociant marocain livre sa
marchandise non pas à son client direct mais
à un commissionnaire. Ce dernier se charge
de la commercialiser, au gré de l’évolution des
prix sur les grandes plates-formes de com-
mercialisation, notamment en Europe de
l’Ouest (Perpignan, Valence, Almeria…), en
contrepartie d’une rémunération pré-défi-
nie. Le problème se pose lorsque la tendance
des prix est à la baisse. L’exportateur maro-
cain est obligé de subir les décisions du com-

essor n°42 - Avril 2010 42


missionnaire avec lequel il traite. Qu’en est-il keting avec leurs propres moyens. Le choix braltar, élargit sensiblement l’offre des com-
du marketing du produit Maroc à l’échelle des salons et des slogans obéit à un plan stra- pagnies maritimes et/ou terrestres. Le choix
mondiale ? L’on connaît tous le losange noir tégique pré-défini. des ports et des stations d’embarquement
sur lequel figure en jaune «Maroc». Un label et de débarquement est également crucial.
reconnu mondialement. Traditionnelle- Logistique, Qu’en est-il des contrées lointaines, tels que
ment, l’OCE (Office de Commercialisation unedonneà maîtriser la Russie ou les pays de l’Est? Ces derniers
et d’Exportation) et l’EACCE (Etablisse- Pour réussir une stratégie à l’export, les volets préfèrent faire appel à leurs propres trans-
ment Autonome de Contrôle et de Coor- commerciaux et marketing ne sont pas seuls porteurs, car ils maîtrisent mieux que leurs
dination des Exportations) se chargeaient à devoir maîtriser. L’optimisation de la chaî- fournisseurs marocains le process d’ache-
de cette tâche. Désormais, ne logistique est de plus en minement de leur marché. Contrairement
Maroc Export prend le re- plus cruciale pour assurer au commerce interne, l’export n’est pas en
lais. Pour 2009, l’organis- De plus en le succès de la vente à l’in- proie à l’emprise des intermédiaires. Clients
me mise notamment sur plus d’entre- ternational. Fini le temps et fournisseurs sont des entreprises structu-
le label Maroc et le goût où les produits agricoles rées, qui s’engagent dans une relation BtoB
qui lui est associé, pour
prises se déta- étaient acheminés par des où rien ou peu de choses est laissé au hasard.
faire valoir l’offre de fruits chent du systè- moyens communs. Désor- Il est à noter que les marchés de l’Europe de
& légumes. Le slogan me de promotion mais, les exportateurs op- l’Est sont de moins en moins rentables pour
«Morocco, authentic tastes» nationale pour tent pour une combinaison les exportateurs marocains. Ces derniers ef-
(Maroc, les goûts authen- de moyens de transport fectuent un retour en force sur le marché de
tiques) constitue d’ailleurs adopter leur qui leur permet de réduire l’Europe de l’Ouest, après l’avoir longtemps
l’argument utilisé lors du propre politi- leurs coûts, tout en veillant délaissé et ce, malgré les difficultés. Mais, en
salon Fruit Logistica de que marketing. à déterminer l’itinéraire dehors de ces marchés traditionnels, ne se-
Berlin, plus grande exposi- à même d’acheminer les rait-ce pas la découverte d’autres zones de
tion mondiale de fruits & légumes. Ceci dit, marchandises dans les meilleurs délais. Pour rentabilité? Difficile, si l’on tient compte de
de plus en plus d’entreprises agricoles se dé- ces combinaisons, l’exportateur a l’embarras la périssabilité de la marchandise. Le seul
tachent du système de promotion nationale du choix. La libre-concurrence sur l’axe Ma- marché qui offre proximité et abondance
formalisé, pour dérouler leur politique mar- roc-Europe de l’Ouest, via le détroit de Gi- reste et restera toujours l’Europe.

43 essor n°42 - Avril 2010


Dossier
agriculture

Finances

Un secteur sans cash !


T
héoriquement, le principe du sus de la campagne. Ainsi, aucune des deux
financement des exploitations catégories ne piétine sur le remboursement
Le modèle qui régit le agricoles repose sur deux busi- de l’autre. La prévention des sinistres se fait à
ness plans, aussi clairs l’un que travers des polices d’assurance, qui couvrent
financement agricole l’autre. Le premier, dédié à l’investissement aussi bien l’agriculteur que la banque qui fi-
est bien loin de ce qui en terrains, bâtiments et autres infrastructu- nance.
se passe réellement res, sert au démarrage ou au développement
de l’exploitation agricole. Souvent colossal, Letitrefoncier,
entre les banques et les ce financement est réparti d’un commun ac- sinonpasdecrédit!
investisseurs agricoles. cord sur plusieurs exercices et remboursé par Ça, c’est la théorie. Mais, qu’en est-il de la
le prélèvement d’un pourcentage du revenu réalité? Dans le contexte actuel, un système
Ce décalage permet net annuel sur plusieurs campagnes. Le se- aussi clair et fluide que ce que l’on vient de
aux fournisseurs de cond, crédit de campagne, équivaut au crédit présenter est utopique pour la majorité des
de trésorerie ou d’exploitation dans l’indus- exploitations agricoles, notamment les plus
s’improviser trésoriers, trie et les services. C’est une somme d’argent anciennes. Cela est lié, en premier lieu, à la
notamment des petits et qui correspond à tout ou partie des charges manière dont les banques traitent les dos-
moyens agriculteurs. à engager, durant la campagne agricole ou le
cycle d’élevage. Ce montant est directement
siers de financement dans l’agriculture. En
effet, le crédit est, non pas octroyé sur la
prélevé du montant des revenus agricoles is- base d’un projet ou d’une récolte mais sur

essor n°42 - Avril 2010 44


Dossier
agriculture
la base du titre foncier, présenté en garantie. qui émerge dans le cadre du Plan Vert, mais dise à 100, le fournisseur la vend à 130, pour ré-
D’ailleurs, les banquiers ne se tracassent pas: qui est loin d’être généralisée. Les banques percuter le délai de paiement», note Mohamed
Ils octroient le crédit à hauteur de la valeur sont certes responsables de cette défaillance Bajeddi, expert agricole auprès de l’USAID.
du titre foncier. Les règles standards du en termes de financement, mais les agricul- «Pour servir leurs intérêts, les fournisseurs
choix d’investissement, telles que l’évalua- teurs le sont tout autant. Car, peu semblent n’hésitent pas à ouvrir eux-mêmes des crédits
tion des cash flows et la quantification des conscients de l’importance de l’élaboration bancaires à leurs clients. Ils ont également dé-
charges, ne sont que très peu utilisées. Il est des business plans pour pouvoir bénéficier veloppé une expertise pour le recouvrement
vrai que, dans le cadre du Plan Vert, plusieurs d’un financement structuré. L’écrasante ma- des créances engagées», poursuit-il. Quant à
banques ont conçu des packages adaptés à jorité pense, qu’à défaut de titre foncier, il n’y l’agriculteur, il fait face à deux créanciers en
la «théorie» du financement agricole. Mais a pas moyen d’accéder au crédit. D’ailleurs, position de force. «L’agriculteur est perdant à
cela demeure, en grande partie, réservé aux cet argument constitue le seul moyen de les tous les coups. Si la campagne agricole est bonne,
grands projets. Pour les petites et moyennes convaincre de s’adresser à la conservation l’ensemble de son revenu est destiné à rembour-
exploitations, «c’est le titre qui prime», selon foncière pour enregistrer leurs terrains. ser les dettes. Dans le cas contraire, la situation
Ali Ellissigui, directeur de Fellah Conseil. ne fait qu’empirer. Les dettes se cumulent et il se
De ce fait, lorsque la propriété du terrain Lefournisseur, retrouve souvent obligé à céder une partie du
agricole n’est justifiée que par un contrat de substitutde terrain ou du bétail», explique l’expert. Cette
vente adoulaire ou par une attestation d’hé- labanque situation aurait pu être évitée, si une appro-
ritage traditionnel, comme c’est le cas pour Comment se déroule l’opération de finance- che rationnelle de financement avait été, dès
bon nombre d’exploitations, notamment ment? L’exploitant contracte un crédit pour le départ, adoptée. «Le secteur agricole souffre
les petites, l’agriculteur est immédiatement le financement des investissements, sur la d’un manque énorme de cash. Cela entraîne les
exclu du financement. Et base du titre foncier. Or, opérateurs dans des cycles de crédits compliqués,
même s’il y accède, il n’a étant donné que le mon- qui ne leurs permettent pas de penser sereine-
droit qu’a un montant li-
mité, par rapport à la va- l’évaluation tant ne lui suffit généra-
lement pas pour couvrir
ment à leur développement», explique Ellissi-
gui. Là aussi, l’agrégation constitue une so-
leur déclarée du terrain. des cash l’ensemble des charges, lution aux problèmes. Un ensemble puissant
Le terrain ne devrait pas, floWs et la il contracte un crédit de et plus structuré dispose d’une position de
dans la logique financière, campagne sur la base du force, aussi bien auprès des banques que des
constituer la base d’octroi
quantification même titre, pour complé- fournisseurs.
du crédit, mais plutôt la des charges, ter l’investissement. Outre la problématique du crédit, l’autre
production réalisée. Or, les dans le choiX Lorsque la campagne interrogation qui se pose est celle de la ren-
banques ne prennent pas d’investisse- commence, l’exploitant est tabilité. Une étude de la banque mondiale
la peine d’évaluer la valeur contraint d’engager des estime que la rentabilité moyenne, à savoir le
de cette production, qu’elle ment sont très charges d’exploitation, qu’il résultat net/chiffre d’affaires doit être à hau-
soit animale ou végétale. Il Peu utilisées. ne peut honorer. Et c’est là teur de 8%. Un chiffre inférieur à la moyenne
faut dire aussi qu’elles n’ont qu’apparaît un maillon in- de l’ensemble des secteurs, estimée à 12%,
pas assez de moyens pour le faire. «Pourtant, contournable de la chaîne de financement, confie Mohamed Bajeddi.
il suffit d’envoyer un expert sur place et d’éva- qui n’est autre que le fournisseur, souvent, La rentabilité de l’agriculture est théorique-
luer le potentiel de production de l’exploitation, spécialisé dans l’ensemble des besoins de ment inférieure à celle de l’industrie et des
afin de pouvoir donner le crédit sur cette base», la campagne: matériel agricole, plants, se- services. Cela ne réduit en rien l’attractivité
explique Ellissigui. Cet expert peut être un mences, matériel d’irrigation… Celui-ci se de l’investissement agricole.
technicien en agronomie pour les petites ex- substitue à la banque pour le financement de Car, dans l’imaginaire collectif des maro-
ploitations et un ingénieur agronome pour la campagne, en contre partie d’un chèque cains, une bonne récolte est toujours syno-
les projets de grande envergure. Une pratique bancaire. «Mais, au lieu de vendre sa marchan- nyme de richesse conséquente.

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Les plus grandes entreprises marocaines

essor n°42 - Avril 2010 46


Dossier
agriculture

Ressources humaines

L’expertise
des «petites mains»
Dire que les emplois agricoles ne nécessitent pas une expertise
particulière serait sous-estimer le travail qu’accomplissent, chaque jour,
des milliers de petites mains dans les fermes et dans les champs. Dans
un secteur faiblement encadré et peu structuré, ce sont les petits emplois
qui font la différence, en termes de rentabilité.

L
a maximisation du bénéfice dans
l’agriculture est étroitement liée à la
sur-exploitation du facteur humain.
Ce n’est pas unique au Maroc. Cela
concerne l’ensemble des pays, où le secteur agri-
cole fournit une partie significative de la valeur
ajoutée et de l’emploi», explique d’emblée Mo-
hamed Bajeddi, expert agricole internatio-
nal. Les conditions précaires auxquelles sont
liées la majorité des emplois dans l’agricultu-
re sont, si l’on se tient à cette déclaration, une
règle générale à l’échelle mondiale. Serait-ce
lié à la nature de l’activité ou à la nature des
tâches qui, pour l’observateur externe, sem-
blent basiques? Pour Ali Ellissigui, fonda-
teur et gérant du cabinet Fellah Conseil, il
faut en finir avec ce complexe d’infériorité,
que l’on développe vis-à-vis des métiers de
base de l’agriculture. «Cueillir des oranges ou
des fraises semble être une tâche basique. Mais,
sans une expertise particulière, cas notamment
des femmes, il est impossible de le faire comme
l’exigent les règles des produits à l’export». Et
d’ajouter: «les femmes marocaines seraient-
elles autant demandées en Espagne pour la
cueillette des fraises si elles n’avaient, en sus de
leur salaire abordable, une expertise particu-
lière qui maximise la rentabilité des exploita-
tions où elles travaillent?», explique Ellissigui.
Il n’y a qu’à voir ces dames dans les chaînes
de tri des olives, des agrumes et autres fruits.
Debout durant plus de 8 heures par jour, el-
les doivent identifier à la vue et en un temps
record (quelques secondes) les fruits qui cor-

essor n°42 - Avril 2010 48


Dossier
agriculture
respondent au calibre et aux caractéristiques sa capacité d’évolution hiérarchique, car il n’y me de prévoyance sociale standard, comme
fixés par le contremaître. Aucune erreur n’est a pas un domaine de compétence particulier, c’est le cas dans l’industrie ou les services?
permise. Sinon, elles risquent une sanction, dans lequel elle peut évoluer. D’autant plus Les experts sondés sont unanimes: un tel
voire l’expulsion de l’usine. Certes, ce travail que le niveau hiérarchique moyen, contre- modèle n’est pas concevable, bien qu’il soit
est basique, mais ne peut le faire qui veut. Un maitre où ouvrier spécialisé, dépend plus obligatoire. Compte tenu de tout cela, il est
travailleur agricole n’est pas comme l’ouvrier de la relation avec le patron de l’exploitation difficile pour l’employeur de suivre ses em-
basique du textile ou celui qui malaxe du et de la capacité à contrôler le travail des ployés saisonniers pour déterminer le nom-
ciment et traîne des brouettes. Il traite un ouvrières que du niveau de bre exact d’heures réalisées
produit délicat et périssable, qui doit être compétence dans un mé- et payer, en conséquence, sa
présentable. tier précis. Autre facteur part patronale. Cette diffi-
qui jouit de l’émancipation
Les culté n’annule pas les nom-
Unemaind’œuvre des salariés dans le secteur travailleurs breuses tentatives de non-
mercenaire de l’agriculture: leur hété- préfèrent, pré- déclarations à la CNSS.
Qu’est-ce qui explique donc la situation rogénéité. Il est rare que carité oblige, Mais, les employeurs ne
précaire des emplois agricoles, en dépit l’on s’adresse à la même
du niveau d’expertise exigé auprès des tra- population d’ouvriers du-
percevoir les 10 sont pas seuls responsables.
Les travailleurs le sont tout
vailleurs? Les experts sondés évoquent plu- rant toute une campagne. dirhams consa- autant.
sieurs raisons. A commercer par la saisonna- Le personnel change, en crés à la cotisa- Compte tenu de leurs
lité du travail. Car, dans l’agriculture, il n’y a fonction de l’évolution de conditions de vie précaire,
pas lieu, pour la plupart des travailleurs, de la récolte et de son impor-
tion de la CNSS. bon nombre d’entre eux
rester attaché à un seul employeur. L’offre de tance. De plus, l’employeur préfèrent percevoir, dans
travail dépend du stade d’évolution des ré- se retrouve face à une population diversifiée leur paie quotidienne, les 10 dirhams consa-
coltes et de leur importance. Les travailleurs (femmes, hommes, jeunes & moins jeunes), crés à la cotisation de la CNSS. Prévenir les
suivent cette évolution, en cherchant, cha- dont l’évolution de rendement est difficile à risques entre, selon eux, dans le cadre du
que fois que cela est possible, à maximiser contrôler. «Mektoub», qu’ils ne sont pas en mesure de
leurs revenus. Pendant les périodes de pic, contrôler. Alors, l’instauration du système
il n’est pas rare de rencontrer des exploitants Faibletaux d’auto-déclaration obligatoire à la CNSS a
qui surenchérissent le prix de la journée de d’encadrement été envisagée, en vain. Quelles sont les ac-
travail, pour capter le maximum de monde. Les postes d’encadrement, tels que les in- tions prévues au niveau des autorités de tu-
Dans ce contexte, la paie quotidienne peut génieurs agricoles et techniciens spécia- telle pour améliorer cette situation ? «Nous
atteindre, dans certains cas, 150 dirhams. lisés. sont peu nombreux dans le secteur. tablons sur la formation des fils d’agriculteurs
Mais, en basse saison, elle peut descendre D’ailleurs, les principaux débouchés des in- pour assurer la continuité dans les exploitations.
à 45 dirhams. De ce fait, le travail dans les génieurs agronomes ne sont pas les exploita- Il est aussi question d’améliorer l’ensemble des
fermes et les sociétés de traitement est ca- tions agricoles mais plutôt l’administration filières de formation professionnelle dédiée à
ractérisé par un grand niveau de turn-over. publique et les grandes surfaces. «L’emploi l’agriculture», précise Fouad Jinate, du bu-
Les travailleurs n’oeuvrent pas dans un do- des ingénieurs et techniciens spécialisés est pres- reau de la programmation, au sein du minis-
maine de prédilection. Ils développent un que réservé aux entreprises agricoles structu- tère de l’agriculture. En réalité, tant que ces
minimum d’expertise dans chaque activité rées, qui disposent d’une vraie hiérarchie. Pour employés agricoles, qui font la richesse du
exercée dans leur région, pour pouvoir tra- le reste, un tel niveau d’encadrement coûte très secteur, constituent le principal moyen de
vailler un maximum de jours. Par exemple, cher dans la mentalité des exploitants», expli- nourrir les populations, tout en étant privés
une seule ouvrière dans le Gharb est capable, que Khalid Daoui, chercheur à l’INRA. d’un salaire digne de l’effort fourni, il y a peu
à la fois, de trier des oranges, cueillir des frai- Compte tenu de tous ces éléments, peut-on de chances que leur mentalité évolue vers les
ses et conditionner des melons. Ce qui réduit parler d’une possibilité d’instaurer un systè- normes sociales standards.

essor n°42 - Avril 2010 50


Dossier
agriculture

Investissement

Comment optimiser le trio


climat-sol-eau ?
Le choix de l’investissement agricole et l’importance des moyens
financiers & techniques, nécessaires au développement de
l’exploitation agricole, dépendent de la prise en compte de trois
éléments: climat, sol et eau Qu’en est-il ?

essor n°42 - Avril 2010 52


L
’investissement agricole repose sur Ladiversification mobiliser et la rationnaliser. Le goutte-à-
l’optimisation du trio climat-sol- inclut-ellel’élevage? goutte demeure le moyen privilégié pour
eau», lance d’emblée Ali Ellissi- Comment réaliser cette diversification? les agriculteurs. «Il existe actuellement
gui, directeur du cabinet Fellah Les avis divergent. Ellissigui prône une des techniques d’irrigation par goutte-à-
Conseil. Ce sont les trois piliers nécessai- diversification limitée à l’une des deux goutte, à travers des tuyaux enfoncés dans
res à la réussite de l’investissement. Par catégories d’exploitation agricole: l’agri- le sol. Mais ces techniques ne sont pas en-
exemple, dans Moyen Atlas, le climat culture ou l’élevage. Il y a lieu, par exem- core arrivées au Maroc», explique Khalid
froid le sol rocheux et la relative abondan- ple, de marier des plantations d’oliviers et Daoui, chercheur à l’institut national de
ce en eau, sont propices à la culture des d’amandiers, comme c’est le cas dans la recherche agronomique (INRA). Aussi,
rosacées. «Cela ne veut pas dire que l’inves- région de Saïss. «Mais dans les exploitations il est nécessaire d’installer des outils, afin
tissement ne doit porter que sur un seul type modernes, il n’est plus question d’installer les de se protéger des risques climatiques
de culture. Dans le secteur agricole, il ne faut vergers et l’élevage dans un même espace», (culture sous serre, protection contre les
surtout pas mettre tous ses œufs dans le même note-t-il. Pour Abdellah Bajeddi, consul- incendies…). Quant aux exploitations
panier», explique Ellissigui. Cette diversi- tant international auprès de l’USAID, le spécialisées dans l’élevage, est-il néces-
fication est aussi un moyen de mieux éta- mode traditionnel conjugant agriculture saire qu’elles se dotent d’une superficie
ler les revenus et les efforts, tout au long et élevage est toujours valable. «Même supplémentaire pour la culture des ali-
de la campagne. En effet, si l’exploitation pour les grandes exploitations modernes, le ments de bétail ? Est-ce que l’élevage peut
tourne autour d’un seul produit, la charge bétail est un facteur d’équilibre et une source être rentable si les aliments sont achetés
de travail sera concentrée autour de la pé- supplémentaire de trésorerie», précise-t-il. ? En général, la culture des aliments est
riode de récolte. Cela compliquera la tâ- Une fois le choix établi, l’étape suivante nécessaire pour les exploitations laitières
che de l’agriculteur, en termes de ressour- consiste à mobiliser les moyens néces- et pour l’engraissement des ovins. Ce n’est
ces humaines et de financements. A titre saires. Là aussi, l’optimisation du trio que lorsque l’ensemble de ces éléments est
d’exemple, si l’investisseur se trouve dans climat-sol-eau est nécessaire à prendre maîtrisé que l’on passe à l’élaboration du
l’incapacité de mobiliser les ressources en compte. Il faut choisir les plants adap- business plan. Une mesure devenue de
nécessaires à la cueillette ou à la récolte, tables à la nature du sol, quantifier l’eau plus en plus utile pour toute demande de
tous ses efforts seront vains. nécessaire et se munir de moyens pour la crédit auprès des banques.

53 essor n°42 - Avril 2010


Dossier
agriculture

Entreprises agricoles
Les modèles de succès
Certes, les entreprises agricoles sont taxées d’une faible structuration et d’une
absence de vision claire à l’export. Cependant, le secteur est riche en modèles
à succès, qui peuvent servir d’exemple. Il ne s’agit pas uniquement de grandes
entreprises, mais également de PME et de structures d’économie solidaire.

chacune d’elles. Outre les terrains agricoles, chaîne de production. Outre les terrains agri-
Grandes entreprises il existe certains domaines particuliers, telles coles dont elle dispose, elle gère également
que l’unité de conditionnement des agrumes sept stations de conditionnement, dont qua-
LesDomaines, à Casablanca et l’unité de production de tre à Casablanca, deux à Marrakech et une
uneréférencemondiale produits de beauté à base d’élément naturels, à Agadir. Elle dispose de moyens logistiques
Ce n’est un secret pour personne. La famille commercialisés sous la marque Tiyya. Qu’en permettant de faire parvenir les produits de
Royale est l’un des plus importants est-il de la commercialisation, notamment à ses terriens agricoles vers les zones de condi-
investisseurs du secteur l’export ? Ce volet est géré par Geda filiale, tionnement. La production de la société,
agricole au Maroc. qui qui représente d’ailleurs «Les Domai- tous produits confondus, se chiffre à environ
Les domaines, qui nes» dans les foires agricoles internationales. 90.000 tonnes. Les agrumes concentrent la
lui appartiennent, En outre, «Les Domaines» sont actionnaires part la plus importante (60.000 tonnes). Les
figurent parmi les dans la société Morocco Fruit Board, spécia- performances de Delassus proviennent éga-
plus structurés à lisée dans l’exportation des produits agrico- lement d’une politique de marque réussie.
l’échelle nationale. les. A noter enfin que «Les Domaines» vient En effet, la société a réussi à développer trois
L’ensemble de ces ex- de créer un label dédié aux produits bio, «Les marques « ombrelle » qui portent l’ensemble
ploitations est regroupé sous l’enseigne «Les Domaines Bio». de ses produits: agrumes, tomates, pommes
Domaines», référence nationale et inter- de terre. Ses marques portent des noms tels
nationale dans la production et l’exporta- Delassus,uneentreprise que Leila, DFM, Casablanca. A ceux-là,
tion de produits agricoles, toutes catégories trèsperformante s’ajoute la marque Calibra pour les tomates
confondues. En effet, les exploitations gé- La fillette portant un plat d’agrumes sur la cerise et Prim Roses pour les roses coupées.
rées par «Les Domaines» produisent tous tête est une enseigne L’intégration de la chaîne de production et
genres de produits agricoles. Des agrumes que de milliers de de commercialisation de Delassus s’étend à
au maraîchage, des rosacées aux primeurs, consommateurs, au l’export. En effet, Delasssus est actionnaire
sans oublier l’élevage bovin, ovin et caprin et Maroc et à travers le conjoint de « Les Domaines » dans la so-
même la pisciculture. monde, connaissent ciété Morocco Fruit Board, spécialisée dans
La marque est mondialement reconnue, no- et apprécient. Il est l’export des produits agricoles.
tamment pour la variété de ses clémentines, l’emblème de Delassus,
Afourer et Nour. Les exploitations jouissent l’une des sociétés les plus MoroccoFruitBoard,
toutes d’une gestion de production auto- structurées, face aux «Les Domaines», dans leaderdel’export
nome. Parmi les plus importants domaines, le secteur agricole marocain. Le nom Delas- Bien qu’elle ne gère pas en direct les exploi-
il y a celui de Douiyet dans la région de Fès, sus est celui d’agriculteurs français, auprès tations agricoles, Morocco Fruit Board
le domaine du Lac près de Rabat ou encore, desquels la famille Bennani Smirès a racheté (MFB) est la plus grande
le domaine de Dakhla, dont une partie est ses premiers terrains. La société produit des structure spécialisée
dédiée à la production bio. «Les Domaines», agrumes, des primeurs (tomates et pommes dans l’export de fruits
société gestionnaire, est mandatée par les de terre), des rosacées (pêche et nectarines) et légumes à l’échelle
propriétaires pour gérer ces exploitations. La et des roses. Les exploitations sont réparties nationale. C’est une
société assure, en effet, les fonctions support sur plusieurs zones agraires du Maroc, dont filiale commune de
pour l’ensemble des exploitations (finances, notamment Marrakech, Beni Mellal, Sidi plusieurs grands expor-
marketing, informatique…) qu’elle supervise Slimane et Agadir. La performance de De- tateurs de produits agrico-
et assure un contrôle régulier des comptes de lassus s’explique par sa maîtrise de toute la les. Son tour de table est composé de grandes

essor n°42 - Avril 2010 54


références, dont Les Domaines, Delassus, de rentabilité. La société dispose, en effet, de performantes régions agricoles à l’échelle
Groupe Kabbaj et bien d’autres. Grâce à une sa propose station de conditionnement, ce européenne. Ainsi, le bureau lui permet de
expérience de plus de 10 ans, MFB a déve- qui lui permet un bon niveau d’intégration. mieux s’informer sur les conditions de son
loppé une grande expertise dans son métier. Dans cette course contre la montre, le Do- marché de prédilection et de la situation de
Son champ d’actions couvre une large palet- maine Benzit et les autres producteurs de ses concurrents. De ce fait, elle peut mieux
te de produits à l’export, dont les agrumes, les pêches et nectarines doivent faire face à la positionner ses produits. Cette expertise lui a
primeurs, les fleurs et bien d’autres variétés. rude concurrence d’un nouveau producteur, permis de jouer un rôle d’intermédiaire pour
De plus, MFB dispose de ses propres moyens qui n’est autre que l’Egypte. plusieurs autres producteurs du Souss sur le
logistiques, qui lui permettent de rassembler marché européen. Outre cette présence en
les récoltes des différents terrains agrico- DomaineKantari, Europe, Agafonte a réussi à développer une
les et des stations de conditionnement des laréférencedesclémentines connaissance approfondie des circuits logis-
entreprises pour lesquelles elle exporte. Au Berkane a toujours été un terroir de clémen- tiques de fruits & légumes entre l’Europe et
niveau de la commercialisation, MFB s’est tines de référence à l’échelle nationale. Sa le Maroc.
spécialisée dans les marchés à forte valeur production est reconnue
ajoutée, tels que ceux d’Amérique du Nord, à l’international, pour Economie solidaire
d’Europe de l’Ouest et de Russie. Son expé- sa qualité et son goût
rience lui permet de surmonter les difficultés raffiné. Des atouts, L’OrRougedeTaliouine,
de recouvrement et d’acheminement des dont profite le Do- lebonfilondusafran
marchandises. Ses cadres maîtrisent parfai- maine Kantari, en- Dans un coin égaré de la région du Souss, se
tement la chaîne logistique, qui lie le Maroc treprise de référence de trouve le village paisible de Taliouine, connu
à ses marchés. Grâce à la qualité des produits la région. La société gère aussi bien au Maroc qu’à
qu’elle offre, MFB est également dotée d’un aussi bien des champs d’orangeraies qu’une l’étranger pour la pro-
pouvoir de négociation non négligeable avec station de conditionnement. C’est ce qui lui duction du safran.
la clientèle internationale. permet d’atteindre, par ses propres moyens, Cette plante noble
les marchés traditionnels à l’export, aussi nécessite un trai-
PME bien en Europe de l’Ouest que dans les pays tement particulier
de l’Est. lors de la plantation et
DomaineBenzit,coursecon de la cueillette des pétales.
trelamontrepourl’export Agafonte,laniche Des opérations que seules les femmes de la
Réussir à positionner sa marchandise sur le dupoivronblanc région maîtrisent. De plus, la rose de safran
marché européen, durant le mois où celle-ci On connaît tous les trois variétés standards est si particulière qu’elle n’éclôt que dans
est assez compétitive de poivrons, à savoir le vert, le rouge et le le douar de Taliouine. Les habitants d’un
pour y être commer- jaune. Mais, saviez-vous village voisin, Taznakht, ont essayé de la
cialisée, c’est le défi qu’il existe un poivron planter, en vain. C’est ce qui explique que sa
que se sont lancés les blanc? Un produit très culture ne dépasse pas 600 hectares. Pendant
gérants du Domaine apprécié en Europe longtemps, les femmes de Taliouine ont été
Benzit, entreprise de l’Ouest. La so- une proie facile pour les intermédiaires, qui
agricole de la région ciété Agafonte, pro- achetaient auprès d’elles le safran à un prix
de Taroudant, spécialisée ducteur et exportateur dérisoire, pour l’exporter ensuite à des prix
dans les rosacées, en l’occurrence les pêches de primeurs, en a fait son donnant le tournis. La situation a changé
et nectarines. En effet, la production maro- produit-phare. Ce poivron blanc distingue depuis la création de la société l’Or Rouge
caine de ces deux variétés doit être prête et cette entreprise de ses concurrents, dont la de Taliouine, première société de la région
conforme à l’export, durant la période de production est axée sur les variétés standards conforme aux règles de l’économie solidaire.
mi-avril/mi-mai, où les arbres fruitiers euro- de primeurs. Ce n’est pas la seule niche sur Grâce à cette structure, les femmes de Ta-
péens n’ont pas encore atteint leur maturité. laquelle mise Agafonte. liouine vendent leur safran entre 7.000 et
Ce qui permet à la production marocaine, Celle-ci produit également un produit spé- 8.000 dirhams le kilo, contre 2.800 dirhams
notamment celle des entreprises moyennes, cifique, appelé piment padron, une variété seulement auparavant.
de bien se positionner. très appréciée, notamment en Espagne. En misant sur ce principe solidaire, l’Or
Au Domaine Benzit, les cadres se livrent Outre ces deux niches, Agafonte produit, Rouge de Taliouine a réussi à expédier sa
à une véritable course contre la montre. entre autres, des tomates, des melons et des production dans les quatre coins du monde.
Sans oublier qu’ils doivent veiller à ce que poivrons qu’elle arrive également à placer sur Le safran est, en effet, acheminé par avion
leur production soit aux normes du marché le marché européen. Pour réussir la com- vers les clients de la société à l’international.
européen. De plus, ils veillent à dénicher les mercialisation de ses produits en Europe, Ce modèle permet à l’entreprise de réaliser
contrats commerciaux les plus avantageux Agafonte a fait le choix stratégique d’instal- un niveau de rentabilité correct et à ses four-
en Europe, pour pouvoir commercialiser ler une antenne à Huelva, en plein milieu de nisseurs, de dégager des revenus permettant
leurs pêches et nectarines avec un maximum l’Andalousie, réputée pour être l’une des plus de vivre dignement.

55 essor n°42 - Avril 2010

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