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à Geneviève Krick
Fernand Deligny
Les remarques de Louis Gernet1 sur certaines formes de précipitation dans les
flammes ou dans la mer, destructions sans adresse mais pas sans direction,
consommant sans aucun reste les agalmata ainsi sacrifiés, sont elles-mêmes
tombées dans ce puits sans fond que la langue française nomme : l’oreille d’un
sourd. La métapsychologie freudienne est tendue comme un rempart préservant
du destinal. Elle court ainsi le risque d’être possédée par lui. Par là elle se
coupe aussi de son rapport à l’historial et reste incapable de penser ces figures
possessionnelles majeures, fascisme ou stalinisme, dont le XXe siècle a été le
théâtre. Le présent texte tente d’établir comment certaines positions qui ne
relèvent guère d’une clinique permettent de penser quelque chose de ce que l’on
pourrait nommer agencement archi-politique, Fernand Deligny en avait
pressenti la possibilité.
Le nom d’Hestia2 en Occident nous est témoin que la pensée matinale des Grecs
avait confié au féminin et au maternel une responsabilité déterminante
concernant ce qui, pour nous encore, se donne comme mise en monde. Nous
verrons qu’il n’en est pas toujours de même dans d’autres cultures.
Certains enfants semblent effrayés, effrayés même par leur propre ombre, au
point que parfois ils semblent rester en réserve de la vie, sauf en quelques
instants de fulgurantes surprises ; sous leur peur apparente je crois plutôt qu’ils
sont de véritables héros, que leur expérience initiale de ce que les Grecs
nommaient deinon (ce mot que Heidegger traduisait par Unheimlich et
Hölderlin par Ungeheuer3) est solidaire de celle d’Hurbinek telle que l’évoque
Primo Levi4.
Nous devons à ces enfants tout notre respect5, et non la brutalité des dispositifs
de conditionnement et de gestion de l’humain, héritiers directs des biopolitiques
des années trente, qui sous prétexte de soins accablent davantage encore, en le
déniant, leur destin ; non plus que ces discours lénifiants qui tentent de les
réduire à une « illustration » de la pertinence de la théorie freudienne ou
lacanienne.
Nous sommes loin d’avoir tiré les conséquences historiales-politiques de ce
constat fait par de nombreux cliniciens6, tel Donald Meltzer, que l’« autisme »,
parfois spontanément et « instantanément » réversible, n’est pas une psychose7.
1
Anthropologie de la Grèce antique, Champs Flammarion, 1982, p. 147 sq.
2
Soit, en langue grecque, le nom d’une déesse et celui du foyer.
3
Ce que j’avais proposé de traduire par « le dissonant » (Cf. Diaboliques, La psychanalyse et
le destinal, Apolis éditions, à paraître).
4
Cf. La Trêve, Grasset, 1966, p. 25.
5
Respect fort différent de l’« amour » (aimer les autistes) évoqué par une dame patronnesse
de la psychanalyse (cf. infra).
6
Cf. Henri Rey-Flaud, L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage, Aubier, 2008, p. 312 sq.
7
Mais alors quoi ? Question valable d’ailleurs pour tout ce champ que nous nommons aussi
diabolique.
3
Rien n’interdit en tout cas de conclure (au risque de ruiner quelques fonds de
commerce), que, comme tant de nos évidences les plus manifestes et attestées
par la « Science », l’autisme n’existe pas.
Mauss et Freud
13
Même s’il prend le masque de l’athéisme rationnel (comme l’avait si bien perçu Pierre
Klossowski – Cf. « Avertissement », Sade mon prochain, Seuil, 1967). En ce sens on notera
par exemple les références répétées d’Henri Rey-Flaud au « père de la psychanalyse ».
14
Sociologie et Anthropologie, PUF, 1989, p. 314.
15
Dans Mal d’archives, Derrida avance que « Le croire, le phénomène radical de la croyance,
seul rapport possible à l’autre en tant qu’autre, n’a finalement aucune place possible, aucun
statut irréductible dans la psychanalyse freudienne. Que pourtant il rend possible. D’où la
surenchère archéologique d’un retour à la réalité, ici à l’effectivité originaire d’un sol de
perception immédiate ».
16
L’inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard, 1988, p. 213-263.
5
Ce déni est ancien. Marcel Detienne17, constate que c’est « une caractéristique
des lois de Dracon18 : il n’y est pas question de purification, pas plus que de
souillure en général19. En devenant sujet de droit, le meurtrier semble se
dépouiller de la ritualité dont l’entourent volontiers des cultures marquées par le
même archaïsme, dans l’Afrique de l’Ouest ou dans le monde amérindien ». La
médecine suivit le même chemin : au Ve siècle les médecins hippocratiques,
« écartant de leur analyse les maladies du type “fléau” ou loimos, refusent le
modèle d’une souillure pouvant atteindre tous les membres d’une
communauté »20, défendent la thèse d’un contact singulier avec le facteur de la
maladie, appréhendant désormais le corps souillé en le déconnectant de sa
relation avec un territoire et une communauté politique. Plus que d’une impureté
religieuse il s’agissait jusque-là d’une souillure politique qui se transmettait par
« remplissage », par excès, par saturation, singulièrement en ces lieux où se
pratique le partage entre semblables : assemblées, sacrifices, banquets. Il
s’agissait donc de tenir le porteur de la souillure à l’écart d’une série de points
sensibles de l’espace. Nombre de sociétés amérindiennes et africaines mettent en
relation étroite un type de souillure et un espace social à travers une puissance
souvent anonyme. Certains auteurs parlent d’un « champ de souillure », défini
comme un espace-corps englobant le corps de tous ceux qui lui appartiennent.
François de Polignac a noté le profond remaniement spatial induit par la
naissance du juridique : « là où Épiménide21 partait du centre de la Cité pour
retracer des chemins et retrouver les jalons sacrés qui balisent le territoire, Solon
à l’inverse efface les frontières qui cloisonnent l’espace et la société athéniennes
17
« Le doigt d’Oreste », Destins de meurtriers, Systèmes de pensée en Afrique noire, N° 14,
1996.
18
Les premières lois constituantes de la polis athénienne (621 avant notre ère).
19
Alors que l’égarement criminel relevait traditionnellement, jusque-là, d’un traitement
religieux.
20
A noter l’ampleur de véritable « raz-de-marée » de la souillure provoquée par les
Alcméonides (massacrant leur adversaire sur l’autel des Érinyes), submergeant leur maison
(on parlera de 700 personnes), attaquant la totalité des sanctuaires et des autels de l’Attique
(ibid.).
21
Crétois venu purifier Athènes du massacre des Cylonides perpétré par les Alcméonides.
6
pour tout faire converger vers le centre de la cité »22. Cette configuration
opposant à Athènes un purificateur (Épiménide) et un législateur (Solon) ne
semble pas avoir été exceptionnelle, ainsi par exemple, à Sparte, Thalétas de
Gortyne, le Crétois purificateur en regard de Lycurgue le législateur. De l’un à
l’autre, on passe de rapports « éclatés et discordants » (selon François de
Polignac) à une construction unifiée du temps et de l’espace.
Scène du massacre des Cylonides à Athènes qu’il conviendrait de conjoindre à
une autre scène, plus célèbre et plus largement commentée : celle des Hébreux
dansant devant le Veau d’or. L’aveuglement de Freud face à cette chorégraphie
s’égalant en l’occasion à celui de Moïse !
Cette prévalence du législatif doublement initiée par les Grecs et par les
Hébreux, conduit nos contemporains à une surévaluation, au sein de ce qui s’y
dérobe, de la dimension de la jouissance, systématiquement confondue avec
l’extase et le ravissement. Par exemple, citant Sade, Moustapha Safouan évoque
l’infléchissement de la pulsion de mort dans le sens d’un vœu de non-être sauf à
être le phallus, « refus de la castration, qui donne au refus de la vie je ne sais
quel accent de malédiction » ; ou bien « la mort se présente comme condition de
la jouissance envisagée soit comme “retour à la terre mère”, soit comme union
avec Dieu »23. Du fait de ce que Safouan nomme « conditionnement phallique
du narcissisme », la signification phallique mettrait en jeu une jouissance
rendant « ennemi de la vie », soit que son défaut rende l’existence vaine, soit
que la mort constitue le chemin qui y mène.
Donald Meltzer24 se demande même, à propos de « l’intensité de l’expérience
sensuelle originelle au sein », si chacune des sensations provoquées par
l’allaitement ne serait pas « un plaisir tellement enchanteur que chacune en elle-
même par sa propre intensité lui rendait difficile l’assemblage de ses fragments
en un tout qui prenne la première place ». Commentant ce passage, Henri Rey-
Flaud affirme que « cet enfant démontre que son psychisme rudimentaire a été, à
l’origine, marqué au fer rouge par une qualité sensorielle exquise de l’objet
maternel, laquelle a produit chez lui un vécu de jouissance si intense qu’il a été
imprimé et mémorisé sur un mode complètement monadique »25. Plus loin il est
question d’« une vague de jouissance déferlante, expression d’une libido
déchaînée »26. On peut surtout se demander ce qu’un tel mode de théorisation
doit aux agencements des sociétés de la culpabilité et au monothéisme.
22
Dans « Changer de lieu, changer de temps, changer la cité », Construction du temps dans le
monde grec ancien, sous la direction de Catherine Darbo-Peschanski, CNRS éditions, 2000, p.
143-154.
23
L’échec du principe de plaisir, Seuil, 1878, p. 82.
24
Explorations dans le monde de l’autisme, Payot, 1984, p. 62.
25
P. 287-288.
26
P. 301.
7
Autant de raisons pour nous de reprendre à nouveaux frais, sur les traces
d’Emmanuel Laroche27 et de Gilles Deleuze, la question des liens étymologiques
entre nomique, nomade et Némésis. Rappelons que selon Gilles Deleuze et Félix
Guattari, la racine nem indique la répartition et non le partage, au sens pastoral
d’une distribution des animaux réalisée dans un espace non limité et qui
n’implique nullement un partage des terres. C’est seulement avec Solon que
Nomos va désigner le principe des lois et du droit28. Némésis peut dire la
vengeance et la jalousie comme la répartition destinale29.
Fernand Deligny
27
Histoire de la racine nem- en grec ancien, Klincksieck, 1949.
28
Cf. Mille plateaux, Minuit, 1994, note 44, p.472.
29
Remarquons que Meltzer parle certes de jalousie, mais qu’il n’entend pas la Némésis (op.
cit., p. 62).
30
Le travail de Deligny n’est cité qu’une fois (citation qui d’ailleurs malicieusement échappe
à sa tentative d’indexation – p. 355 et non 255 comme l’indique l’index) fort vaguement, dans
le livre d’Henri Rey-Flaud. Si je lis bien, les « lignes d’erre » se résumeraient pour l’autiste,
selon Henri Rey-Flaud, « à la volonté désespérée d’écrire le signe de l’origine qui marquerait
la naissance de sa première identification présymbolique ».
31
Deligny et les cartes, Béatrice Han, « Multitudes », document Internet.
32
À rapprocher des remarques déjà citées de Marcel Detienne concernant, dans diverses
cultures, l’espace-corps menacé par la souillure.
33
Citons Deligny : « Erre : le mot m’est venu. Il parle un peu de tout, comme tous les mots. Il
y va d’une “manière d’avancer, de marcher” dit le dictionnaire, de la “vitesse acquise d’un
bâtiment sur lequel n’agit plus le propulseur” et aussi des “traces d’un animal”. Mot fort riche,
comme on le voit, qui parle de marche, de mer et d’animal et qui recèle bien d’autres échos :
“errer : s’écarter de la vérité... aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure”. Jean-Jacques
Rousseau le dit : “voyager pour voyager c’est errer, être vagabond”. C’est aussi “se
manifester çà et là, et fugitivement, sur divers objets, sourire aux lèvres” ».
8
34
P. 14.
35
Divinité qui n’est évidemment pas contingente ici.
36
L’art chinois de l’écriture, Skira, 1989, p. 211.
37
Analyse du drapé qui reste tout à fait étrangère à Daniel Arasse, dans son analyse du Verrou
de Fragonard. C’est à la destruction des conditions de possibilité d’un tel regard, que
s’emploient aujourd’hui (manifestement à leur insu) certains psychanalystes, en Chine même,
sous prétexte de faire découvrir aux Chinois la possibilité de « parler de soi » (entendre, se
mettre en perspective).
9
et ont permis à l’enfant de s’insérer dans le cours des choses plus que dans
l’ordre symbolique »38.
Les questions ouvertes par Deligny restent abyssales si on les prend au sérieux,
ainsi lorsqu’il affirme que « l’Église a une racine dans le monde autistique... Les
rituels quels qu’ils soient et les rituels religieux en particulier, tendent à épaissir
les gestes quotidiens pour leur donner une apparence de choses, ils en font des
pierres ». Pour Deligny, « la vérité est dans les pierres au moins autant que dans
les mots... ». Il savait en tout cas la résonance que les gestes et les parcours des
enfants qu’il accompagnait pouvait avoir du côté de textes décisif, dont la
lecture est sans doute encore à venir : ceux de Martin Heidegger et ceux de
Pierre Clastres en particulier.
« Ce gamin, là », risque Deligny, mais il écrit parfois ce « gamin-là » : s’il
demeure une charge de malentendu ontologique dans ces formules, insistons sur
le fait que c’est bien le là de ces gamins qu’il s’agit de respecter et d’interroger
d’abord, c’est ce là qui ne cesse de s’échapper sous notre entendement et notre
dire métaphysique, ce dire que Deligny, comme Heidegger, n’hésitait pas à
défaire et à distordre.
« Il y a des là qui sont chevêtres »39.
Le récent livre d’Henri Rey-Flaud40 (qu’il ne faut pas réduire aux barrissements
d’enthousiasme qu’il suscita dans les colonnes du Monde41 : « Disons-le sans
détour, ce livre, qui jamais ne moleste les familles et se lit comme une
déclaration d’amour envers les autistes, deviendra un classique »42) se situe
38
Formulations que je reprends à Françoise Bonardel.
39
« Raconter », Fernand Deligny, Œuvres, L’Arachnéen, 2007, p. 1091-1113.
40
L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage, op. cit.
41
Il est vrai que les titres intercalaires, sans doute suggérés par l’éditeur, sont d’un humour
(ou d’un comique ?) impeccable, du type mode d’emploi, facilement intelligible même par
des journalistes (par exemple : À quelles conditions il est possible d’échapper au trou noir, Le
monde de l’autisme éclairé par deux pages de Freud…)
42
Telle qui tient la loge et le manche du balai s’imagine ainsi parfois décider du destin de la
demeure toute entière. Cet enthousiasme n’est sans doute pas sans rapport avec la
proclamation, à tout prendre remarquablement conformiste de l’auteur, à propos de l’enfant
Piffie et de son horreur des uniformes : « Ce vécu de Piffie (celui de l’école ou celui des
scouts) signifie arborer les insignes de l’Autre, qui marque l’accession à un état plus accompli
du moi, solidaire de l’intégration à une nouvelle communauté. Normalement, les écoliers sont
heureux d’être introduits à cette étape inédite, car cette intronisation atteste qu’ils échappent
désormais au cercle étroit de la famille et qu’ils sont sur le chemin qui mène vers les grands »
(p. 369). Saluons la lucidité de Piffie dans son horreur des uniformes, plutôt que de dénoncer
« l’échec d’un procès symbolique fondamental ». Remarquons aussi que l’« autisme »
sollicite et dévoile notre rapport à la théorie et aux institutions. On perçoit peut-être mieux
alors le sens de la violence de l’arraisonnement de celui-ci par tant d’analystes.
10
manifestement dans une toute autre perspective. Il a pour projet de vérifier que
les processus psychiques de l’autisme s’inscrivent dans le « système (général)
du langage », et c’est aussi une des limites de cet ouvrage, qui se propose même
de « reformuler de façon plus rigoureuse » les propositions essentielles des
psychanalystes kleiniens, en les intégrant dans « une théorie générale du
langage »43. Cette ambition n’est pas sans conséquences majeures, critiquant une
formule de Gilbert Lelord parlant de « victimes d’une cacophonie cérébrale »,
Henri Rey-Flaud note : « cette formulation, plus poétique que scientifique, reçoit
un statut théorique consistant si l’on réfère ladite cacophonie au registre
scriptural primitif qui enregistre dans le désordre les excitations internes et
externes s’abattant en mitraille sur le sujet »44. Est ainsi évacuée toute l’intuition
musicale, déterminante en cet espace comme on le verra, de la « cacophonie »45.
Quoique l’auteur manifestement s’en défende, sa conception de l’autisme reste,
si ce n’est du côté du déficitaire en tout cas de celui du négatif et du ratage (par
exemple : « état primitif de la psyché », « défaut de relation à l’Autre »46,
« l’expression d’un état de langage primitif »47, ou encore : « il serait
complètement erroné d’attribuer aux sujets autistes un quelconque sens
esthétique »48, « ils n’accompliront jamais, quoi qu’il advienne, la seconde
traduction, qui, dans la normalité, effectue la transcription des images en traces
pour introduire le sujet à la réalité psychique achevée »49, « aucun patient autiste
ne saurait prétendre à une véritable guérison »50, « Piffie ignorera toujours que, à
l’orée même de l’existence, la naissance est d’emblée liée à la mort »51).
L’autisme exprimerait « le refus primordial que le sujet du langage peut être
amené à opposer à la nécessité de la vie (Not des Lebens, disait Freud) », la peur
d’être « pris et entraîné dans la dynamique subjective mise en branle par le
langage à l’orée de la vie »52. L’autisme permettrait de ce fait « de saisir le
moment d’émergence de l’homme au champ du symbolique », apportant ainsi à
43
P. 31. Quête métaphysique du « socle archaïque de la subjectivité, dont la mise au jour doit
apporter à l’édifice théorique de la psychanalyse les fondations qui lui ont jusqu’ici manqué »
(p. 146).
44
P. 49. Insistons sur la prévalence absolue, en ce domaine, du poétique sur le scientifique.
45
Il semble en être de même de la question des couleurs, méconnues dans leurs dimensions
sémiotiques d’écart, le pictural étant réduit à « un ersatz de symbolique à caractère privé » (p.
306).
46
P. 9.
47
P. 281.
48
P. 131.
49
P. 53.
50
P. 56. Disons-le : il y a une folie formaliste, c’est elle qui conduit à prophétiser sans réserve,
à fermer a priori, là où il conviendrait de garder un prudent silence !
51
P. 373.
52
P. 39.
11
demandé par moment si cet ouvrage ne tentait pas d’édifier à son insu un pont entre une
psychanalyse technicisée (en particulier ce qui est tissé autour de la notion d’« empreinte »
transforme la tragédie de l’autisme en impasse technique) et le cognitivisme. Ainsi par
exemple Temple Gandin relaterait « comment elle fabrique une image analogique pour classer
dans les fichiers de sa mémoire les représentations abstraites qui n’ont pas d’image directe »
(p. 51).
60
Bellum civile, VI, 618. Il est difficile de ne pas penser ici au sémiotique mobilisé par la
poésie de Paul Celan (Cf. par exemple Uta Werner, Textgräber, Paul Celans geologische
Lyric, Wilhelm Fink Verlag, 1998).
61
L’« émergence du sujet » comme « phénomène d’apocalypse » n’étant pas explicitée.
62
« À cet instant se produit dans un éclair une coalescence entre le signe et le signifié qui
entraîne une mise en échec de la loi du langage, laquelle veut qu’un signe fasse signe pour un
autre signe, et c’est cette subversion qui déclenche l’effet de réel, caractéristique de cette
épiphanie ».
63
Umbrae que Henri Ailloud traduit par « spectres ».
64
Mal d’archives, Galilée, 1995, p. 146-147.
13
L’abord de ces positions infantiles que nous identifions comme « autisme » est
radicalement hétérogène dans d’autres cultures,. Ainsi par exemple tout enfant
65
Il en est d’ailleurs de même chez Bettelheim dont l’expérience de l’autisme aussi bien que
du nazisme (cette dernière étant si remarquablement théorisée par lui) ne lui évite pas une
lecture et une interprétation des contes de fées toute entière plaquée sur le registre œdipien.
66
Ce qui ne constitue qu’un repérage extrêmement approximatif, le destinal faisant voler en
éclat les frontières de l’épistémè occidentale.
67
Cf. Jacques Rancière, « Le concept de critique », Lire le Capital 1, Maspero, 1965, p. 161
sq. Ainsi ces assertions qui ressemblent fort à des pirouettes et dont on ne voit guère ce qui les
soutient : « Nadia démontre aux soignants qu’il est en son pouvoir de transformer une
excitation en source de jouissance (ce qui est tout à fait différent de la position du masochiste
qui retire une jouissance de la douleur) » (p. 326)
68
Cf. « Contribution à la question de l’être », Questions I, NRF, 1979. Pour Heidegger :
« certes il fut une Topographie du nihilisme, de ses progrès, de son dépassement. Mais la
topographie doit être précédée d’une topologie : d’un effort de situation de ce site, ou lieu, qui
assemble Être et Néant dans leur essence, détermine l’essence du nihilisme et permet ainsi de
reconnaître les chemins sur lesquels se dessinent les modalités d’un possible dépassement du
nihilisme » (p. 234).
14
Un conte japonais
Soit le conte japonais dit Les cinq fantômes71, ce conte étrange est remarquable
surtout par ce qu’il agence d’une chorégraphie, de tonalités vocales, d’objets
énigmatiques, plus que par le déroulement d’une histoire dont les ressorts
resteront largement inconnus.
Dans le temple désaffecté où Yochinari (le samouraï du conte) passe la nuit, le
héros résistera à l’attaque des fantômes en les reconnaissant un à un en tout en
énonçant ce qu’ils avaient subis. Ces fantômes se définissent chacun par une
menace propre, par une sorte de chorégraphie et par la tonalité de la voix : Le
long, l’efflanqué, à la voix fluette, sifflement étourdissant, trait rouge
69
Doris Bonnet, « L’éternel retour ou le destin singulier de l’enfant », L’Homme, 1994,
Volume 34, n° 131, p. 93-110.
70
Anthropologie structurale 1, Plon, 1971, p. 58.
71
http://www.cs.cmu.edu/~celine/tresor/japon/conte3.html
15
flamboyant, glissant sur le sol, faisant des ronds et des arcs de cercle, qui
menace de l’étrangler ; Le nu, le haletant, un grondement épouvantable
évoquant tout un troupeau de chevaux, quelque chose de long, de blanc et de
luisant qui se mit à sauter autour de Yochinari en faisant entendre un jappement
et en menaçant de le déchirer en mille morceaux ; Le ventru, l’insatiable, un son
creux, comme celui que fait une cloche, comme une lumière ronde et bleue qui
tournoyait toujours plus vite et devenait de plus en plus grande, menaçant de le
manger…
72
On pourrait interpréter ces métonymies comme un défaut d’accès au métaphorique, mais
c’est précisément l’inverse : il y a une certaine impuissance du métaphorique occidental à
rendre compte du destinal (cf. infra). Le métaphorique aristotélicien est onomastique, les
lettres, les syllabes, la conjonction, l’article, l’articulation (arthron) en général en sont exclus
(cf. Jacques Derrida, « La mythologie blanche », Marges de la philosophie, Minuit, 1985, p.
286 sq). Rappelons la possibilité pour le jeu poétique de forcer le sémantisme de cet
aristotélisme : cligner de l’œil hors du où (Epître de la langue des fourmis de Suhrawan, cité
par J. Risset, Dante écrivain, Seuil, 1982, note 1, p. 71) par exemple.
73
Les champs de la voix, N° 68-69, décembre 1999, p. 110-123.
16
pas à entendre comme un point dans l’espace mais une mise en relation avec le
centre74.
Certaines formulations de Kandinsky concernant la peinture comme tension en
deçà de la figure apportent sans doute ici quelques lumières. Selon lui, les
éléments de la peinture ne sont plus des figures délimitées mais des tensions (ou
des « forces vives » dit parfois Kandinsky). L’élément est originairement
liaison, double mouvement de soi vers soi et de soi vers l’autre, poser l’élément
c’est poser la tension comme synthèse de deux directions contradictoires. La
proximité de ces énonciations avec l’écriture chinoise est remarquable, Jean-
François Billeter note que pour faire de « chaque caractère l’équivalent d’un
noyau d’énergie ou d’un organisme vivant », il faut « créer un réseau complexe
de tensions et d’échanges entre les parties du caractère, un jeu d’énergies qui
agissent puissamment les unes sur les autres tout en se contenant
réciproquement »75. Ainsi ces petits crabes que l’on nomme « étrilles »,
carapaces bombées, pinces brandies, sont manifestement des caractères chinois
échappés de quelque rouleau de calligraphie divine.
79
Kami, divinités, dieux, esprits, ils n’ont pas de formes mais des fonctions.
80
P. 196.
81
Depuis Lacan, quelle clinique ?, dactylographié.
82
Notons au passage que dans ce texte Michèle Montrelay insiste sur la dimension
indécidable de ce qui se joue dans l’espace entre la mère et l’enfant (« le soi ne trouve sa
certitude que si le lieu ou l’acte qui le soutient reste jusqu’à un certain point incertain »),
position de pudeur qui laisse place à la vitale part de l’ombre et à la connivence évoquée par
Pascal Quignard (à un autre propos), beaucoup plus convaincante en tout cas que les
constructions laborieuses de Bion à propos de la « fonction alpha » (cf. L’enfant qui s’est
arrêté…, p. 63). En français en tout cas, le terme d’« élément-bêta » fait bien entendre toute la
naïveté scientiste.
18
La possession rituelle
Une part de la personne est aliénée au profit du dieu (entrer en transe c’est « être
fendu »88) tout en étant placé sous le contrôle du maître ou de la maîtresse du
« haras »89. Le zar éthiopien par exemple est une instance qui n’a pas d’autel
comme si le corps de son cheval lui en tenait lieu.90
Par rapport au sacrifice animal, la possession se situerait au pôle opposé à
l’ascétisme (qui tend à faire de la purification du sacrifiant le tout du sacrifice91).
Elle réalise le paradoxe d’un sacrifice propiatoire dont le destinataire est
incorporé dès le départ par le sacrifiant.92 Le malade possédé est à la fois
assimilé au destinataire du sacrifice buveur de sang et à la victime animale,
condensation en la figure du possédé de la victime animale et du sacrifiant
humain, déplaçant sur elle la consécration et l’immolation de la victime. Ces
termes ne sont certes guère utilisés pour approcher certaines positions extrêmes
comme l’« autisme », pourtant la possession dépossède en quelque sorte le sujet
de lui-même, le « disperse », le « démantèle » pour reprendre l’expression de
Meltzer, voué à sa propre immolation on comprend que « la plus tendre
adresse » venue de l’autre lui soit insupportable, « horreur de l’Autre et d’eux-
mêmes » dit Henri Rey-Flaud93.
Cet auteur évoque, Maria-Louisa qui a le sentiment, tel Oreste d’être poursuivie
par un essaim d’abeilles, mais selon lui : « les insectes ne sont pas ici des figures
du surmoi venant réclamer le châtiment du matricide, mais l’expression d’un
l’énigmatique rapport aux oiseaux d’un « autiste ». (p. 271). Les autistes sont en quelque sorte
pris, comme Mélusine, dans un télescopage historial qui rend inaudible leur position : que
deviennent en effet aujourd’hui, dans notre société, les chamanes, ascètes ou prophètes
potentiels ?
88
Ce que Meltzer nomme donc « démantèlement du moi », Henri Rey-Flaud note que parfois
« c’est le sujet lui-même qui occupe la place de l’Autre étranger et hostile. Sylvestre ne
supportait pas son image dans le miroir : quand il se voyait dans la glace, il criait et disait que
c’était un autre qui était là et qui le fixait avec un regard noir » (p. 17).
89
Ce qui pose pour le moins un bon nombre de questions sur certaines pratiques masochistes !
90
J’ai d’ailleurs été surpris de constater que le « lieu-chevêtre », évoqué par Deligny,
renvoyait au monde équestre, au licol.
91
Henri Rey-Flaud considère assez longuement cette question de l’ascétisme, mais sans
prendre en compte cette dimension sacrificielle. C’est surtout l’occasion d’une
disqualification supplémentaire de la position autistique : à l’inverse de l’ascète « la position
de Piffie au contraire est entièrement tournée vers le passé et vers la mort, ainsi que le montre
son fantasme qui fait de lui, non plus l’objet perdu par et dans le langage, mais un déchet
vivant, un rebut abject, près de retourner au néant auquel il est voué » (p. 390) . Mais c’est
précisément la place que lui assigne notre société (et le jugement de certains analystes !).
92
Remarquable de ce point de vue, la comparaison qui vient à Henri Rey-Flaud : « à l’instar
des âmes des morts qui reprennent vie et consistance chez Homère grâce aux libations de sang
offertes par les vivants, les enfants comme Timmy sont, eux aussi, susceptibles de constituer
ce corps qui leur fait défaut… » (p. 358). Le jeu de Nadia avec la flamme du briquet n’est pas
interrogé dans le sens du sacrificiel par Henri Rey-Flaud, il évoque « la transformation d’une
excitation douloureuse en source de jouissance » et « une entreprise de maîtrise généralisée du
réel mauvais » (p. 326).
93
Respectivement p. 16 et 17.
20
phénomène beaucoup plus archaïque dont l’identité peut être reconnue au fait
que Maria-Louisa parle à ses persécutrices et les “nourrit”. En quoi il apparaît
que les abeilles de la petite fille relèvent, comme le surmoi, du champ du
langage, mais d’un langage primitif, qui reste à la charge de l’intéressée »94. Il
n’est évidemment pas fait référence à la possession pourtant ici fortement
suggérée par le tableau, et la référence au surmoi elle-même indique bien
combien la question du destin est souvent résorbée par l’analyse, et réduite à « la
charge de l’intéressée ». Il est précisé que les éducateurs, « inspirés par
l’intuition divinatoire de l’inconscient », proposèrent à Maria-Louisa d’enfermer
les abeilles dans une boîte, suggestion saisie au vol. Plutôt que de voir dans cette
boîte, comme le suppose Henri Rey-Flaud, « le réceptacle des premiers signes
sensitifs de l’enfant, normalement assurée par l’Autre maternel », nous
l’interpréterons comme la constitution d’un autel disjoint du sujet, différant son
statut d’être sacrificiel.
Remarquable aussi la terreur de Nafissa lorsqu’une jeune soignante lui dit : « Tu
est frisée comme un mouton »95. Pour Henri-Rey-Flaud, « la terreur de l’enfant
est donc d’être livrée à la toute puissance du langage qui détient le pouvoir,
comme dans les contes, de transformer à volonté en n’importe quoi, voire même
en rien ». Il est en tout cas remarquable que le mouton, et particulièrement dans
la culture que semble indiquer le prénom de la fillette, est un animal sacrificiel96
(même surdité d’ailleurs devant le prénom Christophe et la volonté de ce garçon
de se faire appeler Piffie)97.
94
P. 53.
95
P. 367.
96
Telle est la fascination logocentrique qu’elle empêche de percevoir autre chose que la
puissance du langage. Elle a partie liée avec cet universalisme des Lumières qui a servi d’alibi
à la destruction systématique des autres modes de mondification.
97
P. 372.
98
Avec le risque en cas de négligence du rituel que l’instance pénètre à nouveau dans le corps
ou dans celui des descendants. Même dans les cas de constat divinatoire d’un destin ou d’une
21
vocation (différent d’un diagnostic d’état morbide) l’établissement d’une liaison interne et
continue entre le corps de l’adepte et l’orisha est une étape indispensable, supposant la
régression à un état « d’hébétude et d’atonie » profond. Selon P. Verger « ils deviennent des
êtres difficiles à définir, ils sont hagards et hébétés, ne savent plus parler et ne s’expriment
que par des sons inarticulés et des grognements ». Le phénomène possessionnel initial semble
faciliter ensuite le passage d’autres instances secondaires, moins virulentes, qui n’auraient pu
à elles seules faire effraction dans le « sujet ».
99
P. 196.
100
P. 348.
101
Cf. infra.
102
Le lieu importe, en tant qu’il est toujours susceptible d’enter en connexion avec les lieux
sacralisés, susceptibles de recevoir le sang des animaux sacrificiels.
103
« La mort, les morts et le reste », Destins de meurtriers, op. cit.
22
cause mortelle sur le territoire politico-rituel du mort » même s’il s’agit d’un
animal ou d’un objet. En cas de suicide par exemple il y a prélèvement de la
main meurtrière, le corps est normalement mis en terre, la main l’est aussi, mais
pas dans la zone de sépulture : il s’agit d’associer le défunt au territoire politico-
rituel, et de dissocier la cause et du territoire et du défunt.104
s’agencent en ces termes). Il semblerait en tout cas que chez les Bassar il y ait
une transmission masculine majoritaire (sans que la féminine soit cependant
exclue)109.
Le type de solution trouvé pour remédier aux risques de pollution suscités par
certains actes s’avère en tout cas instable et particulièrement violent chez les
Bassar : il y a une singulière ressemblance entre la force qui émane du jabun
(« médecine » rituelle défensive) et celle que véhicule le kinan (la principale
composante de la personne, en principe d’origine ancestrale, devenue
vengeresse du fait du meurtre) de la victime, c’est d’abord une puissance
agressive, qui ne protège que dans la mesure où elle s’attaque à une autre
puissance110. Si d’aventure un homme faisait l’acquisition du jabun sans avoir
commis de meurtre, il s’exposerait à une mort certaine, la puissance ne trouvant
pas de kinan à combattre se retournerait contre l’acquéreur illégitime. Dans le
jabun il y a donc équilibre précaire entre une entité hostile qu’on ne peut se
concilier et une entité assimilable mais que l’on se doit de construire.
109
Notons qu’avec l’ère de la subjectivité on ne peut plus préjuger de ce qui s’avèrera
« traumatique ».
110
Le plus notable des traits distinctifs du jabun (le statut de dépositaire étant acquis de
manière strictement individuelle) est le nom propre donné à la puissance elle-même. A
certains égards, cette violence est assez proche de la violence des solutions proposées par la
médecine occidentale.
111
Destins.., op. cit, p. 251-304.
24
l’entame faite au corps de l’autre est aussi une entame faite à la terre. Les
tabous de la Terre et les sacrifices de réparation les accompagnant ne prennent
sens qu’une fois replacés dans le cadre de cette sorte d’espace-corps qu’est une
unité de maîtrise de la terre, concernant les membres d’une communauté
sacrifiant à une même « peau de la Terre », parenté rituelle prise dans un même
champ (Deligny parle de « lieu-chevêtre » et de l’existence d’un « corps
commun »).
Donc, là encore des questions de topologie, de spatialisation ou de
reconstruction d’une « spatialité » mise en danger, comparables aux
purifications prescrites par Épiménide, et non des questions d’expiation avec
leurs corrélats de jouissance supposée et imputée.
Le tobega
Parmi les rituels visant à traiter le mal dont risque d’être affligé le meurtrier
comme son entourage, Michel Cartry112 s’est particulièrement intéressé au rituel
nommé tobega, avec lequel la dimension sacrificielle passe au premier plan. Ce
rituel pourrait s’avèrer d’une importance capitale concernant ce qui se joue au
sein des agencements destinaux.
Michel Cartry souligne que si certains des traits prêtés au meurtrier avant la cure
évoquent une forme de possession, ce concept s’avère trop large pour être
pertinent. Le tobega est « cela même qu’une personne qui a tué est dite acquérir
en conséquence de son acte » : par métonymie c’est aussi l’autel qui est fabriqué
pour un tel esprit et la cérémonie en relation avec cette fabrication113. Ces rituels
visent à installer l’homme qui a tué (et qui est exposé, lui et ses proches, aux
coups de la puissance mortifère éveillée chez sa victime), dans le statut de
desservant attitré d’un culte rendu à une puissance. Dès la première phase on
traite le meurtrier non pas seulement comme « la “victime” d’une sorte de mal
contagieux dont il faudrait tout à la fois le protéger et protéger les autres, mais
comme une sorte d’initiant appelé à devenir l’adepte d’un culte particulièrement
contraignant ».
Le tobega est installé le plus rapidement possible dans la maison du meurtrier.
Désormais, le meurtrier sera assujetti à la puissance de ce tobega logé dans
l’autel du même nom et il n’aura de cesse d’exiger de lui des sacrifices (sur la
bonne exécution desquels d’anciens meurtriers, déjà traités, veillent : l’homme
est « sous surveillance » et le restera toute sa vie). Après sa mort, la puissance
112
Op. cit.
113
Seuls d’anciens meurtriers, d’abord passé par le tobega, pouvaient accéder au statut de
spécialiste habilité à traiter ce genre d’affection. Après cette épreuve, ils s’étaient engagés
dans la voie d’une autre forme d’initiation, les rapprochant du magicien et du prêtre
(« médecines » d’origine végétale, connaissance secrètes – formules à réciter, recettes… –
mais aussi choses impalpables passées de maître à élève).
25
qu’il aura entretenue restera active, et cela jusqu’au moment ou l’on célébrera
pour lui la cérémonie finale des funérailles.
Il y a nécessité de circonscrire dans l’espace cultuel de l’autel du tobega le
champ d’intervention de la puissance libérée par le meurtre rythme le temps du
rite.
Selon Stéphane Dugast le genre de puissance (par exemple cette instance dite
jabun) sollicitée par ces rituels aurait pour vocation de lutter contre le principe
vital de la victime qui dès l’instant du meurtre chercherait à s’introduire dans le
corps du meurtrier. Le jabun fait intervenir des objets spécifiques dont les noms
peuvent suffire accessoirement à le désigner, comme ceux de « foyer » ou de
« corne » (par allusion à la corne qui contient la poudre médicamenteuse
associée à la puissance du jabun). L’ingrédient de base de la poudre médicinale
du jabun est une portion de foie humain. Le foie est le siège du kinan d’une
personne. La sauce, selon certains informateurs, est mélangée au moyen de
l’humérus d’un homme tué par flèche.114
Il s’agit de défaire l’espèce de ligature opérée (ou risquant de s’opérer) lors du
meurtre qui avait soudé (ou risquait de souder) l’un à l’autre deux êtres d’abord
distincts115.
Les questions de remaniements « topologiques », ou pour le dire autrement de
rerritorialisation, sont donc déterminantes : le lien que le spécialiste cherche à
établir entre la victime du meurtre et le meurtrier par la médiation d’un autel
n’est pas un lien d’attache permanent, mais un lien présentant les
caractéristiques d’un lien cultuel, ne s’actualisant qu’à des intervalles de temps
réguliers et dans un espace délimité, mettant en jeu un cycle temporel avec des
phases de resserrement et de raffermissement faisant suite à des périodes de
mise à distance116. Dans l’« autisme » de telles tentatives sont sans doute à
l’œuvre mais elles ne trouvent guère de « Maître de la Terre » (sauf peut-être
Deligny) pour les accueillir.
114
Dans son ouvrage Henri Rey-Flaud évoque des objets possédant « pour leur détenteurs (i.
e. des « autistes ») des “propriétés magiques qui les protègent comme des talismans ou des
amulettes » (p. 79).
115
Par exemple en « ébouillantant » à travers le corps du meurtrier le principe vital de la
victime présente en lui. Hegel, dans Le système de la vie éthique, à propos de la vie qui a été
niée par le meurtre, note que celle-ci continue à subsister non comme un esprit immatériel
mais comme une vie restaurée qui effectue l’inversion de ce qu’avait posé le meurtrier ; ce qui
donc continue à subsister, ce n’est pas un esprit mais un esprit auquel le meurtrier a procuré
un corps.
116
Un sacrifice sollicite d’ailleurs un signe de la puissance : soit qu’elle prenne le chemin de
l’errance, laissant le meurtrier à sa solitude et l’exposant aussi au risque d’un retour
intempestif, soit qu’elle accepte de s’inscrire dans l’espace cultuel, se liant au meurtrier dans
le cadre d’une relation sacrificielle.
26
Chez les Bassar, la proximité repérable avec les rituels concernant les jumeaux
laisse supposer l’installation d’une puissance117 aux exigences sans limite
menaçant de ruine le meurtrier comme il a lui même exposé la famille de la
victime. Absence de limites l’exposant même à la morsure mutilante de la
puissance : dans certaines circonstances le tobega réclame de la chair humaine et
oblige le meurtrier à se mutiler progressivement.
Le meurtrier doit faire un tobega parce qu’il a privé par son acte un esprit,
victime de son fait d’une « male mort », de l’offrande des sacrifices coutumiers
de son fils. Comme si à travers les sacrifices de sa vie à venir, le meurtrier
« prenait en charge cet esprit même », en lui faisant les offrandes que le mort
aurait sans le meurtre reçu de son propre fils. Plus que souci éthique, Cartry
parle d’un effet de disruption sur le dispositif sacrificiel, dispositif qui, en temps
normal, permet à chacun des membres de trouver sa juste place dans la
généalogie. Toute personne victime d’un meurtre est en effet appelée à devenir
un mauvais mort, condamné à l’errance, et dont le fils ne peut constituer un
« autel du père » (installant le défunt dans un statut d’ancêtre)118. Est ainsi
ouverte une brèche dans l’édifice symbolique sur lequel repose tout l’équilibre
du lignage.
Aux rituels positifs ou négatifs qui ont lieu dans la maison de la victime d’un
meurtre répondent les rituels effectués dans la maison d’un meurtrier : la
puissance de père laissée en déshérence dès lors qu’elle est privée des sacrifices
qu’elle aurait dû recevoir dans la maison du fils désertera celle-ci pour devenir
puissance sacrificielle dans la maison du meurtrier.
Cette arrivée entraîne la vraisemblable dépossession de la place réelle et
symbolique qu’occupait le maître de maison dans l’espace rituel, mais aussi la
possible exposition à la colère des divinités (avec lesquelles avaient été
auparavant tissés des liens de dépendance durables), dépossédées de leurs part
de prémices par la puissance nouvelle venue.
Selon Michel Cartry, on voit mal comment l’acquisition par un fils d’un statut
rituel de meurtrier pourrait lui permettre tout à la fois prendre en charge un autel
de père le rattachant à sa lignée et cet autel de meurtre, le tobega, qui le met en
connection avec la lignée de sa victime.
La véritable perversion du système des alliances avec les dieux, les ancêtres et
les autres membres de la famille ouvre donc par la prise en compte du fait
possessionnel à une toute autre lecture qu’en termes de désaveu (du père ou du
117
Ne se confondant certes pas avec l’esprit de la victime, mais qui par bien des aspects
apparaît comme sa représentation.
118
La male mort ouvre à deux types de statuts différents pour les fils : morts étranges
(suicidés, variolés, lépreux, victimes de serpents) d’une part, personnes assassinées d’autre
part, avec possibilité ou non pour les fils de ceux-ci d’avoir un autel associé « d’une certaine
façon » à l’esprit du père (pour la seconde catégorie seulement).
27
Autre constat : même après les funérailles du meurtrier le cycle du meurtre n’est
pas bouclé, et la vie des deux maisons ne reprend pas son cours normal.
Il n’est pas rare de constater en effet que le devin consulté pour des histoires de
naissance dise que ce qui arrive à l’enfant né ou à naître est un signe émis par un
tobega pour devenir l’esprit gardien de cet enfant.
Ainsi l’enfant qu’Aboya121 avait eu d’une femme qui quelques années plus tôt
avait frappé à mort sa co-épouse : l’esprit tobega fit savoir au devin qu’il voulait
devenir l’esprit gardien de cet enfant.
On ne sait pas les conséquences qui en résultèrent pour l’enfant.122
Cette prise en compte du sacrificiel bouleverse toute la perspective théorique
concernant l’autisme.
Philippe Forest123 rend assez bien compte du malaise qui plane en ce domaine. Il
rappelle que Frances Tustin évoque un échec du « processus de nourrissage »
conduit par les parents, de même, certains textes de Bruno Bettelheim, par
exemple dans La forteresse vide : « le facteur qui précipite l’enfant dans
l’autisme infantile est le désir de ses parents qu’il n’existe pas ». Le rejet par la
mère serait régulièrement évoqué. Philippe Forest parle d’une vision qui « fait
peser sur les parents une culpabilité insupportable et fantomatique ». Il évoque
avec pertinence : « au long d’années de détresse, de longues séances de
psychothérapie visant à amener une mère à avouer son inexprimable haine
primitive pour un fils ou une fille qu’elle désespérait de ne pouvoir aimer »124.
Mais Philippe Forest lui-même ne trouve d’autre issu qu’une pirouette :
s’appuyant sur le constat que « l’ambivalence des affects rend toujours
119
L’installation du tobega, transformant en sanctuaire secret le zono qui assurait la
communication entre le monde des vivants et le monde des ancêtres et des dieux.
120
Sans parler évidemment des thèses neuro-biologiques !
121
L’informateur indigène de Labouret et Rattray.
122
Lors d’une séquence de rites funéraires, l’on doit « balayer » le corps du défunt pour le
débarrasser de ce qu’il a gardé des imprégnations de son esprit gardien du fait de l’amplitude
du champ où la puissance du tobega se propage par sa capacité à s’agglutiner aux enfants dont
elle veut devenir l’esprit gardien. C’est pour cela qu’on ne peut se soustraire à l’obligation du
balayage, car on ne peut jamais exclure que l’esprit gardien d’une personne dont la première
histoire de vie est mal connue soit un tobega.
123
Cf. Philippe Forest, Près des acacias, Actes Sud, 2002, p. 28.
124
Philippe Forest note encore : « J’imagine qu’alors, un jour ou l’autre, dans de telles
conditions, l’aveu finit par advenir, que cet aveu justifie la torture mentale qui l’a rendue
possible et enfoncer davantage le coupable dans une détresse sans recours ».
28
Artaud : « Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé que
pour sortir en fait de l’enfer ». Cette sortie n’est pas toujours possible.
« Faut-il se réjouir ou s’inquiéter (se demande Françoise Bonardel, parlant de
Deligny), de ce que le fondement possible d’une démocratie réelle n’apparaisse
qu’entre des enfants jugés incurables et des adultes ayant quasiment renoncé à
tout ce que la civilisation actuelle considère comme ses acquis
fondamentaux ? ».131 Ils nous aident en tout cas à percevoir que notre culture est
elle aussi animée par de violents mouvements possessionnels, avec lesquels les
peuples transformés en populations inertes, en zombis, deviennent « leurs
propres ennemis », pour reprendre un terme de Soljenitsyne132 à propos du
stalinisme. Soljenitsyne ni Claude Lefort (qui commente cette formulation)133,
n’évoquent le possessionnel à ce propos. La prise en compte des effets du déni
du sacrificiel est pourtant urgente pour nos cultures : avec lui le sacrifice ne
disparaît en effet nullement, mais il devient « inconscient » et ne laisse plus de
prise aux rituels. Soit qu’il s’agisse de formes « individuelles » dont
l’« autisme » (nous avons tenté de le montrer) est une des formes les plus
radicales. Soit qu’il s’agisse de formes sacrificielles collectives, ainsi les
régimes totalitaires des années trente mais aussi les biopolitiques des
démocraties sanitaires qui se mettent actuellement en place, le sacrifice prend
alors la figure d’une servitude volontaire exacerbée, suicidaire. La psychanalyse
ne dit que peu de chose de cet état de fait, se contentant surtout de confondre
assidûment science et technique. Elle échoue par là dans la tâche historiale
qu’on peut attendre d’elle. Heidegger avait souligné l’aspect démonique de la
technique ; c’est bien en cela que les « autistes », Deligny le savait sans doute,
ont tant à nous apprendre en ce domaine.
131
Pour elle « C’est sans doute là le prix qu’il faut payer pour recouvrer l’innocence ».
On remarquera l’absence totale de résonances historiales du propos d’Henri Rey-Flaud face à
« l’extrémité mortelle » de la lettre J chez une petite fille de culture juive et au constat de
celle-ci que les enfants juifs avaient « le double de vacance » par rapport aux autres enfants
(p. 87). Cas qu’il commente pourtant attentivement comme une « séquence clinique
exceptionnelle ».
132
L’archipel du Goulag, tome 2, Seuil, 974, p. 221.
133
Un homme en trop, Points, 1986, p. 59.
134
Le temps de la transe serait un temps de violence ancestrale, répétant la mutation mythique
d’un ancêtre en orisha : brûlé par la passion, il ne subsistait plus que comme énergie pure, se
transmettant momentanément à un de ses descendants lors de la transe.
30
141
Le rejet du vaccuum albertinien suscite l’horror vacui manifestée par une accumulation de
figures qui bourrent l’espace pictural, structurant la composition par leur seule gestuelle.
142
P. 111.
143
P. 267.
144
P. 330.
145
Cf. Philippe Forest, op. cit., p. 1.
146
Cf. Idéogrammes en Chine, Fata Morgana, 1975.
147
« Les mots qui saignent », Dits et écrits I, Gallimard, 1994, p. 424-427.
33
148
André Dimanche, 1990.
149
Chez Virgile on peut ainsi lire : et vera incessu patuit dea. La traduction de Perret : vraie
déesse, à sa démarche elle apparut, (Énéide, vol. 1, Belles Lettres, 1977) efface l’écart. Par
contre celle de Klossowski le maintient : et véritable, par sa démarche, se révèle la déesse.
150
Traité de versification française des origines à nos jours, Klincksieck, 1965.
151
Martin Heidegger, Acheminement vers la parole, traduit par Jean Beaufret, Wolfgang
Brokmeier et François Fédier, Paris, Gallimard, 1976.
152
P. 42.
34
153
P. 132-133. Un parallèle de Meltzer comparant l’autisme à une symphonie tronquée se
réduit pour Henri Rey-Flaud à « une représentation amusante » (p. 303)
154
P. 85-86. Il note à ce propos que, « comme beaucoup de voyageurs l’ont remarqué, les
Chinois sont des acteurs nés. »
155
Op. cit., p. 250.
35
Enfin on sait le rôle que joue la musique dans la possession comme procédé
rituel par lequel certaines sociétés entretiennent leur relation avec l’invisible.
Dans Du miel aux cendres165, Lévi-Strauss signalait que jouer de la flûte se dit
en tukano (Amazonie) pleurer ou se plaindre, chez les Kalina (Guyane) on
donne la parole à la flûte ; le même mot désigne le nom propre d’une personne,
le cri spécifique d’un animal, l’appel de la flûte ou du tambour166.
L’usage de la musique, parce qu’elle joue sur autre chose que la
compréhension, supplée à celui du langage, toujours menacé de devenir
incompréhensible, ou au contraire peut-être trop compréhensible. Elle remédie à
la continuité du discours167 au moyen d’oppositions mieux tranchées entre les
tons, et de schèmes mélodiques impossibles à confondre parce qu’on les perçoit
globalement.
Dans ces contextes il est indispensable de repenser la place dévolue aux objets
musicaux, qui s’avèrent manifestement tout autres chose que des
« instruments ». Ainsi, Carlo Severi168 imagine dans un musée une harpe
africaine accompagnée d’une étiquette « Harpe zandé, instrument musical
cordophone, africain (Congo). Le manche porte une décoration
anthropomorphe ». Selon l’auteur, « cette définition en apparence parfaite est
profondément erronée quant à la nature de cet objet, et en particulier à la relation
entre voix et image qui s’y établit ». Aucune décoration n’apparaît sur ces
tambours. Il s’agit de tout autre chose : ici, l’ancêtre ou l’animal qui se trouve
sculpté sur le bois prête au son du tambour un visage. Il transforme ainsi le son
produit par l’instrument en une voix. L’image humaine ou animale qui apparaît
sur l’instrument est dans ce cas inhérente au son. A travers l’instrument, son et
voix deviennent indissociables. C’est ce lien qui rend l’instrument capable de
représenter dans le contexte rituel la présence d’un être disparu (l’ancêtre) ou
l’intervention d’un être dont il faut se garder (l’esprit menaçant). Il s’agit donc, à
164
P. 22. Reconnaissons à Freud et à Lacan un très grand esprit de géométrie, porté
manifestement par l’écriture. C’est un autre esprit que nécessite l’abord du possessionnel.
165
P. 278 sq.
166
Le cri, le plumage, les noms propres témoignent de l’introduction dans la nature d’un règne
des grands intervalles par morcellement du continu primitif.
167
La pensée mythique ne percevant pas le langage comme discontinu selon Lévi-Strauss.
168
Op. cit.
37
travers l’acte même d’établir une relation entre son et image, et « de désigner un
type spécifique de présence qui se trouve, dans les deux cas, strictement associé
à une absence. »
Tout instrument de ce type est, dans la tradition zandé (Afrique centrale), doué
d’une irréductible existence individuelle toujours accordée à la voix de son
exécutant. Une telle harpe doit mourir en tant que corps avant de commencer à
émettre des sons et celui qui en jouera doit d’abord porter le deuil de cette
mort. « C’est à travers ce geste qui conduit la voix de l’exécutant à se poser dans
un corps qui meurt pour l’accueillir (se privant ainsi de toute vocalité innée)
qu’une première identification entre celui qui chante et l’instrument qui émet
des sons peut s’établir. Cette identification est ensuite menée à son terme, ou du
moins intensifiée, à travers l’apparition, sur le corps de l’instrument, de l’image
symbolique d’un visage. »
Lorenzo I. Bordonaro, dans son analyse du tambour kumbonki des Bijagós (sur
un archipel d Guinée Bissau), a tâché de montrer comment une tradition est
recréée et préservée de génération en génération à travers la transmission de
formules rythmiques associées aux noms des ancêtres mêmes. Le nom
rythmique est traduit – quand on veut en déterminer la signification linguistique
– par une formule qui indique une situation complexe, une image plutôt qu’un
simple nom. Ou mieux encore, dans la traduction de la formule rythmique le
nom est inséré dans une situation, dans un contexte169 (pensons ici au conte
japonais).
Le répertoire formel du kumbonki ne constitue pas du tout une duplication du
langage mais plutôt un dispositif complexe qui établit et extériorise des relations
et des présences invisibles, une « pratique sociale liée à la mémoire ». Ces
formules rythmiques sont la forme, l’essence sonore des ancêtres, ils en
constituent la présence, la seule perceptible pour des entités autrement
invisibles170. Elles ouvrent peut-être aussi, concernant l’autisme, à une autre
entente de ce que Bion nomme « terreur sans nom »171 (nameless dread),
référant celle-ci à une « défaillance de la mère »172. C’est peut-être bien d’une
défaillance, mais de la langue, à nommer certaines formules fantomales
rythmiques173. Ce qui déchaîne le fantomal a donc une toute autre structure
169
Un nom rythmique peut être par exemple traduit par l’expression « le coq chef de tous les
coqs s’est arrêté dans la clairière » ou « le crocodile qui reste au bord de la mer ». La formule
rythmique semble donc être liée, dans le cas des noms des ancêtres, à une « image », plutôt
qu’à une traduction verbale, ajoutons : et à un site.
170
Elles sont l’essence sonore des ancêtres et, donc, des hommes adultes. Loin de la Guinée
Bissau, « Sir Williams Crooks, inventeur du radiomètre ou sir Olivier Lodge, père de la radio,
croyaient tout deux que l’autre monde était une longueur d’onde dans laquelle nous passons
lorsque nous mourrons » (« Mots d’esprits », Libération, 14 août 2008)
171
Je souligne.
172
Cf. Henri Rey-Flaud, op. cit., p. 29.
173
L’affinité énigmatique des enfants autiste et de la musique, pour reprendre un titre d’Henri
Rey-Flaud (p. 129), trouve peut-être ici une amorce de solution. Notons une certaine intuition
38
P. Ginésy
Paris, Avignon, Juliénas,
Noirmoutier
Juillet-Août 2008
de cette dimension musicale chez Meltzer lorsqu’il parle de « vol de symphonie » (op. cit., p.
63)
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Cf. note 133 à propos des orisha.
175
Cf. Mille plateaux, op. cit., p. 391-392.
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Il semble d’ailleurs que Philippe Forest en ait une intuition fugace, « il m’est arrivé de voir
O., F., G., U. comme des dieux, issus peut-être d’un panthéon inférieur et vaguement
grotesque, mais des dieux malgré tout, jouissant animalement d’un bonheur indestructible »
(op. cit., p. 33). Certes confusion de l’autel et de l’instance, croyance en un panthéon,
jouissance… mais intuition cependant. Peu profond ouvrage (confondant un peu vite
l’« autisme » et la folie), traversé parfois de rares fulgurances, ainsi cette référence au mimosa
pudica et au poème de Rimbaud, qui donne son titre au livre. Il resterait à lire Près des
acacias avec L’Enfant éternel du même auteur, au-delà de ce que celui-ci peut en suggérer
dans le texte final (La commande littéraire).
177
P. 153.