Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
N° 1 - 2019
Conscients de l'idée que les théories et méthodes scientifiques du langage
sont des disciplines de savoir et d'application à tout discours pouvant offrir prise à
S
L
Préface de Dominique Maingueneau
A
Labo-SLADI D
I Éditions SLADI, 2019
ISBN : 978-2-9565866-0-9
ISBN EAN
9 782956 586609 978-2-9565866-0-9 9782956586609
2
SOMMAIRE
Comité scientifique
Comité de lecture
Comité de lecture
3
4
Comité scientifique
5
Pascal N’Guessan ASSOA, Professeur des universités, domaine :
Sciences du langage, option Stylistique, Université Alassane
OUATTARA – Côte d’Ivoire ;
Georice Berthin MADÉBÉ, Directeur de recherche Professeur des
universités, domaine : Sciences du langage, option Sémiotique et
communication, Université du Gabon – Gabon
Yves DAKOUO, Professeur des universités, domaine : Sciences du
langage, option Sémiotique et Linguistique, Université OUAGA (1).
Le professeur Joseph KI ZERBO - Burkina Faso ;
Fallou MBOW, Maître de conférences, domaine : Sciences du langage,
option Analyse du discours, Université Cheick Anta Diop – Sénégal ;
Pascal Eblin FOBAH, Maitre de conférences, domaine : Sciences
du langage, options Stylistique et Poétique Université Alassane
OUATTARA – Côte d’Ivoire,
6
Comité de lecture
7
Dorgelès Roméo HOUESSOU, Maitre-assistant, domaine/ Sciences
du langage, option stylistique, Université Alassane OUATTARA –
Côte d’Ivoire
Kpangui KOUASSI, Maître-assistant, domaine : Sciences du langage,
option Grammaire normative ; Université Alassane OUATTARA –
Côte d’Ivoire
Abiba Diarrassouba, domaine : Sciences du langage, option
Sémiotique, Université Alassane OUATTARA – Côte d’Ivoire
8
Dorgelès Roméo HOUESSOU
Résumé
9
Mots clés : Sémiostylistique, herméneutique matérielle,
interdisciplinarité, signification, corporocentrisme
Abstract
10
Introduction
11
dans un premier temps, quels sont les fondements de l’existence
des disciplines des sciences du langage en tant que telles ? Dans un
second temps, il sera question de déterminer la nécessité pour lesdites
disciplines d’abolir les œillères claquemurantes de leurs cloisons
doctrinaires respectives en vue de privilégier une logique interactive
dans leur projet commun de construire une « interprétation du sens
du sens » (Ibid. : 264). La troisième articulation de cette réflexion
vise à montrer comment une telle interpénétration disciplinaire est-
elle possible et au moyen de quels concepts peut-elle construire son modus
opératoire.
1. Fondements de l’existence autonome de quelques disci-
plines des sciences du langage
12
À la base de toutes les linguistiques se trouve la dichotomie
saussurienne du signe linguistique comme principe heuristique
inaliénable. Cette dichotomie du signifiant et du signifié admet
l’autonomie du conceptuel ou du paradigmatique en tant qu’« univers
ratio-conceptuel pur » (Ibid. : 137) et l’autonomie du linguistique.
Or à envisager cette autonomie avec un tel tranchant, le risque de
désagréger le fonctionnement usuel et communicationnel du langage
serait grand. Molinié conçoit donc qu’il convient plutôt de parler de
l’autonomie mutuelle des ordres d’entités des deux rangs distincts,
« l’autonomie des unes étant solidaire de l’autonomie des autres, et
réciproquement – autonomie double et réciproque aussi liée que le
couple fonctionnel constitutif du signe, sans quoi, par conséquent,
il n’y aurait pas du tout signe » (Ibid.). Le théoricien propose donc
de considérer cette double interpénétration dans la problématique
de la transitivité dont l’opération peut être désignée par le terme de
« symbolisation » (Ibid. : 146).
La poétique est évoquée par le truchement objectal et dogmatique
de la quête de la littérarité mise en œuvre par « l’un des fondateurs
de la critique structurale moderne, Jakobson, avec sa conception des
fonctions du langage, parmi lesquelles une fonction poétique » (Ibid. :
143). L’isosabilité arguée de cette fonction discriminante du discours
d’obédience esthétique est néanmoins regrettable aux yeux de Molinié.
Aussi plaide t-il pour un approfondissement de la question des
fonctions du langage en vue de « protéger l’unité de fonctionnement
de l’intégralité langagière, en toutes circonstances de sa mise en jeu »
(Ibid. : 144). D’où la notion de régime de fonctionnement des langages
qu’il initie pour réguler les dimensions transitives et intransitives d’un
discours donné en tant que produit social.
La stylistique comme discipline constitue un continent stable selon
Molinié. Elle a pour objet le littérarisable en tant que littérarisable. En
revanche, c’est en tant que praxis que les avis divergent. Les tenants
d’une stylistique sèche prônent l’immanence textuelle comme horizon
clos tandis que ceux de la stylistique interprétative construisent sur la
base des relevés des faits langagiers repérés, isolés, décrits et analysés
13
par les premiers cités, « des modèles esthético-herméneutiques » (Ibid.
: 162). Par conséquent « une telle dichotomie ne tient pas (…) car les
faits langagiers dont ont parle sont consubstantiels à l’interprétation
de leur valeur » (Ibid.).
14
inclinations, ces guides des axes du mécanisme sémio-langagier sont
toujours inextricablement mêlés entre eux, imbriqués les uns dans les
autres, soudés dans une unique fusion » (Ibid. : 47-48).
La participation élective de méthodes étrangères au canon
procédural d’une discipline donnée est conseillée par le théoricien
dans la mesure où si l’analyse est seule capable de distinguer les
composantes de cette fusion de marqueurs sémio-langagiers que
constitue le matériau signifiant, elle ne peut que donner auxdites
composantes « le statut illusoire d’entités fictivement séparables »
(Ibid. : 48). Le sens, la signification ou encore plus spécifiquement
« la valeur » d’un énoncé donné comme tel à l’analyse des sciences du
langage, relève d’une activité processuelle et dynamique certes mais
il n’en demeure pas moins qu’il lui est consubstantiel de se présenter
sous « la forme d’un bouquet, ce qui exhibe son autre caractère, celui
d’être composée (mélangée, mixée) » (Ibid. : 47). À cet effet « toutes
les inclinations de ce dynamisme sont toujours en activité, elles jouent
ensemble dans le branle de la sémiose (même si c’est variablement) »
(Ibid.) Dès lors, on n’en comprend que mieux cette injonction du
théoricien :
Il faut pourtant faire l’analyse : on ne prêche pas ici le
confusionnisme généralisé ; mais c’est comme si on
était en face d’un filon naturel, ou d’un corps animal :
l’identification technique des composantes ou des parties
ne doit pas cacher que l’objet considéré est lui, comme
objet naturel ou comme être vivant, un tout indissociable,
sinon par abstraction spéculative ou par déchirure
matérielle (Ibid.).
La comparaison du matériau langagier au filon et à l’animal induit
la double exigence d’un savoir idéel et d’une compétence technique
aussi bien pour le mineur que pour le boucher. Or ces deux métiers
sont subséquents à une chaine d’actions relevant de connaissances
et de techniques (en topographie et en boviculture) antérieures à
leur actualisation. Ce parallèle induit une continuité affirmée dans la
pratique des sciences du langage et celle des sciences sociales dans
l’optique d’une méta-anthropologie. Molinié estime donc que « les
15
manières de vivre la sémiose et les manières de vivre la subjectivité
sont certainement souvent mixtes, et très diversement mixtes ;
cette mixité principielle n’empêche que l’on puisse décrire des
fonctionnements compositionnellement précis » (Ibid. : 40). Il s’ensuit
que l’analyse technique conforme à l’essentialité méthodologique de
chaque discipline doit se faire certes mais qu’il y a autant nécessité de
fusionner certaines techniques relevant de chapelles diverses en vue
de la saisie de « l’ancrage social de la signification » (Ibid. : 99).
16
« préconstruit social » (Ibid.) ou encore du « pré-constructible » (Ibid.)
comme compétence de lecture-réception extérieure au phénomène
langagier considéré. De ce fait, la rivalité disciplinaire des sciences
du langage s’y annule au profit de l’ambition d’hypostasier l’horizon
humain comme condition de félicité du socialement vécu.
Il s’agit en second lieu des pôles du langage comme subjectivité
et intimité d’une part et de la société comme objectivité et extimité
d’autre part. En partant de l’idée princeps que « d’une manière où
d’une autre, tout langage porte la trace d’une intimité » (Ibid. : 22),
le théoricien soutient qu’il y’a diversité de méthodes parce qu’il y a
diversité d’objets :
Il y’a certainement plusieurs types de groupements de
subjectivités, plusieurs façons même d’envisager l’idée de
subjectivité collective, ce qui veut dire plusieurs façons même
d’envisager l’idée de subjectivité individuelle et singulière,
plusieurs modes de relations du particulier au collectif. (Ibid. :
40)
Il s’agit ainsi énoncé de la diversité des sciences du langage dans
leurs déterminations spécifiques et les modalités heuristiques de leur
mise en relation avec aussi bien la subjectivité que l’objectivité externe
du monde en tant qu’il est mondanisable. Mais ce couple de dualités
(subjectivité/intimité ; objectivité/extimité) renvoie aussi aux notions
d’internalisme et d’externalisme :
C’est l’idée du réalisme interne, qui fuyant l’illusion, sacrée
ou magique, d’hypostasier un réel extérieur, le monde, dont
l’unique essence serait finalement de garantir notre langage,
préserve et le fondement et l’inaltérabilité de cette extériorité,
tout en enracinant le fonctionnement et la portée de signification
du langage à l’intérieur de l’empire social de chaque locuteur
dans sa praxis culturelle propre (Ibid. : 40)
En troisième lieu, cette bipolarité concerne les concepts de
localement premier et de localement second. Alors que le localement
premier renvoie à la sphère doxique de l’art en son déploiement transitif
c’est-à-dire en tant que topique de notoriété générale, le localement
second concerne les activités potentiellement et puissanciellement
artistisables et sur lesquelles pèsent de prime abord le soupçon de
17
l’utilitaire ou de l’idéologique ou encore du rationnel envisagés
comme extériorités et conditions de réception de l’horizon social.
Ainsi, alors qu’un film de science fiction est d’abord perçu comme
une œuvre d’art (localement premier) un film sur un personnage
biblique ne sera perçu que comme un film chrétien d’abord, avant
d’être (potentiellement et éventuellement) perçu comme œuvre d’art
(localement second). Cette dichotomie du sens induit une recevabilité
artistique au non-art et la nécessaire prise en compte d’une diversité de
dispositifs d’analyse sémio-langagière et anthropologique dans leur
appréhension matérielle.
18
Or l’activité langagière est minimalement bipolaire ou multi-polaire
dans des conditions spécifiques d’inflexion phénoménale, étant donné
la pluralité des subjectivités qui y prennent part. Sa projection dans le
domaine social valide l’interaction et l’inter-relation dont l’œuvre de
sémiose calibre la valeur en fonction de l’identité différentielle des
subjectivités y afférentes. Par conséquent « le trait humain comme
humain s’enracine dans ce terreau social : si celui-ci est attaqué pour
être anéanti, il n’y a plus de langage, puisqu’il n’y a plus d’humanité »
(Ibid. : 62). Le langage produit donc l’humanité c’est-à-dire du sens
dont l’altérité est continuellement processuelle car le sens est une
dynamique, un travail, tout comme la sémiose est le fait d’une praxis
qui est une action de travail-élaboration dont les traits complémentaires
sont la matière sociale et l’humain comme spécifique.
En quête d’une dimension sociale de la signification, l’herméneutique
matérielle n’est pas selon Molinié, la première à s’y être intéressée.
Autant la linguistique saussurienne que la tradition pragmatiste
anglo-saxone avec Putman notamment ont tenté de réconcilier le sens
subjectif et le sens objectif d’obédience externaliste. Mais la démarche
de Molinié a ceci d’original qu’elle unifie d’une part, des considérants
disciplinaires distincts en sciences du langage, et d’autre part, les
considérants objectaux de l’inter-relationnel subjectif, de l’inclusion
du subjectif singulier dans le collectif, de la systématisation de
l’actantialité des postures langagières et de la construction du mondain
à travers le média de la valeur ou de l’’intérêt.
19
3.1. Le corporocentrisme et la valeur éthique
20
sens, depuis le sensible et le sensuel jusqu’aux raffinements du cœur »
(Ibid. : 109). Quant au noétique « c’est la part du ratio-conceptuel,
l’emblématique du logos comme puissance d’ordre, l’abstraction
conquérante du rationnel » (Ibid.). Cette dernière imbrication peut
sembler relever d’une contradiction car le somatique, le corporellement
ressenti ou le ressentiment corporel comme phénoménalisation du
plaisir éprouvé par un actant récepteur en régime d’artistisation n’est
pas in situ médiatisable par le rationnel. Or « cette sensualisation de la
pensée, cette sensibilisation de l’éthique » (Ibid. : 262) non seulement
actualise « l’amplitude significative de tout art, comme art reçu »
(Ibid.), mais aussi reflète « l’importance, l’influence, la profondeur
de l’incarnation pour une anthropologie globale de toutes valeurs
humaines » (Ibid.).
Avec Molinié, on conviendra que : « Le corporo-centrisme n’est
donc pas un négationnisme du rationnel ni du moral : c’est un repli
du noétique et de l’éthique à l’intérieur de l’humain matériel » si
on envisage que le matériel, « c’est le sensible comme seul vecteur
de la valeur humaine » (Ibid.). L’horizon de l’éthique comme objet
heuristique dans tout matériau sémiotique impose de recourir à des
méthodes éclectiques relevant de divers horizons des sciences du
langage susceptibles d’en garantir l’accessibilité.
21
production cinématographique etc. Mais le trans-sémiotique ne se
confondra pas avec l’inter-sémiotique dont Molinié déduit qu’il s’agit
« d’imbrication de langages différents dans une seule et même empirie
sociale » (Ibid.). Il demeure que ces deux concepts aussi voisins que
contradictoires ne peuvent heuristiquement s’épuiser dans un seul
type d’analyse du langagier. Des ressources et des outils de divers
horizons sont de solidarité nécessaire aux fins d’en traiter la sémiose
dans son a-typicité. Car le théoricien en égrenant le champ du sensible
dans une totalité structurelle aborde le visible, le sonore, le tactile,
l’olfactible et le gustatible en tant que modalités d’analyse sémiotique
de la sensation comme matériau sémiotique de base. Et si selon lui,
« il n’y a aucune raison structurelle d’écarter du panorama théorique
des matériaux sémiotiques possibles l’un quelconque des vecteurs du
sensible », il n’y en aurait pas non plus par voie de conséquence à d’en
écarter les outils conceptuels des sciences du langage susceptible d’en
garantir une meilleure saisie.
Le sensible comme horizon où s’articule l’empirie de la réception
est exploitable par la stylistique en son heureuse union avec la
sémiotique. Grosso modo résumée, la théorie de la sémiostylistique
pose que la littérarisation voire l’artistisation c›est-à-dire la réception
du fait artistique dans des conditions particulières du fonctionnement
du langage conduisant à l’émergence d’un corps esthétique témoignant
du vécu enthousiasmatique de ladite réception, est concevable en
termes de gradualité. De ce fait et à en croire Molinié (Ibid. : 144) :
On peut appeler sémiostylistique la discipline qui a en charge
de procéder à l’examen systématique des applications de cette
théorie, comme à l’approfondissement, à l’affinement et à
l’extension de ses attendus, à la suite des chocs en retour de
toutes les analyses sectorielles concrètes : une composante
sémiotique, une composante stylistique.
C’est donc la combinaison des outils conceptuels de la sémiotique
et de la stylistique qui déterminent le projet praxistique de la
sémiostylistique. Mais le constituant pragmatique y est notoirement
principiel de même que le rhétorique en vue d’assurer à l’analyse
l’exigeante nécessité de l’actantialité et de la socialité du fait
22
langagier. C’est le point d’orgue du méta-stylistique que le théoricien
définit à la fois comme la combinaison structurelle de stylèmes
(structuration stylématique) et comme la stylicité c’est-à-dire : « le
fait et l’objectivation du ressentiment singulier qui motive, face à
une praxis langagière matériellement vécue, la réaction d’artistisation
concrètement déclenchée » (Ibid. : 164). À en croire le théoricien,
« le style est le regroupement déterminé de stylèmes exprimant ou
symbolisant des contenus constitués de données extérieures à la langue
(ces contenus ne peuvent être, en l’occurrence, que les composantes
d’une vision du monde, d’une culture) » (Molinié 1994 : 205). De ce
fait, toute structuration stylématique fonde une dimension sociale de
la signification au sens moliniéen. On en revient à la corporalité ou au
somatique considérant le langage comme acte et comportement social
dont l’analyse globale ne peut occulter les points d’ancrage internaliste
(subjectivité du texte en matière de masses phonématiques, lexicales
, intra-syntagmatiques et suites phrastiques) et externaliste (objectivité
du texte par les stratégies topiques, les grandes structurations de types,
de formes et de genres, le dispositions socio-culturelles et doxique
de discours). Ces considérants de toute sémiotique de la signification
sont sectoriels et parcellaires en tant qu’elles dérivent de disciplines
spécifiques où sont investis différemment par des disciplines
distinctes. Leur interpénétration détermine une herméneutique qui de
l’aveu de Molinié est globalisante dans la mesure où sonne comme
une évidence : « l’impossibilité de stabiliser et de différencier des
processus évolutifs et des catégorisations spécifiques, qui doivent être
objectalement et empiriquement mêlées (et dont la différenciation ne
relève que de la procédure analytique » (Ibid. : 40).
23
Conclusion
24
susceptibles selon Molinié de constituer un frein non seulement à la
dynamique constitutive du sens, mais aussi, et par ricochet, au travail
de construction de l’humain par l’industrialisation de la rationalité du
Mal.
Références bibliographiques
25
26