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Odile CHAPUIS et Michel GAUTHIER, DESTEC, Paris III.
STRUCTURES DE COMMUNICATION
À L’INTÉRIEUR DES GROUPES
I
L’interrogation que les « techniciens » de l’expression adressent à la
linguistique, la linguistique est incapable d’y répondre pour cette bonne raison
que son corps de doctrine constitué n’est pas une linguistique de la parole, n’est
pas une grammaire de la performance, n’est pas une théorie de l’énonciation. Il
est, structuralismes divers et, à l’examen, chomskysme tout autant, une théorie et
une méthode de la description des énoncés : des énoncés émis, refroidis,
objectivés, faits texte. Cela, tout le monde le sait à peu près. Et cependant c’est
vers la linguistique qu’on se tourne : serait-ce à dire qu’elle est en train de poser
le problème ?
Toute crise, pour une discipline rationnelle, est de croissance. Schéma
connu, des phénomènes se manifestent, dans le champ épistémologique, dont la
théorie en cours ne rend pas compte. Bien entendu ces phénomènes en tant
qu’objets de science sont eux-mêmes le résultat d’une élaboration. On construit
une nouvelle théorie qui les englobe, et relativise la précédente. Au bout d’un
certain temps de satisfaction, de nouveaux faits récalcitrants « surgissent », et
ainsi de suite. Dans chaque période de théorisation, c’est donc une causalité
interne qui joue apparemment pour l’essentiel. En fait, il existe un possible
intellectuel, une épistémè si l’on veut au sens de Foucault, qui ou que manifeste
la solidarité des disciplines. C’est bien ici que nous en sommes : les techniciens
de l’expression sont parfaitement conscients que leur travail a un aspect
irréductible, de psychologie des groupes, et pourtant ils demandent à la
linguistique le modèle dont ils ressentent le manque. Probablement un «
inconscient cognitif » collectif leur a-t-il suggéré que dans l’état présent des
choses, la linguistique est davantage en puissance d’intégrer à son appareil
conceptuel des matériaux pris à la psychologie sociale que celle-ci ne l’est de
matériaux pris à la linguistique. Cependant, et
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de façon en quelque sorte symétrique, Anzieu et' Martin signalent 1 l’apparition
d’un troisième courant majeur dans la théorisation de la dynamique des groupes :
après le « physicaliste », premier en date, après le psychanalytique, celui qu’ils
dénomment justement « linguistique ». On le verra plus loin, ni dans un sens ni
dans l’autre cette intégration n’est chose commode.
Se pourrait-il enfin que d’une telle tentative de confrontation résultent pour
la pédagogie en général et pour celle des techniques d’expression en particulier
des acquis patents ? Sans doute sera-ce là, en tout cas à court terme, l’apport le
plus évident d’une expérience comme celle qui va être décrite.
♦
♦*
Quoiqu’on ne puisse le faire ici que de façon cursive, il faut auparavant
pousser un peu l’analyse, essayer de recenser et préciser les plus caractéristiques
de nos apories du moment.
A. Description linguistique et théorie de l'énonciation.
Dans le phénomène foisonnant du langage, la démarche du type saussurien
a clivé un plan et un seul qui parût homogène pour l’analyse, celui des formes 2.
Par cette réduction initiale, étonnamment drastique, la linguistique en tant que
théorie et méthode de la description des langues a pu se développer avec une
rigueur considérée comme enviable. Elle a renoncé provisoirement à se saisir du
langage en acte. Chomsky a reporté dans le futur le projet d’une grammaire de la
performance comme Saussure l’avait fait d’une linguistique de la parole. Aucun
des formalismes qui sont actuellement, si l’on peut dire, sur le marché, ne nous
permet d’entrevoir en quoi peut consister la relation et le passage des modes de
pensée non langagiers à la pensée langagière. Il y a des pensées spécifiques, par
représentations et symboles, opérations et courts- circuits, praxis... ; il y a une
pensée dans la langue, qui résulte du découpage lexématique et des règles de
concaténation ; il y a l’usage qui est fait de la langue pour exprimer autre chose
qu’elle-même. Si des fenêtres nous sont ouvertes sur la viscéralité du langage,
c’est par des faits d’acquisition, de pathologie, de poétique..., mais de façon
jusqu’ici désespérément sporadique, accidentelle.
Or à date récente, et en s’inspirant plus ou moins du schéma de Jakobson,
des linguistes ont accepté de s’intéresser à l’énonciation, et par là à l’expression.
Ce faisant ils ont, non pas, comme on l’a dit, travaillé à une psycholinguistique
sans théorie et sans méthode autonomes, mais bel et bien multiplié les dimensions
de l’espace proprement linguistique, réinventant une rhétorique, une stylistique,
— une psychologie du langage. Psychologie individuelle assez naïve sans aucun
doute. On peut
1 D. ANZIEU et J.-Y. MARTIN, La dynamique des groupes restreints, Paris, PUF, 1971 ; pp. 5, 108-
109 et 241-244. Les références données, qui sont significatives, excluent les tentatives des linguistes «
purs » dans le sens d’une, métabolisation à la linguistique d’une psychologie ou d’une sociologie : ni G.
Guillaume, ni R. Jakobson, ni E. Benve- niste, ni K. Püke, ni A. G. Haudricourt ne sont par exemple
cités.
2 CLG, p. 25. Voir en dernier E. BENVENISTE, « Sémiologie de la langue », Problèmes de
Linguistique générale, II, Paris, Gallimard, 1974; 43 sqq.
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penser que toutes les variables sont loin d’être même inventoriées et la
présente étude tend, entre autres choses, à mettre en évidence certaines d’entre
elles.
Mais ce parcours épistémologique des linguistes n’a pas exactement son
parallèle chez les psychologues. Certes, le rapport a été évident entre
behaviourisme et distributionnisme. Certes, à un niveau plus haut d’abstraction,
les deux disciplines ont en commun un concept à la fois fondamental en théorie et
négligé en pratique, celui du « sujet dans le champ », en commun aussi la
duplicité logique de ce sujet qui se définit d’un côté par une espèce de caractère
substantiel et de l’autre par un ou des réseaux de relations 3. Il reste que dans son
évolution la psychologie n’a connu rien d’analogue aux polarisations
conceptuelles de Saussure, concomitantes à la fameuse réduction, ni au long
corps à corps, vrai combat de nègres dans un tunnel, de la linguistique et de la
stylistique. Ce n’est pas la place ici de développer pleinement l’un et l’autre de
ces points. On ne peut que signaler des aboutissements récents :
1) L’interrogation têtue de la polarité langue-parole conduit à penser que la
distinction entre énoncés simples et énoncés complexes, ces derniers tenus pour
des expansions, ou des dérivations, ou des transformations des premiers, cette
distinction, donc, si elle possède un sens et une utilité manifestes quand il s’agit
ou bien de genèse, ou bien de description, n’en a plus guère quand il s’agit chez
l’adulte de langage en acte, de style. « Telle intention de dire s’actualise
adéquatement par une structure simple, telle autre par une structure multiple ou à
degrés de profondeur. L’écrivain à phrases longues n’est pas plus styliste que
l’écrivain à phrases courtes » 4. Ceci s’adresse en particulier à ceux des psycho-
sociologues que préoccupent les problèmes du « codable ».
2) La linguistique et la stylistique ne sont pas dans le rapport (médiéval)
d’une science du général et d’une science du particulier. La linguistique est la
science des formes langagières en tant qu’elles actualisent un système, la
stylistique est la science des formes langagières en tant qu’elles constituent un
discours.
Le lien entre 1) et 2) paraît assez, on l’espère. C’est à sa gémellarité avec la
stylistique que la linguistique devra de n’être pas incapable de redevenir une
théorie du langage.
B. Analyse linguistique et analyse sémantique.
Nous sommes de nouveau, en apparence, côté texte. Il ne saurait y avoir
d’écart, de divergence, en théorie, entre l’une et l’autre. Dans la réalité telle
qu’elle s’est historiquement accomplie, d’une part beaucoup de linguistes ont
oublié qu’un énoncé n’est pas réductible à ses valeurs de dictionnaire et de
grammaire, d’autre part des praticiens, pour d’autres fins que celles de la
linguistique, ont procédé sous le nom d’analyses de contenu à d’abominables
manipulations.
3. Cf. la généralisation par Pike de l’opposition etic/emic à partir du son du langage comme : 1)
objet sonore quantifiable en termes de fréquence, intensité, durée ... et 2) phonème au sens de la
phonologie.
4. M. G., « Etude de l’acquisition et théorie linguistique : actions en retour », Mélanges E.
Benveniste, Louvain, sous presse ; 179-194.
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notre temps : il faut poser, de toute nécessité, la consubstantialité du signe et de la
signification ; il faut, de non moindre nécessité, considérer comme une propriété
fondamentale du langage, non pas marginale, qu’on peut toujours faire dire à un
énoncé autre chose que ce qu’il dit. La première proposition se fonde
négativement : une signification qui serait pure substance indépendante des
formes par lesquelles nous l’appréhendons est quelque chose d’inconcevable. La
seconde renvoie en dernière analyse à la conception de la langue comme système
de différences 4 5.
Autrement dit, l’aporie ne pourra être résolue que par une grammaire des
transductions et transformations de système symbolique à système symbolique.
On est évidemment loin de compte ; la majorité des études contemporaines de
sémiologie, infidèles aux origines saussu- riennes, ne tendent pas précisément
dans cette direction. Si des linéaments méthodologiques nous ont été proposés,
ç’a été, et non point par hasard, dans le champ de l’anthropologie culturelle 6 7.
C. Communiquer.
Claude Lévi-Strauss : « Une société est faite d’individus et de groupes qui
communiquent entre eux », La pensée sauvage. On ne sait s’il y a là motif
d’admiration pour le bonheur lapidaire, l’adéquation sans bavure d’une formule
ou, tout aussi bien, de quoi sourire. Le commentaire dont s’accompagne la
citation dans le manuel accentue plutôt le sourire : « De plus, il est nécessaire
pour les groupes de s’organiser : en premier lieu pour que soient collectées des
informations utiles et efficaces ; en second lieu pour que ces informations soient
distribuées convenablement... », etc. \ Comme si l’information était à Vorigine !
Position inverse et symétrique, et en fin de compte parente, de celle pour laquelle
la fonction du langage est de se dire lui-même ! C’est là un autre foyer du débat
contemporain : la vie sociale est-elle réductible à des systèmes symboliques,
entièrement? « Praxis » et « idéologie » : duplicité logique, encore.
Laissons de côté la question des origines. Reste le consensus des gens
d’aujourd’hui sur l’idée de la communication comme
• réseau d’interaction
• dans un champ spécifique.
Les linguistes non plus ne l’ignorent pas, toute parole est dialogique. Les
émissions vocales du bébé lui sont retournées par sa mère sous la forme d’unités
de la langue : ainsi commence-t-il à constituer sa langue, à F « apprendre ». Les «
manières de parole » aussi prennent, comme des grumeaux, dans le dialogue.
Il apparaît clairement qu’il ne peut y avoir de bonne théorie du sujet sans
bonne théorie du champ. Mais, psychosociologues attention !, la réciproque est
vraie. Tout individu est à l’intersection de groupes ; il est intersection de groupes,
comme son idiolecte est intersection de dialectes 8. Il ne faudrait pas pousser
beaucoup le linguiste pour qu’il tienne qu’à la limite, c’est l’individu le groupe le
plus petit. En fait foi justement l’intériorisation de la langue et du langage.
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Wallon parlait à ses étudiants, de façon imagée, du dialogue de l’alter et de l’ego.
Façon aussi de comprendre la polarité langue-parole : c’est parce que l’autre est
présent en nous que nous communiquons avec lui.
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II
Conditions de l’expérimentation
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14
cation établie et situation « idéale » , c’est-à-dire entre structure, réseau et
modèle de tâche.
1. Terminologie.
L’ambiguïté de mots tels que « structures » ou « réseaux de communication
» nous conduit à penser que la définition d’une terminologie est le préalable
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Ex. I = IcR = le (p) A + le (p) B + le (p) C + le (p)
D + le (p) E
le R = 8 + 4,57 + 4,57 + 4,57 + 4,57 =
26,28
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expérimentalement les situations dans lesquelles peuvent se trouver placés des
groupes en situation de formation
• en faisant varier le réseau de communication : centralisé ou homogène ;
• en faisant varier le modèle de tâche : centralisé ou de tendance
homogène.
Ce qui donne pour les 25 séances de groupes que nous avons analysées :
— 10 séances avec réseau centralisé, — 15 séances avec réseau homogène, —
10 séances avec modèle centralisé, — 15 séances avec modèle homogène.
On trouvera ci-contre un tableau récapitulatif de ces variables indiquant
en outre la composition des groupes expérimentaux.
Sans entrer dans le détail, il nous semble utile d’indiquer ce que veulent
dire pratiquement ici réseau centralisé et réseau homogène.
RÉCAPITULATIF DES VARIABLES
Cod
N°d’o Grou e Prof Réseau MODÈLES DE TÂCHE
rd. pe es. x
des Exp
sujets ér.
degr
de
l’ex- é
périe catégori inform procé d’ambi
nce e ât. d. guïté
V V V V V v
1à AMcl Ave Centrali. Centralisé Donnée Défin
I i = 37.75 par C 0
5 a c e ie
6à II AMcl Ave « « « « «
1010
à III aAMcl cAve < « « « «
16 à IV AMcl Ave « « « « «
21 à V AMcl « « « « « «
26 à VI AMc4 « « « « « «
31 à vu AMc4 « « « « « «
36 à VIII AMc4 « « « « « «
41 à IX AMc4 « € « « « <
46 à X AMc4 « < « « « «
1à XI AMxl « Homogè De Réparti Non Maxim
5 b ne i = 36 tendance e ds le Défin um
6à XII AMxl Ave « homogène
« G.
« « «
11 à XIII AMxl « € « « « «
16 à XIV AMxl « < « « « €
21 à XV AMxl « « « « « €
26 à XVI AMx4 Sans Homogè De Réparti Non Maxim
30 b ne i = 36 tendance e ds le Défin um
31 à XVII AMx4 Sans € homogène
« G.
« « «
36 à XVIII AMx4 € « « « « «
41 à XIX AMx4 « € « « « «
46 à XX AMx4 « « « « « €
51 à XXI AMxl Sans Homogè De Réparti Défin
ne i = 36 tendance e ds le 0
55 ao ie
56 à XXII AMxl Sans « homogène
« G.
« « «
61 à XXIII AMxl « « « « « «
66 à XXIV AMxl « « < a € «
71 à XXV AMxl « « « « « «
75 ao
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Catégories de Baies
pour l'observation des interactions dans un groupe
a d Problèmes de décision ; e
— de tension ; f —
d’intégration.
Problèmes de communication b —
d’évaluation ; c — d’influence ;
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sociological Review, 1950, n° 15, p. 258, traduit et reproduit par Anzieu et Martin dans leur ouvrage
déjà cité : La dynamique de groupes restreints, p. 90.
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Les définitions servant de critères de référence pour la catégorisation des
séquences codables sont les suivantes :
— notation : énoncé d’appréciation qualitative d’un individu ou d’un
fait par rapport à l’exécution de la tâche ;
— information : énoncé objectif d’un fait ;
— orientation : énoncé d’une proposition ayant pour but de donner
une direction au groupe ;
— opinion : énoncé d’un point de vue sur un individu ou sur un fait ;
— suggestion : énoncé d’une proposition n’ayant pas pour but de donner une
direction au groupe.
Il est évident que la distinction entre, certaines de ces catégories (notation
— opinion et surtout orientation — suggestion) posa des problèmes. Nous
avons conscience que dans ces cas litigieux le seul « corpus » des émissions
verbales ne nous aurait pas permis de trancher. Le travail de l’équipe des
observateurs fut alors déterminant : le recueil détaillé de leurs observations
(mimiques, regards, gestes, intonations des participants) permit de disposer du
« contexte » indispensable à une analyse de type sémantique.
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• Dans les séances 1 à 10, ces tableaux mettent en évidence des structures
de communication hiérarchisées. Ces tableaux sont en effet construits de telle
sorte que chaque membre du groupe figure en tant qu’émetteur en tête des
lignes horizontales et en tant que récepteur en tête des colonnes verticales.
Dans chaque case du tableau, on a inscrit le nombre d’émissions produites par
le sujet se trouvant en tête de la ligne horizontale à l’adresse de chacun des
sujets figurant dans les colonnes. Cela explique que figure seulement en
colonne le groupe G qui n’est que
A Mc la
C B A E D F G
C D F B E A G
c 1 7 5 0 0 1 2
C 1 5 4 3 1 2
7 0 91 0
1 1 3
B 1 3 2 0 0 1
3 8 D 7 0 0 0 0 0 7
A 1 4 0 0 0 1
1
3 7 F 3 0 0 0 1 0 4
E 3 1 0 0 0 4
B 5 0 1 0 0 0 6
D 3 0 1 1 0 5 E 9
8 0 0 1 0 0
F 1 0 2 0 0 2 3
A 3 1 1 0 0 '
J 5
3 2 1 1
8 0 0 2 1 7 5 3 1
3 2 3 4 1
6 2 2
54
76
G. I
G. II
C A F E B D G
C A B E F D G
C 1 1 3 7 3
C 1 5 5 2 2 0
8 0 6 2 3 0
1 8 1 1
A
A 1 0 0 0 0 0
1
5 0 0 0 0 0 5
2 2
B 1 1 F 8 Q 0 0 0 0 8
1 2 0 0 0
0 3
E 1 0 1 0 0 0 2
E 4 2 1 0 0 0 7
B 1 0 0 0 0 0 1
F 7 1 0 0 0 0 8
D 1 1 0 0 0 0 2
D 0 0 0 0 0 0 0
2 1 1 3 2 0 7
3 1 8 7 5 0 6 6 3 4
3 5 58
68
G. III G. IV
C A F D B E G
C 1 1 4 2
3 1 1 0 8 9
A 4 0 0 0 0 0 4
F 8 0 0 0 0 0 8
D 4 0 1 1 0 2 6
B 5 G. V
1 0 0 0 0 6
E 2 0 0 0 1 1 3
2 1 1 4 3 1
0
3 4 2 1
56
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A Mc 4a
C A B E D F G C E B A D F G
c 8 7 6 5 0 6 2
C 6 2 4 2 2 6 16
6
A 1 3 3 1
1 0 1 E 3
2 7 0 1 2 0 1 6
B 3 1
6 1 0 0 2 0
B 5 3
6 1 1 1 16
E 5 3 1
1 1 0 2 A 7 1 1 1 0 3 10
0
D 3 1
6 0 2 0 0 1
D 5
0 1 1 1 2 8
F 1 0 3 1 2 0 7 F 4 0 4 0 0 0 8
3 1 1 1 8 1 1 2 1 1
0 7 4 1 3 8 7 6 6
81 5 2 3
64
G. VI G. Vil
C B D A E F G C B A E D F G
1 C 5 2 3 3 1 3 14
C 4 7 4 2 2 2 9
1 B 5 2 1 1 2 1 11
B 4 1 2 3 2 2
2
1 A 3
D 8 4 1 3 2 1 6 1 0 1 1 11
8
1 E 5 9
A 7 3 1 1 0 1 1 1 0 2 2
2 D 5
E 6 3 3 3 1 3 1 1 1 1 0 1 8
6
F 2 1 1 0 1 1 5
F 8 0 0 0 0 0 8
3 1 1 1 2 1 7 6 5 6 9
9 7 9 3 1
3 4 2 0 58
85
G. VIII G. IX
C B F A E D G
C 5 3 1
8 2 1 0 9
B 1 1
3 2 1 0 1 1 7
F 1 2 0 2 0 0 1
2 6
A 7 4 0 * 0 1 1
3 4 G. X
E 1
8 2 1 0 1 1 2
D 3 1
6 1 2 0 0 2
4 1 1 6 6 5 4
6 7 0
90
récepteur. Les totaux portés en bas de chaque tableau sont donc les totaux des
réceptions, ceux portés à droite de ce même tableau sont ceux des émissions. Or
on constate — et c’est la raison pour laquelle on peut parler de structures
hiérarchisées — que ces dix tableaux présentent la particularité suivante : le n° 1
émet et reçoit plus que le n° 2, le n° 2 émet et reçoit plus que le n° 3... etc.
Nous constatons aussi que le champion-émetteur et le champion- récepteur
sont une seule et même personne : le professeur. Cette observation ne nous
surprend pas, la place privilégiée du centralisateur étant liée à la définition même
du réseau centralisé. Ce qui est plus intéressant est que les membres du groupe
émettent suivant une structure hiérarchique sous-jacente.
Dans les séances 11 à 15, les tableaux font apparaître des structures de
communication qui ne sont plus totalement hiérarchisées. Le professeur émet, en
effet, anarchiquement, c’est-à-dire sans respecter la structure hiérarchique qui
continue d’ordonner les émissions et les réceptions des autres membres du
groupe.
Dans les séances 16 à 20 (sans professeur), on retrouve des structures de
communication totalement hiérarchisées, comme le modèle de tâche qui y est
appliqué est totalement centralisé.
Dans les séances 20 à 25, dont la seule variable différente est l’application
d’un modèle de tâche homogène, nous trouvons des structures de communication
non hiérarchisées de tendance nettement homogène.
Si nous recensons les facteurs qui ont varié au cours de l’expérimentation,
nous constatons qu’ils sont de trois ordres : réseaux de communication, modèles
de tâche et statut hiérarchique des membres du groupe. Or peut-on, au terme de
cette recherche, déterminer la relation exacte entre chacune de ces variables et
les émissions verbales dans un groupe ? Pour tenter de répondre à la question,
reprenons les données de l’expérimentation.
En ce qui concerne le taux d’émissions verbales, nous avons relevé des
différences importantes suivant les situations de communication. Rap- pelons-les
à l’aide du tableau suivant :
Réseau centralisé Modèle centralisé Avec prof. 76 s.q.
Réseau circulaire Modèle centralisé Sans prof. 144 s.q.
Réseau circulaire Modèle centraliséou Avec prof. 284 s.q.
homogène
90
III
Pour les deux volets de notre exposé, on ne voit pas vraiment de synthèse
possible dans l’état présent de nos connaissances. C’est d’une espèce de
mécanique ondulatoire que nous aurions besoin, associant corpuscule (modèle de
corpuscule) et train d’ondes (modèle de train d’ondes), et par-dessus le marché
d’une réflexion sur les relations d’incertitude. Car d’une part les frontières entre
intériorité et extériorité, subjectivité et socialité ne passent sûrement pas là où
nous l’imaginons d’ordinaire. Et d’autre part la dynamique des groupes, à travers
nos concepts et nos résultats, nous reste inaccessible en tant justement que
procès. Ni la linguistique, parce qu’elle ne connaît bien que le texte, ni la
psychologie sociale, parce qu’elle décrit tout uniment la direction et l’intensité
quantitative des émissions verbales, n’atteignent encore dans leur mouvement
interne les actes de communication. Elles ne peuvent pas même fonder
conjointement une pédagogie spécifique de la communication, elles 10
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n’autorisent pas même l’idée d’une optimalisation des techniques d’ensei-
gnement. Sur ce plan, elles déçoivent donc l’espérance, l’incorrigible espérance,
des pédagogues.
Leur confrontation cependant, à certains égards leur affrontement, ne nous
ont pas paru inutiles. D’abord parce qu’en résultent des mises en garde. Il nous
faut extirper de nous-mêmes la foi naïve dans les homologies. Qu’on nous laisse
le dire à une ultime reprise, on ne peut pas rapporter de façon directe à la
situation pédagogique les schémas de la linguistique ni ceux de la psychologie
sociale, — ni ces schémas les uns aux autres. Peut-être alors n’y a-t-il pas en ce
moment de meilleure pédagogie que celle qui pose ouvertement, réseau
homogène ou pas, sa propre problématique.
Ensuite, et de façon plus positive, parce que chacune des deux disciplines
apprend à s’enrichir de l’autre. La différence entre réseau et structure de
communication est quelque chose que le linguiste serait difficilement parvenu à
mettre en évidence de lui-même. Le concept de hiérarchie qu’il a connu jusqu’ici
renvoyait beaucoup plus aux situations des civilisations à « langue de politesse »,
japonaise ou indonésienne21, qu’à ce qui vient d’être décrit. L’introduction des
notions « économiques » d’offre et de demande éclaire aussi pour lui de façon
neuve le champ des échanges langagiers 22. Réciproquement, les modes selon
lesquels le linguiste appréhende le problème, à ses yeux le plus difficile de tous,
du sémantisme, doivent aider le psychosociologue à comprendre par exemple
que les catégories de Baies constituent en fin de compte une rhétorique, et qu’il
faut les affiner.
Nous aimerions à ce propos justement terminer sur une manière
d’apologue. En Grèce ancienne, — nous transcrivons la leçon de L. Gernet, de
J.-P. Vernant, de M. Detienne —, en l’absence de flagrant délit, le coupable
présumé avait à présenter lui-même sa défense ; il avait donc en quelque sorte à
jouer au maximum du bénéfice du doute. Il pouvait se faire aider non pas
exactement d’un avocat comme dans la jurisprudence latine, mais d’un rhéteur,
d’un sophiste, d’un maître de la parole. Le rhéteur, initié au sein d’une confrérie,
quasiment d’une secte, aux techniques du discours persuasif, tenait que sur la
même cause il était capable de construire deux discours, l’un pour et l’autre
contre, de force égale. C’est à cette prétention intolérable intellectuellement et
moralement qu’Aristote répondit par la logique du tiers exclu. Ainsi rhétorique et
logique classiques sont-elles historiquement enracinées dans la même «
sociologie », dans la même situation de langage, celle du procès.
Ainsi peut-être linguistes et psychosociologues auront-ils à redéfinir
ensemble, dans l’étude des structures de communication de notre temps, les
relations entre notre sociologie du langage et notre rhétorique Nos mises en
perspective différentes nous ont masqué longuement l’unité des phénomènes : il
en va toujours ainsi.
20. Dans le domaine français, voir Francine BUSTIN-LEKEU, « Tutoiement et vouvoiement chez
les lycéens français », French Review, march 1973, 773-782.
21. Comme elle l’avait fait, toutes réserves gardées, du champ de la production littéraire avec
PieTre MACHEREY.
22. On sait assez comme la théorisation du discours persuasif, d’OLBRECHT-TYTFCA aux
gens d’Oxford et de Liège, est redevenue à la mode. BOURDIEU et PASSERON y touchent aussi à leur
façon.
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