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ISSN 1662 – 4599 29 novembre 2010

Horizons et débats
Horizons et débats
10e année
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Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen

Droits de douane sur la farine:


conséquences d’une mesure apparemment anodine
A propos de l’interpellation, au Conseil des Etats, sur la baisse des droits de douane sur la farine
thk. Le mercredi gènes plus chères qu’elles ont stockées. En
1er décembre, l’in- janvier 2010, l’Office fédéral de l’agriculture
terpellation «Notre a confirmé par écrit qu’il comprenait le pro-
pain quotidien . blème. Depuis, il n’y a plus eu de consulta-
Mise en péril de la tions. La baisse du 1er juillet a pris de court le
chaîne de valori- secteur précisément au moment où elle mena-
sation des céréa- çait de causer le plus de dégâts.
les en Suisse» sera
à l’ordre du jour du Comment la baisse a-t-elle été justifiée?
Conseil des Etats. Tout d’abord, on a parlé de «libéralisation»,
Elle a été déposée de «libre-échange», d’«OMC», etc. Puis il a
par Theo Meissen été question de «renforcer le secteur». Lors-
Hermann Dür (PDC, GR) après que nous avons demandé à Mme Leuthard
(photo mad) que la cheffe du et à l’Office fédéral de l’agriculture com-
Département de l’économie Doris Leuthard ment la baisse et par conséquent la privation
eut baissé en secret de plus de la moitié de moyens financiers pouvaient bien ren-
les droits de douane sur la farine l’été der- forcer le secteur, nous n’avons pas reçu de
nier. Par cette mesure, elle voulait, selon réponse. Nous attendons toujours qu’on nous
ses propres dires, «renforcer le secteur meu- le prouve. Et les milieux spécialisés ignorent
nier suisse». Il paraît absurde que Doris toujours les raisons de cette mesure et quel-
Leuthard, malgré des preuves solides appor- les personnes l’ont défendue. Les associations
tées au cours de ces deux dernières années de défense des consommateurs, par exemple,
et en dépit de ses propres expériences, croie ne se sont jamais plaintes du prix des farines.
encore à la panacée du «marché». On peut Et, c’est encore plus inquiétant, la Confédé-
espérer que son successeur, Johann Schnei- ration n’a jamais divulgué sur quelles bases
der-Ammann abordera le dossier avec plus reposait le calcul des droits de douane jugés
de mesure. Dans l’interview suivante, Her- appropriés.
mann Dür*, qui connaît bien le secteur et la
dynamique du marché, exprime ses réserves Que représente la baisse pour les produc-
à l’égard d’une ouverture du marché des fari- thk. La baisse des droits de douane sur les question de la sécurité alimentaire, celle teurs et pour la population?
nes et des céréales panifiables. Etant donné farines aura des conséquences dévasta- de la qualité se pose avec acuité. Tout d’abord, le procédé des autorités entraîne
le caractère explosif et les graves conséquen- trices sur la sécurité alimentaire de notre Depuis des mois, il est question de pour la population une importante perte de
ces d’une telle mesure, on doit se demander pays. Si nous importons davantage de pénurie alimentaire. Dans cette situation, confiance dans la politique, c’est-à-dire dans
sérieusement s’il faudrait que l’interpellation farine bon marché, la culture céréalière renoncer à la production indigène au les autorités. Cela laisse une impression d’ar-
soit suivie d’une motion qui obligerait le con- cessera d’être rentable pour les paysans profit du libre-échange serait naïf et doit bitraire qui pourrait encourager le ras-le-bol.
seiller fédéral à annuler cette mesure. et la Suisse deviendra, dans un domaine être soumis à une nouvelle réflexion. Il est Pour les secteurs concernés, cela a certai-
essentiel, dépendante en des temps d’in- inadmissible que nous autres pays indus- nement représenté le summum des difficultés
sécurité économique. La qualité des fari- trialisés riches achetions de la farine à bas de communication aussi bien avec l’«ancien»
Horizons et débats: Comment en est-on nes importées est bien inférieure à celle prix sur le marché mondial et privions une Département de l’économie qu’avec
venu à instaurer des droits de douane sur la des farines suisses qui obéissent aux nor- nouvelle fois les plus pauvres parmi les l’«ancien» Office fédéral de l’agriculture. Le
farine? mes les plus strictes du monde. Outre la pauvres de leur base existentielle. conseiller fédéral Schneider-Ammann a main-
Hermann Dür: A la fin du XIXe siècle et au tenant une opportunité importante de restau-
début du XXe, la Suisse a déjà pratiqué le sance démographique, une moins bonne Donc, il ne s’agissait pas, avec ces droits, de rer la confiance.
libre-échange agricole, ce que de nombreu- coopération internationale due aux listes gri- protéger une industrie mais d’assurer la cul- Les turbulences sur le marché mondial
ses personnes ignorent aujourd’hui. Cela a eu ses, les effets socio-économiques de la crise ture indigène des céréales panifiables et l’ap- pendant la période de récolte de 2010 ont
pour conséquence que, dans le pays, avec ses financière, la possibilité d’exercer du chantage provisionnement de la population. créé une situation d’exception. C’est pour-
caractéristiques topographiques, la culture des et, en ce qui concerne la logistique, l’impos- quoi, jusqu’ici, les répercussions sur le mar-
céréales panifiables disparut dans une grande sibilité d’utiliser certaines voies commercia- Comment en est-on arrivé, l’été dernier, à ché intérieur sont faibles. Les difficultés
mesure faute de rentabilité. A l’époque, on se les, les catastrophes naturelles, la pénurie de cette baisse des droits de douane? Les sec- prévisibles n’apparaîtront que l’année pro-
trouvait face au scénario que l’EPFZ, dans pétrole ou des problèmes environnementaux. teurs concernés ont-ils été consultés aupara- chaine. Les paysans ont remis des recom-
son étude de 2009, prédit pour le secteur Il y eut rapidement pénurie de pain car il vant par Mme Leuthard? mandations pour les semences de 2011 qui,
céréalier en cas d’accord de libre-échange était presque impossible de se procurer des Lors de la Journée des meuniers suisses heureusement, concernent également les
agricole avec l’UE. En 1913, les minoteries céréales et, à partir de 1918, la Suisse souffrit de 2010, l’Office fédéral de l’agriculture a céréales panifiables. Si, l’année prochaine,
suisses ne moulaient plus qu’environ 12% des d’une famine qu’elle ne pouvait pas enrayer, repoussé la demande de reconstituer les pro- les importations de farine augmentent, les
céréales panifiables provenant de Suisse, le même avec beaucoup d’argent. C’est là une cessus qui ont conduit à cette décision ainsi paysans vont sans doute réduire leur produc-
reste étant importé. Cette année-là, les mino- cause importante de la grève générale de qu’à la date de l’annonce et de l’entrée en tion, voire – cela dépendra des prix – l’aban-
tiers alertèrent en vain le gouvernement, mais 1918. vigueur de cette baisse. Aussi nous autres donner complètement et passer à la culture
celui-ci ne voyait aucune raison d’abandonner Par la suite, on décida de ne plus permet- spécialistes ne savons-nous pas exactement du froment fourrager ou aux jachères polli-
ce modèle économique moderne. tre que le pays dépende à ce point des impor- comment on en est arrivé à cette baisse du niques. Si les droits de douane restent bas, le
Certes, il fonctionnait tant que trois condi- tations de cet aliment de base. Il fallait pour 1er juillet 2010. scénario du siècle dernier pourrait se répéter
tions de stabilité étaient réunies: pas de pénu- cela que la culture céréalière redevienne ren- Nous ne disposons que de quelques infor- et la forte réduction des champs de céréales
rie de matières premières, une très bonne table bien qu’elle soit plus chère qu’à l’étran- mations générales qui n’expliquent pas panifiables aurait des conséquences catastro-
coopération internationale et une logistique ger. L’importation de céréales fut limitée à l’événement. On sait que l’Office fédéral de phiques pour le pays. La sécurité alimentaire
efficace avec suffisamment de moyens de 15%, c’est-à-dire à quelque 70 000 tonnes, l’agriculture envisage la baisse des droits de ne pourrait plus être assurée et le paysage
transports, du carburant et des circuits com- les minoteries devant assurer aux paysans douane agricoles. Dès le début, notamment suisse en serait modifié d’une manière qui
merciaux libres. A partir d’août 1914, la l’écoulement de leurs céréales. Mais cette depuis 2007, notre secteur a attiré l’atten- n’est pas souhaitable. Les citoyens devraient
guerre fit disparaître ces trois conditions de garantie ne fonctionnait que si l’on jugu- tion sur les risques pour la chaîne indigène s’accommoder du fait que les farines impor-
manière tout à fait inattendue. Aujourd’hui, lait les importations, tout d’abord grâce à de valorisation des céréales. En particu- tées obéissent à des normes écologiques net-
d’autres facteurs s’ajouteraient aux précé- un monopole des importations, détenu par lier, à plusieurs reprises, et la dernière fois tement moins strictes qu’aujourd’hui.
dents, par exemple une pénurie due à la crois- la Confédération, et ensuite grâce aux droits en décembre 2009, nous avons signalé avec
*
Hermann Dür a étudié la gestion d’entreprise à
de douane sur la farine. Sinon, les minotiers insistance au Département de l’économie Les minoteries pourraient-elles parer à la
l’Université de St-Gall et obtenu une licence en auraient pu éviter d’acheter leur farine aux qu’une éventuelle baisse ne devait en aucun baisse des droits de douane au moyen de la
économie. Il a effectué une formation de techni- paysans en recourant aux importations. Les cas intervenir le 1er juillet mais seulement stratégie de qualité chère à l’Office fédéral
cien meunier et est entré dans l’entreprise familiale droits de douane devaient être suffisamment après la récolte, donc le 1er octobre. Une de l’agriculture?
(Hermann Dür SA) qu’il dirige maintenant depuis élevés pour compenser la différence de prix. baisse effectuée avant cette dernière date per- Dans le marché intérieur, les minoteries suis-
20 ans. H. Dür est président du conseil d’admi-
nistration de Profarin SA à Ostermundigen. Il est
En outre, les minoteries suisses durent, si mettrait d’importer déjà des farines bon mar- ses pratiquent depuis des années cette stra-
membre du comité de la Mühlegenossenschaft de elles voulaient rester concurrentielles, com- ché alors que les minoteries indigènes sont tégie, ne serait-ce qu’en raison de l’extrême
Berne et de l’Association suisse Industrie et agri- penser leurs trois désavantages caractéristi- forcées, pendant la période allant jusqu’après
culture. ques vis-à-vis de l’étranger. J’y reviendrai. la récolte, de transformer les céréales indi- Suite page 2
page 2 Horizons et débats No 46, 29 novembre 2010

Le contrat de parc De mauvais perdants …


primerait sur la législation cantonale par Caspar Walter, Gurtnellen

thk. A la suite du rejet du parc naturel restrictions et nouvelles réglementations dans Les faits sont suffisamment connus et parlent pation, tout autre commentaire est au fond
Urschweiz par Gurtnellen (cf. article de Cas- le domaine de l’aménagement du territoire, un langage clair, évident et sans équivoque: superflu. Mais néanmoins, la démarche des
par Walter), une seconde commune, Isen- primerait sur la législation cantonale. Ainsi Le 26 octobre, l’assemblée communale de autorités me reste sur l’estomac: la déci-
thal, s’est aussi exprimée contre la création l’importance et la valeur d’un contrat de parc Gurtnellen s’est opposée par 35 voix contre sion populaire est tout simplement bafouée.
d’un parc naturel sur son territoire commu- revêt une toute autre dimension. 25 à un crédit pour le projet contesté «Parc Nous approuvons volontiers une augmen-
nal. Ainsi, selon le journal régional de Radio Un ancien gardien du Parc national de l’En- naturel régional Urschweiz». Un verdict tation contrôlée de tourisme, mais certaine-
DRS de Suisse centrale, le parc se trouve défi- gadine, dont le travail était de protéger la flore absolument clair. Mais les autorités s’avèrent ment pas de tourisme de masse. Nous devons
nitivement «à bout de souffle». Comme le et la faune face aux interventions de l’homme de mauvais perdants et ne veulent pas sans prendre soin de notre environnement et ainsi
parc s’étendrait tout autour du Uri-Rotstock, dans ce parc créé en 1923 déjà, a exprimé les autre accepter la décision du peuple. de notre magnifique paysage. De plus, ce pro-
il en «aurait quasiment été le poumon». Suite plus grandes réserves face aux projets de parc Moins de 24 heures plus tard, au matin jet indésirable était lié à des charges financi-
au refus des habitants d’Isenthal, un éventuel naturel régionaux «parce qu’ils passent par- du 27 octobre, la commune de Gurtnel- ères considérables. Je pense que la majorité
parc serait divisé en deux parties séparées dessus les habitants de la région et que la par- len a lancé sur son site Internet un sondage de nos habitants en a simplement ras-le-bol
l’une de l’autre et ne répondrait plus aux con- ticipation aux décisions démocratiques dans avec la question très «originale» suivante: des pressions continuelles exercées par les
ditions préalables que la Confédération exige les communes concernées se perd». «Est-ce que Gurtnellen aurait dû approu- initiateurs.
en référence à l’UE. Il semble que les citoyens Tout le monde est d’accord que la nature ver le crédit pour la phase d’installation du En bref: C’est une obligation absolue des
des communes concernées réfléchissent de doive être protégée, mais qu’une restriction parc naturel?». – Là aussi un résultat plus autorités d’accepter un vote populaire clair
plus en plus aux conséquences qu’un tel «parc de la participation décisionnelle des citoyens qu’évident: 210 voix contre le parc naturel. et démocratique et de ne pas chercher à ren-
naturel» entraînerait. en résulte et que le citoyen y perde son droit Les supporters n’atteignent que 66 voix, ce verser la décision des citoyens par des voies
C’est au bureau cantonal de l’aménage- d’expression démocratique ne peut et ne doit qui correspond à un résultat de 76,1% contre détournées.
ment du territoire qu’un journaliste de Nid- pas être le but d’une politique, quelle qu’elle 23,9%. Quelque chose me préoccupe quand même
wald a appris que le contrat de parc, avec ses soit. • Pour information à tous ceux qui n’ont pas encore à la fin de mes réflexions: Pourquoi
d’accès à Internet: La première réponse a été est-il possible de revoter toutes les 24 heures
déposée le 27 octobre et la dernière mardi à l’aide d’un tel sondage par Internet? Dans
«Droits de douane …» des communes rurales. On consomme ce qui a 9 novembre. Puis le sondage a disparu de une démocratie, il est usuel que chaque
suite de la page 1 été produit dans la région sans que cela néces- l’écran … citoyenne et citoyen n’ait qu’une seule voix
site des transports longs et nuisibles à l’envi- Quand une majorité de trois quarts de la par sujet soumis au vote. Où est-ce que je fais
concurrence (au cours des dernières années, ronnement. C’est également valable pour les population se prononce contre une partici- fausse route? •
un énorme changement structurel a eu lieu). habitants des petites communes qui peuvent se
Pour l’exportation, cette stratégie n’est possi- passer de voiture pour leurs courses dans le vil-
ble que de manière limitée. Elle est très judi-
cieuse pour la seconde étape de traitement
lage. Mais si le village n’a plus de boulangerie,
ils doivent prendre leur voiture pour se rendre «Parcs naturels»: comment
(clients des minoteries) ainsi que pour les
produits de niche de l’agriculture et pour la
dans le centre le plus proche.
saper délibérément la souveraineté
première étape. Mais les minoteries doivent Que faut-il entendre par aspect éthique? Interview de Ferdinand Oehrli, Sigriswil BE*
produire plus de 90% de biens soumis à des En transformant les céréales panifiables suis-
normes et donc échangeables. Et la stratégie ses relativement chères, les minoteries de
de qualité est inadaptée à ces biens échangea- notre pays contribuent au maintien de la cul- Horizons et débats: Si l’on regarde la carte la préserver comme patrie et espace vital
bles. Il s’agit là de la problématique de com- ture indigène des céréales panifiables, ce qui des parcs suisses de l’Office fédéral de l’envi- pour les générations à venir.
modity des minoteries, analogue à celle du soulage les marchés mondiaux des céréales. ronnement (OFEV), il y a 30 parcs prévus ou • Le projet n’amène aucune contrainte, le
secteur des fruits et légumes. Ici, la stratégie Il ne serait pas admissible qu’à une époque en phase de réalisation. Ainsi, cela concerne principe du volontariat est de mise.
de qualité n’est plus qu’un mot vide de sens. de pénurie alimentaire, la Suisse riche prive presque tout le pays. Aucun débat sur ce sujet • etc., etc.
Je suppose que c’est la raison pour laquelle de nourriture ceux qui souffrent de la faim. n’a lieu dans le domaine public. Comment
l’Office fédéral de l’agriculture n’a pas invité Ce serait une évolution malheureuse qu’il ne avez-vous été confronté à cette problémati- Avons-nous besoin d’encore plus de protec-
les minotiers à son «atelier de la qualité». faut pas encourager. Approvisionner sa popu- que? tion de la nature dans notre pays?
lation de manière suffisante relève de la res- Ferdinand Oehrli: C’est le terme «Parc natu- Non! Les quotes-parts cumulées de la surface
Un accord de libre-échange avec l’UE sur le ponsabilité de l’Etat et cette mission ne doit rel régional» (PNR) qui m’a rendu attentif. du parc naturel «Thunersee-Hohgant», qui est
marché du blé tendre serait-il une option? pas être déléguée. J’ai participé à des réunions d’orientation, inclus dans les inventaires et zones protégées,
En 2009, la Fédération des meuniers suisses plus précisément, des séances de promotion, sont (selon le plan de management, page 63)
a demandé à l’Institut des PME de l’Univer- Qu’entendez-vous par aspect politique? organisées par la direction de projet et l’orga- équivalentes à 183% de toute la surface du
sité de Saint-Gall une étude sur cette question. Lorsqu’un Etat devient dépendant des impor- nisme responsable du parc (Association Thu- parc, c’est-à-dire que chaque mètre carré du
Cette étude va dans une toute autre direction: tations de produits alimentaires, il s’expose au nersee Hohgant) dans les diverses communes. périmètre du parc est inventorié ou protégé
les minoteries suisses ont d’importants désa- chantage. Il ne serait plus possible de mener En outre, j’ai été très étonné que les responsa- plus de 1,8 fois.
vantages locaux par rapport à celles de l’UE: une politique souveraine si des power players bles du projet Käufeler et Steiner ainsi que la
des coûts plus élevés, pas d’aides de l’UE à externes, étatiques ou privés, pouvaient con- présidente, Mme Moser, soient personnelle- Quel sont donc les buts réels qu’on veut
l’industrie de transformation et des structures trôler nos approvisionnements en produits de ment présents lors des séances des conseillers atteindre avec ces «Parcs naturels»?
artisanales régionales, résultats de la division base. S’il suffit d’une liste grise pour briser communaux responsables et dans les assem- D’avantage de bureaucratie, d’avantage de
de la Suisse en petites entités. Si cette politique un Etat, qu’arrivera-t-il si l’on peut brandir la blées communales pour présenter ces parcs directives, d’avantage de planification, ce qui
faisait disparaître les minoteries de blé tendre, menace de restrictions dans l’approvisionne- comme la seule possibilité véritable de sau- mène à d’avantage de centralisme! Un pas
cela aurait des conséquences importantes pour ment alimentaire? ver la région. de plus pour saper le fédéralisme dans notre
la culture des céréales panifiables. Elle dispa- A Sigriswil, nous avons constitué un pays, et pour paralyser et museler les citoyens
raîtrait pratiquement comme ce fut déjà le cas Que signifierait, pour la sécurité alimentaire, groupe de travail, qui s’est occupé du sujet suisses!
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. le libre-échange, c’est-à-dire la suppression «parc naturel régional», afin d’examiner le
Si la Confédération garantit des mesures des droits de douane sur les céréales et les sens et le but d’un tel projet. L’administration d’un tel parc est réglée par
d’accompagnement financières suffisantes, farines? une «association de soutien du parc». Quel-
les minoteries et par conséquent la culture La culture et la transformation des céréales se Comment vous expliquez-vous le manque les en sont les conséquences pour l’autonomie
du blé tendre pourraient théoriquement sur- feraient sur les sites économiques les plus favora- d’informations factuelles concernant ces des communes et ainsi pour la participation
vivre. Mais vu l’actuelle crise globale d’en- bles et, pour les raisons que nous avons mention- parcs et pourquoi les promoteurs ne mènent- de ses habitants?
dettement, cette option me paraît tout à fait nées, la Suisse n’en est pas un. La dépendance ils pas de discussion ouverte? Chaque citoyen peut dire oui ou non au con-
irréaliste dans les prochaines décennies. par rapport aux exportations augmenterait. Qui analyse sérieusement tous ce qui tou- trat du parc, que la commune doit conclure
Tant que les trois conditions de stabilité – a) che les PNR, constate rapidement qu’on est avec l’association de soutien.
Quelle est l’importance pour notre pays de la quantités suffisantes de matières premières, b) confronté à un nouvel appareil administra- Mais après qu’il ait dit oui, il n’a plus droit
culture des céréales panifiables et des mino- bonne coopération internationale, c) absence tif qui n’est rien d’autre que le bras rallongé au chapitre, le développement futur du PNR
teries indigènes? de problèmes logistiques – sont remplies, la de l’OFEV. L’affirmation que l’on veut proté- se trouve dans d’autres mains et il perd tout
Je vois ici 5 aspects: un aspect de politique sécurité alimentaire est assurée. Or aujourd’hui ger la belle région et aider les habitants qui contrôle. Il approuve des lois et des ordon-
alimentaire, un aspect économique, un aspect où le monde est devenu considérablement plus y vivent est de la poudre aux yeux. En outre, nances, qui deviennent exécutoires, unique-
écologique, un aspect politique et un aspect instable à la suite d’une complexité accrue, la on sape délibérément la souveraineté des ment dans le périmètre d’un PNR (Loi sur la
éthique. En ce qui concerne le premier, je sou- sécurité alimentaire n’est plus assurée. Nous citoyens et des communes. Si on voulait faire protection de la nature et du paysage, ordon-
haite avant tout le maintien de la culture indi- ne pouvons pas la mettre en jeu. accepter ces buts-ci à la population suisse, la nance sur la protection de la nature et du pay-
gène des céréales panifiables, des minoteries Nous avons vécu le 11-Septembre, les mau- tâche ne serait pas facile. sage, ordonnance du parc, directives pour la
indigènes et des réserves obligatoires, et cela vaises récoltes mondiales de 2008, la crise labellisation).
dans l’intérêt de tous les consommateurs. Pour financière et celle des dettes, des menaces et Avec quels arguments veut-on appâter la
ce qui est de l’aspect économique, je propose des exigences à l’encontre de la Suisse, des population? Quels sont les arguments qui ont convaincu
le slogan «création suisse de valeur». voies de transports perturbées par des cen- • Conserver et valoriser la belle nature et les les citoyens dans les communes de s’expri-
dres volcaniques ou des pirates. A cela il faut beaux paysages. mer contre l’adhésion à un «Parc naturel»?
Pouvez-vous nous parler de la dimension ajouter le Rapport sur l’agriculture mondiale. • Obtenir de l’argent disponible du Canton et • A des questions claires et simples, il n’y a
écologique? Le monde des années 1990 est définitivement de la Confédération, sans conditions ulté- pas eu de réponses concluantes.
De par leur caractère décentralisé, les minote- révolu mais de nombreuses personnes vivent rieures. • La conviction qu’il y a aujourd’hui déjà
ries sont en mesure de livrer, sans supplément encore dans le passé. La Suisse est un petit • Développer et renforcer la région au pro- trop d’administrateurs, de planificateurs
de prix pour le transport, des petits magasins de pays au grand potentiel mais le risque existe fit des habitants, en faire la promotion et ainsi que de manipulation.
village situés loin des grands centres. Elles con- qu’elle tombe dans des dépendances qui l’em- • La région s’est développée au cours des
*
tribuent ainsi de manière importante au peuple- pêchent d’agir de manière souveraine. Mais Ferdinand Oehrli a 39 ans. Il est marié et a trois siècles suite au labeur des habitants qui
ment décentralisé de la Suisse et au maintien je suis optimiste: je pense que nous sommes enfants. Il est de tout cœur paysan. Pour avoir un y habitent. La population désire un déve-
revenu supplémentaire, il travaille en hiver comme
des zones marginales. Les boulangeries de vil- capables de lutter contre ce risque de manière bûcheron et dirige depuis début 2010 un cen- loppement économique, pour cela elle a
lage peuvent être ravitaillées en farine à des intelligente et adaptée à notre temps. tre pour paysans avec environ 160 membres. Ses surtout besoin d’une chose: moins de mani-
conditions avantageuses, ce qui assure leur passe-temps sont le jodel, la politique et l’élevage pulation, moins de restrictions, moins de
survie. Cela, à son tour, augmente l’attractivité Nous vous remercions de cet entretien. • de bétail. bureaucrates et moins de contrôleurs! •
No 46, 29 novembre 2010 Horizons et débats page 3

Gare aux débuts!


Une leçon de démocratie directe couronnée de succès,
lors d’une révision totale planifiée de la «Oberallmeindkorporation» schwyzoise
par Urs Knoblauch

En Suisse, les coopératives ont une longue


tradition et une grande importance. Le nom
de «Eidgenossenschaft» (Confédération en
allemand) indique déjà cet engagement fon-
damentalement suisse pour le bien commun.
Dans beaucoup de domaines, des person-
nalités conscientes de leur responsabilité
comme par exemple Friedrich Wilhelm Raif-
feisen (1818-1888), originaire du Westerwald
en Allemagne, ont cherché des solutions
sociales et en faveur du bien commun pour
surmonter la faim et la misère et pour ren-
forcer avec des banques et institutions coo-
pératives la responsabilité des membres. En
1899, le pasteur thurgovien Johann Traber de
Bichelsee a fondé la première banque Raif-
feisen en Suisse. De nos jours, cette tradition
a été ravivée dans un grand nombre de pays.
Les corporations alpestres représentent aussi
une forme de coopératives.
Le nom de «Oberallmeindkorporation» a
été mentionné pour la première fois en 1114
dans un document et elle est donc plus âgée
que la Confédération suisse, fondée en 1291.
Il s’agissait d’une querelle territoriale, le
«Marchenstreit» entre le Monastère d’Einsie-
deln et les Schwyzois. Il ressort du document
de 1114 que les Schwyzois s’étaient déjà mis
d’accord en ce qui concerne la propriété com-
mune dans le mode coopératif.
En 1350 enfin une paix finale été conclue
pour le «Marchenstreit» qui avait duré près
de 250 ans. A cette époque on a fixé le ter-
ritoire du «Vieux pays de Schwyz», désigné
aujourd’hui comme district de Schwyz, avec
les frontières de la «Oberallmeindkorpora-
tion» actuelle. «La Suisse est le château d’eau de l’Europe. Ces régions naturelles de vallées et d’alpages, cet espace vital précieux de la campagne et des alpes doivent
La «Oberallmeindkorporation Schwyz» être maintenus pour la population rurale, les hommes, l’environnement et le tourisme. Toutes restrictions à l’exploitation et la manière de vivre doivent
est une des corporations les plus importantes avoir des raisons raisonnables et sans équivoque, car l’agriculture suisse, le soin du paysage et de ses produits ont une place de pointe au niveau
de Suisse. Elle a été créée au Moyen-Age mondial.» (photo uk)
au sein des coopératives d’habitations et de
champs dans la très belle vallée de Schwyz, Dans ce projet central il s’agissait de don- Après une discussion très animée entre les de principes fondamentaux, cela concerne
entourée de montagnes impressionnantes, les ner plus de pouvoir et de compétences au membres de la corporation et le conseil d’ad- la population entière, il s’agit finalement du
Mythen, de pâturages et avec la vue sur le lac conseil d’administration, de limiter la par- ministration de la corporation, les opposants maintien des familles avec leurs exploita-
des Quatre-Cantons. La tâche de la corpora- ticipation des paysans pour devenir encore ont convaincu avec leurs arguments clairs et tions agricoles et l’exploitation des alpages et
tion était de prendre soin de l’agriculture, de plus actif dans le secteur immobilier et pour compréhensibles. Avec une petite majorité de de l’eau. Le Rapport sur l’agriculture mon-
l’économie alpestre, de l’économie forestière, gérer les biens de la corporation. Là aussi 180 contre 210 voix, les citoyens de l’Oberall- diale de 2008 mandaté par la Banque mon-
de l’eau, des sources précieuses, de la cons- ils connaissaient mal les paysans. La résis- meind ont refusé d’entrer en matière concer- diale et l’ONU font comprendre que la faim
truction et du soin des routes, du réseau des tance a été immédiate. Le membre de la cor- nant cette révision totale grave. Le lendemain dans le monde ne peut être vaincue qu’avec
chemins et de la protection de l’espace vital poration Peter Abegg de Rothenturm a été on pouvait lire des comptes-rendus détaillés des exploitations familiales comme celles qui
des forces de la nature pour les hommes et très convaincant dans ses argumentations. dans les journaux du canton de Schwyz. Le sont ancrées en Suisse. Il s’agit aussi de notre
pour les bêtes, par exemple par des construc- Il a craint à juste titre «une perte massive conseil d’administration déçu qui avait voulu culture politique et cela dans un canton de
tions anti-avalanches. C’est l’eau, la sauve- de contrôle et de démocratie directe» et il a décider par dessus les têtes ne s’était certai- Suisse centrale, de l’origine de notre démo-
garde d’eau potable propre, un bien toujours vu dans les nouveaux statuts «un document nement pas attendu à cette résistance. Seule a cratie. Il s’agit là d’un essai d’attaquer la sub-
plus précieux qui doit être protégé contre d’esclavage moderne». Avec ça, la porte été acceptée une nouvelle ordonnance sur le stance politique originale de la Suisse, notre
toute sortes d’intérêts. Les grandes provi- serait ouverte à l’arbitraire: «Finalement un tourisme permettant à la corporation de fon- autodétermination.
sions en eau, la production de courant élec- riche Arabe va pouvoir acheter le Stoos. Et der une filiale pour l’utilisation des installa- C’est vraiment très étonnant qu’un con-
trique et des projets innovateurs sont pris en nous n’aurons rien à dire. […] Le citoyen tions touristiques. seil d’administration, en ces temps de cri-
considération avec responsabilité. Dans beau- doit rester l’organe suprême», a clamé le ses bancaires, de faillites économiques et de
coup de régions de montagne, comme dans courageux Peter Abegg dans l’assemblée. Gare aux débuts! dommages incommensurables par la spécula-
le Muotathal et dans le Bisistal la «Oberall- Au fait, le règlement des ventes devait être Le succès de cette opposition n’a été possible tion financière, puisse prôner des idées aussi
meindkorporation» a fait des travaux impres- supprimé. Là, pour les Oberällmiger c’était qu’avec une connaissance approfondie de la absurdes. La corporation possède des terri-
sionnants. clair, ils suivent de très près les pratiques situation des membres de la corporation et toires étendus, des réserves de terrain pour
Le 17 octobre de cette année c’est pour des banques et de l’Europe-UE-Euro: «Pour avec des discussions avant l’assemblée. Avec la construction. Avec l’accord des membres
la première fois que la Oberallmeindkor- les ventes dans le domaine de la forêt nous cet exemple de démocratie directe, la popu- de la corporation on a toujours créé avec pru-
poration n’a plus siégé dans le Ring habi- n’aurions plus rien à dire. Nous n’avons pas lation responsable a pu prendre conscience dence des possibilités d’habitation et d’in-
tuel de Ibach (un peu comme le Ring de la besoin de structures de société anonyme.» que l’opposition contre des réformes aussi dustries. Schwyz au centre et tout autour le
Landsgemeinde) ou dans l’église de Schwyz Othmar Auf der Mauer, de Brunnen s’est impudentes doit être manifestée bien plus Muotathal spacieux, Riemenstalden, Mor-
(par mauvais temps) mais au Mythenforum dit également «choqué de voir combien de tôt, plus largement avec plus d’informations schach au bord du lac des quatre cantons,
moderne et très tendance à Schwyz. Celui pouvoir l’administration veut s’approprier.» et avec beaucoup plus de fermeté. Car il s’agit Ingenbohl, Sattel, Rotenthurm, Unteriberg
qui connaît l’histoire des «Oberällmiger», appartiennent au territoire OAK qui est plus
proches de la nature avec une histoire plus grand que le canton de Zoug avec ces 24 000
ancienne que celle de la Confédération, sait Les coopératives, un modèle d’avenir ha.
que cela signifie une rupture totale avec la uk. Le modèle démocratique des coo- étudia en Suisse la commune de Tör- Celui qui pense aux stratégies actuelles
tradition. Les paysans avaient raison de cri- pératives est particulièrement précieux bel dans la vallée de Viège (Valais). Elle sournoises au sein de l’UE et en Suisse avec
tiquer que ce n’était pas l’endroit approprié, aussi dans la coopération au développe- a démontré les avantages de la vie éco- les nouvelles planifications régionales, les
mais que c’était une salle pour «banquiers». ment internationale actuelle. Ainsi, un nomique traditionnelle et couronnée de plans pour les parc naturels, l’introduction
Ils ont aussi dit «qu’être debout dans l’herbe travail de développement judicieux peut succès dans cette commune de monta- du loup heureusement refusée, la politique
n’empêche pas de penser». se faire avec toutes les personnes inté- gne. Les potagers et les arbres fruitiers se des espaces métropolitains ou dernièrement
Ainsi, il est compréhensible que deux pro- ressées, sans risque de s’endetter ou de trouvent entre les mains de particuliers, les exigences pour d’immenses zones de
jets aient été refusés. Spécialement inaccep- générer des dépendances risquées. L’im- les alpages, les forêts, les chemins et les protection de la biodiversité (Conférence de
table pour les paysans était le fait que le portance des coopératives a été éga- systèmes d’irrigations traditionnels sont l’ONU de Nagoya au Japon en octobre 2010),
conseil d’administration ait voulu déplacer lement confirmée par le Prix Nobel de la propriété des coopératives. Elle ren- s’aperçoit vite que des intérêts économiques
la date de la réunion annuelle de la «Ober- l’économie octroyé à l’Américaine Eli- contra des formes similaires d’activités et politiques dans l’agenda de l’UE sous-ten-
allmeindkorporation» de l’automne au prin- nor Ostrom en 2009. Cette chercheuse économiques coopératives dans le monde dent les démarches concernant la Suisse. De
temps, une période de travaux aux champs et à a montré comment les biens communs entier, même chez des tribus vivant dans cette façon, notre économie nationale et notre
l’alpage pour les paysans. Il devenait vite clair peuvent être gérés de manière sensée les forêts tropicales d’Amérique latine. agriculture, dans tous les domaines parmi les
que les paysans devaient être refoulés et qu’on et avec succès par une communauté. Ce Dans son travail, elle s’engage avec suc- meilleurs au monde, seraient couvertes de
voulait introduire de nouvelles majorités. Le n’est pas la maximisation du profit qui cès en faveur d’une recherche interdisci- nouvelles exigences qui ne seraient plus sup-
comble de l’arrogance cependant, c’est qu’on est au centre des préoccupations, mais plinaire au-delà des limites étroites des portables.
voulait faire passer une révision totale des sta- une gestion rationnelle et durable. Au disciplines, aussi pour les questions éco-
tuts de 1993 de la «Oberallmeindkorporation» début de sa carrière, cette politologue nomiques.
Schwyz alors qu’ils avaient fait leurs preuves. Suite page 4
page 4 Horizons et débats No 46, 29 novembre 2010

«Gare aux débuts!»


uk. Que l’empêchement réussi de la révi- onze communes (mais aussi des parties de
nommé une commission qui a mis en route
suite de la page 3
sion complète de la «Oberallmeindkorpo- l’«Oberallmeindkorporation») recouvrant
la répartition du sol, la «Bodenallmeind». Le
ration Schwyz» soit en rapport avec l’un une surface de 407 kilomètres carrés. Les
reste, les alpages, les forêts et les pâturages
Pour le lecteur attentif et le citoyen préoc- des parcs naturels régionaux prévus, se auteurs déclarent: «L’épine dorsale du
n’ont pas été repartis. Ils ont pris le nom
cupé, ces réfléxions ont été confirmées quand confirme lors d’un coup d’œil sur la politi- périmètre est formée par la ligne de par-
de «Unterallmeind» ce qui représente tous
on a pu lire déjà un jour plus tard, sous la que du parc naturel du canton de Schwyz. tage des eaux du canton de Schwyz entre
les biens de la corporation. Les familles
plume du rédacteur de la «Neuen Schwyzer Il existe déjà une vaste «Etude de faisa- le lac des Quatre-Cantons (Reuss) et le lac
appartenant à la corporation ont transmis avec
Zeitung», un article agressif intitulé «Nichtäl- bilité d’un parc naturel régional dans le de Zurich (Limmat).» Avec l’étude de fai-
leur nom de famille le droit de membre, la co-
pler, Nichtwaldarbeiter, Nichtbauern – sie canton de Schwyz» ainsi que d’autres tex- sabilité, ils veulent donner aux communes propriété et le droit d’utilisation et ils étaient
sind die Mehrheit» [les gens qui sont ni ber- tes à ce sujet. Cette étude très coûteuse la possibilité de «participer activement ainsi des «citoyens de corporation», aux
gers ni paysans ni forestiers représentent la de 88 pages a été publiée le 23 octobre à la discussion concernant le parc natu- droits égaux. Avec cela on a voulu encourager
majorité]. Dans cet article il a exprimé son 2009 (étude de faisabilité PNR Schwyz) et rel». A la fin de l’étude, on souligne posi- l’utilisation et les travaux en commun.
mécontentement que 211 citoyens de l’Ober- le mandant est l’«Equipe de base du parc tivement l’importance d’une «gestion du Cette tradition, éprouvée à travers les
allmeind aient réussi d’empêcher la révision naturel Schwyz» (c/o Regio Plus-Projekt parc» coûteuse, notamment le «marke- siècles de travail en coopératives et à droits
totale. Il a retourné les faits et veut mobiliser «Üses Muotital»). ting du label» et le «tourisme proche de la égaux dans l’entraide entre voisins, fait par-
la majorité des membres contre les paysans, Cette équipe de base comprend 8 mem- nature» pour, à l’avenir, créer un marché tie de la substance originale démocratique
les forestiers et les bergers. Soutenu par un bres dont Stephan Betschart, membre du et faire des affaires. Le fait que la «Charte de la Suisse. C’est de cette façon unique-
autre article du président du conseil adminis- conseil d’administration de l’«Oberallmei du parc naturel», dont le contenu n’est ment qu’on pouvait travailler dans cette vie
tratif Franz Ulrich, qui a parlé de façon péjo- ndkorporation Schwyz». Cette étude qui pas encore connu, aura à l’avenir des con- de montagne parfois dure et pauvre, et cela
rative des arguments fondés des opposants et se présente de manière scientifique, con- séquences juridiques importantes, n’est correspond à la nature humaine.
a promis, malgré le refus, une autre révision tient plusieurs variantes. L’équipe de base que brièvement mentionné. Selon les son-
totale des statuts ces prochains deux ans! Cela Un devoir pour tous
recommande aux communes de continuer dages, ce fait et de nombreuses restric-
aussi doit donner à réfléchir aux citoyens res- le travail sur la «variante du périmètre de tions et réglementations ont provoqué un La Suisse est le château d’eau de l’Europe.
ponsables: Gare aux débuts! la ligne de partage des eaux» («Perimeter- grand malaise compréhensible dans une Ces régions naturelles de vallées et d’alpages,
variante Wasserscheide») qui comprend large partie de la population. cet espace vital précieux de la campagne et
La grande performance des alpes doivent être maintenus pour la
culturelle et historique de la population rurale, les hommes, l’environne-
«Oberallmeindkorporation Schwyz» nos jours, avec l’esprit du temps qui incite propriété de la Oberallmeind ont été fixées. ment et le tourisme. Toutes restrictions à l’ex-
C’est une grande joie de voir combien la beaucoup de femmes à faire carrière, et avec Mais dans la répartition équitable du bétail ploitation et la manière de vivre doivent avoir
démocratie directe et le refus de «dirigeants l’influence des villes et de la vie de consom- à l’alpage sur les magnifiques pâturages il y des raisons raisonnables et sans équivoque,
étrangers» sont ancrés par ici. La corpora- mation il n’est pas facile pour une femme de avait du mécontentement chez les artisans et car l’agriculture suisse, le soin du paysage
tion a élaboré une structure organisationnelle s’épanouir dans la vie paysanne. Heureuse- les propriétaires du petit bétail qu’on appe- et de ses produits ont une place de pointe au
remarquable qui a fait ses preuves avec des ment on trouve toujours des jeunes femmes lait les «Klauenmänner». Ils voyaient à juste niveau mondial. Nous sommes fiers de nos
adaptations continues, nécessaires, jusqu’au qui ont assez de clairvoyance pour com- titre un avantage du côté des propriétaires du paysages avec leurs magnifiques jardins natu-
dernier changement de statuts le 10 octobre prendre l’unidimensionnalité de l’attrait de gros bétail qu’on appelait les «Hornmänner». rels et multiples dans tous les cantons, soignés
1998. La «Oberallmeindkorporation» est la vie citadine. Il s’agit ici certainement pas En 1838, au bout de longs combats, on s’est avec amour par la population et les paysans
une institution de droit public des citoyens de romantiser les traditions ou de défavori- mis d’accord sur un compromis à Rothen- depuis des siècles. Nous sommes aussi fiers
et citoyennes schwyzois à laquelle appar- ser les femmes mais d’assurer l’importance turm, c’est-à-dire que le nombre d’animaux de notre parc national et de nos jardins zoo-
tiennent depuis le 1er avril 2009 déjà 16’649 de la continuation de familles paysannes pour l’estivage des parties en querelle soit fixé logiques.
membres. solides ou les hommes s’engagent entiè- d’après le nombre des ongles et des cornes. En Pour les indigènes, les paysans du can-
Une des décisions les plus lourdes de con- rement, ensemble avec leur femme et leur 1877 seulement, après un accord, les «Horn- ton de Schwyz, ce monde alpin représente
séquences prise en 1993 fut l’acceptation des famille, pour la ferme, pour les tâches dans männer», qui tenaient à garder leur propriété, un cadeau et c’est un devoir de sauvegarder
femmes comme citoyennes de la corporation la commune et dans la corporation d’alpage. se sont calmés. Cet exemple montre combien ce bien naturel de façon responsable. C’est
d’abord encore sans le droit de transmettre La forêt et l’alpage à eux seuls exigent un de temps peut s’écouler pour trouver un com- aussi un devoir religieux. Meinrad Inglin,
la citoyenneté. Avec la décision controversée grand engagement. La Oberallmeind «est la promis bien suisse accepté par tout le monde. le grand écrivain suisse et schwyzois, conte
du tribunal administratif de 2005 les femmes plus grande exploitation forestière de Suisse Un bien culturel précieux qui doit être con- dans sa nouvelle «Die Furggel» la beauté du
ont obtenu le droit de transmettre la citoyen- et c’est une des corporations les plus impor- servé. Malheureusement, dans la publication paysage de Schwyz, la gratitude et la fierté
neté à leurs enfants. Avec cette décision la tantes du pays». citée, l’histoire de la corporation d’alpage des habitants de cette façon: «Le garçon était
tradition bien pensée de l’ancienne corpora- n’est que très brièvement traitée. debout sur le Furggelgrat et regardait son
tion a pris fin. Que les 97 familles de l’Ober- De la nécessité du savoir historique La publication parue en 2002 «Die Ober- entourage loin et tout proche, fier comme un
allmeind comme les Betschart, Schuler ou et politique, de la bonne et honnête allmeindkorporation Schwyz» par Hans prince qui a hérité le royaume de son père et
Gwerder aient plus de poids, est discutable, coopération et de la volonté politique Stadler-Planzer (Editeur: Oberallmeindkor- qui en prend possession depuis son trône soli-
mais du point de vue historique et de l’en- Pour mieux comprendre ces événements poration Schwyz) est aussi très précieuse, taire. Vers l’est, la Furggel descend en une
gagement de la corporation, c’est compré- actuels ici et ailleurs, un regard sur l’his- mais la discussion directe avec les habitants pente gris-ardoise, effritée dans une large
hensible. Aujourd’hui, par mariage, de plus toire cantonale de Schwyz s’impose. Pour est encore plus vivante. Passant une grande combe remplie de gravats grossiers, et après
en plus de membres arrivent dans la corpo- cela on peut citer les cahiers précieux, édi- partie de mon temps libre dans un petit cha- la combe un pâturage vert clair échelonné,
ration qui ne sont plus liés aux nécessités et tés par la commission culturelle du canton let sur le Rigi, je discute très souvent avec remontant en collines vert-foncé, et au des-
aux nombreux devoirs de la paysannerie et au de Schwyz, «Der Kanton Schwyz 1798 bis les paysans bien informés et responsables, les sus de ces collines une chaîne de montagne,
travail dans les montagnes, là ou il s’agit de 1848» de Andreas Meyerhans, mais aussi la «Oberällmiger» et les «Unterällmiger». des groupes de sommets éblouissants dans le
l’économie alpestre, de la forêt, de l’eau, des dissertation parue en 2006 aux éditions NZZ A part la «Oberallmeindkorporation ciel bleu.»
avalanches et aussi de la sécurité et du bien de Benjamin Adler «Die Entstehung der Schwyz» existe une toute aussi importante Cet amour du pays et pour les gens,
commun. Chacun sait que ces hommes, ces direkten Demokratie im Kanton Schwyz» «Unterallmeindkorporation Arth» qui a fêté cette éthique a été transmise et sera encore
paysans capables, ont avec eux des femmes où il traite l’exemple de la Landsgemeinde en 2005 son jubilé des 650 ans. (Fascicule du transmise par les familles, et elle perdure
tout aussi capables et toute la famille qui Schwyz de 1798 à 1866. Le lecteur apprend jubilé 2005, Erich Ketterer et Walter Eigel). jusqu’aujourd’hui. Pour cette raison, les tra-
les soutient. Mais chacun sait aussi que de par exemple qu’en 1836 les conditions de la Car le 16 mai 1354 la commune de Arth a ditions et les familles travailleuses méritent
notre soutien et notre respect. Cela contri-
bue au bien de tous, et aussi des citadins qui
vivent et pensent différemment. Mais c’est
uniquement en travaillant ensemble que nous
pourrons contribuer à un meilleur avenir. •

Horizons et débats
Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante,
l’éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international,
du droit humanitaire et des droits humains

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«La tâche de la corporation est de prendre soin de l’agriculture, de l’économie alpestre, de l’économie forestière, de l’eau, des sources précieuses, de la tants uniquement avec la permission de la rédaction; reproduction
construction et du soin des routes, du réseau des chemins et de la protection de l’espace vital des forces de la nature pour les hommes et pour les bêtes, d’extraits courts et de citations avec indication de la source «Hori-
zons et débats, Zurich».
par exemple par des constructions anti-avalanches.» (photo uk)
No 46, 29 novembre 2010 Horizons et débats page 5

Ce que l’Afrique m’a appris


Dans son interview avec Susanne Brunner, Ruedi Küng jette un regard rétrospectif sur les années qu’il a passées en Afrique comme correspondant de la Radio suisse DRS

Durant douze ans, il était notre voix d’Afri- contient des films tels que «Out of Africa»
que: Ruedi Küng, correspondant de la Radio ou des paysages extrêmement romantiques,
suisse DRS. A présent il quitte et avec lui les animaux, les paradis naturels vierges, ces
presque une ère de reportages africains se choses-là.
termine au sein de notre radio. Ruedi Küng Ce n’est justement pas ça, ce n’est plus ça.
connaît le continent depuis près de trente J’avoue que j’ai également commencé comme
ans. Au début, il y était pour sept ans en tant ça. On ne peut reprocher à personne d’ap-
que délégué du CICR, depuis 1998 c’est notre précier les beautés de la nature, les espaces
homme en Afrique. Un regard en arrière sur magnifiques et les splendides horizons mon-
le temps passé là-bas et un regard sur le futur tagneux et les volcans et les animaux qui y
d’un continent que nous percevons toujours vivent. On a vraiment l’impression qu’on
comme le continent de la pauvreté, des fami- vit dans des conditions paradisiaques. Il y
nes et des guerres. Ruedi Küng est l’hôte du a bien des éminences grises de partis poli-
jour chez Susanne Brunner. tiques importants qui vont en Afrique pour
fêter leurs septante ans. Il doit donc bien y
Susanne Brunner: Durant presque la moitié avoir quelque chose dans cette Afrique. On
d’une vie, vous vous êtes occupé de l’Afrique, y va volontiers. Pour moi, aujourd’hui c’est
Ruedi Küng. Vous y avez vécu, vous avez par- devenu presque une image kitsch. On pour-
couru le continent, vous nous en avez envoyé rait prendre l’exemple du Serengeti: l’Etat
des reportages. A présent, c’est terminé. En de Zambie projette une autoroute à travers
avez-vous assez de l’Afrique? le Serengeti. Le monde entier se met à hur-
Ruedi Küng: Non, je n’en ai pas assez de ler: Grand dieux, vous ne pouvez pas faire
l’Afrique, ça en aucun cas. En fait, c’est le cela, cette réserve naturelle unique où chaque
contraire qui est vrai. J’ai de plus en plus année se déroule la transhumance des gnous
pénétré en Afrique, j’ai pu me faire une idée et d’autres animaux – un million de bêtes se
toujours plus approfondie et j’ai de plus en déplacent là-bas chaque année – ça pourrait
plus vu tout ce que je ne sais pas, ce que je Ruedi Küng en discussion avec le directeur d’école Alemayu Muleta dans le village de Degem, être interrompu. Ce n’est pas que je trouve-
ne comprends pas. Et j’ai été obligé de recon- province d’Oromia, en Ethiopie. (photo mad/rk) rais cette route bonne, mais c’est exactement
naître que la profession de reporter d’actuali- obligé de déployer tout votre charme, d’en- des souverains autoritaires, corrompus, qui ne ça le problème: Nous aimerions très volon-
tés ne pouvait finalement rendre compte que gager toute votre force de persuasion pour se soucient pas du bien du peuple parce qu’ils tiers que l’Afrique reste le beau paradis avec
d’une réalité partielle très limitée. Je serais dire: «Non, ça là c’est tout à fait important». ne se préoccupent que d’eux-mêmes et de leur ces animaux, parce qu’ils sont vraiment tout
simplement d’avis que durant ces dernières Parce que ce n’est souvent pas le cas; vu clan. C’est une dure réalité qui doit certaine- à fait magnifiques.
années, cela a provoqué une insatisfaction en d’ici, l’Afrique est extrêmement loin. ment trouver sa place (dans les médias). Mais si je peux revenir à votre question:
ce qui concerne le développement des médias. L’éloignement extrême de l’Afrique m’était Mais, et c’est peut-être le besoin de trans- quelle signification a l’Afrique pour moi.
Nous pouvons peut-être en parler brièvement. aussi rappelé par mes collègues de la rédac- mettre cela qui se développe au cours des Peut-être que je suis aussi un profiteur, dans
Quand j’ai constaté: «Je dois dire ça ainsi», tion. Pour eux aussi c’était très loin. Je pour- années. Cela ne provient pas simplement du ce sens qu’avant tout, j’ai pu découvrir en
«non, je dois décrire cela comme ça, briève- rais peut-être dire en étant autocritique que fait qu’ils ont la peau noire, mais ça a une his- moi des valeurs qui auraient peut-être été
ment», c’était parfois un marchandage pour j’aurais dû fournir un effort de persuasion toire. Ce sont des faits historiques, des cir- ensevelies ici dans notre monde occidental
dix secondes – «Est-ce que je peux mainte- plus soutenu. J’ai évidemment essayé de le constances qui agissent encore aujourd’hui. parce qu’ici, dans notre monde, on est tel-
nant laisser cette phrase comme ça ou non?» faire. J’ai par exemple essayé de ne pas me J’entends par là très clairement l’exploitation lement follement orienté vers le matériel,
– alors au bout de douze années, je suis peut- limiter aux choses les plus actuelles et les éhontée de ce continent par les nations indus- parce qu’ici, on court après bien des choses
être un peu las de devoir toujours faire ces plus importantes, mais j’ai essayé de trai- trielles, par la communauté mondiale. On dont on pense qu’on doit les posséder dans
compromis. Car il faut aussi un peu mieux ter aussi d’autres sujets pertinents. Permet- est immensément intéressé par l’Afrique. Si sa vie. Si je me suis trouvé dans des situa-
apprécier la complexité de la réalité à sa juste tez-moi de prendre un exemple: Je me suis on dressait la liste de toutes les firmes, si on tions – c’étaient parfois des situations diffi-
valeur. J’aimerais l’apprécier un peu plus à sa rapidement aperçu sur le continent quelles parlait avec tous ces gens qui s’intéressent à ciles, des crises, des guerres, des situations
juste valeur. difficultés éprouvent en société les Africains l’Afrique parce qu’ils veulent y acquérir les tout à fait graves – parfois des situations tout
blancs qui ont un défaut de pigmentation, les matières premières dont ils ont besoin pour à fait normales – j’y ai trouvé les gens, je les
La complexité est une chose. L’autre est aussi soi-disant albinos. Et il y a pas mal d’albi- leur production industrielle, on aboutirait à ai observés, je leur ai parlé et j’ai senti qu’ils
la hiérarchisation. La Radio DRS a deux cor- nos. Je peux vous dire que durant douze ans, une image tout à fait différente de l’Afrique. ont quelque chose, une force, une sérénité,
respondants aux USA, alors que vous-même je n’ai pas réussi à faire passer ce sujet pour Il y a là une réalité qui est très peu connue une façon d’affronter ce qui leur arrive, que
êtes seul responsable, pratiquement pour tout un sujet socialement pertinent. Lorsqu’à un dans le public chez nous. Glencore par exem- je ne pouvais que leur envier. Peut-être que,
un continent, donc pour 48 pays. Je donne moment donné, un journaliste quelconque ple, un des plus grands marchands de matières quand j’étais en Afrique, je pouvais vivre un
un exemple: L’affaire Monika Lewinsky avec a commencé à raconter qu’en Tanzanie, des premières, en connaît un bout sur l’Afrique et peu cela et parfois même en emmener un peu
Bill Clinton a suscité d’inombrables corres- albinos sont assassinés parce qu’on veut uti- il n’a probablement pas de l’Afrique l’image en Suisse. On pourrait finalement me le sou-
pondances, mais vous aviez apparemment de liser leurs os pour des cérémonies cultuel- qui […], ceux-là connaissent les voies pour haiter.
la peine à faire un reportage sur le Congo. les, l’albinos devint d’un coup un sujet. Cela imposer leurs intérêts de marchands de matiè-
Oui, c’est exactement ça. Je me souviens révèle peut-être exactement ce conflit: ce qui res premières en Afrique. Mais cela ne se tra- Je pense que vous en avez sûrement emporté
bien de l’affaire Lewinsky. J’ai moi-même est pertinent dans un sens quotidien ne trouve duit pas par une amélioration du continent. Il une partie en Suisse après toutes ces années.
cité ça dans mes entretiens et j’ai dit: Là on que peu de place dans nos médias. Je ne dis n’y a pas si longtemps j’étais en Zambie, dans Comme correspondant vous étiez – c’est quel-
doit connaître chaque détail, mais les élé- pas cela uniquement pour critiquer. C’est une les grandes mines de cuivre – on appelle ça le que chose d’à peine croyable, nous en avons
ments importants de ma réalité, je ne peux évolution des médias. Le monde est devenu «copper belt». Sur le marché mondial, ce cui- parlé au début – responsable de tout un con-
pas les transmettre. Mais n’oublions pas que tellement grand à cause de la globalisation. vre est l’objet de hausses et de baisses, c’est tinent. Cela fait en tout environ 25 millions
je n’étais engagé qu’à temps partiel et que sur Il y a tellement d’endroits dans le monde sur un train de montagnes en montées suivies de de kilomètres carrés, 48 pays, ça fait 800 mil-
huit des douze années je ne travaillais qu’à lesquels nous focalisons notre attention. Alors descentes vertigineuses. Quand j’y étais, tous lions de personnes et environ 2000 langues.
50%, comme un demi-correspondant d’Afri- ça passe simplement aux oubliettes. A présent les mineurs étaient assis en rond ici ou là – pas Comment garde-t-on la vue d’ensemble sur
que qui aurait dû rendre compte du continent où il y a d’énormes inondations au Bénin, on tous, mais presque tous – au chômage, frustrés, un pareil continent?
tout entier. Et cela a contribué que j’aie essayé, ferait un reportage sur le Bénin. Jusqu’à pré- fâchés. Evidemment parce qu’ils n’avaient Oui, c’est vraiment une raison que je dois
dans les émissions de nouvelles – le «Echo sent, je n’ai pas pu faire passer un seul repor- plus de travail. Quelque mois plus tard, le prix aussi mentionner, et je ressens aussi mon âge
der Zeit», évidemment mon émission préfé- tage sur le Bénin à la radio. du cuivre remonta de nouveau et maintenant – puisque je viens d’avoir soixante ans: c’est
rée, «Rendez-vous am Mittag» ma deuxième il y a une situation d’urgence, et on aurait de un flot permanent d’informations. J’ai tou-
dans l’ordre de préférence, si je peux dire ça Mais à présent vous pourriez le faire, Ruedi nouveau besoin de plus d’ouvriers. C’est qua- jours dit: Je suis au goutte-à-goutte, je suis en
si ouvertement – de rapporter sur l’Afrique Küng, parce qu’il y a ces inondations là- siment une image symbolique de ce continent permanence au goutte-à-goutte. Même quand
même dans des émissions secondaires. J’ai bas. Est-ce aussi parce que ce qui reste – des qui est resté le jouet des intérêts de l’étranger. j’étais en vacances, j’étais toujours au goutte-
fait des émissions qui s’appelaient autrefois années de reportage, de tous les reportages, Il faut naturellement se demander: pourquoi en à-goutte parce que je devais l’être. Cela com-
«Doppelpunkte», «International», «Kontext» également ceux d’autres personnes – c’est est-il ainsi? C’est une grande question. Mais mence tôt le matin quand j’écoute des radios
et «Siesta», «Globus», «Allerweltsgeschich- l’Afrique qui est toujours le continent de la je constate pour commencer qu’il en est ainsi africaines, quand je me rends dans des agen-
ten» etc. – de magnifiques émissions dans pauvreté, des famines, des guerres et de la et que les gens se sentent aussi des jouets et ces. Vous, Susanne Brunner, connaissez évi-
lesquelles j’avais la possibilité de donner un corruption. Est-ce aussi la frustration due qu’ils peuvent exercer peu d’influence sur leur demment notre job. Nous disposons là de
aperçu de la réalité africaine. De l’humain, au fait que vous n’avez peut-être que peu pu propre destin. Et malgré cela, ils se battent, ce tous les moyens de l’Internet pour trouver
du quotidien, qui illustrait tout à coup pour modifier cette image dans la perception géné- que je ne peux qu’admirer. des informations. Le seul problème c’est que
les gens une impression du genre: Ah bon, rale? Ou y a-t-il eu des changements dont la matière est incroyablement abondante. Il
apparemment tout n’est pas simplement une vous avez pu dire: «Si, c’est plus nuancé qu’il J’aimerais revenir à la fin de cet entretien s’agit de s’y retrouver, littéralement de s’y
affaire obscure et douteuse dans ce continent. y a douze ans quand j’ai commencé». sur les perspectives du continent. Mais pour frayer un passage, d’abord pour en extraire ce
Mais ces émissions aussi se sont éloignées Pour moi c’est très difficile de juger si j’aurais l’instant: Après toutes ces années – vous con- qui est important et qui ensuite pourrait aussi
de plus en plus de l’Afrique et transmettent su rendre cette image de façon un peu plus naissez maintenant le continent depuis envi- être intéressant. Tout à l’heure j’ai dit que j’ai
aujourd’hui de plus en plus des sujets locaux, nuancée. Nous sommes tout de même en pré- ron trente ans, vous y étiez comme délégué essayé d’attirer un peu plus l’attention en met-
régionaux, parce qu’on juge cela plus intéres- sence d’une institution de droit public à la du CICR et à présent comme correspondant tant en exergue des sujets intéressants.
sant. De sorte que sur cette voie aussi je suis Radio DRS. Nous avons un devoir d’infor- – quelle signification a l’Afrique pour vous? En fait, c’est un travail tout à fait énorme.
arrivé d’une certaine façon au terminus. Ce mation. Comparé à d’autres journalistes free- Pour moi l’Afrique est quelque chose de tout à C’est fatiguant. D’un autre côté ça me don-
n’était vraiment pas facile pour moi. lance ou journalistes de la presse écrite j’ai fait fascinant. Je pense volontiers à l’Afrique. nait aussi une certaine aisance. Il est arrivé
certainement joui de portes bien ouvertes Pour moi, l’Afrique est un mot magique. Je rarement qu’au sein de la rédaction, quel-
Que ce se passait-il donc au quotidien? pour continuer constamment à parler de me rends volontiers en Afrique. J’aime être qu’un me surprenne en me demandant: «Dis-
En tant que rédacteur, vous saviez quelque l’Afrique. J’aimerais plutôt dire: Il ne faut en Afrique. donc, nous avons lu ceci ou cela: est-ce que
chose, vous avez préparé un reportage, vous pas oublier que l’Afrique est un continent de tu es au courant?» Au fond, j’étais toujours
voulez traiter un sujet. Alors, il n’y a de l’in- la pauvreté, un continent des guerres et des Est-ce alors une ambiance? Je pense que
térêt que lors d’une crise? Ou étiez-vous guerres civiles et des souverains corrompus, l’image-cliché que nous avons de l’Afrique Suite page 6
page 6 Horizons et débats No 46, 29 novembre 2010

«Ce que l’Afrique m’a appris» J’aimerais commencer par la question:


suite de la page 5 Qu’est-ce qui n’a pas changé du tout et
qu’est-ce qui a le plus changé? Je sais, c’est
capable de confirmer: Oui, je sais de quoi il très général, car c’est probablement très dif-
s’agit. Je peux t’expliquer de quoi il retourne. férent d’un pays à l’autre. Malgré cela: qu’en
C’est évidemment un sentiment génial, ça diriez-vous?
vous donne de l’aisance, mais c’est quand- Je commence par ce qui est le plus facile,
même très fatiguant. Et ce n’est en fait que le par ce qui a changé. Il y a deux choses qui
début du tout. Ensuite il s’agit souvent d’al- ont énormément changé: la première est le
ler sur place. téléphone portable, la téléphonie mobile,
la deuxième chose est l’urbanisation. Nous
Je voulais justement demander: Etiez-vous avons toujours l’image d’une Afrique essen-
durant ces douze années dans tous ces tiellement paysagère et campagnarde en tête.
pays? Mais l’Afrique n’a si ce n’est déjà franchi ce
Non, je ne les ai jamais comptés, probable- cap, du moins atteint le point où la majorité
ment parce que j’aurais alors eu le sentiment des habitants vivent en ville. Ces villes ne
qu’il n’y en avait pas assez. J’ai sûrement été sont évidemment pas des villes au sens où
dans 30 pays, mais je ne suis pas allé dans nous l’entendons, mais ce sont très souvent
la totalité des 48. Je ne suis jamais allé aux des zones de bidonvilles. Et cela implique
Comores, jamais au Cap Vert. Je ne suis une nouvelle culture, de nouveaux éléments.
jamais allé à São Tomé et Principe, jamais à Toutes les formes de vie traditionnelles, tout
l’Ile Maurice. Je viens de ne mentionner que ce qu’on connaît encore d’après les manuels
des îles qui se situent toutes autour du con- scolaires, de ce que les gens nous racontent
tinent, mais qui toutes font partie de cette encore des hiérarchies sociales – par exem-
Afrique. En ce moment même on peut voir ple que les jeunes respectent les vieux – se
la photo du président des Comores qui dis- trouve très fortement ramolli. L’élément
cute avec des enfants à l’occasion du Sommet Rencontre avec une caravane au repos dans le nord du Soudan. Il y a toujours des caravanes qui se urbain, même si c’est un bidonville, ramollit
de la Francophonie à Montreux. Je mentionne déplacent vers le nord selon des itinéraires traditionnels pour se rendre au Caire, où les caravaniers ces formes de cultures-là.
ça en passant. C’est un chef d’Etat africain vendent leurs dromadaires. (photo mad/rk)
des Comores. Mais je n’ai malheureusement Cela sonne un peu comme partout où a lieu
jamais pu faire des recherches aux Comores. cette urbanisation. En cela, l’Afrique n’est
pas différente d’autres régions.
Nous pourrions parler plusieurs heures de Oui, tout à fait. Mais l’Afrique est le conti-
votre vécu durant toutes ces années que vous nent où cette urbanisation se déroule actuel-
avez passées en Afrique. C’est probablement lement le plus rapidement. Et le téléphone
difficile de choisir des exemples particuliers. portable précisément: c’est dingue ce que ça
Mais si vous y pensez: vous avez voyagé dans créé comme possibilités de communiquer
30 pays. Lequel est celui qui vous restera pour les gens. Les Africains communiquent
plus particulièrement en mémoire ou celui parce qu’ils font également du commerce,
dans lequel vous êtes peut-être allé plusieurs parce qu’ils sont constamment sur le qui-vive
fois, dont vous dites qu’il vous reste particu- pour savoir où? quoi? comment? C’est tout à
lièrement en mémoire? fait énorme, ce qui se passe là-bas. Et quand
C’est clair, c’est une question d’importance, je vous dis qu’en Afrique on a commencé à
que je suis toujours retourné en Afrique du faire les premières transactions bancaires
Sud et que je me retrouve mieux en Afrique par le téléphone mobile, on comprend tout de
du Sud, dans les rues du Cap ou de Johan- suite qu’on a atteint une ère nouvelle.
nesburg que dans les rues de Zurich, ma ville Si vous me demandez ce qui est resté tel
natale. On peut dire cela comme ça, c’est nor- quel, je dirais: ce qui n’a pas changé, c’est le
mal. Ça en fait partie. Bien entendu, ça vaut fait que la population n’a toujours pas la force
aussi pour le Kenya, où j’ai aussi vécu bien de se défendre suffisamment contre ses des-
des années. Mais en me demandant où va potes. Elle le fait, et je n’ai cessé d’essayer
ma préférence si par exemple je recevais un de mentionner cela, de décrire cela, de procu-
billet et que je puisse souhaiter la destination, rer une audience à ces gens chez nous, pour
j’irais à Khartoum, dans le sud. D’abord ça que nous sachions qu’il y a des gens comme
me permettrait de me débarrasser d’un refroi- ça, mais ils n’en ont simplement pas la force.
dissement que j’ai attrapé ici dans le froid et Les puits traditionnels sont vitaux pour les habitants du désert nubien au Nord-Soudan. L’an- En ce moment le Nigeria, un des pays les plus
ensuite le Soudan est un pays tellement riche, née dernière, le gouvernement de Khartoum a restauré ce puits ainsi que d’autres situés au Nord- corrompus du monde, mais aussi un des pays
à l’intérieur d’un seul pays. Soudan. En avril 2010, il a organisé des élections présidentielles et législatives dans tout le pays. potentiellement les plus riches avec la plus
Nous connaissons évidemment le Soudan (photo mad/rk) forte production de pétrole, est en train de
et son chef, Hassan Omar al-Bashir, qui a riences avec eux. Je n’ai moi-même jamais ment aussi remarqué cela. Je n’ai rien non plus faire un nouveau tour de piste démocratique.
été accusé par le Tribunal pénal internatio- vécu cela personnellement, bien au contraire. attendu d’eux, je ne voulais rien d’eux, sauf leur Et le grand prix Nobel de littérature, le pre-
nal pour violations de droits de l’homme et J’aimerais vous raconter avec enthousiasme parler, les rencontrer. C’était ma grande man- mier en Afrique, Wole Soyinka, vient de créer
récemment aussi de génocide au Darfour. Et combien c’est magnifique quand vous êtes tra de pouvoir dire: J’ai de nouveau rencontré un parti politique, parce que lui aussi se bat
puis il y a là le Soudan du Sud où un référen- accueilli dans une communauté villageoise, quelqu’un. Souvent on rencontrait des gens et pour cela et qu’il veut renforcer la population
dum aura lieu le 9 janvier 2011 pour savoir si quand on réunit les gens exprès pour vous, on ne les rencontrait pas parce que ça n’a sim- – nous appelons cela la société civile – pour
le Sud doit être séparé du Nord. De nouvelles quand par exemple on chante pour vous, sim- plement rien donné ou que ça n’a pas donné enfin contrer ces abus de pouvoir dans les éta-
guerres menacent dans la région. Le Soudan plement parce que vous êtes là, comme on assez ou que c’est resté froid ou rationnel ou je ges supérieurs. Pour moi, c’est une expérience
n’est donc rien de réjouissant si on regarde les se préoccupe que vous ayez à manger, même ne sais quoi. Mais je pouvais toujours rencon- très marquante que lui – j’ai eu quelques fois
choses ainsi. Mais quand je suis au Soudan lorsque la nourriture est très rare. trer à nouveau les gens, et on ressent cela avant l’occasion de lui parler – qui a toujours jugé
avec les gens que j’y connais, le Soudan est Il n’y pas longtemps j’étais au Niger. J’y tout quand on revient et qu’ils se réjouissent les parents, les gouvernants, de façon très
quelque chose d’énormément réjouissant pour ai visité un village où des femmes m’ont qu’on revienne. Ils ont évidemment remarqué critique, n’ait pas abandonné l’espoir que la
moi. Au fond, je caresse l’idée que j’aimerais raconté comment elles essayaient de se ras- que durant les derniers trois, quatre, cinq mois population, la société civile, puisse faire quel-
encore bien apprendre l’arabe. J’hésite en ce sembler pour améliorer leur situation maté- où on n’était pas revenu, rien ne s’était passé, que chose. Et il n’y a pas qu’au Nigeria où
moment entre Damas et Khartoum. J’atterri- rielle. Et je l’avais prévu – évidemment ils n’ont rien tiré de nous. Mais comme je l’ai c’est ainsi; on trouve aujourd’hui pratique-
rai probablement à Khartoum car c’est là que parce que j’ai beaucoup d’expérience: elles dit, c’est un privilège. Mais je ne veux pas dire ment dans tous les pays africains des grou-
vivent tous ces gens que j’aime tellement. ont ensuite tué un poulet pour moi. Mais il de mal de quelqu’un qui essaye d’aider l’Afri- pes, des syndicats, des groupes de femmes,
n’y avait pas beaucoup de poules qui erraient que; il y a énormément de gens qui aident en des associations agricoles etc. Je crois qu’au
Vous parlez des contacts que vous aviez, des là-bas. Alors quand vous vivez cela! Elles Suisse, ça je l’ai ressenti quand j’étais plus sou- fond c’est par là qu’on devrait commencer
gens que vous connaissez. Comment fait- n’avaient rien à attendre de moi. Je ne viens vent en Suisse et que j’étais invité ici ou là pour pour pouvoir mener l’Afrique dans une autre
on cela? On n’a toujours que cette image en à l’évidence pas avec de l’argent. Je ne viens parler de l’Afrique. Là, je remarque combien direction – ce n’est pas nous qui pouvons met-
tête: en tant que blanc, vous êtes en route pas pour distribuer quelque chose, je ne suis d’actions sont réalisées grâce à des initiatives tre le processus en branle, ce sont les gens là-
dans des régions qui sont probablement peu- pas un coopérant. privées pour améliorer la situation n’importe bas qui doivent commencer à le faire.
plées d’une majorité de noirs, et vous les con- où. C’est tout à fait énorme. Et je ne veux en
tactez simplement comme ça. Comment ça N’était-ce pénible parfois quand vous voyiez aucun cas dénigrer cela, au contraire. Quand Il faut probablement encore un certain temps.
marche? l’effroyable pauvreté et vous aviez alors l’im- au Libéria je tombe tout à coup sur un hôpital Ruedi Küng, tout à fait pour terminer: Vous
Oui, on est évidemment l’oiseau de paradis, pulsion d’aider? dans la forêt vierge, dans ce cas construit par avez dit que vous n’êtes pas encore fatigué
j’ai pu raconter cela dans de pareilles occa- Ah, en ce qui concerne l’impulsion d’aider, Médecins sans frontières, et que je m’entre- de l’Afrique. Où peut-on vous lire? Où est-
sions. Dans un contexte blanc, on peut aussi j’ai peut-être une attitude tout à fait bizarre. Je tiens avec les femmes là-bas pour savoir ce que ce qu’on vous entend? Est-ce que vous allez
y être comme simple observateur, faire ses trouve cette manie d’aider, si je peux m’expri- cet hôpital ou mieux, ce mini centre de soins écrire un livre?
observations et noter ce qui se passe. Comme mer ainsi, extrêmement problématique. Cer- en bois et pourvu des moyens les plus simples Non, je ne crois pas que je vais écrire un
blanc an Afrique, on ne peut pas faire cela. tains parmi mes amis n’aiment pas du tout signifie pour elles, je ne dirais jamais que c’est livre, mais je vais peut-être raconter des his-
En un rien de temps, le village tout entier sait entendre cela quand je dis ça ainsi. Car ça imp- quelque chose de mauvais. toires, de préférence sur un CD qu’on pourra
qu’un blanc a débarqué. Pourquoi vient-il? lique immédiatement un déséquilibre dans la Mais moi, Ruedi Küng, je ne suis pas écouter.
Que veut-il? Le plus insensé c’est peut-être relation. Il n’y a pas de coopérant qui peut être un gars qui a l’impression qu’il doit sauver
que nulle part, mais vraiment nulle part, je l’égal de celui qui est assisté. C’est évidem- l’Afrique, développer l’Afrique ou la recons- Ruedi Küng, un chaleureux merci pour cet
n’ai été éconduit, hormis peut-être à l’étage ment facile pour moi de parler ainsi, je n’ai truire. Ou en tout cas pas de cette manière. entretien et tous nos voeux.
des chefs d’Etat ou de ministres. C’est quel- rien fait. Je ne reçois pas de couronne de lau- C’est une décision tout à fait individuelle. Merci beaucoup. •
que chose de tout à fait incroyable, et même riers pour quelque chose que j’aurais accompli.
Source: Radio suisse DSR 1, Tagesgespräch du 25
lorsque des gens avaient en partie une attitude C’est pourquoi j’ai utilisé le mot de profiteur J’aimerais bien savoir encore ce que vous octobre, 13 heures.
plutôt critique envers les blancs parce qu’ils tout à l’heure. J’ai toujours pu vivre des rela- pensez de l’avenir de ce continent. Vous
n’avaient pas toujours fait les meilleures expé- tions d’égal à égal, et les gens ont probable- connaissez le continent depuis longtemps. (Traduction Horizons et débats)
No 46, 29 novembre 2010 Horizons et débats page 7

En Somalie, une vie civile existe au-delà de la guerre


Informations concernant les activités des deux organisations suisses
«Swisso Kalmo» et «New Ways» dans la ville de Merka
par Heinrich Frei

335 filles et 300 garçons enseignés par 16 instituteurs sont inscrits à l’école primaire de «New Ways». L’enseignement se fait en deux étapes. (photo New Ways)
hd. Depuis des années, les deux organisat- 30 personnes par jour sont traitées ambula- Cette sage-femme et enseignante pour les sont depuis peu de temps dirigés à titre d’es-
ions suisses «Swisso Kalmo» et «New ways» toirement. Cet hôpital pour tuberculeux a pu soins infirmiers zurichoise, a travaillé dans sai par l’organisation «Médecins du Monde»
de l’association «Förderverein Neue Wege» être construit et financé grâce à l’aide du Glo- la ville somalienne Merka depuis sa retraite (MdM). MdM dirige déjà deux autres centres
s’engagent dans des conditions les plus diffi- bal Fund et du soutien du médecin somalien, en 1993 jusqu’à sa mort tragique en 2002. ambulatoires à Merka.
ciles en Somalie. Heinrich Frei décrit régu- Docteur Hersi de Nairobi. Aujourd’hui, ses œuvres réalisées à Merka
lièrement le travail de ces organisations, qui existent toujours. Ecole primaire
sont l’expression de la Suisse sociale et soli- «New Ways» du Le Förderverein a à Merka un centre ambu- 335 filles et 300 garçons sont inscrits à
daire qui jouit d’une excellente réputation «Förderverein Neue Wege» en Somalie latoire, une école primaire et secondaire et un l’école primaire de «New Ways». 63 d’entre
dans les pays en développement. L’activité du «Förderverein Neue Wege» en poste sanitaire dans le village Ambe Banaan. eux ont quitté l’école au cours de l’année
Somalie a débuté grâce à Verena Karrer. Le centre ambulatoire et le poste sanitaire scolaire parce que leurs familles ont cher-
Depuis la chute du dictateur Siad Barre en ché refuge dans des camps de réfugiés au
1991, la guerre règne en Somalie. La famine Kenya. 240 enfants des familles les plus
et la misère font partie du quotidien. Cette pauvres obtiennent trois fois par semaine un
année, 1,4 millions d’êtres humains sont des repas chaud. A cause de la situation précaire
réfugiés internes en Somalie et ceci pour un relative au manque de place, l’enseignement
nombre d’habitants de 9,1 millions. Des cen- doit être réalisé en deux étapes, un groupe le
taines de milliers d’autres ont fui dans les matin et un groupe l’après-midi.
camps de réfugiés des pays voisins, au Kénia,
mais aussi dans les Etats de la presqu’île Ecole secondaire
arabe, en Amérique du Nord ou en Europe. L’école secondaire de «New Ways» qui dure
En Somalie, les armes ne manquent pas, elles quatre ans est fréquentée par 505 élèves dont
arrivent de partout, aussi des USA et d’Eu- un tiers sont des filles. Ceux qui fréquentent
rope. L’espoir mis au début dans le nouveau cette école sont souvent des jeunes femmes et
Président du gouvernement provisoire, Sha- hommes ayant plus de 18 ans. Dans le cou-
rif Sheikh Ahmed, qui est en fonction depuis rant de l’année, 124 garçons et 41 filles ont
début 2009, ne s’est pas confirmé: la situa- quitté l’école pour diverses raisons. 75 adoles-
tion ne s’est pas améliorée sous son gouver- cents, venant des villages des alentours, ont
nement. Actuellement, la plus grande partie dû interrompre l’école pour des raisons éco-
de la Somalie est sous le contrôle des milices nomiques. Beaucoup de parents ont peur que
fondamentalistes islamiques luttant contre le leurs enfants soient recrutés par Al Shabaab.
gouvernement de Mogadischu. C’est pourquoi la plupart de ces élèves vivent
Les deux parties ont le soutien de puissances entre-temps à l’extérieur de la Somalie. Quel-
extérieures, bien qu’uniquement l’Union afri- ques-uns ont été envoyés en Arabie saoudite,
caine soutienne ouvertement le gouvernement cependant, un grand nombre d’entre-eux –
provisoire avec des soldats. Début 2010, l’UE 63 – se trouve maintenant dans des camps de
a commencé à entraîner environ 2000 soldats réfugiés au Yémen ou au Kenya. Quelques élè-
Nettoyage municipal. Deux équipes de nettoyage nettoient chaque jour le centre de la ville et le
somaliens sous le commandement de con- marché. Ce sont les quartiers les plus animés et les plus sales. Les zones dans lesquelles les deux
ves ont disparu – recrutés par Al Shabaab.
seillers militaires européens en Ouganda afin équipes travaillent sont propres et la commune est très contente de ce travail de «New Ways».
de soutenir le gouvernement provisoire soma- Le nettoyage municipal
(photo New Ways)
lien. La Société pour les peuples menacés Deux équipes de nettoyage nettoient le mar-
(SPM) a critiqué l’an dernier le doublement ché de Merka et enlèvent les ordures dans les
planifié de l’aide militaire américaine. Le délé-
gué de la SPM pour l’Afrique, Ulrich Delius a Horizons et débats rues. C’est une mesure très importante pour
prévenir aux épidémies.
déclaré que «la Somalie n’a pas besoin de nou- Hebdomadaire favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
velles armes, mais de plus d’aide à la recons- Centre ambulatoire
pour le respect et la promotion du droit international,
truction et au dialogue entre les partis rebelles du droit humanitaire et des droits humains
Le centre ambulatoire, dirigé et financé
de la guerre civile». actuellement à titre d’essai par «Médecins du
En Somalie, il existe au-delà de la guerre Abonnez-vous à Horizons et débats – journal publié par une coopérative indépendante Monde» est surtout fréquenté par des mères
une vie civile. Deux organisations suisses, L’hebdomadaire Horizons et débats est édité par la coopérative Zeit-Fragen qui tient à son indépendance avec leurs enfants. Des parasites dans l’intes-
«Swisso Kalmo» et «New Ways», travaillent politique et financière. Tous les collaborateurs de la rédaction et de l’administration s’engagent tin, des maladies contagieuses, des inflam-
actuellement dans la ville de Merka, au sud bénévolement pendant leur temps libre. L’impression et la distribution sont financées uniquement par mations pulmonaires, de l’anémie et des
de Mogadischu, au bord de l’océan Indien. les abonnements et des dons. La coopérative publie aussi l’hebdomadaire Zeit-Fragen en allemand et le inflammations de la vessie sont les maux les
Pourtant, les milices islamiques d’Al Sha- mensuel Current Concerns en anglais. plus fréquents traités au centre. De nombreux
baab règnent aujourd’hui aussi à Merka. patients sont sousalimentés, notamment les
Elles se mêlent sans cesse aux affaires des Je commande un abonnement annuel au prix de 198.– frs / 108.– € enfants de moins de cinq ans et les personnes
œuvres caritatives. Mais contrairement à ce Je commande un abonnement annuel au prix d’étudiants de 99.– frs / 54.– € âgées.
qui se passe à Mogadischu, il n’y a pas de En ce moment, l’œuvre de bienfaisance
combats dans cette ville. Je commande un abonnement de 6 mois au prix de 105.– frs / 58.– € «New Ways» de Merka est dirigée par Abdul-
Je commande un abonnement de 2 ans au prix de 295.– frs / 185.– € lahi All Mohamed, professeur d’école secon-
«Swisso Kalmo» daire. Le centre ambulatoire de Merka est
Je commande à l’essai les six prochains numéros gratuitement.
«Swisso Kalmo» a été créé par l’infirmière dirigé par le médecin somalien Abdirahman
Magda Nur-Frei et son mari Nur Scecdon. Veuillez nous envoyer _____ exemplaires gratuits d’Horizons et débats no _____ pour les Hassan Mohamoud.
Depuis 1988, les deux ont travaillé en Soma- remettre à des personnes intéressées. Il est merveilleux que malgré toutes les
lie avec le précieux soutien des frères et sœurs difficultés, les collaborateurs somaliens de
de Magda en Suisse. A partir de 1993, Magda Nom / Prénom: «Swisso Kalmo» et de «New Ways» con-
a collaboré également avec Verena Karrer, tinuent à travailler avec succès. «Swisso
Rue / No:
une collègue de Magda, qui elle aussi est Kalmo» et «New Ways» ont besoin de dons
venue à Merka. Madga Nur-Frei est décédée NPA / Localité: de personnes privées, de communautés reli-
le 25 avril de cette année à la suite d’un can- gieuses et de fondations pour réaliser leur tra-
cer. Cela a été une grande perte pour l’œuvre Téléphone: vail. •
caritative, la famille, les amis et les connais- (Traduction Horizons et débats)
sances. Pourtant «Swisso Kalmo» continue Date / Signature:
ses activités. A l’hôpital pour tuberculeux Pour de plus amples informations concernant «Swisso
A retourner à: Horizons et débats, case postale 729, CH-8044 Zurich, Fax +41-44-350 65 51
de «Swisso Kalmo» à Merka, 82 personnes Kalmo» et «New Ways» vous pouvez vous adresser à
CCP 87-748485-6, Horizons et débats, 8044 Zurich
souffrant de tuberculose sont stationnaires et www.swisso-kalmo.ch et www.nw-merka.ch
page 8 Horizons et débats No 46, 29 novembre 2010

Rega – Garde aérienne suisse de sauvetage

Miraculé une nouvelle fois


Sauvetage d’un bûcheron au Pays d’Enhaut
par Marie-Christine Repond

Abattre des arbres génère de nombreux acci- passage des premiers reliefs: pluie et neige ne facilite pas la prise en charge et l’achemi-
dents, souvent graves. Pour Victor*, un après- arrosent les Préalpes vaudoises. Avec une nement du blessé vers l’hélicoptère: pilote,
midi passé en forêt se termine à l’hôpital. De telle visibilité, les précisions données par sauveteur professionnel et médecin ne sont
longs mois de convalescence s’en suivent, Guillaume*, fils de l’accidenté, se révèlent pas de trop pour porter la civière. Aucune
entre doutes et espoirs. Une certitude l’ac- cruciales. Le pilote, Laurent Riem, secondé plainte du côté de Victor, aucun gémisse-
compagne cependant depuis ce jour: Mon du sauveteur professionnel, Daniel Enggist, ment… ce triple miraculé en a vu d’autres!
fils, mon portable et la Rega m’ont sauvé la définit sa trajectoire au gré des nombreux Chute dans une fosse à purin, coup de fou-
vie! câbles présents dans cette zone. Une veste dre et mise à terre lors de la tempête Lothar.
rouge est repérée en bordure de forêt, l’héli- Malgré mes mésaventures, rien ne peut enta-
Un vendredi d’automne, la centrale d’inter- coptère se pose en contrebas. mer mon enthousiasme pour les activités au
vention de Zurich annonce une nouvelle mis- grand air! souligne Victor.
sion à la base Rega Lausanne: accident de Le portable comme planche de salut
forêt région Pays d’Enhaut. Juste le temps de Victor, sérieusement blessé, attend près Le printemps sur l’alpe
remettre casque et veste polaire, l’équipage d’une souche. Cet après-midi là, il sou- A 17h28, l’Eurocopter EC 145 s’envole vers
décolle à 16h37. haitait simplement couper quelques bran- l’hôpital universitaire de Lausanne. Des
Alors que le soleil perce les nuages lau- ches de sapin ornées de pives, en vue des nappes de brouillard s’agrippent aux som-
sannois, le ciel se fait de plus en plus noir à décorations de Noël. Bûcheron aguerri, il mets des préalpes, une fenêtre météo s’ouvre Arrivée au CHUV: transfert entre l’EC 145 et les
l’approche de Vevey. Le temps se corse au ne comprend toujours pas pourquoi l’arbre pourtant près du col de Lys. Laurent Riem urgences. (photo Rega)
est tombé direction 2 heures en lieu et place en profite et prend la direction du Léman. mots essentiels … pour un nouveau coup du
de verser à 6 heures … Par chance, il par- L’accidenté passera cinq semaines à l’hôpi- destin bienvenu.
vient malgré ses douleurs à s’extirper de sa tal dont trois jours placé dans un coma arti- Source: 1414, Magazine des donateurs de la Garde
fâcheuse position et, à l’aide de son porta- ficiel. Multiples fractures aux côtes, sérieuse aérienne suisse de sauvetage, no74, p.26
ble, appelle Guillaume – il ne se trouve heu- entorse au pied gauche et forts hématomes ∗
prénoms d’emprunt
reusement qu’à 3 km de l’infortuné. Dans nécessitent ensuite une longue convales-
l’intervalle, Victor (78 ans) trouve encore cence. Plusieurs mois de patience … avant
l’énergie d’appeler son épouse: Ne m’attends que le printemps ne lui permette de retrou- Comment joindre la Rega?
pas, je ne rentrerai pas à l’heure! et il rac- ver ses pâturages!
croche. L’arrivée des secours – moins de 20 Victor tient à témoigner pour remercier la Numéro d’alarme en Suisse 1414
minutes après l’appel d’urgence – réconforte Rega de son intervention effectuée avec rapi- de l’étranger +41 333 333 333
père et fils. Le médecin de la Rega, Tho- dité et professionnalisme. Je me souviendrai Centrale des donateurs
mas Walker, pose un rapide diagnostic, met toujours des paroles du sauveteur de la Rega Tél. 0844 834 844, fax 044 654 32 48
Sur le terrain: le blessé est stabilisé avant son le blessé sous perfusion et le stabilise avant me confiant aux soins du service des urgen- www.rega.ch ou www.info.rega.ch
transport vers l’hôpital. (photo Rega) son transport vers l’hôpital. Le terrain pentu ces du CHUV: bonne chance Monsieur! Trois

De la montagne à la plaine
par Walter Stünzi
Si jadis le sauvetage aérien se résumait à l’école cantonale, situé à proximité de l’hôpi-
des missions d’évacuation en montagne, il tal, comme lieu d’atterrissage pour l’hélicop-
englobe aujourd’hui une aide médicale d’ur- tère de sauvetage. Une autorisation préalable
gence dans tout le pays. du concierge devait toutefois être obtenue
Le chemin pour y parvenir fut long et semé pour chaque intervention, ce qui témoigne
d’embûches techniques tout comme bureau- du peu d’importance accordé jadis à ce nou-
cratiques. Septembre 1961: à l’occasion d’un veau domaine des secours. Sans compter
exercice de démonstration de la Rega, de la qu’après l’atterrissage, l’ambulance devait
police et des samaritains, le Pilatus Porter encore transporter les patients jusqu’au ser-
atterrit sur une route cantonale à Bassersdorf vice des urgences sur une distance de 500
(ZH). mètres, le tout sur des routes très fréquen-
A ses débuts, la Garde aérienne suisse de tées.
sauvetage était considérée comme un enfant La persévérance finit toutefois par payer:
des montagnes. Si l’hélicoptère avait cer- en 1970, les forces aériennes et la Garde
tes délesté le mulet ou le dos du secouriste aérienne suisse de sauvetage mènent avec
alpin de la charge du patient, il se contentait succès une série d’exercices d’atterrissage
d’emmener les blessés au plus vite des parois sur le toit de l’auditoire de l’hôpital canto-
rocheuses à l’hôpital. nal de Zurich. Les patients peuvent désor-
Très rapidement, des médecins engagés mais être transférés directement au service
se sont investis dans la fourniture d’une aide des urgences.
médicale efficace sur les lieux de l’accident,
accompagnant bénévolement les équipages Exercice et période d’essai –
dans leurs opérations en montagne. Les pre- l’hélicoptère se pose sur la route
miers jalons du sauvetage médical aérien A l’époque, le nombre de blessés graves de
étaient posés. la route augmente drastiquement. Comme ces
patients requièrent une aide médicale d’ur-
L’hôpital devient un partenaire gence sur les lieux de l’accident, le sauvetage
Ces médecins dispensaient les premiers aérien présente alors des avantages évidents.
secours vitaux à même la paroi rocheuse ou Dans les montagnes comme sur la route, le
le cône d’avalanche; ils pouvaient aussi déci- travail d’équipe joue un rôle prépondérant.
der de la destination de l’hélicoptère avec Il faut pouvoir compter sur la collaboration
le patient à bord. Les hôpitaux devinrent du fiable et désintéressée de tous les partenaires
coup d’importants partenaires du sauvetage concernés: police, ambulance, service du feu,
aérien, ce qui nécessitait des capacités de part Rega et hôpitaux.
et d’autre mais exigeait également des cen- Un vaste exercice d’intervention va d’ailleurs
tres hospitaliers adaptés en termes de cons- mettre tous ces acteurs à l’épreuve. Le 30 sep-
truction. Les héliports devaient ainsi être tembre 1961, la Rega atterrit avec un avion
dégagés, éclairés et proches du service des et un hélicoptère sur une route cantonale fer-
urgences. mée, près de Bassersdorf, à proximité d’un
lieu d’accident fictif. Bien que toute l’opéra-
Un pionnier contre tion se déroule sans heurts, il faudra attendre
la lourdeur du système 14 ans pour que la réalité remplace la fiction.
Intégrer le sauvetage aérien dans le dispositif Sous la forme d’un projet d’abord pilote puis
des urgences n’était pas chose facile. Le pro- définitif, la police cantonale zurichoise com-
fesseur Georg Hossli, ancien chef de l’unité mence, dès 1975, à faire appel à l’hélicop-
d’anesthésie de l’hôpital cantonal de Zurich, tère pour les accidents de la route. Le service
peut se référer à sa propre expérience. En des urgences élargit ainsi sa «portée» jusque
1955, il s’est vu refuser par le Conseil d’Etat sur les lieux de l’accident – pour le bien des
zurichois l’aménagement d’un héliport. Les Septembre 1961: à l’occasion d’un exercice de démonstration de la Rega, de la police et des samari- patients. D’autres cantons ont suivi, de sorte
patients venus de l’extérieur ne doivent pas tains, le Pilatus Porter atterrit sur une route cantonale à Bassersdorf (ZH) (photo Rega) qu’aujourd’hui on ne saurait imaginer un lieu
surcharger les infrastructures hospitalières d’accident avec des blessés graves sans méde-
zurichoises; tout effort dans ce sens n’est pas Le professeur Hossli ne se laissa pas décou- même nature. En 1958, il obtint un premier cin de la Rega. •
dans l’intérêt du canton avait alors argumenté rager. Les années suivantes, ce pionnier et succès: le gouvernement autorisait l’utilisa- Source: 1414, Magazine des donateurs de la Garde
le gouvernement. visionnaire déposa d’autres demandes de tion «occasionnelle» d’un terrain de sport de aérienne suisse de sauvetage, no74, p.28-30

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