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Jean-Michel Heimonet
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 34 — #34
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ROGER CAILLOIS
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 35 — #35
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4. Roger Caillois, L’Homme et le Sacré [1939], Paris, Gallimard, coll. « Folio/Essai »s, 1988,
p. 131-132. 35
5. Roger Caillois, « Le vent d’hiver » [1938], Approches de l’imaginaire, Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèque des sciences humaines », 1974, p. 82.
6. Friedrich Nietzsche, La Volonté de Puissance, Tome I, Paris, Gallimard, p. 361. Cette phrase LITTÉRATURE
figure par exemple dans « Le vent d’hiver », op. cit., p. 73-74. N°170 – J UIN 2013
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 36 — #36
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ROGER CAILLOIS
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 37 — #37
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9. Voir Roger Caillois, « La hiérarchie des êtres. Relations et oppositions de la Démocratie, des
Régimes totalitaires et de la notion d’ordre » [1939], Naissance de Lucifer, Montpellier, Fata
Morgana, 1992, p. 69-89.
10. Roger Caillois, « Le vent d’hiver », op. cit., p. 78.
11. Roger Caillois, « Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann ; L’Exercice du
pouvoir (NRF) ; Du mariage, par Léon Blum (Calmann-Lévy) ; En lisant M. Léon Blum, par
Marcel Thiébaut (NRF) » [1937], Roger Caillois, Paris, La Différence, coll. « Les Cahiers de
Chronos », 1991, p. 90.
12. Roger Caillois, « Déclaration du Collège de Sociologie sur la crise internationale » [1938], 37
dans Denis Hollier, Le Collège de Sociologie (1937-1939), Paris, Gallimard [1979], coll.
« Folio/Essais », 1995, p. 362.
13. Georges Bataille, « Le sens moral de la sociologie » [1946], Œuvres Complètes, tome XI, LITTÉRATURE
Paris, Gallimard, 1988, p. 63. N°170 – J UIN 2013
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 38 — #38
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ROGER CAILLOIS
des individus au sein d’une communauté seconde qui accroît leur puissance,
devient ainsi le principe nécessaire de toute régénération sociale.
« Le vent d’hiver » décrit cette communauté dans la forme d’une
« association militante et fermée14 » dont les membres se recrutent par
attraction mutuelle. L’époque n’est plus au romantisme, l’individu ne peut se
contenter de s’écarter des masses pour mépriser ou pour maudire. Désormais
sa mission est de faire l’Histoire. Comparable à « l’ordre monastique actif
pour l’état d’esprit » et à « la formation paramilitaire pour la discipline »,
la communauté est ainsi l’origine d’une refondation du pouvoir dont le
premier temps coïncide avec l’inversion du rapport de forces entre les
« classes d’êtres » ou les « espèces » indiquées plus haut : « producteurs »
et « consommateurs », « maîtres » et « esclaves »15 . Au lieu d’être reléguées
à la marge, les valeurs de rébellion et de conquête incarnées par l’individu
doivent parvenir à s’imposer face à la médiocrité politique en place. Selon
les catégories de la nouvelle sociologie allemande alors en vogue (Weber,
Tönnies, Schmalenbach, Würzbach), la « communauté seconde16 » telle que
les confréries, ou les sociétés secrètes dont parlera Bataille, s’oppose à la
démocratie représentative et parlementaire comme le Bund à la Gesellschaft,
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 39 — #39
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20. Roger Caillois, « Préambule pour l’esprit des sectes » [1945], Approches de l’imaginaire,
op. cit., p. 92.
21. Roger Caillois, « La Volonté de puissance, par F. Nietzsche ; Nietzsche, par Thierry Maul- 39
nier » [1936], Naissance de Lucifer, op. cit., p. 95.
22. Ibid.
23. Voir Georges Bataille, « La “vieille taupe” et le préfixe sur dans les mots surhomme et LITTÉRATURE
surréaliste » [1968], Œuvres complètes, tome II, Paris, Gallimard, 1970, p. 93-109. N°170 – J UIN 2013
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 40 — #40
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ROGER CAILLOIS
24. Voir Alexandre Kojève, « Les Conceptions hégéliennes » [1937], dans Denis Hollier, Le
Collège de Sociologie (1937-1939), op. cit., p. 70-74.
25. Jules Monnerot, « Remarques sur le rapport de la poésie comme genre à la poésie comme
fonction », Inquisitions, n° 1, 1936, p. 19.
40 26. Roger Caillois, « Spécification de la poésie » [1933], Approches de la poésie, op. cit., p. 18.
27. Jules Monnerot, « Remarques sur le rapport de la poésie comme genre à la poésie comme
fonction », op. cit., p. 18.
LITTÉRATURE 28. Roger Caillois, « Paris, mythe moderne » [1937], Le Mythe et l’homme, op. cit., respective-
N°170 – J UIN 2013 ment p. 156 et p. 155.
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 41 — #41
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29. Roger Caillois, « Introduction » [1938], dans Denis Hollier, Le Collège de Sociologie
(1937-1939), op. cit., p. 300-301.
30. Roger Caillois, « Le vent d’hiver », op. cit., p. 75-76.
31. Roger Caillois, « Paris, mythe moderne », op. cit., note 2 p. 169.
32. Ibid., p. 169. 41
33. Ibid., note 2 p. 169.
34. Roger Caillois, Puissances du roman [1941], dans Approches de l’imaginaire, op. cit.,
p. 243. LITTÉRATURE
35. Ibid., p. 223 N°170 – J UIN 2013
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 42 — #42
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ROGER CAILLOIS
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 43 — #43
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Hitler pour subjuguer l’imaginaire de masse, tandis qu’une autre zone, celle
tenue sous contrôle par l’intellectuel, ne laisse pas d’être révulsée devant
un régime qui bafoue ses valeurs humanistes. Vis-à-vis du fascisme, tout se
passe comme si Caillois expérimentait à chaud, sur le plan du vécu, la dialec-
tique des phénomènes sacrés telle qu’il la décrit dans L’Homme et le Sacré :
le sentiment équivoque d’attraction et de répulsion, Fascinans/Tremendum
dans la terminologie de Rudolf Otto, qui s’empare de l’homme en présence
du sacré :
Devant le divin, saint Augustin est pris à la fois d’un frisson d’horreur et d’un
élan d’amour [...]. Il explique que son horreur vient de la prise de conscience
de la différence absolue qui sépare son être de l’être du sacré, son ardeur au
contraire de celle de leur identité profonde41 .
L’examen du pouvoir charismatique auquel Caillois se livre après-
guerre dans Instincts et sociétés reflète parfaitement cette ambivalence.
D’une part, on peut lire le texte comme un démontage des procédés tech-
niques d’où les dictatures de l’irrationnel tirent leur efficacité, mais d’autre
part et en même temps, on peut aussi le lire comme une validation, une
preuve scientifique, confirmant la nature transcendante, sacrée du pouvoir
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 44 — #44
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ROGER CAILLOIS
INQUISITIONS : « SURRATIONALISME »
ET « ORTHODOXIE MILITANTE »
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 45 — #45
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47. Ibid. 45
48. Roger Caillois, « Pour une orthodoxie militante », ibid., p. 13.
49. Ibid.
50. Ibid., p. 12-13. LITTÉRATURE
51. Roger Caillois, « Le vent d’hiver », op. cit., p. 82. N°170 – J UIN 2013
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 46 — #46
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ROGER CAILLOIS
« dépouillés d’ambitions terrestres »52 . On est ainsi conduit vers une méta-
physique du pouvoir, un pouvoir qui s’impose non par la coercition mais
par la hauteur et l’abnégation de son projet.
Noblesse oblige. Sous les auspices du « Soyez âpres » de Nietzsche, ce
sont l’apathie et la médiocrité du « dernier homme » qu’il faut vaincre, mais
tout en observant une loi morale prescrite qui retient le « surhomme », le
grand individu, de se dégrader en brute totalitaire. En dépit de son attraction
pour les forces du mythe, Caillois reste ainsi un homme des Lumières. Le
principe de raison, l’impératif moral du sens persiste à endiguer le cours de
sa pensée et à la détourner d’une éventuelle dérive. On peut le lire dès le
départ, en 1934, dans la lettre par laquelle il rompt avec André Breton et le
surréalisme : « L’Irrationnel : soit ; mais j’y veux d’abord la cohérence53 ».
En somme Satan gagne son salut grâce à Lucifer ; car en dernière
instance c’est bien lui qui décide le terme du voyage : gloire et fureur du
« mythistoire » ou réconciliation finale dans l’eau paisible du fleuve Alphée.
52. Roger Caillois, « Préface pour un livre provisoire », La Communion des Forts [1943], dans
Approches de l’imaginaire, op. cit. p. 88.
46 53. Roger Caillois, Procès intellectuel de l’art [1935], ibid., p. 36.
54. Roger Caillois, « Le vent d’hiver », op. cit., p. 78.
55. Roger Caillois, Procès intellectuel de l’art, op. cit., p. 54.
LITTÉRATURE 56. Roger Caillois, « Mimétisme et psychasthénie légendaire » [1935], Le Mythe et l’homme,
N°170 – J UIN 2013 op. cit., p. 112.
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 47 — #47
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57. Roger Caillois, « En manière de conclusion », Approches de l’imaginaire, op. cit., p. 246. 47
58. Roger Caillois, L’Homme et le Sacré, op. cit., p. 46.
59. Roger Caillois, Le Fleuve Alphée, Paris, Gallimard, 1978, p. 201.
60. Roger Caillois, « Paris, mythe moderne », op. cit., p. 172. LITTÉRATURE
61. Roger Caillois, Le Fleuve Alphée, op. cit., p. 10-11. N°170 – J UIN 2013
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“Litterature_170” (Col. : RevueLitterature) — 2013/5/14 — 10:35 — page 48 — #48
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ROGER CAILLOIS
possible – pourquoi pas ? – même éclat que les pierres. [...] comme si je
souhaitais les dédoubler par le langage62 ».
À vingt ans, l’auteur du Mythe et l’homme rêvait d’effectuer le saut
magique, la transmutation du « mythe humilié » par la littérature au « mythe
triomphant »63 de la résurrection sociale. Il lui faudra un demi-siècle pour
accepter dans L’Écriture des pierres et Le Fleuve Alphée que le mythe est
depuis toujours déjà un témoignage d’humilité. Car le mythe est langage,
comme le roman, il est littérature : représentation symbolique où l’homme
approfondit dans le filtre des mots le sens de son histoire et de sa finitude.
S’il y a un enseignement à tirer de cette odyssée spirituelle il faut donc le
chercher dans la « réconciliation » finale de Caillois avec l’écriture ; dans
cette « mythographie » que l’individu s’impose à lui-même afin d’expier
son désir d’être Tout, d’être Dieu lui-même, et découvrir sa juste place au
sein de l’univers.
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LITTÉRATURE 62. Ibid., p. 204.
N°170 – J UIN 2013 63. Roger Caillois, Le Mythe et l’homme, op. cit, p. 34.
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