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Archives de Philosophie 43, 1980, 121-146.
L'ANGOISSE ET L'ENNUI
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122 J.-L. MARION
qui aurait nom Être, puisqu'aussi bien l'Être n'est pas quelque
chose, mieux l'Être n'est rien, voire est le rien. Question veut
dire ici : le mode d'énoncé qui conviendrait à la visée de ce qui
n'est, précisément, pas. La question suscite moins l'interrogation
sur l'Être, que l'Être même ne convoque la pensée à questionner,
à se produire sur le mode questionnant. La question sourd de l'Être,
puisque l'Être, par définition problématique, ne saurait s'aborder
que d'une pensée problématisée, rendue totalement problématique
à elle-même et ainsi rendue convenable au questionnable par excel-
lence. L'Être ne devient seulement envisageable que par une pensée
questionnante. Par quoi il appert aussi bien que la question qu'est
l'Être n'appelle à proprement parler aucune réponse. Car, en son
acception commune, toute réponse vise à éteindre la question,
à la rendre caduque, donc, à la faire rétrospectivement paraître
propédeutique et provisoire. La seule réponse qui corresponde à la
question de l'Être consiste en cette correspondance même - corres-
pondance, comme ce qui permet l'échange et le lien entre deux
correspondants, donc un échange où ne transite rien que leur conve-
nance l'une à l'autre : chacun doit moins répondre à l'autre que,
par son attention elle-même, répondre de lui : qui pose la question
qu'est l'Être n'y parvient qu'en se posant comme son répondant,
comme celui qui répond de l'Être comme une question. « Comme de
longs échos qui de loin se confondent », dit Baudelaire des correspon-
dances ; ici l'écho même de la question dans le questionnant suffit à
la correspondance, puisqu'elle s'achève dès qu'un répondant s'offre à
recevoir pareil écho. - Mais aussitôt, il paraît clairement que l'es-
sentiel reste à préciser : si la question qu'est l'Être appelle, pour
toute réponse, l'écho d'un correspondant qui en réponde, alors nul
ne peut prétendre poser, de lui-même, cette question. La question de
l'Être, seul l'Être peut nous la poser, et nous ne pouvons, au meil-
leur des cas, que l'écouter, pour en devenir le vivant écho, mieux
le pensant écho. La question de l'Être n'implique donc pas seule-
ment que l'Êtie réside entièrement dans la question, mais surtout
que lui seul peut l'énoncer, puisqu'en fait il s'y annonce. Question
de l'Être : le génitif indique aussi la provenance - l'Être s'énonce
sous la figure d'une question où il s'annonce, et qu'il ne suscite
qu'en le provoquant à partir de lui. L'Être ne sourd comme question
qu'autant que la question sourd de lui. Il ne s'agit donc plus de
savoir s'il se trouve quelque légitimité à (se) poser la question
de l'Être, mais de décider s'il nous devient loisible d'accéder au
lieu où résonne la question de l'Être ; mieux, c'est seulement
dans les lieux où, parmi le vacarme d'autres convocations, pourtant
résonne la question qu'est l'Être, que notre réponse, en silence sans
doute, pourra correspondre comme un écho résonne à ce qui sonne.
Comment donc s'élabore la question de l'Être ? Cette élaboration
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 123
§ 1. L'ennui et l'angoisse
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124 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 125
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126 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 127
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128 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 129
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130 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 131
13. Texte parallèle en Sein und Zeit, § 40 : « Wenn die Angst sich gelegt hat,
dann pflegt die alltägliche Bede zu sagen : ' es war eigentlich nichts ' Die Reae
trifft in der Tat ontisch das, ivas es war ». (S. 187).
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132 J.-L. MARION
14. Sein und Zeit , § 40 : « Das, Worum eile Angst sich ängstet, enthüllt sich
nicht als das, wovor sie ängstet : das In-der-Welt-sein » (S. 188) ; § 50 : « Das
Wovor dieser Angst ist das In-der-Welt-sein selbst » (S. 251) ; lorsqu'en effet
l'angoisse se rapporte à la mort (voir, par exemple § 62, S. 308), c'est qu'à l'indé-
termination de l'étant qui, dans son entier, dérape et menace, correspond la
possibilité absolument indécidée et ouverte de la déréliction. Dans les deux cas,
l'angoisse n'accède à un statut ontologique qu'en demeurant ordonnée au Sein
du seul Dasein : * Die Angst offenbart im Dasein das Sein zum eigensten Seinkön-
nen (...). Die Angst bringt das Dasein vor sein Freisein für ... ( proprensio in...)
die Eigentlichkeit seines Seins als Möglichkeit, die immer schon ist » (S. 188).
15. En ce sens, Nietzsche , II : «... Angst vor der Angst, die als der Schrecken
das Ausbleiben des Seins selbst erfährt » (S. 393).
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 133
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134 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 135
§ 3. La revendication
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136 J.-L. MARION
17. Anspruch des Seins apparaît dans la Postface de 1943 : Wegmarken 103 /307,
78; 105/309, 81 ; 106/311, 82. La Conférence parle seulement d'un Anspruch
de la science sur le Rien (4 /106 ; 51) ; et quand y apparaît la séquence décisive î
« das Seiende spricht nicht mehr an », il s'agit d'une addition de 1949 (9/111).
Il serait possible de définir la Conférence par l'omission de V Anspruch des Seins,
ce qui n'implique d'ailleurs pas que les ajouts de 1943 et 1949 pensent celui-ci
radicalement ; car il faudrait penser, peut-être, l' Être même à partir de la reven-
dication qu'il exerce (et non l'inverse), pour demander alors enfin de quel droit
l'Être peut prétendre à une reconnaissance ; ou, ce qui revient, peut-être, au même,
s'il va de soi que l' Être puisse se dire selon la dimension du don.
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 137
18. « ... das Wort der lautlosen Stimme des Seins » ( Wegmarken , 105 /310, 81).
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138 J.-L. MARION
19. La séquence centrale a subi des modifications non indifférentes : « Die Ant-
wort des Denkens (1943 : Die sprachlose Antwort des Dankens im Opfer...) ist
der Ursprung des menschlichen Wortes (...). Wäre nicht zuzeiten ein verborgenes
Denken (1943 : Danken) im Wesengrunde des geschichtlichen Menschen, dann
vermöchte er nie das Danken (1943 : Denken), gesetzt dass in allem Bedenken
und in jedem Bedanken (1943 : Andenken) doch ein Denken sein muss, das anfän-
glich die Wahrheit des Seins denkt » ( Wegmarken 105 /310 ; 81-82). Il semble
bien que la version définitive remette le Danken sous la dépendance du Denken ,
contrairement à la première rédaction de 1943 ; ce qui veut dire : l'instance par
quoi le Dasein devrait s'accorder avec le Sein , en lui répondant, s'efface au moment
même où, paradoxalement le Sein déploie sa revendication {Anspruch). Mais le
paradoxe n'est peut-être qu'apparent : si la réponse peut n'apparaître pas comme
une urgence théorique, c'est qu'elle se trouve radicalement pensée comme dépen-
dante de la question ; ou plutôt, la réponse peut atténuer son urgence, parce que
la convocation reste pensée à partir de l' Être, et non l' Être à partir de VA nspruch f
dont l'essence reste peut-être encore plus radicale.
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 139
§ 4. L'ennui essentiel
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140 J.-L. MARION
20. Littré (a. v., éd. 1874, t. 2, 1400) fait dériver ennui de est mihi in odio,
par un substantif inodium ; l'ennui établit la haine entre le monde et le moi, qui
s'en détourne.
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 141
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142 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 143
des ist » Ç Wegmarken , 103 /307 ; 78), cette merveille même disparaît :
certes, l'étant est, et dans cet est pointe le retrait donateur de
l'être ; mais, justement, cela même ne provoque nul émerveillement.
L'ennui, quand il imprègne radicalement le Dasein , lui rend impos-
sible tout 0ai)1i<xÇeiv même et surtout devant la merveille des
merveilles - que l'Être, en nous impartissant à lui, nous départisse
l'étant. L 'Anspruch des Seins convoque donc toujours, mais en vain ;
en vain, strictement : il demeure frappé de vanité aux yeux du
Dasein noyé d'ennui. L'Être peut bien convoquer, mais sans écho :
la vanité en rend sourd le son, qui sonne sans résonner ; la clarté
de l'Être projette toujours sa lumière ; mais, aux yeux de l'ennui,
il s'agit d'une lumière noire. Ce soleil noir n'obscurcit pas l'étant,
ni ne souffre d'éclipsé : simplement le regard ne s'abaisse plus
pour en découvrir les éclairages, ne s'élève pas non plus pour s'y
laisser éblouir. De même, l'ennui, frappant de vanité la lumière
de l'Être, peut enfin en regarder le soleil noir sans ciller, d'un regard
mort et morne. Silencieuse, pacifique et respectueuse, la vanité ne
frappe pas seulement l'étant dans son ensemble ; ou plutôt, elle ne le
peut, et justement sur le mode d'une insensible et insoupçonnable
subversion, qu'en ce que d'abord elle frappe l'Être, en assourdissant
sa convocation. Vanité des vanités, tout (est) vanité, dit le Qohélet :
peut-être ne s'agit-il pas seulement d'un jugement sapientiel
désabusé, qui traiterait de l'étant, mais, en un autre sens, d'un
énoncé qui, pour nous du moins, atteint à l'Être en tant que tel.
Donner un statut radicalement ontologique à la vanité permettra
seul de prendre en vue la dignité authentique de l'ennui : dans
l'angoisse, le Dasein éprouve le Néant de tout étant, mais, dans
l'ennui, il frappe de vanité ce même Néant, et récuse son interpré-
tation comme l'Être de l'étant ; il ne récuse cette interprétation
qu'autant qu'il frappe d'abord et finalement de vanité l'interpel-
lation de l'Etre à lui-même comme Dasein. Dans l'ennui, le Dasein
se disqualifie comme interlocuteur de l'Être et, se refusant à lui,
s'abîme dans la même vanité où il le précipite.
D'où nous pouvons tirer une conclusion, et laisser monter deux
questions, en une unique interrogation. - Conclusion : la Confé-
rence Was ist Metaphysik ?, doit s'approfondir de ses Préface
et Postface parce que, du Néant / Rien à l'Etre, il faut passer
par une instance nouvelle dont l'interprétation suppose Y Anspruch
des Seins ; l'angoisse ne suffit donc pas à nous faire accéder à l'ouvert
de l'Être, et c'est peut-être pourquoi la Kehre de 1930 devra,
peu à peu, déplacer le centre de gravité de la méditation du Dasein
à la convocation même qu'exerce sur lui l'Être ; mais méditer
la convocation de l'Être ne devrait pas dissimuler que le Dasein
seul peut y répondre ; or pour penser les modes de cette réponse,
il faut aussi s'interroger sur la modalité de la non-réponse possible ;
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144 J.-L. MARION
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L'ANGOISSE ET L'ENNUI 145
24. Il n'est pas indifférent que l'ennui, Langweile , àKT|5ía ait, pour la tradition
théologique, comme contraire la joie : « Et ideo dicendum est, quod in spiritua-
libus bonis est quidam ordo : nam omnia spiritualia bona, quae sunt in actibus
singularum virtutum, ordinantur ad unum spirituale bonum, quod est bonum
divinum ; circa quod est specialis virtus, quae est Charitas ; unde ad quamlibet
virtutem pertinet gaudere de proprio spirituali bono, quod consistit in proprio
aliquo actu : sed ad charitatem pertinet specialiter illud gaudium spirituale,
quo quis gaudet de bono divino : et similiter illa tristitia, qua quis tristatur de
bono spirituali, quod est in actibus singularium virtutum, non pertinet ad aliquod
Vitium speciale, sed ad omnia vitia : sed tristari de bono divino, de quo charitas
gaudet, pertinet ad speciale Vitium, quod accidia vocatur » (Saint Thomas,
Summa Theologica , IIaIIaet q. 35, a. 2, resp.).
25. Introduction à la Métaphysique , S. 63, tr. fr., p. 90-91.
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146 J.-L. MARION
Université Paris-Sorbonne
26. Le présent essai rejoint donc, par l'étude d'un autre texte de Heidegger,
l'interrogation que formulait, entre autres à partir de Zeit und Sein , notre travail
sur V idole et la distance , Paris, 1977.
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