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 BIODIVERSITÉ ET SANTÉ

Les micro-organismes
Certains micro-organismes colonisent les humains et vivent en étroite interaction avec
eux. Nous les retrouvons sur la peau et au niveau de l’ensemble des voies d’entrée et
d’élimination du corps humain : fosses nasales, cavité buccale, tractus digestif… Ces
micro-organismes utilisent les produits du corps humain ou les aliments ingérés et
digérés pour se développer. Certains micro-organismes peuvent dégrader les aliments
non digérés par l’homme. Ils peuvent améliorer le confort digestif, stimuler notre
système immunitaire et prévenir une colonisation par des organismes pathogènes. Ces
observations ont donné naissance au terme « probiotique » qui désigne un micro-
organisme apportant un bénéfice à la santé de son hôte. Il ne faut cependant pas oublier
que malgré les bénéfices qu’ils apportent, certains micro-organismes du corps humain
peuvent se transformer en agents infectieux opportunistes si notre organisme est
fragilisé ou immunodéficient.
Les micro-organismes sont au cœur même des chaînes trophiques et des grands cycles
biogéochimiques. Sans leurs contributions et leur grande diversité, il y aurait une cassure
dans le recyclage de la matière organique, la biodisponibilité de nombreux éléments
essentiels à la vie, et, de façon plus générale, le fonctionnement des écosystèmes. Nous
serions submergés par de nombreux déchets que seuls les micro-organismes peuvent
dégrader et rendre accessibles par une production dite de « régénération (exemple du
traitement des eaux usées).

Les espèces réservoirs et de vecteurs animaux présentent des compétences très


hétérogènes à retransmettre un microparasite. Cette diversité naturelle joue un rôle
essentiel dans la transmission des agents infectieux dans leur environnement. Une
forte diversité biologique locale tend à diluer l’agent infectieux chez des hôtes
réservoirs pas ou peu compétents, et donc à diminuer le risque de passage chez les
humains. Ce phénomène a été nommé « effet de dilution ».
L’épidémie de grippe aviaire est un phénomène probablement appelé à se répéter. Les
réserves naturelles d’oiseaux et les zones humides sont des carrefours de passage
d’espèces migratrices – porteuses de nombreux pathogènes – et de rencontre avec des
espèces résidentes. Ces lieux sont très favorables à la circulation d’agents pathogènes,
même à bas bruit. Dans quelle mesure la proximité d’élevages intensifs de volailles
et de zones humides dans le département de l’Ain, où le virus H5N1 a été détecté, n’a-
t-elle pas favorisé le déclenchement d’une réaction en chaîne, dans laquelle les humains
ont pu également jouer un rôle, conduisant à devoir tuer plus d’un millier de gallinacés ?
Les parasites
Les parasites et les pathogènes doivent être considérés comme des acteurs du
fonctionnement des écosystèmes, dont les effets peuvent être amplifiés par des
processus en cascades. Ils peuvent perturber les chaînes trophiques, les relations de
compétition entre espèces ou encore le potentiel invasif de certaines d’entre elles. Le
bouleversement de ces « équilibres » peut être favorable ou au contraire défavorable au
maintien de la biodiversité.
« Parmi les exemples de recherches fondamentales, l’identification des mécanismes par
lesquels les parasites favorisent localement la biodiversité est une priorité du CNRS. Les
processus impliqués sont aussi étonnants que diversifiés. Par exemple, en modifiant
l’appétit de leurs herbivores hôtes, des nématodes du tube digestif peuvent
indirectement affecter la structure des communautés végétales. »

 PHARMACIE ET BIODIVERSITÉ
FAVÉ Marie-Christine, « S’affranchir de la chimie de synthèse », Biofil, n°71, juillet-août
2010, pp.42-44
C'est le cas des pyréthrinoïdes de synthèse (deltaméthrine, pyréthrine par exemple). Il
s'agit d'insecticides chimiques de synthèse fabriqués en copiant le pyrèthre qui est un
insecticide naturel extrait d'anacyclus pyrethrum, plante d'Afrique dont les fleurs
sécrètent des pyréthrines. Le Pyrèthre est autorisé en agriculture biologique, mais reste
un produit précieux car rare. Il est dégradé par la lumière, évitant son accumulation dans
la nature et nécessite donc de renouveler l'utilisation tous les jours ou deux jours.
Les pyréthrinoïdes de synthèse, eux, ne se dégradent pas à la lumière et sont mortels
pour les poissons et nombre d'animaux à sangfroid. Ils ont été largement conseillés pour
lutter contre les moustiques culicoïdes vecteurs du virus de la Fièvre Catharrale Ovine.
[…]
Lorsque l'un des organes d'élimination ne fonctionne pas bien, les médicaments
s'accumulent dans le corps ou sont éliminés par une autre voie. Ainsi lorsque le foie et
les reins des vaches sont surchargés par l'alimentation riche en ensilage, les toxiques
sont éliminés par le lait. Bu par le veau, ce lait détruit la flore digestive du veau.
[…]
Traité par des insecticides chimiques de synthèse, l'insecte cherche une solution
biologique pour assurer la survie de son espèce. Il devient alors résistant au produit et le
produit devient inefficace. S'installe alors une course sans fin entre le chercheur
d'insecticide, d'antibiotique, de vermifuge toujours plus puissant et l'insecte, le germe, le
ver, scénario identique qui lie les phytosanitaires et la protection des cultures.
[…]
Lorsque les animaux sont traités, l'homme consomme avec le lait et la viande des petites
concentrations d'antibiotiques. Les germes pathogènes, en contact avec ces petites doses
d'antibiotiques, ne sont pas détruits mais acquièrent une résistance à l'antibiotique et se
le transmettent d'individu à individu et durablement. Lorsque le consommateur souffre
d'infection bactérienne, si le médecin lui prescrit l'antibiotique A, il devient inefficace. En
effet, les germes déjà équipés du gène de résistance à l'antibiotique A, se défendent. Ce
processus a entraîné jusqu'ici la recherche de nouveaux antibiotiques toujours plus
puissants. Mais l'avance des scientifiques sur les microorganismes diminue, ce qui
explique l'apparition de maladies nosocomiales, les germes pathogènes des hôpitaux
étant très résistants aux médicaments et désinfectants. Dans les nurseries, les coli-
bacilles résistent; dans les poulaillers, les salmonelles résistent; dans les étables, les
agents des mammites résistent; dans les champs, les liserons ou l'avoine à chapelet
résistent aussi.
La présence d'antibiotiques ou de leurs résidus dans le lait perturbe également la
transformation du lait. En effet, ces inhibiteurs détruisent certaines bactéries utiles à la
maturation du lait et à la transformation fromagère. En contrepartie, certains germes
pathogènes, tels les listérias par exemple, sont ainsi favorisés car l'équilibre entre les
microorganismes utiles et les microorganismes pathogènes est bouleversé.
[…]
Pollution de l'environnement À toutes les limites thérapeutiques observées s'ajoute un
danger de détection récente. Il s'agit de la pollution de l'environnement et spécialement
de l'eau par les médicaments issus de la chimie. Dès sa fabrication et tout au long de sa
vie, le médicament pollue l'environnement. Les usines de fabrication des médicaments
rejettent dans l'atmosphère des réactifs volatils et souvent cancérigènes et tératogènes.
Les résidus parviennent dans les cours d'eau. Les produits issus des recherches
intermédiaires qui ne seront pas commercialisés car trop toxiques sont aussi rejetés.
Après la traversée de l'organisme humain, ils sont évacués tels quels ou sous forme de
leurs métabolites. Les eaux usées des hôpitaux en sont particulièrement chargées et vont
se mêler aux eaux des rivières et des fleuves. Les eaux polluées s'infiltrent dans les sols
et parviennent aux nappes phréatiques.
Mais la vision doit encore s'élargir, au-delà des humains, à l'ensemble du monde vivant.
Quel est l'impact de cette pollution de l'eau sur les animaux, les végétaux, la microfaune,
la microflore et les microorganismes bactériens ? Une loi règne sur Terre, celle de
l'interdépendance de toutes les formes de vie, elles-mêmes dépendantes des facteurs
externes.
**
- Les composantes de la biodiversité végétale sont importantes pour la santé humaine. Les
substances extraites des plantes et utilisées en médecine sont nombreuses (aspirine dont une
molécule dérive du saule, if à l'origine d'une substance anticancéreuse, digitaline traitant les
insuffisances cardiaques et provenant de la digitale pourpre). Les médecines traditionnelles sont à la
base des soins primaires pour environ 80% de la population des pays en développement. Quant aux
médicaments modernes, un quart des prescriptions délivrées aux États-Unis contient des principes
actifs extraits des plantes (Roche et al., 1992).

*** CREUM 2008 :


Pus de 20 000 espèces sont utilisées dans le monde à des fins thérapeutiques. Dans un
pays très développé comme les États-Unis, 41 % des médicaments délivrés sur
ordonnance ont un principe actif dérivé d’organismes vivants ; parmi eux, 25 %
proviennent de végétaux, 13 % de micro-organismes et 3 % d’animaux. Plus de 70 %
des traitements anticancéreux prometteurs sont issus de végétaux originaires des forêts
tropicales. Étant donné que la plupart des micro-organismes sont encore inconnus et que
nos connaissances sur les végétaux des forêts tropicales sont très limitées, la biodiversité
offre encore un potentiel considérable pour la découverte de nouveaux produits
pharmaceutiques.

Institut européen d'écologie


Créé à Metz en 1971 à l'initiative de Jean-Marie Pelt, professeur de biologie végétale et de
cryptogamie à la faculté de pharmacie de Nancy, l'Institut européen d'écologie est une association
française à but non lucratif, dont l'objectif est de développer les initiatives visant à améliorer la qualité
de vie, l'environnement ainsi que les rapports entre les hommes, les groupes et la nature. À partir du
slogan « la santé de l'homme dans un environnement sain », trois thèmes majeurs sont développés :
l'écotoxicologie (étude du devenir des toxiques), l'écologie urbaine, et l’ethnopharmacologie (étude
des plantes médicinales traditionnelles du monde), en replaçant l'homme comme un élément majeur
de l'écosystème planétaire
http://www.ethnopharmacologia.org

*** Stratégie nationale pour la biodiversité : enjeux, finalités, orientations,


Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, 2004
Les biens et services apportés par la biodiversité sont innombrables. Au-delà des produits
pour l’alimentation, il faut ajouter nombre de matières premières pour l’artisanat et
l’industrie : le bois, le coton, la laine, l’osier, le caoutchouc, les biocarburants… L’Homme y
puise par ailleurs de nombreuses substances actives indispensables à sa santé. La
pharmacopée est en grande partie issue des plantes 2, même si les laboratoires ont par la
suite isolé les molécules intéressantes et appris à les synthétiser. Pour une très large part,
les bienfaits du patrimoine génétique mondial restent encore à découvrir. Et les nouvelles
techniques de biologie moléculaire, loin d’oublier cette origine, relancent les possibilités
d’exploration des milieux naturels pour la recherche de molécules actives. De même, des
substances insecticides issues du monde végétal ou animal ont supplanté des produits très
toxiques utilisés auparavant comme le DDT et les organochlorés, en réduisant drastiquement les
effets secondaires.

CHEVASSUS-AU-LOUIS Nicolas, « L'industrie aime bien, sans plus », La Recherche,


n°333 - 07/2000
En apparence, le tableau est simple : au nord, les industries pharmaceutiques ; au sud,
des ressources en biodiversité, synonymes de substances naturelles et de nouveaux
médicaments. En pratique, difficultés techniques et incertitudes juridiques sur la
propriété des ressources vivantes contraignent les firmes à l'expectative.
« Voleur de plante ». Sous ce titre choc , un reportage d'un quotidien du matin dénonçait
récemment le pillage des connaissances des guérisseurs traditionnels de Bolivie par des
émissaires sans scrupule des entreprises pharmaceutiques des pays industrialisés(1). Les
chiffres semblent lui donner raison : entre 40 % et 70 % des médicaments
proviendraient de substances naturelles(2) dont certaines substances très connues(I). Or
l'immense majorité des ressources identifiées en biodiversité se trouvent dans les pays
du Sud. L'exploitation de ce trésor sera-t-elle une source de nouveaux médicaments ?
Pour Robert Borris, du département de chimie des substances naturelles de Merck : «
A vec le recul, l'intérêt des industriels pour les substances naturelles est un phénomène
cyclique, dont le dernier pic remonte à une vingtaine d'années (3) . » Il commentait
alors le regain d'intérêt observé au début des années 1990. De l'avis général, nous
sommes à nouveau dans une phase décroissante de ce cycle.
Pour découvrir de nouveaux médicaments, les industriels disposent de deux
stratégies. La première, l'approche dirigée, consiste à construire des molécules
interagissant avec la cible moléculaire identifiée, le plus souvent une protéine dont le
dysfonctionnement est impliqué dans la maladie. A partir de la connaissance de la
structure tridimensionnelle de cette cible, il s'agit de rechercher dans des banques de
molécules des têtes de série*. La seconde, l'approche aléatoire, consiste à passer au
crible d'un test biologique et sans a priori le plus grand nombre possible d'échantillons.
Ces tests se déroulent entièrement in vitro : on étudie la liaison de la molécule à un
récepteur, ou sa capacité à inhiber la croissance d'une culture bactérienne(II) ou de
cultures de cellules cancéreuses (action antitumorale). Au début des années 1990, les
progrès de la robotique ont permis d'automatiser ces tests, avec pour conséquence
immédiate une explosion des capacités de criblage. Il devint possible de passer au crible
d'un test donné jusqu'à 100 000 molécules par jour, là où 10 000 molécules par an
étaient déjà une performance il y a une vingtaine d'années(2). Une partie de cette
demande en nouvelles molécules fut fournie par la chimie combinatoire. Cette technique
apparue elle aussi au début des années 1990 permet de synthétiser en parallèle des
milliers de composés chimiques différents, et donc de satisfaire l'appétit insatiable des
programmes de criblage(III). D'aucuns reconnaissent cependant que la diversité de
structures moléculaires fournie par la chimie combinatoire est limitée.
Tout naturellement, les industriels se sont alors tournés vers les substances naturelles.
Celles-ci n'étaient pas des inconnues. On leur doit par exemple la plupart des
antibiotiques mis au point à partir de criblages des produits de culture de micro-
organismes au cours des années 1950 et 1960. Mais les progrès de la biologie
moléculaire et de la chimie structurale les avaient fait passer de mode. Ce renouveau des
substances naturelles s'est accompagné d'une redécouverte de leurs vertus, et en
particulier de l'extraordinaire diversité de leurs structures moléculaires, une qualité
appréciable pour fournir des têtes de série originales. La comparaison de banques de
composés synthétisés chimiquement et de produits naturels montre qu'il n'existe que 60
% d'homologie, soit 40 % de structures entièrement nouvelles auxquelles la synthèse
chimique n'aurait pas permis d'accéder(4). Cette diversité est encore accrue si l'on
s'intéresse à des espèces peu étudiées. Dominique Laurent de l'Institut de recherche sur
le développement (IRD) de Nouméa note ainsi : « L es invertébrés marins des fonds
profonds sont de véritables fossiles vivants, qui contiennent des molécules très
originales . » Et même sans aller très profond : « En vingt ans de recherche, nous avons
identifié 350 molécules nouvelles à partir de l'étude de 600 organismes provenant des
lagons et des monts sous-marins des eaux de Nouvelle-Calédonie . »
De vastes programmes de criblage de substances naturelles issues de
végétaux, mais aussi d'organismes marins et toujours de micro-organismes ont été
engagés. Ces programmes ont profité des progrès des techniques chimiques de
séparation, permettant de tester non plus des extraits végétaux bruts, qui risquent de
mêler des activités pharmacologiques opposées, mais des extraits de plus en plus purs.
Une fois un principe actif isolé, s'engage la déréplication* : la molécule est comparée à
celles des banques de données internes à l'entreprise ou publiques, comme la banque
NAPRALERT de l'université de Chicago qui regroupe des données sur les substances
naturelles remontant parfois au XVIe siècle. Pionnier en la matière, le National Cancer
Institute américain avait engagé dans les années 1960 un programme de criblage des
propriétés anticancéreuses d'extraits de végétaux(5). Entre 1960 et 1982, 35 000
extraits (racines, feuilles, fruits) provenant de plus de 12 000 plantes ont été testés.
Trois nouveaux médicaments ont été obtenus (dont le taxol, voir p. 95), soit « un taux
de succès de 1 sur 4 000 très supérieur au 1 sur 250 000 obtenu dans le criblage de
culture de micro-organismes pour la recherche d'antibiotiques » , estime un responsable
du programme - lequel se poursuit(6). Pour améliorer leur efficacité, les chercheurs se
sont parfois efforcés d'opérer un pré-criblage des molécules en ne sélectionnant que les
plantes de familles dont on connaît déjà les propriétés (approche systématique) ou celles
déjà utilisées dans les pharmacopées traditionnelles. Comme l'explique Pierre Cabalion
de l'IRD à Nouméa : « L e criblage aléatoire de molécules ne pourra jamais remplacer
complètement l'expérience humaine. Des millions d'anonymes ont fait les frais de
l'expérimentation empirique en médecine traditionnelle, mais les survivants en ont
profité .» Cette approche dite ethnopharmacologique n'est évidemment pas applicable à
toutes les pathologies : les peuples indigènes souffrent par exemple bien peu de la
maladie d'Alzheimer et autres maladies neurodégénératives. De plus, les maladies sont
perçues différemment d'une culture à l'autre, ce qui amène à utiliser des approches
indirectes. Les chercheurs de l'entreprise américaine Shaman Pharmaceuticals
recherchent ainsi des drogues contre le diabète en étudiant les remèdes traditionnels des
guérisseurs des forêts tropicales contre les problèmes de vision, les ulcères du pied ou
les infections fongiques, souvent associés à la maladie. Les ingrédients des pommades
cicatrisantes sont très recherchés par l'industrie cosmétique pour entrer dans la
composition d'antirides.
Tel était l'enthousiasme au début des années 1990, alors que Merck concluait son
fameux accord avec l'Institut national de la biodiversité (INBio) du Costa Rica pour
prospecter les forêts tropicales de ce pays. Selon les termes du contrat signé en 1991 et
toujours en vigueur, l'INBio fournit à Merck des extraits de plantes prépurifiés par ses
soins. En échange, la firme contribue à hauteur de 10 % au budget du ministère chargé
de la conservation de la biodiversité du pays, ainsi qu'à diverses actions de
développement d'une infrastructure scientifique. Un partage des bénéfices des royalties
d'éventuels médicaments (aucun à ce jour) est également prévu. Depuis, une série
d'événements a fait l'effet de douche froide sur les tenants des programmes «
substances naturelles ».
Des problèmes logistiques sont tout d'abord apparus. S'il est relativement aisé de se
procurer les quelques centaines de grammes de plantes nécessaires à une exploration
préliminaire, l'approvisionnement ultérieur est souvent plus délicat. Les plantes ont des
cycles saisonniers, voire pluriannuels, qui ne les rendent récoltables qu'à certaines
périodes. Suivant leur état physiologique (sécheresse, attaque de pathogène...), elles ne
produisent pas les mêmes substances, ce qui introduit une variabilité d'un lot à l'autre
préjudiciable à l'analyse chimique. Une fois ces épreuves surmontées,
l'approvisionnement régulier à des fins de production est tout aussi problématique. Tout
le monde a en tête l'emblématique exemple de la pervenche de Madagascar : la
découverte de ces propriétés contre la maladie de Hodgkin* a entraîné une cueillette
intensive qui a failli mener à l'extinction de l'espèce. Pour se prémunir contre ces aléas,
les industriels se sont efforcés de synthétiser chimiquement les composés actifs. S'ils y
sont parvenus dans le cas du taxol, aucune méthode standard ne permet aujourd'hui de
s'assurer a priori de la réussite de cette opération.
L'approche ethnopharmacologique n'a pas donné les succès attendus. Les géants
de l'industrie pharmacologique disent ne pas y avoir recours, même si cette affirmation
peut être liée à une volonté d'améliorer leur image écornée par les accusations
de « biopiraterie ». Ces grands groupes surveillent cependant attentivement l'évolution
du secteur : Eli Lilly & Co est ainsi le principal actionnaire de la jeune firme Shaman
Pharmaceuticals précédemment évoquée. L'ethnopharmacologie intéresse davantage
l'industrie cosmétique, en raison notamment de l'image « nature » à en attendre, même
si les produits utilisés sont synthétisés en laboratoire. La collaboration avec les
ethnologues s'est souvent révélée problématique. Et il y a des problèmes plus
fondamentaux. Comme le note Françoise Grenand, anthropologue à l'IRD d'Orléans : «
P lus que de trouver une dénomination commune aux maladies, le problème vient du fait
que la représentation du corps n'est pas partout la même. De nombreuses cultures
amérindiennes ne distinguent pas par exemple le foie de la rate, voire le foie du coeur.
Le thème de la perception du corps dans les cultures traditionnelles, y compris la nôtre,
est d'ailleurs un sujet de recherche ethnologique très actif . »
Mais le principal obstacle est venu de la montée du débat international sur la propriété
des ressources vivantes. Dans la foulée du sommet de Rio de 1992, la Convention sur la
diversité biologique (CDB) a consacré le principe de souveraineté nationale sur les
ressources vivantes. Les industriels intéressés par l'exploitation des ressources de
biodiversité d'un Etat ont donc dû négocier des contrats d'exploitation avec les autorités
concernées. Le problème n'est pas tant d'ordre financier (Merck a transféré à l'INBio du
Costa Rica 2,6 millions de dollars en sept ans, à comparer au coût moyen de
développement d'un nouveau médicament estimé à 359 millions de dollars) que d'ordre
pratique. Avec qui négocier ? Directement avec les communautés indigènes, ce qui se
heurte à leur inexistence juridique et pose d'insolubles problèmes d'intermédiaires ? Ou
avec les Etats concernés ? Ceux-ci ont souvent vu la commercialisation de leurs
ressources vivantes comme une source inespérée de richesse, ce qui les a amenés à
prendre des dispositions pour en tirer parti, c'est-à-dire selon les termes crus de la
revue Natureà « ouvrir des bars et des maisons de tolérance pour le flot à venir de
bioprospecteurs (7) » .Mais le flot n'est pas venu, ce qui les a conduits à durcir leurs
positions. Lors d'un séminaire tenu le 6 mars dernier à Ibadan au Nigeria, le ministre de
la Science et de la Technologie de ce pays a ainsi invité les Etats africains à adopter «
des réglementations appropriées sur la propriété intellectuelle pour prémunir leurs
plantes du chapardage international . » De son côté, la Malaisie a interdit la sortie de
plantes de son territoire dans le but de construire une industrie pharmaceutique
nationale.
L'exploitation de la biodiversité comme sources de nouvelles molécules est donc
prometteuse, mais sa rentabilité est aujourd'hui incertaine. De ce fait, l'effort de
bioprospection est pour une bonne part le fait d'institutions publiques. Aux Etats-Unis, le
programme International Cooperative Biodiversity Group lancé en 1992 unit les efforts de
quatre agences fédérales pour explorer la biodiversité des pays du Sud à partir de
principes inspirés de ceux de la CDB : aider à l'inventaire et à la préservation de la
biodiversité, faciliter le transfert de technologie et aider au développement scientifique
des pays. En France, le CNRS et son institut des substances naturelles de Gif dirigé par
Pierre Potier et l'IRD poursuivent des objectifs comparables en explorant la biodiversité
des départements et territoires d'Outre-Mer. Ces initiatives publiques jouent le rôle de
pilotes, défrichant un terrain compliqué pour une industrie pharmaceutique prudemment
dans l'expectative.
En attendant que la situation juridique de l'accès à la biodiversité se clarifie, les
industriels développent des stratégies permettant d'exploiter les produits naturels sans
être embarrassés par ce débat plus politique que scientifique. La première est d'exploiter
les substances naturelles d'organismes vivants accessibles sans problèmes juridiques.
Merck est ainsi lié par contrat avec le jardin botanique de New York. Les végétaux
endogènes des pays du Nord sont également étudiés ; après tout, le célèbre taxol ne
provient pas d'une forêt tropicale, mais des forêts anciennes de la côte Pacifique
américaine. L'exploitation des organismes marins se développe également. Lorsqu'ils
sont prélevés dans les eaux internationales, ils n'entrent pas dans le cadre de la CDB et
sont donc librement accessibles. Enfin, les bons vieux micro-organismes recouvrent une
nouvelle jeunesse. Selon David M. Turner du département des substances naturelles de
Glaxo, ils continuent à fournir la majorité des substances naturelles employées dans
l'industrie pharmaceutique(8). Cette source n'est pas prête de se tarir puisque l'on ne
sait presque rien du nombre d'espèces de bactéries et autres unicellulaires(IV). Les
avantages de l'exploitation des micro-organismes ont d'ailleurs inspiré les botanistes.
Une voie de recherche active est l'utilisation de cultures in vitro de cellules végétales, qui
devrait permettre de s'affranchir des problèmes d'approvisionnement précédemment
évoqués.
Pour certains observateurs, le thème de l'exploitation des forêts tropicales comme source
de nouveaux médicaments a fait l'objet d'une sorte d'illusion collective à la suite de la
Conférence de Rio. Les pays du Sud, encouragés par certaines ONG, ont cru se découvrir
une richesse insoupçonnée. Dans le même temps, l'industrie pharmaceutique a cru
trouver dans l'exploitation de la biodiversité le réservoir de nouvelles molécules qu'elle
recherchait depuis l'avènement du criblage à haut débit. Le malentendu semble en train
de se dissiper, même si les substances naturelles restent incontournables dans certains
secteurs spécifiques. Pour Steve Blakemore, du département de botanique du Muséum
d'histoire naturelle de Londres : « Il est clair que les substances naturelles constituent
une mine inépuisable de nouveaux principes actifs. Mais c'était là un très mauvais
argument pour défendre la préservation de la biodiversité, avant de conclure, je préfère
pour ma part insister sur les risques pour l'habitat humain (désertification, inondation)
de la perte de biodiversité, même s'il reste un long chemin à parcourir pour convaincre
les responsables politiques que c'est là le véritable enjeu. »

LÉVÊQUE Christian, La biodiversité au quotidien. Le développement durable à


l’épreuve des faits, 2008
pp.177-179
Substances naturelles et molécules actives: des simples aux pilules
Depuis bien longtemps, les hommes utilisent les produits de la nature pour se soigner. Un savoir
empirique s'est constitué progressivement, à partir de l'expérience acquise et des ressources
disponibles dans la nature. Nul doute que ce savoir, qui devait avoir une valeur sociale inestimable, a
dû donner lieu à de sanglantes luttes de pouvoir. Ce n'est pas par hasard que le savoir médical a été
l'apanage des prêtres ou des guérisseurs durant toute l'Antiquité, et même au-delà. Un savoir plus ou
moins accompagné de pratiques superstitieuses ou magiques.
Une collection de tablettes d'argile assyriennes du vue siècle avant J. -C retrouvées dans le palais
d'Assurbanipal atteste déjà de la connaissance de 650 produits à usage thérapeutique. Des végétaux
et des animaux essentiellement, dont beaucoup sont encore en usage: menthe, ricin, réglisse, opium.
L'Égypte n'est pas en reste car dès l'Ancien Empire, elle utilise des produits d'embaumement, et des
remèdes aux formules parfois complexes. Bien plus tard, le médecin militaire grec Dioscoride, dans un
traité écrit en 77 après J.-C., détaille l'usage de 600 produits - une pharmacopée que Rome copiera
Bien entendu, on avait déjà une connaissance très approfondie des poisons dont une cinquantaine
avaient été recensés: ciguë, if, orpiment (sulfure d'arsenic), chenilles processionnaires du pin, etc. La
biodiversité a souvent fait basculer le cours de l'histoire!
Vers les Ve-VIe siècles, les Arabes récupèrent le savoir antique. Ils l'enrichissent avec d'autres
plantes orientales telles que le camphre, le benjoin, la rhubarbe, etc. C'est cet héritage que l'Europe
chrétienne va redécouvrir vers les xie-xiie siècles et qui va constituer jusqu'à la fin du Moyen Âge
l'essentiel des connaissances des médecins de l'époque. Les herbes aromatiques ont des propriétés
curatives: la lavande et le thym s'emploient comme antiseptiques, la menthe est efficace contre les
spasmes, le romarin contre le choléra, la sauge contre les migraines, etc. A partir de la Renaissance,
on commence à utiliser des « drogues » plus sophistiquées. Elles utilisent des concentrés de principes
actifs des plantes afin de faciliter leur administration. On prépare des extraits, des teintures, des vins
médicinaux. On distille en empruntant leurs techniques aux alchimistes. On sépare ainsi les
constituants volatils de plantes ou de résines pour obtenir des huiles distillées et des eaux
aromatiques, très prisées aux xvne et xvme siècles. Ces manipulations se confondent souvent avec la
chimie (alchimie) de l'époque.
Vers la fin du XVIIe siècle, la chimie prend la main. On identifie les principes actifs des plantes et on
les extrait Ainsi, au début du xixe siècle, on parvient à isoler la forme pure de la morphine extraite du
pavot, puis la quinine à partir de l'écorce de quinquina. Plus tardivement, on procèdera à la synthèse
artificielle des molécules actives identifiées dans le monde vivant comme l'aspirine en 1897. L'« acide
de la spirée » est le nom scientifique de la reine-des-prés. Le saule et la reine-des-prés contiennent
des molécules précurseurs chimiques de l'acide salicylique, doté de certaines propriétés
thérapeutiques. Plus récemment des agents anti-tumoraux ont été isolés sur la pervenche de
Madagascar (alcaldides) et de l'écorce de l'if américain (paclitaxel). Les animaux sont également à
l'origine de substances pharmacologiques. Le foie des requins contient des substances augmentant la
résistance de l'organisme humain aux affections cancéreuses. Le venin des abeilles est utilisé dans le
traitement des arthrites.
Depuis quelques décennies, l'extraordinaire diversité de la faune et de la flore marines a incité les
scientifiques à y rechercher de nouvelles molécules aux propriétés chimiques inédites. Plusieurs
milliers de substances sont aujourd'hui répertoriées, dont certaines appartiennent à de nouvelles
classes de molécules sans analogues terrestres. Près de la moitié des molécules marines brevetées
dans le monde depuis 1969 ont des propriétés anti-tumorales : la cytarabine (un anti-leucémique)
provient d'une éponge de la mer des Caraïbes et la bryostatine, dérivée d'un bryozoaire du golfe de
Californie, est particulièrement prometteuse car elle inhibe le développement des tumeurs solides et
des mélanomes. Les grands groupes pharmaceutiques s'intéressent également aux neurotoxines (par
exemple le venin des gastéropodes) pour fabriquer des antalgiques.
Parmi les milliers de molécules d'origine marine identifiéesjusqu'à présent, quelques dizaines
seulement présentent des perspectives de commercialisation, et nombre de ces substances ont été
isolées chez des espèces rares. Elles ne peuvent donc pas être récoltées en grande quantité, et
l'élevage est impossible. Quant à la synthèse chimique, elle est souvent difficile compte tenu de la
structure extrêmement complexe des nouvelles molécules.
De nos jours, une partie non négligeable du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique mondiale
provient de médicaments élaborés à partir des principes biologiquement actifs extraits des plantes.
Mais à côté de cette médecine « savante », existe une médecine empirique, celle qui concerne la
majorité de la population. Environ 80 % des êtres humains n'ont toujours pas accès à la médecine
moderne, trop coûteuse. Ils se soignent à partir de remèdes traditionnels. Les pratiques se sont
transmises à travers les âges grâce aux guérisseurs et aux sorciers.

BARBAULT Robert, Un éléphant dans un jeu de quilles. L’homme dans la


biodiversité, 2006
pp.197-198
Plantes, animaux, micro-organismes sont également une source, encore largement inexplorée, de
substances médicinales ; ils représentent un réservoir stratégique pour l'industrie
pharmaceutique. Sur la majeure partie du globe, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, les
populations humaines font toujours largement appel aux vertus des plantes pour se soigner. Ce savoir
mériterait d'être mieux valorisé.
Aux États-Unis, 25 % des médicaments sont directement issus de plantes. Selon Tom Lovejoy,
une analyse récente de l'économie américaine montre que 10 % du PNB provient de ressources
biologiques sauvages. Le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique mondiale résultant de
principes biologiquement actifs, extraits de plantes originaires pour la plupart des forêts tropicales,
souvent aujourd'hui encore récoltées in situ, excède plusieurs milliards de dollars par an. Tel est le
cas des tranquillisants du groupe de la réserpine, de la vinblastine - l'un des plus puissants
anticarcinogènes connus - et de divers cardiotoniques. C'est, par exemple, la pervenche rose,
originaire de Madagascar, qui a permis de synthétiser cette vinblastine, un médicament dont les
ventes mondiales se chiffrent à environ 100 millions de dollars par an, un médicament qui quadruple
le taux de survie dans le cas de la leucémie infantile.
La pharmacopée traditionnelle chinoise utilise plus de cinq mille espèces de plantes. L'industrie
pharmaceutique, elle, a exploré les vertus médicinales de mille d'entre elles, et quatre-vingt-dix
seulement ont été mises à contribution par la médecine moderne. Ainsi, plus de 98 % des plantes
supérieures connues restent inétudiées - sans parler des espèces marines.

ROSSI Georges, ANDRÉ Véronique, « La biodiversité : questions de


perspectives », Annales de géographie, 2006/5 n° 651, pp.468-484
L’une des idées de base qui justifie la conservation est, on le sait, que la nature serait
riche en espèces dont nous ne connaissons pas encore la véritable utilité, ou de
nouvelles utilisations ultérieurement possibles. La conservation est donc justifiée
par son utilité potentielle. Mais on peut se demander si, là aussi, cet argument n’est pas
utilisé par les conservationnistes en dehors de tout contexte pour justifier leur point de
vue. Plusieurs remarques conduisent, en effet, à nuancer sa portée. La première est que
ces recherches sont menées depuis fort longtemps (et pas seulement par la
pharmacie occidentale, que l’on songe, par exemple, à l’importance et à l’ancienneté de
la pharmacopée chinoise), sur les familles de plantes réputées actives, essentiellement à
partir des connaissances des populations locales. Les nombreuses études
d’ethnobotanique indiquent clairement que les populations des forêts de la zone
intertropicale ont une connaissance quasi exhaustive de leur biodiversité et de
ses utilisations. La probabilité pour qu’une plante nouvelle révèle une molécule
inconnue n’est donc certes pas nulle, mais elle est sans aucun doute
extrêmement faible. Ensuite, des travaux de botanique tendent à indiquer que ce ne
sont pas particulièrement dans les forêts humides tropicales que se trouvent les
plantes actives, mais dans des milieux, tropicaux ou non, à forte contrainte
(C’est le cas de la célèbre pervenche de Madagascar) ou parmi les plantes grégaires des
espaces ouverts, voire, comme l’indiquent nos propres travaux chez les Hmong et les
Xao de Lao Cai (Nord Vietnam), parmi les plantes communes des friches, les rudénales
ou les adventices des jardins. Enfin, une fois identifiées les molécules intéressantes
sont fabriquées par l’industrie pharmaceutique et ne sont généralement pas
extraites de plantes « sauvages », l’impact de leur utilisation sur l’environnement est
de ce fait des plus limité.

DAJOZ Roger, La Biodiversité. L’avenir de la planète et de l’homme, Ellipses,


2008
pp.81-82
De nombreuses molécules actives ont déjà été extraites de divers organismes et d'autres sont
recherchés par beaucoup d'organismes privés ou publics. Parmi ces derniers on peut citer, en France,
l'Institut de chimie des substances naturelles ou ICSN situé à Gif-sur-Yvette au sud de Paris, et
l'Institut des sciences et des technologies des médicaments de Toulouse partenariat CNRS – Pierre
Fabre). C'est ce que l'on a appelé la « grande pharmacopée de la nature ». De 40 à 70 % des
médicaments actuels sont soit des substances naturelles, soit des dérivés de ces substances.
De 1981 à 2002, NEWMAN etal. (2003) ont montré que 868 nouvelles molécules d'importance
médicales ont été mises sur le marché, dont 340 sont des produits directement issus d'êtres vivants,
ou légèrement modifiés par voie synthétique. Dans ce total les molécules à activité anticancéreuse
sont au nombre de 42. Ces produits naturels d'origine végétale ou animale constituent une source
considérable de nouveaux produits chimiques. Dans certains cas les plantes fournissent le
modèle d'une molécule active que l'industrie peut ensuite modifier pour en faire un
médicament, en la rendant plus active ou moins toxique. L'intérêt pour ces produits naturels s'est
considérablement accru depuis la découverte par Alexander FLEMING en 1928 des propriétés
antibiotiques de la pénicilline issue d'un champignon du genre Penicillium. Les progrès de la chimie
surtout depuis les années 1980 ont permis d'isoler ces substances, de les modifier pour les rendre
plus actives, et parfois de les synthétiser. La recherche de ces molécules, connue sous le nom de
bioprospection est conduite activement aussi bien sur terre que dans les océans. Beaucoup de
groupes d'organismes sont mis à contribution, en particulier parmi les champignons, les plantes et les
invertébrés marins. Actuellement on dispose de plusieurs dizaines de molécules qui sont actives
contre de nombreuses pathologies comme les infections dues à des agents Gram +, les dépressions,
l'hypercholestérolémie, les leucémies, divers types de cancers, etc. Entre 1981 et 2005 on estime que
5 % des 1 031 nouveaux produits pharmaceutiques approuvés aux États-Unis par la FDA (Food and
Drug Administration) étaient des produits naturels et que 23 % des autres étaient des molécules
issues de produits naturels modifiés ou avaient des structures voisines de celles des produits naturels,
comme le Prozac bien connu du grand public. La bioprospection s'étend même au continent
antarctique où les rudes conditions de vie (basse température, aridité, salinité élevée de certains
points d'eau) ont favorisé l'apparition d'espèces qui pourraient être utilisées dans l'industrie chimique
ou dans la production de substances à activité pharmacologique.
Le partage des bénéfices qui pourraient être obtenus à partir d'êtres vivants fait souvent l'objet d'âpres
discussions, en particulier avec les pays tropicaux qui possèdent, en raison de la richesse de leur flore
et de leur faune, la plupart des espèces intéressantes. Des accords sont déjà passés avec certains de
ces pays comme le Costa Rica. Même un pays développé comme les États-Unis protège maintenant
ses ressources. L'enzyme thermostable qui permet la réalisation de la Polymerase Chain Reaction ou
PCR a été obtenue à partir d'un micro-organisme, la bactérie Thermus aquaticus qui vit dans les
sources chaudes du parc de Yellowstone. Le brevet qui a été pris par une entreprise non américaine a
suscité beaucoup de polémiques parmi les chercheurs américains qui refusent de payer pour un
produit provenant de leur pays.

Les produits issus de végétaux


Parmi les quelque 350 000 plantes à fleurs connues seulement 10 % ont été étudiées au point de vue
phytochimique et pharmacologique. Certaines de ces plantes sont utilisées depuis longtemps par les
médecines traditionnelles. D'autres ont été développées récemment. Des chercheurs français
travaillent dans les régions tropicales où la flore est riche et encore peu connue comme la Malaisie, le
Viêtnam, Madagascar, la Nouvelle-Calédonie ou la Guyane française.
Deux plantes principales fournissent des molécules utiles pour le traitement de certains cancers et
d'autres pathologies. Podophyllum peltatum et P. emodii sont des espèces de la famille des
Berbéridacées qui poussent dans certaines régions des États-Unis. La première espèce était utilisée
en médecine traditionnelle ainsi que par des médecins du Missouri et de la Louisiane dès 1897. La
substance active, la podophyllotoxine, agit en inhibant la synthèse de l'ADN. Elle est trop toxique
pour être utilisée en chimiothérapie. Elle est donc employée sous la forme de crème contre les
cancers des voies génitales causées par le papillomavirus. Bien qu'elle soit appliquée sous la forme
de crème, elle a divers effets secondaires plus ou moins importants. Une autre molécule, la berbérine,
existe dans le Podophyllum emodii. Cet alcaloïde peut être employé pour traiter diverses affections
dont le paludisme et comme antibiotique. L'if américain Taxus brevifolia est un arbre dont les
populations sont en déclin. II pousse dans les forêts primaires de l'ouest du pays. Son écorce
renferme une substance, le taxol, qui agit sur certaines formes de cancers des voies génitales chez la
femme et de la prostate chez l'homme (figure 5.4). II fallait au début des expériences 2 grammes de
taxol pour traiter un seul malade, cette quantité nécessitant l'abattage de deux arbres. L'if américain
était donc menacé et en danger de disparition rapide. Heureusement des chercheurs français ont
élaboré une molécule voisine, le taxotère, qui est extraite des feuilles de l'if européen Taxus baccata,
ce qui constitue une ressource renouvelable. La molécule aujourd'hui utilisée est un dérivé de
synthèse, le docetaxel, qui est également actif contre des cancers de la vessie, des ovaires et des
poumons. Malgré ses effets secondaires cette molécule, qui est moins toxique que la
podophyllotoxine, peut être utilisée par voie intraveineuse.
La camptothécine, obtenue à partir de Camptotheca acuminata de la famille des Nyssacées, permet
de traiter certains cancers du colon. Une plante chinoise de la famille des Astéracées, Artemisia
annua, fournit une molécule, l'artemisine qui après modification est active contre le paludisme.
Malheureusement la culture de la plante et la production de l'artemisine ne suffisent pas à la demande
qui est importante. Une Légumineuse, le fenugrec Trigonella fenum graecum, est cultivée depuis
longtemps sur le pourtour de la Méditerranée et en Inde. Son action antidiabétique est connue
depuis plus de 2000 ans. En analysant ses graines les chercheurs de l'ICSN ont découvert et réussi la
synthèse totale d'un acide aminé particulier qui a la propriété de régulariser la glycémie chez l'animal.
Les essais sur l'homme sont encourageants.
Les espèces du genre Catharanthus sont des pervenches qui poussent à Madagascar. L'espèce
Cataranthuse roseus est une petite plante qui vit en forêt et qui produit deux alcaloïdes, la
vinblastine et la vincristine qui sont actifs contre certains types de cancers. On évalue à plus de 180
millions de dollars par an le revenu fourni par ces deux produits. Cinq autres espèces de
Catharanthus poussent à Madagascar. Une d'entre elles, C. coriaceus, est au bord de l'extinction en
raison de la destruction accélérée de la forêt. Le lycopène, un caroténôide abondant dans les tomates,
a réduit le pourcentage de cancers de la prostate parmi un échantillon de 40 000 hommes aux États-
Unis. Des alcaloïdes semblent freiner la progression de la maladie d'Alzheimer. C'est le cas de la
galanthamine extraite de plantes du genre Galanthus qui sont voisines des perce-neige de nos
régions, ou de l'huperzine A extraite de la mousse chinoise Hupergia serrata. Des extraits de Ginkgo
biloba semblent aussi bénéfiques pour traiter la maladie d'Alzheimer. On a établi récemment que,
grâce à sa teneur élevée en éléments comme les anthocyanes, les extraits de Vaccinium oxycoccus,
une plante voisine de la myrtille, connue sous le nom américain de cranberry, était active contre
l'agent responsable d'une affection de la vessie, la cystite.

Les espoirs apportés par les insectes


Face à la résistance croissante des micro-organismes pathogènes envers les antibiotiques
traditionnels, on recherche de nouvelles substances chez les insectes. Dans le monde plusieurs
firmes pharmaceutiques, dont une française installée en Alsace, se consacrent à cette recherche. Les
Français prospectent en particulier parmi la riche faune de la Guyane. La découverte de peptides aux
propriétés antimicrobiennes remonte à 1981 avec les recherches du Suédois Hans BOMAN qui a
découvert chez le papillon Hyalophora cecropia une molécule active baptisée cécropine. Depuis,
environ 500 peptides anti-infectieux ont été découverts chez les insectes, dont plusieurs chez
les seules Drosophiles, ce qui explique pourquoi les insectes résistent aux attaques des
Bactéries et des Champignons. Des peptides antimicrobiens existent aussi chez les plantes,
les Batraciens et les Mammifères. Lors des prospections, des exemplaires des espèces capturées
qui réagissent à une injection de Bactéries ou de Champignons ont leur hémolymphe prélevée puis
envoyée au laboratoire. Les peptides actifs y sont étudiés, améliorés et synthétisés en vue de leur
production. Plusieurs molécules à activité antibactérienne, antifongique ou anticancéreuse sont déjà
en cours d'essai bien que le nombre d'espèces d'insectes testés soit seulement de 1 400 environ.
Cependant ces peptides posent des problèmes encore non résolus. Ils pourront entraîner chez les
Bactéries l'acquisition d'une résistance si on les emploie trop souvent, comme les antibiotiques
classiques. En outre, leur mode d'action est encore mal connu, de même que leur toxicité, et ils sont
très chers. II y a certainement là un vaste domaine à exploiter, mais des recherches doivent encore
être poursuivies.
II ne faudrait pas croire que, dans l'état actuel de nos connaissances, les produits d'origine
animale ou végétale sont des panacées qui peuvent guérir toutes les pathologies. II existe
dans tous les pays beaucoup trop de « remèdes » qui sont proposés par des charlatans ou qui
proviennent de croyances anciennes injustifiées. Dans certains cas ces remèdes constituent des
menaces pour la survie des espèces qui les fournissent et ils sont la source d'un trafic plus ou moins
clandestin. C'est le cas de la corne de rhinocéros, de la vésicule biliaire des ours, ou des os des
tigres qui font partie de la pharmacopée traditionnelle chinoise. Une vésicule biliaire d'ours se vend
jusqu'à 1 000 euros. Certains produits à base de plantes, utilisés sans discernement et sans contrôle
médical, peuvent être dangereux. Le millepertuis, remède populaire employé en tisanes, a été la
source de graves atteintes rénales.

Les produits issus d'organismes marins


La recherche de molécules actives chez les organismes marins est en plein essor. Le milieu marin est
encore largement sous exploité et ce qui suit n'est qu'un faible aperçu de ce que l'on sait déjà. Les
chimistes ont découvert de nombreuses substances à activité antitumorale, antivirale, antibiotique,
etc. II existe des Bactéries du groupe des Actinomycètes dans le milieu terrestre ainsi que dans le
milieu marin. Dans le sol, les espèces du genre Streptomyces ont fourni un antibiotique, la
streptomycine. Plus de 50 % des antibiotiques d'origine marine proviennent d'Actinomycètes marins
comme ceux du genre Salinispora qui se sont révélés être une riche source de nouvelles molécules.
Les Algues et les Invertébrés marins font l'objet de nombreuses recherches. A la station biologique de
Roscoff en Bretagne, un chercheur a trouvé dans les oeufs des oursins et des étoiles de mer une
substance appelée roscovitine qui fonctionne comme un inhibiteur de la cyclin-dependent kinase (ou
Cdk) et qui agit sur les divisions cellulaires. Cette molécule est un agent anticancéreux et le stade des
essais cliniques a été atteint dans un hôpital parisien. Beaucoup d'Invertébrés marins qui vivent
fixés sont dépourvus de système de défense (carapace, épines, organes urticants) et ils sont
incapables de fuir pour échapper à leurs ennemis. Ils ont acquis de ce fait la capacité de
produire des substances défensives, répulsives ou toxiques dont beaucoup ont révélé
d'intéressantes propriétés pharmacologiques. Les Spongiaires sont les plus recherchés de ces
organismes (en particulier en Polynésie française), car beaucoup produisent des molécules dont le
rôle est de limiter le broutement par les prédateurs ou la colonisation de leur surface. Certaines de ces
molécules ont des propriétés antitumorales, antibiotiques ou anti-inflammatoires. La première
substance extraite d'une éponge a été la spongouridine, un nucléotide qui a servi de modèle pour la
synthèse d'un agent antitumoral. La gorgone Flexaura hormonella (Invertébré appartenant au phylum
des Cnidaires) produit, à raison de 1,5 % de son poids sec, une prostaglandine, la (15R) PGA2 qui
n'est pas active par elle-même, mais qui peut facilement, par une légère modification, être
transformée en un composé actif, la (15S) PGA2. Les prostaglandines sont actives à faibles doses sur
des fonctions très diverses comme l'activité des muscles lisses, l'hypotension artérielle, le système
nerveux central, etc. Deux espèces d'Ascidies de la mer Caraïbe et de la mer Méditerranée,
Eicteinascidia turbinata et Aplidium albicans, permettent d'obtenir des composés actifs contre certains
sarcomes et ils sont en cours d'essais. Les bromo-indirubines extraites de Gastéropodes du genre
Murex de la Méditerranée sont testées contre la maladie d'Alzheimer et le diabète.
Un problème se pose : on ne sait pas élever tous ces organismes marins qui peuvent fournir
des substances utiles, et l'extraction doit cesser en raison du manque d'animaux disponibles.
II y a donc là une menace potentielle pour ces espèces, tant que l'on n'arrivera pas à
synthétiser les molécules actives.

 DIVERS À RECLASSER
Castor et Aspirine
Le Castor se nourrit principalement de l’écorce et des feuilles des saules et peupliers,
arbres de la famille des salicacées. Il n’est donc pas étonnant que le « castoréum »,
produit d’une glande du rongeur, contienne de grandes quantités de salicine.
L’écorce de saule était elle-même connue depuis Hippocrate comme antalgique ; la
salicine fut découverte au début du 19e siècle et, après la synthèse de l’acide acétyl-
salicylique, l’Aspirine fut commercialisée en 1889.
Le castoréum était largement utilisé en pharmacopée, pour lutter contre les maux de
tête, mais aussi pour bien d’autres usages (antispasmodique, stimulant…). On l’utilise
aussi en parfumerie.

Plantes médicinales
La médecine utilise des milliers d’espèces végétales à travers le monde, soit en extrayant
le principe actif dans les plantes, soit en s’en inspirant pour la création de molécules de
synthèse.
LA QUININE
Au XVIIe siècle, les indiens du Pérou ont fait connaître aux missionnaires jésuites le
quinquina, l’ « écorce sacrée ». Des pharmaciens français isolèrent en 1820 l’alcaloïde
concerné (la Quinine). La synthèse totale de la molécule fut réussie en 1944.
L’IF DU PACIFIQUE
Le paclitaxel (nom commercial Taxol), a été isolé en 1967 dans l’écorce de l’If du
Pacifique (Taxus brevifolia). Ce médicament est utilisé dans le traitement du cancer du
poumon, de l’ovaire et du sein. La très faible concentration de la molécule dans l’arbre a
menacé de disparition l’If lui-même, mais aussi un hibou qui lui est étroitement associé.
Actuellement, on produit une molécule très voisine du paclitaxel, avec les mêmes
propriétés, à partir d’une actinobactérie, le Nodulisporium sylviforme. En 2000, les
ventes annuelles de ce médicament ont représenté 1,2 milliard d’euros.
LA PERVENCHE DE MADAGASCAR (Catharanthus roseus, anciennement Vinca rosea),
est utilisée en médecine traditionnelle sous forme de thé. Dans les années 1950, les
chercheurs ont découvert qu’elle contenait une série d’alcaloïdes inhibant la division
cellulaire. On en tire la vinblastine et la vincristine, utilisées comme cytostatiques dans le
traitement de certains cancers (leucémies, maladie de Hodgkin). Un anti-cancéreux, la
Navelbine®, a été préparé à partir de la Pervenche de Madagascar et il a été mis sur le
marché dans le cadre d’une collaboration entre l’Institut de chimie des substances
naturelles (ICSN) de Gif-sur-Yvette, et un Laboratoire pharmaceutique français. Cette
collaboration scientifique fructueuse entre le CNRS et l’industrie a également conduit en
mars 2000 à l’émission par La Poste d’un timbre officiel consacré à la Pervenche de
Madagascar. Cette émission a constitué une « première » pour le CNRS. Cette plante est
aujourd’hui menacée à Madagascar par le déboisement et l’agriculture sur brûlis.

Antobiotiques et Défensines
L'une des plus grandes découvertes du XXème siècle provient sans aucun doute du
médecin militaire français Ernest Duchesne qui observa en 1896 que le champignon
Penicillium glaucum peut éliminer totalement la bactérie Escherichia coli dans une culture
contenant ces deux seuls organismes. Il montra également qu'un animal survit à une
dose mortelle de bacilles de typhoïde s'il a été préalablement inoculé avec Penicillium
glaucum.
En 1928, c'est parce que sa souche du champignon Penicillium notatum avait colonisé
certaines boîtes de cultures de bactéries voisines et éradiqué ces cultures que Sir
Alexander Fleming a redécouvert la pénicilline. En fait, on sait depuis peu que les
antibiotiques sont utilisés depuis des millénaires par certaines espèces de fourmis…
La découverte de nouveaux antibiotiques donne des résultats, mais ces produits
induisent aussi des résistances.
Une autre piste se dessine aujourd’hui. De nouveaux tueurs de microbes ont été
découverts chez l'homme en 1985. Il s'agit de petites protéines appelées défensines
et qui, contrairement aux antibiotiques conventionnels, ne s'attaquent pas seulement aux
bactéries mais aussi aux virus et aux champignons. Ainsi, nous produisons plusieurs
centaines de milligramme de défensines par jour, ce qui est considérable, notamment
dans ce milieu aqueux et chaud qu'est notre bouche.
Or, à partir de la fin des années 1980, on a découvert des défensines chez des insectes
comme les mouches à viande Sarcophagaperegrina et Phormia terranovae et la libellule
Aeschna cyanea qui sont incroyablement résistantes aux infections microbiennes. On a
ensuite trouvé des défensines dans les plantes, les moules Mytilus edulis et Mytilus
galloprovincialis et l'huître Grassostrea gigas. On vient même de découvrir une
défensine chez un champignon saprophyte qui vit sur les litières de pins en zone
boréale. Nommée plectasine, elle s'est révélée avoir une structure et des propriétés
antimicrobiennes voisines de celles reportées pour les défensines de vertébrés, de la
moule et de la libellule.
Les défensines dériveraient donc d'un gène ancestral d'environ un milliard d'années…
La plectasine se révèle aussi efficace que la vancomycine et la pénicilline contre les
agents pathogènes responsables de la péritonite et la pneumonie chez l'animal de
laboratoire. Qui plus est, elle agit également sur des souches bactériennes résistantes
aux antibiotiques conventionnels. Enfin, le mode d'action des défensines est différent de
celui des antibiotiques et permet de penser que les défensines rendraient beaucoup plus
difficile la résistance des microbes à leur action mortelle ou paralysante.

Animaux médicinaux : Cônes et Grenouilles


Les animaux produisent également des molécules utilisables en médecine.
Ainsi, des chercheurs américains de l’Université Wake Forest ont découvert que des
toxines issues du venin de Cône, un mollusque marin, pourraient permettre la mise au
point de nouveaux antalgiques capables de soulager les douleurs rebelles d’origine
neurologique. Testées chez des souris souffrant de névralgie, ces toxines ont donné
d’excellents résultats. La toxine de Cône peut arrêter la douleur neurologique en bloquant
les récepteurs cellulaires, ouvrant ainsi un vaste champ de recherche pour la mise au
point d’une nouvelle classe de médicaments antalgiques.
Les grenouilles semblent également très intéressantes. Des chercheurs ont identifié
chez l’une d’elles une substance permettant de prévenir les piqûres de moustiques.
D’autres espèces produisent des substances antibactériennes particulièrement efficaces.

Le manchot royal, la sphéniscine et la conservation des aliments


Des chercheurs français ont montré que le Manchot royal qui incube son œuf est capable
de nourrir le poussin à l'éclosion avec de la nourriture qu'il a conservée pendant 3
semaines dans son estomac, à une température de 38°C. Ils ont ainsi découvert
une petite protéine, nommée sphéniscine, dont ils ont déterminé la structure. La
molécule de synthèse correspondant à cette structure se révèle avoir d'intéressantes
propriétés antimicrobiennes et antifongiques, ouvrant des perspectives pour la
conservation d'aliments ou la création de nouveaux médicaments.

Modèles marins
Une analyse des prix Nobel de médecine montre que les modèles marins ont souvent
été à l’origine de découvertes très importantes :
E. Metchnikoff, prix Nobel 1908, a découvert la phagocytose à partir de travaux sur
L’ÉTOILE DE MER;
C. Richet, prix Nobel 1913, et P. Portier découvrent le choc anaphylactique, suite à des
travaux à partir de la PHYSALIE lors d’une campagne océanographique ;
A.L. Hodgkin et A.F. Huxley, prix Nobel en 1963, utilisent le nerf de CALMAR, mille fois
plus gros (en section) que celui de l’humain, et grâce à lui, mettent en évidence les
mécanismes de base de la transmission de l’influx nerveux ;
En 1980, E. Kandel reçoit le Nobel pour ses travaux sur les bases moléculaires de la
mémoire sur une petite LIMACE DE MER; elle lui a permis de découvrir de très
importantes protéines et des connexions neuronales fondamentales lors de la
mémorisation, ce qui pourrait avoir des applications pour le traitement de la maladie
d’Alzheimer ;
T. Hunt reçoit le Nobel en 2001 pour la découverte des complexes de cyclines avec les
cdc, molécules-clés dans le phénomène de cancérisation, en travaillant sur L’ÉTOILE DE
MER.
Nous pourrions encore citer la découverte des clés moléculaires du soi et du non soi (la
capacité pour les organismes d’identifier les corps étrangers) à partir d’ascidies,
l’isolement et la caractérisation du premier récepteur membranaire de neurotransmetteur
grâce aux organes électriques de raies torpilles, la mise en place des yeux chez une
méduse, le système immunitaire des requins proche de celui du nourrisson…
Notons enfin que la biologie moléculaire a pu connaître des progrès décisifs grâce aux
extraordinaires molécules que sont les protéines fluorescentes des méduses.

L’Ours brun est le seul mammifère capable, pendant son hibernation, de mobiliser ses
graisses sans faire fondre ses muscles. La compréhension de ce phénomène pourrait être
particulièrement utile pour améliorer les moyens de lutte contre l’obésité humaine.

L’’importance de l’observation des animaux dans les découvertes médicales n’a


rien d’une nouveauté.
En 1752, Réaumur chercha à comprendre le mécanisme par lequel les rapaces rejettent
des boulettes de poils et d’os. Il fit avaler à l’un d’eux un tube métallique percé de trous
et contenant de la viande. Lorsque l’oiseau recracha le tube dans une boulette, Réaumur
constata que la viande avait disparu. Il fit alors avaler un morceau d’éponge à un rapace,
qui le recracha. Le scientifique put ainsi récupérer le suc gastrique et aider à comprendre
le mécanisme de la digestion, qui apparut alors comme un phénomène chimique et
non physique.

La peau : un écosystème à part entière


Tout le corps humain constitue un écosystème à part entière, occupé par des milliards
d’acariens, bactéries, levures, virus… Ces organismes contribuent généralement à nous
maintenir en bonne santé, et seule une infime minorité est source de maladies.
La biodiversité est décidément partout, y compris là où on l’attend le moins, par exemple
sur notre peau. Vue par les micro-organismes, la peau est un vaste paysage plein de pics
et de vallées, de recoins et de cachettes habités par des communautés d’organismes
incroyablement diversifiés. C’est une sorte de terreau habité par un monde fascinant,
écosystème discret obéissant aux règles habituelles de tout système écologique.
La frange la plus superficielle de la peau est un environnement instable car il s’agit d’une
couche cornée faite de petites écailles continuellement renouvelées. L’épiderme vivant
est un bain de culture richement nourri par des secrétions glandulaires qui assurent le
maintien d’une flore et d’une faune faites de myriades d’organismes et de microbes.
L’accès aux couches profondes se fait à la faveur d’orifices variés (glandes sudoripares,
follicules capillaires d’où surgissent les poils, glandes sébacées), dont les secrétions sont
des nutriments pour les microorganismes La densité des bactéries peut varier entre 314
bactéries par cm sur la peau du dos à quelque 2,5 millions par cm dans les régions les
plus riches.
Dans une prairie, on distingue les producteurs (l’herbe), les consommateurs (les vaches)
et les décomposeurs (les microorganismes du sol). Sur la peau, le système est un peu
différent puisque le rôle de producteur est assuré par la peau elle-même ; il n’existe
qu’un animal consommateur, le petit acarien Demodex folliculorum, qui vit et se
reproduit dans et autour des cils, des follicules capillaires ainsi qu’autour des narines. On
compte aussi quelques passagers clandestins indésirables comme les poux ou les puces
qui ne font pas à proprement parler partie des communautés cutanées permanentes. Les
autres organismes sont des levures, des bactéries, peut-être quelques virus parasites de
ces dernières. La plupart des bactéries sont inoffensives sauf une, le staphylocoque doré
Staphylococcus aureus qui peut être la cause d’infections sévères, surtout depuis qu’elle
a acquis la capacité à résister aux antibiotiques. Les communautés d’organismes de la
peau ne sont pas des univers clos isolés sur leur hôte comme des naufragés sur une île.
Elles voyagent d’hôte en hôte sur de minuscules radeaux de peau qui tombent de leur
porteur, chacun pouvant transporter des milliers de passagers qui ne demandent qu’à
trouver un autre hôte pour s’implanter et se multiplier.
A QUOI SERT CETTE BIODIVERSITÉ ?
On considère qu'elle joue un rôle protecteur pour notre santé. Elle contribue tout d’abord
à éliminer les déchets que nous produisons. Par ailleurs, elle limite l’arrivée d’organismes
pathogènes. Comme dans tout écosystème, il est plus difficile pour des « microbes » de
coloniser une peau déjà fortement occupée par des organismes.

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