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Université Libre de Bruxelles

Faculté des Sciences Appliquées


Service des Constructions Mécaniques et Robotique

Le Contrôle Hiérarchisé d’un Robot


Marcheur Hexapode

Paul ALEXANDRE

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de


Docteur en Sciences Appliquées sous la direction
du Professeur André PREUMONT

Année académique 1996-1997


Préface

Le projet dans lequel s’inscrit ma thèse a débuté en 1990 avec le pro-


gramme de recherche européen TELEMAN-Sherpa, dont l’objectif était de
promouvoir l’idée d’un robot mobile marcheur pour les tâches d’inspection
et de maintenance dans l’industrie nucléaire. Dans ce cadre, le Service des
Constructions Mécaniques et Robotique du Professeur André Preumont s’est
vu confier la tâche du développement d’un prototype de robot marcheur afin
d’expérimenter des algorithmes de contrôle.
La première étape de la recherche a consisté en la construction de la
plate-forme expérimentale Silex et de son électronique de commande. Ce
dispositif, qui a servi de base à mes travaux, a été réalisé par Didier Ghuys
et Pierre Crockaert. Les premiers pas du robot ont été effectués au début
de l’année 1993; il s’agissait de démarches régulières sur sol horizontal.
Peu de temps après, j’ai rejoint le Service des Constructions Mécaniques
et Robotique et me suis d’abord attaqué au problème du contrôle d’attitude
et d’altitude du véhicule. Parallèlement, je me suis intéressé aux différentes
solutions au problème de la coordination et en particulier aux algorithmes
de free gait. J’ai été aidé dans cette tâche par Frédéric Goffin; il réalisa
notamment un programme d’animation graphique de la marche du robot
qui permet de tester les algorithmes de coordination.
D’autre part, des capteurs ont été mis au point afin de mesurer les forces
de contact aux extrémités des pattes. Thomas Parvais assura leur dimen-
sionnement et leur intégration aux pieds du robot. Ceci a servi de base à
l’implémentation de la suspension active du véhicule.
La principale contribution originale de ma thèse est un algorithme de
coordination du type free gait qui permet d’exploiter pleinement la mobi-
lité omnidirectionnelle du robot Silex, tout en garantissant une marge de
stabilité importante. On peut mentionner également l’organisation par-
ticulière du contrôle des six degrés de liberté du châssis en deux parties
indépendantes, l’une assurant le contrôle des trois degrés de liberté horizon-
taux nécessaire à la navigation et l’autre, le contrôle d’attitude et d’altitude,
d’une part, ainsi que la suspension active, d’autre part. Il est remarquable
d’observer que les trois boucles d’asservissement apparaissent à des niveaux
différents du contrôle hiérarchisé; ceci offre une démonstration éclatante du
potentiel de la stratégie adoptée pour le contrôle de mobilité d’un robot
marcheur.
La validation expérimentale des différents algorithmes de contrôle que j’ai
mis au point constitua une partie importante de mon travail. Je fus assisté
dans cette tâche par Frédéric Goffin, Thomas Parvais et plus récemment par
Yves Ngounou. Je remercie Frédéric, Thomas et Yves pour leur contribution
au projet et pour le plaisir que j’ai eu de collaborer avec eux.
J’adresse également tous mes remerciements au Professeur Vytautas
Ostasevicius de l’Université de Kaunas, en Lituanie, ainsi qu’à Ioan Doroftei,
Assistant à l’Université de Iasi, en Roumanie, pour leur aide et leurs conseils
avisés dans l’amélioration de la conception mécanique du robot.
Je remercie le Professeur Yvan Baudoin de l’Ecole Royale Militaire qui
m’a soutenu et a mis à ma disposition divers moyens techniques qui m’ont
été d’une grande utilité.
Enfin, je tiens à exprimer ma gratitude et mes remerciements au Pro-
fesseur André Preumont dont la direction attentive et éclairée m’a permis
de mener à bien cette thèse, ainsi qu’à mes collègues du Service, qui m’ont
soutenu et aidé tout au long de cette recherche: Vincent Piéfort, Nicolas
Loix et Younes Achkire.
Chapitre 1

Introduction

1.1 Les robots mobiles


L’utilisation des robots mobiles est aujourd’hui couramment envisagée
pour l’automatisation de nombreuses tâches. Celles-ci sont particulièrement
diversifiées: le nettoyage, le transport dans les ateliers automatisés, l’agri-
culture, l’exploitation des mines, l’assistance aux personnes handicapées et
l’exploration de milieux hostiles en sont quelques exemples.
L’architecture mécanique d’un robot mobile dépend très largement des
spécificités de la mission à effectuer et de l’environnement de travail. Ces
données conditionnent entre autres le choix d’un système de locomotion
approprié. Trois configurations fondamentales peuvent être distinguées: les
robots à roues ou à chenilles, les robots à pattes et les corps articulés. Des
systèmes hybrides sont également possibles (figure 1.1).

• Les robots à roues ou à chenilles sont les plus répandus; ils sont aisés
à commander grâce au nombre restreint de degrés de liberté (le plus
souvent deux) et sont très efficaces sur un sol plat ou modérément
accidenté dans le cas des chenilles. Ils sont largement utilisés dans
l’industrie pour le transport et la manutention automatisés dans les
ateliers et les entrepôts (AGV).

• Les robots à pattes sont considérés pour leur mobilité supérieure obte-
nue grâce à un nombre élevé de degrés de liberté. Le contact avec
le sol est discret, ce qui permet une sélection des points d’appui en
fonction des conditions locales du terrain. La charge utile est relative-
ment faible, essentiellement à cause d’une puissance installée intrin-
sèquement élevée. Divers prototypes expérimentaux ont été mis au

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point, la plupart du temps, pour des activités d’inspection ou d’explo-
ration de milieux peu accessibles. Néanmoins, malgré leurs possibilités
attrayantes en matière de mobilité, l’intérêt de l’industrie pour ce type
de véhicule se révèle être, à ce jour, encore très limité.
• Les corps articulés sont constitués de plusieurs modules élémentaires
disposant de plusieurs degrés de liberté l’un par rapport à l’autre.
Certaines configurations de ce type permettent une mobilité analogue
à celle du serpent (mobilité péristaltique). Parmi diverses applications
possibles de ce type de robot, on peut citer la maintenance des sites
nucléaires (figure 1.1c) et l’inspection des tuyauteries.

Figure 1.1: Quelques configurations possibles de robots mobiles: (a) Robot


à roues du type AGV (b) Robot à pattes (c) Robot à corps articulés (d)
Robot hybride.

• Enfin, certains robots mobiles sont basés sur plusieurs principes de


locomotion afin d’allier leurs qualités respectives. Il s’agit par exemple

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du véhicule à pattes et à roues de la figure 1.1d utilisé comme véhicule
tout-terrain dans les régions alpestres.
On a systématiquement recours aux robots à roues pour leurs meilleures
performances lorsque les voies de passage sont adaptées à ce type de loco-
motion. Cependant, ceux-ci ne peuvent convenir dans de nombreuses cir-
constances tant à l’intérieur des bâtiments (escaliers) qu’en environnement
extérieur. Ainsi, d’après un rapport de l’US army (1967), plus de la moitié de
la surface terrestre reste inaccessible aux véhicules à roues ou à chenilles alors
que la plupart de ces terrains présentent peu de difficultés pour les animaux.
Ce type de milieu peu accessible pourrait se rencontrer également dans un
environnement industriel très déstructuré comme, par exemple, suite à un
accident (présence d’obstacles).

1.2 La locomotion à pattes


Si les roues et les chenilles constituent des systèmes relativement simples
et peu onéreux, la locomotion à pattes laisse entrevoir une mobilité plus
performante sur terrain fort accidenté et sur sol meuble. Plusieurs carac-
téristiques spécifiques à ce mode de locomotion justifient cette supériorité:
• La garde au sol élevée: l’utilisation des pattes pour la propulsion du
véhicule offre une garde au sol importante qui permet au châssis du
véhicule de mieux surmonter les inégalités du sol (absence d’essieu).
Cette garde au sol peut être modifiée en fonction des obstacles de
même que l’inclinaison du châssis pour autant que l’on dispose de
suffisamment de degrés de liberté (régulation d’altitude et d’attitude).
• La nature discrète du contact: les pattes sont des éléments locomo-
teurs à action discontinue. Contrairement aux roues, qui assurent les
fonctions de propulsion et de support en permanence le long d’une tra-
jectoire de contact, la patte exerce ces mêmes fonctions sur des points
d’appui discrets. Périodiquement, lorsque le point de contact sort de
l’espace de travail de la patte, celle-ci doit être levée et ramenée vers
l’avant afin de sélectionner un nouvel emplacement convenant au sup-
port du véhicule. Cette sélection peut éventuellement s’effectuer de
manière autonome, en fonction des obstacles et irrégularités du sol,
pour autant que l’on dispose d’une information extéroceptive suffi-
sante. Même si une telle procédure se révèle particulièrement complexe
à mettre en oeuvre, il s’agit là d’un avantage potentiel considérable
pour la locomotion à pattes.

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• La perception tactile du sol: celle-ci peut être obtenue facilement en
utilisant des capteurs de toucher que l’on peut fixer à l’extrémité des
pattes. La suspension du véhicule peut être assurée par les pattes grâce
à cette information. Les capteurs peuvent être de simples interrup-
teurs ou des capteurs de forces. Dans ce deuxième cas, il est possible
de donner à la suspension un comportement dynamique (compliance
active) en faisant intervenir un terme de force dans la régulation des
actionneurs. L’information tactile peut également avoir une fonction
importante dans la sélection des points d’appui (détection du sol et
évitement local d’obstacle). Une telle perception tactile du sol est
problématique pour les véhicules à roues ou à chenilles.
• La propulsion sur sol meuble: du fait que le contact se fait en des points
fixes durant la poussée, les forces de réaction d’un sol meuble agis-
sent de manière différente dans la propulsion du véhicule (figure 1.2).
Dans le cas des roues, la force de propulsion nette est diminuée de la
résistance de compaction alors que cette dernière s’ajoute à la poussée
de friction dans le cas de la locomotion à patte. Cet avantage pour la
locomotion sur sol meuble est encore plus marqué dans le cas d’une
gravité réduite (exploration planétaire).

Figure 1.2: Comparaison de l’interaction d’une roue et d’une patte avec un


sol meuble (Todd 1985).

• Le moindre endommagement du sol: ceci est une autre conséquence


bénéfique de la nature discrète du contact avec le sol. Cette pro-
priété est recherchée dans certaines applications spécifiques comme
l’exploitation forestière: un engin à pattes n’endommage le terrain
qu’aux emplacements des points d’appui successifs (surface très limi-
tée) et la garde au sol élevée permet de passer au dessus des pousses

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d’arbres sans les arracher. Un prototype industriel d’une telle machine
est sur le point d’être commercialisé en Finlande (figure 2.3).

En revanche, on peut signaler les inconvénients suivants propres à la


locomotion à pattes:

• La consommation énergétique élevée: l’efficacité mécanique des robots


à pattes reste faible par rapport à celle des robots à roues. Ceci
peut s’expliquer par les nombreuses accélérations et décélérations des
différentes articulations durant la marche. En effet, jusqu’à présent,
on ne dispose pas d’actionneurs capables de récupérer efficacement
l’énergie lors des freinages des membres.
• La faible charge utile: en raison d’une puissance installée élevée à cause
des nombreux degrés de liberté redondants, la charge utile des robots à
pattes est assez limitée. Les actionneurs contribuent considérablement
au poids total du véhicule ce qui restreint sa capacité de charge.
• La complexité de l’algorithme de contrôle: à l’opposé des robots à
roues ou à chenilles dont le nombre de degrés de liberté est faible
(en général deux), la coordination des nombreuses articulations d’un
robot à pattes requiert une architecture de contrôle et des algorithmes
relativement complexes. On recourt souvent à des schémas de contrôle
à plusieurs processeurs.
• La faible vitesse de déplacement: les robots marcheurs sont loin de
pouvoir rivaliser avec les robots à roues au point de vue de la vitesse
de déplacement. Cependant, dans beaucoup d’applications propres à
la locomotion à pattes, la vitesse n’est pas recherchée.

Ce dernier point concerne plus particulièrement les véhicules à pattes


à équilibre statique. Dans ce cas, à tout moment, la position du véhicule
correspond à un état d’équilibre statique: le poids du robot s’équilibre avec
les forces de réaction au sol. Ceci implique la nécessité d’avoir en permanence
au moins trois pattes au sol et que la projection du centre de gravité reste
à l’intérieur du polygone de sustentation. Les robots marcheurs à équilibre
statique ont donc au minimum quatre pattes afin de remplir cette condition,
six pattes offrant de plus larges possibilités du point de vue de la vitesse
et du séquencement. Cette discussion sera étayée par des considérations
analytiques au chapitre 4.
Le passage à des vitesses élevées nécessite la prise en compte des effets
dynamiques dans l’algorithme de contrôle. Cependant, on peut envisager un

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nombre réduit de pattes: deux ou même une seule pour le robot unijambiste
(figure 2.8). L’aspect équilibre dynamique de la locomotion à pattes ne sera
pas considéré dans le cadre de cette étude.

1.3 Le problème de la coordination


L’aspect discontinu de l’utilisation des pattes comme éléments de sup-
port se révèle avantageux à de nombreux points de vue. En revanche, il
introduit une difficulté particulière à la locomotion à pattes: la coordination
des mouvements afin d’assurer le maintien de l’équilibre du robot mobile
durant sa progression.
Plusieurs méthodes permettent d’assurer cette fonction de coordination.
L’utilisation de séquences périodiques constitue la solution la plus simple
et la plus classique. Elle est cependant restrictive à de nombreux égards:
changements de direction, prise en compte d’obstacles, marche sur ter-
rain accidenté, marche avec défection d’une patte sont autant de situations
qui limitent l’emploi des démarches périodiques alors que c’est précisément
dans ces circonstances que le robot à pattes devrait concrétiser sa mobilité
supérieure.
Ceci motive le recours à des méthodes offrant une plus grande souplesse
qui permettent de lever ces limitations. Une approche alternative originale,
basée sur un ensemble de règles, est proposée dans cette thèse.

1.4 La locomotion à pattes chez les animaux


La marche est le mode de locomotion le plus répandu parmi les animaux
terrestres tels les vertébrés et les arthropodes. La nature illustre ainsi très
largement les deux types d’équilibre et de nombreuses études de biologistes
les décrivent. Ces observations constituent sans aucun doute une source
d’inspiration précieuse pour le concepteur d’un engin capable de marcher ou
de sauter, tant au niveau de la partie mécanique qu’au niveau du contrôle.
Les arthropodes, pour la majorité des espèces, utilisent exclusivement
l’équilibre statique dans leurs déplacements. Ils constituent des modèles
idéaux pour étudier les principes de la coordination des mouvements liés à
la locomotion car ils se prêtent facilement aux expériences des biologistes
grâce à une structure nerveuse simple (nombre réduit de neurones). Le
schéma de celle-ci a été établi (Cruse 1990); il fait intervenir des neurones
associés à chacune des pattes formant un système décentralisé responsable

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de la locomotion et de la coordination des pattes de l’animal. Ces con-
statations ont permis de comprendre la coordination des arthropodes et de
la reproduire artificiellement au moyen de microprocesseurs interconnectés
(coordination neurobiologique - Weidemann et al.,1994).
L’exploitation de l’équilibre dynamique est l’apanage d’animaux plus
évolués (vertébrés) bipèdes et quadrupèdes: reptiles, oiseaux et mammifères.
Ceux-ci sont caractérisés par une musculature plus massive et plus puissante
organisée autour d’un squelette osseux dont les arthropodes sont dépourvus.
Cette différence morphologique favorise l’apparition d’effets dynamiques non
négligeables dans les mouvements des membres, lesquels peuvent être mis
à profit dans les déplacements de l’animal. L’organisation nerveuse de tels
animaux est nettement plus complexe. Néanmoins, il a été démontré que
la coordination des mouvements de locomotion est, comme pour les arthro-
podes, assurée par un système nerveux décentralisé qui se localise le long de
la moelle épinière.
La relation entre le type d’équilibre utilisé et le nombre de pattes appa-
raı̂t de la classification qui précède. Les animaux dont la locomotion est
à équilibre statique possèdent généralement au moins six pattes comme les
insectes. Pour un robot marcheur à équilibre statique, ce nombre semble
constituer le meilleur compromis entre la simplicité de l’engin, sa vitesse et
sa stabilité, ces dernières augmentant toutes deux avec le nombre de pattes.
Jusqu’à présent, les robots à pattes restent considérablement moins agiles
et moins élégants que les animaux, particulièrement en terrain accidenté.
Ceci résulte notamment des raisons suivantes:
• Les membres des animaux ont un espace de travail plus grand et des
degrés de liberté redondants. Ceci leur donne une agilité supérieure
qui leur permet d’escalader ou d’éviter des obstacles qui peuvent être
de loin plus grands qu’eux.
• Les animaux ont un rapport charge utile/poids beaucoup plus grand
que celui des machines.
• Les membres des animaux ont de nombreuses terminaisons nerveuses
donnant une information tactile répartie; celle-ci est utilisée très effi-
cacement pour l’évitement d’obstacle, la sélection des points d’appui
et l’adaptation de la démarche au terrain.
• Les animaux utilisent une grande variété de démarches et peuvent
passer de manière continue de l’une à l’autre. Les démarches dyna-
miques offrent, outre des vitesses de déplacements élevées, plus de
possibilités pour la récupération d’équilibre et l’évitement d’obstacles.

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• Les animaux utilisent une combinaison de la vue du terrain et de
l’information tactile pour coordonner leurs mouvements.

Les divers points de cette liste non-exhaustive indiquent plusieurs thèmes


de recherches importants dans le domaine des robots à pattes:

• la conception des mécanismes de pattes,

• l’amélioration du rapport charge utile/poids,

• la perception de l’environnement

• le contrôle de démarche

1.5 Considérations énergétiques


La question de la consommation d’énergie et de l’efficacité mécanique est
particulièrement importante pour les robots mobiles. En effet, contrairement
au robot manipulateur dont la source énergétique, le dispositif de contrôle
et les actionneurs peuvent être séparés de l’organe manipulateur, le robot
mobile doit porter ces mêmes éléments en plus de l’éventuelle charge utile.
Il est dès lors essentiel de réduire au maximum le poids du véhicule et de
ses différentes parties et de maximiser l’efficacité de la locomotion, au risque
de limiter fortement les performances et la capacité de transport. En ce
qui concerne les robots marcheurs, le problème est encore plus critique en
raison du grand nombre d’actionneurs souvent redondants qui interviennent
de manière non négligeable dans le poids total du véhicule. Pour certaines
applications, on peut toutefois considérer l’utilisation d’un cordon ombilical
pour la fourniture en énergie.

1.5.1 La résistance spécifique


Afin de pouvoir comparer l’efficacité énergétique de différents systèmes
locomoteurs, on utilise la notion de résistance spécifique définie de la manière
suivante:
P
= (1.1)
mgV
expression dans laquelle P est la puissance consommée, mg est le poids du
véhicule et V sa vitesse. On note que  = 1 pour un mouvement vertical
s’opposant à la gravité et que  = µ pour un mouvement sur une surface

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horizontale de coefficient de frottement µ si l’on considère uniquement le
travail réalisé au cours du déplacement (rendement=1).
La figure 1.3 porte en graphique la résistance spécifique en fonction de
la vitesse de déplacement sur sol plat pour différents types de locomotion.
On constate que si les animaux marcheurs ont des résistances spécifiques
comparables à celles des automobiles, les robots marcheurs ont des valeurs de
10 à 100 fois supérieures, ce qui est limitatif du point vue de leur autonomie
énergétique.
Certains auteurs considèrent comme valeur pour m, non la masse du
véhicule mais celle de la charge utile. Cette autre convention se prête
bien à l’évaluation du rendement des véhicules transporteurs. Elle pénalise
d’avantage la relative inefficacité des robots à pattes sur sol plat par rapport
à d’autres principes de locomotion.

Figure 1.3: Résistance spécifique en fonction de la vitesse de déplacement


pour différents types de locomotion (adapté de Waldron et al 1984).

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1.5.2 Les pertes d’énergie
Les pertes d’énergie associées à la locomotion à pattes ont diverses ori-
gines, les principales sont :

• La puissance dissipée afin de supporter le poids du véhicule: cette


catégorie de pertes correspond à l’utilisation d’actionneurs qui dis-
sipent de l’énergie pour maintenir statiquement une force ou un cou-
ple. Le choix d’actionneurs ou de dispositifs particuliers, par exemple
un organe de transmission irréversible ou un frein, peut diminuer voir
supprimer cette dissipation inutile.

• Le travail géométrique: durant la marche, certaines articulations effec-


tuent cycliquement un travail négatif (freinage). L’énergie qui y est
associée ne peut cependant pas être récupérée efficacement à l’aide
des techniques actuelles. La conception du mécanisme constituant
les pattes peut partiellement remédier à cet inconvénient (découplage
gravitationnel).

• Les forces antagonistes: lors du déplacement du véhicule, des con-


traintes mécaniques dues à des imprécisions dans les mouvements des
pattes peuvent apparaı̂tre. Ces contraintes internes sont indésirables:
elles sollicitent les différents éléments de la chaı̂ne cinématique, don-
nent lieu à des pertes d’énergie et peuvent provoquer un glissement
des pattes sur le sol. Pour y remédier, plusieurs possibilités existent:
améliorer la précision du contrôle cinématique, prévoir une certaine
flexibilité dans la structure des pattes et enfin utiliser des capteurs de
forces pour réduire les efforts antagonistes par rétroaction (compliance
active).

1.6 Objectifs de cette étude


Le contrôle d’un robot à pattes est souvent organisé selon un schéma
hiérarchisé du type suivant: le niveau A gère la navigation et planifie le
parcours; le niveau B est responsable de la coordination et le niveau C
concerne la régulation des mouvements des pattes.
L’objet de cette thèse consiste à automatiser les niveaux de contrôle B et
C pour le robot marcheur Silex (figure 1.4). Le but poursuivi étant de rendre
le robot mobile semi-autonome, de manière à permettre sa téléopération au
moyen d’un joystick imposant la vitesse du véhicule. Le niveau A est dans
ce cas assuré par un opérateur.

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Figure 1.4: Le robot marcheur Silex de l’ULB.

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Les principaux modules de contrôle à prévoir sont la coordination des
mouvements des pattes ou contrôle de démarche, la génération des trajec-
toires pour les pattes et le contrôle même des articulations. En outre, un
contrôle d’attitude et d’altitude améliore le comportement et l’équilibre du
véhicule en terrain accidenté, en maintenant horizontal le châssis du robot.
Enfin, une suspension active du véhicule, obtenue grâce à des capteurs de
forces intégrés dans les pieds du robot, améliore la répartition des forces
de contact entre les pattes et rend possible la marche sur sol meuble en
compensant l’enfoncement différentiel des pattes.
La dissertation s’organise comme suit: le chapitre 2 donne un aperçu his-
torique de la recherche dans le domaine; le chapitre 3 introduit le problème
du contrôle dans son ensemble et sa subdivision en plusieurs niveaux hié-
rarchisés; le chapitre 4 présente l’étude des démarches périodiques qui con-
stituent l’approche classique du problème de la coordination. D’autres solu-
tions sont proposées au chapitre 5 dont un algorithme original, développé
dans le cadre de cette thèse, basé sur le concept de free gait. Le chapitre 6
présente le contrôle cinématique du robot, y compris la régulation d’attitude
et d’altitude. L’utilisation de l’information tactile provenant des capteurs
de force est abordée dans le chapitre 7. Finalement, les conclusions de
cette étude sont données ainsi que des indications pour de futurs travaux de
recherche.

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Chapitre 2

Etat de l’Art

2.1 Introduction
Quoique l’idée de construire une machine qui marche semble être assez
ancienne - un brevet pour un cheval mécanique déposé à la fin du dix-
neuvième siècle l’atteste - il a fallu attendre les progrès technologiques
récents en matière de contrôle numérique pour qu’un grand nombre de pro-
jets dans ce domaine voient le jour.
Ainsi, des travaux de recherche importants furent menés à partir des
années ’70 aux Etats-Unis, où une grande variété de prototypes ont été
construits, un certain nombre exploitant l’équilibre dynamique. Plusieurs de
ces projets furent financés par des budgets militaires, d’autres concernaient
l’exploration spatiale.
A partir des années ’80, de nombreuses études démarrèrent également au
Japon, certaines s’intéressant à la question fondamentale de la mobilité, et
d’autres orientées vers des applications potentielles, comme la maintenance
des sites nucléaires ou l’exploration des fonds sous-marins.
Jusqu’à récemment, à l’exception de l’ex-URSS, l’Europe restait très
peu active dans ce domaine, focalisant la recherche en robotique mobile sur
les problèmes liés à la perception de l’environnement. A partir des années
’90, un grand nombre de prototypes ont été construits en Europe, financés
notamment par la Communauté Européenne (programme Teleman). C’est
dans ce contexte que le Service des Constructions Mécaniques et Robotique
de l’ULB a entamé, en 1989, une recherche dans le domaine des robots à
pattes et développé plusieurs prototypes avec différents degrés de sophisti-
cation. La chronologie de ces développements est reprise dans le tableau 2.1.
Ce chapitre est organisé comme suit: il passe d’abord en revue les

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Etapes de développement Chercheurs concernés Date

Démarches périodiques, réalisation du


véhicule ultraléger ”MAX”. Ghuys, Alexandre 1989-1990

Réalisation du véhicule ”SILEX”,


démarches périodiques, Ghuys, Crockaert 1991-1993
régulation d’altitude et d’attitude, Alexandre, Goffin 1993-1994
réalisation d’un pied tactile, Alexandre, Parvais 1994-1995
algorithme de free gait, Alexandre 1994-1995
compliance active. Alexandre 1995-1996

Réalisation de ”IOAN”, véhicule à châssis Alexandre, Doroftei,


articulé pour l’exploration spatiale. Ngounou 1994-1996

Tableau 2.1: Chronologie des principales étapes de développement des


robots marcheurs à l’ULB.

différents types de missions envisagées pour les robots à pattes (tableau 2.2)
avant de décrire succinctement quelques projets ayant apporté une contri-
bution au domaine de recherche ainsi que les projets menés au laboratoire
(tableau 2.3). Enfin, l’aspect cinématique des robots marcheurs est abordé
par l’étude comparative de quelques mécanismes de pattes.

2.2 Les missions des robots à pattes


2.2.1 La maintenance des sites nucléaires
L’intérêt des robots dans l’industrie nucléaire est important. Ils contri-
buent à la sécurité du personnel et à la rentabilité à de nombreux niveaux de
l’exploitation d’un réacteur nucléaire: maintenance, recharge, retraitement,
démantèlement et intervention en cas d’accident.
Dans ce contexte, la Commission Européenne a récemment financé un
vaste programme de recherche en télé-robotique pour l’industrie nucléaire:
Teleman (1989-1996). Le but poursuivi était d’encourager le développement
de robots téléopérés avec les objectifs suivants:

• réduire l’exposition du personnel aux radiations,

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Mission Particularités

Maintenance des sites Téléopération, autonomie énergétique, capacité de


nucléaires transport (manipulateur), franchissement d’escaliers.

Exploration planétaire Faible masse (< 10kg), compacité en position repliée,


grande agilité, environnement hostile, mini-gravité,
navigation, délai de transmission.

Exploitation forestière Garde au sol élevée, faible endommagement du sol,


locomotion sur terrain accidenté avec obstacles,
transport d’un manipulateur (tronçonneuse).

Exploration des fonds Régulation d’attitude sur sol présentant des


sous-marins dénivellations importantes.

Robot grimpeur Téléopération, système d’adhérence, faible masse.

Tableau 2.2: Sommaire des principales missions envisagées pour les machines
à pattes.

• augmenter la sécurité des installations grâce à des systèmes téléopérés


d’inspection, de maintenance, de réparation et de remplacement;

• fournir une assistance pendant et après les accidents, ceci en vue d’une
meilleure protection des personnes et de l’environnement.

Pour accomplir ce type de tâche, il faut disposer de robots mobiles


capables d’emprunter des chemins normalement accessibles à l’homme, e.g.
des escaliers et des passages étroits comme des portes. D’autre part, la
téléopération nécessite un certain niveau d’autonomie tant au niveau du
contrôle: niveau B et C automatisés, que du point de vue énergétique.
Enfin, suivant le type d’intervention envisagé, on pourrait distinguer deux
catégories de porteurs: les porteurs légers pour la surveillance et l’inspection
(< 100kg) et les porteurs pour les interventions lourdes ayant une capacité
de charge importante (plusieurs centaines de kg).
Les robots à pattes ne sont pas les seuls candidats à ce type de tâche.
Les robots à chenilles et les robots à corps articulés (figure 1-1c) offrent
également des performances intéressantes en matière de mobilité.
Parmi une vingtaine de projets financés par Teleman, deux étaient con-
sacrés spécifiquement aux robots mobiles à pattes: les projets Sherpa et

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Ohio State Univ. OSU hexapod (1977), long. 1.3m, 100kg, moteurs AC
(U.S.A.) supervisory control, free gait, compliance active.
(McGhee-Waldron) ASV: Adaptive Suspension vehicle (1987), long. 5m, 2600kg
Véhicule hydraulique autonome, pantographe.

ODETICS (U.S.A.) ODEX I (1983) long. 1.5m, 140kg, 6 pattes (hexagonal), électrique
(Bartholet) Architecture hexagonale, découplage gravitationnel.

M.I.T. (U.S.A.) GENGHIS (1989) long. 35cm, 1kg, 6 pattes à 2 ddl, électrique
(Brooks) Subsumption architecture, intelligence artificielle.

Carnegie Mellon (U.S.A.) Robot sauteur unijambiste (1984) haut. 1.1m, 17kg, 1 patte
(Raibert) Etude de l’équilibre dynamique.

(Whittaker) AMBLER (1988-1992), long. 4.5m, 2000kg, 6 pattes à 3 ddl, électrique


Circulating gait, exploration planétaire.
DANTE (1993-1994), 800kg, 8 pattes téléscopiques, 10 ddl, électrique
Exploration de volcans et de corps célestes.

Tokyo Inst. of Tech. TITAN III (1984), haut. 1m, 10kg, 4 pattes
(Japon)(Hirose) Free gait, pantographe, évitement d’obstacle (escaliers).

KOMATSU Ltd(Japon) RECUS (1983) 29 tonnes, 8 pattes téléscopiques, 10 ddl, hydraulique


(Ishino) Exploration des fonds sous-marins.

Académie des Sciences MASCHA (1981) long. 0.7m, 18kg, 6 pattes, capteurs de force 3D
de Moscou (Devjanin) Compliance active des pattes, étude de la locomotion sur sol meuble.

PORTECH (UK) ROBUG-II (1989-1990) long. 1.5m, 12kg, 4 pattes, pneumatique


(Collie) Robot grimpeur à ventouses.

Univ.Helsinki (Finl.) MECANT (1990-1994) long. 2m, 1100kg, 6 pattes, hydraulique


(Halme) Free gait, contrôle de force.

Univ.Munich (RFA) TUM walking robot (1994) 25kg, hexapode électrique


(Pfeiffer) Coordination neurobiologique (H.Cruse).

IFF Magdebourg (RFA) MAG (1994-1996) long. 0.6m, 21kg, 6 pattes (hexagonal), électrique
(Schmucker-Schneider) Capteurs de force 3D, compliance active, évitement d’obstacle.

ULB SILEX (1991-1996) long. 0.6m, 13kg, 6 pattes (hexagonal), électrique


(Preumont) Free gait, compliance active.
IOAN (1994-1996) long. 35cm, 1.2kg, 6 pattes, corps articulé
Compliance active, retournement.

Tableau 2.3: Quelques projets de robots à pattes.

16
Robug III. Une brève description en sera donnée plus loin.

2.2.2 L’exploration spatiale


L’Europe et les Etats-Unis, manifestent ces dernières années un intérêt
croissant pour l’exploration de corps célestes (Mars, comètes) par des robots
mobiles (ESA 1993a et b). Les missions humaines américaines, qui ont
permis l’exploration de la lune dans les années ’70, sont à présent jugées
trop risquées et trop coûteuses par rapport aux missions robotisées. Un
des avantages importants des missions robotisées est de rendre facultatif le
retour sur terre, ce qui diminue considérablement le coût des expéditions.
On peut souligner que l’ex-URSS a très tôt poursuivi cette approche pour
l’exploration de la Lune et de la planète Mars. L’institut Transmash établi
à Saint-Petersbourg possède, pour cette raison, une expérience considérable
dans le domaine des robots d’exploration spatiale.
Les contraintes d’une mission spatiale sont particulièrement sévères par
rapport à celles rencontrées habituellement dans l’industrie. Elles résultent
des contraintes suivantes:
• d’une part des conditions extrêmes rencontrées dans l’espace, notam-
ment: le vide, les variations de températures très importantes, la
gravité réduite, la poussière et la méconnaissance de l’environnement.

• d’autre part des contraintes techniques liées au voyage spatial: les


contraintes mécaniques liées au décollage et à l’atterrissage, la masse
limitée et le faible encombrement pendant le transport, les limitations
de puissance, les délais de transmission pour la télé-opération, les pos-
sibilités de calculs limitées et la longue période d’hibernation durant
le transfert interplanétaire.

Les différents concepts de véhicules d’exploration spatiale


Une grande variété de robots mobiles de gabarits divers et basés sur
différents principes de locomotion ont été développés depuis environ 30
ans en vue l’exploration de la Lune, de la planète de Mars et de comètes
(Schilling et Jungius 1995). On peut distinguer trois périodes spécifiques
dans le développement de ces véhicules:
• Dans les années ’60, aux Etats-Unis et en U.R.S.S., plusieurs types de
véhicules de petit et grand gabarits furent analysés et développés en
vue de missions robotisées ou humaines. Ces travaux débouchèrent
notamment sur la construction de deux robots mobiles à 8 roues:

17
Figure 2.1: Le Marsokhod conçu par l’Institut russe Transmash.

Lunokhod 1 et 2 (800 kg) expédiés sur la Lune lors des missions russes
Luna 17 et 21 (1970 et 1973) et, sur l’utilisation d’un véhicule à 4 roues
(Lunar Roving Vehicle-600 kg) conduit par les astronautes américains
lors des missions Apollo 15,16 et 17 (1971-1972). On peut noter
également le développement par les Russes d’un petit robot mobile
(4.2kg) exploitant un type de locomotion analogue au ski de fond: le
Prop-M. Ce véhicule fut expédié à deux reprises sur la planète Mars
(1971-1973), malheureusement sans résultat à cause de l’insuccès des
deux voyages.
• Dans les années ’80, des véhicules de gabarits très importants, à roues
(Robby - 6 roues - 2000 kg) et à pattes (Ambler - 6 pattes - 2000 kg),
furent construits pour la NASA en vue d’une mission sur Mars avec
retour d’échantillons, projet qui, par la suite, fut abandonné.
• Enfin, depuis le début des années ’90, seuls les véhicules de moyen
(< 100kg) et petit gabarits (micro-rover: < 10kg) sont encore envisa-
gés; la tendance actuelle étant plutôt de considérer l’envoi de plusieurs
petits véhicules afin d’augmenter les chances de succès par rapport à
l’utilisation d’un seul robot mobile de grande taille dont le transport
dans l’espace serait par ailleurs beaucoup plus onéreux. Parmi les
projets les plus prometteurs, on peut mentionner le Marsokhod, un
véhicule de gabarit moyen à 6 roues coniques dont le châssis articulé
améliore le comportement des roues sur sol meuble (75kg - figure 2.1),

18
Figure 2.2: Rocky IV, un des micro-rovers développé par le Jet Propulsion
Laboratory (NASA).

Rocky IV, un micro-rover à 6 roues rattachées au châssis par un sys-


tème articulé à balancier destiné à réduire l’inclinaison en terrain acci-
denté (10kg - figure 2.2) et enfin le Marsnet, constitué de 3 corps
articulés entre eux par des barres (4kg).
Dans le cas des micro-rovers, le scénario de la mission consiste à déployer
des sondes de mesure miniaturisées (masse totale < 2kg selon les plans de
l’Agence Spatiale Européenne) qui seraient transportées depuis le module
d’atterrissage au moyen des petits véhicules. Les spécifications recherchées
sont dans ce cas:

• une faible masse (de l’ordre de quelques kg);

• une grande compacité en position repliée, nécessitée par l’espace res-


treint disponible dans le module;

• une capacité de transport suffisante pour véhiculer l’instrumentation,


ce point peut être simplifié par la gravité réduite (g ≈ 3.7m/s2 sur
Mars);

• une grande aptitude au franchissement d’obstacles;

19
• un bon comportement sur sol meuble et la capacité de récupération
suite à un renversement.

Le problème de l’autonomie énergétique reste ouvert, le robot mobile


pouvant soit transporter ses propres batteries, au détriment de sa capacité de
transport; soit recevoir son énergie du module d’atterrissage, via un cordon
ombilical.
Parmi les divers concepts de robots mobiles, les véhicules à pattes offrent
d’intéressantes possibilités pour l’exploration d’un environnement inconnu,
notamment en terme d’agilité et d’évitement d’obstacle.

2.2.3 L’exploitation forestière


L’exploitation et l’entretien des forêts est une application pour laquelle
plusieurs qualités des véhicules à pattes peuvent être mises à profit. Les
machines à roues ou à chenilles destinées à ce type de travail ont d’une
part une mobilité limitée et d’autre part endommagent considérablement le
milieu forestier: la végétation et en particulier les jeunes pousses d’arbres
sont détruites aux endroits de passage.
Le véhicule à pattes respecte beaucoup mieux cet environnement: le
contact avec le sol est discret ce qui limite fortement la surface du sol soumise
à l’écrasement; le poids du véhicule peut d’ailleurs être réparti entre les
points d’appui de manière optimale par un contrôle de force. La garde au
sol élevée permet au châssis du véhicule de surmonter les jeunes arbres et
autres végétaux se trouvant sur le passage du véhicule.
En plus, la meilleure mobilité - possibilité de marcher en crabe et de
tourner sur place - évite les manoeuvres nécessaires aux engins à deux degré
de liberté. Le franchissement d’obstacles comme des souches ou des troncs
d’arbres constitue également un avantage appréciable.
La société finlandaise Plustech a proposé récemment un prototype indus-
triel d’engin à pattes pour l’exploitation forestière (figure 2.3). Le véhicule,
sur lequel est aménagé un poste de conduite pour l’opérateur, est pourvu de
six pattes actionnées hydrauliquement et possède un bras manipulateur pou-
vant saisir des arbres et les tronçonner. Il est énergétiquement autonome:
un moteur à combustion fournissant la puissance hydraulique. Il s’agit là
incontestablement d’une avancée significative dans le domaine de la robo-
tique à pattes. On notera la similitude de la cinématique avec celle du robot
ASV de l’Ohio State Universtity présentée plus loin.
Ce prototype industriel est le résultat d’efforts de recherche importants
menés en Finlande. Un prototype expérimental de même type, entièrement

20
Figure 2.3: Véhicule proposé par la société Plustech pour l’exploitation
forestière.

autonome, appelé Mecant (Mechanical Ant) a été développé dans ce cadre à


l’Université Technique de Helsinki (Halme,1993). Ce projet sera également
décrit plus loin.

2.2.4 L’exploration des fonds sous-marins


La construction des ponts et des barrages de même que l’installation
des plates-formes de forage nécessitent une étude préalable des fonds sous-
marins. Plusieurs robots à pattes ont été développés au Japon (Ishino et al.
1983, Iwasaki et al. 1988) et en Europe (Baraona et al. 1995) pour ce type
d’activité.

21
Les pattes sont préférées aux chenilles à cause de la nécessité de disposer
d’une plate-forme horizontale et stable sur des surfaces pouvant présenter des
inégalités jusqu’à 2m et sous des courants marins importants. Un véhicule
à chenilles équivalent serait beaucoup plus massif et devrait transporter
une plate-forme équipée d’un mécanisme de positionnement pour obtenir
l’horizontalité.
Bien d’autres opérations sont envisagées pour ce type de robot: nivelle-
ment, terrassement, forage, interventions sur des structures sous-marines au
moyen d’un manipulateur transporté,...

2.2.5 Les robots grimpeurs


Il existe, dans l’industrie, un grand nombre de situations dans lesquelles
l’usage de robots mobiles capables de grimper pourrait utilement remplacer
une main d’oeuvre humaine dans des tâches d’inspection ou de nettoyage de
surfaces difficilement accessibles. L’intervention humaine, outre l’insalubrité
qu’elle peut parfois représenter (toxicité ou radioactivité), nécessite souvent
la construction d’un échafaudage ou le recours à des engins élévateurs. On
peut citer entre autres applications: le nettoyage des vitres des gratte-ciel,
l’inspection des cuves dans l’industrie chimique et pétrochimique, l’inspec-
tion des ouvrages d’art (détection de fissures éventuelles dans la maçonnerie)
et l’inspection de la coque des navires dans les chantiers navals (détection
de la corrosion).
Dans de telles circonstances, l’adhérence des pattes à la surface d’appui
n’est plus assurée par la gravité. Différents systèmes de fixation peuvent
être envisagés: des ventouses aux extrémités des pattes, des aimants aux
extrémités des pattes pour l’adhérence à une surface magnétique ou en-
core un réseau de points de fixation auxquels les pattes peuvent s’agripper
mécaniquement grâce à un dispositif d’accrochage pouvant également servir
à l’alimentation.
Le problème du contrôle de démarche est différent pour les robots grim-
peurs; la condition d’équilibre statique étant vérifiée pour autant que les
forces et couples articulaires puissent être repris par les actionneurs.

2.3 Projets
D’autres applications ont déjà été envisagées pour les robots à pat-
tes, par exemple: l’aide aux personnes handicapées, le transport militaire,
l’agriculture, la lutte contre les incendies, la lutte anti-terroriste, la con-
struction, l’inspection des tuyauteries (Roßmann et Pfeiffer 1996), ... Il faut

22
cependant constater que, de manière générale, l’utilisation d’engins à pat-
tes dans l’industrie est encore très peu répandue. Cette section donne une
idée des performances de quelques prototypes développés durant les vingt
dernières années.

2.3.1 OSU Hexapod


L’Ohio State University Hexapod (McGhee et al. 1978) fut le premier
engin à pattes muni d’une structure de contrôle numérique sophistiquée. Ce
prototype a servi de plate-forme d’essai pour l’expérimentation de nombreux
algorithmes de contrôle nouveaux.
Les 6 pattes du véhicule (100kg, long. 1.3m) sont constituées de 3 arti-
culations de rotation entraı̂nées par des moteurs universels avec réducteur et
vis sans fin afin de rendre l’actionneur irréversible (dispositif de sécurité). Le
contrôle de l’engin est assuré par un ordinateur PDP-11 connecté au robot
par un ombilical qui sert à la transmission de la puissance électrique, les
signaux de commande des moteurs ainsi que les signaux en provenance des
différents capteurs, notamment: positions et vitesses des moteurs, forces de
contact et attitude du châssis.
Un schéma de contrôle du type supervisory control (Orin 1982) a permis
de tester notamment une grande variété de démarches (Song et Waldron
1989), dont un algorithme de free gait (McGhee et Iswandhi 1979) et le
contrôle de force (Messuri et Klein 1985). Ces expériences ont servi de
référence à bon nombre de projets ultérieurs.

2.3.2 Adaptive Suspension Vehicle (ASV)


Le robot à 6 pattes ASV (Song et Waldron 1989) est un véhicule tout-
terrain actionné hydrauliquement (long. 5m, 2600kg). Il est capable de
transporter un opérateur et une charge de 225 kg. La puissance hydraulique
est fournie par un moteur à combustion installé à bord de l’engin, ce qui
assure l’autonomie énergétique.
La patte est constituée d’un mécanisme à pantographe qui sera détaillé
plus loin. Ce dispositif découple les mouvements horizontaux et verticaux de
la patte à partir d’actionneurs linéaires. L’architecture de contrôle comprend
13 cartes à microprocesseur Intel 8086 interconnectés par un bus. Une de ces
cartes assure la coordination, six sont les contrôleurs de pattes, tandis que
les autres gèrent l’acquisition des informations en provenance des capteurs
et l’interface homme-machine à l’intérieur du cockpit.
L’objectif principal du projet était de proposer un véhicule utilisable

23
Figure 2.4: L’Adaptive Suspension Vehicle (Ohio State University).

pour la locomotion en milieu extérieur en améliorant les performances de


l’OSU hexapod notamment en terme de vitesse et de rendement grâce au
dispositif à pantographe.

2.3.3 Odex I
Le robot hexapode Odex I (200kg, long. 1m) réalisé dès 1983 par la firme
Odetics, fut la première plate-forme à pattes disponible commercialement
(Bartholet 1983). Il est destiné à des missions d’inspection et d’intervention
légère en environnement hostile tel que les industries nucléaire et chimique.
L’engin a une architecture hexagonale ce qui facilite les changements
de direction. Les pattes, constituées d’un mécanisme à boucle fermée, sont
caractérisées par un large espace de travail ce qui lui permet d’adopter une
grande variété de géométries différentes: la hauteur du robot peut varier de
1.2m à 3m et la largeur du véhicule peut être réduite afin de franchir des
passages étroits (figure 2.5). D’autre part, la capacité de charge du robot
est considérable: environ 400kg. Il transporte des batteries qui lui assurent
une autonomie énergétique d’environ 1/2 heure.
Le système de contrôle est décentralisé et utilise 6 cartes de contrôle,
basées sur un microprocesseur Motorolla 6809, associées à chacune des pat-
tes. Ces cartes sont connectées par un bus parallèle à un processeur principal
(Intel 8086/8087) responsable de la coordination et en liaison avec la con-
sole de commande. La coordination utilise une démarche du type tripode
alterné.

24
Figure 2.5: Robot Odex I (Odetics Inc.).

Une version plus récente de ce robot, Odex III, a servi de machine d’essai
pour le projet Sherpa financé par la CEE (Teleman 11).

2.3.4 Genghis
Genghis est un petit robot hexapode (long. 35cm, 1kg - figure 2.6),
qui a été développé à la fin des années ’80 par le laboratoire de robotique
mobile du MIT (Brooks,1989). Il consiste en une plate-forme rectangulaire
munie de six pattes à deux degrés de liberté (figure 2.7) dont la motricité est
assurée par des servomoteurs pour l’aéromodélisme. L’articulation α donne
un mouvement avant/arrière permettant la propulsion du véhicule tandis
que le degré de liberté β assure le mouvement lever/poser de la patte.
Le robot mobile est équipé d’un grand nombre de capteurs extéroceptifs

25
Figure 2.6: Robot Genghis (MIT).

Figure 2.7: Cinématique de la patte du robot Genghis. La même configu-


ration est utilisée pour les prototypes Max et Ioan construits à l’ULB. Un
interrupteur a été ajouté pour la détection de contact avec le sol.

26
parmi lesquels: une détection de contact des pattes avec le sol (basée sur
une mesure de courant des servomoteurs associés aux angles βi ), une paire
de moustaches placées à l’avant du véhicule pour la détection d’obstacles,
plusieurs cellules infrarouges (éléments passifs pyro-électriques) et un incli-
nomètre à 2 axes. Trois batteries assurent l’autonomie énergétique du petit
véhicule.
Le contrôle est assuré par 4 microprocesseurs 8 bits interconnectés par
un réseau du type token ring. La stratégie de contrôle met en oeuvre un
réseau d’automates assurant des actions élémentaires comme lever une patte,
avancer une patte, etc... Des actions complexes comme marcher ou suivre
une personne (en utilisant les cellules IR) sont obtenues en associant les auto-
mates de manière incrémentale afin d’obtenir progressivement des comporte-
ments de plus en plus complexes. Cette approche, connue sous le nom de
Subsumption Architecture, est proposée par le MIT pour la programmation
des robots mobiles (Brooks et Flynn 1989). Le Behavior Language permet
sa mise en oeuvre. Une des finalités du projet Genghis était précisément de
démontrer que l’approche pouvait convenir au contrôle d’un robot à pattes.
Par la suite, d’autres prototypes plus sophistiqués du point de vue de
la cinématique et de l’équipement en capteurs ont été développés au MIT:
Hermes et Attila. Toutes ces plate-formes sont commercialisées par la société
IS-Robotics.
Une plate-forme similaire à Genghis, baptisée Max, a été construite
au Service des Constructions Mécaniques et Robotique. Le contrôle était
assuré dans la première version par un PC relié au véhicule par un cor-
don ombilical transmettant les signaux de commande des 12 servo-moteurs
et les états de 6 contacteurs fixés aux extrémités des pattes (détection du
sol). Ce petit véhicule a permis d’étudier le problème de la coordination
(démarches périodiques) et de mettre au point des procédures de détection
et d’évitement d’obstacle (Preumont et al. 1991).

2.3.5 Robot sauteur unijambiste


L’Université Carnegie Mellon a réalisé plusieurs robots à pattes à équi-
libre dynamique (Raibert et al. 1984). Le premier prototype fut un robot
sauteur unijambiste (figure 2.8). La patte est constituée d’un cylindre pneu-
matique s’articulant au châssis par l’intermédiaire d’un cardan. Deux action-
neurs hydrauliques permettent d’orienter la patte par rapport au châssis.
Deux gyroscopes mesurent l’attitude du châssis (tangage, roulis, lacet) par
rapport à des axes fixes. Enfin, un interrupteur en bout de patte indique le
contact avec le sol.

27
Figure 2.8: Robot sauteur unijambiste (Raibert et al. 1984).

Le contrôle de l’engin implique 3 régulateurs agissant indépendamment


l’un de l’autre. Un premier régulateur maintient la vitesse horizontale du
véhicule en positionnant le pied durant le saut grâce aux actionneurs hydrau-
liques. Ce positonnement, basé sur une estimation de la durée de la future
phase de contact, est calculé de sorte que le pied quitte le sol avec une
orientation opposée à celle qu’elle a lorsqu’elle touche le sol. Sous cette
condition, la composante horizontale de la poussée sur le sol est en moyenne
nulle durant le contact. Un autre régulateur entre en jeu lors de la phase
de contact avec le sol. Le système est alors équivalent à un pendule inversé;
les actionneurs hydrauliques permettent de maintenir le châssis horizontal
durant la phase de support. Le troisième régulateur est responsable de la
hauteur des sauts: il excite l’oscillateur masse-ressort que constitue le châssis
monté sur la patte en agissant sur l’actionneur pneumatique.

28
Cette stratégie de contrôle a été expérimentée avec succès. Une vitesse
maximale de l’ordre de 2m/s a été atteinte pour un cycle de saut d’environ
1.5s. Le but de cette recherche était d’expérimenter l’équilibre dynamique
sur un système simple avant d’aborder le problème plus complexe des robots
sauteurs multipodes (Raibert et al. 1986).

2.3.6 Ambler
Ambler est un engin à pattes particulièrement imposant: masse 2000kg,
charge utile 1000kg, hauteur 4 − 6m (Dwivedi et Mahalingam 1992 - Manko
1992). Il a été développé vers la fin des années ’80 à l’Université Carnegie
Mellon en vue d’une mission d’exploration sur la planète Mars (financement
de la NASA). Ce projet a cependant été abandonné pour donner la faveur
à des véhicules plus compacts.
La cinématique des pattes est un mécanisme du type RPP (amplitude
du déplacement vertical de 2m), ce qui assure le découplage gravitationnel.
Le robot se distingue en outre par une cinématique tout à fait originale:
les 6 pattes du véhicule s’articulent par trois autour de deux axes verticaux
ce qui donne lieu à un recouvrement complet des espaces de travail pour
les pattes d’un même côté du véhicule (figure 2.9). Cette particularité per-
met de considérer des démarches procurant une grande stabilité statique au
robot grâce à la notion de polygone de support conservatif (circulating gait -
Mahalingam et Whittaker 1989). L’idée est d’utiliser des configurations du
robot qui restent stables dans le cas d’une perte d’appui d’une des pattes.
Cette propriété n’est généralement pas transposable à d’autres robots dont
les espaces de travail des pattes ne se recouvrent pas. La cinématique offre
une très grande souplesse pour le placement des pattes; en revanche, les
problèmes d’interférences entre pattes sont à prendre en compte.

2.3.7 Dante
Le robot Dante, d’un gabarit plus restreint (800kg), a été développé
plus récemment (1994) par l’Université Carnegie Mellon également pour
l’exploration spatiale.
Le robot est un octopode d’environ 800 kg. La cinématique du robot
s’inspire de celle du robot d’exploration des fonds sous-marins Recus, pré-
senté plus loin.
Plusieurs essais de ce robot en environnement terrestre (exploration de
cratères volcaniques en Alaska) ont permis de tester le véhicule et de mettre
en évidence certaines faiblesses (notamment la fragilité du cordon ombilical).

29
Figure 2.9: Robot Ambler (Carnegie Mellon University).

2.3.8 Titan III


Le laboratoire du Professeur Hirose de l’Institute of Technology de Tokyo,
étudie depuis une vingtaine d’années les différents principes de mobilité
(Hirose 1993), parmi lesquels la locomotion à pattes. Plusieurs engins à
pattes ont été développés dont le robot Titan III, un tétrapode de 1m de
haut et d’environ 10kg. Les différents objectifs du projet étaient notam-
ment d’améliorer le rendement de la locomotion grâce à la conception d’un
mécanisme de patte à découplage gravitationnel et d’étudier les possibilités
de coordination en présence d’obstacles (free gait - Hirose 1984).
Les pattes à 3 ddl sont constituées d’un pantographe (Pantomec) qui
sera décrit dans la section suivante. Elles sont motorisées par des moteurs
DC.
D’autres prototypes ont été réalisés plus récemment (Hirose et al. 1991),
dont Titan VI qui possède un châssis articulé pour faciliter la marche dans les
escaliers ainsi qu’une cinématique de patte basée sur le mécanisme d’Evans
qui sera décrit plus loin.

30
Figure 2.10: Robot Titan III (Tokyo Institute of Technology).

2.3.9 Recus
Le robot ReCUS (Remotely Controlled Underwater Surveyor) est une
plate-forme à pattes conçue pour l’exploration des fonds sous-marins par la
société japonaise Komatsu (Ishino et al. 1983). Elle a déjà servi dans l’étude
du fond marin (70 m de profondeur) en préparation à la construction des
piliers du pont Honshu-Shikoku (Japon).
Il s’agit d’un gigantesque octopode de 29 tonnes (long. 8m) actionné
hydrauliquement. Le châssis est constitué de deux parties possédant chacune
quatre pattes à un degré de liberté vertical (pattes télescopiques) et con-
nectées entre elles par une articulation de translation-rotation; cette dispo-
sition a l’avantage de limiter le nombre de degrés de liberté, ici réduit à
10, et de faciliter la coordination et les changements de direction. Le robot
se déplace en alternant les appuis sur quatre pattes (tétrapodes alternés).
Un cordon ombilical transmet, depuis un bateau, les signaux de contrôle
ainsi que la puissance électrique nécessaire à l’entraı̂nement de la pompe
hydraulique.
Recus est équipé d’un inclinomètre permettant le contrôle d’attitude,

31
essentiel pour les repérages. Il transporte également de nombreuses caméras
pour la téléopération et un scanner à ultrason pour l’étude du sol.

2.3.10 Mascha
Parallèlement aux développements américains, des machines à pattes ont
également été construites en U.R.S.S. dans le courant des années ’70. Parmi
ces réalisations, l’hexapode Mascha (Gurfinkel et al. 1981 - Devjanin et al.
1983) développé à l’Académie des Sciences de Moscou, plate-forme similaire
à l’OSU hexapod (long. 0.7m - 18kg). Les pieds du robot sont équipés de
capteurs d’effort à 3 composantes pour la mesure des forces de contact. Un
capteur d’attitude basé sur un gyroscope permet la mesure des angles de
roulis et de tangage du véhicule.
Le contrôle est assuré par un ordinateur hybride constitué d’un mini-
ordinateur NOVA 2/10 et de trois calculateurs analogiques, ces derniers
ayant pour charge les boucles de contrôle les plus rapides.
Ce dispositif expérimental a permis l’étude de la locomotion sur différents
types de sols meubles en utilisant la compliance active pour compenser
l’enfoncement différentiel des pattes (Gorinevski et Schneider 1990). Ce
projet a servi de base pour nos travaux sur la compliance active.

2.3.11 Robug II
La société Portech a développé, en collaboration avec l’Université de
Portsmouth, plusieurs robots à pattes grimpeurs pneumatiques à ventouses
destinés à l’inspection. Robug II (Luk et al. 1991) est un tétrapode de
12kg, 1.5m de long (figure 2.11). Le châssis est articulé, afin de faciliter les
manoeuvres de transfert entre deux surfaces faisant un angle droit (transfert
plancher-mur ou mur-plafond).
Les pattes sont pilotées par des cartes à microprocesseur individuelles
responsables du contrôle de position des 3 articulations (commande PWM).
Un PC coordonne les mouvements du robot par le cordon ombilical.
De nombreux essais ont démontré que Robug II constitue un prototype
fiable et performant. A la suite de cette expérience, Portech et l’Université
de Porsmouth se sont lancés dans un nouveau projet financé par la CEE
(Teleman 44).

2.3.12 Mecant
Mecant (pour MEChanical ANT) est un hexapode hydraulique développé
par l’Université de Helsinki comme véhicule tout-terrain expérimental pour

32
Figure 2.11: Véhicule grimpeur Robug II (Portech Ltd)

l’exploitation forestière (Halme et al. 1993, Lethinen 1994, Salmi et Halme


1995). Le poids du véhicule (long. 2m), dont la puissance est fournie par
un moteur à combustion embarqué, est d’un peu plus d’ 1 tonne.
Le mécanisme de patte est un pantographe à 2 dimensions tournant
autour d’un axe de rotation vertical (moteur hydraulique). Il sera étudié
dans la section suivante.
L’engin est contrôlé par un réseau d’ordinateurs; chaque patte étant
contrôlée par une carte de PC 286 pour les boucles de régulation de bas
niveau. Un PC 486 coordonne les mouvements. L’opérateur contrôle le
véhicule à distance à partir de joysticks via une liaison radio.
Un contrôle de force des pattes a été mis en oeuvre pour la locomo-
tion sur sol meuble, ce qui permet notamment un moindre endommagement

33
Figure 2.12: Robot Mecant (Helsinki University of Technology).

du sol. Celui-ci est obtenu à partir du contrôle de force des actionneurs


hydrauliques. Les pattes en phase de support sont contrôlées horizontale-
ment en position ce qui permet les déplacements horizontaux du châssis (3
d.d.l.) et verticalement en force (3 d.d.l.: contrôle d’altitude et d’attitude
du châssis).
Différents algorithmes de coordination ont également été mis au point et
testés: un algorithme périodique permettant le mouvement omnidirection-
nel du robot (adaptive wave gait et free gait). Ces deux stratégies seront
abordées en détail dans le chapitre 5.

2.3.13 TUM Robot


Le projet de l’Université Technique de Munich (TUM) vise à réaliser
un robot à pattes (figure 2.13a - Pfeiffer et al. 1991 - Weidemann et al.
1993) dont la cinématique et l’architecture de contrôle sont aussi proches
que possible de celles d’un insecte (Stick Insect - Carausius morosus).
Le Stick convient particulièrement bien à la recherche à cause de sa
grande taille (7 cm) qui permet aux biologistes de mesurer les angles des arti-
culations et les forces de contact durant la locomotion. Il a fait l’objet d’une
étude approfondie par des biologistes de l’Université de Bielefeld (Cruse

34
Figure 2.13: Conception d’un robot à pattes basé sur des principes
biologiques (Technical University of Munich).

et al. 1991) qui ont développé un modèle mathématique de son système


nerveux.
Les pattes du Stick sont constituées de 3 segments (figure 2.13b). Il est
capable d’orienter l’axe α par rapport au corps, par une rotation de l’os coxal
autour de l’axe δ. Le modèle mécanique de la patte (figure 2.13c) ne possède
pas ce degré de liberté: les angles φ et ψ, définissant l’orientation de l’axe
α, ont été fixés à des valeurs différentes pour les pattes avant, médianes et
arrières. Les longueurs des différents segments sont respectivement de 0.1m,
0.3m et 0.4m, soit à une échelle raisonnable, les dimensions de l’os coxal, le
fémur et le tibia d’une patte de l’insecte.
Le contrôle de l’engin est assuré par un réseau de microprocesseurs repro-
duisant la partie du système nerveux de l’insecte responsable de la locomo-
tion, telle qu’elle a pu être modélisée par les biologistes. Cette modélisation

35
sera détaillée plus loin.

2.3.14 Mag
L’Institut Fraunhofer de Magdebourg a récemment construit, en col-
laboration avec l’Université de Moscou (Dr Schneider), un véhicule à pattes
hexagonal équipé de capteurs de force à trois composantes intégrés aux pieds
(Schmucker et al. 1996).
Les pattes du véhicule ont trois degrés de liberté actionnés par des
moteurs DC avec réducteur. La cinématique est similaire à celle de l’OSU
hexapod.
Le contrôle est assuré par une architecture décentralisée mettant en oeu-
vre 6 contrôleurs de pattes (microprocesseur Intel 87C196KR - niveau C)
et un contrôleur principal (même processeur) responsable du niveau B. Les
différents contrôleurs sont interconnectés par un bus série et embarqués sur
le robot (niveau B et C). Seul le contrôleur principal est relié à un PC
extérieur par une liaison série. Ce dernier constitue l’interface utilisateur.
Jusqu’à présent, l’expérimentation s’est focalisée sur le contrôle de force.
Un calcul de répartition de force optimale est effectué au niveau B tandis
qu’un algorithme de compliance active est implémenté au niveau C.

2.3.15 Silex
A la suite de la réalisation du robot Max, le Service des Constructions
Mécaniques et Robotique a entrepris la construction d’un engin plus sophis-
tiqué appelé Silex, dans le cadre du projet Sherpa (Teleman 11). Il s’agit
d’un hexapode d’architecture hexagonale de 13kg, haut de 50 cm dont la
cinématique s’inspire de celle du robot Odex I.
Les pattes sont constituées d’un mécanisme à boucle fermée à trois degrés
de liberté. Leur géométrie résulte de l’optimisation du découplage gravita-
tionnel. Ce mécanisme est décrit à la section suivante.
L’architecture de contrôle est décentralisée: chaque patte est associée
à une carte de contrôle, basée sur un microprocesseur Intel 87C196KC,
qui résout en temps réel les équations de la cinématique inverse. Les six
contrôleurs locaux et un inclinomètre à 2 axes sont montés à bord du robot.
Le contrôleur principal (PC) coordonne le mouvement des pattes (niveau B).
Dans le cadre de cette thèse, cette structure de contrôle a été dans un pre-
mier temps complétée par un contrôle d’attitude et d’altitude. Par la suite,
un algorithme de coordination des pattes, appelé free gait, a été développé
afin d’améliorer les séquences de mouvement des pattes lors des changements

36
de direction du robot (Alexandre et Preumont 1996). Dans le même temps,
des capteurs de force à trois composantes basés sur des jauges de contrainte
ont été développés et intégrés aux pieds du robot. Ils ont permis la mise
en oeuvre de la compliance active, qui améliore la répartition des forces de
contact avec le sol durant la marche (Alexandre et al. 1996).

2.3.16 Ioan
Ce micro-rover résulte d’une amélioration apportée au premier robot
à pattes hexapode qui fut réalisé au laboratoire, Max. La structure du
véhicule, utilisant les mêmes éléments pour les pattes, a été obtenue en
séparant l’hexapode en trois modules, possédant deux pattes chacun, inter-
connectés par des articulations universelles actives (figure 2.14). Ces arti-
culations sont commandées par des servomoteurs et équipées de jauges de
contrainte intégrées dans le mécanisme de transmission. Ces jauges four-
nissent une mesure des couples associés aux deux degrés de liberté.
Cette nouvelle configuration a deux avantages distincts:

• Il est possible de programmer les articulations de telle manière à ce


qu’elles se comportent comme des ressorts actifs de rigidité arbitraire
(éventuellement négative). Cette solution améliore considérablement
la capacité du véhicule à surmonter les obstacles, en adaptant la
géométrie du châssis aux inégalités locales du terrain, grâce aux quatre
degrés de liberté supplémentaires (Preumont et al. 1996).

• En outre, le véhicule peut marcher sur ses deux faces et peut se


retourner d’une face à l’autre par une séquence de mouvements mémo-
risée. Ceci permet au véhicule de se récupérer suite à un renversement
(figure 2.14).

La masse du prototype est relativement faible (1.2 kg sans batterie),


étant donné la complexité du système (16 actionneurs). Le véhicule a fait
l’objet de tests sur la piste d’essais de l’ESA.

2.4 Aspect cinématique


Comme l’illustre la grande variété des prototypes existants, la conception
mécanique d’un engin marcheur est un problème possédant de nombreux
paramètres, notamment: la géométrie du châssis, le nombre de pattes, leur
disposition et leur cinématique.

37
Figure 2.14: Séquence de mouvements permettant au Micro-rover Ioan de
se retourner.

Le mécanisme des pattes constitue évidemment l’élément clé de la mobi-


lité d’un véhicule marcheur. Le nombre de degrés de liberté associé à cette
mobilité vaut:
l = n(d + 3) − 6(n − 1) (2.1)
où n est le nombre de pattes au sol et d, le nombre de degrés de liberté
d’une patte. Le premier terme correspond aux degrés de liberté des pattes
en contact avec le sol; ce contact pouvant être assimilé à une rotule (3 ddl).
Le deuxième terme tient compte des boucles cinématiques introduites par
les liaisons des pattes au châssis (supposé rigide dans cette analyse).
Le cas le plus couramment considéré est 3 ddl par pattes, ce qui donne
l = 6, quelque soit le nombre de pattes au sol. On obtient donc ainsi une
mobilité complète du châssis.

38
Dans cette section, quelques mécanismes particuliers sont présentés; nous
nous limitons aux pattes à 3 degrés de liberté. Le dimensionnement d’un
mécanisme de patte résulte notamment des objectifs suivants:

• une course R (stroke) uniforme à l’intérieur de l’espace de travail;

• une mobilité maximum (i.e. ∆z maximum à l’intérieur de l’espace de


travail);

• le découplage gravitationnel.

Il sera établi dans l’étude des démarches périodiques (chapitre 4), que la
vitesse maximale d’un véhicule à pattes est proportionelle à la course R (tra-
jectoire horizontale) réalisable. Ceci explique l’intérêt d’obtenir un espace
de travail tel que la valeur de R, déterminée sur des coupes horizontales de
l’espace de travail, dépende le moins possible de la direction de progression
et de la coordonnée verticale de la patte.
La mobilité maximum est l’objectif principal des robots à pattes. Le
paramètre ∆z qui caractérise la hauteur de l’espace de travail (dans sa partie
utile) est à mettre directement en rapport avec la hauteur des obstacles à
franchir ou à surmonter.
Enfin, le découplage gravitationnel est souhaitable car il permet d’élimi-
ner les pertes énergétiques liées au travail géométrique durant le processus
de marche. Pour illustrer cette dernière notion, on peut analyser le travail
de support des articulations d’une patte à deux degrés de liberté lors d’un
mouvement horizontal du châssis à vitesse constante (figure 2.15).
Lorsque le véhicule se déplace vers la droite, la position relative de
la patte se déplace du point A au point C. Les puissances associées aux
deux articulations q1 et q2 se compensent à tout moment puisque le travail
qui résulte du mouvement est nul. Cependant, si la puissance disponible
à l’articulation travaillant négativement ne peut être récupérée, la source
d’énergie doit fournir de la puissance à l’autre articulation d’où une con-
sommation d’énergie inutile. Ce type de perte d’énergie est appelé travail
géométrique (Hirose 1984).
Cette situation est évidemment peu souhaitable. Il est possible d’y
remédier en utilisant pour la patte un mécanisme dont les mouvements
réalisables par les différents actionneurs sont géométriquement découplés
en mouvements horizontaux et verticaux (découplage gravitationnel). Dans
ce cas, le mouvement horizontal de la patte est obtenu à partir du mou-
vement d’une seule articulation (cas plan) et la puissance requise pour ce
déplacement à vitesse constante est nulle aux frottements près. On peut

39
Figure 2.15: Travail géométrique d’une patte lors d’un déplacement hori-
zontal du véhicule.

noter que la cinématique inverse du mécanisme est dès lors simplifiée pour
les mouvements horizontaux.
Une solution triviale à ce problème est donnée par un mécanisme à deux
articulations prismatiques orthogonales. Cette configuration se retrouve sur
le robot Ambler, le troisième degré de liberté étant assuré par un axe de
rotation vertical.
Plusieurs mécanismes comportant une boucle fermée ont été proposés
comme alternative, nous les passons en revue ci-dessous.

2.4.1 Les mécanismes à pantographe


Le pantographe permet d’obtenir un découplage gravitationnel parfait à
partir de deux actionneurs linéaires d’axes perpendiculaires. La figure 2.16
représente une version possible de ce mécanisme. Les points A, C et F restent
alignés quelque soit la position du mécanisme. Les actionneurs agissent au
niveau du point A (verticalement - q2 ) et du point C (horizontalement - q1 ).
Le paramètre α permet de fixer le rapport d’amplification: il correspond
au rapport de similitude des triangles ABC et ADF. On obtient alors à
l’extrémité du mécanisme (point F):
(
x = αq1
(2.2)
z = −(α − 1)q2
Outre le bénéfice de l’amplification du mouvement, on résout également
le problème des efforts transversaux dans les actionneurs linéaires. Ce
dispositif a donné lieu à plusieurs réalisations (figure 2.17), notamment

40
Figure 2.16: Un mécanisme de patte à pantographe et son espace de travail.

Titan III (3 articulations prismatiques orthogonales), l’ASV (rotation du


pantographe autour d’un axe horizontal) et Mecant qui utilise un axe de
rotation vertical.
La cinématique de Titan III est la plus simple du point de vue cal-
cul, puisqu’elle correspond à un espace de travail cartésien. La réalisation
mécanique d’un tel dispositif est cependant délicate.
La solution adoptée pour l’ASV, axe de rotation horizontal parallèle à
l’axe longitudinal du véhicule, a comme avantage de réduire la largeur du
véhicule. La mobilité selon l’axe longitudinal est favorisée au détriment des
déplacements latéraux.
La disposition adoptée pour Mecant a de meilleures aptitudes pour les
mouvements omnidirectionnels.
D’autres types de pantographes (e.g. skew pantograph) ont également
été considérés pour la réalisation de pattes (Kessis et al. 1983).

2.4.2 Le mécanisme d’Evans


Le mécanisme d’Evans permet également d’obtenir le découplage gravi-
tationnel à partir de deux actionneurs linéaires d’axes concourants (Hirose
et al. 1991). Ils agissent verticalement au niveau des points A (q1 ) et B (q2 )
(figure 2.18a). La barre BC de longueur l s’articule au milieu de la barre
AD de longueur 2l. On obtient alors pour la position du point D:

41
Figure 2.17: Quelques mécanismes de pattes à pantographe: (a)Titan III,
(b)Mecant, (c)ASV.

( p
x = 4l2 − (q1 − q2 )2
(2.3)
z = q2
Un mouvement horizontal de l’extrémité s’obtient dès lors en agissant
seulement sur q1 alors qu’un mouvement vertical s’obtient en agissant sur q1
et q2 à des vitesses égales. Le découplage vertical n’est donc pas atteint. Il
n’est cependant pas nécessaire puisque les pattes ne travaillent que lors des
trajectoires horizontales (support).
Tel quel, le mécanisme d’Evans convient peu pour une patte, notamment
à cause de l’inclinaison du segment AD. Le mécanisme de la figure 2.18b per-
met de pallier cet inconvénient en introduisant une boucle supplémentaire

42
constituée d’un parallélogramme. Le mouvement de l’extrémité du dispositif
est identique au mouvement du point D et l’orientation du pied reste verti-
cale. Une autre possibilité est d’associer le mécanisme d’Evans à un panto-
graphe, ce qui permet d’amplifier les mouvements des actionneurs (figure
2.18c).
La solution adoptée par Hirose pour Titan VI est représentée à la figure
2.18d. Un mécanisme téléscopique constitué de 3 cylindres amplifie les mou-
vements du point D d’un facteur 2 grâce au système de poulies représenté. Le
cylindre extérieur pivote autour de l’articulation D du mécanisme d’Evans.
Le cylindre intermédiaire solidaire s’articule en E et le cylindre intérieur,
constituant l’extrémité de la jambe télescopique, est entraı̂né par le câble de
telle sorte que le point F suive les mouvements de D à double vitesse.

2.4.3 Découplage approximatif


La cinématique des pattes de Silex est représentée à la figure 2.19. Elle
est très proche de celle d’Odex I; elle ne fait appel qu’à une seule articu-
lation de translation et est mécaniquement plus simple que les mécanismes
précédents, mais elle ne réalise le découplage qu’approximativement, pour
une géométrie particulière du mécanisme.
La patte du robot Silex utilise un actionneur linéaire (vis à bille) corres-
pondant à l’articulation q1 et deux actionneurs de rotation (q2 et q3 ). Les
longueurs des différents segments constituant le mécanisme ont été choisies
afin de maximiser la surface de l’espace de travail correspondant à une cer-
taine précision du découplage horizontal (horizontalité des trajectoires iso-
q1 ). La tolérance sur le découplage cinématique est d’environ 10mm pour
la course complète de l’articulation q2 (soit R = 10cm à 20cm dans la par-
tie utile de l’espace de travail). Notons qu’une précision accrue peut être
atteinte en limitant la position extrême q2max à une valeur inférieure à la
fin de course physique de l’articulation. Une tolérance de 2mm peut ainsi
être obtenue au dépens d’une diminution de 20% de la surface de l’espace
de travail.
Un découplage approximatif peut également être obtenu grâce à des
mécanismes à 4 et à 7 barres (Song et Waldron 1989).

43
Figure 2.18: Systèmes basés sur le mécanisme d’Evans.

44
Figure 2.19: Section verticale de l’espace de travail d’une patte du robot
Silex (q3 fixé). L’erreur d’horizontalité sur les courbes iso-q1 est inférieure à
10mm sur l’ensemble de la course de q2 .

45
Chapitre 3

Hiérarchie de contrôle

3.1 Les différents niveaux de contrôle


Le contrôle et la coordination d’un nombre élevé d’articulations en temps
réel constitue l’un des défis majeurs de la locomotion à pattes. La tâche peut
être avantageusement décomposée en plusieurs niveaux organisés de manière
hiérarchisée et correspondant aux fonctions principales de la locomotion à
pattes. Cette approche est connue sous le nom de Supervisory Control (Orin
1982). La hiérarchie de contrôle d’un robot à pattes est typiquement la
suivante (figure 3.1):

• Niveau A: Navigation et planification. Ce module utilise l’infor-


mation connue sur l’environnement pour établir le chemin que le robot
devra emprunter pour accomplir sa mission. Ce chemin peut être
spécifié par la vitesse horizontale de référence du véhicule définie par
les 3 composantes (Vx , Vy , ωz ).

• Niveau B: Coordination. Ce niveau assure la coordination des


mouvements des pattes afin d’atteindre la vitesse de consigne imposée
par le niveau A tout en maintenant la stabilité du véhicule. D’autre
part, le niveau B inclut également le contrôle d’attitude et d’altitude
du véhicule ainsi que le calcul de la répartition optimale des forces
d’appui.

• Niveau C: Trajectoires des pattes. Le niveau inférieur contrôle les


mouvements individuels de chaque patte selon des séquences imposées
par le niveau B. Ceci comprend la génération de trajectoire des pattes,
le calcul de la cinématique inverse, le contrôle des articulations ainsi

46
47
que la compliance active des pattes. Ces tâches sont typiquement
reprises par des unités de calcul indépendantes associées à chaque patte
(contrôle décentralisé).

La navigation autonome d’un robot à pattes (niveau A) n’a pas lieu d’être
différente de ce qu’elle serait pour un autre robot mobile; c’est pourquoi ce
problème ne sera pas détaillé ici. On supposera que le niveau A est assuré
par un opérateur humain dont le rôle est d’assigner au véhicule une vitesse
de référence (trois composantes Vx , Vy , ωz ) au moyen d’un joystick. Cette
situation convient à un grand nombre d’applications de la robotique mobile
(téléopération).
Les stratégies réalisant la coordination (niveau B), fonction propre à la
locomotion à pattes, sont diversifiées et feront l’objet d’une étude appro-
fondie dans les chapitres suivants. Plusieurs approches différentes seront
présentées:

• L’étude des démarches périodiques, qui constitue la base des autres


stratégies de coordination, est développée au chapitre 4.

• Une extension des algorithmes périodiques, le wave gait adaptatif, per-


met d’étendre l’utilisation des séquences de mouvements fixes aux
mouvements omnidirectionnels.

• La coordination neurobiologique est basée sur un modèle des mécani-


smes coordinateurs des insectes établi par des biologistes.

• Enfin, le free gait assure le contrôle de démarche à partir d’un ensem-


ble de règles permettant de décider la pose et la levée des pattes en
fonction de la vitesse souhaitée et des obstacles locaux.

Les trois dernières approches sont présentées au chapitre 5 intitulé con-


trôle de démarche (gait control).
Les autres fonctions du niveau B, le contrôle d’attitude et d’altitude du
châssis ainsi que la gestion des force de contact font l’objet des chapitres 6
et 7 traitant respectivement du contrôle cinématique et du contrôle de force.
La couche inférieure de la structure de contrôle (niveau C) assure pour
chaque patte le calcul de la trajectoire en temps réel ainsi que le contrôle
du mouvement. Celui-ci peut être purement cinématique ou inclure une
rétroaction de force (compliance active). Le niveau C doit également gérer
l’acquisition des différentes mesures disponibles au niveau des pattes: posi-
tions (et vitesses) des articulations, forces d’interaction avec le sol, état des
contacteurs de fin de course,... Le retour de certaines de ces informations

48
vers le niveau B est nécessaire: position des pattes dans leur espace de tra-
vail pour le contrôle de démarche et mesure des forces de contact pour le
calcul de la répartition des forces de contact.

3.2 L’architecture de contrôle du robot Silex


Les modules de contrôle qui viennent d’être mentionnés ont été mis en
oeuvre pour le robot Silex grâce à l’architecture illustrée à la figure 3.2.
Chaque patte est connectée à sa propre carte de contrôle basée sur un
microprocesseur Intel 87C196KC (niveau C). Les trois principales tâches
assurées par le niveau C sont :

• le contrôle cinématique de la patte dont la direction et la vitesse sont


imposées par le niveau B.

• la compliance active de la patte.

• l’acquisition des signaux des différents capteurs.

• la communication avec le niveau B par liaison série.

3.2.1 Contrôle cinématique d’une patte


Le contrôle de vitesse d’une patte est organisé comme suit: le micro-
processeur résout la cinématique inverse du mécanisme de la patte (cette
procédure sera détaillée dans le chapitre 6). Ensuite, il fournit, par l’inter-
médiaire du bus de données, les vitesses angulaires de référence des différents
moteurs à des circuits spécialisés LM629 (figure 3.3) qui assurent la régula-
tion numérique (PID) de la vitesse des moteurs DC par modulation PWM
(Pulse Width Modulation).
Ces circuits permettent ainsi d’alléger considérablement la charge de cal-
cul du microprocesseur; ils possèdent des entrées pour recevoir directement
les signaux provenant des encodeurs qui équipent chaque moteur. Un comp-
teur 32 bits mémorise ainsi la position du moteur. Le mode de contrôle de
vitesse est basé sur une boucle de contrôle de position: le circuit intègre la
vitesse de référence programmée pour obtenir la position de référence (tra-
jectoire). L’erreur de position est ensuite filtrée par le PID numérique dont
les paramètres sont programmés à partir du microprocesseur. Enfin, la sortie
PWM d’une précision de 8 bits est appliquée après isolation (optocouplage)
à un demi-pont en H afin de fournir la puissance aux moteurs.

49
3.2.2 Acquisition numérique des mesures
Les différents capteurs installés sur le robot sont:

• Des encodeurs incrémentaux (100 lignes) accouplés à chacun des 18


moteurs.

• Des capteurs de force à trois composantes (cfr. chapitre 7) fixés aux


extrémités des pattes délivrant des signaux analogiques proportionnels
aux trois composantes de la force de réaction.

• Un inclinomètre (basé sur un niveau à bulle) fixé au châssis donnant


deux signaux analogiques proportionnels aux angles que font ses deux
axes avec le plan horizontal (roulis, tangage).

L’obtention de la position à partir des signaux d’encodeurs est assurée


par les circuits auxiliaires LM629. Le registre de position du circuit est
accessible par une simple lecture au microprocesseur qui pilote la patte. La
position absolue des moteurs est connue grâce à un positionnement précis
des pattes du robot lors de chaque mise en fonctionnement. Cette procédure
de calibration réalisée au moyen de repères situés sur le socle du robot tient
lieu d’étalonnage des pattes.
Les signaux de force, obtenus à partir de jauges de contraintes montées
en pont, sont amplifiés avant d’être convertis numériquement par le micro-
processeur associé à chaque patte. Ils peuvent être utilisés pour assurer
divers types de rétroaction: suivi de contour pour l’évitement d’obstacle ou
compliance active. Cette deuxième possibilité a été mise en oeuvre dans le
contrôle de la marche du robot Silex pour la partie verticale du mouvement
des pattes (suspension active). La méthode sera précisée au chapitre 7.
Les mesures de l’inclinomètre ne sont pas utilisables au niveau C mais
doivent être centralisées au niveau B, responsable de la régulation d’attitude.
C’est pourquoi, l’inclinomètre a été associé à un septième microprocesseur
gérant l’acquisition numérique des angles et assurant leur transmission au
PC qui assure le niveau B.

3.2.3 Communication avec le niveau B


La communication entre le PC du niveau B et les 7 cartes à micropro-
cesseurs du niveau C est assurée par une liaison série. Le PC agit comme
maı̂tre dans cette liaison et sélectionne la carte avec laquelle il doit commu-
niquer grâce à une carte de multiplexage installée sur le robot.

50
Les données envoyées vers le niveau C sont les vitesses et positions de
consigne nécessaires pour l’exécution des pas, ainsi que la consigne de force
pour la compliance active. En retour, chaque microprocesseur renvoie les
positions angulaires des articulations de la patte ainsi que les composantes
des forces de réaction.
Le protocole de communication a été défini de manière à permettre une
programmation flexible du mouvement des pattes. Il est bien adapté à
l’expérimentation des algorithmes de coordination. Dans un premier temps,
seules les démarches régulières furent testées en utilisant de simples inter-
rupteurs pour détecter le sol. Ensuite, après la mise au point de l’algorithme
de free gait sur un simulateur reproduisant la cinématique du robot, ce type
de démarche a également été expérimenté avec succès sur le robot Silex et
combiné avec la compliance active.

51
Figure 3.2: L’Architecture de contrôle décentralisée du robot Silex.

52
Figure 3.3: Asservissement en vitesse et position des moteurs à courant
continu au moyen du circuit LM629 (National Semiconductor).

53
Chapitre 4

Les démarches périodiques

4.1 Introduction
Le rôle de la coordination des mouvements des pattes a été introduit
précédemment; deux fonctions doivent être assurées simultanément par celle-
ci: le maintien du véhicule en équilibre et son déplacement horizontal à une
vitesse donnée.
Avant d’étudier les propriétés des démarches périodiques, il est utile
d’introduire certaines notions et conventions. La terminologie adoptée suit
de près celle de Song et Waldron (1989) qui est très largement utilisée dans
la littérature.

4.2 Paramètres caractérisant une démarche


Un véhicule hexapode d’architecture rectangulaire dont les pattes ont
toutes le même espace de travail est considéré. La numérotation des pattes
adoptée est indiquée sur la figure 4.1.

- La phase de transfert d’une patte est la période durant laquelle elle


n’est pas en contact avec le sol. La durée correspondante est notée τ .

- La phase de support d’une patte est la période durant laquelle elle est
en contact avec le sol. La durée correspondante est notée s.

- Le temps de cycle T est la durée d’un cycle complet de locomotion


d’une patte: T = s + τ . Les démarches périodiques sont caractérisées
par un temps de cycle identique pour toutes les pattes.

54
Pour un déplacement rectiligne uniforme du véhicule, la phase de support
d’une patte consiste en un mouvement relatif de vitesse opposée à la direction
de progression de l’extrémité de la patte.

- Les positions extrêmes de la phase de support d’une patte sont appelées


position extrême antérieure (AEP pour Anterior Extreme Position) et
position extrême postérieure (PEP pour Posterior Extreme Position).

La phase de transfert ramène la patte en avant afin de trouver un nouveau


point d’appui, ceci en évitant le contact avec le sol. La partie finale de la
phase de transfert est délicate et nécessite une information tactile lors du
rétablissement du contact avec le sol, si le terrain est irrégulier.

- Le facteur de service d’une patte (duty factor) est la fraction du cycle


passée en phase de support, β = s/T .

La stabilité statique nécessite le contact permanent d’au moins trois


pattes avec le sol; ceci implique une restriction sur la valeur minimum du
facteur de service: β ≥ 3/n où n est le nombre de pattes du véhicule, soit
3/4 pour un tétrapode et 1/2 pour un hexapode.
Le facteur de service lie les durées des phases de support et de transfert
par la relation:
s β
= (4.1)
τ 1−β

- La phase φi d’une patte est la fraction de cycle séparant le début du


cycle de la patte i de celui de la patte 1 prise comme référence.

- Une démarche est dite régulière si le facteur de service a une même


valeur β pour chaque patte.

- Une démarche est dite symétrique si les paires de pattes gauche-droite


ont des mouvements décalés de 1/2 cycle, soit une différence de phase
∆φ = 1/2.

- Une démarche à incrément de phase constant est telle que les dif-
férences de phase entre pattes successives d’un même côté de l’axe
longitudinal sont les mêmes:

φ3 − φ1 = φ5 − φ3 (4.2)

55
Les démarches périodiques, régulières, symétriques et à incrément de
phase constant ont des propriétés particulières qui seront étudiées plus loin.
Le diagramme de séquencement de la figure 4.2 illustre de telles démarches.
Cette représentation indique pour les pattes gauches (1,3 et 5) et droites (2,4
et 6) le déroulement des phases de support (trait continu) et de transfert
(trait interrompu) au cours d’un cycle de locomotion.
Quelques définitions géométriques suivent (cfr. figure 4.1):

- La course R (stroke) est la distance parcourue par la patte lors d’une


phase de support (distance séparant AEP et PEP).

- L’empattement P (Stroke Pitch) est l’écartement de deux pattes adja-


centes le long du véhicule.

- Le pas λ (stride) est la distance de translation du centre de gravité du


véhicule durant un cycle de locomotion.

La vitesse du véhicule pour une démarche périodique régulière de course


fixée R est:

λ R R R1−β
V = = = = (4.3)
T βT s τ β
Pour des raisons de stabilité qui apparaı̂tront plus loin (la stabilité augmente
avec β), on utilise généralement le facteur de service β comme paramètre
pour faire varier la vitesse, en fixant la durée de transfert τ , à une valeur
minimale τmin correspondant à la vitesse maximale de retour de la patte.
Cependant, en dessous d’une certaine valeur de β, c’est la phase de support
minimale smin qui limite la vitesse. La vitesse est donc donnée par:

R 1−β R
V = min{ , } (4.4)
τmin β smin
Dans l’hypothèse vraisemblable où smin = τmin , la phase de transfert con-
stitue l’élément limitant pour la vitesse pour β ≥ 1/2, soit pour l’entièreté
de l’intervalle de stabilité de β pour un hexapode. Si le nombre de pattes
est supérieur à 6, β peut devenir inférieur à 1/2 et la limitation provient
alors de la phase de support, smin . La vitesse ne peut dans ce cas plus
augmenter lorsqu’on diminue β; elle est maximale. Cette situation est illus-
trée à la figure 4.3. On y constate que la vitesse maximale d’un hexapode
est trois fois supérieure à celle d’un tétrapode, mais qu’aucun accroissement
de vitesse ne peut être obtenu en utilisant un octopode. Il n’y a donc pas

56
d’avantage du point de vue de la vitesse à utiliser plus de six pattes pour la
marche à équilibre statique.
Considérons à présent la stabilité statique du véhicule.

4.3 Marges de stabilité


L’équilibre statique d’un robot à pattes sous l’effet de la gravité peut être
vérifié à partir du polygone de sustentation (figure 4.4). Celui-ci constitue
la projection verticale des points d’appui des pattes en phase de support sur
un plan horizontal.
La démarche est statiquement stable si, à tout moment, la projection
verticale du centre de gravité G’ du robot reste à l’intérieur du polygone de
sustentation.
- La marge de stabilité S est la distance du point G’ au polygone de
sustentation; le véhicule est statiquement stable si S ≥ 0.
- La marge de stabilité frontale Sf est obtenue en considérant la distance
du point G’ au côté avant du polygone de sustentation, mesurée suivant
la direction de progression. La marge de stabilité arrière Sa est obtenue
en considérant le côté arrière. Enfin, la marge de stabilité longitudinale
Sl est la plus petite des deux marges Sf et Sa .
Les définitions qui précèdent caractérisent l’équilibre statique d’un véhi-
cule à pattes dans une position donnée. Elles sont ci-dessous étendues à
l’équilibre statique durant la marche.
- La marge de stabilité longitudinale Sl (D) d’une démarche périodique
D, est la valeur minimum de Sl au cours d’un cycle de locomotion.
Une démarche est statiquement stable si Sl (D) ≥ 0.
Pour une configuration de support donnée, la projection du centre de
gravité se déplace à l’intérieur du polygone de sustentation d’avant vers
l’arrière à la vitesse du véhicule, ce qui produit une diminution linéaire de la
marge de stabilité frontale et une augmentation correspondante de la marge
arrière. Il s’ensuit que la marge de stabilité arrière est minimum au début
de la configuration de support et maximum à la fin tandis que la marge
de stabilité frontale est maximum au début et minimum à la fin. Cette
constatation permet la détermination des instants critiques pour le calcul
de la marge de stabilité longitudinale d’une démarche.
Les marges de stabilité peuvent être rendues adimensionnelles en les
rapportant au pas λ:

57
- La marge de stabilité longitudinale réduite est
Sl β
Sl∗ = = Sl (4.5)
λ R

La marge de stabilité d’une démarche périodique de vitesse donnée (β fixé)


dépend directement des différences de phases ∆φi existant entre les mouve-
ments des pattes. Celles-ci fixent la séquence des configurations de support
et donc la marge de stabilité. Ainsi, une démarche régulière et symétrique
est entièrement définie du point de vue de sa stabilité longitudinale à partir
des seuls paramètres R, P, β, φ3 et φ5 pour un hexapode.
McGhee et Frank (1968) ont étudié les démarches périodiques des véhi-
cules à pattes et ont démontré mathématiquement que les démarches en
onde avant (forward wave gait) maximisent la marge de stabilité longitudi-
nale des tétrapodes. Bessonov et Umnov (1973) établirent par la suite, par
expérimentation numérique, que les démarches en onde avant constituent
également un optimum pour les hexapodes. Enfin Song et Waldron (1989)
obtinrent des résultats analytiques concernant la stabilité des 2n-podes de
même qu’une démonstration de l’optimalité des démarches en onde.
Les observations suivantes (Song et Waldron 1989) sont à la base de la
formulation analytique de la marge de stabilité longitudinale des démarches
régulières et symétriques:

- Pour une démarche périodique régulière et symétrique, chaque poly-


gone de sustentation a son image miroir par rapport à l’axe longitudi-
nal du robot.

- Pour une démarche périodique à incrément de phase constant, chaque


polygone de sustentation a son image miroir par rapport à l’axe latéral
du robot.

Ceci implique que pour ce type de démarche, il n’y a pas de différence


entre marge de stabilité frontale et arrière puisque la marge de stabilité
frontale d’un polygone de sustentation est identique à la marge de stabilité
arrière de l’image miroir de ce polygone.
Par conséquent, la démarche optimale au point de vue de la marge de
stabilité longitudinale pour une valeur fixée du facteur de service β, est
à rechercher parmi les démarches périodiques régulières, symétriques et à
incrément de phase constant.
D’autres marges de stabilité, prenant en compte une modélisation géo-
métrique plus complexe du véhicule, ont également été proposées. On peut

58
mentionner la marge définie par Messuri et Klein (1985), appelée energy
stability margin, qui correspond au travail minimal nécessaire à faire basculer
le véhicule par rotation autour d’un des côtés du polygone de sustentation.

4.4 Stabilité des démarches périodiques


La marge de stabilité longitudinale d’une démarche dépend en partie de
la géométrie du véhicule. Le cas de l’hexapode rectangulaire caractérisé par
les deux paramètres R et P (figure 4.1) est envisagé ici. Nous étendrons les
résultats aux hexapodes à architecture hexagonale.
Pour la raison évoquée plus haut, l’analyse de la stabilité est réduite
aux démarches périodiques régulières symétriques et à incrément de phase
constant, lesquelles sont entièrement définies par les deux paramètres β et
φ3 . Il doit donc être possible d’exprimer la marge de stabilité longitudinale
d’une telle démarche en fonction des quatre paramètres R, P, β et φ3 :
Sl∗ (D) = f (R, P, β, φ3 ) (4.6)
Cette fonction est discontinue et ne peut être déterminée qu’en analysant
géométriquement le polygone de sustentation aux instants critiques du cy-
cle, juste avant qu’une patte ne soit posée pour le calcul de la marge de
stabilité frontale (équivalente à la marge arrière dans le cas d’une démarche
à incrément de phase constant). La configuration à considérer pour ces in-
stants critiques dépend de la possibilité que 2 pattes successives d’un même
côté du véhicule (par exemple 1 et 3) puissent être simultanément en phase
de transfert ou non (cela se présente pour φ3 < 1 − β et φ3 > β ). Les
pattes opposées par rapport à l’axe longitudinal (par exemple 1 et 2) étant
déphasées de 1/2 cycle, elles ne peuvent être simultanément en phase de
transfert, puisqu’on se restreint au démarches stables (β ≥ 1/2).
Pour φ3 > (1 + β)/2, il existe des configurations de support pour lesquel-
les les 3 pattes situées d’un même côté sont levées simultanément; ces
démarches avant sont instables. Il en est de même des démarches arrière
caractérisées par φ3 < (1 − β)/2.

4.4.1 Contraintes liées aux interférences géométriques


Si la course des pattes est plus grande que l’empattement (R > P ), les
espaces de travail des pattes se recoupent, ce qui rend les interférences entre
pattes successives possibles.
Pour éviter celle-ci, les contraintes suivantes entre les paramètres doivent
être respectées:

59
Rφ3
P > (φ3 ≤ β) (4.7)
β
R(1 − φ3 )
P > (φ3 > β) (4.8)
(1 − β)

La première contrainte correspond au cas du placement de la patte 3 alors


que la patte 1 est en phase de support, situation rencontrée si φ3 ≤ β. La
position de la patte 3 par rapport au centre du véhicule vaut alors x3 = R/2
(AEP) alors que la patte 1 a parcouru en phase de support (vitesse R/βT ) la
distance Rφ3 /β depuis sa position la plus avancée soit x1 = P +R/2−Rφ3 /β.
On évite la collision entre les pattes sous la condition x1 > x3 soit l’inégalité
(4.7). Si φ3 > β, la patte 1 a déjà entamé sa phase de retour (vitesse
R/(1 − β)T ), dans laquelle elle a parcouru la distance R(φ3 − β)/(1 − β),
on en déduit l’autre inégalité (4.8). Les interférences entre toutes les pattes
sont évitées moyennant le respect de ces inégalités, pour toute démarche
symétrique à incrément de phase constant. On vérifie que ces contraintes
sont toujours satisfaites pour P > R, c’est à dire si les espaces de travail
ne se chevauchent pas, comme c’est le cas pour la géométrie illustrée à la
figure 4.1; s’il en est autrement, il y aura une limitation sur le choix de la
démarche. Nous supposerons l’absence d’interférence dans ce qui suit.
Les démarches symétriques et à incrément de phase constant peuvent être
divisées en deux classes: la première est celle des démarches avant (forward)
pour lesquelles le placement des pattes apparaı̂t comme se propageant depuis
l’arrière vers l’avant du véhicule; elles correspondent à φ3 > 1/2. A l’opposé,
les démarches arrière (backward) sont telles que le placement des pattes se
propage depuis l’avant vers l’arrière du véhicule et correspondent à φ3 < 1/2.
Il apparaı̂t à l’examen de l’inégalité (4.7), que les démarches arrière
sont moins critiques du point de vue des interférences géométriques (compte
tenu que β ≥ 1/2). Par contre, leurs propriétés de stabilité sont inférieures
comme l’indique la suite.

4.4.2 Stabilité des démarches ”avant” (φ3 ≥ 1/2)


Trois cas sont à examiner: φ3 ≤ β, β < φ3 ≤ (1 + β)/2 et φ3 > (1 + β)/2,
assortis de la condition nécessaire de stabilité β ≥ 1/2.
Sous la condition φ3 ≤ β, on peut constater sur le diagramme de phase
(figure 4.6a) que les pattes 1 et 3 ne peuvent être simultanément en phase
de transfert. Il en va de même pour les pattes 2 et 4 étant donné la symétrie
de la démarche. L’instant critique à considérer pour le calcul de la marge

60
de stabilité frontale du véhicule est donc l’instant précédant la pose de la
patte 1. La partie frontale du polygone de sustentation à ce moment est
représenté à la figure 4.7a.
A l’instant critique, la patte 2 est en phase de support depuis un demi-
cycle; elle s’est donc déplacée en arrière de R/2β depuis sa position extrême
antérieure (AEP). Quant à la patte 3, elle est en phase de support et a
un retard de φ3 T sur le mouvement de la patte 1 ou ce qui est équivalent
une avance de (1 − φ3 )T par rapport à la même patte 1. La patte 3 s’est
donc déplacée de R(1 − φ3 )/β depuis sa position antérieure (1/2 ≤ φ3 ≤ β
garantit que la position postérieure n’est pas atteinte).
A partir de la figure 4.7a, on peut à présent établir la formule de la marge
de stabilité frontale:

1 R R(1 − φ3 ) R R
Sf = [ − +P + − ]
2 2 β 2 2β
P R R 3
= + − ( − φ3 ) (4.9)
2 2 2β 2
ou, en grandeur réduite:
Sf βSf 3 β P φ3
Sf∗ = = = − + (1 + ) + (φ3 ≤ β) (4.10)
λ R 4 2 R 2
Si β < φ3 ≤ (1+β)/2, les pattes 1 et 3 sont, par moment, simultanément
en phase de transfert (figure 4.6b et 4.7b) d’où une configuration peu avan-
tageuse du point de vue de la stabilité. L’instant critique du cycle se situe
juste avant que la patte 3 ne se pose. La figure 4.7b illustre la situation à cet
instant précis: la patte 4 étant en phase de support depuis 1/2 cycle, la patte
2, en retard de (1 − φ3 )T par rapport à la patte 4, a parcouru une distance
de (1/2 − (1 − φ3 ))R/β = (φ3 − 1/2)R/β depuis sa position antérieure. De
manière similaire, la patte 3 étant en retard de (1 − φ3 )T par rapport à la
patte 5, cette dernière a parcouru (1 − φ3 )R/β depuis sa position antérieure.
De la figure 4.7b, on tire la valeur de la marge de stabilité:

1 R 1 R R R
Sf = {[P + − (φ3 − ) ] − [P − + (1 − φ3 ) ]}
2 2 2 β 2 β
R R
= − (4.11)
2 4β
ou en grandeur réduite:
Sf βSf β 1
Sf∗ = = = − (β < φ3 ≤ (1 + β)/2) (4.12)
λ R 2 4

61
On constate que la marge de stabilité frontale est indépendante de l’incré-
ment de phase φ3 dans ce deuxième cas qui est moins favorable au point
de vue de la stabilité. On peut vérifier qu’elle est effectivement toujours
inférieure à celle obtenue dans le premier cas [équation (4.10)] pour autant
que la condition de non-interférence (4.7) soit vérifiée.
Le troisième cas φ3 > (1 + β)/2 a déjà été signalé plus haut: à l’instant
précédant la pose de la patte 5, on peut vérifier que les pattes 3 et 1 en
retard respectivement de (1 − φ3 )T et 2(1 − φ3 )T < (1 − β)T sont encore en
phase de transfert (τ = (1 − β)T ), d’où l’instabilité.
Les équations (4.10) et (4.12) permettent d’analyser la stabilité des
démarches avant proposées dans la littérature:

• onde avant (Forward Wave Gait - FWG): φ3 = β,

• déphasage uniforme sur une moitié de cycle (Forward Half Cycle Equal
Phase Gait - F φ60): β = 5/6,

• déphasage uniforme sur un cycle (Forward Full Cycle Equal Phase


Gait - F φ120): φ3 = 2/3.

La figure 4.8 montre l’évolution des marges de stabilité longitudinale


(équivalentes aux marges frontales) de ces démarches en fonction du facteur
de service β.
Dans la suite les termes anglais et leurs abréviations seront utilisés pour
désigner les démarches.
L’équation (4.10) révèle que la marge de stabilité frontale est propor-
tionnelle à φ3 pour φ3 ≤ β ; la démarche la plus stable est donc obtenue
pour la valeur maximale de ce paramètre: φ3 = β soit pour les forward wave
gaits qui constituent le meilleur choix de démarche au point de vue stabilité
frontale, pour toute la gamme de vitesse (1/2 ≤ β ≤ 1). Ceci confirme les
résultats de Bessonov et de Mcghee et Frank.
Il faut toutefois remarquer que ces démarches sont les plus contraignantes
du point de vue des interférences: elles nécessitent P > R (cfr. inégalité
(4.7)). Elles sont aussi particulièrement sensibles aux perturbations que
pourraient occasionner un sol inégal, étant donnée que la levée d’une patte
est simultanée à la pose de la patte précédente dans l’onde.
Les forward equal phase gaits (figure 4.9) constituent également des choix
stratégiques de démarches car elles optimisent la répartition de la consom-
mation d’énergie des actionneurs en distribuant de manière uniforme les
débuts des phases de support des pattes appartenant à un même côté, soit
sur un cycle (1 − φ3 = 1/3 ou 120◦ d’où la désignation F φ120), soit sur un

62
demi-cycle (1 − φ3 = 1/6 ou 60◦ d’où la désignation F φ60). Ceci réduit les
pointes de consommation et constitue un avantage du point de vue alimen-
tation en puissance des actionneurs.
Cependant, la stabilité de ces démarches est mauvaise pour les vitesses
élevées (pour β < 2/3 et β < 5/6 respectivement); la discontinuité est due
au passage à un mode de séquencement pour lequel deux pattes successives
sont simultanément en phase de transfert (φ3 > β - équation (4.12)). La
démarche F φ60 devient instable pour β < 2/3, la séquence passant par des
configurations pour lesquelles trois pattes sont simultanément lévées d’un
même côté (φ3 > (1 + β)/2).
On peut toutefois noter que les forward equal phase gaits F φ60 et F φ120
se confondent avec les forward wave gaits, respectivement pour β = 2/3 et
5/6. On obtient donc, pour ces deux ensembles de paramètres (β = φ3 = 2/3
et β = φ3 = 5/6), des démarches qui optimisent à la fois la stabilité et la
répartition de la consommation en énergie sur le cycle.

4.4.3 Stabilité des démarches ”arrière” (φ3 ≤ 1/2)


Deux cas doivent être examinés: φ3 ≥ 1 − β et φ3 < 1 − β (figures 4.10
et 4.11) avec β ≥ 1/2. Dans les deux situations, la configuration critique se
présente juste avant la pose de la patte 1.
Dans le premier cas, la patte 3 est en phase de support et, par conséquent,
la marge de stabilité frontale est identique à celle des démarches avant pour
φ3 ≤ β, donnée par l’équation (4.10).
Dans l’autre cas, la patte 3 est en phase de transfert comme l’illustre la
figure 4.11b et on obtient la marge de stabilité réduite suivante:

3 β
Sf∗ = − + + φ3 (4.13)
4 2
On peut facilement vérifier que cette expression est toujours négative en
tenant compte des inégalités φ3 < 1 − β et β ≥ 1/2. Les démarches corres-
pondantes sont donc instables.
L’analyse de la stabilité des démarches arrière proposées dans la littéra-
ture se fait à l’aide des équations (4.10) et (4.13):
• onde arrière (Backward Wave Gait - BWG): φ3 = 1 − β,
• déphasage uniforme sur une moitié de cycle (Backward Half Cycle
Equal Phase Gait - Bφ60): φ3 = 1/6,
• déphasage uniforme sur un cycle (Backward Full Cycle Equal Phase
Gait - Bφ120): φ3 = 1/3.

63
Les marges de stabilité frontale de ces démarches sont portées en fonction
du facteur de service β à la figure 4.12. Les backward equal phase gaits sont
instables pour β < 5/6 (Bφ60) et β < 2/3 (Bφ120).
La figure 4.13 résume la discussion sur la stabilité des démarches pério-
diques, régulières, symétriques et à incrément de phase constant: des droites
d’isostabilité frontale sont tracées dans un diagramme (φ3 ,β). Quatre zones
de stabilité sont à distinguer :

1. φ3 < 1 − β: cette région correspond à des démarches instables. C’est


le cas des Backward Equal Phase Gaits pour β < 5/6 (Bφ60) et pour
β < 2/3 (Bφ120).

2. 1−β ≤ φ3 ≤ β: cette condition évite la levée simultanée de deux pattes


successives ce qui est favorable à la stabilité. La marge de stabilité
frontale peut dans ce cas être calculée par l’équation (4.10) qui donne
également les droites d’isostabilité représentées. La région est limitée
par deux droites correspondant aux forward wave gaits (φ3 = β) et
backward wave gaits (φ3 = 1 − β).

3. β < φ3 ≤ (1 + β)/2: cette région correspond à des démarches dont la


stabilité est très faible (pattes 1 et 3 en phase de transfert simul-
tanément) et donnée par l’équation (4.12). La marge de stabilité
frontale ne dépend alors que de β (droites d’isostabilité verticales).

4. φ3 > (1 + β)/2: cette région concerne des démarches instables. C’est


le cas des forward equal phase gaits F φ60 pour β < 2/3.

Ce graphique permet de vérifier que pour une vitesse donnée (fixée par
la valeur du paramètre β), les démarches avant sont plus stables que les
démarches arrière, la démarche la plus stable étant le forward wave gait et
la démarche la moins stable, le backward wave gait. Les equal phase gaits
ont, suivant la valeur de β, soit une stabilité intermédiaire (β élevé), soit
une stabilité très faible [équation (4-11)], soit sont instables (F φ60, Bφ60 et
Bφ120 pour β faible).
Cette représentation des droites d’isostabilité avait déjà été proposée par
Vijaykumar (1987).

4.4.4 Architecture hexagonale


L’architecture hexagonale (figure 4.14) offre, par rapport à l’architecture
rectangulaire, de meilleures aptitudes au mouvement latéral grâce à ses 3
axes de symétrie.

64
Pour le calcul de la marge de stabilité longitudinale, la numérotation
des pattes est similaire à celle utilisée pour l’architecture rectangulaire en
prenant la direction de progression comme référence.
Les dimensions géométriques du robot sont caractérisées par P , la dis-
tance séparant deux centres d’espaces de travail voisins et R, la course des
pattes supposée égale pour les 6 pattes.
La marge de stabilité dépend de l’angle de crabe α entre la trajectoire
du robot et l’axe de symétrie de référence. Dans la discussion, seules les
valeurs de α comprises entre 0◦ et 30◦ sont considérées. Il faut noter que les
considérations de symétrie évoquées plus haut à propos des images miroir
du polygone de sustentation ne sont valables que dans le cas où α = 0.
Seul le calcul de la marge de stabilité frontale est donné ici. Le principe
de son évaluation est le même que pour l’architecture rectangulaire: la
détermination de la configuration critique et l’évaluation géométrique de
Sf . Le calcul de la marge pour une valeur arbitraire de α donne une ex-
pression compliquée et n’est pas développé ici; seules les valeurs extrêmes
sont examinées: α = 0 et α = 30◦ , pour lesquelles le résultat est simple et
élégant.
La figure 4.15 illustre la situation pour les deux cas lorsque la configu-
ration critique est l’instant précédant le placement de la patte 1 en position
antérieure et correspondant à une phase de support pour la patte 3. Ceci
est valable pour les démarches avant (φ3 > 1/2) lorsque φ3 ≤ β et pour les
démarches arrière (φ3 < 1/2) lorsque φ3 ≥ 1 − β. Pour α = 0, la marge de
stabilité frontale est:
2 1 P φ3
Sf∗ = − + β( + √ ) + (4.14)
3 2 R 3 3
et pour α = 30◦ :
3 1 P φ3
Sf∗ = − + β( + )+ (4.15)
4 2 2R 2
Cette dernière équation est identique à celle obtenue pour l’architecture
rectangulaire [équation (4.10)]. Les marges de stabilité frontale relatives
aux autres configurations critiques identifiées à la section précédente sont
indépendantes de α et identiques à celles obtenues pour l’architecture rec-
tangulaire (ceci est dû au fait que la patte 3 est en phase de transfert).
On obtient pour β < φ3 ≤ (1 + β)/2:
Sf βSf β 1
Sf∗ = = = − (4.16)
λ R 2 4
et une démarche instable pour φ3 < 1 − β et φ3 > (1 + β)/2.

65
Les résultats sont donc qualitativement les mêmes que pour l’architecture
rectangulaire.

4.5 Conclusion
Les démarches périodiques sont les plus faciles à mettre en oeuvre dans
la hiérarchie de contrôle décrite au chapitre précédent. De plus, il ressort de
l’étude qui précède que le forward wave gait présente une stabilité optimale.
C’est d’ailleurs ce type de coordination qu’utilisent les insectes lorsque les
conditions du terrain le permettent.
Cependant, la stabilité du forward wave gait est particulièrement sensible
à la présence d’obstacles qui décalent les instants de pose des pattes et
les changements de vitesse et de direction nécessitent une modification du
déphasage entre les pattes.
Dans ces circonstances, des stratégies de coordination plus flexibles, per-
mettant de s’écarter des séquences périodiques, sont à envisager pour ex-
ploiter pleinement le potentiel de mobilité des robots marcheurs. Elles font
l’objet du chapitre suivant.

66
Figure 4.1: Définitions des paramètres géométriques et numérotation des
pattes.

67
68

Figure 4.2: Diagramme de séquencement de démarches périodiques: (a) For-


ward wave gait β = 3/4, (b) Tripode alterné
Figure 4.3: Vitesse du véhicule en fonction du paramètre β pour une vitesse
maximum de l’actionneur (smin = τmin ). Les limites de stabilité statique
sont indiquées pour les tétrapodes, les hexapodes et les octopodes.

69
70
Figure 4.5: Condition de non-interférence géométrique entre pattes succes-
sives, lors de la pose de la patte 3: (a) si φ3 ≤ β, la patte 1 est en phase de
support; (b) si φ3 > β, la patte 1 est en phase de transfert.

71
Figure 4.6: Diagramme de phase d’une démarche avant. Seules les pattes
gauches sont représentées. (a) Si φ3 ≤ β, la configuration critique se situe
juste avant le placement de la patte 1. (b) Si β < φ3 ≤ (1 + β)/2, elle se
passe juste avant le placement de la patte 3.

72
Figure 4.7: Géométrie frontale du polygone de sustentation pour les con-
figurations critiques d’une démarche avant. (a) A l’instant où la patte 1 se
pose (φ3 ≤ β). (b) lorsque la patte 3 se pose (β < φ3 ≤ (1 + β)/2).

73
Figure 4.8: Marge de stabilité longitudinale réduite des démarches avant en
fonction de β pour R/P = 0.5. La vitesse réduite (1 − β)/β est également
représentée.

74
75
Figure 4.10: Diagramme de phase d’une démarche arrière. La configuration
critique a lieu juste après la pose de la patte 1. (a) Si φ3 ≥ 1 − β, la patte
3 est en phase de support; (b) Sinon elle est en phase de transfert.

76
Figure 4.11: Géométrie frontale du polygone de sustentation pour les con-
figurations critiques d’une démarche arrière. (a) A l’instant où la patte 1 se
pose (φ3 ≥ 1 − β). (b) lorsque la patte 1 se pose (φ3 < 1 − β).

77
Figure 4.12: Marge de stabilité longitudinale réduite de démarches arrière
en fonction de β, pour R/P = 0.5.

78
Figure 4.13: Droites d’isostabilité longitudinale des démarches régulières,
symétriques et à incrément de phase constant pour R/P = 0.5.

79
Figure 4.14: Architecture hexagonale; paramètres géométriques et numéro-
tation des pattes.

80
Figure 4.15: Configurations critiques juste avant la pose de la patte 1 lorsque
la patte 3 est en phase de support. (a) α = 0; (b) α = 30◦ .

81
Chapitre 5

Contrôle de démarche

5.1 Introduction
Les démarches périodiques, telles qu’introduites au chapitre précédent,
sont trop restrictives pour assurer la coordination lorsque le terrain est forte-
ment déstructuré ou encore dans le cas de changements de direction ou de
vitesse de référence. Le contrôle de démarche (gait control) a pour fonction
d’adapter la démarche du véhicule à ce type de situations prévisibles ou
imprévisibles.
Les principales stratégies de contrôle de démarche sont présentées dans
ce chapitre:

• le wave gait adaptatif qui maintient la séquence correspondant à un


forward wave gait en jouant sur le temps de cycle en cas de perturba-
tion;

• la coordination neurobiologique, obtenue grâce à une modélisation du


système nerveux des insectes;

• le free gait, approche consistant à baser le séquencement des mouve-


ments sur un ensemble de règles assurant le maintien de l’équilibre du
véhicule.

5.2 Wave gait adaptatif


La stratégie du wave gait adaptatif généralise l’utilisation des démarches
du type wave gait aux déplacements omnidirectionnels du robot (Lee et Orin
1988). L’approche est basée sur un algorithme permettant de maintenir la

82
séquence d’un forward wave gait de paramètre β fixé. Pour ce faire, à chaque
cycle de calcul ∆T , une pseudo-période T est calculée afin de conserver les
déphasages adéquats entre les pattes tout en restant compatible avec les
performances des actionneurs (vitesse maximale). Il ne s’agit donc plus
d’une démarche périodique au sens strict.
Quelques définitions complètent la terminologie introduite au début du
chapitre 4:

- La phase relative à la période de support d’une patte i, notée φsi ,


indique la fraction de la durée de support s = βT , écoulée depuis que
la patte a été posée. A l’instant où la patte est posée, φsi = 0 et à
l’instant précédant sa levée, φsi = 1.

- La phase relative à la période de transfert d’une patte i, notée φti ,


indique la fraction de la durée de support τ = (1 − β)T , écoulée depuis
que la patte a été posée. A l’instant où la patte est levée, φti = 0 et à
l’instant précédant la pose, φti = 1.

- La marge cinématique temporelle σi est le laps de temps maximum


qu’une patte i peut encore supporter le robot avant d’atteindre la
limite de son espace de travail, ceci en considérant la vitesse courante
du véhicule.

Pour un déplacement sans composante de rotation, on obtient:


di
σi = (5.1)
|~
vi |
où v~i est la vitesse relative de la patte i et di la distance à parcourir avant
que la patte i n’atteigne la limite de l’espace de travail

- La durée maximale instantanée de support sinst i de la patte i est


l’estimation de la durée de la phase de support entière de la patte
i, obtenue en considérant la vitesse courante du véhicule.

Cette estimation peut être calculée par la relation:


σi
sinst
i = (5.2)
1 − φsi
qui tient compte de la position de la patte i dans la séquence d’utilisation
des pattes pour le support du véhicule.
L’algorithme procède de la façon suivante:

83
1. à chaque cycle de calcul ∆T , la marge cinématique temporelle σi est
évaluée pour chaque patte en phase de support.

2. Les durées de support maximum sinst


i correspondantes sont ensuite
évaluées par la relation (5.2).

3. La patte critique est déterminée. Il s’agit de la patte ayant la durée


maximale instantanée de support la plus petite:

scrit = min(sinst
i ), i = 1, ..., n (5.3)

4. La pseudo-période T est alors calculée sur base de la période de support


de la patte critique:
scrit
T = (5.4)
β
En effet, comme la séquence de marche est fixée, la patte critique ne
peut être levée avant que d’autres pattes en phase de support situées anté-
rieurement dans la séquence n’aient terminé leur pas. La nouvelle période
d’exécution de la séquence ainsi calculée ne peut cependant pas toujours
être réalisée physiquement: un changement abrupt de direction peut mener
à une valeur de scrit très faible impliquant une pseudo-période T très courte.
La limitation provient alors des vitesses élevées imposées aux pattes lors des
phases de transfert, la durée de transfert correspondante étant donnée par
la relation:
τ = (1 − β)T (5.5)
Ceci donne lieu à une cinquième étape:

5. Si τ < τmin , durée correspondant à une vitesse de transfert maximale,


il faut augmenter la pseudo-période T à la valeur minimale:
τmin
TL = (5.6)
1−β
et réduire les vitesses des pattes selon:
(1 − β)T
~viL = µ~vi , µ= (5.7)
τmin

Suite à ce calcul, la fraction de pas correspondant au cycle ∆T est exécutée et


les phases relatives aux phases de support et de transfert sont incrémentées
en fonction de la valeur de la pseudo-période: ∆φsi = ∆T /βT L et ∆φti =
∆T /(1 − β)T L . Les pattes en phase de support pour lesquelles φsi atteint

84
Calcul des marges σi = di
cinématiques temporelles |v~i |

σi
Calcul des durées maximales sinst
i = 1−φsi
instantanées de support 6
?

Passage au
Détermination de la scrit = min(sinst
i ) ∆T
durée critique cycle suivant

Calcul du facteur de µ = min( (1−β)T


τmin , 1)
réduction de vitesse
? 6

Calcul de la pseudo-période scrit


TL = viL
µβ , ~ = µ~vi
et des vitesses des pattes

Figure 5.1: Algorithme du wave gait adaptatif.

la valeur 1 sont levées de même que les pattes en phase de transfert pour
lesquelles φti atteint la valeur 1 sont posées. Ce dernier point maintient une
séquence fixe de mouvements correspondant aux différences de phase définies
en introduisant les phases relatives initiales dans l’algorithme (forward wave
gait).
Cet algorithme s’accommode de configurations de départ arbitraires ainsi
que de vitesses de référence incluant une composante de rotation. Plu-
sieurs améliorations de cette version de bases sont possibles: passage à une
séquence du type backward wave gait pour les vitesses correspondant au recul
du véhicule (inversion de la séquence), prise en compte dans la séquence des
instants réels de pose des pattes (boucles d’attente), etc...
La méthode est simple à mettre en oeuvre. On constate que pour une
vitesse longitudinale constante, on retrouve une démarche périodique for-
ward wave gait après quelques pas. Des comparaisons avec un algorithme de
free gait ont été réalisées à l’Université de Helsinki et ont révélé une marge
de stabilité inférieure sur sol inégal. Ces résultats seront détaillés plus loin.

85
5.3 Coordination neurobiologique
Des recherches effectuées par des biologistes tentent de décrire et de com-
prendre les mécanismes nerveux assurant la coordination des mouvements
associés à la marche des animaux et de l’homme. Dans ce contexte, des
biologistes de l’Université de Bielefeld (Cruse et al. 1991) se sont intéressés
à un insecte se prêtant particulièrement bien à l’expérimentation: le Stick
Infecta ou Carausius morosus, un phasme d’une longueur de 7 cm. Pour
simplifier, nous l’appelerons par la suite le Stick. Sa taille, relativement
grande pour un insecte, a permis la mise en oeuvre de méthodes assurant
la mesure de nombreuses variables durant la marche, parmi lesquelles les
positions angulaires des articulations et les forces de réaction. Un des dis-
positifs expérimentaux est illustré à la figure 5.2. L’amputation de membres
et de divers centres nerveux a été effectuée afin de déterminer le rôle exact
de chacun des organes dans la locomotion.
Le mécanisme de contrôle de démarche du Stick est basé sur un réseau
de 6 contrôleurs responsables du mouvement de chacune des pattes. Le
processus de décision met en jeu, par l’intermédiaire de ces contrôleurs, les
influences coordinatrices des organes sensoriels des pattes voisines.
Le principe du contrôleur de patte modélisé par les biologistes est repris à
la figure 5.3. On trouve en tête du schéma bloc un relais qui donne la position
de référence: une valeur de sortie positive correspond à un mouvement vers
l’avant, c’est-à-dire à la phase de transfert (position de référence AEP) et
une valeur négative correspond à un mouvement vers l’arrière, c’est-à-dire
à la phase de support de la patte (position de référence PEP). La sortie du
relais sert de référence à une boucle de vitesse qui constitue le contrôleur
local de bas niveau. La phase de support se termine lorsque les organes
sensoriels signalent que la PEP a été atteinte, ce qui fait basculer le relais;
ensuite, la phase de transfert commence et la patte entame un mouvement
en direction opposée.
Chaque patte est influencée par ses voisines, par modification de ses
limites antérieures et postérieures de l’espace de travail (seuils AEP et PEP
du relais) conformément aux mécanismes de coordination repris à la figure
5.4. Le fonctionnement de ces influences dépend de la position relative des
pattes voisines: on distingue les influences entre pattes ipsilatérales - il s’agit
des pattes situées d’un même côté du corps de l’insecte - et les influences
entre pattes contralatérales - paire de pattes situées de part et d’autre. Les
influences entre pattes ipsilatérales sont prédominantes. En reprenant la
numérotation indiquée sur le schéma, on peut énoncer les six mécanismes
suivants identifiés, modélisés et validés par l’expérimentation:

86
Figure 5.2: Le dispositif expérimental utilisé par des biologistes pour étudier
la marche du Stick (Bässler 1988).

87
Figure 5.3: Principe du contrôleur de patte (Cruse et al. 1991).

88
1. La phase de transfert d’une patte Li inhibe la phase de transfert de la
patte ipsilatérale qui la précède par rapport au sens de la marche Li−1 .
En effet la situation dans laquelle deux pattes ipsilatérales successives
sont levées simultanément correspond à une configuration instable ou
à marge de stabilité très faible (cfr. plus loin état marginalement sta-
ble). L’influence inhibitrice est obtenue en reculant la position extrême
postérieure au niveau du relais de décision de la patte qui précède; ce
qui correspond à rallonger sa phase de support.

2. Le début de la phase de support d’une patte Li excite les départs des


phases de transfert de la patte ipsilatérale qui la précède Li−1 et de la
patte contralatérale Ri . L’excitation est obtenue en avançant la PEP
au niveau du relais décisionnel, de manière à raccourcir les phases de
support des pattes concernées.

3. Une position postérieure de la patte Li excite le début de la phase


de transfert de la patte ipsilatérale suivante Li+1 ; ceci est obtenu en
avançant le seuil PEP de la patte Li+1 lorsque Li arrive en fin d’espace
de travail.

4. Durant les phases de transfert des pattes médianes et arrières, les seuils
AEP sont ajustées de sorte que la patte n’interfère pas avec celle qui
la précède: (AEP )Li < (P EP )Li−1 . Ce mécanisme est connu sous le
nom de ”targeting”.

5. Une résistance à la progression produit une augmentation de la force.

6. Reflex ”treading-on-tarsus”: si une patte marche sur la patte qui la


précède, elle est relevée et placée en retrait. Ce complément au ”tar-
geting” permet à l’insecte d’éviter de trébucher.

Des simulations par ordinateur sur un modèle cinématique ont montré que
les mécanismes décrits ci-dessus peuvent produire des séquences de marche
semblables à celles observées chez les insectes, et stables par rapport à une
grande variété de perturbations, y compris des configurations de départs
aléatoires.
Ce mécanisme de coordination neurobiologique a été mis en oeuvre sur le
robot à pattes construit à l’Université de Munich (Weidemann et al. 1994)
dont la cinématique a également été inspirée de l’insecte. Elle constitue une
structure totalement décentralisée puisqu’elle assure entièrement la coordi-
nation et le contrôle des pattes (niveaux B et C).

89
Figure 5.4: Schéma des mécanismes de coordination selon Cruse. Les flèches
indiquent la direction des influences coordinatrices.

90
5.4 Free Gait
A l’opposé de la coordination neurobiologique, le free gait est une straté-
gie de contrôle de démarche qui centralise toutes les informations disponibles
en vue d’établir la séquence de marche. Elle consiste à considérer le proces-
sus de décision comme un automate opérant dans l’espace fini des états de
marche ou gait states, représentation dans laquelle les pattes sont caractéri-
sées par un état binaire 1 ou 0 selon qu’elles supportent ou non le véhicule).
Les transitions entre états correspondent dès lors à lever et à poser certaines
pattes en suivant un ensemble de règles garantissant l’équilibre statique à
tout moment. Cette stratégie de contrôle de démarche est connue sous le
nom de free gait. L’idée, initialement proposée par Kugushev et Jaroshevski
(1975), fut pour la première fois expérimentée par McGhee et Iswandhi
(1979) pour le contrôle de démarche de l’hexapode de l’Ohio State Univer-
sity.
Par la suite plusieurs algorithmes de free gait ont été développés:
• L’algorithme de Hirose (1984) pour coordonner le véhicule marcheur
tétrapode: Perambulating Vehicle II (PVII) qui est la version primitive
du robot Titan. L’algorithme fait appel à des règles géométriques et
fait converger la séquence des mouvements vers celle d’une démarche
forward wave gait lorsque les conditions le permettent.
• Pal et Jayarajan (1991) du centre de recherche atomique de Bombay
ont élaboré, grâce à des simulations, une stratégie de recherche dans
un graphe pour un modèle simplifié de tétrapode.
• Halme et son équipe (1993) de l’Université Technique de Helsinki ont
développé un algorithme basé sur le Leg Phase State (LPS). Cette no-
tion, qui est dérivée de la marge cinématique temporelle σi introduite
par Lee et Orin pour le wave gait adaptatif, sera précisée plus loin. Elle
se prête bien aux règles de transitions de l’automate car elle traduit
directement l’état du robot en termes de délais de disponibilité des pat-
tes. La méthode est utilisée pour la coordination du robot hexapode
Mecant et a fait l’objet de comparaisons avec la stratégie du wave gait
adaptatif (Salmi et Halme 1995).
• Enfin, un algorithme basé sur des règles graphiques faisant intervenir
le LPS a été développé dans le cadre de cette thèse et appliqué au
robot Silex. Il possède, comme l’algorithme de Hirose, la propriété de
converger vers une marche du type forward wave gait dans les circon-
stances appropriées.

91
Les différents approches qui viennent d’être mentionnées vont à présent
être détaillées.

5.4.1 Algorithme de McGhee et Iswandhi


Il s’agit du premier algorithme de free gait proposé dans la littérature
ayant donné lieu à une expérimentation. L’idée est formalisée de la manière
suivante:

• L’environnement est décrit par une surface plane discrétisée en cellules


constituant soit des zones d’appui autorisées soit des zones interdites
correspondant à des obstacles. Cette carte de l’environnement est
supposée connue à priori.

• La trajectoire du véhicule est composée d’arcs de cercles circulaires


successifs auquel l’axe longitudinal du véhicule est tangent. Elle est
également connue à priori.

• Les intersections entre espaces de travail de pattes voisines sont exclues


afin de résoudre simplement le problème des interférences entre pattes.

• A un instant donné, on peut définir les points d’appui potentiels pour


une patte comme étant les cellules autorisées se trouvant dans son es-
pace de travail. Le point d’appui potentiel devient un point de support
lorsque la patte est posée au centre de la cellule autorisée choisie.

• A chaque point d’appui potentiel pour une patte correspond une marge
cinématique qui vaut le plus long intervalle que le véhicule pourrait
parcourir sur sa trajectoire en utilisant comme support la patte con-
sidérée. Cette quantité est à la base du processus de décision permet-
tant le séquencement des mouvement des pattes.

• A partir des marges cinématiques des différentes pattes en phase de


support, il est possible de calculer le segment de stabilité d’un polygone
de sustentation. Celui-ci vaut la plus petite des marges cinématiques
ou la marge de stabilité frontale si celle-ci leur est inférieure. C’est
la partie de la trajectoire que le véhicule peut parcourir à partir de
sa position courante sans changer de points d’appui tout en restant
statiquement stable. Le segment d’existence d’un polygone de sus-
tentation est la partie de la trajectoire entière du véhicule (en avant
et en arrière de la position courante) correspondant à des positions
statiquement stables du robot.

92
Figure 5.5: Organigramme de l’algorithme de McGhee et Iswandhi.

Ces notions étant introduites, le free gait peut être défini très simplement
comme étant la recherche d’une séquence de polygones de sustentation telle
que les segments d’existence successifs se recouvrent. Cette séquence peut
être rendue optimale suivant différents critères: une marge de stabilité maxi-
male pour la trajectoire considérée, une charge minimale sur les pattes pour
la traversée d’un terrain meuble, une vitesse maximale, etc...
En discrétisant le temps, il est possible de résoudre le problème (horizon
fini) en explorant le graphe de toutes les séquences possibles. Le nombre de
possibilités à calculer dépend alors fortement de la discrétisation du temps
et de l’environnement. Cette approche correspond à l’algorithme développé
par Pal et Jayarajan.
McGhee et Iswandhi proposent la recherche d’une solution suboptimale
à l’aide d’un ensemble de règles simples garantissant la stabilité du véhicule
(figure 5.5). Ceci permet une prise de décision beaucoup plus rapide (les
actions futures n’entrant pas en considération).
A chaque itération, une des quatre décisions suivantes est prise:

1. Maintien du polygone de sustentation courant.

2. Lever une patte.

3. Poser une patte.

4. Arrêt du véhicule.

93
Le processus de décision est basé principalement sur les deux points
suivants:

• On lève la patte en phase de support dont la marge cinématique est


minimale (patte i) pour autant que le véhicule reste stable (marge de
stabilité supérieure à un seuil). Si tel n’est pas le cas, on envisage de
poser la patte j qui permettrait de lever la patte i et dont la marge
cinématique serait la plus grande possible. Cette partie de l’algorithme
tend à maintenir en permanence un grand segment de stabilité.

• Dès que la stabilité du véhicule devient critique, on pose la patte


correspondant à un polygone de sustentation de marge cinématique
maximale. Si aucune patte ne peut augmenter la marge de stabilité
du véhicule, il faut arrêter celui-ci.

La stratégie utilisée vise donc à maximiser à tout moment le nombre


de pattes en phase de transfert afin de diminuer la probabilité d’un arrêt
forcé du véhicule. Cependant, ceci est obtenu au détriment de la marge de
stabilité. De l’avis des auteurs, les règles proposées constituent un point de
départ et peuvent être améliorées.

5.4.2 Algorithme de Hirose


Hirose (1984) propose pour un véhicule à 4 pattes un processus de
décision capable de produire une marche non régulière sur un terrain avec
obstacles et d’obtenir, après quelques pas d’adaptation, une marche régulière
du type forward wave gait lorsque le robot se déplace longitudinalement sur
un terrain plat. On peut rappeler que ce type de démarche régulière maxi-
mise la marge de stabilité, d’où l’intérêt de cette propriété.
Le contrôle de la marche d’un véhicule tétrapode est nettement plus
simple que celui d’un hexapode, étant donné qu’une seule patte ne peut être
levée à la fois pour les démarches à équilibre statique. Ceci limite le nombre
d’états de marche possibles à 5: les 4 pattes au sol et 4 configurations de
support sur 3 pattes.
Contrairement à l’algorithme précédent, le free gait de Hirose est exécuté,
non à une cadence fixe, mais à l’instant initial de chaque pas qui débute lors
de chaque nouvelle phase d’appui sur 4 pattes, c’est-à-dire lorsqu’une patte
vient de se poser sur le sol.
L’organisation de l’algorithme est illustré à la figure 5.6. La première
étape est l’évaluation du polygone à la fin de la phase d’appui sur 4 pat-
tes; celle-ci devant s’interrompre soit pour une raison de stabilité (seuil de

94
Evaluation du polygone de
sustentation à la fin du pas
?Détermination de
la patte à lever
Recherche
? du
6 point d’appui
Principes
? de la diagonale
Exécution du pas

Figure 5.6: Organigramme de l’algorithme de Hirose.

sécurité atteint), soit parce qu’une des pattes est arrivée à l’extrémité de son
espace de travail. Cet instant critique correspond à l’extrémité du segment
de stabilité défini plus haut.
Ensuite, la patte à lever est sélectionnée. L’algorithme de sélection com-
porte deux parties: dans un premier temps, on cherche à déplacer une
patte qui pourrait reproduire ne fut-ce que partiellement la disposition de
pattes correspondant au forward wave gait. Si aucune patte ne peut être
sélectionnée par ce premier critère, ou si il n’est pas possible d’avancer la
patte sélectionnée à cause d’un obstacle, une seconde procédure choisit la
patte correspondant à la phase de transfert la plus longue. La procédure
de sélection tente donc en priorité de maintenir un forward wave gait, ou, à
défaut, d’optimiser le déplacement dans la séquence de marche non régulière.
Dès qu’une patte à lever est sélectionnée, une procédure délimite la zone
de recherche du point d’appui dans l’espace de travail de la patte. Trois
règles géométriques, appelées principes de la diagonale, sont utilisées dans
cette procédure. Les objectifs de ces règles sont:

• de prévoir et d’éviter les situations de blocage (principe I),

• d’introduire une convergence vers la marche forward wave gait (prin-


cipe II) et

• de placer les pattes de leur côté respectif de la trace du véhicule pour


des raisons évidentes de stabilité (principe III).

La présentation de ces règles géométriques nécessite un formalisme par-


ticulier introduit par l’auteur qui ne sera pas détaillé ici (cfr. Hirose 1984).
Le point d’appui peut alors être choisi dans la région délimitée par les
règles. Si aucune solution ne peut être déterminée, une itération supplémen-
taire est nécessaire et une nouvelle patte à lever est sélectionnée. Dans le
cas d’une solution satisfaisante, le pas complet est calculé et exécuté et le
calcul peut recommencer.

95
L’algorithme de Hirose constitue une approche très intéressante pour la
coordination d’une machine tétrapode dans un environnement avec obsta-
cles. La méthode n’est cependant pas transposable au cas des hexapodes,
notamment en ce qui concerne les règles géométriques pour la détermination
des points d’appui.

5.4.3 Algorithme de Pal et Jayarajan


Au lieu d’utiliser un ensemble de règles, Pal et Jayarajan (1991) pro-
posent de produire une séquence de free gait à partir d’une recherche de
solution dans un graphe des états futurs de la machine.
Une recherche exhaustive dans un graphe permettrait, pour un déplace-
ment prédéterminé (objectif du type horizon fuyant), de trouver la séquence
de mouvements des pattes optimale selon un critère choisi. Cependant, ceci
ne peut se faire qu’au prix d’un temps de calcul considérable. En pratique,
la recherche de la solution optimale en temps réel est difficilement réalisable.
C’est pourquoi Pal et Jayarajan ont utilisé un algorithme A∗ . Celui-ci, grâce
à l’intervention d’un paramètre ajustable limitant le nombre de noeuds à
explorer, peut fournir une solution suboptimale au problème en un temps
de calcul réduit.
La modélisation simplifiée du robot tétrapode considéré et de son envi-
ronnement est donnée ci-après. Chacune des pattes est représentée par une
variable d’état discrète ni pouvant prendre quatre valeurs possibles associées
à leur position (mouvement à une dimension - figure 5.7). Trois types de
transition sont possibles entre ces états à chaque intervalle de temps:

• s (static) - la patte ne bouge pas: ni+1 = ni ,

• d (dynamic) - la patte en phase de support recule d’une position:


ni+1 = ni + 1,

• w (swing) - la patte en phase de transfert avance d’une position:


ni+1 = ni − 1.

L’état de la machine est caractérisé par une suite de 4 valeurs entières


{n} = (n1 , n2 , n3 , n4 ) correspondant à l’état de chacune des pattes. On peut
y associer une marge de stabilité ce qui limite le nombre des états autorisés.
Cette information est complétée par la position absolue du centre de gravité
du véhicule au cours de sa progression.
Les transitions autorisées entre les états sont de trois types:
• 4 pattes (en phase de support) effectuent une transition dynamique.

96
Figure 5.7: Modèle simplifié utilisé par Pal et Jayarajan et table de transition
des états.

• 3 pattes (en phase de support) effectuent une transition dynamique


pendant que la quatrième (en phase de transfert) avance (transition
w) ou est immobile (transition s).

• 3 pattes (en phase de support) restent immobiles (s) pendant que


la quatrième en phase de transfert avance (w). Ce dernier type de
transition n’occasionne pas de déplacement du centre de gravité du
véhicule.

Ces règles de transition constituent le moteur du générateur de démarche


puisqu’elles permettent à partir d’un état de départ de générer toutes les
possibilités d’évolution du système. L’explosion combinatoire fait cepen-
dant qu’après quelques transitions, il devient illusoire d’envisager toutes les
possibilités dans la recherche d’un optimum. Ceci justifie l’utilisation de
l’algorithme A∗ avec horizon fuyant.

5.4.4 Algorithme de Halme


L’approche de Halme et al. (1993) est du même type que celle proposé
initialement par McGhee et Iswandhi. Les règles constituant l’algorithme de

97
décision ont été améliorées grâce à deux notions qui simplifient la description
du processus de marche:

• le gait state (GS) ou configuration de marche qui classifie de façon


simple les configurations de la machine en terme de stabilité et

• le Leg Phase State (LPS) qui permet de généraliser la notion de phase


d’une patte aux démarches non-régulières.

L’algorithme a été développé pour le robot hexapode Mecant présenté au


chapitre 2. Il assure la coordination des mouvements pour la réalisation d’un
vecteur vitesse arbitraire incluant une composante de rotation (Vx , Vy , ωz ).
L’idée de base est de considérer le processus de décision comme un au-
tomate travaillant dans l’ensemble fini des configurations de marche ou GS
susceptibles d’être stables. Le GS consiste en une classification simple des
configurations possibles du robot marcheur selon l’état de ses pattes qui
peuvent, soit supporter le robot, soit être levées (état binaire). Cette no-
tion mène à trois catégories pour les 64 GS (26 ) selon leur stabilité statique
(figure 5.8):

• Les GS instables: pour lesquels il y a soit moins de 3 pattes au sol,


soit 3 pattes voisines levées simultanément. Ces configurations sont
instables quelque soient les positions relatives des pattes en support
dans leur espace de travail respectif. Le nombre de ces états vaut
C60 + C61 + C62 + 6 = 28 pour une machine hexapode.

• Les GS marginalement stables: pour lesquels il y a une paire de pattes


voisines levées simultanément. Ces configurations peuvent être stables
ou instables suivant la position des pattes en support dans leur espace
de travail respectif. Leur nombre est de 18.

• Les GS strictement stables: pour lesquels deux pattes voisines ne peu-


vent être levées simultanément. Pour la plupart des machines à pattes
hexapodes ces configurations sont toujours stables indépendamment de
la position des pattes dans leur espace de travail. C’est le cas en parti-
culier des machines hexagonales dont les espaces de travail des pattes
ne se recouvrent pas. On dénombre 18 configurations différentes.

La classification peut également être faite pour les véhicules tétrapodes


(espaces de travail sans interférence). Pour ceux-ci, il existe 11 GS instables
(moins de trois pattes au sol) contre seulement 4 GS marginalement stables
(3 pattes au sol) et un GS strictement stable (les 4 pattes au sol). Ceci

98
Figure 5.8: La notion de Gait State.

illustre l’intérêt des pattes supplémentaires de l’hexapode pour le contrôle


de la marche: il est possible de n’utiliser que des GS strictement stables
dans les séquences ce qui augmente considérablement la marge de stabilité.
L’algorithme proposé par Halme peut ainsi être vu comme un automate à
36 états correspondant aux configurations marginalement et strictement sta-
bles de l’hexapode. Les transitions entre états sont régies par des règles, qui
sont évaluées à chaque cycle de calcul ∆T de l’algorithme de free gait. Ces
transitions correspondent à lever et/ou poser certaines pattes pour passer
d’un GS stable à un autre.
Pour définir des règles de transition permettant un déplacement omni-
directionnel et continu du véhicule à pattes, l’information du GS est insuf-
fisante. Pour compléter la représentation, Halme utilise des prédictions des
délais de disponibilité de chacune des pattes du véhicule. Ces dernières in-
formations sont contenues dans un vecteur à six composantes appelé LPS
(Leg Phase State) et défini comme suit (figure 5.9):

• Une composante négative indique que la patte est levée: LP S(i) < 0
représente le temps minimum nécessaire pour que la patte en phase
de transfert atteigne le point d’appui désiré (la position extrême anté-
rieure AEP par rapport à la direction d’avancement). Une valeur nulle
indique que la patte est disponible pour le support: elle peut être posée

99
Figure 5.9: Définition du Leg Phase State (LPS).

100
endéans un cycle ∆T .

• Si la composante est positive, elle indique que la patte supporte le


véhicule: LP S(i) > 0 est une prédiction du temps de disponibilité
maximum de la patte, pour la vitesse de déplacement courante; elle est
évaluée à partir de la trajectoire restant à parcourir avant d’atteindre
l’extrémité de l’espace de travail.

On constate que la notion de LPS pour une patte en phase de support,


n’est autre que la marge cinématique temporelle σi définie par Lee et Orin
pour le wave gait adaptatif.
L’idée de l’algorithme est de sélectionner la nouvelle configuration de
marche GS(k + 1) parmi tous les GS possibles à partir de l’état courant
GS(k) comme étant celle qui a le plus grand index de stabilité.
A chaque cycle de calcul, le vecteur LPS est calculé pour le vecteur
vitesse courant (figure 5.10). Ensuite, comme dans l’algorithme de McGhee
et Iswandhi, on détermine la patte en phase de support dont la marge
cinématique est minimale. Son indice correspond à la plus petite com-
+
posante positive du vecteur LPS, notée LP Smin . La seconde plus petite
++
composante positive du LPS est notée LP Smin .
+
Le premier test, sur LP Smin , indique si une patte est arrivée en fin
d’espace de travail. Si tel est le cas, elle doit être levée avant la fin du
++
cycle courant. Le second test, sur LP Smin , compare la durée du GS courant
++
T (k) à la durée du GS suivant qui est au plus égal à LP Smin . Ceci permet
de prévoir la situation critique dans laquelle deux pattes arriveraient en fin
d’espace de travail dans un laps de temps fort réduit. Dans un tel cas, il est
indiqué de changer de configuration (GS) immédiatement. Le test garantit
alors que la durée de disponibilité de la configuration à venir GS(k + 1) est
au moins égale à la durée T (k) du pas courant GS(k), en faisant l’hypothèse
que le vecteur vitesse reste constant.
Les règles de changement de configuration de marche (GS) sont basées
sur des principes simples relevant du bon sens comme:

• Ne lever qu’une patte à la fois.

• Ne pas changer les pattes supportant le véhicule tant qu’elles peuvent


être utilisées.

• Eviter de lever deux pattes contiguës simultanément (ceci correspond


à choisir de préférence les GS strictement stables).

101
102
• Choisir la nouvelle configuration comme celle maximisant la marge de
stabilité.

L’algorithme de free gait présenté ci-dessus a été implémenté avec succès


sur le véhicule Mecant avec un cycle ∆T de 40 à 200 ms. Une version
plus récente de l’algorithme utilise les marges cinématiques introduites par
Mcghee et Iswandhi plutôt que le LP S. Le principe de la prise de décision
reste le même (Salmi et Halme 1995). Des essais sur sol plat et sur terrain
accidenté ont permis une comparaison de l’algorithme avec le wave gait
adaptatif également développé pour ce véhicule. Les résultats révèlent une
marge de stabilité supérieure pour le free gait sur terrain accidenté mais
inférieure sur sol plat. En effet, le wave gait adaptatif est très sensible aux
irrégularités du sol, pour les mêmes raisons que le forward wave gait.

5.4.5 Free Gait développé pour le robot Silex


L’algorithme qui va être décrit ici, constitue la principale contribution
originale de cette thèse. Le point de départ est la stratégie développée par
Halme et al. qui nous a semblé la plus adaptée au problème de la coordina-
tion du robot Silex. Néanmoins, diverses améliorations sont possibles; l’une
d’elles est de modifier les règles ou d’inclure des règles supplémentaires de
sorte que le free gait converge vers un forward wave gait dans le cas d’un
déplacement longitudinal à vitesse constante sur un terrain régulier. On
constate dans l’algorithme de Halme décrit plus haut que le second test sur
++
LP Smin empêche ce comportement puisqu’il inhibe la possibilité que deux
pattes se lèvent simultanément ce qui se produit dans le forward wave gait
pour β = 2/3 (F φ60) et pour β = 1/2 (tripode alterné).
Une des règles de l’algorithme de Halme, a servi de base au développe-
ment de notre stratégie, à savoir:

”Eviter de lever deux pattes contiguës simultanément”

c’est à dire éviter de choisir parmi les GS réalisables, une configuration


marginalement stable. Notre stratégie se limite donc aux configurations
strictement stables. Ceci simplifie considérablement le problème puisque
dans ces conditions, il n’est plus nécessaire d’évaluer les marges de stabilité.
Cette règle de sélection s’exprime aisément à l’aide du vecteur LP S: les
composantes de LP S correspondant à des pattes voisines ne peuvent être
négatives simultanément.
Notre algorithme décrit le processus de marche en considérant la trajec-
toire du vecteur LP S à 6 composantes. Pour simplifier sa représentation,

103
nous utilisons 6 diagrammes dans lesquels le LP S d’une patte est représenté
en fonction du LP S de la patte contiguë (figure 5.11). La trajectoire du
vecteur LP S forme, dans ces diagrammes, un angle de 45◦ avec les axes
dans le cas d’une vitesse constante du véhicule puisque les temps estimés
pour atteindre les positions extrêmes de l’espace de travail (AEP pour une
phase de transfert et PEP pour une phase de support) décroissent au même
taux pour toutes les pattes (négativement pour les pattes en phases de trans-
fert).
Pour chaque patte, la valeur maximale du LP S est égale à la durée totale
d’une phase de support, si , calculée pour la vitesse courante, alors que la
valeur minimale vaut la durée de la phase de transfert, −τi .
Les discontinuités des trajectoires correspondent à la levée et à la pose
des pattes: par exemple, BB’ est la levée de la patte i (LP Si varie de +0 à
−τi ) et CC’ est la pose de la patte i (LP Si varie de −0 à +si ).
L’ensemble des configurations strictement stables est caractérisé par la
propriété que deux pattes contiguës ne peuvent être simultanément levées
(c’est-à-dire les deux LP S sont négatifs), de sorte qu’une séquence de config-
urations strictement stables produit des trajectoires dans les 6 diagrammes
LP S qui ne passent jamais par les troisièmes quadrants correspondant aux
deux pattes levées (partie foncée sur le diagramme).
Comme exemple, considérons une marche forward wave gait, caractérisée
par les différences de phase: φ3 = β, φ5 = 2β − 1. La trajectoire correspon-
dante dans les diagrammes LP S est donnée à la figure 5.12 pour un facteur
de service β = 2/3. La figure 5.12a est le diagramme pour une paire de pat-
tes successives d’un même côté du véhicule: la trajectoire d’un cycle complet
est ABB’CC’A’A; les différents segments ayant la signification suivante:

AB: i et j en phase de support

BB’: lever de la patte i

B’C: i en phase de transfert, j en phase de support

CC’: pose de la patte i et lever simultané de j

C’A’: i en phase de support, j en phase de transfert

A’A: pose de la patte j

On peut remarquer que la patte arrière i a une avance de phase de


1 − β par rapport à la patte avant j; cette différence de phase se lit sur
le diagramme horizontalement par rapport à la bissectrice. Cette valeur de

104
Figure 5.11: Diagramme des LP S d’une paire de pattes contiguës.

105
106
1 − β constitue une valeur minimale; toute réduction de cette différence de
phase déplacerait le point C vers la gauche, ce qui conduirait la trajectoire
dans le troisième quadrant.
La figure 5.12 illustre la trajectoire pour une paire de pattes opposées
par rapport à l’axe longitudinal. Ces pattes sont déphasées d’un demi-cycle
et par conséquent la trajectoire est symétrique par rapport aux axes.
Si la vitesse de consigne (Vx , Vy , ωz ) inclut un terme de rotation (c’est-
à-dire si ωz 6= 0), la marche cesse d’être périodique et les différentes pattes
n’ont pas la même durée de cycle. Dès lors, les concepts de facteur de service
et de différence de phase ne sont plus applicables. A l’opposé, les trajec-
toires du vecteur LP S restent un concept entièrement valable et permettent
d’exploiter la mobilité du véhicule. Le diagramme devient rectangulaire,
puisque si + τi 6= sj + τj (figure 5.13).
L’idée de l’algorithme de free gait proposé est d’appliquer des règles
géométriques aux diagrammes LP S afin de contrôler et de synchroniser les
mouvements des pattes. Le vecteur LP S est calculé à chaque cycle de calcul
∆T de l’algorithme pour la vitesse de consigne courante (Vx , Vy , ωz ). Ensuite
l’algorithme procède comme suit:
1. Calcul du facteur de réduction de vitesse: grâce au diagramme LP S,
il est possible de prévoir que certaines pattes nécessaires au support
dans le prochain GS ne seront pas disponibles à temps (la phase de
retour de la patte est trop longue). La solution dans ce cas est de
réduire la vitesse du véhicule d’un certain facteur r < 1, afin d’éviter
un arrêt forcé.
2. Sélection des pattes à lever: Deux cas se présentent. Soit une patte
atteint la limite de son espace de travail, il faut donc la lever. Soit
deux pattes contiguës sont sur le point d’atteindre leur limite d’espace
de travail dans un intervalle de temps très court. Cette situation cor-
++
respond au deuxième test de l’algorithme de Halme (test sur LP Smin ).
3. Sélection des pattes à poser: Ici aussi, deux cas sont à envisager: si
certaines pattes sont sélectionnées pour être levées, les deux pattes
contiguës doivent être posées au sol si elles ne sont déjà en phase
de support. Les pattes arrivées en fin de période de transfert sont
aussi candidates pour être posées; cependant dans certaines situations
décrites plus loin, il est préférable de retarder cette mise en service afin
de modifier le décalage de la patte par rapport aux pattes voisines.
Les trois étapes énumérées ci-dessus peuvent être exécutées à l’aide de
règles géométriques que l’on peut définir dans les diagrammes LP S par

107
108
Figure 5.13: Diagramme LP S pour une marche non-périodique.
rapport à des régions critiques. Celles-ci sont mises en évidence sur la figure
5.14 et décrites ci-après:

• La région I est la partie du diagramme correspondant aux deux pattes


contiguës levées. La trajectoire du vecteur LP S ne peut y pénétrer,
sinon la configuration de marche (GS) ne serait plus strictement stable.

• La région IIa indique l’approche de la limite de l’espace de travail pour


la patte i, ou plus précisément la fin de la phase de support endéans un
cycle de calcul ∆T . Il est donc indispensable de lever immédiatement
la patte concernée.

• La région IIIa correspond à la situation dans laquelle la patte i sup-


porte le robot (LP Si > 0) tandis que la patte j est ramenée en avant
(LP Sj < 0) avec LP Si < −LP Sj . Cela signifie que pour la vitesse
courante, la patte i atteindra la limite de l’espace de travail avant que
la patte j ne soit disponible pour reprendre le support du véhicule. Il
est donc nécessaire de réduire la vitesse du véhicule avec comme effet
une augmentation du LP S de la patte en phase de support i (LP Sj
reste constant). Une autre solution consisterait à choisir un point
d’appui plus proche pour la patte levée afin de diminuer son temps
de retour (- LP Sj ). Le trait interrompu à l’intérieur de la région IIIa
correspond à la nouvelle limite de la région si l’on considère qu’une
patte peut se poser dès qu’elle a effectué 75% de sa phase de transfert.

• La région IV correspond à la situation suivante: deux pattes contiguës


vont atteindre la limite de leur espace de travail endéans un temps
court, amenant la trajectoire dans la région III. Pour éviter ceci, il est
judicieux de lever immédiatement une des deux pattes ou de réduire
la vitesse si la première solution mène à une configuration marginale-
ment stable. La frontière de la région IV correspond à la frontière de la
région III lorsqu’une des pattes est levée (par l’intermédiaire de la dis-
continuité de la trajectoire-LP S). Le trait discontinu est l’autre limite
possible si l’on considère le raccourcissement des phases de transfert
comme proposé plus haut.

• La région V informe que la trajectoire va traverser la région IV. Il est


donc indiqué d’éviter de poser une patte si le vecteur LP S résultant
se situe dans cette région.

• La région VIa indique qu’une patte a atteint la fin de sa phase de


transfert (LP S > −∆T ) et qu’elle est donc disponible pour le support.

109
110
Figure 5.14: Les régions critiques du diagramme-LPS.
Deux décisions peuvent être prises dans cette situation: la patte peut
être posée immédiatement ou elle peut être gardée en réserve et posée
ultérieurement. La première solution augmente la valeur courante de la
marge de stabilité du véhicule mais le nouveau vecteur LP S résultant
peut se situer dans la région V, ce qui est à éviter. Il est donc, dans ce
cas, plus indiqué de retarder la pose de la patte, ce qui a pour effet de
décaler la trajectoire. Cette possibilité peut également être utile pour
s’approcher de la trajectoire de référence du forward wave gait comme
illustré plus loin. Lors de la pose d’une patte, la nouvelle configuration
de marche est toujours stable si la précédente l’était.

• Les régions IIb,IIIb et VIb sont respectivement similaires aux régions


IIa, IIIa et VIa.

On peut remarquer que pour les démarches périodiques, les régions I, III,
IV et V correspondent à la transgression de la condition de stabilité qu’on
s’est fixée: pour éviter ces situations, la différence de phase entre pattes
contiguës doit être comprise entre 1 − β et β.
A partir de ces régions critiques, les étapes de décision de l’algorithme
peuvent maintenant être décrites (figure 5.15). L’algorithme est exécuté
avec une période de cycle ∆T .

1. Calcul du facteur de réduction de vitesse: il est obtenu en considérant


la construction de la figure 5.16a dans le cas où le vecteur LPS serait
à l’intérieur d’une région III. Une réduction de vitesse a comme effet
d’augmenter les composantes du vecteur LP S pour les pattes en phase
de support; le LP S des pattes levées restant inchangé. Si le vecteur
LP S se situe à l’intérieur d’une région de type IIIa, la réduction de
vitesse va déplacer le vecteur horizontalement, (verticalement pour la
région IIIb) jusqu’à la limite de la région. Le facteur de réduction de
vitesse est obtenu en considérant les 6 diagrammes LP S.

2. Sélectionner les pattes qui doivent être levées: les pattes en phase de
support atteignant la limite de leur espace de travail sont sélectionnées
pour être levées (région II du diagramme). Si la région IV est atteinte
dans l’un des diagrammes, il est nécessaire de lever l’une des pattes
concernées. On vérifie d’abord si la patte dont le LP S est minimum
peut être levée. Si ce n’est pas le cas, on vérifie si l’autre patte peut
être levée. Dans le cas particulier où aucune des deux pattes ne peut
être levée et si le vecteur LP S est à l’intérieur de la limite en trait
discontinu, un nouveau facteur de réduction de vitesse doit être calculé

111
112

Figure 5.15: Organigramme de l’algorithme de free gait.


de manière telle que le nouveau vecteur LP S est repoussé à la limite
de la région (conformément à la construction de la figure 5.16).

3. Sélectionner les pattes qui doivent être posées: les pattes étant conti-
guës aux pattes sélectionnées au point 2 pour être levées doivent as-
surer au cycle suivant le support du véhicule. Elles doivent donc être
posées si elles ne sont déjà au sol. De plus, chacune des pattes en fin
de phase de transfert (région VI) peut être posée si le vecteur LP S
résultant ne se trouve pas dans la région V (figure 5.17).

On peut vérifier que partant d’un GS strictement stable, l’algorithme


peut toujours assurer la transition vers d’autres GS strictement stables du-
rant la locomotion du véhicule. En effet, si la vitesse demandée est trop
élevée que pour garantir une configuration strictement stable au pas suivant
(vecteur LP S dans les régions III ou IV), elle est réduite à une valeur accep-
table grâce au facteur de réduction de vitesse. Dès que possible, la vitesse
est progressivement augmentée (c’est-à-dire avec une accélération compati-
ble avec la puissance des actionneurs) jusqu’à la valeur demandée.
Cependant, des réductions de vitesse trop fréquentes et brusques ne sont
pas souhaitables car cela réduit l’efficacité du déplacement ainsi que son
uniformité. C’est pourquoi, il est préférable, plutôt que de réduire la vitesse,
de raccourcir les phases de transfert des pattes (effectuer un pas plus court)
lorsque cela est possible, comme suggéré plus haut.
Cette flexibilité dans la longueur des pas, combinée à un filtrage de la
vitesse demandée pour éviter des accélérations trop grandes, améliore con-
sidérablement l’élégance du mouvement, particulièrement après un change-
ment de direction.
Bien que l’algorithme décrit ci-dessus fonctionne bien pour des situations
difficiles comme tourner, marcher en crabe, etc..., sa marge de stabilité n’est
pas optimale pour le déplacement en ligne droite à vitesse constante (pour
ωz = 0) sur un sol plat. On sait en effet que, dans ces circonstances, la
marche forward wave gait constitue la meilleure séquence. Nous examinons
ci-après la possibilité d’assurer un passage continu au forward wave gait dès
que les conditions appropriées sont réunies.
Comme vu précédemment, les caractéristiques d’un forward wave gait
sont une différence de phase de 0.5 pour une paire de pattes opposées (par
rapport à la direction du mouvement) et une différence de phase de 1 − β
entre les pattes successives de chaque côté du véhicule. On peut vérifier
que si la position initiale du véhicule (ou de manière équivalente son vecteur
LP S) correspond à une configuration de forward wave gait, l’algorithme

113
Figure 5.16: Construction pour le calcul du facteur de réduction de vitesse.

114
115
Figure 5.17: Stratégie pour la pose des pattes en fin de phase de transfert.
de free gait conserve la séquence du forward wave gait (correspondant à la
trajectoire du vecteur LP S illustrée à la figure 5.18) pour autant que la
vitesse de consigne correspond au β de l’état initial.
La stratégie utilisée pour converger à partir d’une valeur arbitraire du
vecteur LP S vers une démarche forward wave gait est la suivante:
Dans un premier temps, une différence de phase de 0.5 entre les pat-
tes avant est imposée progressivement et maintenue. Ceci peut se faire en
raccourcissant ou en rallongeant les phases de transfert des pattes avant.
Les raccourcissements et allongements des durées de transfert doivent être
limités pour éviter des transitions trop abruptes.
Ensuite, la différence de phase de 1 − β entre pattes successives est sim-
plement obtenue en allongeant, quand cela est possible, la phase de trans-
fert des pattes arrières avec comme effet une diminution progressive de la
différence de phase jusqu’à la valeur minimale autorisée 1 − β. Pour adoucir
la transition vers la marche forward wave gait, le délai ajouté avant de poser
les pattes, en vue d’allonger les phases de transfert, est également limité à
une valeur maximale de quelques cycles ∆T .
Après quelques pas (dont le nombre dépend de l’état initial), l’algorithme
atteint et maintient la marche forward wave gait souhaitée avec le facteur
de service β correspondant à la vitesse de consigne (figure 5.18).
L’algorithme qui vient d’être décrit a, dans un premier temps, été mis
au point grâce à un simulateur et une animation graphique de la marche
du robot. Par la suite, le modèle cinématique du robot Silex a été intro-
duit dans la simulation afin de tester l’algorithme sur un modèle proche du
robot. La troisième étape fut de tester l’algorithme sur le robot réel. Les
résultats expérimentaux confirment la bonne robustesse de l’algorithme ainsi
que sa convergence vers le forward wave gait quand la consigne de vitesse
est constante.

116
Figure 5.18: Convergence de la trajectoire du LP S pour une paire de pattes
successives.

117
Chapitre 6

Contrôle cinématique

6.1 Introduction
Le contrôle cinématique du véhicule à pattes Silex se répartit aux niveaux
B et C de la hiérarchie de contrôle:

• Le niveau B, assuré par un calculateur de type PC, effectue le calcul


des vitesses horizontales des pattes en phase de support et la sélection
des futurs points d’appui. La régulation d’attitude et d’altitude fait
également partie de ce niveau; elle est cependant tout à fait découplée
de la fonction précédente, car elle ne concerne que la composante ver-
ticale des pattes en phase de support.

• Le niveau C, distribué entre les cartes à microprocesseurs associées


aux pattes, assure le calcul de la cinématique inverse des pattes et le
contrôle en vitesse et en position des articulations.

Deux types de trajectoires différents sont à envisager selon que la patte est
en phase de support ou de transfert (figure 6.1):

• la phase de support est la plus délicate: elle consiste en un contrôle en


vitesse qui doit être réalisé avec précision sous peine de faire naı̂tre des
contraintes internes par l’intermédiaire des points de contact avec le
sol (forces antagonistes), ce qui peut s’accompagner d’un glissement.
Le calcul de la cinématique inverse des pattes doit être effectué en
temps réel afin de transformer la vitesse de l’extrémité de la patte en
vitesses articulaires. Un mouvement rectiligne à la vitesse V ~ du robot
est obtenu en déplaçant les pattes en phase de support vers la PEP

118
Figure 6.1: Trajectoire d’une patte dans le cas d’un mouvement rectiligne.

119
~r = −V
à la vitesse V ~ par rapport au corps du robot. Les trajectoires
considérées sont alors des lignes droites parcourues à vitesse constante.
Des mouvements horizontaux incluant une composante de rotation du
robot ωz (axe vertical) peuvent également être obtenus. Dans ce cas,
les vitesses relatives des pattes en phase de support sont différentes et
doivent être calculées au niveau B.

• le mouvement d’une patte durant la phase de transfert n’a, par con-


tre, pas d’influence sur la marche si l’on néglige les effets dynamiques
ainsi que le déplacement relatif du centre de gravité. La trajectoire est
principalement définie par le futur point d’appui, choisi dans l’espace
de travail de la patte de manière à maximiser la longueur de la phase
de support à venir. La génération de trajectoire peut dès lors être sim-
plifiée en assignant des vitesses constantes aux articulations (contrôle
en position, profil de vitesse trapézoı̈dal). La phase d’approche du sol
est critique; elle doit être réalisée à vitesse réduite de manière à ne
pas déséquilibrer le robot lors du contact avec le sol. Une information
tactile est indispensable si le sol n’est pas plat. De simples contac-
teurs peuvent en principe convenir mais des capteurs de force offrent
des possibilités supplémentaires qui seront discutées plus loin.

La régulation d’attitude et d’altitude permet de contrôler les trois degrés


de liberté restants de la plateforme: inclinaison (2 d.d.l.) et hauteur du
châssis (1 d.d.l.). La régulation d’attitude a pour fonction de maintenir
l’inclinaison du véhicule à une valeur de référence. Celle-ci peut être soit
l’horizontalité (axe z parallèle au vecteur gravité), soit l’inclinaison du plan
de support moyen, pouvant être estimée à partir des positions des pattes
sur le sol (Hartikainen 1996). Pour le contrôle du robot Silex, l’inclinaison
de référence est fixée par le niveau A (opérateur).
La régulation d’altitude impose la hauteur du châssis par rapport au
profil moyen du sol, la hauteur de référence étant fixée au niveau A.
Les deux boucles de régulation agissent sur les composantes verticales
des pattes en phase de support.

6.2 Choix des référentiels


La cinématique du robot sera décrite à l’aide des différents repères il-
lustrés sur la figure 6.2. Le repère absolu est noté {O0 , x0 , y0 , z0 }, l’axe z0
étant orienté dans la direction opposée au vecteur gravité.

120
Figure 6.2: Choix des référentiels.

121
Un repère relatif {O, x, y, z} est fixé au châssis du robot mobile; l’axe
z est orienté selon l’axe de symétrie du véhicule, l’origine O est fixée à la
hauteur des articulations q2 des pattes et l’axe x est orienté entre les pattes
1 et 2 selon le plan de symétrie. C’est dans ce repère que l’on exprime les 3
composantes de la vitesse horizontale du véhicule: Vx , Vy , ωz .
Enfin, des repères {Oi , xi , yi , zi } seront associés à chaque patte i. L’ori-
gine Oi est située dans le plan xy à l’intersection avec l’axe correspondant
à l’articulation verticale q3 . L’axe xi est orienté selon la droite OOi et fait
un angle ψi avec l’axe x.

6.3 Phase de support


En supposant que l’axe vertical du robot est maintenu parallèle au
vecteur gravité durant la marche, le découplage gravitationnel rend les tra-
jectoires des pattes en phase de support indépendantes de la coordonnée
articulaire q1 ; les trajectoires articulaires peuvent dès lors être calculées en
inversant la cinématique de la patte dans le plan horizontal de son extrémité.
Pour le cas du déplacement horizontal à trois degrés de liberté du robot:
translation et rotation caractérisés par les 3 composantes Vx , Vy , ωz définies
à l’origine O du repère relatif, la vitesse relative de la patte i en phase de
support s’obtient par la relation:

~ri = −(V
V ~ +ω ~ i)
~ × OP (6.1)
~ = Vx~1x + Vy~1y et ω
où V ~ = ωz~1z caractérisent la vitesse absolue du véhicule
dans les axes relatifs. Les composantes du vecteur V ~ri valent donc:
(
ẋi = −Vx + ωz yi
(6.2)
ẏi = −Vy − ωz xi
où xi et yi sont les coordonnées relatives du point de contact Pi (figure 6.3).
Les vitesses articulaires de la patte i s’obtiennent alors en deux étapes:

• La vitesse est d’abord transformée en coordonnées polaires dans le


repère lié à la patte i:
! !
r˙i ẋi
= Ji−1 (6.3)
θ˙i ẏi

avec

122
!
cos(θi + ψi ) −ri sin(θi + ψi )
Ji = (6.4)
sin(θi + ψi ) ri cos(θi + ψi )
où ψi est l’angle de rotation entre le repère lié au châssis et le repère
lié à la patte i.

• Ensuite, la vitesse de l’extrémité de la patte en coordonnées polaires


est convertie en vitesses articulaires; compte tenu du découplage gra-
vitationnel, on a:
(
q̇2i = f −1 (q1i , q2i )ṙi
(6.5)
q̇3i = θ˙i
où f (q1 , q2 ) est le Jacobien de transformation entre la vitesse articu-
laire q̇2 d’une patte et sa vitesse radiale ṙ.

Cette fonction est tabulée dans la mémoire du microprocesseur afin d’accé-


lérer les calculs. Notons que, grâce au découplage gravitationnel, la coor-
donnée articulaire q1i n’apparaı̂t que comme paramètre dans l’équation (6.5).

6.4 Phase de transfert


6.4.1 Sélection des points d’appui
La trajectoire d’une patte en phase de transfert est principalement carac-
térisée par les coordonnées du futur point d’appui. Celui-ci est déterminé en
fonction de la vitesse de référence du robot afin d’obtenir la course la plus
importante possible lors de la phase de support à venir.
La zone de recherche considérée est la coupe horizontale de l’espace
de travail située à la hauteur moyenne estimée du sol h0 (cfr. régulation
d’altitude). En effet, la position verticale exacte du futur point de contact
n’est pas connue à priori.
Dans le cas d’une vitesse de référence sans composante de rotation (ωz =
0), les trajectoires des phases de support des pattes sont des droites (fi-
gure 6.4). Il semble raisonnable de faire passer ces droites par le point central
de la zone de recherche (θi = 0, ri = (rmin +rmax )/2). Ceci permet d’obtenir
de meilleures transitions lors d’un changement de direction éventuel, par
rapport à la solution correspondant à la course maximale. Les positions
extrêmes AEP et PEP sont déterminées sur la trajectoire de support avec
une certaine marge par rapport aux limites réelles de l’espace de travail

123
Figure 6.3: Calcul de la cinématique inverse.

124
Figure 6.4: Sélection du point d’appui lorsque ωz = 0.

(trait discontinu de la figure 6.4); ceci pour une raison évidente de sécurité
mais aussi pour éviter un blocage du robot lors d’un éventuel changement
de direction. La position extrême antérieure donne les coordonnées du futur
point d’appui.
Dans le cas où la composante de rotation du robot est non nulle (ωz 6= 0),
les trajectoires des phases de support des pattes ne sont plus des droites
mais des arcs de cercle centrés au centre instantané de rotation dont les
coordonnées peuvent être obtenues à partir de l’équation (6.2):
(
xcir = −Vy /ωz
(6.6)
ycir = Vx /ωz

125
Figure 6.5: Sélection du point d’appui dans le cas particulier où Vx = Vy = 0
et ωz 6= 0.

Pour simplifier la recherche, la trajectoire de la phase de support est appro-


chée par une droite passant par le point central de l’espace de travail. Sa
direction est prise parallèle au vecteur vitesse calculé en ce même point
central. Le point d’appui peut ainsi être calculé grâce à la même procédure
que dans le premier cas (figure 6.5).
La procédure de sélection décrite ci-dessus ne donne pas lieu à des trajec-
toires de support de longueurs égales pour toutes les pattes; elle ne convient
donc pas directement pour les démarches périodiques. Cet inconvénient peut
être éliminé en considérant des cercles de même diamètre inscrits dans les
espaces de travail des différentes pattes.

6.4.2 Trajectoire de transfert


Les trajectoires des pattes en phase de transfert nécessitent moins de
précision que celles des phases de support. Seule la position finale déterminée

126
par la procédure de sélection du point d’appui est importante. C’est pour-
quoi, la première partie de la phase de transfert peut être réalisée à vitesse
articulaire constante. L’approche du sol est cependant plus délicate.
La patte doit être levée durant la phase de transfert afin d’éviter tout
contact avec le sol durant le retour en position antérieure. La composante
verticale de la trajectoire est réalisée comme suit: consigne de vitesse en
trapèze jusqu’à une position de référence jugée raisonnable pour surmonter
les obstacles ou les irrégularités du sol, maintien à cette position durant le
transfert de la patte et consigne de vitesse en trapèze jusqu’au contact avec
le sol, point dont la position n’est pas connue avec précision, ce qui nécessite
une approche à vitesse réduite.
Remarquons que ce type de trajectoire peut, dans certains cas, sortir
de l’espace de travail de la patte comme l’illustre la figure 6.6 (partie en
trait interrompu). Des contacteurs de bout de course (articulation q2 ) ont
été intégrés au mécanisme afin de détecter ce type de situation. Dès que
l’un d’eux est activé, la tension de commande du moteur est coupée afin
d’annuler le couple. Lorsque l’extrémité de la patte s’éloigne de la limite, la
tension de commande se rétablit.

6.5 Régulation d’attitude et d’altitude


Le contrôle des pattes décrit ci-dessus est suffisant pour faire progresser
le robot sur sol plat sans utiliser de capteur de contact. Si le sol est
irrégulier, il est nécessaire de disposer d’une information tactile pour le
détecter lors de la pose des pattes, en fin de phase de transfert. Cependant,
après quelques pas, l’inclinaison du châssis du robot s’éloigne peu à peu de
l’horizontalité de même que sa position verticale par rapport au sol. Cet
effet est indésirable notamment pour des raisons de stabilité. La régulation
d’attitude et d’altitude permet de compenser cette dérive.
Le contrôle d’attitude nécessite une mesure de l’inclinaison du châssis.
Sur le robot Silex, celle-ci est obtenue grâce à un inclinomètre à deux axes.
Ce dispositif est basé sur un niveau à bulle constituant le diélectrique de
quatre condensateurs. Les variations de permittivité qu’entraı̂nent les mou-
vements de la bulle à l’intérieur du niveau permettent, par une mesure de
capacité différentielle, de fournir des signaux analogiques proportionnels aux
angles des deux axes par rapport à l’horizontalité. La bande passante du
capteur est d’environ 0.5Hz.
Pour des faibles valeurs des angles, les deux sorties de l’inclinomètre
peuvent être considérées comme les angles de roulis (γ) et de tangage (β).

127
Figure 6.6: Trajectoire de transfert intersectant la limite de l’espace de
travail (cas d’une trajectoire radiale: θi = 0).

128
La matrice de rotation correspondante est:
 
cos β sin β sin γ sin β cos γ
R= 0 cos γ − sin γ  (6.7)
 
− sin β cos β sin γ cos β cos γ
Si les angles β et γ sont petits, on peut utiliser les approximations sin β ≈ β
et cos β ≈ 1, ce qui conduit à:
 
1 0 β
R≈ 0 1 −γ  (6.8)
 
−β γ 1
Cette matrice de rotation caractérise le défaut de verticalité de l’axe Oz du
robot; ce dernier peut dès lors être corrigé en déplaçant verticalement les
points de support Pi d’une valeur:

∆zi ≈ −βxi + γyi (6.9)


ou si l’inclinaison de référence γ0 , β0 est différente de l’horizontalité:

∆zi ≈ −(β − β0 )xi + (γ − γ0 )yi (6.10)

D’autre part, le maintien de la hauteur du châssis à une valeur constante


par rapport aux points d’appui (contrôle d’altitude) ne nécessite pas de
capteur particulier. En effet, l’altitude peut être définie par la moyenne des
positions verticales des pattes en phase de support −zi dans le référentiel
relatif:
1X
h = − < z >= − zi (6.11)
n i∈S
où S est l’ensemble des indices des n pattes en phase de support.
Un écart par rapport à l’altitude de référence h0 peut être corrigé en
modifiant les positions verticales des pattes en phase de support par le terme

∆z = −(h0 − h) (6.12)

On peut remarquer que les corrections d’attitude et d’altitude ont des effets
indépendants l’une par rapport à l’autre; elles peuvent donc simplement
s’ajouter.
Afin de coordonner les corrections des différentes pattes, il est souhai-
table d’implémenter les corrections (6.10) et (6.12) par l’intermédiaire d’une

129
Figure 6.7: Principe du contrôle d’attitude.

130
régulation de vitesse; il suffit pour cela de choisir les consignes de vitesse
pour les coordonnées verticales proportionnelles aux corrections de position:
q̇1i = Katt [−(β − β0 )xi + (γ − γ0 )yi ] + Kalt [−h0 − < z >] (6.13)
où les gains Katt et Kalt sont ajustés empiriquement afin d’obtenir un amor-
tissement raisonnable.

6.6 Conclusion
La structure de contrôle décrite dans ce chapitre permet la mobilité
complète du châssis du véhicule:
• le contrôle des composantes de vitesse horizontale des pattes en phase
de support donne au châssis les 3 degrés de liberté d’un mouvement
plan arbitraire (Vx , Vy , ωz ).
• le contrôle d’attitude et d’altitude fixe les 3 degrés de liberté restants:
l’inclinaison du châssis par rapport au plan horizontal et sa coordonnée
verticale (γ0 , β0 , h0 ).
Le contrôle cinématique des pattes, combiné à l’utilisation de simples
contacteurs installés dans les pieds pour la détection du sol, suffit pour
se déplacer sur un sol irrégulier mais rigide: la descente de la patte est
arrêtée aussitôt que le capteur est activé au contact du sol. A cause des
inévitables erreurs de positionnement liées notamment à la calibration im-
parfaite des capteurs, les trajectoires des pattes en phase de support ne
respectent pas exactement la contrainte introduite par le contact avec le
sol. Par conséquent, des forces internes antagonistes apparaissent dans les
mécanismes, pouvant entraı̂ner le glissement des pattes sur le sol.
Heureusement, ces forces indésirables, qui ont tendance à augmenter
durant la phase de support, sont régulièrement annulées lors des phases de
transfert. De ce fait, les erreurs de trajectoires restent inférieures aux jeux
dans les mécanismes (environ 15mm). Les forces internes induites par ces
erreurs sont ainsi limitées.
Les erreurs sur la position verticale de l’extrémité de la patte sont com-
pensées par le module de contrôle d’attitude et d’altitude. Cependant, un
contrôle purement cinématique ne convient plus si le robot se déplace sur un
sol meuble, car les pattes sont soumises à des enfoncements différentiels. Ce
problème peut être résolu grâce au concept de compliance active présenté
au chapitre suivant; cette stratégie requiert l’utilisation de capteurs d’effort
afin d’estimer les forces de contact.

131
Chapitre 7

Contrôle de force

7.1 Introduction
Le contrôle de force dans la conduite d’un véhicule à pattes a deux
intérêts majeurs:
• la compliance active qui permet une répartition optimale des forces
de réaction entre les pattes et compense l’enfoncement différentiel des
pattes lors de la locomotion sur sol meuble.
• l’évitement d’obstacles locaux par action réflexe ou par suivi de con-
tour (par exemple pour l’ascension autonome d’un escalier).
Ce chapitre présente la conception du capteur de force à trois composantes
qui équipe chacun des pieds du robot Silex, ainsi que sa mise en oeuvre afin
d’intégrer les deux fonctions ci-dessus dans l’architecture de contrôle.

7.2 Conception d’un capteur de force


Le principe du capteur de force a été inspirée du capteur en croix mal-
taise illustré à la figure 7.1 classiquement utilisé pour les robots manipula-
teurs (Sheinman Force Sensing Wrist, Shimano et Roth 1976). Ce dispositif
consiste en une croix sur laquelle sont montées 16 jauges de contrainte,
sur chaque face des 4 poutres bi-encastrées. Les jauges sont connectées
en 8 paires diviseuses de tension. Chacune des paires fournit un signal i
reflétant la différence entre les niveaux de contrainte sur les faces opposées
d’une poutre. Pour un tel capteur, les composantes du vecteur des forces F
et des couples M agissant au centre de la croix sont liées aux signaux i par
les équations suivantes:

132
 
1
   
Fx 0 0 0 0 0 c16 0 c18  2 

Fy 0 0 0 0 c25 0 c27 0  3
   
    
 Fz   c31 c32 c33 c34 0 0 0 0  4

 
= (7.1)
  
 
Mx 0 c42 0 c44 0 0 0 0 5

    
    
 My   c51 0 c53 0 0 0 0 0 
 6 

Mz 0 0 0 0 c65 c66 c67 c68 7
 
 
8

où les coefficients dépendent de la géométrie du capteur; en raison de la


symétrie, les relations suivantes existent entre les coefficients: c16 = c18 =
c25 = c27 , c31 = c32 = c33 = c34 , c42 = c51 = −c44 = −c53 et c65 =
c66 = −c67 = −c68 . Dans la structure de l’équation (7.1), on notera que les
composantes Fz , Mx et My peuvent être obtenues de la seule connaissance
de 1 , 2 , 3 et 4 .
Le capteur, destiné à être placé à l’extrémité d’une patte, doit mesurer
les trois composantes (Fx0 , Fy0 , Fz0 ) de la force de contact agissant à l’embout
d’une tige de longueur dz fixée au centre de la croix (Alexandre et al. 1996
- figure 7.2). En supposant que les couples sont nuls au point de contact,
les forces et couples correspondants au centre de la croix sont:
   
Fx 1 0 0
 Fy   0 1 0  
    Fx0
 Fz   0 0 1 
 0 
=   Fy  (7.2)
  
Mx 0 dz 0

Fz0
   
   
 My   −dz 0 0 
Mz 0 0 0
et les trois composantes de la force de contact peuvent être obtenue à partir
de:     
Fx0 0 0 −1/dz Fz
 0  
 Fy  =  0 1/dz 0   Mx  (7.3)
 
Fz0 1 0 0 My
En conséquence, les 8 jauges correspondant aux mesures de flexion 1 à 4
sont suffisantes pour le calcul de la force de contact par la relation:
 
    1
Fx0 −c42 /dz 0 c42 /dz 0  2 
Fy0 = 0 c42 /dz 0 −c42 /dz   (7.4)
    
3
 
Fz0 c31 c31 c31 c31
 
4

133
Figure 7.1: Poignet capteur d’effort de Sheinman.

134
Figure 7.2: Capteur d’effort pour la mesure des force de contact.

135
Le capteur a été dimensionné par éléments finis. Sa réalisation est illustrée
à la figure 7.3: il est constitué d’une fine croix en acier sur laquelle sont
fixées 4 paires de jauges de contraintes résistives (4 sur chaque face de la
croix). Le schéma d’amplification permet d’obtenir 3 signaux analogiques
proportionnels aux composantes des forces de contact. Ceux-ci sont conver-
tis numériquement par le microprocesseur de la patte.

7.3 Compliance active


Lorsqu’un véhicule à pattes se déplace sur sol meuble, élastique ou avec
tassement, de simples interrupteurs (information logique) fixés au bout des
pattes ne suffisent plus pour maintenir une répartition de force acceptable:
les pattes peuvent s’enfoncer dans le sol avec une force de contact qui
s’accroı̂t. Sans contrôle des forces de contact, l’équilibre du véhicule peut
ainsi évoluer vers l’instabilité par enfoncement différentiel.
La compliance active apporte une solution à ce problème (Klein et Briggs
1980). Le principe de la méthode est de contrôler le mouvement des pattes
de telle sorte que l’écart de la force de contact mesurée par rapport à la
valeur idéale soit, en régime, proportionnel à l’écart de positionnement cor-
respondant. La patte se comporte alors comme un ressort dont la rigidité
peut être programmée.
La compliance active peut être obtenue de la manière suivante: la vitesse
de référence ~r˙ C envoyée au régulateur de vitesse est calculée par l’équation:

~r˙ C = ~r˙ I + Gp (~rI − ~r) + Gf (F~I − F~ ) (7.5)


où ~r˙ I est la vitesse idéale qui serait utilisée pour une régulation purement
cinématique, ~rI et F~I sont la position et la force idéales et ~r et F~ en sont
les valeurs mesurées. Gp et Gf sont des matrices de gain diagonales.
Sans tenir compte du temps de réponse de l’asservissement de vitesse,
l’erreur de force est alors liée à l’erreur de position et l’erreur de vitesse par
l’équation:
F~ − F~I = −α(~r˙ C − ~r˙ I ) − K(~r − ~rI ) (7.6)
dans laquelle α = G−1 f = diag(1/gf i ) et K = G−1 f Gp = diag(gpi /gf i )
sont respectivement la matrice d’amortissement et la matrice de rigidité
d’un système ressort-amortisseur équivalent. L’inertie du système compli-
ant obtenu n’apparaı̂t pas comme paramètre: elle est liée à la dynamique
de l’asservissement de vitesse que nous avons supposée idéale.

136
Figure 7.3: Capteur de force développé à l’ULB.

137
A l’équilibre (~r˙ I = 0), l’erreur de position et l’erreur de force sont liées
par:
δ~r = ~r − ~rI = −Λ(F~ − F~I ) (7.7)
où Λ = K −1 est appelée le coefficient de compliance active de la patte. Donc,
l’écart de la force mesurée par rapport à la force demandée est convertie en
un incrément de position, δ~r, lequel est utilisé pour corriger la position de
référence du contrôle cinématique. Si une modélisation du sol est disponible,
il est possible d’estimer l’enfoncement s∗ et de l’ajouter au membre de droite
de l’équation (7.5), comme terme de compensation (Devjanin et al.,1983).
Sans la compliance active, la répartition des forces de contact d’un robot
ayant plus de trois pattes au sol dépend dans une large mesure des petites
erreurs de positionnement et des propriétés élastiques du sol (compliance
passive); il y a donc une grande incertitude sur la répartition de la charge.
Avec la compliance active, la répartition des efforts dans les pattes est
principalement déterminée par les forces F~I et la matrice de compliance Λ:
si la compliance est élevée, la répartition des forces sera peu sensible aux
petites erreurs de positionnement, qui sont inévitables.

7.4 Répartition des forces de contact


L’équation (7.5) de la la compliance active introduit une valeur F~I cor-
respondant à la force de contact idéale de la patte. Cette section indique
comment calculer ces valeurs de référence pour une position donnée du robot
en équilibre statique. L’approche présentée ci-dessous suit celle de Devjanin
et ses collaborateurs (1983).
On suppose que le châssis du véhicule est horizontal et que les forces
de contact avec le sol sont verticales. Les composantes verticales des forces
de contact Fiz doivent satisfaire les trois équations suivantes, exprimant
respectivement l’équilibre de rotation autour des axes x et y et l’équilibre
de translation vertical du robot (figure 7.4):
X
Fiz yi = 0
i∈S
X
Fiz xi = 0 (7.8)
i∈S
X
Fiz = M g
i∈S

138
Figure 7.4: Répartition des forces pour une configuration donnée.

139
où xi , yi sont les coordonnées de l’extrémité de la patte i dans le repère fixé
au châssis du véhicule qui est supposé coincider avec le centre de masse. Les
sommes s’étendent aux pattes en phase de support.
Le système d’équations (7.8) peut être réécrit matriciellement sous la
forme,  
  F1z  
x1 x2 · · · xn  0
  F2z 

 y 1 y 2 · · · yn    ..  =  0  (7.9)
   
1 1 ··· 1  .  Mg
Fnz
que l’on notera AFz = P . Si le véhicule repose sur 3 pattes, la matrice A
est régulière (son déterminant vaut la surface du triangle de sustentation).
Dans le cas où plus de 3 pattes supportent le véhicule, le système devient
sous-déterminé. La solution de norme minimum:
X
minFiz { |Fiz |2 } (7.10)
i

liée par les contraintes (7.9) possède la solution bien connue:

F z = A+ P (7.11)
où A+ = AT (AAT )−1 est la matrice pseudo-inverse à droite.
Sous l’hypothèse de pertes d’énergie proportionnelles au carré de la force
de contact pour chacune des pattes, on remarque que la solution (7.11) mini-
mise également la dissipation liée au support du véhicule, proportionnelle à
la norme (7.10).
Cette répartition de forces est choisie comme répartition idéale FzI pour
la compliance active. Elle est calculée au niveau B à chaque cycle de calcul
(≈ 200ms). Une technique de calcul préconisée par Gorinevsky et Schneider
(1990) a été utilisée pour la mise en oeuvre de l’algorithme.

7.5 Marche avec compliance active


Grâce au découplage gravitationnel, la compliance active pour la com-
posante verticale du mouvement des pattes en phase de support peut être
obtenue en agissant uniquement sur les vitesses articulaires q̇1 :

q̇1C = Gp (zI − z) + Gf (FzI − Fz ) (7.12)

140
où Fz est obtenue à partir de la composante axiale de la force de réaction
mesurée par le capteur, en tenant compte de l’inclinaison du dernier segment
de la patte.
La régulation d’attitude et d’altitude est alors obtenue en corrigeant les
positions idéales zI des pattes à chaque cycle de calcul du niveau B par
l’équation:
zI (k + 1) = zI (k) + K∆z (7.13)
où ∆z est la somme des corrections (6.10) et (6.12).
La figure 7.5 indique le schéma complet de contrôle du robot Silex. Le
contrôle de démarche utilise les grandeurs de commande q̇2C et q̇3C pour
les mouvements horizontaux du robot (Vx , Vy , ωz ) tandis que le contrôle
d’attitude et d’altitude (ωx , ωy , Vz ) ainsi que la compliance active utilisent la
même grandeur de commande q̇1C (pour chacune des pattes en phase de sup-
port). Il est dès lors normal d’obtenir un couplage entre ces deux dernières
boucles de contrôle. La description de cette interaction est cependant com-
plexe car elle met en jeu notamment des termes d’inertie. La modélisation
de ce phénomène n’a pas été abordée dans ce travail. Les différents gains
ont été déterminés empiriquement en ajustant en premier lieu ceux de la
compliance active, Gp et Gf (la boucle la plus rapide - niveau C), avant
d’augmenter progressivement le gain K de l’équation (7.13). Les figures 7.6
et 7.7 donnent quelques résultats expérimentaux.

7.6 Evitement d’obstacle


Le contrôle de force permet également de suivre le contour d’objets en
utilisant l’information tactile pour estimer la direction normale à la surface
suivie (Gurfinkel et al. 1981; Lensky et al. 1986). Cette technique est
utilisée couramment en robotique industrielle pour l’ébavurage et la soudure.
La rétroaction de force peut être utilisée pour éviter un obstacle lors de la
phase de transfert d’une patte (figure 7.8). Si ~r˙ I est la vitesse désirée durant
la phase de transfert, le suivi de contour peut être obtenu en corrigeant cette
vitesse de référence par l’équation :
~r˙ C = ~r˙ I + κ(f~.~n)~n (7.14)
où (f~.~n)~n est la composante normale de la force de contact avec l’obstacle
et κ est le gain de rétroaction. Si le frottement n’est pas trop important, la
composante normale peut être estimée par la force de contact elle-même, et
le terme de correction peut être simplifié:
~ṙC = ~ṙI + κf~ (7.15)

141
Figure 7.5: Schéma de contrôle avec compliance active.

142
Figure 7.6: Composante verticale de la force de contact mesurée et force de
référence d’une patte durant la marche.

143
Figure 7.7: Régulation
144 d’attitude.
Figure 7.8: Evitement d’obstacle.

Cette procédure a été testée avec succès sur une patte du robot Silex mais
n’a pas été implémentée à ce jour dans la structure de contrôle complète.

145
Chapitre 8

Résumé et perspectives

La hiérarchie de contrôle mise en oeuvre dans le cadre de cette thèse per-


met la conduite en mode semi-autonome du robot marcheur hexapode Silex.
Trois niveaux de contrôle sont considérés: le niveau A implique un opérateur
responsable de la navigation du véhicule. Le niveau B, assuré par un PC,
coordonne les mouvements des pattes, corrige l’attitude et l’altitude du
véhicule et répartit les forces de contact. Enfin, le niveau C est décentralisé;
six cartes à microprocesseurs embarquées calculent la trajectoire de chaque
patte et assurent la compliance active ainsi que l’asservissement en vitesse
des articulations.
Une mobilité à 6 degrés de liberté est obtenue pour le véhicule: 3 degrés
de liberté pour les mouvements parallèles au sol (la vitesse correspondant au
déplacement souhaité est spécifiée par l’opérateur au moyen d’un joystick)
et 3 degrés de liberté pour maintenir l’attitude du châssis ainsi que son
élévation par rapport au sol à des valeurs choisies par l’opérateur.
Grâce à la propriété de découplage gravitationnel du mécanisme utilisé
pour les pattes, les deux ensembles de degrés de liberté sont contrôlés au
moyen de grandeurs de commande distinctes donnant lieu à de faibles inter-
actions, ce qui constitue un avantage évident.
La mobilité horizontale du véhicule fait intervenir un module de contrôle
de démarche qui assure la coordination des pattes dans leur fonctionnement
alternatif de support et de transfert vers de nouveaux points d’appui. Plu-
sieurs stratégies de coordination ont été passées en revue; la stabilité des
démarches périodiques a été analysée pour les véhicules à architectures rect-
angulaire et hexagonale. La marge de stabilité longitudinale maximale pour
une vitesse donnée est obtenue pour les démarches du type forward wave
gait. Ensuite les principales approches permettant d’augmenter la flexi-

146
bilité d’une démarche périodique ont été examinées: le wave gait adaptatif,
proche des démarches périodiques, la coordination neurobiologique, basée
sur l’organisation nerveuse des insectes et diverses algorithmes de free gait,
consistant en un processus décisionnel faisant appel à un ensemble de règles.
Inspiré des différentes stratégies qui viennent d’être mentionnées, un
algorithme de free gait original a été proposé. Celui-ci est basé sur des règles
géométriques dans un espace à 6 dimensions, constitué de 6 diagrammes
représentant les Leg Phase State de pattes voisines. L’algoritme de base
est complété de règles qui maximisent la marge de stabilité longitudinale
du véhicule dans le cas d’une trajectoire rectiligne à vitesse constante en
faisant converger la séquence de pas vers celle d’un forward wave gait. Cette
nouvelle stratégie a été mise au point grâce à un simulateur et une animation
graphique. Elle a ensuite été testée avec succès sur le robot.
Le contrôle d’attitude et d’altitude du châssis utilise la composante ver-
ticale du mouvement des pattes supportant le véhicule comme grandeur de
commande. Un inclinomètre à deux axes, à faible bande passante, fournit
la rétroaction d’attitude tandis que la correction d’altitude est basée sur
la position verticale moyenne des pattes supportant le robot. Le maintien
de l’attitude et de l’altitude du véhicule est rendu nécessaire par la dérive
inévitable de ces grandeurs lors de la progression sur un terrain irrégulier.
Une autre utilité de la régulation d’altitude est l’augmentation de la garde
au sol pour surmonter un obstacle. De même, la régulation d’attitude peut-
être exploitée pour stabilisiser et orienter un système de vision ou pour
positionner un organe manipulateur.
La compliance active de la plate-forme a été obtenue à partir de cap-
teurs de force cruciformes, basés sur des jauges de contraintes et intégrés aux
pieds du robot. Elle permet de mieux répartir les forces de réaction entre les
pattes qui, autrement, dépendent principalement des erreurs cinématiques.
Cette fonction est nécessaire pour l’évolution sur sol meuble afin de com-
penser l’enfoncement différentiel des pattes. Une autre utilisation possible
des mesures des forces de réaction est l’évitement d’obstacles locaux par
action réflexe ou par suivi de contour. La procédure de suivi de contour a
été testée avec succès sur une patte du robot Silex.
Au terme de cette thèse, l’objectif initialement fixé, à savoir d’auto-
matiser les niveaux de contrôle B et C afin de rendre le robot mobile
semi-autonome nous semble pleinement atteint. Quelques directions sont
à présent proposées pour des recherches futures.
L’algorithme de free gait décrit plus haut s’accomode bien aux configura-
tions initiales arbitraires et aux changements de direction. Le problème de la
marche sur un sol présentant des zones interdites n’a cependant pas été con-

147
sidéré dans l’algorithme. Une modélisation du sol en cellules autorisées ou
interdites, comme proposée par McGhee et Iswandhi, pourrait être utilisée
pour ce faire dans la procédure de sélection du point d’appui. Un autre
problème intéressant est la marche en cas de défectuosité d’une des pattes.
La redondance du système rend alors possible un mode de fonctionnement
dégradé.
L’évitement d’obstacle utilisant l’information tactile a déjà été men-
tionné plus haut. Intégré au schéma de contrôle proposé, une telle procédure
permettra par exemple l’ascension autonome d’un escalier.
Enfin, et de manière plus générale, la fiabilité et la facilité d’utilisation
seront probablement déterminants pour éveiller l’intérêt du monde industriel
pour les engins à pattes.

148
Table des matières

1 Introduction 1
1.1 Les robots mobiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 La locomotion à pattes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.3 Le problème de la coordination . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4 La locomotion à pattes chez les animaux . . . . . . . . . . . . 6
1.5 Considérations énergétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.5.1 La résistance spécifique . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.5.2 Les pertes d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.6 Objectifs de cette étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

2 Etat de l’Art 13
2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2 Les missions des robots à pattes . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.2.1 La maintenance des sites nucléaires . . . . . . . . . . . 14
2.2.2 L’exploration spatiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2.3 L’exploitation forestière . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.2.4 L’exploration des fonds sous-marins . . . . . . . . . . 21
2.2.5 Les robots grimpeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.3 Projets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.3.1 OSU Hexapod . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.3.2 Adaptive Suspension Vehicle (ASV) . . . . . . . . . . 23
2.3.3 Odex I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3.4 Genghis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.3.5 Robot sauteur unijambiste . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.3.6 Ambler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.3.7 Dante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.3.8 Titan III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.3.9 Recus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.3.10 Mascha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

149
2.3.11 Robug II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.3.12 Mecant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.3.13 TUM Robot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.3.14 Mag . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3.15 Silex . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3.16 Ioan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.4 Aspect cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.4.1 Les mécanismes à pantographe . . . . . . . . . . . . . 40
2.4.2 Le mécanisme d’Evans . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.4.3 Découplage approximatif . . . . . . . . . . . . . . . . 43

3 Hiérarchie de contrôle 46
3.1 Les différents niveaux de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.2 L’architecture de contrôle du robot Silex . . . . . . . . . . . . 49
3.2.1 Contrôle cinématique d’une patte . . . . . . . . . . . . 49
3.2.2 Acquisition numérique des mesures . . . . . . . . . . . 50
3.2.3 Communication avec le niveau B . . . . . . . . . . . . 50

4 Les démarches périodiques 54


4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4.2 Paramètres caractérisant une démarche . . . . . . . . . . . . 54
4.3 Marges de stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
4.4 Stabilité des démarches périodiques . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.4.1 Contraintes liées aux interférences géométriques . . . . 59
4.4.2 Stabilité des démarches ”avant” (φ3 ≥ 1/2) . . . . . . 60
4.4.3 Stabilité des démarches ”arrière” (φ3 ≤ 1/2) . . . . . . 63
4.4.4 Architecture hexagonale . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

5 Contrôle de démarche 82
5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
5.2 Wave gait adaptatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
5.3 Coordination neurobiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
5.4 Free Gait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
5.4.1 Algorithme de McGhee et Iswandhi . . . . . . . . . . 92
5.4.2 Algorithme de Hirose . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
5.4.3 Algorithme de Pal et Jayarajan . . . . . . . . . . . . . 96
5.4.4 Algorithme de Halme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
5.4.5 Free Gait développé pour le robot Silex . . . . . . . . 103

150
6 Contrôle cinématique 118
6.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
6.2 Choix des référentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
6.3 Phase de support . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
6.4 Phase de transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
6.4.1 Sélection des points d’appui . . . . . . . . . . . . . . . 123
6.4.2 Trajectoire de transfert . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
6.5 Régulation d’attitude et d’altitude . . . . . . . . . . . . . . . 127
6.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

7 Contrôle de force 132


7.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
7.2 Conception d’un capteur de force . . . . . . . . . . . . . . . . 132
7.3 Compliance active . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
7.4 Répartition des forces de contact . . . . . . . . . . . . . . . . 138
7.5 Marche avec compliance active . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
7.6 Evitement d’obstacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

8 Résumé et perspectives 146

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