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Publications de la Société d'Études Provençales - VI

La Ville de Salon
Au Moyen - Âge
La Vie Économique
Le Régime Seigneurial - Le Régime Municipal

PAR

Robert Brun
Archiviste Paléographe

Aix en Provence
Imprimerie Universitaire de Provence
5, Rue Emeric-David, 5

1924
[0]
Introduction à l’édition électronique de 2020

La thèse de l'Ecole des Chartes de R. Brun, achevée en 1922, est un ouvrage de référence sur l’histoire
du Salon au Moyen-âge, et plus largement sur la Provence médiévale. Elle permet de voir à quel point
des éléments de “Renaissance” étaient déjà présents au XIIIe ou auparavant, en particulier
l’émergence des organisations municipales et la résurgence du Droit romain .

Cette édition électronique d’un ouvrage, dont la diffusion avait été extrêmement limitée, vise à
permettre son accès à un plus large public. L'exploitation de la richesse de son contenu, en particulier
ses nombreuses annotations de bas de page, est facilitée par les techniques informatiques comme:
● la recherche plein texte, de manière à gagner du temps pour le chercheur ou le simple curieux
qui s’intéresserait au sujet…
● les liens hypertexte vers des sources mentionnées par Robert Brun, devenues accessibles à
tous
● les liens vers des glossaires latins, médiévaux ou provençaux1 pour expliciter les mots rares
figurant dans les citations d’époque

La puissance des outils de recherche bibliographique disponibles de nos jours, comme Google-Books
et Gallica, a permis également d’ajouter des explicitations et des rapprochements avec d’autres
sources; les commentaires et liens hypertexte rajoutés lors de cette publication électronique sont
identifiables par une mention “2020”.

À toutes fins utiles, nous avons choisi de visualiser la pagination de l’édition originale publiée par la
Société d’Etudes Provençales: les nombres entre crochets indiquent les n°s de pages, et lorsqu’un mot
était coupé par la pagination, la césure a été volontairement déplacée pour faciliter la lecture ainsi
que les recherches plein texte.

D’autre part, la majorité des inévitables erreurs typographiques de l’édition originale a été corrigée à
la volée; seuls les cas douteux font l’objet de remarques, en particulier pour des notes de bas de page
mal appariées, voire orphelines.

Enfin, malgré les vérifications déjà effectuées, le processus de numérisation a pu laisser quelques
erreurs qui seront nettoyées au fil du temps. Toute remarque sur la typographie, comme sur le
contenu intrinsèque de l’édition, qui a vocation à s’enrichir au fil du temps, pourra être laissée sur
cette version commentable du document.

Michel Disdero, 2020

1
Gaffiot, Du Cange, Godefroy, Tresor dóu Felibrige, ...

2
[1]

Préface

L'ouvrage que voici n’a pas besoin des quelques lignes de présentation que l’amitié de M. Robert Brun
a bien voulu me demander. Très judicieusement, avec une clarté et une simplicité parfaites, M. Brun
a fourni lui-même, dans son introduction, les avertissements et les informations préliminaires qui
pouvaient éclairer ses lecteurs et leur permettre d’utiliser pleinement son livre.

Pourtant il n’est pas superflu, peut-être, que quelqu’un se substitue un instant à l’auteur pour
marquer, avec un peu plus d’insistance qu’il n’a pu faire, l’intérêt et la portée de son travail, et aussi
pour en souligner certains mérites.

L'on peut dire que, jusqu’ici, l’on n’était guère renseigné, en Provence, sur les institutions particulières
d'une grande communauté soustraite à l’autorité du comte. Salon, à cet égard, invitait aux recherches.

Dans ce fief d’église, où les archevêques d'Arles possédaient les droits souverains, M. Brun a étudié
parallèlement et minutieusement, dans leurs [2] origines et leurs progrès, l'organisation du pouvoir
seigneurial et celle de l’administration municipale. En regard de ce que nous savons, grâce à des
travaux anciens et récents, sur le régime administratif et politique des villes de consulat et sur
l’administration des localités du domaine, les constatations et les découvertes de M. Brun prennent
une valeur de premier plan et sont instructives jusque dans leurs détails. Dans un livre, que son titre
pourrait faire passer pour une monographie locale sans autres visées, se développe ainsi une suite de
chapitres qui comptent, et resteront, dans l’histoire des institutions de la Provence.

Ces chapitres sont précédés d’une étude économique assez étendue. A ce point de vue encore, Salon,
à mi-chemin entre Aix et Arles, au seuil d’une région aussi spéciale que la Crau, devait éveiller les
curiosités.

Aussi bien est-ce dans le sens de vie économique que l'auteur avait d’abord orienté ses investigations.
Si, par la suite, le centre de son étude s’est déplacé, ses préoccupations et ses travaux du début avaient
préparé aux développements ultérieurs de l’ouvrage la base la plus solide et, en somme, la plus
appropriée.

L’auteur a regretté de n’avoir pu livrer plus complète cette première partie de son volume. Les lecteurs
lui sauront gré du moins de n’avoir pas voulu leur faire illusion et, au risque d’en faire plus vivement
sentir les inévitables lacunes, de leur avoir offert un exposé concis, méthodique et limpide. Ils le
remercieront, je pense, dans leur [3] cœur, de s'être abstenu d'enfler son texte en y déversant la
masse elle-même des documents avait dépouillés; par honnêteté et par goût, il a ainsi évité un défaut
auquel n'ont pas toujours échappé les écrivains d’histoire économique, qui quelquefois ensevelissent
un assez mince objet sous un monument d'érudition et de ténèbres.

3
M. R. Brun me permettra d’évoquer, en terminant, ce jour de 1919 où le choix de son sujet fut résolu,
et de lui rappeler mes heureux pronostics. Il ne les a pas déçus. Depuis lors, je l’avais vu à l’œuvre.
Avant les éminents correcteurs de sa thèse, je savais quel travail consciencieux avait précédé sa
rédaction et qu’il n’était pas possible d’en rassembler et d'en préparer les matériaux avec une
méthode plus intelligente.

Raoul Busquet2
Archiviste des Bouches-du-Rhône.

2
2020: Raoul Busquet, né à Bastia le 6 mai 1881, et mort à Marseille le 4 février 1955, est un historien français.
Il s'est spécialisé dans l'Histoire de Marseille et de la Provence.

4
[5]

Introduction

Salon, que la plupart des historiens de la Provence ont cité en passant, n’a fait l’objet que d’un travail
spécial: Chroniques de la ville de Salon depuis son origine jusqu’en 1792 adaptées à l’histoire par Louis
Gimon3.

Le titre même de l’ouvrage indique l’esprit dans lequel il a été conçu: l’auteur, en effet, s’est surtout
préoccupé du côté pittoresque des événements, laissant complètement dans l’ombre les institutions
politiques et administratives. Dans un but de patriotisme assez compréhensible, il s’est efforcé de
rattacher l’histoire de son pays à celle de la Provence; mais, oubliant trop souvent l’objet très restreint
de son étude, il s’est laissé entraîner à d’interminables digressions. Enfin, chose plus grave, Gimon
s’est servi presque uniquement des archives municipales de Salon, si bien que son livre se ressent de
la rareté des documents qu’elles renferment. Son livre, qui est excellent pour le XVIe siècle, et surtout
à partir de 1528, parce que les registres de délibérations y sont analysés avec soin et utilisés avec
beaucoup d’intelligence, est totalement insuffisant pour la période ancienne. Si nous y ajoutons deux
études archéologiques consacrées au château de Salon, nous aurons épuisé la bibliographie du sujet.
Il nous a paru qu’il y avait là une lacune à combler.

D’ailleurs, si nous avons choisi Salon pour objet de cette [6] étude, ce n’est pas seulement parce que
des raisons personnelles nous attachent à cette ville, mais parce qu’elle constitue un type bien défini.
Salon était une seigneurie ecclésiastique et cela, déjà, lui assurait une situation particulière; de plus
cette seigneurie ne relevait pas du comté de Provence, mais de l’Empire, et faisait partie des terres
“adjacentes”4, elle jouissait donc d’un régime tout à fait spécial.

Salon peut d’ailleurs intéresser l’historien à d’autres titres: ses statuts municipaux5, par exemple,
suffiraient à la rendre célèbre. Publiés déjà depuis longtemps, ces statuts ont été utilisés par tous ceux
qui se sont occupés de notre ancien droit, mais ils renferment également des détails précieux pour
l’histoire des institutions et même des moeurs.

Enfin Salon présente un exemple parfait de ces communes que Lambert6 appelle syndicales, et qui
n’obtinrent jamais que l’autonomie administrative sans privilèges politiques d’aucune sorte.
L’attention des historiens s’étant plutôt tournée vers l’étude des grandes républiques consulaires de
la Provence, il nous a paru utile de consacrer nos recherches à une forme encore mal connue de nos
institutions municipales.

3
Aix, 1882, in 8° [2020] très partiellement accessible sur Google-Books
4
2020: Sous l'Ancien Régime, les Terres adjacentes sont des territoires relevant directement de l'intendant de
Provence.
5
2020: disponibles en version bilingue annotée
6
2020: Lambert (Gustave). Essai sur le régime municipal et l’affranchissement des communes en Provence.
Toulon, 1882

5
Notre intention était de donner une vue d’ensemble des institutions seigneuriales et municipales à
Salon au moyen-âge, mais il fallait d’abord fixer le cadre dans lequel ces institutions allaient se
développer; c’est ce qui nous a amenés à consacrer une première partie à la vie économique.

L’étude des facteurs économiques est, en effet, presque inséparable de celle des diverses
manifestations de l’activité d’un peuple; mais cette constatation s’applique encore avec plus de force
lorsqu’il s’agit d’un centre agricole où les moindres manifestations de la vie rurale ont une
répercussion [7] immédiate et où les institutions s’inspirent directement de l’état des cultures et de
la nature même du sol.

Nous étions d’autant plus encouragés à étendre nos recherches dans ce sens, que les travaux de ce
genre manquent pour la Provence et que tout résultat, si mince soit-il, peut avoir son utilité.
Malheureusement la rareté des documents ne nous a pas permis de donner sur l’état de l’agriculture,
du commerce et de l’industrie à Salon les précisions que nous eussions voulu; nous avons dû nous
contenter d’en présenter un tableau, sans doute trop sommaire, mais que nous jugions cependant
indispensable.

Les destinées d’une ville sont subordonnées d’abord aux conditions économiques, mais aussi aux faits
historiques. A Salon, il faut bien l’avouer, les événements ne sont souvent que d’importance
secondaire. Nous les avons cependant recueillis fidèlement pour qu’ils puissent éclairer quelques
points d’histoire provençale, mais nous n’avons rapporté de l’histoire générale que ce qui était
indispensable à la clarté du récit.

Dans une troisième partie, après avoir indiqué l’origine et la nature des pouvoirs que l’archevêque
d’Arles exerçait sur Salon, nous avons étudié les divers rouages du régime seigneurial en traitant
successivement de l’administration proprement dite, de la justice et des finances. Dans chacune de
ces subdivisions nous n’avons pas séparé le personnel des institutions mêmes; c’était éviter les
répétitions et rapprocher, plus facilement, les questions connexes.

En traitant du régime municipal, nous abordions une question délicate qui a fait l’objet de nombreuses
controverses, aussi nous avons cru bon de donner un aperçu rapide du mouvement d’émancipation
qui souleva les villes de Provence au XIIe siècle, pour voir la répercussion de ces [8] événements sur la
genèse et le développement des institutions communales à Salon, ou, du moins, pour déterminer le
milieu dans lequel ces institutions allaient naître et évoluer. Nous avons ensuite essayé de prouver
que Salon n’avait acquis un régime municipal ni d’une concession du seigneur, ni par un coup de force,
ni même en imitant une ville voisine, mais tout naturellement, grâce au fonctionnement très simple
du parlement public et par la tendance invincible qu’avaient, ses syndics de rendre permanentes des
fonctions essentiellement temporaires.

Jusqu’au début du XVe siècle, les événements politiques ont agi si directement sur les institutions
municipales, que celles-ci eussent perdu tout leur sens si nous les avions étudiées à part. En 1404
cependant, le régime municipal, après avoir subi diverses modifications, reçut une organisation
définitive: c’est le moment que nous avons choisi pour en examiner les différents organes, car ils ne
changeront pas pendant tout le cours du XVe siècle.

6
La réunion même, en 1481, de la Provence à la France n’a rien changé, pendant près d’un demi-siècle,
à la constitution provençale, et n’a eu, en particulier, aucune influence directe sur le sort de Salon;
c’est là une des raisons qui nous ont permis d’arrêter notre travail à cette date7.

D’ailleurs, Gimon peut rendre, à partir de ce moment, de grands services, et il est facile d’extraire de
son livre les traits essentiels de la vie municipale à Salon jusqu’à la Révolution.

Telle est, dans les limites que nous lui avons tracées, l’étude que nous avons entreprise: malgré ses
lacunes, elle ne sera peut-être pas inutile à l’histoire d’une province qui renferme tant de domaines
encore inexplorés.

[9]

En terminant, c’est pour nous un devoir de justice et de gratitude de remercier MM. C. Jullian8 et P.
Fournier9, des conseils précieux qu'ils nous ont prodigués. Ils nous ont permis de corriger et de
compléter notre travail en bien des endroits et de le rendre ainsi moins indigne de la bienveillance du
lecteur.

--oOo--

Indication des sources

Sources manuscrites.

I. Archives départementales des Bouches-du Rhône.

Salon, ne relevant pas, au moyen-âge, du comté de Provence, le fonds si riche de la Chambre des
Comptes ne nous a donné que peu de renseignements.

Le fonds de l’archevêché d’Arles (Série G non classée) par contre nous a fourni les éléments essentiels
de notre travail. Ce fonds si important et où tous les historiens ont puisé a fait l’objet, au début du
XVIIIe siècle, d’un grand travail d’inventaire. En 1713, l’archevêque d’Arles, Jacques de Forbin de

7
2020: le relais a été pris par Philippe Paillard en 1969/1970 in Vie économique et sociale à Salon de Provence,
de 1470 à 1550.
8
2020: Camille Jullian, né à Marseille le 15 mars 1859 et mort à Paris le 12 décembre 1933, est un historien,
philologue et épigraphiste français. Élu au Collège de France en 1905, il y crée la chaire des Antiquités nationales.
Il est l'auteur d'une monumentale Histoire de la Gaule, parue entre 1907 et 1928, première approche
scientifique de la Gaule.
9
2020: Paul Fournier est un historien du droit français, né le 26 novembre 1853 à Calais et mort le 14 mai 1935.
Il a été membre de l'Institut de France.

7
Janson10, donna l’ordre de dresser le “répertoire général de tous les titres et documents concernant
l’archevêché d’Arles et tous les membres en dépendans, rangés suivant l’ancienneté de leurs dattes”.

Ce travail subsiste sous la forme d’un gros registre intitulé: “Rubrique de l’archevêché d’Arles”; il
renvoie à quatre groupes d’articles distincts:

a) les chartes originales reliées en volumes grand in-f° d’un maniement peu commode, et
classées approximativement [10] par ordre topographique: le Livre d'or renferme les chartes
concernant plus spécialement l’église d’Arles, le Chartrier de Salon, celles concernant Salon et
les localités de son ressort, etc.
b) les cartulaires de l’archevêché d’Arles, désignés sous le nom de Livre noir, Authentique,
Livre rouge, Livre vert, Livre jaune (v. H. Stein, Bibliographie générale des cartulaires français,
p. 2811).
c) un certain nombre de registres anciens renfermant des pièces diverses, originaux ou copies,
assemblées par le relieur dans un désordre absolu, et dans lesquels les recherches sont
malaisées, car les titres correspondent très imparfaitement au contenu. Ceux que nous avons
employés le plus souvent sont le Livre des droits sur Salon, le Livre de la communauté de Salon,
la Salade de Salon.
d) anciens inventaires renfermant la mention d’actes perdus.

II. Archives municipales de Salon.

Ces archives sont classées et les recherches y sont faciles, malheureusement elles contiennent peu
d’actes très anciens. Nous savons que, vers le milieu du XIIIe siècle, toutes les archives furent brûlées
au cours d’une émeute12, mais, depuis cette époque, que de lacunes! Seule la série AA est assez riche,
mais les séries CC, DD, HH qui auraient pu nous fournir de précieux renseignements ne renferment
que peu de choses: rien n’a subsisté des comptes de la commune pour la période que nous étudions.
Enfin, les registres de délibérations du conseil municipal ne remontent qu’au 2 juin 1528.

Les actes les plus importants ont été recueillis en 1611 dans un registre qui porte le nom de Livre blanc
en raison [11] de sa reliure13 et qui débute ainsi: “Registre des vieux titres, instruments et documents
de la maison commune de la ville de Sallon extraictz des origïnaulx ou coppies conservés es archifz
d'icelle, de la main de Pallamède Giraud, bourgeois, originaire dudict Sallon [...]” Ce cartulaire nous a
fait connaître un certain nombre d’actes disparus depuis, mais dont il ne donne souvent qu’une brève
analyse.

III. Bibliothèque municipale d’Arles.

10
2020: Jacques de Forbin-Janson (né à Paris vers 1680 Paris, mort à Arles le 13 janvier 1741) est un homme
d'Église français. Il est archevêque d'Arles de 1711 à sa mort en 1741. Représentant de l’orthodoxie papale
(ultramontain), il combat vigoureusement le jansénisme.
11
2020: accessible sur Gallica
12
v. plus loin.
13
DD. 7 Registre, papier, petit in-f° de 378 f°; reliure peau blanche

8
Cette bibliothèque renferme la collection précieuse des manuscrits de Bonnemant14. Cet érudit
infatigable a passé sa vie à copier tous les documents qui lui paraissaient intéresser la ville d’Arles et
la région. Ces copies sont utiles à plus d’un titre:

a) Bonnemant glissait parfois, dans ses notes, des documents originaux dont il avait pu se
rendre acquéreur.
b) Il nous a conservé de nombreux documents perdus depuis, en particulier pendant la
Révolution.
c) Il a puisé à des sources peu accessibles, en particulier dans les minutes d’anciens notaires
arlésiens.

IV. Bibliothèque municipale d’Aix

Elle nous a fourni quelques copies de Bonnemant.

V. Bibliothèque Nationale.

Quelques copies du XVIIIe siècle nous ont permis de vérifier et de compléter des actes conservés en
original mais dans un mauvais état.

[12]

VI. Archives notariales.

Il est des documents qu’on néglige trop souvent et qui fournissent des renseignements d’un prix
inestimable surtout pour l’histoire locale, ce sont les anciennes minutes de notaires15.

Nous avons eu la bonne fortune de trouver chez les deux notaires de Salon des dépôts très riches que
leurs possesseurs ont mis à notre disposition avec une obligeance dont nous ne saurions assez les
remercier. Chez Me Michel nous avons dépouillé de nombreux registres du XVe siècle; chez Me
Camille16, des registres plus anciens dont quelques-uns se montent au deuxième tiers du XIVe siècle
et qui, depuis l’année 1360, forment une suite presque ininterrompue17. Nous avons largement puisé
dans ces archives, surtout en vue de l’étude que nous voulions consacrer à la vie économique, mais
en même temps, nous y avons relevé nombre d’indications utiles pour le reste de notre travail et
trouvé la matière de certains chapitres entiers.

--oOo--

14
2020: Laurent Bonnemant (né à Arles le 11 février 1731, mort le 6 octobre 1802 dans la même ville) est le
dernier vicaire de l'église Saint-Laurent et surtout le sauveteur d'importantes archives arlésiennes à l'époque de
la Révolution. Il est le fils de Claude, contrôleur des Fermes du roi et d'Anne Dany, une arlésienne.
15
2020: voir en appendix les terminologies d’archives notariales, cf “étendue”, “protocole”
16
2020: Camille et associés, 234 Boulevard du Maréchal Foch - Salon de Provence
17
2020: typographié “interrompue” dans l’édition 1924

9
[13

Index bibliographique

Albanès (Joseph Hyacinthe) et Chevalier (Cyr Ulysse Joseph) tous deux chanoines. Gallia Christiana
novissima18. (T. III). Arles. Valence, 1901, in-4°.
Alexis (Edouard) Etude sur la signification des noms des communes de Provence. Aix, 1876, in-8°.
Anibert (Louis Mathieu). Mémoires historiques et critiques sur l’ancienne république d’Arles. Yverdon,
1799-81, 3 vol. in-18
Arnaud (Camille).
- Essai sur la condition des juifs en Provence, au moyen-âge. Forcalquier, 1879, in-8°.
- Histoire d’une famille provençale depuis le milieu du XIVe s [...] Marseille, 1884, 2 vol. in-8°.
- Organisation administrative et judiciaire de la ville de Draguignan jusqu’à la réunion de la
Provence à la France. Toulon, 1873, in-8°.
Arnaud d’Agnel (Abbé G.).
- Les comptes du roi René, publiés d’après les originaux inédits [...] Paris, 1908-10, 3 vol. in-8°.
- La politique de René envers les juifs de Provence, Paris, 1909, in-8°. (Bulletin historique et
philologique, 1908).
Étienne Baluze. Vitae paparum Avenionensium. Parisiis, 1693, 2 vol. in-4°.
Barthélemy (Dr L.).
- Histoire d’Aubagne. Marseille, 1889, 2 vol. in-8°
- Inventaire chronologique et analytique des chartes de la maison de Baux. Marseille, 1882, in-
8°.
Bondurand (Edouard). Les coutumes de Tarascon (XIVe s.). Nîmes, 1892, in-8°. [14]
Bouche (Charles-François). Essai sur l’histoire de Provence, suivi d'une notice des Provençaux célèbres.
Marseille, 1785, 2 vol. in-4°.
Bouche (Honoré). La chorographie ou description de Provence et l'histoire chronologique du mesme
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Busquet (Raoul) et Crémieux (C.). Les archives communales et les monographies des communes.
Marseille, 1912, in-8°.
Castanier (Prosper). Histoire Provence dans l’antiquité [...] Paris, 1893, 2 vol. in-8°.
Chabaud (Justin). Saint-Chamas depuis son origine jusqu’à nos jours. Salon, 1903, in-8°.
Chaillan (Abbé M.).
- Le roi René à son château de Gardanne. Etude sur les conditions d’exploitation agricole en
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- Les seigneuries des anciens archevêques d'Arles; dans Bulletin de la Société des Amis du Vieil
Arles, 8e année, 1911
Chavernac (Georges). Essai sur les origines du métayage en Provence. Marseille, 1900, in-8°.
Chérest (Aimé). L’archiprêtre. Episodes de la guerre de Cent ans au XIVe s. Paris, 1879, in-8°.

18
2020: afin de ne pas alourdir le texte, les liens hypertexte ont été insérés sans annotation supplémentaire.
D’autre part, seules les sources réellement accessibles (au moins partiellement) ont été renseignées.

10
Clos (Léon). Recherches sur le régime municipal dans la France au moyen-âge. Paris, 1854, in-4°
(Mémoires de l’Académie des Inscr. et B. Lettres, 2° série, t. III, p. 229-473).
Dauphin (Jacques). Les Salluviens. Pisavis. La Touloubre. Le plan du territoire de Salon. Aix, 1872 in-8°.
Dognon (Paul). Les institutions politiques et administratives du Pays de Languedoc. Toulouse, 1895, in-
8°.
Faudon (Victor). Essai sur les institutions judiciaires, politiques et municipales d'Avignon et du Comté
Venaissin, sous les papes. Nîmes, 1867, in-8°.
[15]
Formigé (Jules). Le château de Salon. Cæn, 1911, in-8° (Bull. Monum. 1911).
Claude Fouque d’Arles. Fastes de la Provence ancienne et moderne. Marseille, 1837, 3 vol. in-8°.
Fournier (Paul)
- Le royaume d’Arles et de Vienne et ses relations avec l’Empire [...] (1250-1291). Paris, 1886, in-
8°. (Rev. des Quest. Hist., t. 39).
- Le royaume d’Arles et de Vienne (1138-1378). Paris, 1891, in-8°.
Fresquet (Raymond de). Etude sur les statuts de Marseille au XIIIe s., 1865, in-8°
Gilles (Isidore)
- Le pays d’Arles et ses trois tribus saliennes [...] (Première partie). Paris, 1896, in-8°.
- Les voies romaines et massiliennes dans le département des Bouches-du-Rhône. Avignon-Paris,
1884, in-8°.
Gimon (Louis).
- Chroniques de la ville de Salon depuis son origine jusqu’en 1792 adaptées à l’histoire [...], Aix,
1882, in-8°.
- Origine des Provençaux-.. Salon, ville salyenne [...] dans le Congrès archéologique de France,
session d’Arles 1876 (1877), p. 169-196.
Girard (Joseph) et Pansier. La cour temporelle d'Avignon aux XIVe et XVe siècles. Paris, 1909, in-8°.
Giraud (Charles). Essai sur l’histoire du droit français au moyen-âge. Paris-Leipzig, 1846, 2 vol. in-8°.
Grégoire (Henri) Les droits seigneuriaux en Provence. Toulon, 1880, in-8°. (Bull. de l'Académie du Var)
Guérard (Benjamin). Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille. Paris, 1875, 2 vol. in-4°. (Doc.
inéd. relat. à l’hist.de Fr.).
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In-8°.
[16]
Isnard (Marie-Zéphirin.). Livre des privilèges de Manosque. Digne-Paris, 1894, in-4°.
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- Nouveau commentaire sur les statuts de Provence. Aix, 1778, 2 vol. in-4°.
- Jurisprudence observée en Provence sur les matières féodales et les droits seigneuriaux.
Avignon, 1756, in-8°
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Toulon, 1882, in-8°.
Laplane (Edouard de). Essai sur l’histoire municipale de la ville de Sisteron. Paris, 1840, in-8°.
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1867, in-8°.

19
2020: le cominalat est une institution municipale instaurée en 1260 par Charles d'Anjou.

11
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Maulde (René de). Coutumes et règlements de la république d’Avignon au XIIIe siècle. Paris, 1879, in-
8°.
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Mollat (Guillaume). Les papes d’Avignon (1305-1378). Paris, 1912, in-8°.
Mortreuil (Jean-Anselme-Bernard). Les possessions de l’église de Marseille au commencement du
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[17]
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- La société provençale à la fin du moyen-âge. Paris, 1898, in-8°
- Les corporations ouvrières [...] en Provence [...] Aix, 1865, in-8°.
Rouquette (Pierre). La transhumance des troupeaux en Provence et en Bas-Languedoc. Montpellier
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Ruffi (Antoine de). Histoire des comtes de Provence. Aix, 1654, in-f°.
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Saxius (Petrus). Pontificium Arelatense, seu historia primatum sanctæ Arelatensis Ecclesiæ, etc Aquis
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Séranon (Jules de). Les villes consulaires et les républiques de Provence au Moyen-âge. Aix, 1858 in-8°.
[18]
Sternfeld (Richard). Karl von Anjou als Graf der Provence (1245-1265). Berlin, 1888, in-8°.
Teissier (Octave)
- Essai historique sur les criées publiques au moyen-âge. Draguignan, 1864, in-8°.
- Les élections municipales en Provence [...] Draguignan, 1864, in-8°.
Trichaud (Abbé). Histoire de la sainte église d'Arles. Paris, s. d. (1877), 4 vol- in-8°.
Valois (Noël)
- La France et le grand schisme d’Occident. Paris, 1901, 4 vol. in-8°.

12
- Raymond de Turenne et les papes d'Avignon, dans l’Ann. Bull, de la Soc. Hist.Fr. t. 26, p. 215.
Villeneuve (Christophe de). Statistique du département des Bouches-du-Rhône [...] Marseille, 1821-29,
4 vol. In-4°.
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36).

--oOo--

13
[19]

Avant - Propos

Il suffit de jeter les yeux sur une carte pour se convaincre que la ville de Salon occupe une situation
privilégiée; adossée aux derniers contreforts de la Trévaresse, placée à un coude de la Touloubre dont
la vallée, resserrée jusque là entre des chaînes de collines, s’étale en couches d’alluvions fertiles, elle
domine de son rocher l’immensité de la Crau, comme, d’un promontoire, une mer sans limites.

Son terroir20, si on le considère dans son ensemble, comprend trois régions bien distinctes: au nord-
est des collines calcaires couvertes de pins et de chênes-verts, avec des vallons encaissés, abrités du
mistral et bien exposés au soleil, propres à la culture de l’olivier et de la vigne; au sud-est une plaine
grasse, arrosée par la Touloubre, terre de labour capable de recevoir les cultures maraîchères; à
l’ouest, enfin, la Crau, sol vierge, offrant aux troupeaux, pendant une partie de l’année, des prairies
naturelles, et ne demandant qu’un peu d’eau pour devenir une terre productive. En somme, c’est
trouver réunis la forêt, le champ, le pâturage; avantage précieux pour un centre agricole!

Un autre fait digne de remarque, c’est que Salon se trouve, à peu de chose près, à égale distance de
Marseille, d’Arles, d’Avignon et d’Aix, villes dont la force attractive est puissante mais qui sont trop
éloignées les unes des autres; Salon sera donc le point où convergeront les productions de la région
intermédiaire, et qui, en échange, fournira aux villages et hameaux voisins divers articles [20]
fabriqués21. Salon n’aurait cependant jamais acquis le développement qu’il connaît s’il était en dehors
des voies de communication, mais il se trouve précisément à un croisement de routes commerciales:
la vallée de la Touloubre relie la région d’Aix au Rhône, car la Crau n’est pas un obstacle, c’est la
branche transversale du carrefour; l’autre branche c’est la route qui fait communiquer la vallée de la
Durance avec la mer; or Salon, par l’étang de Berre qui à Saint-Chamas s’avance profondément dans
les terres, n’est qu’à 11 kilomètres de la mer et, par la trouée de Lamanon, il n’est guère plus éloigné
de la Durance. On peut donc dire sans exagération que cette ville est le pivot de la région représentée
par le département actuel des Bouches-du-Rhône.

Des conditions si favorables ont dû frapper les anciens habitants du pays comme elles nous frappent,
et on est tenté d’attribuer à Salon des origines très reculées. En réalité ces origines sont très obscures.

Les historiens et les géographes de l’antiquité ne nous donnent, à cet égard aucune indication et le
nom de cette localité22 ne figure pas dans les ouvrages si précis de MM. Desjardins, Longnon23 et C.
Jullian24. La plupart des auteurs qui ont cité Salon ne se sont pas résignés, cependant, à avouer leur

20
La superficie actuelle du terroir de Salon est de 6979 hectares. Ses limites n'ont pas changé depuis le XVe
siècle,
21
Répertoire des travaux de la Soc. de Stat. de Marseille, t. I. p. 96 et suiv.
22
Villa Salone, castrum Sallonis, Seltonis, Cellonis. Salonis.
23
Desjardins, Géographie historique et administrative de la Gaule romaine, Paris, 1876. 4 vol. in 4° - A. Longnon,
Atlas historique de la France 1re partie, 1 ans, 1884, in 4°
24
C. Jullian, Histoire de la Gaule, Paris, 1918,. 6 vol.

14
ignorance, et ils ont demandé à l’étymologie ce que l’histoire leur refusait; frappés d’une certaine
analogie avec le nom des Salliens ou Salyens qui, d’après les brèves indications de Strabon et de
Ptolémée, occupaient approximativement la région comprise entre le Luberon, la Durance, le Rhône,
le Var et les chaînes [21] subalpines25, quelques-uns n’hésitèrent pas à faire de Salon la capitale de ce
peuple26; d’autres, plus prudents, se contentèrent de supposer que Salon avait gardé dans son nom le
souvenir des anciens habitants du pays, et cette opinion est si bien accréditée dans la région, qu’elle
a pris la valeur d’une sorte de tradition.

Quoi qu’il en soit, il était difficile de placer une ville antique à l’endroit précis où s’élève actuellement
la moderne, car le sol n’a révélé que peu d’objets pouvant faire préjuger d’une occupation ancienne27;
mais à 5 kilomètres à l’est de Salon, et sur un des points culminants de la chaîne de collines qui
séparent le territoire d’Aurons de celui de Salon, existent des ruines d’un habitat celtique important.
Cet oppidum de 10 hectares de superficie est défendu, par des escarpements, sauf du côté du Nord
où une double ligne de remparts barre le côté faible de la position28. Ce quartier s’appelle le Salonet29,
sans qu’il soit possible de savoir si ce nom est emprunté à la ville de Salon ou si, au contraire, cette
dernière en a hérité30; ce [22] qui n’empêche pas la plupart des auteurs et la tradition populaire d’y
voir la ville de Salon primitive.

D'autres31, tout en reconnaissant au Salonet une haute antiquité, donnent de son nom une étymologie
différente; pour eux, un marché de sel y aurait été établi. Cette thèse a du moins l’avantage d’être
corroborée par des exemples analogues, car les villes ne manquent pas, en France, dont le nom est
emprunté au commerce du sel. Or, il existe justement en Provence, un réseau de très anciennes voies
commerciales ayant précédé les voies romaines et qui, partant des étangs où se récoltait le sel,
servaient au transport, dans l’intérieur du pays, de ce condiment de première nécessité. L’une de ces
voies, précisément, partait de l’étang de Berre, un peu à l’ouest de Saint-Chamas et passait à Salon32;
la tradition lui a longtemps conservé le nom de chemin saunier33.

25
Ptolémée énumère les villes situées en territoire salyen et qui sont: Tarascon, Glanum (Saint-Remy), Arles,
Aix, Ernaginum (Saint-Gabriel). Clerc, Aquae Sextiae Histoire d’Aix-en-Provence, dans l'antiquité, Aix-en-
Provence, 1916, in 8°.
26
Achard, Dictionnaire géographique des lieux de Provence, - De Villeneuve, Stat. des Bouches du Rhône, t. II,
pag. 195, - Castanier, Histoire de la Provence dans l'antiquité. Gimon.
27
Le lieutenant Goger (Recherches sur le château de Salon) signale la découverte de quelques silos. M Gilles
affirme que ce fut un habitat celtique de la dernière époque et qu’on y a trouvé des poteries et une statuette
de divinité celtique? (Le Pays d’Arles).
28
Autels-cippes chrétiens de Provence, par le Cte de Gérin-Ricard (Extrait du Congrès des Sociétés Savantes de
Provence) Marseille 1907, p 190-4. L’auteur ajoute que quelques fouilles lui ont permis de reconnaître que ce
point avait été habité pendant un long espace de temps, puisqu’on y rencontre des instruments en silex et en
pierre polie, des bijoux de l’époque de bronze, des monnaies grecques, marseillaises, en argent et en bronze,
des poteries grecques, romaines et chrétiennes, et notamment, pour cette dernière époque, de la vaisselle
estampée à palmettes et à rouelles.
29
On y a signalé la découverte de mosaïques gallo-romaines (Bull. de la Soc. préh. française, t. X, 1913, p. 277-
280).
30
Nous acceptons plus volontiers la première hypothèse car, dans les actes anciens, ce quartier est désigné par
les noms de vallis de Cudio, vallis de Cugio, aujourd’hui le Val de Cüech, et jamais autrement.
31
Bouche, p. 318 — Papon. tout en rapportant la théorie de l’origine salyenne, ne dissimule pas sa préférence
pour cette étymologie.
32
Gilles, les voies romaines et massiliennes dans Je département des Bouches du Rhône, p. 253.
33
Un acte de 1235, signale un moulin situé sur la via salnaria, (Chartrier de Salon: n° 34).

15
Ne nous attardons pas davantage à ces hypothèses infructueuses et, à défaut d’inscriptions ou de
textes décisifs, étudions sur le sol le réseau des voies anciennes, ces vestiges nous aideront peut-être
à débrouiller le problème.

I. A l’époque préhistorique, une voie, dite voie des côtes, ou marseillaise34, suivait à mi-
hauteur la vallée de la Touloubre, passant au nord de Lambesc, de Pélissanne et,
probablement au rocher de Salon; on la suit encore aisément. Au lieu fouillé par Valérian35,
bifurquait une [23] voie secondaire montant au nord vers l’oppidum de Sainte-Croix36 et de là
au Vernègues.
II. Une autre voie faisait communiquer l’étang de Berre avec la vallée de la Durance par Saint-
Chamas, Cornillon, le Val de Cuech. Elle franchissait la Touloubre vers la chapelle Saint Jean-
de-Brenas où la plupart des auteurs placent Pisavis. Elle coupait ensuite la voie des côtes à la
croix blanche, à 2 kilomètres est de Salon, sur l’ancienne route de Pélissanne où elle est encore
très visible. Plus au Nord elle passait au Salonet.

Les Romains, fidèles à leur politique, commencèrent leur colonisation par l’établissement d’un bon
réseau de routes. Celle qui reliait Aix à Arles est connue sous le nom de voie aurélienne, elle
comportait d’ailleurs plusieurs ramifications37. Celle qui nous intéresse directement et qui est encore
jalonnée par plusieurs de ses milliaires passait à Eguilles, à Pisavis, et de là traversait la Crau en ligne
droite en laissant au nord le rocher de Salon. Cette voie franchissait la Touloubre, à 500 m. à l’est de
Saint-Jean-de-Brenas (Pisavis), au moulin de Bregand38, sur un pont dont il reste quelques
substructions. Ce quartier s’appelle Aniane.

L’embranchement de Pisavis fut utilisé par les Romains pour relier Aix à Avignon, il franchissait le
massif montagneux du Vernègues, se dirigeant vers Orgon39 et la vallée de la Durance.

Remarquons donc qu’à l’époque romaine, le croisement des routes est Pisavis ou Aniane, sur les bords
de la TouIoubre et non pas l’emplacement actuel de la ville.

34
C'est le terme employé par la Statistique et par Gilles, op. cit.
35
Voy. Congrès des sociétés savantes de Provence. Arles, 1909. p 36. - Cet érudit, a voulu, sans raison probante,
placer à ce croisement la station de Pisavis de la table de Peutinger. [2020: accessible sur Gallica]- cf. Constans
(L.A.; Arles antique, p. 161, (Bibl. des écoles françaises d’Athènes et de Rome, fasc. 119).
36
Sur la colline du même nom, à la limite est du territoire de Salon.
37
Pour plus de détails, voy. l’excellent travail de M. Constans, op. cit. p. 154 et suivantes.
38
Ce rapprochement de noms est curieux. Y a t-il un préfixe celtique commun au deux? Briva, en celtique veut
dire pont.
39
Identifié avec Tericias par M. Constans. (Op. cit. pag. 163) [2020: on considère de nos jours que la mutatio
Tericiae est sur le territoire de Mouriès]

16
Ce fait, joint à l’absence de découvertes archéologiques40 [24], semble bien prouver, qu’à l’époque
romaine, le rocher de Selon pouvait peut-être porter quelque constructions, ferme ou maison de
plaisance, mais certainement aucun groupe important d’habitations41.

A Saint-Jean-de-Brenas au contraire subsistent des ruines romaines, un tombeau, un sarcophage


servant actuellement de margelle de puits42, un chapiteau de basse époque et les fondations de
constructions indéterminées.

Quant au nom de Pisavis, connu seulement par la table de Peutinger, il est sans doute celtique, mais
il ne s’est pas conservé. Il n’en est pas de même de celui d'Aniane qui peut donner lieu à un
rapprochement instructif.

Au premier siècle de notre ère un certain Aulus Annius Camars43, originaire d’Arles, était parvenu aux
plus hautes fonctions. On peut supposer qu’il possédait de vastes domaines dans la région et que le
nom de Camargue perpétue son souvenir44. Cette gens Annia profondément enracinée au terroir
arlésien, a continué d’y faire souche pendant toute la durée de l’Empire45, et un de ses descendants,
Bassus46, en 399 était grand éleveur de chevaux.

Quoi d’étonnant à ce que cette gens Annia ait eu également un domaine sur les rives de la Touloubre?
Nous verrions volontiers à cet endroit, à proximité des pâturages de la Crau, de vastes bergeries, un
centre l’élevage de bêtes à laine, répondant à ce qui pouvait exister en Camargue [25] pour le gros
bétail. Dans ce cas nous aurions ici le souvenir d'une villa Anniana, grand domaine dont les
archevêques d’Arles héritèrent plus tard.

Le nom se serait formé, régulièrement par l’adjonction du suffixe -anus au gentilice du propriétaire,
et nous garderions ici le souvenir d’une villa Anniana.

Quoi qu’il en soit, nous avons observé que, dans les actes les plus anciens qui se rapportent à cette
région, le nom d’Aniane47 revenait très souvent48. Il est évident que les archevêques d’Arles, seigneurs

40
On a cependant signalé des fragments de mosaïques romaines à Salon; voy. Lafaye, Inventaire des mosaïques
de la Gaule, publié.sous les auspices de l'Acad. des I. et B. Lettres, t; I, Paris. 1909.
41
Nostradamus, qualifie Salon de ville impériale (Histoire et chronique de Provence, p. 15), et affirme qu'elle
existait en 485. mais l’auteur, souvent peu recommandable pour son exactitude, a dû céder au désir de vieillir
une ville dont il était originaire. - Gimon reproduit cette assertion (p. 36) sans la justifier davantage.
42
Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs de la gaule romaine t. I, page 103.
43
2020: Pour Fernand Benoît, il existait un certain Aulus Annius Camars (son épitaphe se trouve au musée
d'Arles), propriétaire camarguais appartenant à une grande famille
44
Constans, op. cit. p. 91-2. [2020: on pense de nos jours plutôt l’inverse “à moins que ce personnage n'ait
emprunté son cognomen à son domaine de l’insula Camarica”]
45
Carcopino (J.) Choses et gens du pays d'Arles, Lyon, 1922, page 18.
46
2020: attention in Arles: Histoire, territoires et cultures, de Jean-Maurice Rouquette: [...] un lointain
descendant d'Annius Camars. Mais la relation entre Bassus et les Annii n'a jamais été prouvée, et rien ne nous
assure que la Camargue soit la région que parcouraient au IV siècle les gens de Bassus.
47
II n’y a pas lieu de rapprocher ce nom de celui de la célèbre abbaye. Rien dans son cartulaire n’indique qu’elle
ait eu des possessions dans ce terroir, (Cartulaire des abbayes d'Aniane et de Gellone, Montpellier, 1900).
48
Août 1119, l’archevêque Atton achète à Pons Gantelmi une terre et un pré “justa turrem Aniane”. (Livre rouge,
223° v°). 1126, 11 juillet. Bertrand de St-Chamas et ses frères vendent à Atton “dominium totum quod habemus

17
temporels de Salon, administrèrent toujours le terroir d’Aniane comme leur domaine par excellence.
Les nombreux actes d’achat et d’échange passés par eux et destinés à évincer les propriétaires qui
pouvaient y avoir des enclaves, en est déjà la preuve, mais, ce qui le montre encore mieux, c’est qu’au
début du XIIIe siècle encore, l’archevêque prétendait y exercer un droit de propriété plus fort, plus
absolu, le considérant en quelque sorte comme son “mansus indominicatus”49.

C’est dans cette exploitation rurale, mise en valeur par un riche propriétaire, qu’il faut chercher la
lointaine origine de Salon, plutôt que dans l’oppidum du Salonet, habitat préhistorique plus propre à
servir de refuge éventuel qu’à fixer un grand nombre d’habitants.

--oOo--

[...] in territorio Aniane . . . scillicet in terris, in vineis, in pratis, in pascuis, in aquis, in molendinis [...] “ (Livre rouge
223). - 1126, 15 juillet (Livre rouge 269)- 1133, (Livre rouge 221 v°).
49
4 Septembre 1215. Transaction entre l'archevêque et son chapitre au sujet des dîmes du terroir de Salon, qui
doivent être partagées entre eux, par moitié, exceptées les dîmes du terroir d’Aniane, qui appartiennent
entièrement à l’archevêque, “excepta tamen decimaria de Agnana que specialiter et proprie ad juridictionem
domini archiepiscopi noscitur pertinere” (Chartrier de Salon n°41). Courte analyse dans la Gallia christiana
novissima, Arles, n° 835 [2020: accessible ici sur Internet Archive], “Transaction entre l'archevêque Michel [de
Mouriès] et le chapitre d’Arles, au sujet des dîmes de Salon,qui sont attribuées par moitié à chacun d’eux; fait
dans la salle qui est au-dessus de la porte St-Etienne”].

18
[27]

Première partie - La Vie économique

Les Cultures

Le terroir de Salon, par la variété des terrains qui le composent, convient à tous les genres de cultures.
D’ailleurs, autrefois, les moyens de transport étant rares, des droits nombreux entravant la circulation
des marchandises, les cultivateurs ne se spécialisaient pas dans un seul genre de production, mais
cherchaient surtout à suffire à tous les besoins.

Les Céréales

La plaine de la Touloubre était propice aux céréales; on y cultivait le froment, l’orge, le seigle et
l’avoine. Tous les grains étant le plus souvent englobés sous le nom général de “bladum”, il est difficile
de connaître l’importance de chacune de ces cultures.

Un inventaire minutieux des biens de l’archevêché d’Arles, dressé en 1341, indique que les granges
du château de Salon contiennent 148 saumées50 d’avoine estimées à 10 sous la saumée, 90 de seigle
à 15 sous, 173 de froment à 20 sous, 63 de froment dit “toella51” à 10 sous seulement. Par contre
l’orge l’emporte avec 468 saumées à 10 sous, parmi lesquelles 60 de paumelle, palmela dit le texte.
Cependant il n’est pas douteux que dans l’ensemble du [28] terroir le blé ne remportât de beaucoup.
Les greniers d’Arles, d’après le même inventaire, renferment 866 setiers de froment, à 5 sous 10
deniers le setier; ceux de Trinquetaille 4040 setiers contre 264 setiers d'orge seulement52.

Vers le milieu du XIVe siècle, il semble que le froment, l’orge et l’avoine couvraient encore des
superficies a peu près équivalentes53; le seigle était certainement moins répandu.

50
La saumée valait 20 décalitres environ pour le blé, 25 pour l’orge, 30 pour l’avoine (Règlement de 1503).
51
2020: cf in Du Cange Thosella, Thocella, Thozella, Annonæ frumento inferioris species, Occitanis aliisque
Touselle. Voir également impressionnante liste de vocables in Ravitaillement et alimentation en Provence aux
XIVe et XVe siècles, de Louis Stouff.
52
Arch. du Vat. Reg. Aven. C.VI. -26 f° 7 - 12 v°.
53
1361, 23 Mai. Le clavaire de Salon fait vendre aux enchères publiques la dîme des grains du terroir de Salon,
et l’adjuge à 90 saumées pour la part qui revient au vicaire des églises de Salon, et 480 saumées pour la part de
l’archevêque. tiers en froment, tiers en orge, tiers en avoine (J. Duranti not.), La dîme étant réglée au 11e, cela
donnerait une récolte globale de 6270 saumées, soit 1254 hectolitres de céréales, non compris le bénéfice
prélevé par les fermiers de la dîme. [2020: 11*(90+480) = 6270]

19
Au XVe siècle, la culture du froment avait pris une extension considérable et avait supplanté, en
grande partie, les autres céréales54.

Une chose certaine, c’est que la récolte en céréales était absolument insuffisante, dès le XIIIe siècle à
assurer la subsistance des habitants et nécessitait une grosse importation55.

La Vigne

Les coteaux qui couvrent une partie du terroir se prêtaient admirablement à la culture de la vigne. Les
archevêques d’Arles eurent le souci constant de propager et de protéger la vigne; sous cette heureuse
impulsion, la récolte du vin fut un des produits les plus importants du terroir [29] de Salon. Des
vignobles y existaient déjà au Xe siècle: les anciens statuts les protègent avec un soin particulier56; ils
interdisent formellement d’y arracher des souches ou de jeunes plants et d’y faire paître les
troupeaux; les statuts de 1293, à leur tour, ont pour la vigne des dispositions beaucoup plus étendues
que pour toute autre culture57.

C’est également pour inviter les cultivateurs à planter de la vigne que l’archevêque interdit
l’importation de vins étrangers58. La prohibition est formelle, cependant ceux qui ne possèdent pas de
vignes ou qui ne récoltent pas assez de raisins peuvent en acheter librement, mais seulement pour
leur usage et celui de leur famille. Enfin, l’archevêque Rostang, par faveur spéciale, permit aux
habitants de Grans, ses compatriotes, ainsi qu’à ceux de Gabardel59, d’apporter leurs raisins ou leurs
vins à Salon; à ce point de vue, les trois terroirs furent considérés comme n’en formant qu’un seul60.

Des mesures prohibitives du même genre se retrouvent dans la plupart des statuts municipaux de
l’époque61.

54
En 1464, l’inventaire des redevances perçues par le clavaire signale 332 saumées de froment, 51 d’orge et 19
de seigle. En admettant même que les redevances ne soient pas toujours proportionnelles aux cultures, elles
donnent cependant une indication générale.
55
Voir plus loin le chapitre consacré aux importations.
56
Art. VIII et IX.
57
Art. XIX, XX, XXIX, XXX et XXXI. C’est en particulier en faveur des vignes qu’on lève la défense de se servir de
l’eau de source pour l’arrosage. Les vignes avaient toujours joui, dans les terres de l’église d’Arles, d’un régime
privilégié. Un acte de 1187, énumérant les droits perçus dans le terroir de Chateauveyre, signale que
l’archevêque a droit à la tasque et à la dîme, excepté sur les vignes (Livre rouge f° 379).
58
St. de 1293, art. XLI - XLII. [2020] XLI Nullus mittat vinum de extra territorium Sallonis, infra Sallonem nec
racemos nisi ad suum usum. et XLII Ut non vendatur vinum infra Sallonem nisi provenerit de vineis territorii
Sallonis.
59
2020: Site Archéologique De Saint-Laurent De Cabardel sur Google-maps
60
Voir Pièce jutificative n° VI.
61
Statuts d’Arles, de Marseille, de Sisteron, d’Aix, de Digne, de Toulon.

20
Cette unanimité nous laisse supposer qu’il y avait peut-être dans cette mesure autre chose qu’un
encouragement à la culture de la vigne62, mais aussi le désir du seigneur d’assurer la vente de sa propre
récolte en évitant la concurrence étrangère.

L’inventaire de 1341 signale dans les celliers du château [30] 1112 saumées de vin, tant vieux que
nouveau, à 6 sous la saumée; dans ceux d’Arles 30 muids de vin de la plaine à 70 sous le muids et 5
muids de vin de la Crau a 68 sous. Cette indication est intéressante car elle montre qu’on défrichait la
Crau pour y planter des vignes63. L’archevêque d’Arles possédait même une taverne à Avignon pour
écouler sa récolte64.

Les nombreuses rèves65 perçues sur la vente des raisins ou du vin attestent l’étendue des vignobles.
Au XVe siècle apparaissent les raisins muscats66; l’usage était venu d'Italie de faire sécher des raisins
pour la table; il se répandit sous le règne du roi René.

Les Oliviers

L’olivier est un arbre robuste qui résiste à la sécheresse et se contente d’un sol maigre, mais qui, pour
produire, demande beaucoup de soins; il était très répandu dans la région. Les statuts de 1293
mentionnent les vergers d’oliviers, mais il est certain que les propriétaires ne les entretenaient que
pour assurer leur provision en huile. (Art. XXXI).

La culture s’en répandit dans la suite, car les criées de 1454 interdisent l’entrée des oliveraies aux
troupeaux en tout temps67, et une supplique adressée à l’archevêque, en 1476, signale que le terroir
de Salon est en grande partie couvert de vignes et d’oliviers68.

[31]

La cueillette des olives demandant beaucoup de main-d’œuvre et de temps, les propriétaires cédaient
parfois à des particuliers toute leur récolte sur pied, moyennant la moitié de l’huile qui en serait
extraite: tantôt les frais de mouture “de molitio” étaient partagés par moitié, tantôt ils incombaient
entièrement au preneur.

62
Lambert (p. 460) dit que l’interdiction d’importer du vin étranger était un privilège fréquemment demandé et
obtenu?
63
Une transaction de 1269, signale que les habitants de Salon et de Grans peuvent acquérir des vignes dans une
certaine partie de la Crau (Arch. mun. de Salon DD.5). La liève des censes de 1304, signale des vignes situées “in
Cravo”.
64
Cette taverne était sur la paroisse Saint-Agricol “coram hospitium Pétri Damiani”. (Enquête sur les tavernes
existantes à Avignon, milieu du XIVe siècle. (Reg. Aven. Collectorie 56, f° 107 - 137 v°). Ce document énumère
environ 350 débits de boisson!
65
2020: rève: droit de douane sur les marchandises qui entraient et sortaient du royaume. Déverbal de resver
(“aller çà et lá, entrer et sortir”); voir le sens financier de “revenu”.
66
Item [...] III eminadas de terra . ., confronta ambe la muscadella de Martha . . . aras es vinha (Cadastre de
1453) -C.C. 29.
67
Art. 27 Ces criées reproduisent des dispositions beaucoup plus anciennes.
68
Voir Pièces justificatives: n° XXXIII

21
Les arbres fruitiers

Les fruits étaient assez variés, les statuts de 1293 énumèrent les pommes, les noix, les figues, les
amandes69. II y avait également des poiriers70.

Les amandiers, ne fournissant pas un aliment de première nécessité, n’étaient pas très répandus au
début, mais comme le commerce des amandes faisait l’objet d’un trafic important en Provence, cette
culture s’étendit71. Les criées de 1454 assimilent les vergers d’amandiers à ceux d’oliviers pour les
garder des dégâts commis par les troupeaux.

Les noyers étaient surtout appréciés pour leur bois.

Les figuiers qui poussent naturellement dans le pays étaient très répandus72, mais ne formaient pas
de vergers. Les figues sèches furent employées dans l’alimentation à une époque ancienne73.

Les cultures maraîchères

Il nous (est plus difficile de connaître les cultures maraîchères: les textes signalent souvent des jardins,
mais sans nous dire ce qu’ils renferment, ou bien ils emploient le [32] terme général de “ortolagia”.
Nous pouvons cependant donner le nom des légumes les plus répandus, ce sont les fèves74, les
oignons, les aulx, les choux, les poireaux et les courges75.

Il existait déjà, à la fin du XIIIe siècle, des cultivateurs qui se spécialisaient dans la culture des
légumes76. Les plantes textiles étaient ordinairement comprises dans les “ortolagia”, c’étaient le lin et
le chanvre cultivés en petite quantité.

Les méthodes de culture. L’arrosage

Si nous savons peu de choses sur les cultures elles-mêmes, nous sommes encore plus mal renseignés
sur les procédés d’exploitation. Le morcellement de la terre, le manque de ressources entraînaient

69
Art. XXX.
70
En 1298, une femme se plaint qu'on lui a volé “pira sua”. Voir pièce justificative: n° VII.
71
En 1365, l'archevêque réclame la dîme des oliviers et des amandiers (Archiv. mun. de Salon, C.C 2). En 1374,
la dîme des olives est fixée au 18e et celle des amandiers au 11e ( Invent, M. f° 113). .
72
L'art. XXXI des Statuts fixe l’époque ou le glanage des figues est permis.
73
Voir les tarifs de la leude et du péage aux Pièces justificatives.
74
L’inventaire de 1341, donne 40 saumées de fèves à 15 sous, 28 à 11 sous; 16 saumées de lentilles à 16 sous,
5 de pois noirs? (pisis nigris) à 8 sous, 6 de carottes à 6 sous.
75
Transaction de 1332 au sujet de la dîme.
76
Livre des censes de 1304, f° 26 v°.

22
nécessairement l’emploi de procédés routiniers. La fumure était pratiquée77, en particulier pour les
cultures maraîchères78. On utilisait probablement les cendres comme engrais79. On avait également
l’habitude de mettre le feu dans les champs soit pour les fumer, soit pour aider au défrichement.de
terres incultes “garrigia”80.

L’arrosage des terres était une question trop délicate pour qu’on laissât les cultivateurs agir sans
contrôle. La sécheresse du climat demandait à ce qu’on utilisât tout, [33] pour l’irrigation des vignes
et des jardins, même l’eau des sources destinées à alimenter la ville81, mais on ne pouvait le faire que
de Pâques à la Saint-Michel, et, encore, avec une autorisation spéciale82.

Par contre, il était interdit, en tout temps, de se servir de la Touloubre, si ce n’est du samedi soir
jusqu'au lundi matin à la première heure83. Cette défense s'expliquait par la nécessité de réserver le
courant de la rivière aux nombreux moulins bâtis sur ses bords. Il n’était permis de faire des écluses84
pour l'arrosage qu'en dessous du moulin de Brenas et encore à condition de les détruire aussitôt après
usage85.

L’observation de règlements aussi minutieux demandait une surveillance constante, aussi les statuts
de 1293 décidèrent de la confier à un eygadier “adaquator”86. La cour devait le désigner chaque année
sur la présentation des prud’hommes de Salon possédant des terres susceptibles d’être arrosées. Les
criées de 1454 en signalent au moins deux87.

L’action du Seigneur

L’action des archevêques sur l’amélioration de l’agriculture est indéniable. L’un d’eux, Raymond de
Bollène, conçut même un projet qui, s’il avait été exécuté, eût transformé toute la région. En 1167,
Alphonse, roi d’Aragon et marquis de Provence, accorda à l’archevêque ia permission de dériver un
canal de la Durance a la mer, en passant par Salon88. En même temps, le roi adressait des lettres aux

77
Cf. La curieuse disposition des statuts anciens et de ceux de 1293, qui condamne les délinquants, à porter sur
les terres de l’archevêque, le fumier déposé dans la ville.
78
Par une transaction de 1290, Etienne de Aculea “ortolanus”, reçoit tout le fumier qui se fait dans le château
de Salon et s’engage en retour à fournir les légumes nécessaires à l'archevêque. (Rubrique de l'archevêché).
79
La cendre était un des profits des fourniers qui en percevaient une partie “ut est moris”.
80
Statuts de 1393, art. LXIII.
81
Statuts de 1293. art. LVI.
82
(Criées de 1454), art. 17. -1415-7 octobre. Les syndics demandent la modification des statuts relatifs à
l’arrosage (P. de Rivo not prot. de 1415 f° 58).
83
Statuts de 1293, art. LVII. - Il est également défendu d’abreuver les animaux à la rivière et d’en dégrader les
rives (Criées de 1454, art. 20).
84
2020: dénommées “resclausas” dans le texte.
85
Statuts de 1293, art. LIX
86
Id. art. LVI.
87
Art. 17.
88
(Chartrier de Salon: n° 121) - Papon, Hist. générale de Provence, preuves, t. II, p. XIX - Bréquigny, t III, p. 367.
Gallia christiana novissima, Arles, n° 615. “Aqueductum et aquam fluminis Durancie ad deducendum et lectum

23
[34] seigneurs de Malemort, d’Alleins, de Lambesc et de Lamanon dont le canal devait traverser les
terres, en leur ordon-nant de ne causer aucun tort à l'archevêque en considéra­tion des bienfaits qu’ils
retireraient de cette concession89. Ce projet grandiose ne paraît pas avoir reçu le moindre
commencement d’exécution. Repris seulement près de cinq siècles plus tard par un ingénieur de
Salon, Adam de Craponne, il donna, à toute la région, une prospérité remarquable.

Travaux de drainage

La vallée de la Touloubre était, à l’époque ancienne, remplie de marécages dont certains s’étendaient
jusqu’aux portes de Salon et dont le souvenir se conservait dans beaucoup de lieux-dits, comme
l’Etang, la Palud90.

Ces marais furent gagnés à la culture et disparurent peu à peu. Dès la lin du XIVe siècle, nous avons la
certitude que de grands travaux de drainage furent entrepris dans la région91, et cet effort est d’autant
plus remarquable qu’à ce moment, les campagnes étaient dévastées par la guerre, les épidémies, les
ravages de toutes sortes.

[35]

Défrichements

Il y avait d’autres terrains à conquérir: la Crau en particulier, offrait un vaste champ à l’activité des
archevêques qui tentèrent de gagner à la culture les parties les moins arides. L’ensemble de la Crau
appartenait en effet à l’archevêque en vertu de donations très anciennes92, mais Salon, par sa position
géographique, la commandait et son terroir en englobait une partie; c’est précisément cette partie
que les textes appellent “Crau de Salon”; sur le reste, les habitants exerçaient certains droits d’usage,
chasse, lignerage, pâturage, réglés par la coutume ou des conventions, mais au même titre que les
habitants des autres localités limitrophes.

ipsius aque a Durencia usque Sallonem et inde usque ad mare”. [2020: accessible ici sur Gallica Internet Archive
et transcrite en appendix]
89
“Et quia salubre et utile territoriis vestrisesse scio, volo [...] quod nullam in presentiarum neque in posterum
molestiam vel injuriam, vel derivationem [...] faciatis”. (Gallia christiana novissima, Arles, n° 616 et 617
[également accessibles ici]).
90
Un acte du 13 mars 1224, signale une ferrage (prairie), près du portail des Bastonnencs, appelée l’Etang, On
réservait le nom de “ferrago” à des terres brases, humides. [2020: ferrago in Du Cange, Agri portio, in qua non
ad frumenti copiam, sed ad viridis tantummodo pabuli saginam, ordeum, vel granum quodvis invicem mixtum
seritur.”]
91
1399, 5 Août. Un parlement public tenu à Cornillon en présence du baile de l’archevêque et du baile du co-
seigneur nomme 4 prud’hommes pour lever les tailles nécessaires aux travaux d’assèchement. (P. de Privo not.)
- 1407, 20 novembre - deux entre-preneurs de travaux de terrassement promettent “operario operis curacionis
stagni de Confodio”, de curer le ruisseau de la plaine de Confoux jusqu’aux ter­roir de Lançon à la profondeur
convenue (P, de Privo not. f° 39)
92
En particulier le diplôme de Conrad III de 1144 (Gallia christiana novissima, Arles, n° 551 [2020: accessible ici
sur Internet Archive]

24
Une transaction de 1269 délimite avec soin une certaine partie de la Crau qui fait l’objet de
contestations entre l’archevêque d’Arles et l’abbé de Montmajour; on reconnaît aux habitants de
Salon et de Grans, le droit d’y acquérir des vignes et des terres de labour, de les cultiver et d’en
percevoir les fruits93. L’archevêque, d’ailleurs, se réservait le droit de concéder certaines portions de
la Crau à défricher, d’y faire des “novalia”94, c’est-à-dire de mettre en valeur des terrains jusque là
incultes et d’en percevoir la tasque. Le manque d’eau empêcha d’étendre les défrichements: la Crau
était plus propice à nourrir des troupeaux qu’à recevoir des cultures.

[36]

Prêt de Semences

Signalons encore une institution destinée à favoriser le relèvement de l’agriculture, le prêt de


semences. Au XVe siècle, après une période troublée où la terre était restée longtemps improductive,
les paysans manquaient souvent d’argent pour mettre en valeur un fonds de terre, ou bien la disette
les empêchait de conserver du grain de semence d’une année sur l’autre. Pour éviter à ses vassaux de
recourir aux usuriers, l’archevêque imagina de leur prêter des semences par l’intermédiaire du
clavaire. Ce dernier délivrait gratuitement aux cultivateurs la quantité de grain qui leur était nécessaire
avec promesse de restitution aux moissons prochaines95.

En résumé, malgré les efforts des cultivateurs et l’action intelligente du seigneur, le terroir de Salon
fournissait peu d’aliment au commerce et répondait insuffisamment aux besoins des habitants.

L’Exploitation des Domaines

L’archevêque, au début, comme tous les grands propriétaires fonciers, vivait des produits de son
domaine, mais comme la main-d œuvre était rare et qu’il ne pouvait le faire (mettre en valeur lui-
même sans d’énormes frais, il en détacha de nombreuses parcelles qu’il octroya à des cultivateurs
libres. Le servage a disparu de bonne heure de Provence et nous n’en avons trouvé aucune trace dans
les terres de l’archevêque d’Arles.

Ce fait joint à l’extrême morcellement de la terre caractérise l’état de la propriété en Provence. En


1304 un document [37] dressé par les soins du clavaire de Salon96 nous apprend qu’il y avait dans le

93
Certains auteurs disent volontiers en parlant de notre ville Salon de Crau; or cette expression ne se rencontre
que tardivement et surtout depuis la réunion de la Provence à la France; elle sert à distinguer Salon des autres
villes de même nom, mais n'indique nullement des droits particuliers de ses habitants sur la Crau.
94
Transaction de 1326 (Livre des droits sur la Crau: f° 20 v°) “Concedendi dictum Cravum ad rumpendum et ibii
novalia façiendum” [2020] cette annotation est mal typographiée dans notre édition
95
Très nombreux exemples pour le premier tiers du XVe siècle dans les archives notariales. cf, Barthélemy, t. II,
(p. 184.)
96
Liève des censes de 1304. Arch. dép. des B -du-Rh.

25
seul terroir de cette ville environ 900 possesseurs de biens-fonds dont beaucoup avaient plusieurs
parcelles. Les minutes de notaires du XIVe et les cadastres du XVe siècles nous montrent un
émiettement de la propriété97 comparable à celui qui existe de nos jours. Ce morcellement s’expliquait
par le régime successoral et l’absence du droit d’aînesse, par l’emploi du bail à complant, peut-être
aussi par la survivance des idées romaines en.matière de propriété98.

Un seigneur pouvait aliéner ses terres de plusieurs façons, en les cédant à complant, en retenant une
part des récoltes, ou en les chargeant d’une redevance fixe.

1° De ces trois procédés, le premier fut surtout employé au début; le bail à complant était une sorte
d’association dans laquelle le propriétaire fournissait le fonds, le tenancier le travail en recueillant
comme prix la moitié de la terre99. C’était un moyen excellent pour défricher de vastes espaces et les
archevêques d’Arles en usèrent largement pour attirer des cultivateurs à Salon100.

Il devint beaucoup plus rare ensuite, lorsque le terroir fut entièrement cultivé et qu’il ne put guère
être question de terres en friche à mettre en valeur. Nous avons cependant rencontré, encore au XVe
siècle, des exemples de bail à complant avec les clauses ordinaires101.

[38]

2° Le complant n’était pas une source directe de revenus Un procédé plus productif consistait à grever
les tenures d’une redevance perpétuelle proportionnelle à la récolte: la part qui revenait au seigneur
s’appelait en Provence la tasque102. Nous en trouvons des exemples très anciens à Salon103.

Le rapport de la tasque au produit de la terre était variable mais généralement faible104. Nous ne
savons quel était son taux à Salon, mais comme cette redevance est ordinairement associée à la dîme

97
Ch. de Ribbe, p. 379.
98
Grégoire, p. 61.
99
Chavernac, p, 64.
100
969 janvier. “Noscitur quomodo çonveniret inter illos de terra inculta, que est in comitatu arelatense, in
termino de castro quod vocatur Sallone. Hoc sunt modiatas II; consortes ex omni parte terra Sancti Stephani; ac
si qui alii sunt consortes” - (Gallia christiana novissima, Arles, n° 270 [2020: accessible ici sur Internet Archive]) -
Sur le bail à complant, consulter l’ouvrage de M. R. Grand Le contrat de complant [...], Paris, 1917, in-8°
101
Nous donnons aux pièces justificatives (n° XXVI) un type de complant “datio ad plantandum” qui en montre
parfaitement le mécanisme. Ch. de Ribbe en cite du XVIe s. (p. 434)
102
C'est le champart du nord de la France, v. Jurisprudence observée en Provence sur les matières féodales.
Avignon 1756 2 vol. in-8° 1re partie, p. 183.
103
1043 Avril. “Et dono insuper in ipsa villa Sallone ad ipsos canonicos, in ipsa communia, duas partes de tasca
de omni labore de quo donant homines tasca in territorio jamdicta villa; et tercia pars tasce dono in proprietate
et dominatu caput scole supradicte ecclesie” (Gallia christiana novissima, Arles, n° 369 [2020: accessible ici sur
Internet Archive]) - 1060? L’archevêque Raimbaud donne entre autres choses aux chanoines de sa cathédrale
les 3 quarts de la tasque de Salon (id. n° 407 [2020: accessible ici sur Internet Archive]).
104
D'après B. Guérard (Cartulaire de Saint-Victor. Introduction) le taux variait du 13e au 20e.

26
avec laquelle elle offre une grande analogie, nous ne sommes pas éloignés de croire qu’elle suivait le
même tarif, soit le 11e105.

Au XIIIe siècle la tasque n’est plus employée, mais les terres qui en sont.chargées continuent à la
payer. Les statuts de 1293106 la mentionnent et la rapprochent d’une redevance analogue appelée
“quarton” surtout employée pour les vignes.

En 1304, 104 tenanciers, sur 900 environ, payent encore la tasque pour des propriétés diverses, terres
de labour, oliveraies, vergers et vignes.

Il y avait une tendance croissante à immobiliser les redevances107 [39] et à remplacer la tasque par un
cens foncier; Le mouvement se généralisa au début du XVe siècle, car beaucoup de terres restant en
friche à cause des guerres incessantes, celles qui payaient seulement la tasque n’étaient plus d’aucun
rapport pour le seigneur108. Ce fait ajouté à la difficulté qu’il y avait de percevoir, au moment de la
récolte, une redevance parfois infime, expliqué que la tasque ait été progressivement abandonnée et
remplacée par un cens immuable.

3° Le cens était en effet la charge la plus ordinaire des possessions immobilières: il grevait le fonds à
perpétuité et était immuable. Toujours modique, il était loin de correspondre au revenu de la terre et
servait surtout à rendre sensible le droit éminent du seigneur sur le fonds109.

Alors que dans le nord de la France, ce droit entraînait des liens personnels, dans le Midi, il n’avait
pour objet que la culture de la terre, avec promesse de l’améliorer. Le contrat s’appelait dans la région
emphyteose perpétuelle, il était sanctionné par un cens, ou “canon” minime, et permettait au
tenancier d’acquérir progressivement une situation voisine de la propriété.

La grande controverse est de savoir si le cens a toujours eu une valeur recognitive ou s’il a prétendu
constituer une source de revenus. Assurément, il ne faut pas le considérer comme le produit normal
du fonds, mais tenir compte d’abord, de la dépréciation constante de l’argent et, surtout, se
représenter qu’il fallait ne pas décourager les tenanciers [40] mais les attirer au contraire par des
conditions avantageuses; dans le haut moyen-âge, il était plus important d’avoir des vassaux sur ses
terres que des coffres remplis. Or il y a. une tendance chez certains auteurs à considérer le régime

105
Elles étaient toutes deux des redevances en nature, quérables, perçues à la même époque; cependant la
dîme était prélevée d’abord. En 1153, l’archevêque abandonne à divers particuliers le droit de percevoir les
tasques et les dîmes “de honoribus matrum et uxorum vestrarum, de acaptis; de pignoribus et de facharis. dabitis
decimas et tascham similiter [...]”, (Gallia christiana novissima, Arles, n° 2525 [2020: accessible ici sur Internet
Archive]). Par transaction du 3 juin 1332 la dîme du terroir de Salon était fixée à la 11e partie des récoltes. Arch.
mun. de Salon CC 5.
106
Art. VI.
107
1278 2 juin. L’Archevêque accense une terre moyennant un cartal d’huile au heu de la tasque des fruits.
Chartrier de Salon n* 90.
108
1408 Novembre. L’archevêque concède en emphytéose deux terres qui jusque là payaient la tasque, attendu
que “fuisse et remansisse per longum tempus hermas et inutiles et nullum commodum reportantes”. P. de Rivo
not.
109
On trouve dans Baumanoir (ch. xxiv. n" 703 et 704} cette notion du cens recognitif de seigneurie, le droit-
cens ou menu-sens (v. Ch. Lefebvre, n. Rev. hist/' de dr. fr, et étr. t, 38, p. 109 et suiv.)

27
féodal comme un système conçu a priori par les seigneurs et appliqué rigoureusement à
l’administration de leurs domaines; ils oublient que les institutions sont moins Je produit de la volonté
de l’homme, que celui des circonstances historiques et économiques110.

Les statuts de 1293 s’occupent tout particulièrement des services fonciers111 et la liève112 de 1304
nous fournit à leur égard des détails précis. Les redevances en argent sont de beaucoup les plus
nombreuses113; cependant 93 propriétaires, sur 900 environ, payent leur redevance en huile114.

Les bouchers payent ordinairement en nature, soit en quartiers de viande de mouton. Il y a aussi un
certain nombre de redevances spéciales, telles que perdrix, poules, froment, clous à ferrer115.

Pour certaines d’entre elles, il est spécifié que l’archevêque pourra les percevoir en nature ou en
argent à son choix116.
[41]

Les versements se faisaient à la Saint-Laurent (10 août), à l’entrée du Carême (pour l’huile) et surtout
à la Noël.

Les droits de mutation

Le cens qui chargeait les tenures n’était pas le seul revenu du seigneur qui percevait également les
profits casuels à l’occasion de leur mutation.

Ces droits qui représentaient le consentement du seigneur s’appelaient en Provence lods et trézain.
Nous en trouvons des exemples en ce qui concerne Salon dès le début du XIIIe siècle117. Les statuts de

110
Nous nous inspirons ici du cours d’histoire du droit professé par M. R.Grand à l’école des Chartes pendant
l’année 1920-21.
111
Statuts de 1293 art.VI XLV et XLVI
112
2020: Une liève est un document sur lequel sont inscrits des extraits d'un livre terrier d'une seigneurie et
servant de mémoire au seigneur ou à son receveur, pour faire payer les cens, rentes et autres droits
seigneuriaux.
113
Les cens, payés annuellement par 603 tenanciers, s’élèvent à la somme de 83 livres 11 sous.
114
Il ne s’agit pas seulement d’oliveraies mais de terres diverses: ce sont des terres dont la culture a été modifiée.
115
La plupart servaient à approvisionner le château “Item Stephanus de Aculea ortolanus pro quodam orto scito
prope portale Arlatan, XL sol. coron. scilicet medietatem in festo Natalis Domini annuatim, et ex pacto debet dare
herbas ad comedendum et coquendum ter qualibet septimana par totum annum, et quatuor denariatas qualibet
septimana cucumerum, ceparum rescenscium et portulacorum eo tempore quo reperiuntur. si dictus Stephanus
fuerit requisitus” ( Lièves des censes de 1304, f°26 v°). Ces redevances en nature continuèrent à être utilisées au
XVe siècle.
116
“De territorio Stagnii. In primis Poncius de Porta, pro quadam terra et vinea., servit [...] annuatim .. XXX solidos
Provincie coronatos ant tres saumadas annone [...] ita quod in electione domini est recipere postmodum
peccuniam sive bladum. et eadem electio est domini de omnibus aliis facientibus censum pro dicto territorio
Stagnii..”. (Lièves des censes de 1304, f' 1 v°)
117
1206 6 juin. L’archevêque confirme l’échange passé devant lui entre Pierre Imbert et ses frères et reçoit 1000
sous raymondins de lods (Gallia christiana novissima, Arles, n‘ 783). [2020: accessible ici sur Internet Archive]

28
1293 en règlent minutieusement le tarif et la perception: lors de l’aliénation des terres possédées en
franchise ou tenues sous la directe118 de l’archevêque, la cour percevra 3 sous par livre sur le prix de
la, vente, soit près du septième. L’acheteur paiera 18 deniers par livre, soit environ le treizième, c’est-
à-dire la moitié; le vendeur acquittera l’autre moitié, exception faite pour les nobles.

Lors de l’aliénation des censives qui ne relèvent pas directement de l’archevêque, la cour percevra la
moitié de ces droits seulement, et le propriétaire, l’autre. Cependant, si le propriétaire veut exercer
son droit de prélation (retrait), il sera exempt du trézain, mais le vendeur paiera le lods, soit 18 deniers
par livre.

De tout cela il résulte:

1. que les lods et trézain représentent deux droits distincts: le premier est payé par celui qui
aliène, le second par celui qui acquiert
2. que chacun d’eux représente environ le treizième du prix global de la [42] vente, d’où le nom
de trézain que porte l’un, tandis que celui de lods (laudimium) rappelle mieux le
consentement du seigneur119.

Les banalités

En raison de la directe universelle des archevêques sur le domaine, leurs vassaux ne pouvaient rien
entreprendre sans une autorisation expresse,, et naturellement toute concession d’un nouveau droit
entraînait la perception d’une redevance.

C’est ainsi que Jean Baussan autorise les bouchers de Salon à construire une boucherie et à y vendre
leurs viandes, à condition de lui en livrer annuellement une certaine quantité120. Si, en cette
circonstance, nous avons l’acte de concession primitif, beaucoup d’autres sont perdus dont nous ne
pouvons que constater les effets.

C’est également dans l’exploitation du grand domaine que nous voyons l’origine des banalités121: à
Salon, d'ailleurs l’archevêque ne possédait pas, à cet égard, de privilège exclusif122.

118
2020: La “directe”, terme médiéval désignant un ensemble de tenures relevant directement d'un seigneur.
Ce terme est proche de celui de domaine éminent.
119
Ces deux termes étant toujours accolés, on a fini par les considérer comme inséparables; aussi la plupart des
auteurs n’y ont vu que deux expressions synonymes désignant un droit unique; c’est ce que dit formellement
Julien (t. I, p. 334.). Il nous a paru intéressant de montrer qu’au début, on les distinguait nettement, non
seulement au point de vue juridique, mais aussi au point de vue pratique.
120
Pièce justificative: n° III. [2020: ici]
121
Question délicate et fort controversée dans laquelle nous suivons volontiers l’opinion de M. Sée. Il nous
semble que l’interdiction de construire des fours, des moulins, est destinée à assurer à ceux du seigneur leur
plein rendement en supprimant la concurrence.
122
“En Provence, la banalité qui est un droit extraordinaire [...] ne peut être prétendue par les seigneurs par le
seul titre de leur seigneurie. Ils ne peuvent avoir ce droit que par un titre particulier”. (Julien, t. II, p. 412)

29
Peut-être qu’à l’origine, il avait possédé à lui seul les moulins et les fours, mais alors des usurpations
ou des aliénations l’avaient privé d’une grande partie de ses droits.

[43]

De même que nous l’avons vu constituer patiemment son domaine, nous voyons l’archevêque, toutes
les fois qu’il le peut, récupérer des droits sur les moulins et les fours123.
Pour construire un nouveau moulin, il fallait obtenir l’autorisation de l’archevêque qui l’accordait en
se réservant certains droits124. Enfin certains moulins lui appartenaient en propre et il en affermait les
revenus125, mais il ne prétendait nullement contraindre les habitants à y porter leur blé: il n’y avait
donc pas de moulin banal à Salon.

Le nombre des fours était également limité, et leur construction soumise à l’autorisation expresse de
l’archevêque126. Ils finirent par appartenir exclusivement à l'archevêque et, de ce fait, devinrent des
fours banaux: ils étaient au nombre de deux, l’un au quartier du Puech, l’autre à celui du Bourg-Neuf.
Le droit de fournage était la 20e partie du pain qu’on y cuisait127.

Le clavaire était chargé de les administrer: il y plaçait les employés nécessaires soit un fournier
(furnerius) et un pourvoyeur de bois (furnilherus), qui recevaient un salaire et une part du droit de
fournage128. Ils juraient, entre les [44] mains du clavaire, de s'acquitter de leur office sans fraude129,
mais les abus étaient fréquents, car l’usage s’était introduit de leur donner des étrennes, malgré les
défenses répétées de la cour130.

123
1223, 15 mars. Echange d’une terre contre la moitié du four de la porte Saume [Livre rouge f° 248 v°). - 1228
21 mai. Achat du quart du four de la porte Saume. (Chartrier de Salon n' 77).
124
1235, 15 mai. Jean Baussan vend à deux particuliers de Salon un terrain situé entre le moulin de la Lèque et
celui de la Levade, pour y construire un nouveau moulin, en se réservant le quart des revenus et de la mouture.
(Chartrier de Salon n° 34).
125
1350, 4 novembre. Le clavaire met aux enchères le moulin des olives au prix de 17 florins pour 3 années (P.
Duranti not.) - 1356, 11 oct. Le sergent de la cour met aux enchères les revenus du moulin d’Abel et la moitié du
moulin neuf moyennant 28 saumées de froment par an (P. Duranti not.)
126
1307, 18 mars. Pierre Agace et Gilles Vacquier s’associent pour gérer les revenus d’un four dont la
construction est autorisée par l’Archevêque. (Arch. mun. de Salon: GG 23). [2020] cette note n’était pas repérée
dans le corps du texte de notre édition.
127
A Aubagne le droit était aussi du 20e. Il était du 30e à Cuers et du 45e au Vernègues (Livre du Vernègues, f°
442).
128
1429 5 avril. Les fourniers du Bourg Neuf recevront le quart du droit de fournage, 4 émines de froment, 2
saumées de vin, 60 florins. (J. Vaureys, not. f° 30) 1430 8 mai. Le pourvoyeur du four du Bourg-Neuf reconnaît
avoir reçu 5 florins pour l’achat d’un âne nécessaire à son travail et pour ses gages (Salomonis not. f° 19).
129
Ces employés étaient changés très souvent, ordinairement chaque année.
130
“Percipietur vigesima pars et alias ut est percipi solitum hac tenus, omni abusu patacorum exhigendorum et
alio quocumque postposito, quem abusum idem dominus vicarius abolevit, et quod annis sjngulis officialis
Sallonis inhibeat sub pena formidabili dictis furneriis .. ne dictos patacos aut alia petant sive exigant” (Livre jaune
f° 185 v° - 189 v°).
[2020 patac in Du Cange Patarus, vulgo Patart, idem Provincialibus ejusdemque pretii ac patacus, Belgis vero
solidum valet. Pataco, vulgo Patagon, Moneta Flandrensis argentea]

30
Parfois le fournier prenait tous les frais à sa charge et payait les employés subalternes131.

Il existait des fours banaux dans les localités du ressort de Salon; le clavaire pouvait les administrer
directement, mais le plus souvent, il en affermait les revenus avec d’autres droits132.

En 1434, les deux fours seigneuriaux étant devenus manifestement insuffisants, le Conseil municipal
fit promettre à l’archevêque de construire un troisième four133, mais il fit insérer une clause
intéressante: si le service de ces fours est mal fait, les syndics doivent faire un rapport au clavaire, et
si, au bout de quatre mois, on ne leur a pas donné satisfaction, il leur sera permis de construire un
four aux frais de la. commune134.

La municipalité trouva bientôt l’occasion d’user de ce [45] droit car nous trouvons à Salon un four
municipal dont l’organisation est calquée sur celle des fours banaux seigneuriaux135.

Les autres modes d’exploitation

La Facheria

La “facheria” est un mode d’exploitation caractéristique qui fut d’un usage courant en Provence dès
la fin du XIVe siècle. A ce moment, c’est un contrat temporaire par lequel le propriétaire cède l’usage
de sa terre au preneur moyennant une part des fruits.

La “facheria” a fait son apparition en Provence au XII siecle, et il semble bien qu'alors, ce fût une sorte
de colonat partiaire136, mais nous avouons que la question est embarrassante, car nous ne voyons pas

131
1444, 29 juin. Jean Bernard loue ses services au fournier Michel Durand qui s’engage à lui donner, pour 5
mois de gages, 12 florins et 3 gros, ainsi que les 2 tiers des étrennes qui lui reviennent pour le service du four
(Guinerii not. f° 96).
132
1407, 19 décembre. Les fourniers de St-Chamas recevront, chaque année, 160 pains, le salaire habituel et la
moitié de la cendre (P. de Rivo. not. f° 44 v°). - 1430, 27 février. Arrentement des droits de la châtellenie de St-
Mitre et de St-Chamas: “Item quod dicti arendatores teneantur providere furnum Sti-Amancii, de Cornilhone, de
Sto-Mictrio et de Ferrieris de furneriis et fornilheriis et reparare clibana predicta si sit necesse [...]” (J, Vaureys
not. f° 93). [2020: clibanis in Du Cange: Græcis, ϰλίϐανος, sive ϰρίϐανος, est Instrumentum ex ferro aut opere
figlino, aut alia materia confectum, sub quo non solum panis, sed aliud quidvis coqui potest.]
133
“Item quod si conligeret in futurum locum presentem gentibus augmentari sic et taliter quod predicti tres furni
non sufficerent ad provisionem gentium [...] .quod dominus qui pro tunc erit, teneatur ædifficari facere quartum
furnum [...]” (Livre jaune f° 185 v° - 189 v°)
134
“Si contingeret non sufficienter deserviri dictis furnis, nec sufficienter provideri hominibus .. ob culpam
furneriorum et fornilliarorum [...]” (id).
135
1447, 13 oct. Les 2 syndics “providerunt de furneriis et bolengeriis pro servicio et provisione dicte universitatis
[...]” suivent 3 noms. Les boulangers promettent de bien s’acquitter de leur métier, et de pourvoir les habitants
de pain blanc et de pain bis “rossetto” pendant 4 ans. Nul ne pourra, durant cette période, faire du pain pour le
vendre, sauf les hôteliers (Muguetti not. 1440 f° 226).
136
St. de Marseille, 1. III, ch. 32 “De facheriis vinearum et agrorum” - “Si quis facherius vinee, vel colonus
parcionarius perpetuus, vel eciam temporalis, sive emphyteotecarius [...]” - St. mun. d'Arles, art. 33 “Siquis

31
comment on pouvait la distinguer de la tasque qui, elle aussi, était une concession perpétuelle à part
de fruit137.

M. Chavernac, dans une étude qu’il a consacrée à ce contrat, a montré que Ducange en avait donné,
une définition inexacte138, mais il n’a pas montré comment ce contrat, de perpétuel, est devenu
essentiellement temporaire. Enfin, pour Ch. de Ribbe, ce contrat était réservé aux seigneurs [46] qui
exploitaient eux-mêmes leurs terres, et ce n’est qu’à la tin du XVe siècle qu’il aurait été employé par
tous les propriétaires139.

Nos recherches ayant porté sur une région trop restreinte, nous manquons des éléments nécessaires
pour tenter d’élucider un problème qui demanderait une étude spéciale; nous nous contenterons
d’indiquer les observations que nous avons faites dans le terroir de Salon.

La plus ancienne mention que nous ayons rencontrée est de de 1234, et il semble bien qu’il s’agisse
de la “facheria” perpétuelle140. Diverses difficultés se sont élevées entre l’archevêque et un de ses
vassaux, G. de Barjols, au sujet du domaine de Gabardel141 contenant une ferme, des moulins, des
cultures diverses142, une transaction décide que G. de Barjols abandonnera à l’église de Salon les dîmes
qu’il percevait sur ses “facherii” de même que celles des terres qu’il cultivait lui-même143.

Ce .contrat n’était pas d’un usage très courant; à la fin du XIIIe, il devait être encore exceptionnel, car
les statuts de Salon ne le signalent pas. Il s’appliquait surtout aux grandes exploitations agricoles, or
les terres étant très morcelées dans tout le terroir de Salon, chaque propriétaire pouvait les exploiter
directement.

Dès la fin du XIVe siècle, nous trouvons des mentions fréquentes de la “facheria”. C’était un mode
d’exploitation [47] d'une souplesse extrême qui s'adaptait à toutes les circonstances et répondait à
tous les besoins, et, quoique la coutume en ait fixé les conditions essentielles, les applications étaient
très variables.

La durée la plus ordinaire est de trois ans, rarement moins; elle peut atteindre huit ans mais ne
dépasse pas ce chiffre. Le taux n’est pas moins variable, mais en général il est d’autant plus faible que
la concession est plus longue. Il s agit alors de terres à défricher ou abandonnées depuis longtemps,

intraverit alterius vineam [...] eam autem vineam non intelligimus alienam, in qua quis habet partem fructuum
vinee nomine senhorie, vel de qua sit facherius [...]”
137
Peut-être la “facheria” était-elle caractérisée par un taux plus élevé, plus en rapport avec le produit normal
du fonds?
138
La “facheria”, en effet, n’est pas le métayage.
139
Pour notre compte, nous en avons trouvé des exemples dès la fin du XIVe siècle.
140
De là à prétendre comme le fait M. Chavernac que le “facherius” était dans une condition voisine du servage,
il y a loin: il devait seulement améliorer le fonds et payer régulièrement la part de fruits qui lui était imposée (v.
St. de Marseille, I. III, ch. 33).
141
2020: cf supra: Saint Laurent de Cabardel
142
“Stare seu bastidam predictam, cum molendinis, et totum honorem quem dictus G. habet vel possidet [...]”
(Livre rouge, f° 226 et suiv.)
143
“ [...] et dictus archiepiscopus et prior dicte ecclesie teneantur, propriis expensis, deffendere dictum G. de
Barriolis et ejus fachiarios ab omni interpellatione et questione que moventur contra eundem G. et ejus fachiarios
super decimis dicti tenementi” id.

32
qui demandent plus de travail; pour encourager le preneur, on lui fait des conditions plus
avantageuses144.

Parfois, le propriétaire fait encore davantage, il abandonne la récolte de la première ou des deux
premières années; enfin le taux peut être progressif145. Lorsque les terres sont en plein rapport, les
baux à longue durée sont exceptionnels.

Le taux varie également selon les récoltes. La coutume le fixait ordinairement au tiers, cependant pour
le blé, la redevance est quelquefois de la moitié; pour la vigne, au contraire, on l’abaisse souvent au
quart; il en est de même pour les olives, les amandes et les arbres fruitiers. Le taux ‘est naturellement
plus faible pour le blé lorsque le bailleur reçoit une partie de la paille comme du grain. Les frais
d’exploitation sont à la charge du preneur, sauf clause contraire; celui-ci s’engage à entretenir et à
améliorer le [48] fonds. Parfois le propriétaire prend à sa charge dépenses consacrées à
l’amélioration146.

Le preneur doit porter la redevance à l’aire, ou au domicile du bailleur, en particulier lorsqu’il s’agit
d’olives, de raisins; si le lieu de réception est très éloigné du lieu de production, le taux de la redevance
est abaissé en conséquence

Il est certain que ce genre de contrat s’appliquait à merveille à des époques troublées où le cultivateur
manquait de la sécurité nécessaire, et où la, terre, par suite des guerres, des épidémies et du
dépeuplement des campagnes, était restée de longues années en friche. C’est ce qui explique la faveur
dont la “facheria” jouit en Provence à la fin du XIVe siècle et surtout au début du XVe siècle; elle eut
certainement l’influence la, plus heureuse sur le relèvement agricole du pays.

Le fermage

Les mêmes raisons que nous venons d’indiquer firent que le fermage fut peu employé. Ce contrat
exige en effet, chez le preneur, une aisance, une certitude dans l’avenir que seules, peuvent donner
les époques de paix et de prospérité. On l’employait surtout, dans notre région pour les moulins, les
pâturages, rarement pour les terres de labour147.

144
1412, 29 septembre. Jean Saisine, abbé de Silvacane, cède à 2 habitants de Salon 32 saumées de labour (la
saumée valait 63 ares environ) situées à la Borde, terroir de Silvacane, pour 8 ans, à la 10e partie des fruits, et
avec exemption de la dîme. L’abbé fournira la semence la première année et les tenanciers auront le droit de
faire paître leurs troupeaux. (B. Roynhaqui not. f° 17). Ces conditions exceptionnelles s’expliquent du fait que
l’abbaye était alors dans un état de dénuement complet et manquait de bras pour cultiver ses terres. (V. Hist.
de l'abb. de Silvaccane, par le Vte d’Estienne de St-Jean, Aix, 1891).
145
1384, 14 novembre. Bail à “facheria” de diverses terres à blé, pour 3 ans, moyennant le quart de la récolte la
première année, le tiers les deux autres. (Constans not. f° 63)
146
1466, 29 janvier. Bail à “facheria” de vignes pour 4 ans, moyennant le tiers de la récolte “ut est consuetum”.
Le preneur s'engage à “fodere, putare et reclaudere bene et debite annis singulis et facere novem jornalia
cabuscorum”. Le bailleur prend 3 journées à sa charge (Albi not. prot. 1465 f° 112).
147
En voici cependant un exemple. 1393 29 juin. “Datio ad firmam sive rendam” d’une terre pour 4 ans au prix
de 40 sous par an (J. Franchi not.)

33
L’exploitation directe

L’émiettement de la propriété rendait ce mode d’exploitation très répandu. Les propriétaires louaient
des serviteurs [49] à gages; dès une époque ancienne, il devait y avoir des spécialistes, par exemple
pour la culture de la vigne: les statuts signalant les “fossatores, putatores”148.

Ces serviteurs pouvaient être loués à la journée ou à l’année, dans le premier cas, les gages devaient
être payés chaque soir, sans même attendre le lendemain matin. Pour les autres, leurs gages devaient
être payés dans les huit jours qui suivaient l’expiration de l’année: toutes les contestations qui
pouvaient s’élever à ce sujet étaient portées devant la cour de justice et les frais du procès étaient à
la charge du maître149. En revanche, le domestique ne devait pas quitter son maître avant l’expiration
de son contrat, à moins d’un motif valable150.

L’Elevage

Les pâturages

L’élevage a toujours conservé, à Salon, une grande importance. Son terroir contenait bien dans les
parties basses de terres impropres à la culture où l’on recueillait du fourrage, mais comme ces terrains
n’étaient pas très vastes, une coutume immémoriale permettait de taire paître les animaux dans toute
l'étendue du terroir, les récoltes enlevées, réserve faite des vignes et des portions de territoire que
les propriétaires mettaient en “deffens”151.

Par contre, le terroir était formellement interdit aux troupeaux étrangers152; on ne faisait exception
que pour les bergers et les “gardians” qui louaient leurs services aux [50] habitants de Grans et de
Salon, mais on ne tolérait aux premiers que trente bêtes à laine, aux seconds, quatre animaux.

Par suite de l’extension croissante des cultures, les pâturages devenaient de plus en plus restreints.
En 1424, on fixe les limites du terroir dans lequel les animaux, les bêtes de somme et de trait
exceptées, ne pourront plus entrer: seuls les bouchers auront le droit d’y tenir 150 bêtes à laine pour
la provision de la boucherie153. A la fin du XVe siècle, les bouchers se plaignaient de l’exiguité des
pâturages qui leur étaient réservés154.

148
Statuts de 1293 art. XIX. L'article LVIIl interdit spécialement le jeu aux serviteurs à gages.
149
Statuts de 1293 art. LXXXI.
150
Statuts de 1293 art. XX.
151
Statuts de 1293 art. XLIII et LX, v. plus loin le chapitre consacré à la police rurale.
152
Statuts de 1293 art. LXXXVIII.
153
Livre vert: f° 235-36.
154
V. pièce justificative: n* XXXIII.

34
Dans ces conditions, les habitants devaient chercher au dehors de quoi nourrir leurs troupeaux.
Ordinairement les éleveurs de gros bétail louaient les pâturages de propriétaires voisins, ou même les
communaux de localités au terroir plus étendu155.

La Crau fournissait, pendant la saison des pluies, une réserve presque inépuisable de pâturages.
Certaines parties étaient à la disposition des habitants pour y faire paître leurs animaux156; d’autres
parties appartenaient à divers propriétaires, en particulier à l’archevêque, qui arrentaient de vastes
espaces de terrain sous le nom de “coussous”157. La liève des censes de 1304 signale déjà des
concessions de ce genre faites par l'archevêque et on en rencontre de nombreux [51] exemples dans
les cadastres du XVe siecle; les rentes payées par les éleveurs étaient relativement importantes.

La transhumance

L'été, l’herbe disparaissait et la Crau ne suffisait plus à nourrir les troupeaux. Il était d’un usage
immémorial de conduire les bêtes dans les Alpes, pendant la période des grosses chaleurs, c’est-à-
dire de la mi-Carême à la Toussaint, limites extrêmes; la transhumance n’était pratiquée que pour les
bêtes à laine.

Les propriétaires de gros troupeaux louaient directement les pâturages; parfois ils se réunissaient à
plusieurs pour fournir un nombre de bêtes suffisant; enfin, il existait des sortes d’entrepreneurs
d’élevage, qu’on appelait “nourriguiers”, à qui les possesseurs de petits troupeaux confiaient leurs
bêtes pour les conduire à la montagne158.

Ces pâturages étaient situés dans les diocèses de Gap, de Sisteron, de Digne, de Riez, de Senez, et
dans la vallée de Barcelonnette159; la durée de jouissance allait ordinairement du Ier juin à la fin
septembre.

Les conditions sont presque toujours identiques: le propriétaire du pâturage doit venir au-devant du
troupeau, à un endroit désigné à l’avance, et le conduire à destination: il doit payer les péages et les
pulvérages; si, par sa faute, des animaux sont perdus ou retenus en gage par les péagers, il doit en

155
1334, 9 mai. Cession de tous les droits et revenus de prairies pour 5 ans, au prix de 16 livres, 2 sous, 6 deniers
pour tout le temps de la jouissance (Duranti. not.) 1419 22 février. Noble Pons Ruffi, co-seigneur de Lamanon,
acquéreur des droits du seigneur de Lambesc, vend, à un particulier de Salon, les pâturages de La Barben pour
y faire paître ses chevaux, pendant un an, au prix de 13 florins (B. Reynhaqui not.)
156
Par exemple, dans la transaction de 1269 signalée plus haut.
157
Ducange v° cursorium. “Vocis etymon a cursu, quod intra cursorii limites pecori liceat currere et pascere”. -
1407, 2 Juillet. Un habitant de Miramas vend l’herbe d’un coussou depuis la St-Michel jusqu’à la Mi-Carême, au
prix de 40 florins (B. Reynhaqui not.).
158
1444, 26 Novembre. Un propriétaire donne à garder son troupeau (80 têtes) pour une année, au prix de 2
gros par animal, si le preneur le conduit à la montagne, et au prix de 1 gros 6 deniers s’il ne l’y mène pas
(Mercerini, not. Prot. 1443, f° 78).
159
Sur les routes suivies par les troupeaux, voir l’ouvrage de Rouquette, fait d’après les journaux de route des
bergers du XVIIIe siècle.

35
rembourser la valeur au propriétaire, suivant le tarif dressé à cet effet160. II est tenu des mêmes
obligations [52] au retour. Il doit également fournir du sel: la coutume en fixe la quantité à 6 setiers
par 1000 têtes de bétail ou 7 setiers par 40 trentaines161.

Enfin si les pâtres jugent que les pâturages sont insuffisants, le bailleur doit fournir l’herbe nécessaire.

Les preneurs payent, au XVe siècle, une location qui est de 29 ou 30 florins par 1000 têtes de bétail,
et, encore, ils retiennent une certaine somme pour la nourriture et l’entretien des bergers: la coutume
la fixe à 6 florins par 1000 bêtes ou 2 florins par berger.

Le Bétail.

L’élevage des moutons et des brebis était le plus répandu162; ces animaux fournissaient en effet, pour
l’alimentation, de la viande, du lait et des fromages, et pour l’industrie locale de la laine et des peaux.
Les chèvres163 étaient élevées en assez grande quantité car leurs peaux étaient très recherchées et
subissaient une préparation spéciale.

L’élevage des porcs, si utiles dans l'alimentation des classes agricoles, fut également pratiqué de tout
temps164.

L’inventaire de 1341, nous montre l’archevêque possesseur de deux troupeaux, l’un de 320 brebis et
58 béliers, l’autre de 526 moutons, les bêtes valant de 5 à 8 sous.

Un gardien spécial, Maymbert d’Arles, mène un troupeau [53] de porcs de 107 têtes, valant de 10 à
12 sous; Guillaume Brunier de Mouriès, garde 120 chèvres et 13 “menons165” valant de 5 à 8 sous.

L’élevage du gros bétail demandait plus de soin et des capitaux considérables; de plus, la rareté des
prairies naturelles ne le favorisait guère. Cependant, le terroir d’Arles et la Camargue voisine,
fournissaient une race de chevaux assez réputés et des taureaux sauvages, aussi n’est-il pas
surprenant de voir l’élevage du gros bétail pratiqué à Salon à une époque ancienne166. Les statuts de

160
Au XVe siècle c'est 1 florin pour un mouton, 9 gros pour un jeune mouton ou une brebis, 6 gros pour un
agneau tondu, 4 gros pour un “tardonus”.
161
Le compte des bêtes à laine se fait souvent par trentaine.
162
Les statuts de 1293 règlent le nombre de clochettes que doivent avoir les troupeaux (v. p. 231) Voici à titre
d’exemple la composition d’un troupeau en 1431: oves novellas: 68; oves antiquas seu “bertas”: 19; oves
ternenquas 19; oves secundas: 20; oves aygadas: 118; anouges masculos: 46; anouges femellas: 67; arietes; 14.
Les troupeaux comptant plusieurs milliers de bêtes n’étaient pas rares.
163
Statuts de 1293, art. LXXIX.
164
1220. le chapitre d’Arles se réserve entre autres droits à Salon “duos porcos, quorum unus est VIII° solid. alter
XII°solid. raimundensium” (Gallia christiana novissima, Arles, n° 2625 [2020: accessible ici sur Internet Archive,
et mentionnant également les trois églises St Laurent, Ste Marie de Castello & Ste Marie de Cuch {ou Cuech?}]).
Enfin les Statuts signalent les oies (art. LX) les tarifs de leude, les poules, les poulets.
165
2020: meno in Du Cange: Idem quod Mennonus, Hircus castratus, Provinc. Menou.
166
Anciens Statuts, art 9. St. de 1293, art. XX et LX.

36
1293 signalent des “gardians” de chevaux et de vaches167; les boeufs étaient employés pour le labour
mais très peu pour la boucherie, aussi étaient-ils assez rares.

L’archevêque se plaçait au premier rang des éleveurs: en 1341 il avait 29 juments (4 à 6 florins d’or),
27 poulains (2 florins) et n chevaux (5 à 8 florins) sous la surveillance de Guillaume de Cabannes “custos
equorum”.

Raymond Gaudin gardait pour lui 182 vaches, 40 veaux et 9 taureaux, valant de 4 à 6 florins. Les boeufs
étaient répartis dans les grosses fermes qu’il possédait en Camargue. La seule “grangia Bosqui
Comitalis” employait 34 boeufs de labour et en nourrissait 32 autres. Celles de Villeneuve et de la Tour
du Vallat, 12; celle de la Turane, 16.

L’élevage des chevaux était plus répandu surtout au XVe siècle. De grands propriétaires, souvent
nobles, y acquirent une grosse fortune; 5 ils employaient de nombreux domestiques et possédaient
un cheptel considérable168.

[54]

Il ne s'agissait pas seulement de chevaux de prix, mais de chevaux destinés au labour, au charroi, que
les textes désignent sous le nom de “roncinus169”.
L’âne, le mulet étaient également très employés170; ils servaient de bêtes de somme ou de trait dans
les exploitations agricoles moins importantes.
En général, l’élevage, surtout des bêtes à laine était en pleine prospérité, et ses produits alimentaient
le commerce d’exportation et l'industrie locale.

Les Contrats

Les propriétaires, pour utiliser les revenus de leurs troupeaux pouvaient employer divers procédés,
cheptel, métairie, bail à rente.

Dans le premier cas, le bailleur reçoit une part de tous les produits, agneaux, laine, fumier; à l'issue du
contrat, le concessionnaire doit lui rendre un nombre de bêtes identique à celui qu’il a reçu171. Dans

167
Art. LXXVIII.
168
1454 2 oct. Noble Jean de St-Laurent reconnaît devoir à Pierre Richard 14 florins “causa reste sui laboris
impensi in custodiendo sua animalia equina”. (Mercorini not. f° 91). Ce même Jean de St-Laurent vend à un
habitant d’Eyguières 50 bêtes “chevaux et mulets” le même jour (id. f° 118).
169
2020: cf en français roncin: cheval de peu de valeur plutôt utilisé comme bête de somme ou de trait
170
Statuts de 1293 art. LX.
171
C'est le cheptel de fer. Exemple en 1453 (H. Siffredi not. f° 11). [2020: in cnrtl Cheptel de fer: cheptel donné
au fermier ou cheptel de fer. Celui par lequel le propriétaire d'une métairie la donne à ferme, à la charge qu'à
l'expiration du bail, le fermier laissera des bestiaux d'une valeur égale au prix de l'estimation de ceux qu'il aura
reçus`` (Code civil, 1804, p. 329)

37
le second, le preneur s’engage à améliorer le troupeau, et, à l'expiration du bail, le produit et le
troupeau sont partagés exactement par moitié172.

Le bail à rente était certainement le plus employé au XVe siècle. En 1435, pour un troupeau de bêtes
à laine, la rente annuelle était de 1 gros 6 deniers par tête173. En 1454, un troupeau de 50 chèvres
servait une rente de 4 florins 4 gros174.

[55]

Ainsi, à Salon, comme partout ailleurs au moyen-âge, le placement de l'argent consistait


principalement dans l’élevage du bétail.

Le droit d’anouge

Il taut rattacher au droit éminent que l'archevêque possédait sur toutes les terres soumises à sa
juridiction une redevance particulière prélevée sur les troupeaux, le droit d’anouge175.

En principe le seigneur était censé posséder les terres incultes qui n’étaient pas occupées par des
particuliers, ce qu’on appelait les terres gastes. “A moins de titre contraire, du fait que le seigneur
possède la directe universelle, on présume qu’il a le domaine des biens qu'il n’a pas inféodés”176.

Or il était de droit commun que les habitants jouissent de ces terres gastes pour faire paître leurs
troupeaux: cette autorisation tacite du seigneur était représentée par une redevance: elle était d’un
mouton d’un an “annojis”, non tondu, par 100 têtes de bétail; perçue principalement sur les troupeaux
de la Crau depuis la Saint-Michel jusqu’à la Mi-Carême177.

Le Commerce

Les deux grandes artères de circulation qui distribuaient la vie à toute la Provence passaient à Salon.
L’une faisait communiquer la Haute Provence, par la vallée de la [56] Durance et la trouée de Lamanon,
avec l’étang de Berre et Marseille, c’est-à-dire avec l’Orient178; l’autre mettait en relation la vallée du

172
1414 12 novembre. Un propriétaire de Cavaillon reçoit, d’un marchand de Salon, un troupeau de 80 brebis
“ad legalem metariam”. Il s’engage à le conduire chaque année à la montagne, à ses frais, pendant 6 ans. (G.
Gaudini not.) [2020: metaria in Du Cange: Prædium rusticum, Gall. Métairie]
173
Salomonis not. f° 110.
174
Mercorini not, f° 119.
175
2020: annogius in Du Cange: a Provinciali idiomate Anouge, Agnus unius anni expleti.
176
Julien, T. I, p. 577.
177
Le reste de l’année, les troupeaux étaient conduits à la montagne. V. Le Musée, ann. 1873-4, p. 45. Il existe
un règlement détaillé de ce droit en date de 1326 (Registre des droits sur la Crau f° 20 v°).
178
II est remarquable de constater que le domaine temporel des Archevêques s’étend en longueur, du nord au
sud, en faisant communiquer directement la vallée de la Durance à la mer par Alleins, Vernègues, Salon, Grans,
St-Chamas, Istres, St-Mitre, Fos.

38
Rhône avec Aix et l’Italie. Salon devait fatalement devenir le relais des marchands qui se rendaient à
Arles et qui se séparaient, à oe carrefour, de ceux qui montaient vers Avignon et vers le Nord.

Ces routes ne furent jamais aussi fréquentées qu’au moment des croisades avec le passage des
pèlerins et dès lors, les relations avec l’Orient prirent beaucoup d’extension. La concession d’un péage
à Salon, en 1225, atteste l’importance du transit, mais, dès cette époque, les Salonais faisaient aussi
du commerce pour leur propre compte179.

En 1234, Raymond Bérenger ayant exempté les Salonais de payer le péage d’Eyguières, accorde au
péager certains droits en dédommagement de la perte qu’il subit180, c’est donc que le trafic était déjà
considérable. Ce qui le prouve encore mieux, c’est l’existence précoce, à Salon, de marchés et de
foires: ainsi en 1279, l’archevêque excommunie divers officiers du comte de Provence qui entravaient
la tenue du marché hebdomadaire du samedi et de la foire de Saint-Laurent “que [...] consueverunt et
solent ibidem fieri ab antiquo”181.

Salon s’accrut, à la fin du XIIIe siècle, dans de telles proportions qu’il fallut instituer un nouveau
marché: le [57] 10 mai 1298, le comte de Provence reconnut solennellement la tenue d’un marché le
mercredi182.

Vers le milieu du XIVe siècle, il y avait à Salon quatre foires annuelles183, la première le 4e lundi de
Pâques, la deuxième à la Saint-Laurent, la troisième à la Saint-Michel, la quatrième à la Saint-Martin
d’hiver184: ces foires étaient franches.

Puisqu’à ce moment Salon est arrivée à l’apogée de sa prospérité, il serait intéressant de connaître sa
population, malheureusement nous ne pouvons faire à ce sujet que des conjectures. La statistique des
Bouches-du-Rhône185 affirme que Salon comptait, à cette époque, 13500 habitants, mais ce chiffre,
basé uniquement sur le nombre de feux, est absolument fantaisiste: tout nous porte à croire qu’il est
beaucoup trop élevé. La “peau d’âne186” de 1354 qui énumère tous les chefs de famille de Salon donne
466 noms: en comptant six à huit membres en moyenne par famille, nous obtenons un nombre auquel
il faut ajouter les juifs, les communautés religieuses, les journaliers, les domestiques, ceux qui ne
possédaient pas de biens, la population flottante; nous devons arriver à 6.000 habitants environ.

Vers le milieu du XIVe siècle, l’ensablement progressif du Rhône occasionnant des naufrages
fréquents, les gros marchands qui faisaient le commerce maritime renoncèrent à remonter le Rhône
comme ils l’avaient fait jusqu’alors et empruntèrent, de plus en plus, la voie de terre pour se rendre à
Arles et à Avignon. Mais comme les routes étaient coupées de péages et que les transports étaient
coûteux, ils [58] venaient décharger leurs marchandises à Port-de-Bouc; de là, les marchands faisaient

179
Un acte de 1230 signale Guillaume Raymond, marchand de Salon (Authentique du Chapitre d'Arles f° 149).
180
Arch. mun. de Salon: AA 4; copie authentique de 1438.
181
Pièce justificative n° IV.
182
Arch. dép. des Bouches-du-Rhône. B. 1369 f° 44 v°
183
Pièce justificative n° XIII.
184
2020: ~Pâques, 10 août, 29 septembre, 11 novembre
185
T. III, p. 25.
186
[2020] Cf le Codex Giganteus de Stockholm, fabriqué d’une peau d’âne?

39
transporter en barque jusqu’à Saint-Chamas, et ensuite, par une route directe, ils gagnaient Arles ou
Avignon; à ce moment une partie du commerce de l’Orient passa à Salon187.

Le comte de Provence qui perdait, de ce fait, de gros droits de péage chercha à détourner les
marchands de cette nouvelle route; d’ailleurs les événements allaient interrompre pour longtemps le
grand commerce.

Les guerres et les troubles qui sévirent en Provence pendant toute la seconde moitié du XIVe siècle
eurent une répercussion immédiate sur l’agriculture et le commerce extérieur, mais le commerce local
n’en souffrit pas comme on pourrait le croire. Salon servait, en effet, de refuge à beaucoup de gens
des localités voisines et la mise en état de ses moyens de défense entraînait un gros trafic188; enfin les
relations avec les grandes villes devenant plus difficiles et les routes étant peu sûres, tous les produits
de la région vinrent affluer au marché de Salon. La foire de Pâques prit à ce moment une grande
importance; elle durait pendant tout le mois qui suivait la fête189.

Au début du XVe siècle, au contraire, au moment où la paix semblait devoir ramener la prospérité, le
manque de bras, l’abandon des terres, les pestes et les épidémies appauvrirent tellement le pays, que
le commerce subit un fléchissement considérable et tomba presque à néant.

[59]

Cette période d’accalmie fut suivie d’un mouvement intense d’activité économique: les marchands
fréquentèrent de nouveau les foires de Salon.

Certains quartiers leur étaient assignés, ainsi la rue du Bourg-Neuf était réservée aux marchands de
cuir, celle de l’église Saint-Michel aux savetiers, la place du marché aux drapiers, aux marchands de
chaudrons et aux fabricants de chausses; les merciers n’avaient pas de place déterminée; le 5 mai
1439, avec l’assentiment des syndics, ils choisissent la rue droite allant de la poissonnerie au portail
Ferrier-Roux. Ils auront l’usage des boutiques situées dans cette rue, mais ils devront occuper tantôt
les unes, tantôt les autres, à tour de rôle, “ut omnes illii habentes apothecas in predicta carreria possint
habere comodum et loquerium de eorum tabulis”190.

Le loyer de chaque table sera, pour chaque foire, de 3 gros.

Cette nouvelle période de prospérité se traduisit par un accroissement sensible de la population191.


Enfin l’archevêque, heureux de faciliter les transactions commerciales de ses vassaux leur accorda, le

187
Arch. dép. des B.-du-Rh. B. 1153. C’est à ce moment qu’on ajouta, au bas du tarif du péage de Salon, certains
produits plus rares tels que le coton, le corail. (V. pièce justificative n° XI).
188
V. la troisième partie de ce travail.
189
Mentions continuelles de cette foire dans les archives notariales, surtout de 1360 à 1390.
190
Arch. dep. des B.-du-Rh. Dépôt d Aix. Extensoire de Ferrier-Ruffi notaire, 1439-1445, f° 2 et suiv. (Acte signalé
par M. Raimbault, archiviste).
191
Dès 1434 les deux fours banaux de Salon devenant insuffisants, les syndics obligent l’archevêque à en
construire un troisième et envisagent même la possibilité d’en construire un quatrième si l’accroissement de la
population l’exige (Livre jaune, 185 v°),

40
5 octobre 1465, un nouveau marché public, le lundi de chaque semaine, pour toutes sortes de
marchandises: il devait se tenir en dehors des murailles de la ville, dans les faubourgs192.

[60]

Les Importations

Denrées alimentaires

L’insuffisance des récoltes du terroir de Salon nécessitait l'achat, à l'extérieur, de denrées


alimentaires193. En 1305, défense fut faite d’exporter du comté de Provence les produits destinés à
l’alimentation: les marchands, prenant l’interdiction à la lettre, cessèrent de fréquenter le marché de
Salon. Le viguier et les habitants réclamèrent aussitôt et le sénéchal de Provence déclara194 qu’il
n’avait jamais eu l’intention de priver les Salonais des marchandises qui leur étaient indispensables.
Cet acte signale les céréales au premier rang des importations, et ce qui montre encore mieux
l’importance de ce trafic, c’est l’institution, à la même époque, d’une bladerie sur les blés étrangers195.
Cette taxe en effet ne frappait pas les grains provenant du terroir de Salon dont la vente restait libre,
mais seulement ceux qui étaient apportés du dehors. Cet acte nous apprend également qu’il était
d’usage d’exposer dans la ville des échantillons “mostras” de blé à vendre. Ce blé provenait
ordinairement de localités voisines plus riches en terres labourables196.

Salon importait d’autres denrées alimentaires, des viandes salées197, du poisson198, du miel199, des
fromages, des légumes, [61] certains fruits tels que des figues, des noisettes, des oranges200.

Matières premières pour l’Industrie

Au second rang des importations nous placerons les marchandises destinées à être transformées par
l’industrie locale. C’étaient d’abord les peaux de toutes sortes, de lapin, d’agneau et de mouton,
tannées ou brutes, peaux de chèvre, de bœuf et même de cerf201.

192
Arch. mun. de Salon: HH 1.
193
En 1279 l’archevêque se plaint ainsi: “nobis et hominibus nostris victualia commercia et alia vite hominum
necessaria, de terra comitatus Provincie nimis inhumaniter sunt substracta”. (Pièce justif. n° IV).
194
“Quin blada et victualia quecumque alia ad castrum ipsum impune per quescumque valeant deportari, idcirco
volumus..”. (Chartrier de Salon: n’ 12).
195
Pièce justificative: n° VIII.
196
1348 8 février Philippe Isnard de Florence, habitant de Salon, reçoit d’un juif de Salon, marchand à Malemort,
une grande quantité de blé (not. inconnu)
197
Très employées dans l’alimentation; nous avons rencontré la mention de rèves sur les viandes salées.
198
Poisson de mer provenant des pêcheries de St-Chamas.
199
L’élevage des abeilles était répandu dans la région.
200
V. tarif de la leude de 1344 (Pièce justific. n° XII).
201
-id.-

41
Les peaux de mouton étaient recherchées dans toute la région par les marchands de Salon qui
s’entendaient avec les bouchers des villes voisines et leur achetaient les dépouilles des animaux
tués202. Parfois l’achat s’étendait à tous les déchets de boucherie, c’est-à-dire au suif et aux graisses.

Le fil de lin, destiné aux métiers de tissage de la ville, venait en grande partie du dehors203.

Objets fabriqués

Pour les objets fabriqués, Salon entretenait des relations avec des villes plus éloignées. C’était d’abord
des étoffes diverses, toile, futaine, drap, blanquet pour les vêtements [62] ou le linge ordinaires; le
bocassin204, le velours, les draps dits de Damas, la soie et le cendal205 pour les vêtements riches; c’était
aussi des fourrures de divers poil, en particulier le vair206, l’agneau, l’écureuil et le lapin207.

Pour les draps d’usage courant, les marchands de Salon se fournissaient surtout dans la région qui
correspond au département actuel des Basses-Alpes, parfois plus haut encore208. Les villes dont nous
avons relevé les mentions les plus nombreuses sont Riez, Digne, Forcalquier: l’usage de la
transhumance multipliait les relations entre la basse et la haute Provence et rendait les rapports
commerciaux inévitables.

Pour les étoffes plus fines, les marchands de Salon fréquentaient les grandes foires du Languedoc209;
les toiles du nord de la France étaient les plus réputées; on les désignait dans les inventaires, sous le
nom d’ “opus Francie” et toujours séparément. Les toiles et les draps de Lombardie étaient également

202
1386, 26 mars. Un boucher de Salon vend à Bertrand Jausseran de Salon toutes les peaux de mouton et
d’agneau qu il écorche, au prix de 1 florin la douzaine (Constans not.) 1454, 22 mai. Un boucher de Tarascon
vend à un marchand de Salon “omne pellamen bovum [...] mercabile sue tabulle masselli prefati castri” au prix
de 2 florins 8 gros la peau de bœuf, 18 gros celle de vache, 11 florins la centaine de peaux de mouton ou
d’agneaux (Mercorini not. f° 28).
203
V. Pièce justific, n° XX. Permission d’établir une imposition sur le fil “stamine”.
204
2020: boucassin in CNRTL: lainage serré et lustré, parfois mêlé de soie, employé en France pour l'habillement
et l'ameublement (bougosi est directement empr. au turc bogasǐ “orte de futaine”).
205
2020: Cendalum, Cendatum, etc in Du Cange. Tela subserica, vel pannus sericus, Gallis et Hispanis, Cendal:
quibusdam quasi Setal, interposito n. ex seta, seu serico; aliis ex Græco σινδών, amictus ex lino Ægyptiaco: aliis
denique ex Arabico Cendali, folium delicatum, subtile, vel lamina subtilior.
206
Les st. de 1293 interdisent déjà aux femmes d’une certaine condition de porter de la fourrure de vair.
[2020] art. LXXIII “nec aliquid in fraudem contra hujus modi ordinata, nec pannum dare varium; qui vero
contrarium fecerit centum solidos coronatos nomine penæ nostræ curiæ solvere teneatur”
207
Les inventaires des trousseaux de mariage donnent d’intéressants détails sur la toilette féminine.
208
1454, 17 septembre. 2 Juifs de Salon ont acheté à un marchand de Die 4 pièces de drap, 3 blanches et 1 noire,
43 florins 10 gros (Mercorini not. f° 79).
209
1381, 29 juin. G. Chabert, marchand, achète à François Torsii d’Arezzio, marchand à Montpellier, des voiles
de lin pour 177 florins. Il est convenu que le paiement se fera en laine (Constantini not.) Le numéraire devenait
rare.

42
recherchés210; au XIVe siècle Avignon, remplie de marchands florentins, était un centre florissant de
commerce; les Salonais s’y approvisionnaient en objets de luxe.

[63]

Signalons encore, parmi les objets importés, des souliers211, des bâts pour les bêtes de somme, des
armes.

Les Exportations

Denrées alimentaires

Elles ne figurent qu’en petite quantité aux exportations; l’huile, en particulier, dont le commerce est
si important de nos jours, servait seulement, à une époque ancienne, à la consommation locale; les
moulins à huile étaient peu nombreux. Cependant la. culture des oliviers prenant de l’extension, la
production excéda les besoins de la consommation, et dès la fin du XIVe siècle, nous voyons de gros
propriétaires récolter assez d’huile pour y trouver une source de revenus considérable212. Au XVe
siècle, des marchands, le plus souvent juifs, recueillent dans de vastes citernes de pierre213 l’huile
achetée aux divers propriétaires du terroir; à ce moment des marchands d’Avignon214, d’Arles ou de
Saint-Rémy viennent enlever la récolte de l’année.

Le commerce des amandes acquit à la même époque une certaine importance215; dès le XIVe siècle, il
faisait l’objet de grosses transactions216.

[64]

210
1409, Un marchand d’Avignon commande des toiles en Lombardie pour un marchand de Salon (J. Amalrici
not.)
211
1464. 3 marchands d’Aix et un savetier de Salon reconnaissent devoir 35 florins à deux marchands
bourguignons pour l’achat de souliers “sotularum” (P. Balsi not.)
212
1386. Noble Jacques de St-Jean, de Salon, vend à un marchand de Salon de l’huile pour 800 florins
(Constantini not.) Le prix de l’huile était sujet à de grandes fluctuations; le cartal valait 18 deniers en 1384, 12
deniers en 1386, 18 deniers en 1416.
213
1449, 9 avril. Jean de Cornillon doit à Valentin Saunier 8 florins pour avoir transporté à Salon avec ses
charrettes et ses hommes “certam quantitatem pillarum novorum ad tenendum oleum” (Merconni not. f° 122)
214
En particulier noble François Faucounier de 1420 à 1425.
215
On les vendait en coque ou cassées (v. tarifs de la leude et du péage)
216
1384, 21 mai. Bertrand Jausseran achète 20 charges et 2 quintaux et demi d’amandes, au prix de 271 florins
(Constans not. prot. de 1384-9, f° 22).

43
Au XIVe siècle, le commerce des épices à Salon était florissant217; les produits de l’Orient étant
débarqués à Saint-Chamas et traversant Salon, il était facile .aux marchands de s’en approvisionner218.

Ce commerce paraît avoir gardé, encore au XVe siècle, une réelle importance219.

La laine

Pour tout ce qui précède, il ne s’agit en somme que de commerce local; les sous-produits de l’élevage
au contraire fournissaient aux habitants de Salon matière à un commerce beaucoup plus étendu.

La laine avait dû faire, de tout temps, l’objet d’un commerce important; c’est ainsi qu’une contestation
au sujet du péage des Pennes, en 1286, nous montre un certain Hugues Bourguignon de Salon, portant
à Marseille 5 charges [65] de laine220. La laine de Salon était certainement recherchée, car ce ne sont
pas seulement des marchands de la région qui l’achètent, mais des marchands très éloignés: la plupart
viennent de la Savoie, en particulier de Belley, et de la région de Genève.

Au début du XVe siècle, au moment où la guerre anglaise sévissait avec le plus de fureur, l’exportation
de la laine fut presque complètement arrêtée; les relations de Salon avec les villes de l’Est et de la
vallée du Rhône reprirent dans le second tiers du XVe siècle221.

Il y avait deux qualités de laine “lana prima, lana seconda ou bastarda”, ce qui explique les variations
de prix222.

217
Un acte de 1350 mentionne les boutiques “draperiorum, specialorum, et aliorum mercatorum de Sallone”
(de Gapo not. ét. de 1350 f° 8) .
218
1411, 22 décembre. Jean Philibert “mercerius” d’Istres, vend des épices “speciayria” en particulier du
gingembre, sur la place de St-Chamas. (P. de Rivo not. f° 43 v°).
219
1466 8 janvier. Antoine Cabassole, marchand de Marseille, reconnaît devoir une certaine somme
“nobili viro Johanni Isnardi de Sallone [...] causa empti et pretii trium quintalium decem et octo librarum gigimbris
belledin et triginta sex librar. gigimbris mequini nec non quinque quintaiium et sex librarum piperis” (Darnety
not. à Marseille, prot. 1464-5 f° 259 v°). Communiqué par M. Billioud bibliothécaire à Marseille.
Les relations de la région avec l’Orient y introduisirent des esclaves. 1410, 8 décembre “honorabilis Margarita,
uxor et procuratrix honorabilis Leodegarii Scuderii mercatoris Sti Amantii, grata, nomine predicto, vendidit et
titulo vendicionis tradidit honeste mulieri Gassendi, uxori Johannis Maure mercatoris de Massilia, presenti,
ementi, stipulanti, etc. pro se et dicto viro suo quamdam sclavam vocatam Marta de genere Xarthorum, cum
omnibus viciis et cum omnibus infirmitatibus manifestis et non manifestis, precio XL florennorum auri [...]” (P. de
Rivo not, f° 33 v°). [2020:? Xanthus, cf le fleuve (mythique) Scamandre Scamander Skamandros (Ancient Greek:
Σκάμανδρος), Xanthos (Ξάνθος), was the name of a river god in Greek mythology. Esclave de la région de Troie?]
220
Livre blanc, f° 117; vidimus de 1352.
221
1436, 21 novembre. Bernard Imbert, marchand de Salon, vend à Jean Sclirpe marchand de Lausanne, toute
la laine qu’il a achetée à divers particuliers au prix de 20 florins la charge (Guinerii not. f° 108) La charge comptait
environ 5 quintaux, soit près de 200 kilos.
222
1444, 19 oct. Jean Bernard, marchand de Castillon, diocèse de Genève, achète à Noble Laurent Isnard de
Salon 7 quintaux 8 livres de laine, 77 florins (Mercorini, 1443, f’ 21) - 1447, 2 Juifs achètent au même propriétaire
30 charges de laine 798 florins id. f° 44.

44
Les cuirs

La préparation des peaux formait, comme nous le verrons, une des branches les plus prospères de
l’industrie à Salon. Certains cuirs s’exportaient fort loin, jusqu’à Paris223; c’était surtout le cordouan au
XIVe siècle. Au XVe siècle, nous n’avons pas relevé de mention de ce produit, mais nous savons qu’on
exportait toujours des peaux tannées ou même non préparées.

[66]

En résumé, le commerce de Salon était étroitement subordonné aux besoins locaux et aux ressources
du terroir: importation d’objets de première nécessité, exportation des sous-produits de l’élevage,
tels étaient ses caractères essentiels au moyen-âge.

L’industrie

Industries textiles

L'importance de la production de la laine et les rapports fréquents de Salon avec les centres de
fabrication des étoffes ont dû favoriser rétablissement précoce des industries textiles dans la ville de
Salon.

En 1251, Terrier, drapier de Salon, est choisi comme un des procureurs de la communauté224; en 1277
un acte225 nous signale dix drapiers parmi les notables; mais, en réalité, nous ne savons pas si ces
drapiers fabriquaient du drap ou si seulement ils en vendaient. En 1304, un quartier de Salon portait
le nom de “draparia”226; à la même époque nous trouvons la mention de la préparation du chanvre227,
et nous savons qu’il existait un grand et bel édifice où se fabriquait la toile228.

Malheureusement les textes relatifs à l’industrie locale sont rares et donnent peu de détails; au début
du XVe siècle, on fabriquait229 à Salon des étoffes pour vêtements, du drap, de la serge, et ces sortes

223
1334, 2 juin. Un marchand de Nîmes reçoit de Pierre Suave, marchand à Salon, 31 balles de cuir “cordoan”
représentant 40 charges “causa deferendarum seu portandarum dictarum cargiarum apud civitatem
Parisiensem, periculo, suo et suis propriis sumptibus et expensis, pro precio seu mercede, pro singulis cargiis, C.
solidorum turonensium parvorum” (J. Duranti not.)
224
Chartrier de Salon n° 5.
225
Chartrier de Salon n° 108.
226
Liève des censes de 1304 f° 21 v°.
227
“pro quodam operatorio scito in canabassaria” (id. f° 26).
228
“Item Bertrandus de Gapo et Petrus Chaberti, pro duodecima parte domus lapidis in qua tele aptantur” (id. f°
25 v°)
229
1419, 9 mars. Guillaume Malbernard, tisserand de Salon, vend à un de ses confrères “unum mesterium
flassaderium cum suo munimento, duas pienchas draperias et très pienchas sargerias, necnon quasdam
balansas et unum thort pro filando” au prix de 13 florins. (B. Roynhaqui not.)

45
de couvertures de laine appelées [67] “flassada230” ou “flassadona” ou continuellement; mentionnées
dans les inventaires. Désormais on constate assez souvent l'existence de boutiques de tissage
“appotece testorie” renfermant des métiers.

Cette industrie occupait diverses sortes d’artisans; à côté des tisserands proprement dits, il y avait les
peigneurs de drap231, les tondeurs de drap232.

Le goût des étoffes de couleur vive était tellement répandu que l’industrie du drap entraînait
nécessairement celle de la teinture. Il semble que cette industrie fut apportée, à Salon, vers le milieu
du XVe siècle par des Marseillais: nous la trouvons établie en 1453233.

Industries du cuir

La préparation des cuirs formait une part importante de l’industrie salonaise, car les chênes de la
région fournissaient le produit nécessaire pour l’opération du tannage. Cette industrie était déjà
florissante au début du XIVe siècle et avait donné son nom à un quartier de la ville234. Ceux [68] qui
travaillaient le cuir portaient des noms variés “conreator235, blanquerius236, pelliparius”. Les peaux de
chèvre subissaient une préparation spéciale et étaient répandues dans le commerce sous le nom de
cordouan.

L’importance de cette industrie est attestée par la place que le tarif de la leude de Salon donne aux
matières premières qui lui sont nécessaires, et par la quantité de peaux importées237.

230
2020: flassada in Du Cange:, ut supra Flasciata. Glossar. Provinc. Lat. ex Cod. reg. 7657: Flassada, Provinc.
Lodix lanea. Flaciata, Massiliensibus Flansade, Stragulum laneum, Gall. Couverture de laine.
231
1455, 13 février. Contrat d’apprentissage de Pons Signoret de Barcelonette chez Perrinet de la Noyal
“penchinerio pannorum [...] in arte pinchinarie, cardarie et starrasarie [...] “ pour deux années (Mercorini not.
prot. de 1454 f° 148). Cet acte montre une fois de plus les relations de Salon avec la haute Provence.
232
1454, 4 juin. Une juive achète à Guillaume Genestier “tousor pannorum” de Salon, une pièce de futaine
blanche au prix de 3 florins, une pièce de serge blanche au prix de 10 florins. (Mercorini not. f° 48 v°)
233
Nous relevons dans le cadastre de 1453 (Arch. mun. de Salon CC 29]: « [...] Girart d’Arculi tenthurier. Item, la
botiga de la tenthuraria ambe lo prat et ambe l’ort . servis a mestre Johan d’Arculi de Marcelha XX florins tant
quant vieura.,. Doni de Arculi. Et primo la mytat per endivis dels ostals et del prat de la tenthuraria et de las
aysinas [...]” (aysina désigne ordinairement des récipients
[2020: aysina in Du Cange: Supellex quævis, Gall. Meubles; præsertim vero apud Massilienses Aysines sunt
utensilia quælibet ad cellam vinariam pertinentia, ut dolia, cupæ, ceteraque vasa vinaria.]).
234
“Pro quodam hespicio scito ni curataria [...]” (Liève des censes de 1304 f° 6) “Item pro quadam domo in qua
coria aptantur” (id. f° 23 v°)
235
2020: conreatores in Du Cange: Gallis Conréeurs, qui pelles parant, præparant, vox ejusdem originis qua
Conredium.
236
2020: blanquerius in http://ducange.enc.sorbonne.fr/BLANQUERIUSDu Cange: Coriarius, Gall. Corroyeur,
Tanneur.
237
V. plus haut au chapitre des importations.

46
Les industriels de Salon cherchaient à se tenir au courant des nouveaux procédés de fabrication et ils
ne craignaient pas d’aller parfois très loin se perfectionner dans leur métier238.

La fabrication des souliers que nous rapprocherons de l'industrie du cuir, occupait à Salon un grand
nombre d’artisans et devait faire l’objet d’un commerce important239.

Industries diverses

La fabrication du savon dont on trouve des traces anciennes à Marseille, dut faire, vers la fin du XIVe
ou au début du XVe siècle, son apparition à Salon, mais elle n’y réussit, pas et ne dut pas se maintenir
longtemps240.

[69]

Une autre industrie dont nous trouvons également la mention au début du XIVe siècle, paraît avoir
disparu de bonne heure, c’est celle de la fabrication des couteaux241.

En résumé, les industries vraiment florissantes étaient celles qui transformaient, sur place, les produits
locaux, en particulier ceux fournis par l’élevage du bétail; pour le reste, les habitants de Sallon
s’adressaient à des centres plus importants, à Avignon surtout, ou bien achetaient aux marchands qui
traversaient la ville.

Les Monopoles commerciaux

La banalité des fours était déjà une sorte de monopole commercial, mais ce n’était pas le seul. Le plus
curieux était certainement le monopole de la vente de la cochenille qui fournissait la couleur
écarlate242. Un acte du XIIe siècle signale243 déjà que l’archevêque avait cédé ce droit à des juifs. Ce

238
1430, 6 avril. Pierre Salomon, de Salon, s’engage à faire un séjour de six mois chez maître Antoine de Pilosa
“blanquerius” à Pinena, diocèse de Milan, moyennant 20 florins 8 gros de salaire et le paiement des frais de
voyage jusqu’à Pinena (B. Roynhaqui not. f° 2 v°)
239
La Liève des censes de 1304 signale déjà la “sabbataria” et la “sabbataria nova”.
240
Nous n’avons relevé qu’une mention de fabricants de savon à Salon et c’est pour apprendre qu’ils ont fait
faillite. Le 4 mars 1421, le sergent de la cour sur l’ordre du juge, publie que les créanciers de Guillaume Auterii
et de son fils “saponerii” aient à se présenter ce même jour devant le juge, pour assister à la cession des biens
desdits faillis (J. Vaureys greffier de la cour, reg. de 1420).
241
“Item pro quodam hospicio scito in Condamina ubi cultelli fabricantur [...]” (Liève des censes de 1304 f° 27 v°)
Un acte de 1354 nous signale encore 2 couteliers. Il est probable que cette manufacture, qui se trouvait placée
en dehors de la ville, fut ruinée pendant les incursions des grandes compagnies.
242
La cochenille vit sur le chêne kermes, arbrisseau très répandu en Provence on la récoltait surtout dans les
terroirs de Saint-Chamas et de Saint-Mitre.
243
1142-1160. “comparationem de vermelio habent judei ab archiepiscopo”. (Livre rouge f° 38 v°) Ce droit figure
aussi dans l’énumération des droits de l’archevêque à Castelveyre “preterea habet emtionem vermilii” (Livre vert
f° 212 v°) Ce privilège remonterait-il aux teintureries impériales du Bas-Empire?

47
produit précieux, que les textes désignent sous le nom de “grana vermelhi”, coûtait très cher244 et le
commerce en était interdit245.

[70]

Les Confréries et l’Apprentissage

En dehors de la surveillance exercée par le seigneur, l’industrie, comme le commerce, étaient libres:
nous n’avons rencontré aucune trace, à Salon, de ces règlements corporatifs qui paralysaient
l’initiative individuelle; les méridionaux étaient, d’ailleurs, hostiles à leur introduction; les criées de
1458, à Avignon, sont muettes sur l’organisation intérieure des métiers et le fonctionnement des
corporations246. Sans doute, il avait existé des associations jouissant de droits considérables et ayant
à leur tête des chefs de métiers “capita mysteriorum247”; ces chefs avaient joué, à Arles, un rôle
important dans le gouvernement local; à Marseille, les cent chefs de métiers avaient une part dans
l’administration de la ville248; mais au point de vue technique, ces associations paraissent n’avoir eu
aucun rôle249.

A Salon, où il n’y avait d’ailleurs que de la petite industrie, le régime corporatif ne s’était pas introduit;
cependant, les gens de même profession, souvent groupés par quartier, avaient nécessairement des
intérêts communs: ils formaient des confréries, sortes de sociétés de secours mutuels placées sous le
vocable d’un saint et dont les membres étaient astreints à certaines obligations, telles que d’assister
à quelques offices religieux et de figurer aux obsèques de leurs confrères250: chacune était dirigée par
deux prieurs [71] qui administraient, les biens et les revenus des fondations pieuses. Nous avons
trouvé ainsi, à Salon, la confrérie des notaires251, celle des cordonniers “helemosina252 sabateriorum”
ou “semelatorum”253.

244
cf. les règlements sur le luxe interdisant aux personnes qui ne justifiaient pas d’une fortune suffisante, le port
des étoffes écarlates (v. plus loin).
245
Condamnations prononcées à St-Chamas le 10 décembre 1310 par le juge de Salon: “Item quia Guillelmus
Stephani et Berengaria ej us uxor emerunt hoc anno rubrum seu vermellum in Castro S. Amancii contra
preconisationem factam in Castro S. Amancii de non emendo rubrum seu vermellumi sub pena XXV solidorum
refforciatorum et amicionis rubei seu vermelli [...] idcirco quemlibet predictorum condempnamus in quinque
solidis [...]” (Chartrier de Salon n° 188)
246
Girard, La cour temporelle d'Avignon, p. 37
247
2020: Misterium in Du Cange, pro Ministerium, vulgo Mestier, + Anibert Mémoires historiques et critiques,
sur l'ancienne république d'Arles, Partie 1
248
Ch. de Ribbe, Les corporations ouvrières, p. 17-18.
249
V. plus loin le rôle des confréries dans le mouvement d’émancipation communale.
250
C’était l’occasion d’un repas appelé “cantar” réunissant les membres de la confrérie. 1361, 9 juin. Testament
de Jean Gervais, marchand: “Item legavit inter omnes sabaterios Sallonis duos florennos auri, de quibus fieri
voluit, amore Dei, unum quantarem seu pitanciam, in domo fratrum minorum, statim post obitum, in quo cantare
dicti sabaterii convocentur” (J. Roboardi not.)
251
Testament du 26 mars 1348 “Item ceriis collegii notariorum Sallonis ardentibus diebus sabativis, celebratione
misse [...]” (J. Duranti not. f° 5).
252
2020: Eleemosyna in Du Cange: Nonnunquam nostris Aumosne, idem sonat quod recte factum, pium opus,
vulgo Une action louable, une bonne œuvre.
253
V. note 4 de la page précédente. [2020] le repas appelé “cantar” réunissant les membres de la confrérie

48
Certains métiers formaient une sorte de groupe spécial; tels étaient ceux des bouchers et des éleveurs
de bétail, les nourriguiers, qui excitaient la jalousie par leur richesse et dont les relations avec l’autorité
seigneuriale, ou même avec les officiers municipaux, étaient souvent tendues254. Le commerce de la
boucherie, réglé par des statuts minutieux255, présentait, au XVe siècle, un embryon d’organisation
corporative.

Dans les nombreux contrats d'apprentissage, que nous avons relevés, nous n’avons jamais trouvé la
moindre allusion à quelque règlement corporatif; ces contrats ne diffèrent pas essentiellement de
ceux qui sont passés aujourd’hui256. L’apprenti loue ses services pour toutes les choses licites “licitas
et honestas” c’est-à-dire pour toutes celles qui sont permises par la morale et la religion; le maître
s’engage, en retour, à lui apprendre son métier. Ordinairement, l’apprenti n’est pas rémunéré mais il
est [72] nourri et vêtu257 par son maître; en cas de maladie, il a droit aux visites du médecin et aux
remèdes, mais il doit rembourser à son maître la valeur des journées de travail perdues.

L’encouragement du seigneur au Commerce et à l’Industrie

L’action du seigneur se traduisait par la concession de privilèges, la répression des fraudes, surtout en
matière d’alimentation, la limitation des bénéfices et du nombre des intermédiaires.

1° Concessions de Privilèges

Les archevêques comprirent l’intérêt qu’il y avait pour eux à favoriser l’extension du commerce et
partant l’accroissement et l’enrichissement de leur seigneurie. Or, de toutes les entraves qui
paralysaient le commerce au moyen-âge, les plus gênantes étaient les multiples péages qui mettaient
des barrières aux relations économiques.

Les archevêques cherchèrent à faire exempter leurs sujets de la plupart de ces charges, et c’est ce
qu’ils obtinrent dans un rayon assez étendu autour de Salon258; mais ils eurent souvent à lutter contre

254
V. aux pièces justific. n° XXXIII une supplique datée de 1476 dans laquelle les bouchers de Salon exposent
leurs revendications et se plaignent de supporter la plus grande part des charges communes.
255
V. plus loin la répression des fraudes dans le commerce d’alimentation. Cf. les règlements de police urbaine
relatifs aux bouchers. - Les bouchers devaient prêter le serment d’observer les statuts.
256
Nous donnons aux pièces justificatives (n° XXVIII) un de ces contrats à titre d’exemple.
257
Le contrat énumère avec soin la quantité et la qualité de ces vêtements.
258
En 1225 Raymond Bérenger promet d’affranchir les habitants de Salon, de St-Mitre et les autres sujets de
l’église d’Arles, du péage de l’île de St-Giniez (Livre noir, f° 93). En 1234, exemption des péages d’Eyguières (Livre
rouge, f° 224 v°), de Sénas (id. f° 442), Orgon (Livre blanc f° 292). La même année, R. Bérenger supprime pour
les habitants de Salon, tous les nouveaux péages établis depuis la mort d’Alphonse, marquis de Provence (Livre
rouge, f° 344 v°) [2020: pour St-Giniez voir La fondation de l'Ile Saint- Geniès de Martigues; et l’actuelle église
St-Genest]

49
les officiers du comte de Provence pour faire observer ces exemptions qui figuraient parmi les
privilèges les plus précieux de leurs vassaux.

[73]

L'archevêque favorisait plus efficacement le commerce en exemptant de tous droits de péage, de


leude ou autres, les marchandises qui seraient amenées au marché de Salon259.

Enfin, certaines dispositions qui paraissaient être une entrave au commerce étaient destinées à
protéger les intérêts des habitants, telle était l’interdiction formelle d’acheter à un homme suspect
ou de mauvaise réputation, qu’il fût étranger ou non260; tel était, aussi, le droit pour l’archevêque,
d’interdire l’exportation d’une marchandise lorsqu’il craignait qu’elle vînt à manquer; le viguier était
spécialement chargé de faire respecter les règlements de ce genre261.

Les archevêques favorisèrent tout spécialement le développement de l’industrie et cherchèrent à


attirer dans leur leur seigneurie des artisans étrangers par l’appât de privilèges exceptionnels. Voici
un exemple de cette action intelligente qui aida au relèvement industriel au sortir de la période si
troublée des guerres de Provence: le 4 février 1408, Jacques-et Sylvestre Rippert, tisserands de la ville
d’Orange, promettent au baile de Saint-Chamas d’élire domicile dans cette ville pour une période de
douze ans et d’y exercer leur métier; le baile, assisté des prud'hommes du pays, leur accorde les
immunités et franchises dont jouissent les habitants de Saint-Chamas, et, de plus, le affranchit
“telliarum, vintenorum et aliorum onerum tam realium quam personalium”262.

[74]

2° Répression des fraudes

Le commerce des denrées alimentaires était naturellement l'objet de la surveillance la plus attentive.
Le viguier et le sous-viguier devaient inspecter la viande et le poisson mis en vente263: toute
marchandise avariée était confisquée et une amende était infligée au commerçant. Celui-ci ne devait
pas non plus tromper ses clients sur la qualité de la marchandise. Les statuts de 1293 se montrent
particulièrement sévères pour les bouchers264: ils devaient annoncer à haute et intelligible voix la
nature des viandes exposées à leur étalage; pour plus de sécurité la viande de brebis devait être
marquée d’une croix afin de ne pas la confondre avec celle de mouton265.

259
1147, 12 sept. Jean de Beauveau, administrateur perpétuel de l’église d’Arles, exemple de toute espèce de
droits les marchandises qui, pendant l’espace de deux ans, seront apportées à Salon au marché public du samedi.
(Arch. mun. de Salon: HH 1).
260
Statuts de 1293, art. XLIV.
261
Recepta vicarii art. 8. [2020] Profits casuels du Viguier, p. 331 “Recepta vicarii seu viguerii Sallonis super officio
suo que habet recipere et percipere circa officium suum exercendo ut infra sequitur“
262
P. de Rivo not. f° 52.
263
Recepta vicarii art. 7. et offic.subvic. Art. 5 [2020] Profits casuels du sous-viguier, p. 332 “Officium subviguerii
Sallonis est tale ut sequitur”
264
Art. LV. Cf. les règlements de police urbaine visant spécialement les bouchers.
265
Criées de 1454 art. 43. On vendait surtout de la viande de mouton ou de porc.

50
Les bouchers, pour donner à leurs viandes une meilleure apparence employaient divers artifices: ils
les enflaient et les enduisaient de graisse; ces procédés déloyaux sont formellement interdits266.

Le commerce du poisson, important au moyen-âge à cause de l’obligation du jeûne, était favorisé par
la proximité de la mer: il fait l’objet d’une réglementation détaillée267. Pour rendre la surveillance plus
facile, tout le poisson doit se vendre à la poissonnerie publique268.

Les boulangers sont responsables de la cuisson du pain; si la fournée n’est pas réussie, elle est
confisquée par la cour; les revendeuses de pain au détail, les “manganerie”269 [75] doivent se tenir à
une place déterminée et il leur est interdit de tromper les enfants qui viennent leur acheter du pain270.

3° Limitation des bénéfices

La limitation des bénéfices fut le souci constant des législateurs en matière économique au moyen-
âge271. Les Anciens Statuts de Salon donnent, à cet égard, des indications très précises; ils fixent le gain
légitime des bouchers à 1 nummus par 12 deniers272 (“nummus” ne se rencontre plus dans les textes
après le XIIe siècle. Il paraît synonyme de denier); celui des boulangers à 3 “nummus” par setier et une
quantité de son évaluée à 3 deniers273, celui des meuniers à la 16e partie du grain274. Les statuts de
1293 accordent aux boulangers 4 deniers par setier et le son.

4° Limitation du nombre des intermédiaires

Les règlements précédents avaient pour but d’empêcher la spéculation et le renchérissement de la


vie; c’est le même souci qui inspire certaines mesures dont, au premier abord, le sens nous échappe,
mais qui visent seulement à supprimer le plus possible des intermédiaires entre les acheteurs et les
producteurs.

[76]

Les Anciens Statuts de Salon interdisent déjà aux bouchers d'acheter des oiseaux ou du gibier pour les
revendre275; l’achat du poisson en gros est interdit avant midi, et pendant le carême, avant la 9e heure

266
Statuts de 1293, art. LV. Cf Statuts municipaux d'Arles: art. 42. - Statuts de Lunel de 1367: art. 34 (éd.
Bondurand).
267
Criées de 1454 art. 37 et 38.
268
Criées de 1454 art. 40.
269
2020: In Glossaire françois: faisant suite au Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, du même Charles Du
Fresne Du Cange: manganier a le sens de boulanger forain en vieux français. N’est pas spécifiquement féminin.
270
Statuts de 1293, art. X.
271
Cf. la limitation des bénéfices dans la réglementation des impôts perçus par la commune.
272
Anciens Statuts, art. 1
273
Anciens Statuts, art. 2.
274
Anciens Statuts, art. 5. Statuts de 1293, art. XIII. En 1453, le déchet toléré aux meuniers pour la mouture est
de 7 livres par quintal, soit un peu plus du 14e (pièce justificative n* XXIX art. 11).
275
Anciens Statuts, art. 1 ???

51
(3 heures de l’après-midi). Les Criées de 1454 ne font même plus cette distinction; elles interdisent,
en tout temps d'acheter, pour le revendre, du poisson à un étranger, avant midi276, ou même de
vendre du poisson au nom d’une personne étrangère277.

Cependant, dans les grands centres, certains intermédiaires étaient indispensables aux transactions
commerciales, c’étaient les courtiers278; mais le seigneur exerçait sur leurs opérations un contrôle
rigoureux; au moyen-âge, les villes du Midi ne connaissaient que les courtiers assermentés. A
Marseille279, on distinguait des courtiers pour les ventes d’immeubles et pour celles de meubles; ils
étaient choisis parmi les habitants de la ville, ils prêtaient serment chaque année à la Chandeleur: la
cour fixait le tarif de leurs commissions et il leur était interdit de commercer sur les denrées dont ils
s’occupaient280. A Salon, la profession de courtier devait être réglée de façon analogue.

Dès le milieu du XIVe siècle, les courtiers y étaient en assez grand nombre; ils étaient nommés par le
viguier qui recevait leur serment et touchait, à cette occasion, quelques redevances s’élevant à la
somme de 5 florins281. Les Criées de 1454 font de ce serment, une nécessité absolue282.

[77]

Ainsi, la surveillance que le seigneur exerçait sur le commerce, si elle était minutieuse, n’était pas
tyrannique et avait ordinairement pour but de défendre les intérêts des particuliers.

Pour avoir une véritable notion de l’activité commerciale de Salon, il faudrait pouvoir donner un
aperçu de la richesse des commerçants au XVe siècle, mais une étude de ce genre intéresserait plutôt
l’histoire des mœurs et de la vie privée et sortirait du plan que nous nous sommes tracé. Qu’il nous
suffise de dire que les classes marchandes formaient la véritable aristocratie des villes de Provence:
d’un côté les nobles, depuis la fin du XIVe siècle, à l’imitation des Italiens, faisaient du gros commerce,
et d’autre part, les riches négociants achetaient des fiefs et des titres de noblesse. Il y avait là une
fusion, un nivellement des couches sociales qui était le trait caractéristique de la société provençale283.

--oOo--

276
Criées de 1454 art. 36.
277
Criées de 1454 art. 39. Cf. Coutumes de Tarascon de 1344 45 art. 97 - St de Lunel de 1367 art. 8, avec des
prescriptions analogues pour les fruits (art, 12), les œufs, la volaille et le gibier (art. 49).
278
2020: dénommés corraterius ou presoneta (de proxeneta), cf Criées de 1454.
279
St. de Marseille I. I, ch. xl. Méry et Guindon t. il, p. 295.
280
De Fresquet, p. 115.
281
Recepta vicarii art. 9.
282
Criées de 1454 art. 15. Cf. St. de Lunel 1367, art. 2.
283
V. Ch. de Ribbe.

52
[78]

Deuxième Partie

La fondation de Salon

Il faut descendre jusqu’au dernier tiers du IXe siècle pour trouver une mention certaine de Salon;
encore, l’acte qui nous la donne n’existe-t-il plus, mais Ruffi284 affirme l’avoir vu dans les archives de
l’abbaye de Saint-Sauveur à Marseille. Nous savons par lui, qu'antérieurement à Vadalde285 286, les
évêques Gulfaric et Babon, ses prédécesseurs immédiats, avaient fait dresser des rôles partiels des
esclaves cultivant leur domaine; voici le fragment qui nous intéresse directement287.

“Descriptio mancipiorum de villa Salone factum tempore Carlomani regis et Rostagni


archiepiscopi Arelatensis anno primo [...] “288

Nous ne savons pas quelle était l’importance de ce domaine, mais il est intéressant de constater que
l’archevêque d’Arles est mentionné dans ce dénombrement, car cela pourrait indiquer que l’église
d’Arles avait déjà des droits et des possessions dans cette région. D’après une note des manuscrits de
M. de Nicolaï, l’abbaye de Saint-Sauveur [79] aurait cédé à l’église d’Arles le domaine de Salon.
L’arbitrage aurait été passé au château d’Aurons sous l’épiscopat même de Rostang289.

Cette brève indication de la villa Salone est intéressante; bien entendu, il ne s’agit pas ici d’un lieu
habité, mais d’une portion de territoire, d’une circonscription économique et agricole, un noyau

284
Ruffi (Louis-Ant. de) Dissertations [...] sur l'orig. des comtes de Provence. Mars. 1712, in-4°. [2020]
Dissertations historiques et critiques sur l'origine des comtes de Provence; recherche à faire
285
2020: Wadalde (Wadaldus, Vuadaldus, Guadaldus) est un évêque de Marseille, titulaire au début du ixe siècle.
Il est mal connu. On retient son nom essentiellement grâce à un document qui porte son nom, le polyptyque de
Wadalde ou Descriptio mancipiorum ecclesiae Massiliensis, dans lequel certains biens de l’Église de Marseille
sont recensés, et qui fut rédigé en 813-814.
286
Mortreuil. Les possessions de l'église de Marseille.
287
Gimon (p. 39) reproduit ce document, mais en lui donnant comme source les archives de l’abbaye de St-
Victor.
288
II paraît y avoir une erreur dans ce dénombrement, car la première année de l’épiscopat de Rostang était, au
plus tard l'an 871, et Carloman, fils de Louis le Bègue, ne commença à régner qu’en l’an 879. Il est probable que
ce dénombrement fut dressé deux fois, l’une au commencement de l’épiscopat de Rostang, et l’autre au
commencement du règne de Carloman, roi de Bourgogne et d’Aquitaine. (L’antiquité de l'église de Marseille [...]
par Mgr l’Evêque de Marseille [Belsunce] Marseille, 1747, in-4°t. 1, p. 302).
289
Histoire de l’abbaye des religieuses de St-Sauveur de Marseille, par Ferdinand André. Marseille, 1863. Nous
n’avons trouvé aucune trace de cette note dans les archives du Fonds Nicolaï aux arch. dép. des B.-du-Rh. (Série
J)
[2020] Les papiers personnels de la famille de Nicolay sont conservés aux Archives nationales sous la cote 3AP:
Inventaire du fonds Nicolay

53
d’exploitation rurale290 que des esclaves défrichaient pour le compte d’une riche abbaye. Rien ne
prouve qu’il y ait eu déjà autour du rocher de Salon une agglomération importante; mais il est très
vraisemblable que les habitants des alentours, attirés par la fertilité du sol progressivement acquis à
la culture, abandonnèrent peu à peu l’oppidum du Salonet qui leur servait jusque là de refuge.

Lorsque nous retrouvons une nouvelle mention de Salon, il s’est produit une modification importante,
car, cette fois, il s’agit d’un castrum. Il existe dans les cartulaires de l’archevêché d’Arles un acte non
daté intitulé: “Breve de terris quas Manasses291 archiepiscopus in domino suo tenuit”292; Salon y figure
comme castrum293. Nous sommes tout naturellement portés à rapprocher cet acte d’un [80] privilège
de Louis, fils de Boson294, du 1er février 921 qui confirme à Manassès les privilèges accordés jadis à
Rostang, son prédécesseur, et lui reconnaît la jouissance des droits régaliens. Il est probable que le
territoire de Salon faisait partie du domaine que Manassès, au début de son épiscopat, jugea prudent
de faire reconnaître et confirmer par le souverain.

Le simple fait qu’un terroir qui, 50 ans auparavant, était dénommé villa porte alors le nom de castrum
est rempli d’enseignements. La Provence venait de subir de terribles ravages; depuis près de trois
siècles les invasions s’y succédaient et laissaient subsister peu de chose de la brillante civilisation gallo-
romaine. De tous les envahisseurs qui s’abattirent sur la contrée, les plus malfaisants furent
certainement des Sarrasins295. Paul Diacre dit qu’ils s’emparèrent d’Arles et dévastèrent les régions
voisines.

Au IXe siècle, ce sont les Normands qui, à leur tour, visitent les côtes de Provence; des pirates danois
remontent le Rhône et dévastent le pays sur une grande étendue de terrain jusqu’à Nîmes et Arles.

290
La campagne est alors découpée en domaines étendus dont un grand nombre ne sont sans doute que
d’anciennes “villae” gallo-romaines. Dognon. Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc.
Voy. p. 24 ce que nous disons de la villa Aniana.
291
Manasses, archevêque d’Arles de 920 à 961. [2020] Manassès d'Arles (? - † 17 novembre 962 ou 963), fut
archevêque d’Arles (914-962/963), évêque de Vérone, de Trente et de Mantoue, ainsi que archevêque de Milan
(946-954). Il était par sa mère Teutberge, le neveu d'Hugues d'Arles qui fut roi de Provence et d'Italie.
292
Gallia christiana novissima, Arles, n° 261. Cet acte est peut-être postérieur à Manasses, il y a “tenuit” et non
“tenet”. [2020] accessible ici sur Internet Archive
293
Gallia christiana novissima, Arles, n° 243 “Castrum Alvernicum et de Sallone sive de Fossis et villam
Malegensem”
[2020] accessible ici sur Internet Archive [...] vérification faite, il s’agit du #261 comme ci-dessus, et non du #243,
lequel traite du Diplôme de l’empereur Louis l’aveugle en faveur de Manassès [...] c’est à dire ce privilège initial
qu’évoque l’auteur dans la phrase suivante.
Nota: on y mentionne entre autres possessions les “abbatiam Anianam” (mais il doit s’agir du monastère de
Benoît d'Aniane et “abbatiam Sanctae Mariae de Gordanicis” (Goudargues?), “atque de Crudatis” (Cruas).
294
Dans un diplôme de 1153 (Gallia Christiana novissima Arles, n° 570 [2020: accessible ici sur Internet Archive])
l’empereur Frédéric confirmant les privilèges accordés à Manassès par son prédécesseur Louis l’Aveugle, cite le
castrum de Salon.
295
Voir pour les incursions des Sarrasins en Provence le chapitre que leur a consacré M. Poupardin dans son
Royaume de Provence, p. 243, et suiv.

54
A la fin du IXe siècle, une messe était dite dans les églises du diocèse d’Arles pour échapper
“obpressione paganorum296”.

En plusieurs endroits, cependant, quelques hommes courageux essayèrent de prendre en main la


cause des populations terrorisées et de s’opposer au torrent dévastateur297. [81] Les principales
hauteurs, les points facilement défendables, furent choisis pour élever des châteaux dans lesquels les
gens des alentours trouveraient un asile pour leur bétail et pour eux-mêmes. Telle fut, d’après la
statistique des Bouches-du-Rhône, l’origine de Miramas, Calissanne, Lançon, Vitrolles, Allauch, dans
le département des Bouches-du-Rhône. Nul doute qu’il n'en ait été de même pour Salon; le rocher qui
dominait la plaine de la Touloubre et l'immensité de la Crau, constituait point de défense excellent298.

Oui peut avoir pris l’initiative de cette construction si ce n’est l’archevêque d’Arles lui-même, désireux
d’assurer à son domaine la sécurité et partant la prospérité? Les actes postérieurs nous montrent les
archevêques maîtres absolus de Salon, ils devaient donc fonder leurs droits sur une donation effective.
En l’absence complète de textes qui puissent nous donner la certitude, nous admettons comme très
vraisemblable que ce fut Boson qui accorda à Rostang la possession d’un domaine temporel
important. Si l’église d’Arles fut comblée des faveurs de ce prince, il ne faut pas oublier que Rostang
assistait à l’assemblée de Mantaille qui le 15 octobre 879 l’élut roi de Provence299. Rostang, d’ailleurs,
était originaire d’Arles, il avait peut-être déjà des propriétés personnelles dans cette partie de son
diocèse, le domaine d’Aniane par exemple.

[82]

La donation de Boson ne faisait ainsi que reconnaître une situation de fait à laquelle il ne pouvait rien
changer, mais qui lui assurait du moins, dans l'archevêque d’Arles, un allié puissant et reconnaissant.

296
2020: voir in Le Royaume de Provence sous les Carolingiens de Poupardin le morceau liturgique “Missa pro
persecutione paganorum”: sicut liberasti filios Israel de manibus Egiptiorum ita libera populum tuum xpistianum
de obpressione paganorum [...]
297
Caman, p. 286.
298
Salon tire peut-être son nom de ce fait. Salo, selon Ducange, signifie “châteaufort” [2020] référence non
retrouvée. Par contre, voir Guérard in Polyptyque de l'abbé Irminon à propos du terme salique: “En effet, que le
mot tudesque sala veuille dire une maison, c'est ce qui ne peut être contesté par personne, et ce qui est même
confirmé par des textes publiés à la suite du Polyptyque d'Irminon. Ainsi, dans le breviarium de Charlemagne,
une maison royale est désignée tantôt par les mots sala regalis et tantôt par ceux de casa regalis, domus regalis,
casa dominicata, ou indominicata. Elle était bâtie le plus souvent en pierres, quelquefois en bois; et quelquefois
le dedans était en bois, et le dehors en pierres. Elle est distinguée des habitations des serfs, et répond, en
quelque sorte, au prœtorium des villa romaines.” Cf Proto-Germanic/salą, from Proto-Indo-European *sel-
(“human settlement, village, dwelling”). Cognate with Old Church Slavonic село (selo, “courtyard, village”),
Lithuanian sala (“village”).
299
Trichaud, t. Il, p. 223. Selon Hincmar et les actes même du concile, Boson aurait gagné les évêques en usant
tour à tour de promesses ou de menaces et payé leur consentement de riches donations. Selon M. Poupardin
(p. 100), l’élection serait due à une entente préalable et les actes seraient trop peu nombreux pour constater si
ces donations ont eu lieu réellement.

55
La politique des archevêques

Les campagnes, après les ravages des Sarrasins étaient presque désertes; les grands seigneurs, laïcs
ou ecclésiastiques, qui avaient profité habilement de cette période de troubles pour se tailler de larges
domaines, se procuraient difficilement des hommes pour les mettre en valeur. Ithier300 avait trouvé
l’église d’Arles dans un état lamentable; la discipline s’était relâchée, les biens avaient été usurpés301.
Ce prélat montra une grande activité, et le domaine de Salon fit l’objet de ses soins particuliers. Pour
y attirer des cultivateurs, nous avons vu qu’il eut l’intelligence d’employer une forme de concession
appropriée aux circonstances, le bail à complant.

En 1043302, Raymbaud303, voulant doter les chanoines de son église, leur abandonne la moitié des
oblations apportées à l’église cathédrale et quelques possessions304: c’est d’abord une grande
exploitation agricole au castrum de Salon305; un [83] certain Augier, sa vie durant, en jouira.
L’archevêque y ajoute les trois quarts de la tasque perçue à Salon306 et le quart de la dîme.

Cet acte nous donne peu de détails, niais il faut en retenir qu au XIe siècle déjà le terroir de Salon était
en pleine exploitation puisqu’une partie de la dîme qui y était perçue pouvait constituer une riche
dotation. Les archevêques d’Arles, occupés d’autres soucis, ne considéraient encore Salon que comme
une propriété de rapport qu’ils ne pouvaient surveiller eux-mêmes de près et qu’ils avaient découpée
en grands domaines pour en donner l’usufruit à qui bon leur semblait; mais il faut remarquer le soin
avec lequel ils se gardaient des aliénations définitives. Dans le bail à complant de 969, par exemple, le
tenancier peut transmettre à ses enfants la terre qui lui reste en partage, mais à moins d’une absolue
nécessité, il ne peut, sans une autorisation expresse, l’aliéner à un étranger307. En 1043 la concession
est viagère, et après la mort d’Augier, le “mansus” reviendra à l’église d’Arles.

Ils ne se contentèrent pas de conserver jalousement le beau domaine dont les souverains de Provence
leur avaient reconnu officiellement la propriété, ils cherchèrent aussi à l’agrandir et y mirent une

300
Archevêque d’Arles de 963? à 985. [2020] Ithier d’Arles est peut-être lyonnais d'origine car ce nom est
extrêmement rare en Provence et en revanche fréquent en Lyonnais. Il serait alors un fidèle du roi Conrad,
nouveau suzerain de la Provence depuis 949.
301
Trichaud, II, p. 235.
302
Gallia Christiana novissima Arles, n°407 [2020: accessible ici sur Internet Archive]. L’acte dans l’Authentique
du chapitre, (archives municipales d’Arles, non coté) porte en surcharge la date: 1033
303
Archevêque d’Arles de 1030 à 1069.
304
Parmi les donations, nous relevons celle-ci: “omnes mausienes que adherent eorum claustro”. Cette mention
est, nous croyons, la plus ancienne d’un cloître à St-Trophime, et Mr Labande ne la signale pas. v. But. Mon. t 67
p 459 et t. 68, p. 3. [2020: probablement mansiones plutôt que mausienes]
305
“unum mansum quem Augerius teneat ni vita sua in Sallonis Castro”. Aujourd’hui encore “mas” désigne, en
Provence, une exploitation agricole complète, comprenant la maison d’habitation, les dépendances et les terres.
306
“et tres partes de tasca ejusdem castri. Preterea dono illis quartam partem omnium decimarum Sallionis,
quam jure perpetuo possideant, post obitum Lamberti gramatici; et decimationem et redecimationem omnis mei
dominii quant Augerius tenet”.
307
“Post obitum vero Sperandei et uxoris ejus, alia medietas ad infantes Sperandei perveniat, sine ulla
contradictione; excepto si ad illos, vel ad infantes ejus, necessitas venerit, non liceat eis vendere, nec alienare,
nisi ad ipsum prefatum archiepiscopum vel successores eorum, per tres terminos annunciaverint”. (Gallia
Christiana novissima Arles, n° 270. [2020 accessible ici sur Internet Archive]

56
ténacité digne de remarque. Il s’y trouvait, en effet, de nombreuses enclaves; qu’elles fussent la
conséquence de la donation primitive ou d’usurpations [84] postérieures, elles étaient à la fois un
obstacle et un danger.

Atton308 se distingua surtout dans cette œuvre de restauration; les églises s’enrichissaient par de
multiples donations, la dîme était perçue régulièrement et les conciles en faisaient un devoir strict aux
fidèles, l’archevêque pouvait donc consacrer à cette œuvre des revenus importants. Nous avons vu309
que le domaine d’Aniane fut le plus favorisé et que les propriétaires susceptibles d’empiéter sur les
biens de l’archevêque furent évincés au prix de sommes considérables pour l’époque et payées en
espèces310.
Que devenait, pendant ce temps, le château de Salon? En réalité, l’archevêque n’y était plus le maître.
Un dangereux voisin, Pierre de Lambesc, allié, par sa femme Alasacie311, à la puissante famille des
Baux, avait trouvé, sur le rocher de Salon, un point d’appui utile, et prétendait en être le seigneur.

Les archevêques avaient supporté plus ou moins volontiers cette usurpation, mais en 1143, Raymond
de Montredon fut élu archevêque d’Arles et il sut adroitement revendiquer [85] ses droits312. Dans
l’ordre temporel il se montra particulièrement habile et s’appliqua aussitôt à recouvrer la plénitude
de ses droits sur Salon; mais ici, il ne suffisait plus de payer largement, il fallait transiger: il sut le faire
à bon compte. Pierre de Lambesc lui abandonna Salon, le château, la ville et le terroir313, avec
promesse de n’y rien acquérir à l’avenir sans son consentement, en échange l’archevêque lui donna
en fief les châteaux de Vernègues et d’Avallon314, avec leurs dépendances, mais en se réservant la

308
Archevêque d’Arles de 1115 à 1128 (?) [2020: wikipedia indique: Atton de Bruniquel, né dans les années 1080
et mort le 6 mars 1129, est un prélat français du Moyen Âge. Il fut archevêque d’Arles à partir de 1115.
309
Voy. p. 25.
310
1126, 11 juillet “transferimus dominium totum quod habemus et aliquis habet a nobis in territorio Aniane [...]
propter solidos mille ac ducentos Melgoriensis monete..” (Gallia Christiana novissima Arles, n° 509 [2020:
accessible ici sur Internet Archive]) Lorsque les propriétaires n’étaient pas disposés à abandonner leurs droits,
l’archevêque leur faisait promettre de ne jamais les aliéner et se réservait le droit de préférence à tout autre
acheteur. 1143. “Ego Villelmus de Laurada et ego Petrus Villelmi, frater suus, facimus convenentiam per fideni
et sine ingano, Deo et ecclesie Arelatensi et tibi Raimundo archiepiscopo et successoribus tuis quod nichil
vendemus de jure, vel inpignorabimus, vel aliquo modo alienabimus, quod habemus et tenemus ni termino de
Aniana, vel homo vel femina per nos. Si tamen contingeret quod illud jus vendere vel inpignorare vel aliquo modo
alienare vellemus, tu vel successores tui tamen nobis pro eo per fidem et sine inganno daretis quantum ab alio
homine possemus habere [...]” (Livre rouge, f° 224 v°). [2020: inganum in Du Cange: Ingenium#1 = Ars,
machinatio, fraus. Joan. de Janua: Ingenium [...] astutia, calliditas.
311
2020: clarifier, à ne pas confondre avec Alasacia de Lambisco, abbesse de l’Abbaye Saint-Césaire plus tard en
1296.
312
Trichaud, t. III. [2020] les repères de notes de la page [85] sont fautifs 4321
313
Cette distinction est intéressante, car elle prouve qu’une agglomération se formait autour du château
seigneurial. Jusque là, prenant la partie pour le tout, par castrum on désignait aussi bien le noyau du domaine,
le point fortifié, que les terres qui l’entouraient; désormais la ville basse s’appellera plus spécialement villa,
burgus. (v. Dognon, p. 35).
314
Commune de Vernègues, arrt d’Arles; il en reste quelques ruines. [2020] Voir étude de localisation de
“Avalon” publiée dans le Congrès archéologique de France, Volume 43

57
haute juridiction, les droits d’hommage et le serment de fidélité, ainsi qu’un droit d’albergue315 pour
vingt cavaliers par an316.

La souveraineté de l’église d’Arles sur Salon et quelques autres châteaux allait bientôt recevoir une
nouvelle confirmation. Par un diplôme solennel donné après le 13 mars 1144, Conrad III, roi des
Romains, accorda à l’archevêque la juridiction et les droits réguliers sur la ville d’Arles, et lui confirma
la possession des châteaux de Salon, du Vernègues [86], d’Avallon, de Saint-Chamas317, de Castel
Veyre318, de Mornas319, de Mondragon320 avec toutes leurs dépendances321.

Cet acte, au point de vue de l’histoire générale de la Provence, est de la plus haute importance, mais,
pour en juger, il nous faut reprendre les événements d’un peu plus haut. Héritier testamentaire de
Rodolphe III, Conrad II le Salique était devenu, en 1032, roi de Bourgogne et de Provence. Cependant,
ni lui, ni son successeur Henri III ne purent jamais venir en Provence, qui, par le fait, échappait presque
complètement à l’autorité impériale. Conrad III, au lieu de se dépenser en efforts stériles, jugea plus
habile de s’assurer des alliés puissants.

A ce moment, le royaume d’Arles était réduit à sa plus simple expression, c’était une partie de la ville
d’Arles et quelques châteaux322. L'empereur, comprenant que les seigneurs laïcs ne cherchaient qu’à
se soustraire à l’autorité germanique, se tourna vers le clergé; les hauts prélats, heureux de trouver
un appui pour faire respecter leurs droits souvent menacés, furent relativement accessibles à
l’influence impériale. De son côté, l’empereur crut mettre sa souveraineté sous la sauvegarde de
l’église, et, en comblant l’archevêque d’Arles de faveurs, trouver un appui pour [87] maintenir, dans
celle région, une autorité qui lui échappait.

315
2020: Le droit d'albergue (du latin médiéval, alberga, albergarium, signifiant demeure, logement, auberge)
est un droit prévu dans les actes de donation faits par un seigneur qui oblige le bénéficiaire, vassal, écuyer, gens
d'arme, congrégation religieuse et tout sujet à lui offrir le gîte et le couvert quand il passe dans le fief, ou une
fois l'an.
316
Inventaire des chartes de la maison de Baux, n° 37. Un acte fort curieux qui énumère les possessions de
l’archevêque d’Arles dans la première moitié du XIIe s. et qui fut traduit de l’hébreu en latin sous l’épiscopat de
Raymond, place le château de Salon au premier rang et fait une allusion très nette aux usurpations dont l’église
d’Arles avait souffert: “Hec terra cum castris et cum terminis suis est archiepiscopi, et nobiles. viri qui fuerunt ad
proditionem reddierunt ad fidelitatem suam et recognoverunt eum dominum suum. Hec sunt castra: castrum de
Sallone et Alvernicum [...]” (Kiener. VerfassungsGeschichte der Provence. Pièces Justificatives, p. 277-80. Déjà
utilisé par Anibert, t. 1, p. 77-109). L’acte de 1142 passé avec Pierre de Lambesc est donc bien une restitution,
non une donation, comme le dit Gimon (p. 38).
317
arrt. d’Aix. [2020] les repères de notes de la page [86] sont fautifs 45456
318
La chapelle St Blaise, commune de St Mitre, arrt d’Aix.
319
Arrt d’Orange.
320
Arrt d’Orange.
321
Livre rouge f° 3 v°. Archives municipales de Salon: CC 3 n° 12. Gallia Christiana novissima Arles, n° 551 [2020:
accessible ici sur Internet Archive et en appendix]. Extraits dans Gimon p. 41-42. voir Nostradamus, p. 123.
Bouche, t. 1, p. 821.
322
Notice sur les chartes impériales du royaume d'Arles existant aux archives départementales des B.-du-Rh. s.
1, a. d. in-8°.

58
Si tous les historiens ont signalé l’importance de cet acte, ils en ont complètement faussé le sens en
ce qui concerne Salon, en voyant une donation là où il n’y avait qu’une confirmation323. Il suffit de lire
l’acte pour s’en convaincre: après avoir énuméré les droits régaliens dont l’empereur fait l’abandon à
l'archevêque dans la ville d’Arles et dans le diocèse, il ajoute “insuper confirmamus tibi [...] castrum
de Sallone, castrum de Alvernico, castrum de Avalone [...]”

Cette confirmation dut même être sollicitée par l'archevêque. En tout cas, il faut bien reconnaître son
intervention dans un privilège de Conrad obtenu la même année contre Imbert de Salon324: il s’agissait
évidemment d’un différend entre Raymond et un de ses sujets, que l'empereur trancha au profit de
son protégé.

Les archevêques essayaient, avant tout, d’éviter les conflits avec les comtes de Provence; au milieu
des compétitions qui s’élevèrent à l’avènement de Raymond-Bérenger III, ils cherchèrent à s’assurer
la bienveillance des rivaux. En 1147, Raymond des Baux jure à l’archevêque Raymond de protéger sa
personne et ses biens; en 1152, Hugues des Baux renouvelle la même promesse325. En 1153 le pape
Anastase IV, confirmant l’archevêque dans la possession [88] de son temporel, mentionne, au premier
chef, le château de Salon326.

L'empereur Frédéric Ier, imitant l’exemple de son prédécesseur, ne négligea, pas l'archevêque d’Arles
qu’il considérait comme une sorte de vicaire, de représentant officiel: par un diplôme de juin 1153, il
confirma les privilèges jadis accordés par Louis l’Aveugle327 à Manassès, et, en particulier, la possession
de Salon328.

Forts de l’appui, au moins nominal, de l’empereur, les archevêques peuvent consacrer tous leurs soins
à organiser et à enrichir la ville qui, peu à peu, prend de l’extension; par achat, par échange, par
donation, leur domaine s’accroît rapidement329. S’il se présente quelqu’un qui prétende posséder en
toute propriété une terre dans le terroir de SaIon, l’archevêque entend la lui céder à titre de fief en se
réservant le domaine éminent, et en exigeant l’hommage et le serment de fidélité330. Lorsque les

323
Gimon (p. 41-42) reproduit la partie du diplôme relative à Salon, il en donne une traduction correcte, et,
cependant, dans son texte, il fait du diplôme de Conrad l’origine du pouvoir temporel des archevêques d'Arles
sur Salon !
324
Rubrique de l’archevêché d'Arles: Inventaire de 1669 f° 68. Aujourd’hui perdu.
325
Inventaire des chartes de la maison de Baux n° 43. [2020: accessible ici sur Internet Archive]
326
Gallia Christiana novissima Arles, n° 573. [2020: accessible ici sur Internet Archive]
327
2020: Louis III l'Aveugle, dit aussi Louis III de Provence, né vers 882 et mort le 5 juin 928 à Arles, devient roi
de Provence de 890 à 928, et est empereur d'Occident de 901 à 905.
328
Gallia Christiana novissima Arles, n° 570. [2020: accessible ici sur Internet Archive]
329
1159. Hugues Geoffroy abandonne à Raymond tout ce qu’il possédait à Salon au prix de 250 sous melgoriens
(Gallia Christiana novissima Arles, n° 598 [2020: accessible ici sur Internet Archive]). - 1166. Raymond II de
Bollène achète à Hugues Esmengarde et à Foulques de Chanos, son fils, tous les droits qu’ils avaient à Salon, au
prix de 200 sous melgoriens (Livre vert, f° 178 v°) - 1174. Raymond renouvelle avec Pierre de Lambesc l’accord
de 1142 au sujet de ses prétentions sur Salon (Gallia Christiana novissima Arles, n° 628 [2020: accessible ici sur
Internet Archive]).
330
1154, 15 juillet. Hugues Staque reconnaît tenir de l’archevêque tout ce qu'il possède à Salon et dans son
terroir (Rub. de l’archevêché: Invent. M f° 107). - 1166, 12 janvier “hoc modo et tali pacto: Gaufridus de Signa et
Fulco frater ejus faciunt michi hominium et jurant fidelitatem michi et ecclesie Arelatensi [...]” (Gallia Christiana
novissima Arles, n° 608 [2020: accessible ici sur Internet Archive ).

59
ressources manquent, et qu’il n’y a pas moyen d’agir par voie d’achat, il procède par échange, aliénant
des possessions trop éloignées pour arrondir son domaine autour de Salon331.

[89]

La ville de Salon avait acquis de la sorte une prospérité considérable, les voyageurs y trouvaient un
relais commode et ne manquaient pas de s’y arrêter. C’est ce que firent, en 1216, Raymond VI de
Toulouse et son fils en se rendant à Avignon où la population les attendait avec impatience332.

Bientôt, le contrecoup de la guerre des Albigeois allait se faire cruellement sentir en Provence et
arrêter pour quelque temps ce brillant essor. Notre ville, éloignée du centre des opérations ne souffrit
pas directement des maux de la guerre, mais, plutôt, des troubles de la guerre civile. C’est au cours de
ces événements que se produisit un fait important pour l’histoire de Salon, la reconstruction ou tout
au moins l'agrandissement considérable du château333.

Un acte du 19 octobre 1220, par lequel le chapitre d’Arles accorde à l’archevêque Hugues II, à titre
personnel et sa vie durant, les revenus des églises de Salon, indique que ses prédécesseurs ont laissé
de lourdes dettes et que Hugues II lui-même a dû faire de grosses dépenses pour sauvegarder la liberté
de son église; c’est là une allusion très claire à des travaux de défense334.

Frédéric II suivait attentivement les événements de Provence; ce fut d’ailleurs, de tous les empereurs,
celui qui s’intéressa, le plus au royaume d’Arles. Craignant que l’archevêque, [90] harcelé par ses
créanciers335, ne se laisse aller à vendre tout ou partie de la ville, il lui interdit formellement d'aliéner
le château de Salon336. Le pape Honorius III qui n’ignorait pas les difficultés qui assaillaient
l’archevêque, appuie de son autorité la défense de l'empereur337.

331
Ainsi en 1167, il reçoit d’Alphonse, marquis de Provence, les seigneuries de Grans et d’Aurons, en lui cédant
le quart de celles de Fos et d’Albaron (Papon, t. II Preuves, p. XIX. (Gallia Christiana novissima Arles, n° 615 [2020:
accessible ici sur Internet Archive et transcrite en appendix]
332
L’endema cavalguero e no fan lonc vadatge
E intran a Maselha e no i fan lonc estage
E vengron a Selho lo noit a l’avespratge,
E albergan ab joia.
(La croisade contre les Albigeois, édition P. Meyer, t. I, p. 166).
333
Les travaux devaient être commencés en 1219, car à cette date on comparait déjà la vieille forteresse aux
nouvelles constructions: 1219, 24 août “Actum est in Castro Sallonis in camera sale veteris Arelatensis
archiepiscopi” (Livre vert 215 v°). Ils étaient exécutés en partie en 1227 “Actum [...] in Castro Salonis in aula nova
dicti domini archiepiscopi [...]” (Gallia Christiana novissima Arles, n° 940 [2020: accessible ici sur Internet
Archive]).
334
Gallia Christiana novissima Arles, n° 2625. [2020: accessible ici sur Internet Archive]
335
Un acte curieux montre bien quel était l’embarras financier des archevêques d'Arles. Le 21 octobre 1231.
Hugues 11 cède à Pierre Durand Castelveyre et ses dépendances à condition qu’il relèvera les fortifications: ce
lieu, jadis populeux, est devenu un désert, parce que ses habitants n’y trouvent plus de sécurité; or l’archevêque
est trop chargé de dettes pour entreprendre les travaux à sa charge (Livre vert, 213 v°) Castelveyre venait d’être
cédé à l’archevêque en 1225 par R. Béranger avec tous ses droits et toutes ses dépendances.
336
Livre noir f° 121.
337
Bulle du 3 janvier 1225 signalés dans le ms F 241-291 de la Bibliothèque de Carpentras et dans le Livre rouge
f° 230).

60
Enfin, le 31 mars 1225, Frédéric renouvelle son interdiction338 en lui rappelant qu'il tient son domaine
directement de l’empire.

Il se rend bientôt compte que cette défense ne suffirait pas, aussi se décida-t-il, sur les vives instances
de l’intéressé, à accorder à Hugues un péage à Salon339. La perception de ce droit devait permettre à
l’archevêque de se libérer progressivement des engagements qu’il avait contractés340.

[91]

Un fait certain, c'est que la seigneurie de Salon devint plus précieuse que jamais aux archevêques, et
ce fait n’est pas sans rapports avec le mouvement d’émancipation communale.

Depuis 1131, en effet, les Arlésiens s’étaient donné des chefs sous le nom de consuls341; leur
établissement pas fait sans des troubles violents et les archevêques sentirent leur autorité et leur
liberté fortement compromises. Ils crurent donc indispensable d’avoir un domaine où ils pussent, en
toute sécurité, exercer leur juridiction avec de bonnes murailles pour braver impunément les
rébellions de leurs sujets et les mouvements révolutionnaires toujours prêts à éclater.

Salon s’offrit à eux avec tous les avantages désirables; ils y trouvaient un château-fort qu’il suffisait de
restaurer, un lieu facile à défendre, échappant, par sa position, aux manœuvres de surprise, un terroir
riche et des cultures variées pour leur fournir les ressources nécessaires. Ils résolurent donc d’y établir
une résidence et, par la suite, y firent de fréquents séjours.

Telle fut l’idée dominante des archevêques d’Arles, celle qui, éclairant toute leur politique, explique
d’une part, l’intérêt qu’ils portèrent à notre ville, les faveurs et les avantages matériels qu’ils lui
accordèrent, et, d’autre part, le soin jaloux avec lequel ils se gardèrent d’amoindrir l’autorité
souveraine qu’ils y exerçaient.

[92]

338
“Scire te credimus quod castrum Sallonis quod a nobis et imperio tu et ecclesia tua tenes, absque mandato et
licencia nostra donare, comutare et alienare non possis, cum et si hoc presumeres attemptare, grave tibi et
ecclesie tue posset contingere detrimentum [...]” (Huillard-Bréholles, Hist. diplom. t. II, p. 476).
339
“ut ad ecclesie tue inopiam relevandam et dicti castri custodiam ampliandam, quam temporis malicia exig*t
grandiorem, in ipso Castro pedagium tibi liceat, auctoritate nostra, non a peregrinis set mercatoribus, percipere
moderatum [...] et si strata publica mutaretur ad locum inquo jurisdicionem habeas temporalem, tibi ibidem
illud quod supradictum est, pedagium liceret percipere [...]” (Winkelmann, Acta imperii inedite, p. 245, n° 270J.
En août 1230, Frédéric renouvela ce privilège dans les mêmes termes, mais pour la durée de la vie de
l’archevêque, et il y ajoute un péage sur le Rhône (Livre d’or, n° 77, courte analyse dans la Gallia christiana
novissima, Arles, n° 961). [2020: accessible ici sur internet Archive]
340
1234, 12 juillet Geoffroy Béroard cède à l’archevêque Jean Baussan certains biens qu’il avait reçus en
emphytéose de l’archevêque Hugues II “et insuper vos et successores vestros clamo quittos et absolvo de V
millibus solidis in quibus domus archiepiscopalis erat michi obligata” (Livre rouge, f° 234 v°).
341
Anibert, t. II, p. 8.

61
Salon et l’émancipation communale

En parlant du mouvement communal, nous abordons une des questions les plus controversées, les
plus obscures de nos institutions. La genèse des libertés municipales demeurant incertaine, chacun a
été tenté de l’expliquer par les théories qui lui étaient les plus chères, au risque de se laisser guider
par des idées préconçues plutôt que par le sérieux examen des textes et des faits. En cela, comme en
beaucoup d’autres choses, on est trop souvent parti d’idées générales pour expliquer les phénomènes
particuliers, alors que la saine logique eût exigé qu’on suivit l’ordre inverse342.

Ce problème, certains historiens avaient pensé en trouver une explication toute, simple, en établissant
un lien de filiation entre l’organisation administrative des cités romaines ou franques et celle des villes
du moyen-âge. Cette théorie était, surtout séduisante en Provence où les traditions romaines étaient
plus vivaces et où certaines analogies de noms semblaient en avoir perpétué le souvenir343.

Cette thèse séduisante donnait aux privilèges municipaux une antiquité vénérable344, mais se reposait
en réalité sur rien. Il faut se résigner, en effet, à un fait contre lequel on ne peut rien, constate Luchaire,
c’est l’absence de documents relatifs à la constitution municipale des cités et des bourgs du VIIIe au
XIe siècle345.

[93]

D'autres ont contesté la survivance des institutions gallo-romaines au milieu des invasions violentes
qui du Ve au Xe, ravagèrent la Provence. Successivement, Goths, Burgondes, Francs, Lombards,
Saxons, Normands, Sarrasins, Hongrois346 dévastèrent le pays, pillant les vieilles cités romaines347, les
détruisant parfois de fond en comble348; d’autres villes, par contre, se créaient, nées de besoins
nouveaux, et, en particulier, du désir de se protéger contre les pillards.

Pour nous, cette objection, quoique sérieuse, n’est pas absolument probante, car les événements
récents ont montré la force indestructible de la routine et des habitudes, la vitalité et la persistance
des institutions, en dépit des ruines et des pires bouleversements. Aussi nous admettons que les
habitants aient pu garder un souvenir plus ou moins précis des institutions romaines, mais ces

342
Luchaire. Les communes françaises à l'époque des Capétiens directs p. 22.
343
Lefas. Origines des institutions municipales en Provence.
344
Tous les anciens historiens de la Provence rappellent complaisamment l’organisation des municipes romains.
345
Les communes française à l'époque des capétiens directs, Paris, 1890, p. 22.
346
2020: voir Points de vue sur les incursions hongroises en Europe au Xe siècle, par ex. Terreur, oui, mais aussi
répulsion physique pour un ennemi d'autre race et d'autre couleur. La foudroyante apparition des terribles
cavaliers, leur horrible aspect, la grêle de flèches qui ne manquaient jamais leur but ; cet épouvantable cri de
guerre — hui ! hui ! ! — qui annonçait la mort ou l'esclavage pour ceux qui ne s'enfuyaient pas à temps, tout cela
terrorisait les habitants des régions envahies. Avec les milices chargées d'arrêter les barbares, ils s'enfermaient
dans les villes les plus proches, dans les châteaux avoisinants s'il y en avait ; ils grimpaient dans des lieux
inaccessibles, se cachaient dans les bois, sans même essayer d'opérer une résistance, et c'est cela qui frappe les
chroniqueurs, et qui nous frappe aussi quand nous lisons ce qu'ils ont écrit.
347
Lambert, p. 84.
348
Glanum, par exemple, près de St-Remy

62
institutions ne correspondaient plus aux mœurs et aux conditions économiques du temps, ils n’avaient
qu’en faire.

En réalité, favorisé ici par des facteurs économiques, retardé ailleurs par l’opposition d’un seigneur,
le mouvement communal s’est fait jour, au gré des circonstances, et ne s’est maintenu que lorsque
les conditions nécessaires à son existence se sont trouvées réunies. C’est ce qui explique qu’il ait pris
naissance au XIe siècle, qu’il se soit généralisé en France et particulièrement en Provence au cours du
XIIe et du XIIIe siècle pour ne s’achever que beaucoup plus tard349.

Un fait certain, c’est qu’il fut en rapport direct avec mouvement de renaissance économique; or les
vieilles [94] cités épiscopales furent des centres d’exploitation où venaient converger les produits des
domaines ecclésiastiques350: ce sont elles, justement, qui nous montrent les plus anciens exemples
d’une organisation autonome. Le consulat apparaît à Nice dès 1108, puis à Marseille; il s’établit à Arles
en 1131 et à la même époque à Avignon351. D’ailleurs, il n’atteint, le plus souvent, qu’une partie de la
ville, là où s’exerce le pouvoir du comte de Provence352, laissant de côté, à Marseille, les cités
épiscopale et abbatiale, et à Arles le vieux bourg relevant de l’archevêché.

C’était, du reste, l’esprit de l’église que d’être hostile aux communes et de les considérer comme des
organes révolutionnaires qu’il fallait combattre par tous les moyens, en agissant soit par la force, soit
par la menace des peines spirituelles. Elle réussit quelquefois, et il y eut des villes importantes et riches
où son hostilité ne permit pas l’établissement du régime communal353.

Les archevêques d’Arles paraissent avoir suivi une politique toute opposée en effet, Bernard collabora,
en 1131, à l’institution du consulat et son successeur, Raymond, en fit rédiger la charte. En réalité, ils
cherchaient un appui contre les ambitions dangereuses des comtes de Provence, et, en paraissant
accorder leur faveur au régime consulaire, ils espéraient l’utiliser à leur profit; mais s’ils avaient [95]
cru plus habile de transiger à Arles, ils entendaient bien que le mouvement ne gagnât pas les villes qui
relevaient directement d’eux, et, de toutes celles-ci, Salon était la plus importante. Ils mirent tout leur
soin à ce que les libertés municipales ne puissent pas s’y introduire.

Sans doute, dès la fin du XIIe siècle, des difficultés avaient surgi entre l’archevêque et ses vassaux de
Salon, une bulle d’innocent III de 1199 fait allusion à un procès, mais sans nous renseigner sur son
objet354. En 1216, le jour de Pâques, de graves désordres éclatèrent à Arles à l’occasion de l’élection
des consuls355; à Salon, nous n’en trouvons pas l’écho. En 1235, les troubles prennent l’allure d’une
véritable révolution.

349
Luchaire. Manuel, p. 431-3
350
Pirenne. Rev. Hist. t. LVII. 1895. p, 61-62.
351
de Séranon.
352
C’étaient également des quartiers, neufs, des bourgs commerçants qui s’étalent accolés aux murs de la cité,
où les marchands affluaient. (Pirenne op. cit).
353
Luchaire. Les communes françaises à l'époque des Capétiens directs. p. 246. Le mouvement d’émancipation
communale s’accompagnait d’une campagne anti-religieuse et même de violences à l’égard du clergé, en
particulier à Arles en 1235 et en 1249.
354
B.N. ms. fr. 24172. Mémoires des titres et documents des archives de l’archevêché d’Arles.
355
Anibert, t. II p. 143; de Séranon p. 58.

63
Jean Baussan356 présidait alors aux destinées de la métropole d’Arles, et entendait bien faire respecter
tous ses droits; c’est peut-être ce qui le rendit si impopulaire. Sans accepter à la lettre ce que le
troubadour B. d’Alamanon écrit de lui357, il est certain qu’il manqua des vertus qu’on a l’habitude
d’exiger d’un homme d’église; il se montra âpre dans la défense de ses intérêts matériels, imprudent
et passionné dans ses décisions et ardent à étendre ses prérogatives politiques358.

[96]

Bientôt sa situation à Arles devint précaire, les Arlésiens, en effet, s'étaient déclarés citoyens libres,
se donnant des statuts, et refusant de reconnaître toute autorité. L’archevêque, fuyant l’émeute, vint
se réfugier à Salon, derrière les solides murailles de son château; il convoqua, un synode et lança
l'excommunication contre les ennemis de son église359.

Jamais les esprits n’avaient été plus échauffés: les volontés, jusque là éparses, se groupaient et, sous
le nom de confréries360, de véritables associations politiques étendaient leurs ramifications dans les
diverses villes, réunissant tous les chefs de famille et ayant à leur tête des bailes. Ces confréries avaient
joué un rôle prépondérant dans toutes les émeutes et les archevêques les avaient plusieurs fois
interdites par la voix des conciles361.

Or il existait une confrérie à Salon et elle possédait même une maison362: il ne s’agissait donc pas
seulement d’un lieu plus ou moins vague unissant quelques fidèles en vue de certaines pratiques
religieuses, mais d’une association possédant un local déterminé, tenant des assemblées régulières,
et fatalement destinée à s’occuper des affaires générales et des intérêts communs.

[97]

356
Anibert t. III, p. 84-92. De son vrai nom Jean de Trebuccia; originaire de Marseille, il fut élu archevêque d’Arles
en 1233 et mourut le 24 novembre 1258.
[2020 voir article wikipedia sur Jean Baussan; “A Etienne avait succédé, en 1223, Jean Baucian ou Baussan, que
le P. Isnard appelle, d'après des mémoires fort anciens, dit-il, Jean de Trebucia, et qu'il fait originaire de la ville
d'Aix, où il était chanoine de l'église métropolitaine de [...]” in Bulletin de l’Académie du Var]
357
Il le représente cruel, avare, cupide et débauché (v. en partie, sirventès n° III ds l’éd. de J. J. Salverda de Grave,
p. 18).
[2020: Gall. Christ. Nov. Arles n° 1126]
358
Nous reproduisons aux pièces justificatives (n* II) un acte qui éclaire un peu la figure de ce singulier prélat,
et ce n’est pas sous un jour favorable. Guillaume de Barjols s’étant rendu coupable de quelque délit, Jean
Baussan ordonna de de se saisir de lui Sans doute s’attendait-on à quelque violence, car le peuple de Salon
s’interposa et exigea de l'archevêque la promesse que Guillaume ne serait pas puni corporellement.
359
Anibert, t. III, p. 84-92. Le mouvement s’était rapidement propagé en Provence.
360
[2020: voir article wikipedia sur la Confrérie des Bailes et art. 90 des Statuts d’Arles “Item, statuimus et
ordinamus quod juramenta et emprenementa, vel vota seu confratrie vel conspirationes non fiant in tota villa
nec in tenemento Arelatis vel alicubi per Arelatem, vel in districtu Arelatis et si fiant nullius sint momenti.”
Voir également Arles sous le gouvernement des podestats, 1220, 1235.
361
(Lefas, p. 216, en note). A Digne, en 1291, 3 confréries composées de 100 chefs de famille avaient chacune à
leur tête 6 prieurs. (Guichard, preuve n° XXXIII).
362
v. pièce justificative n° III. “confrontat ab una parte cum ambaris et ex alia parte cum domo confrarie [...] “.
Cette confrérie dont nous ne trouvons des traces qu’au point de vue topographique avait donné son nom à un
quartier de Salon. La liève des censes de 1304 signale plusieurs propriétés situées “in confratria”

64
A ce moment, la ville de Salon n’était pas encore assez importante pour se donner, de sa propre
autorité, un régime autonome, ni pour obtenir de l’archevêque l’octroi de privilèges politiques; elle
subissait seulement le contre-coup des révolutions qui secouaient la république d’Arles. Les rapports
étaient trop étroits entre les deux villes pour que les événements qui agitaient l’une ne vinssent pas
influencer l’autre. Faut-il supposer que dès cette époque, les habitants, impatients de s’affranchir du
joug seigneurial, n’attendaient qu’une occasion pour se rendre indépendants? nous ne le pensons pas,
d’abord parce que de telles prétentions, si elles s’étaient manifestées ouvertement, auraient laissé
quelques traces, et surtout parce que l'administration, seigneuriale, sage et bien ordonnée, suffisait
aux besoins d’une population avant tout agricole, plus préoccupée d’avantages économiques que de
privilèges politiques.

Au milieu des compétitions qui s’élevaient entre le comte de Toulouse et Raymond Bérenger pour la
suprématie eri Provence, les Salonais jugeaient plus sage et plus profitable. de garder la neutralité.
Raymond Bérenger avait fait un effort sérieux pour les mettre sous sa dépendance; nous avons vu
qu’il cherchait à capter leurs bonnes grâces par l’exemption de nombreux péages363; en décembre
1241 il fit même un séjour à Salon364. Mais aux Salonais, la protection de l’empereur, même
excommunié365 paraissait une garantie de sécurité plus grande que celle d’un prince voisin trop
ambitieux, aussi exigèrent-ils que Jean Baussan [98] déclarât solennellement ne jamais aliéner le
château de Salon. C'est ce que l'archevêque fit, le 29 novembre 1241, à Salon, dans un parlement
public convoqué dans l’église Saint-Michel366.

Ainsi, en dépit des convoitises dont elle était l’objet, malgré les fréquents changements de dynastie
en Provence, la ville de Salon gardait une situation tout à fait indépendante et jouissait d'un régime
spécial: elle ne relevait à aucun titre du comté de Provence, mais seulement de l’Empire367, et faisait
partie de ce qu’on est convenu d’appeler les Terres adjacentes368.

363
v. plus haut p. [72]
364
17 déc. 1241. Accord avec la République de Gênes, passé dans l'église Saint Michel (Archivio di Stato di
Genova, Materie Politiche, sup. 18 A). Renseignement communiqué par M. F. Benoit qui publie sur le règne de
R. B. un travail important.
365
Frédéric fut excommunié en 1239.
366
“Promittinius universo populo castri Sallonis presenti quod nos, nullis unquam temporibus, sustinebimus nec
permittimus ullatenus quod castrum Sallonis et segnoria ejusdem castri separetur vel transferatur vel removeatur
de potestate nostra et ecclesia Arelatensi, et tradatur vel perveniat in potestatem alterius cujuscumque persene
vel quarumcumque aliarum personarum, excausa permutacionis vel alia quacumque causa vel occasione, et
mallemus quod dictus populus permittit nos interfici quam hoc [...] “ (Gallia Christiana Vetus, t. I, p. 58-9 [2020:
accessible ici sur Google-Books; également sur la Novissima en n° 1067, avec seulement l’introduction, et
mention de la Vetus accessible ici sur Internet Archive])
367
Les rois de France, eux-mêmes, reconnaissaient cette situation comme le montrent des lettres patentes de
Jean le Bon, du 7 juin 1351, exemptant les sujets de l’archevêque, des tailles levées sur les habitants des comtés
de Provence et de Forcalquier, attendu que ces sujets relèvent seulement du pape et de l’empire: “solum modo
tenentur a Romana ecclesia et imperio”. (Chartrier de Salon, n° 74).
368
On désignait ainsi certaines villes et leur terroir qui n’avaient aucune part à l’administration du “Pays et comté
de Provence'', acquittant séparément leurs tributs, mais supportant les charges d’utilité publique (Méry t. IV, p.
92). Elles formaient au XIIIe s. 3 groupes dont le premier comprenait; Arles, les Baux. Salon, Marseille et leur
terroir (de Monteyer, p. 29, en note).

65
Leur origine est l'objet de grandes controverses parmi les historiens et nous ne pouvons passer sans
en dire quelques mots.

Bouche369 pose le problème sans le résoudre. D'autres ont pensé qu’il fallait remonter au règne de
Rodolphe III, roi de Bourgogne, mort sans héritier (5 ou 6 septembre 1032); [99] que son indolence
aurait permis à quelques grands vassaux de se déclarer indépendants370.

Pour M. de Manteyer l’explication de l'anomalie constituent les terres adjacentes dont remonter à la
séparation de la Provence en Provence bourguignonne et Provence austrasienne, c’est-à-dire au
temps de Gontran371. Les Baux, Salon, Arles, étaient désormais séparés du reste de la Provence
bourguignonne et leur terroir se trouvait par à elle, terre adjacente372.

Si nous osions à notre tour donner notre avis, nous ferions d’abord remarquer que l'expression même
de terre adjacente a servi à égarer les auteurs. C’est un mot commode et qui fait image, mais il est.
relativement moderne et sert à englober toutes les terres jouissant d’un régime particulier. Dans les
textes anciens, ces terres sont dites impériales “terre impériales, que se dicunt imperii”.

En second lieu, nous pensons qu’il est difficile d’admettre pour toutes ces terres une origine
commune. Il faudrait étudier avec soin chacune des villes qui en font partie et tirer ensuite les
conclusions générales373.

En ce qui concerne Salon seulement, qui n’existait d’ailleurs pas encore au moment du partage en
Provence austrasienne et Provence bourguignonne, son régime s’explique suffisamment par la
donation primitive faite par Boson à l’église d’Arles et confirmée par Louis-l’Aveugle.

[100]

Les empereurs, héritiers des droits des rois de Bourgogne transjurane et fort attachés à l’idée de
restaurer à leur profit l’ancien royaume d’Arles, considérèrent Salon et son terroir comme un point
d’appui indispensable à leur influence en Provence. Pour être sûrs de le conserver, ils en interdirent

369
t. I, p. 355.
370
v. Gimon, p. 106-107.
371
2020: Depuis le partage du Royaume entre les fils de Clotaire en 561, la Province d'Arles est dans son
ensemble rattachée au royaume de Gontran, c'est-à-dire à la Bourgogne, selon une solidarité naturelle. Mais en
raison de l'importance de la fenêtre méditerranéenne, les rois d'Austrasie ont obtenu un corridor appelé
Corridor austrasien qui partant de leur territoire Auvergnat passe par Avignon et aboutit à Marseille. Ce corridor
enclave la cité d'Arles et ses territoires
372
Georges de Manteyer. La Provence du premier au douzième siècle. Études d'histoire et de géographie
politique. Paris, Picard, 1908. p. 29
373
M. Raimbault, que nous remercions de son utile renseignement, nous dit ne pas l’avoir rencontré avant le
règne de Charles d’Anjou.
Orpheline: Nous trouvons la même idée exprimée par M. R. Bousquet dans l’introduction de: Les archives
communales [...]

66
formellement l'aliénation aux archevêques, et ceux-ci, de leur côté, se gardaient bien d’y partager
avec qui que ce soit l'exercice de leurs droits souverains374.

Les conflits avec l’archevêque J. Baussan

Jean Baussan était détesté de ses sujets, en particulier de ceux de Salon. Ceux-ci, voulant mettre un
terme aux procès qui, depuis longtemps, étaient entamés contre lui, avaient songé à recourir à
l’empereur, leur protecteur naturel, mais le siège impérial était vacant; de son côté, le pape était
animé des meilleures intentions à l'égard de l’archevêque, et il avait confirmé ses biens et ses droits
pendant la vacance de l’empire romain375. La communauté de Salon décida, alors d’envoyer des
procureurs à Beaucaire pour s’y rencontrer avec les délégués du pape et traiter d’un accommodement
possible avec l’archevêque376. L’accord eut lieu peu de temps après, car Jean Baussan promit de
n’occasionner aucun dommage à ses sujets, tout en reportant sur eux tous les torts377.

[101]

Il est probable qu’il ne tint pas ses engagements, car presque aussitôt, les prêtres de Salon en
appelaient de nouveau au Pape au sujet de plusieurs ordonnances faites à leur préjudice et à celui de
toute la communauté378. Aussi, les Salonais, sentant qu’ils ne pouvaient plus trouver de justice auprès
de leur seigneur, prirent-ils en 1249 l’engagement de s’adresser au Pape toutes les fois qu’ils auraient
quelque différend avec l'archevêque379.

A ce moment, des désordres éclatent à Arles avec une violence inouïe; se traduisant, comme en 1235,
par une vive hostilité contre le clergé. Les ecclésiastiques étaient menacés, dépouillés, massacrés
même au pied de l’autel; la situation de l’archevêque devenait intolérable, il tombe malade: on interdit

374
Lorsque, le 18 août 1162, l’empereur Frédéric Ier cède le comté de Provence à Raymond, comte de Barcelone,
il ajoute “excepto eo quod archiepiscopatus et ecclesia Arelatensis habet vel habuit a centum annis retro in
eadem civitate” (Gallia Christiana novissima Arles, n° 602, [2020: accessible ici sur Internet Archive]). “Civitas”
est certainement pris ici dans le sens de diocèse et rien ne montre mieux l’intention de considérer le temporel
des évêques d’Arles comme un fief impérial.
375
1246, 12 Mars (Livre noir, f° 64) ainsi que beaucoup d’autres bulles confimant les privilèges de l'archevêque.
376
1247, 12 janvier (Chartrier de Salon, n° 2).
377
“Nos J. Dei gracia sa nia Arelatensis ecclesie archiepiscopus bona fide et sine dolo promittimus vobis venerabili
in Chisto fratri R. eadem gracia monasterii Montis Majoris abbati, presenti et stipulante et nomine domini Pape
recipienti, quod nos non faciemus nec procurabimus quod malum eveniat per nos nec ex parte nostra
Cellonensibus pro dampnis nobis ab eisdem datis, eo quod domno Pape obediverunt. Promittentes etiam bona
fide vobis dicto R. dicti monasterii abbati ordinacionem super nos et Cellonenses et factum ipsius castri Cellonis
factam per dominum Papam vel per dominum Albanensem tenere, complere et observare et in contrarium
aliquatenus non venire. Acta fuerunt hec in aula dicti domini archiepiscopi in presencia et sub testimonio tocius
ecclesie Arelatensis”. (Chartrier de Salon, n" 3. Traces de sceau plaqué de cire rouge).
378
“Hiis et quibusdam aliis gravaminibus suo loco et tempore proponendis moti sunt [...]” (Chartrier de Salon, n°
348).
379
Rubrique de l’Archevêché d'Arles. Inventaire A, f° 40. Cet acte est très important, car dès ce jour, les Salonais
ne manqueront pas de s’adresser au Saint-Siège toutes les fois qu'ils y verront leur avantage.

67
à son médecin et à son chirurgien de lui rendre visite, on va même jusqu’à défendre à son barbier
d’aller lui faire la barbe!

Pons Gaillard380, à la tête des insurgés, pénètre dans le palais épiscopal et ordonne à Jean Baussan
d’en sortir, puis, changeant d’avis, il l’autorise à rester, mais gardé à vue par deux hommes qui
l’empêcheront de communiquer [102] avec les Français “francigenæ” et les ennemis de la commune.
Jean Baussan demande alors d’avertir ses amis de venir le chercher et de l'accompagner jusqu’à
Marseille381; l'autorisation lui est refusée et il décide de quitter la ville382.

Le mouvement révolutionnaire s'étendit à Salon où régnait déjà une vive hostilité à l’égard de
l’archevêque. Pons Gaillard y avait-il des partisans ou vint-il lui même soulever ses concitoyens, le fait
est que toutes les archives, tous les privilèges de l’archevêque furent brûlés383.

Cette fois, les Salonais avaient outrepassé leurs droits; le pape pesa de toute son autorité pour faire
cesser la révolte et pour faire rentrer les habitants dans l’obédience de l’archevêque384. D’ailleurs
Salon n’avait plus aucune raison de lutter; Arles, après avoir longtemps résisté aux efforts de Charles
d’Anjou, venait de se soumettre, et la paix avait été signée à Tarascon le 30 avril 1251385; Avignon
l’avait imitée peu de temps après 386; seule Marseille résistait encore. Charles d’Anjou comptait bien
réduire cette ville comme les autres, mais il jugea, bon, pour ne pas faire traîner la campagne en
longueur, de s’assurer toutes les alliances et [103] toutes les ressources possible. Jean Baussan
s’engagea volontiers à le secourir à l’aide du château de Salon, en stipulant, toutefois, que le comte
entretiendrait à ses frais les cavaliers qui le suivraient dans son expédition387. L’archevêque était
heureux de lui montrer son dévouement388, mais il s’agissait d’obtenir le consentement des intéressés

380
Pons Gaillard, de Salon, est déjà mêlé aux troubles de 1235 (Voy. Séranon).
381
Peut-être songeait-il à se réfugier à Salon?
382
Livre d'Or, n° 207. Gallia Christiana novissima Arles, 432, [2020: il faut lire 1132; accessible ici sur Internet
Archive]
383
C‘est ce qui résulte d’une enquête par tourbe faite le 29 Novembre 1275 pour suppléer à la perte d’un titre
accordant aux habitants le droit de chasse. Les faits qui y sont rapportés remontent à 30 ans environ: “Item dixit
se credere et credit certissime quod instrumentum dicte sentencie fuit combustum illo tempore quo combusta
fuerunt instrumenta et privilegia Arelatensis ecclesie infra castrum Sallonis”. (Archives Municipales de Salon, AA
i, original) v. Gimon, p. 49-50. [2020: L'enquête par turbe (du latin turba “foule”) est un ancien mode de preuve
en justice utilisé notamment dans le Nord de la France au Moyen Âge. Il consiste à un groupe de personnes, des
juristes spécialisés dans le droit coutumier, de s'exprimer à l'unanimité qu'une coutume alléguée existe bel et
bien dans tel lieu.]
384
Bulle du 20 juillet 1251 adressée à l’abbé de Montmajour. “Volunius et mandamus quatinus castrum Sallonis
.. cum omnibus juribus et pertinentiis suis venerabili fratri nostro [...] Arelatensi archiepiscopo restituere sine
dilacione procures”. (Chartrier de Salon, n° 4).
385
Saxi, p. 275 - Anibert, t. III, ch, 14.
386
Séranon, p. 120,
387
“Quod omnes et singuli, cum armis et sine armis juvabunt vos, et bailivos vestros, infra comitatum Provincie
contra omnes personas, excepto quam contra ecclesiam, ut de vobis diximus; ilia tamen quod si contingeret
homines memorati castri nostri exire territorium dicti castri, pro vestro auxilio, hominibus qui ibunt in equis,
teneamini ad expensas, aliis vero minime teneamini [...] “ (Arch. dép. des B.-dn-Rh., B 346 - Papon, Preuves de
l'Histoire de Provence, t. II, p. 86 - Gallia Christiana novissima Arles,, n° 1154, [2020: accessible ici sur Internet
Archive]. v. Sternfeld, p. 73.
388
“Predicta vero facimus pro utilitate ecclesie, et ad amovendam omnem suspicionem quam contra personam
nostram, forsan ex causis, vel potius occasionibus aliquibus, concepistis [...]”

68
et, sachant bien que ce ne serait pas sans difficultés, il demanda d’abord au comte de confirmer
l’accord qui serait passé entre les Salonais et lui389. II importait en effet de liquider les vieilles querelles
qui subsistaient toujours390: les deux parties, c’est-à-dire, Jean Baussan et la communauté, choisirent,
pour arbitres, Bertrand Baussan de la cour de Marseille, frère de l’archevêque et Hugues Staque de
Salon: l’accord fut conclu en parlement public le 5 août 1251391.

Le 8 août enfin, les Salonais ratifièrent les conventions passées entre l’archevêque et Charles d’Anjou,
mais sous [104] une apparence de parfaite soumission, ils entendaient bien conserver, à l’égard du
comte de Provence, leur complète indépendance et continuer à jouir d’une paisible neutralité392.

Nous ne savons pas si les Salonais participèrent au siège de Marseille, mais le 25 juillet 1252, la ville
capitulait et la Provence était complètement pacifiée.

Salon, qui avait pu échapper aux dangers de la guerre, n’était pas affranchi, par contre, des difficultés
intérieures. Nous devons vraiment croire que Jean Baussan était un maître intraitable, car ses sujets
ne cessent d’avoir de violents conflits avec lui ou ses officiers.

Les esprits ne tardèrent pas, cependant, à se calmer: les habitants reconnurent qu’au point de vue
fiscal au moins, ils avaient causé de graves préjudices à l’archevêque, et, désireux de faire la paix avec
lui, ils lui déléguèrent six procureurs avec pleins pouvoirs pour traiter à l’amiable 393et lui offrir 7 mille
setters de froment et 7 mille sous tournois en dommages et intérêts.

[105]

389
St-Rémy, 3 Août 1231 - (Arch. dép. des B.-du-Rh., B 345 - Gimon, p. 37-47 avec de nombreuses fautes - Gallia
Christiana novissima Arles, n° 1155, [2020: accessible ici sur Internet Archive]).
390
“Super omnibus controversiis et demandis et rancuris” (Chartrier de Salon, n° 5 et 6).
391
“Cum dominis J. Dei gracia Areletensis ecclesie archiepiscopus misisset dominum Bertrandum prepositum
Areletensem apud Sallonem ad recipiendum sacramentum fidelitatis ab hominibus dicti castri, in parlamento
congregato in palatio domini archiepiscopi, in Castro Sallonis, et dominus K. Andegaviæ et Provincie comes
misisset dominum Girardum de Sarc. militem apud Sallonem causa videndi juramentum prestandum ab
hominibus dicti castri, pro observatione pactorum initorum inter predictum dominum comitem et dominum
archiepiscopum supradictum” (Arch. dep. des B.-du-Rh-, B 346) (Gallia Christiana novissima Arles,n°456 [2020:
il faut lire 1156; accessible ici sur Internet Archive])
392
II faut remarquer qu’il ne s’agit nullement d’un serment de fidélité des habitants de Salon au Comte de
Provence, comme le dit Albanès (Gallia Christiana novissima Arles,, 466 [2020: il faut lire 1156; accessible ici sur
Internet Archive]). Les habitants jurent simplement d’observer l’accord passé entre l’archevêque et le comte;
c’est le prévôt du chapitre, délégué par l’archevêque qui reçoit le serment; le délégué du comte n’est là que
pour s’assurer que les conditions en sont loyalement exécutées “causa videndi” - Il est bien certain que, si le
serment avait été prêté au Comte, c’est son délégué qui l’aurait reçu.
393
“Graciam suam reddere omnibus et singulis dicte universitatis, finem perpetuam facere de omnibus dampnis
datis et injuriis illatis dicto domino archiepiscopo et ecclesie Arelatensi a dicta universitate.,. quod ipsi si plus non
poterunt cum eodem domino archiepiscopo obtinere, eidem possint nomine predictorum congregatorum [...]
dare et offere VII milia sextariorum annone et VII milia solidorum turonensium” (Chartrier de Salon, n° 7 - 18
mars 1255).
Les préliminaires de cet accord sont du Ier Avril 1254 (Rubrique de l’archevêché,, Inventaire A, f° 40 v°).

69
Une indemnité aussi considérable représentait certainement, en grande partie, la valeur des dîmes
qui n’avaient pas été payées pendant la période d’insurrection394. Cette offre lut accueillie avec joie
par l'archevêque qui était, fort attaché à ses intérêts et dont la situation financière395 était lourdement
obérée; pendant les dernières années de son existence agitée, il vécut en bons rapports avec ses
sujets.

L'Apogée de Salon

Jean Baussan, surtout soucieux de ses intérêts personnels, s’était laissé gagner à l’influence française
et avait abandonné la politique traditionnelle de ses prédécesseurs. Sa conduite, d'ailleurs, était assez
naturelle, car l’influence de Charles d’Anjou ne faisait que grandir tandis que l’autorité impériale sur
le royaume d’Arles n’était plus qu’illusoire.

Ses successeurs montrèrent un plus grand souci d’indépendance; ils mirent tous leurs efforts à enrichir
et à agrandir leur domaine396. Ses habitants reçurent de nombreux privilèges397 et firent établir avec
soin ceux dont la tourmente révolutionnaire avait détruit les titres398. Ce sont là [106] d'infimes détails
mais dont les effets furent plus considérables pour notre pays que les alliances compliquées ou les
subtiles combinaisons de la politique.

Grâce à ce souci de bonne administration, Salon ne tarda pas à jouir d’une prospérité remarquable399.

Les archevêques ne se laissaient pas absorber par les soucis matériels, ils ne négligeaient aucune
occasion d’affirmer leur autorité ni de veiller à l’intégrité de leurs droits, en évitant surtout que le
comte de Provence ou quelques-uns de ses officiers n’empiétât sur l’exercice de leur juridiction. Rien
ne le montre mieux qu’un long procès que Bernard de Languissel, archevêque d’Arles, soutint pendant
deux ans au sujet d’une expédition armée, faite par ses hommes et à son instigation, sur les terres de
Lamanon400. Bernard finit par obtenir gain de cause et son droit fut officiellement reconnu par le
comte de Provence401; mais il n’avait pas attendu la décision du souverain pour agir contre les officiers
qui avaient usurpé quelques-uns de ses droits. Cette fois, il ne s’agissait pas seulement d’abus de

394
A rapprocher du compromis passé le 5 oct. 1257 entre l’archevêque et les syndics de la ville d’Arles au sujet
du paiement des dîmes. Les syndics offrent de payer 400 livres pour les torts causés à l’archevêque (Gallia
Christiana novissima Arles, 1187). [2020: accessible ici sur Internet Archive]
395
Il était si endetté qu’il avait dû aliéner une partie de son temporel, et il avait encouru, à cette occasion, les
censures ecclésiastiques. (Bulle d’innocent IV du 19 juillet 1253 (Livre noir, f° 138 v°).
396
Bernard de Ressen vend à l’archevêque Bertrand II tous les droits qu’il possède sur les terres situées dans le
terroir de Grans (Livre vert, f° 187 v°, acte du 26 Mars 1267).
397
Réglementation du droit de dépaissance en Crau pour les habitants de Salon, Grans et Miramas, du 31 Mars
1269 (Chartrier de Salon, n° 124).
398
V. plus haut, p. 36. Enquête pour savoir quels étaient les droits respectifs de la ville d’Arles et des localités
limitrophes sur les pâturages de la Crau (Cartulaire municipal d'Arles - Arch, dép. des B.-du-Rh., B 1069), f° 76 v°)
399
V. la 4° partie de ce travail.
400
Ce procès remplit un rouleau de 13 feuilles de parchemin qui a été fractionné pour former les n° 108-109-
111-112 et 113 du Chartrier de Salon - Pour ne pas alourdir notre récit, nous résumons en appendice, n° 1, cette
pièce intéressante à divers titres, entre autres pour l’histoire des mœurs et l’étude des formalités judiciaires,
401
Lettres patentes du 28 septembre 1279 (v. Appendice I).

70
juridiction, mais d’entraves apportées au développement commercial de Salon; l’intérêt que
l’archevêque portait à la prospérité de cette ville l’invita à se servir de l’arme la plus efficace dont il
pût disposer, il excommunia tous les officiers qui, par leurs ordonnances, empêchaient la tenue de la
foire annuelle de Saint-Laurent et du marché hebdomadaire de Salon402.

[107]

Ainsi, par tous les moyens, par ceux que leur donnait le pouvoir spirituel, comme par ceux qu’ils
puisaient dans leurs droits féodaux, les archevêques entendaient rester maîtres absolus à Salon.

Il est un prélat dont le nom, entre tous, reste attaché à l’histoire de Salon, c’est Rostang de Cabre403.
II laissa la réputation d’un homme juste et bon, mais il ne faut pas oublier qu’il était né404 à Grans et
qu’il lui était donc plus naturel qu’à quiconque de bien gouverner Salon. C’est à son instigation que
les anciens statuts furent refondus, corrigés et considérablement amplifiés405. Les habitants eux-
mêmes collaborèrent à la confection des nouveaux règlements, mais l’action personnelle du prélat,
tout imprégné d’un sentiment de justice et d'équité, apparaît en bien des endroits, principalement
dans le préambule406.

Salon atteignait, à la fin du XIIIe siècle l’apogée de sa prospérité; diverses causes, et surtout la sécurité
qui régnait en Provence, favorisaient le développement du commerce et de l’industrie ainsi que
l’enrichissement de la ville, mais il faut reconnaître aussi que l’action personnelle des archevêques ne
fut pas étrangère à ce résultat407.

Le successeur de Rostang, Pierre de Ferrières408, fut, lui aussi, un excellent administrateur.

La mauvaise gestion des finances avait toujours été, nous avons pu le constater maintes fois, le point
faible du [108] gouvernement des archevêques. Pierre comprit qu’il ne pouvait entreprendre la
moindre réforme avant de connaître l'état exact de ses revenus. Dans ce but, il fit exécuter un vaste
travail de recensement409: sur son ordre, le clavaire entreprit de relever, dans un registre, toutes les

402
Pièce justificative n° IV.
403
Archevêque d’Arles de 1286 à 1503. [2020: Numérotation fautive]
in Histoire générale de Provence, de l’abbé Jean-Pierre Papon: Rostang de Cabre (de Capra) né à Granz, dans le
diocèse d'Arles, fut successivement professeur en droit à Aix, chanoine d'Arles, & enfin archevêque de cette ville
en 1286. Son élection, peu canonique de la part du chapitre, déplut à Honorius IV, qui lui donna cependant le
pallium quelque tems après. Le pape Boniface VIII fit plus de cas de son mérite, & l’envoya en Espagne, en qualité
de vice-légat, avec Guillaume de Mandagot, archevêque d’Embrun; Rostang mourut en odeur de sainteté, le 22
août 1303, après avoir passé toute sa vie dans un exercice continuel de charité, de modestie & de piété. Il avoit
assemblé un concile à Lille en 1288, & bâti le château de Salon.
Voir biographie plus détaillée in La France pontificale (Gallia christiana)
404
2020: ce mot, vital pour la signification du passage, est absent sur notre édition.
405
8 Mai 1293 (pièce justif. n° V).
406
V. les chapitres consacrés à l’action du seigneur sur l’agriculture, le commerce et l’industrie.
407
Un dénombrement, des villes et châteaux de Provence datant du XIIIe siècle porte: “Item nobile castrum de
Sallone” Ce qualificatif n’est donné qu’à deux autres villes (Arch, dép. des B.-du Rh, B 2, f° 44).
408
1303 à 1307 [2020: voir article wikipedia sur Peire de Ferrières]
409
On trouve, aux n°s 32 et 40 du Chartrier de Salon, la reconnaissance de 850 possessions situées tant dans la
ville que dans le terroir de Salon, en date du 5 août 1304.

71
redevances, de quelque nature qu’elles fussent, que l’archevêque percevait à Salon et dans son
terroir410.

L’année suivante, le 24 juin 1305, il prit une décision dont les Salonais durent lui être très
reconnaissants, en renonçant au droit de pallium411. On nommait ainsi une redevance que le
métropolitain d’Arles recevait de ses sujets lorsque le pape lui envoyait le pallium. Elle était fixée, par
la coutume, à 5000 sous et c’était une charge fort lourde pour la communauté de Salon; pour peu que
le siège d’Arles changeât fréquemment de titulaire, elle devenait écrasante. Au surplus, cet impôt,
inégalement réparti, avait fait l’objet de graves discussions entre les habitants. Pierre II l’abolit, mais
le remplaça par une bladerie, c’est-à-dire une taxe permanente sur la vente du blé412.

Salon, pendant cette période de prospérité, n’est mêlé à aucun événement important; mais ceux qui
s’intéressaient [109] aux. destinées de la Provence ne négligeaient pas notre ville. L’empereur Henri
VII essayait de restaurer l’autorité impériale, qui depuis la mort de Frédéric II, n’avait fait que décroître
au point de n’être plus qu’un vain fantôme413; il ne manqua pas de confirmer, à l'archevêque d’Arles,
la possession de Salon414 qui formait assurément un de des plus beaux fiefs de l’empire en terre
française.

Les Grandes Compagnies

Les épreuves allaient bientôt accabler ce pays trop heureux et suspendre, pour longtemps, l’admirable
essor de notre ville. On aurait dit que les esprits pressentaient les troubles prochains; la discipline se
relâchait, les crimes se multiplaient. Il s’était même formé à Salon une sorte d’association de
malfaiteurs qui vivaient de rapines et de pillages, attaquaient les marchands sur les routes,

410
1304, 5 Août. Registre en parchemin de 48 f°s, Arch. dép. des B.-du-Rhône, Série G - Fonds de l’Archevêché
d’Arles, non coté, avec, pour titre: Livre des censes de 1304. “Cum in Castro Sallonis nullum reperiretur speciale
registrum de censibus qui serviuntur dicto domino archiepiscopo per diversa tempora anni in dicto Castro
Sallonis, ades ne dicti census valeant in posterum deperire Guillelmus Muratoris, clavarius Sallonis, pro utilitate
et conservatione jurium dicte sancte Areletensis ecclesie fecit fieri infrascriptum registrum ad eternam rei
memoriam prehabendam omnium et singulorum censuum qui solvi debent annuatim dicto domino archiepiscopo
in Castro Sallonis [...]”(f° I).
411
Pièce justificative n° VIII.
412
Nous reviendrons sur cette matière en traitant de l’organisation financière.
413
Notice sur les chartes impériales du royaume d'Arles.
414
Arch. dép. des B.-du-Rhône, B 2, f° 331. Cette pièce porte la date du 9 Juillet 1311. Une copie de 1544
collationnée sur l’original, conservée aux archives municipales de Salon (AA I) signale un diplôme de l’empereur
Henri VII, confirmant les privilèges accordés en 1144, par Conrad, en date du 7 Juillet 1312. Nous pensons qu’il
s’agit en réalité du même acte.

72
dévalisaient les boutiques et ne reculaient pas devant le meurtre415. Or, s’il y avait dans le nombre des
gens sans aveu416, il s’y trouvait aussi des marchands établis417.

[110]

Les Salonais qui, depuis une centaine d’années, vivaient en bonne, intelligence avec leurs maîtres, leur
suscitèrent bientôt des difficultés. Le pape intervint, comme toujours, dans ces circonstances, et il
était d’autant plus porté à le faire que, d'Avignon, il pouvait aisément suivre les débats. Il délégua un
cardinal pour examiner les. procès qui s'étaient élevés entre la communauté de Salon et les officiers
d’Etienne de la Garde418 en défendant à ce dernier d’intenter aucune action419 avant que les affaires
en cours ne fussent terminées. Les Salonais profitèrent de ce prétexte pour ne plus reconnaître
l’autorité de l’archevêque420 et pour essayer de se donner un gouvernement autonome. Etienne se
plaignit du grave préjudice fait à sa juridiction et le pape déclara que son intention formelle était que
l’archevêque d’Arles put jouir de la plénitude de ses droits comme auparavant.

Les Salonais, cherchant un appui, implorèrent l’assistance du cardinal d’Ostie, neveu du pape Innocent
IV, qui leur fit payer421 sa protection. Ils durent cependant faire leur soumission à l’archevêque dans
des conditions assez humiliantes, [111] le reconnaître comme leur souverain seigneur et renoncer à
jamais à tout droit de communauté422.

Désormais, les troubles politiques et les discussions intestines allaient s’effacer devant les périls
extérieurs. Par sa position géographique, notre province échappait aux horreurs de la guerre anglaise,
mais elle ne tarda pas à en subir le contre-coup. La trêve conclue à Bordeaux423, au lieu d’apporter la
tranquillité en France, fut au contraire la première cause des ravages inouïs qui désolèrent tout le
pays; les capitaines et les soldats licenciés se jetèrent dans la carrière: des aventures et firent la guerre

415
“Furta, latrocinia ac depredationes faciendo plurimas et frequentes in Castro predicto Sallonis tam de nocte
quam de die, societalem, licet a jure prohibitam, talem et congregationem facientes inter se in dicto Castro
Sallonis, concilium, tractatum et deliberationem inherunt et fecerunt de deprehendo, furando, agressando et
interficiendo mercatores et alios christianos et judeos quoscumque invenirent seu reperirent in locis sibi oportunis
exeuntes vel intrantes castrum Sallonis et alias villas et castra quecumque euntes vel redeuntes per itinera et
aliacloca [...] “ (de Gapo, not. étendu de 1350 - 1, f° 8).
416
“Quod ipsi sunt et fuerunt homines pauperes non habentes [lacune] officia nulla exercentes, sed tabernas et
lupanaria sequentes [...]” (id)
417
Hugon d’Apt, cordonnier; Béranger Gladi, apothicaire [...] (id).,
418
Archevêque de 1351 à 1361.
419
Au cours de ces procès, quelques habitants de Salon furent même emprisonnés à Avignon par l’Archevêque
et contraints de jurer qu’ils n’en appelleraient jamais au Saint Siège (Supplique insérée dans un acte du 17 juillet
1364. Arch. munic, de Salon . AA 1).
420
Gimon (p. 77) reproduisant un texte de Saxi (p. 316), dit que les Salonais auraient jeté dans un four ardent le
viguier de l’archevêque, quoiqu’il fût ecclésiastique. Si le fait est exact, il doit s’agir plutôt du vicaire général de
l’archevêque, le viguier étant toujours un laïc, et “vicarius“ désignant aussi bien l’un que l’autre.
Orpheline: 4 Bertrand de Colombier. Nota Pierre Bertrand de Colombier became bishop of Ostia in 1353
421
1354. La communauté de Salon s’engage à payer au cardinal d’Ostie, qui l’avait prise sous sa sauvegarde, la
somme de 100 florins tous les ans (Arch.. Mun. de Salon; Livre blanc, f° 304 v°) v. Gimon, p. 78 - cf. Michaud, t.
III, p. 259.
422
17 mai 1354. Voir plus loin les institutions municipales.
423
2020: La trêve de Bordeaux est signée le 23 mars 1357 pour une durée d'un an. Il s'agissait de la quatrième
trêve depuis le début de la guerre de Cent Ans

73
pour leur propre compte; c’est ainsi que les compagnies se répandirent partout au XIVe siècle424. Cette
vie aventureuse séduisit un prêtre425 de Salon que les historiens appellent Calagaspac, de son vrai nom
Guillaume Calagaspe426. II prit le commandement des troupes que Raymond II des Baux, comte
d’Avelin, levait à Aubagne et se mit à détrousser les voyageurs sur la route de Marseille427.

La Provence aurait peut-être pu échapper aux compagnies si les membres de la famille de Duras
n’avaient eu l’imprudence de les appeler à leur aide en s’adressant à l’Archiprêtre.

[112]

En août 1357, les bandes d'Arnaud de Cervole428 pénétrèrent en Provence en pillant les hameaux, les
villes, les terres d'église429.

A la fin d'octobre, Raymond des Baux, son frère Bertrand et le frère de l’Archiprêtre campent entre
Malemort, Lamanon, Pélissanne et Aurons, avec une troupe de 1500 cavaliers, dans l’intention de
venir attaquer Marseille430. Salon est directement menacé, car l’archiprêtre et ses alliés ravagent les
pays avoisinants, s’emparent des châteaux431 un moment tombés aux mains du comte d’Armagnac432,
et viennent même mettre le siège devant Aix. Salon, cette fois, échappe, mais ce n’est qu’un répit.

424
Denifle, t. II. p. 187.
[2020] Friedrich Heinrich Suso Denifle, né à Imst (Tyrol) le 16 janvier 1844 et mort à Munich le 10 juin 1905, est
un historien de l'Église et un dominicain allemand. Lecteur à Graz depuis 1870, il y devint professeur en 1876.
En 1880 il devint assistant général de l'ordre des Dominicains à Rome puis, en 1883, archiviste aux archives du
Vatican. L’ouvrage cité par Brun est probablement La Désolation des églises, monastères et hôpitaux en France
pendant la guerre de Cent ans.
425
Ce n'était pas un fait unique. Innocent VI, dans une lettre aux rois de France et d’Angleterre, constate ce fait
déplorable que des clercs et des prêtres se sont enrôlés dans des bandes d’aventuriers (Denifle, t. II, p. 187).
426
Il figure dans un acte du 29 Juillet 1351 pour réclamer sa part d’un héritage (de Gapo, not. ét. de 1350-51, f°
19). Calagaspe appartenait à une riche famille salonaise du XIVe siècle; une rue de Salon porte encore son nom.
427
Inventaire des Chartes de la maison des Baux, n° 1360. - Raymond des Baux appuyait Charles de Duras et
entraînait à sa suite la plupart des seigneurs; les villes, au contraire, s’étaient prononcées en général contre les
confédérés.
428
2020: Arnaud Regnaud de Cervole (vers 1320 - 1366) ou Regnault de Cervole ou Arnaud de Cervole ou Arnaud
de Servolle ou l'Archiprêtre ou l'Archiprêtre de Vélines, lieutenant général du roi en Berry et en Nivernais,
conseiller du duc de Bourgogne et chambellan du roi Charles V, est l’un des grands capitaines de la première
phase de la guerre de Cent Ans et le chef de l’une des redoutables grandes compagnies.
429
Denifle, t. II, p. 195.
430
Barthélemy, Histoire d'Aubagne, t. I, p. 121.
431
Cucuron, Lauris, Reillane, La Barben, Graveson, Eguilles, etc.
432
Jean Ier, comte d’Armagnac, après avoir conclu un traité avec Foulque d’Agout, sénéchal de Provence,
pénètre en Provence, mais il inspirait aux habitants la même crainte que l’Archiprêtre.

74
La signature du traité de Brétigny433 qui aurait dû procurer l’apaisement à la France devint, pour elle,
une source de malheurs. Les mercenaires congédiés434 s’organisèrent en compagnies comme ils
l’avaient fait en 1357 après la bataille de Bordeaux.
A la fin de l’année 1360, les bandes s’emparent de Pont-Saint-Esprit, à la grande terreur d’innocent
VI; cette terreur se répandit dans le pays.

A l’approche des brigands, toutes les villes entreprirent avec activité, des travaux de défense435. Salon
n’avait pas [113] attendu la dernière extrémité pour compléter son organisation défensive. Dès le
mois d’octobre 1360, le capitaine de Salon nomme des obriers pour diriger les travaux, et la ville,
pressée de trouver de l’argent pour couvrir les dépenses, emprunte à des communautés voisines436.
Ses murs sont réparés, les fossés creusés437, on construit un four à chaux438 pour fournir le mortier
nécessaire,

Vers la Noël, des bandes commencent à parcourir le pays en venant exercer leurs pillages jusqu’aux
portes de la ville, la ville. A plusieurs reprises, le héraut public parcourt en publiant que les habitants
des faubourgs doivent venir se réfugier à l’abri des remparts avec des vivres et tout ce qui leur est
nécessaire. Beaucoup de maisons qui encombraient les fossés et les abords des murailles sont
systématiquement détruites pour mieux assurer la défense de la ville439. Salon regorgeait déjà de
réfugiés: quelques-uns utilisent les matériaux de leur maison démolie pour en rebâtir une dans
l’intérieur de la ville440; d’autres demandent qu’on leur assigne un logement; des experts sont [114]
nommés pour visiter les maisons et fournir un abri à ceux qui n’en ont plus441.

433
8 mai 1360. [2020: Le traité de Brétigny, également connu sous le nom de traité de Calais, est conclu le 8 mai
1360, au château de Brétigny, un hameau de la commune de Sours près de Chartres, entre les plénipotentiaires
du roi Édouard III d'Angleterre et ceux de Charles, fils du roi Jean II de France.]
434
“Les gendarmes qui avaient esté au service du roy de France à la guerre contre les Anglais bien estonnez et
marris en leurs courages de voir la paix entre ces deux puissantes nations arrestée et conclue [...]” Nostradamus,
p. 411.
435
J. Duhamel. Une ligue au XIVe siècle. Episode du passage des Grandes Compagnies en Provence - Paris, 1880,
in-8°, p. 4.
436
1360, 20 octobre. En présence de l’archevêque et de noble seigneur Giraud de Penacors, capitaine de Salon,
maître Bernard Durant, notaire, Guillaume Chabert, marchand, et Jacques Raymond “nunc operarii operis
meniorum seu murorum dicti castri Sallonis“ reconnaissent avoir reçu de la ville de Pélissanne un prêt de 100
florins (J. Franchi, not. prot. de 1360). En revanche les habitants de Pélissanne pouvaient venir se réfugier à
Salon. [2020: menia = moenia du latin classique = remparts]
437
1361, 22 janvier. Le capitaine de Salon ordonne au prieur de Saint Jean de Brenas de payer “operarii
fossatorum” 24 sols pour une canne de fossé à laquelle il était taxé (J. Franchi, not. prot. de 1360).
[2020: La canne était également une unité de mesure provinciale, d'une longueur comparable à la toise. Elle ne
se divisa pas en six pieds comme cette dernière, mais en huit empans, puis en huit ou en neuf pouces.]
438
En mai 1361 il est en pleine activité (J. Roboardi, not. prot. de 1361; L’archevêque avait seul le droit d’autoriser
la construction des fours à chaux.
439
J. Duranti, not. prot. de 1361, f° 1.
440
Id;, passim (2020: les numérotations de cette page 113 sont particulièrement fautives]
441
Noble Guillaume de Soleriis, Hugues Chabert et Raymond Sanche, de Salon, “assignatores et taxatores
hospiciorum de infra menia castri Sallonis, assignavrerunt Johanni de Ispania, de Sallone, pro mansione sua,
quoddam solerium superium cujusdam hospicii Johannis Raymundi dicti castri Sallonis in quarteno Aralatensi” (J.
Roboardi. not. prot. de 1361, 10 Mai).

75
Il ne s’agissait encore que de quelques avant-gardes; le gros des forces avait été attaqué et cerné à
Pont-Saint-Esprit et avait traité avec le pape en mars 1361: les aventuriers s’étaient engagés à passer
en Italie442.

Bientôt une troupe d'Espagnols paraît sur les bords de la Durance et menace d’envahir la Basse-
Provence443. Les cultivateurs se hâtent de rentrer les récoltes444; les travaux de fortification sont
poussés avec activité: on achète des machines de guerre, des guetteurs ne cessent pas, le jour comme
la nuit, de surveiller la campagne environnante445.

Toutes ces précautions restèrent insuffisantes, et Salon fut occupé par les grandes compagnies. La
prise de Salon doit se placer dans les derniers mois de 1361 ou tout au [115] début de 1362; elle est
formellement attestée par Villani446 et par une lettre du pape postérieure de quelques années447.

Les grandes compagnies s’éloignèrent enfin et la ville de Salon put espérer profiter de cette accalmie
pour relever ses ruines.

Salon tente de s’affranchir du joug seigneurial

L’archevêque qui siégeait alors à Arles, Guillaume de la Garde448, était, comme son prédécesseur et
oncle Etienne de la Garde, animé des plus mauvaises dispositions à l’égard des Salonais449. Ses
officiers, sur son ordre, ou tout au moins avec son consentement, ne cessaient de molester les
habitants; à l’occasion de la guerre, ils s’étaient fait remettre de grosses quantités de blé, de vin et

442
“Toutefois, le pape fit tant depuis, que le marquis de Montferrat les charria en Lombardie à la guerre qu’il
menait contre le duc de Milan.” (Nostradamus, p. 41).
443
1361, 23 juillet. - Guillaume des Pennes, procureur du Chapitre d’Arles (pendant la vacance du siège
épiscopal) commande à Rostang Ysoard, acquéreur de la dîme du blé pour l’année présente, de mettre la plus
grande diligence à rentrer les gerbes à l’abri des remparts de Salon “propter timorem inimicorum dictorum
Spanholorum qui sunt, ut dicitur, circa Durenciam et qui minantur, ut dicitur, venire in Provinciam [...]” (J.
Roboardi, not. prot de 1361) - Ces Espagnols, à la solde d’Arnoul d’Andrehem, maréchal de France, se
conduisirent comme de vrais pillards (Denifle, t. II, p. 408). [2020]: Arnoul, sire d’Audrehem encore nommé
Arnould d'Audeneham, Arnoul d'Oudeneham, de denehan, d'Andreghem, est né entre 1302 et 1307 et mort en
1370. Il est maréchal de France de 1351 à 1368 et porte-oriflamme de France, de 1368 à 1370.
444
Rostang Ysoard ne peut pas aller plus vite à rentrer ses grains, parce que “animalia alia de Sallone sunt cara
et requisita per totas gentes de Sallone” (v. note Noble Guillaume de Soleriis).
445
Pièce justificative n° XV. XV - Levée d’une taille et nomination de collecteurs
446
“E cominciarono a correre il paese, e guastarlo, e a uccidere, e a predare in ogni parte. E presono Salona
buona terra e piena d’ogni bene, e poi andarono infino a San Massimino, e anco il presono, e più altre castella”
(Istorie di Matteo Villani, cap. 87, Rep. Ital. Scriptores. Milan, 1729, in f°; t. XIV, col. 456-7).
[2020: accessible ici sur Google-Books]
447
Pièce justificative n° XVIII. XVIII - Bulle du pape Urbain V
448
1361 à 1374. [2020: Guillaume de la Garde (av. 1325 – 1374). Chancelier de l'église de Beauvais, diacre,
notaire du pape, évêque de Périgueux (1348-1349), archevêque de Brague au Portugal (1349-1361), archevêque
d’Arles (1361-1374) et patriarche de Jérusalem (1369-1374)].
449
Nostradamus (p. 421) et Gimon (p. 80) lui ont appliqué les sirventés de B, d’AIamanon qui s’adressent en
réalité à Jean Baussan (v. plus haut p. [95]).

76
d’importantes sommes d’argent qu’ils n’avaient jamais songé à restituer450; de plus, ils prétendaient
lever des tailles à leur guise sur des gens déjà accablés d’impôts451.

Les Salonais auraient bien voulu en appeler au pape, mais ils étaient liés par la promesse qu’Etienne
de la Garde leur avait arrachée de ne jamais y recourir452. Vu les circonstances,, ils auraient pu la
considérer comme nulle, mais la puissance de l’archevêque leur en imposait ainsi que la crainte des
représailles453.

La situation devenant intolérable, [116] ils s'adressèrent, au pape en le suppliant d’intervenir. Aussitôt
Urbain V454 prend sous sa sauvegarde leurs personnes et leurs biens. Forts de cette protection, ils
osent se plaindre ouvertement de l’archevêque et de ses officiers et le pape, désireux de leur donner
satisfaction, assigne les officiers de l’archevêque à comparaître devant le commissaire apostolique455.

En attendant, les habitants refusaient de payer la dîme, malgré les menaces d’excommunication, ils
ne reconnaissaient plus aucune autorité aux officiers de l’archevêque et s’administraient eux-mêmes.
Dès qu’une difficulté surgissait, ils se retranchaient derrière la sauvegarde du pape, et les appels se
succédaient fréquents devant la Chambre apostolique456.

L’archevêque se vengeait en redoublant de mauvais traitements à l’égard de ses sujets révoltés457.


Ceux-ci [117] n’avaient pas manqué non plus de recourir à leur autre protecteur naturel, l’empereur.
Ce titre n’était pas seulement pont eux le reflet d une vague puissance; Charles IV venait de se faire
couronner roi d’Arles par Guillaume de la Garde. Par un diplôme solennel, le 28 juin 1365, il confirma

450
Arch. municip. de Salon: AA 1.
451
Livre blanc, f° 300.
452
V. p. [47] et [180].
453
“De quibus [...] dicta universitas [...] non voluit conqueri obstantibus pactis predictis et eciam minis per dictum
reverendum dominum archiepiscopum et ejus officiarios in ipsam universitatem illatis [...]”
454
2020: Guillaume Grimoard (né en 1310 à Grizac, Lozère et mort en 1370 à Avignon) devint le sixième pape à
Avignon et le 200e pape de l’Église catholique sous le nom d’Urbain V (1362-1370) [...] Urbain V est le seul des
pontifes avignonnais à avoir été porté sur les autels avec le titre de bienheureux. Béatifié en 1870, sous Pie IX, il
est fêté par l'Église catholique le 19 décembre.
455
1364, 17 juillet. La citation est faite individuellement sauf pour le clavaire qui refuse obstinément de laisser
ouvrir la porte du château: “eodem die accederunt ante primam portam ejusdem castri seu fortalicii, videlicet
supranominat cursores et servientes, et ad dictam portam quam clausam reperierunt, pluries tascuerunt seu
pulsaverunt et pecierunt dominum Johannem de Chaymaraco [...] vice efficialem et clavarium [...] quibus per
Julianum de Chastaneto, porterium dicti fortalicii fuit responsum quod ipse dominus vice officialis et clavarius
non erat infra fortalicium predictum. Qui quidem cursores et servientes videntes quod presencam ejusdem domini
[...] clavarii habere non poterant nec ad eumdem introitum habere, cum per aliquos fidedignos, ut dicebant,
eisdem relatum extitisset, quod idem dominus.,. clavarius erat infra fortalicium [...]” (arch. mun, de Salon AA 1).
456
1365. 8 Août (Livre blanc: f° 301) - 1365, 16 Août (arch. mun. de Salon: CC 2, original).
457
“Significant S. V. universitas et homines ac persone singulares castri Sallonis Arelatensis diocesis quod cum
vicarii generales, judices et alii officiales ecclesiastici et seculares terrarum domini Arelatensis archiepiscopi et
ejus ecclesie subjectarum, nonnullas citaciones penales, oppressiones et illicitas condempnaciones, et si que
licete, alias essent nimium excessive, et multas alias novitates, extorciones et gravamina intulerint et cotidie
inferre non cessant, in ipsos universitatem et homines [...] fatigando eos multiplicibus laboribus, carceribus
dislurbiis et expensis, ad finem ut causas super quibus lis pendet inter dominum archiepiscopum et ipsos in
palacio apostolico [...] dimittant indiscussas [...]“ Supplique présentée au pape le 24 décembre 1365; insérée
dans un acte du 30 octobre 1368 (Arch. mun. de Salon: AA 1, long rouleau de parchemin de 8 peaux).

77
tous les privilèges, les droits et les franchises de la ville de Salon, en assurant les habitants de sa
sollicitude toute spéciale458.

Ce devait être un des derniers actes du souverain en faveur de ce prétendu royaume d’Arles qu’il avait
espéré un moment restaurer.

De nouveaux dangers menaçaient la ville de Salon: Louis d’Anjou459 était entré en Provence; le 11 avril
1367, il vint mettre le siège devant Arles avec Bertrand du Guesclin460. Les bruits de guerre circulaient
dans la région461; chacun avait encore présente, à la mémoire, l’occupation de la ville par les grandes
compagnies et craignait de voir se renouveler ce désastre; aussi les travaux de défense qui avaient été
interrompus furent-ils repris et poussés [118] avec une grande activité. L’effort porta, surtout du côté
des nouveaux quartiers qui furent fortifiés avec soin462.

Une fois encore, les événements politiques allaient avoir une influence sur la constitution
administrative de notre ville: Guillaume de la Garde venait d’être accusé de trahison et de crime
politique pour ses agissements, avec Louis d’Anjou. Raymond d’Agout463, sénéchal de Provence, avait
donné l'ordre à Luquet de Girardières de mettre la main royale sur le temporel de l’archevêque464 et
de dresser l’inventaire de ses redevances et de ses biens465.

De ce fait, le long procès qui depuis près de 3 ans, était pendant devant la Chambre apostolique allait
recevoir une impulsion nouvelle. Après de longs débats, au cours desquels le pape, qui partait pour
Rome, dut confier la cause à Thomas d’Ammanati, patriarche de Jérusalem, il fut décidé qu’en cas de

458
Pièce justificative, n° XVI. XVI - Diplôme de Charles IV, roi des Romains
459
2020: Louis Ier d'Anjou, né à Vincennes le 23 juillet 1339 et mort le 20 septembre 1384 au château de Bisceglie
près de Bari, est comte puis duc d'Anjou, roi titulaire de Naples. Il est le deuxième fils du roi de France Jean le
Bon et de Bonne de Luxembourg. Après le décès de Jeanne Ire de Naples, qui l'avait adopté, il reprend ses
titulatures et devient roi titulaire de Naples (1382-1384), comte de Provence et de Forcalquier (1381-1384) et
roi titulaire de Jérusalem.
460
Baluze, t. II, p, 772 - L’archevêque, tout en assurant la reine Jeanne de sa fidélité, avait cherché, en réalité, à
livrer la ville aux troupes de Du Guesclin.
461
Gimon (p. 85) suppose que les bandes de Du Guesclin étaient venues jusqu’à Salon, mais que sans pénétrer
dans la ville, elles avaient causé des dégâts aux faubourgs. Il cite un acte du 16 mars 1372 par lequel une maison,
située rue Neuve, ayant été détruite par les ennemis, le loyer perpétuel de 6 sous dont elle était chargée serait
réduit à 2 (Arch. mun. de Salon, GG 25, n° 89), - Cet acte peut aussi bien faire allusion aux dégâts causes par les
grandes compagnies.
462
1368. 2 maçons de Salon donnent quittance de 5 florins à Guillaume Chabert obrier des tourelles du Bourg
Neuf (J. Franchi, not. prot. 1368, f° 1). - Sur les bruits plus ou moins fantaisistes qui circulaient alors, v. Pièce
justificative, n° XVII.
463
2020: voir sur wikipedia Famille d’Agoult.
464
V. Pièce justificative n° XVII. - Protestation de Ia communauté de Salon au sujet de Ia levée d'une taille
465
Luquet “cum sibi adhibita stipendiaria comitiva armigerorum equitum hongariorum, nunc ad stipendia
reginalis curie in Provencia degentium” se rend à Arles, Castelveyre, Saint-Mitre, Gabardel, Ferrières, Fos,
Confoux. (Arch. dép. des B.-du-Rh., reg. Rubei, f° 2). Nostradamus, p. 421, dit que Luquet vint à Salon et y plaça
des officiers au nom de la reine Jeanne; mais la chose est impossible car Salon relevait, à ce moment,
directement du Saint-Siège.
[2020] L'histoire et chronique de Provence de Caesar de Nostradamus accessible ici sur Gallica.

78
conflit, les, habitants de Salon auraient le droit d’en appeler au Saint Siège, mais que, pour tout le
reste, la juridiction de l’archevêque devait demeurer inviolable466.

[119]

Cette décision fixait un point de droit très important mais elle ne suffisait pas à garantir les habitants
contre les vexations incessantes des officiers de l’archevêque. Le pape prit enfin une décision radicale
il enleva à Guillaume de la Garde toute juridiction civile et criminelle sur la ville467. L’abbé de
Montmajour fut commis au gouvernement de la ville avec le droit de prélever, dans la caisse du fisc,
ce qui était nécessaire à la défense de la place; il ne s’agissait d’ailleurs que d’une mesure temporaire
à l’égard d’un prélat indigne; en attendant, Salon appartenait au pape qui y mit des officiers468.

Salon devint de ce fait une des résidences de la papauté469 en 1374, Grégoire XI, fuyant la peste470 qui
régnait dans le comtat venaissin, vint y faire un séjour, après s’être arrêté à Noves et à Orgon471. Deux
ans plus tard, il passait encore deux jours dans notre ville (17-18 septembre 1376) lorsque, quittant
Avignon, malgré les vives instances [120] de la cour de France, de ses cardinaux et de ses proches, il
se rendait à Marseille pour rentrer de là, en Italie472.

Peu de temps après commençait le schisme qui devait avoir des conséquences si pernicieuses pour la
Provence. En effet, Charles de Duras avait trouvé, dans Urbain VI, un allié dans sa lutte contre la reine
Jeanne, tandis que celle-ci s’était déclarée la protectrice de Clément VII, le pape d’Avignon.

La nouvelle de la. mort de cette princesse (22 mai 1382), avait jeté la consternation dans le pays où
elle jouissait d’une grande popularité; beaucoup de villes restèrent fidèles à son fils adoptif Louis
d’Anjou473, mais Charles de Duras gardait de nombreux partisans en Provence.

466
1368, 30 octobre, “Dictum castrum tanquam alodiarium factum fuit ecclesie Arelatensi et ad ipsam ecclesiam
Arelatensem pertinet, et per consequens ad dominum nostrum papam, et sanctam Romanam ecclesiam
tanquam superiorem, qui et que dominantur omnibus prelatis et ecclesiis [...]” (Arch. mun. de Salon: AA 1).
467
1369, 2 avril - Pièce jusiificative n° XVIII.
468
1369, 21 août. Le sénéchal de Provence ayant requis la ville de Salon de contribuer à la taille levée pour
expulser les espagnols de Provence, le viguier de Salon “pro domino papa” lui répond que Salon relève
directement du pape et ne doit pas être taxé. (Arch. mun. de Salon: AA 1).
469
A la mort d’Urbain V, en 1370, son corps est transporté d’Avignon à Marseille et s’arrête une nuit à Salon “ubi
etiam plurime oblationes in cera et pecunia fuerunt eidem corpori ex devotione diversorum de populo apportate
et donate, palam, publice et noctorie”. (Actes anciens et documents concernant le bienheureux Urbain V, pape
[...] publiés par le chanoine Ulysse Chevalier, t. I, p, 428).
[2020] accessible ici sur Gallica.
470
La peste, compagne habituelle de la guerre, avait déjà fait une apparition en 1330 et ne cessait guère, depuis,
de faire des victimes - V. Baluze, t. I, p 432 et Fornery, Histoire du Comtat Venaissin, Avignon, 3 vol. in-8° t. I, p.
354.
471
Bulle datée de Salon le 27 mai 1374 en faveur des bénéficiaires du diocèse d’Arles dont les revenus étaient
diminués par les guerres et les épidémies “guerras et mortalitum pestes que maxime partes illas, permittente
Domino, longevis temporibus concusserunt [...]” (Gallia Christiana novissima Arles, n° 1639, [2020: accessible ici
sur Internet Archive]). Gimon cite également une bulle du 2 juin 1374 datée de Salon, p. 86.
472
Mollat, p. 127.
473
Elle l’avait adopté, à l’instigation de Clément VII, par son testament du 23 juin 1380.

79
Les Salonais, au milieu des incertitudes de la politique, étaient, en quelque sorte, livrés à eux-mêmes.
L'élection de Pierre de Cros474 les avait fait rentrer dans le domaine de l’église d’Arles, mais depuis le
schisme, ce prélat éprouvait les plus grandes difficultés et ne pouvait guère s’occuper de ses sujets475.
Urbain VI l’avait déposé et remplacé par un parent d’Oton de Brunswick476 qui cherchait à s’emparer
des places fortes de son compétiteur. Il donc naturel que nous trouvions à Salon un écho de la guerre
civile.

Les Tuchins et les bandes de Raymond de Turenne

Charles de Duras n’était pas difficile sur le choix de ses auxiliaires; il ramassa tous les pillards qui,
depuis de [121] longues années déjà, dévastaient les campagnes de Provence: ces débris des grandes
compagnies reparurent sous des noms divers, mais dans la région qui nous occupe on les désignait
sous le nom de Tuchins477.

Aix était leur quartier général; quelques habitants de Salon se joignirent à ces aventuriers; embusqués
à proximité de la ville, ils assaillaient les marchands et commettaient les pires atrocités478.

Un des plus gros notables de la ville, un certain Bertrand Jausseran479, entretenait, avec les tuchins,
des relations continuelles et les aidait par tous les moyens. Il leur passait des vivres la nuit et avait
avec eux de fréquentes conférences. Bien mieux, comme les officiers de l’archevêque cherchent à
s’emparer de ces rebelles, il leur donne, comme refuge, un colombier situé dans la. campagne et il y
place des gardiens pour en défendre l’entrée; il recourt même à la violence pour les soustraire à la
justice régulière480. Enfin, il s’efforce de soulever ses concitoyens contre l’autorité de l’archevêque, au
bénéfice des partisans de “l’antipape Barthélemy” et il le crie bien haut481.

474
Archevêque d'Arles de 1374 à 1388.
475
Noël Valois, La France et le grand schisme d’Occident, t. I, p. 118.
476
2020: Othon IV, duc de Brunswick-Grubenhagen (1320 † Foggia, 1er décembre 1398), prince de Tarente par
son mariage avec la reine Jeanne Ire de Naples, était un prince cadet de la maison de Brunswick, issue de la
dynastie des Welfs, elle-même issue de la maison d'Este. NB: il est le 4e mari de Jeanne, sans pour autant être
couronné roi.
477
L. Duhamel, Une ligue au XIVe s., p. 10.
[2020: éclairage complémentaire sur wikipedia: La révolte des Tuchins ou Tuchinat est une série de révoltes
survenues entre 1363 et 1384 en Auvergne puis en Languedoc, d'abord pour se défendre contre les méfaits des
mercenaires anglais et gascons, puis contre les prélèvements fiscaux]
478
“Tunc Tochinos discurrentes patriam cum aliis Tochinis Aquensibus, esse in territorio Sallonis emboscatos in
loco vocato La Teuliera prope portale appellatum Bore Nou” (Extrait d’une enquête sur des faits qui se sont
passés le 10 Mai 1384.- Bibl. mun. d’Arles: ms 107, p. 210-219; copie de Bonnemant d’après l’étendu de Pierre
Bertrandi, notaire d'Arles).
479
C’était un des plus riches marchands de Salon; son nom revient très souvent dans les minutes notariales de
l’époque - Ce personnage, qui fut dans la suite syndic de la communauté (v. Appendice III) reçut le surnom de
“Brigant” et ses descendants le portaient encore à la fin du XVe siècle.
480
Pièce justificative n° XXI.
481
“Malgrat n’aya Dieu del premier emperador que jamay nos donet à la gleysa, que mays nos valgra que fossem
d’un paure gentilhome, ho d’un paure ragassier [misérable, sans le sou]. Malor el sie lo premier jour que jamays
basti peyra sus aquel castel de Sallon, que plagues à Dieu que fondut for el, car si fos fondut non aneran garenas
ayssi con van [...]” (Bib. mun. d'Arles; ms 107, p.210-219)

80
[122]

Bertrand Jausseran fut traduit devant la cour et incarcéré; les tuchins qui s'étaient jetés dans Arles
(24-25 juillet 1384) et y avaient commis les pires atrocités, ne purent pénétrer dans Salon; ils se
replièrent sur Roquemartine482 dont ils s’emparèrent et dont ils tuèrent le seigneur483.

Charles de Duras gardait des partisans à Salon, mais ils n’avaient, aucune influence. Lorsqu’en. 1385,
la, reine Marie de Blois, régente et tutrice du jeune Louis II, quitta la cour d’Avignon où elle était venue
chercher un asile484, pour se rendre à. Marseille, le pays était encore peu. sur. Elle passa une nuit, au
couvent des Cordeliers de Salon485.
Les Salonais, au milieu des vicissitudes de la guerre civile, s’attachaient avant tout à rendre la ville
imprenable; les travaux de défense étaient poursuivis avec méthode et on s’occupait à flanquer de
tours les murs d’enceinte de la ville486.

Ce n’était pas sans grever lourdement le budget municipal, car le temps n’était plus ou l’archevêque
rebâtissait le château de ses deniers; François de Conzié487 se contentait d’autoriser la levée de tailles
pour permettre l'achèvement des fortifications488.

[123]

Jamais ces précautions n’avaient été plus nécessaires, car la guerre reprenait avec une nouvelle
rigueur en Provence489.

482
2020: Roquemartine est le nom d'un ancien castrum situé sur la commune d'Eyguières (Bouches-du-Rhône).
Son château en ruine, appelé “castellas de Roquemartine” ou “château de la Reine Jeanne”, date des XIIe et XIIIe
siècles. Il appartenait à la famille d'Albe ou d'Aube. Nota: pour Guérard, c’était une enclave du Comtat Venaissin.
483
Fouques, p. 181
484
Journal de Jean Lefèvre, publié par H. Moranvillé, Paris, 1887, in-8° p. 167 — V. Fouques, t, II, p, 188-9.
485
Gimon (p. 91-92) prétend que l’accueil dut être froid C'est une supposition gratuite que le Journal de Jean
Lefèvre ne confirme pas, au contraire.
486
1383, 30 Juin - Le trésorier de la communauté verse à Raymond Gros, maçon, un acompte de 20 florins pour
l’ouvrage de la tour Mauconseil (Arch. mun. de Salon: DD 1).Le 30 mars 1391, les travaux n’étaient pas achevés
(St. Constantini not. prot. de 1390).
487
2020: François de Conzié (Bugey, c.1356 - Avignon, † 31 décembre 1431 ou 1432), appelé aussi François Ier
de Conzié, François de Conziè, François de Consié, François de Conzieu ou François de Gonzie. Évêque de
Grenoble (13803-1388), archevêque d’Arles (1388-1390) puis archevêque de Toulouse (1390-1391) et enfin
archevêque de Narbonne (en 1391). Patriarche de Constantinople (en 1430), vicaire général du diocèse
d’Avignon et Camérier de Clément VII, vice-chancelier de l'Église, il est également l’oncle de Louis Aleman qui
deviendra comme lui archevêque d’Arles.
488
1389, 30 novembre. Pièce justificative n° XX,
489
D’après M. Noël Valois (Ann. Bul. de la S. H. F., t. XXVI;, les auteurs anciens, comme Nostradamus, Bouche,
Gaufridi, auraient exagéré les horreurs de cette guerre.

81
Raymond de Turenne490, qui avait pour la maison d’Anjou une haine tenace, s’était déclaré, dès le
printemps de 1386, l’ennemi de Louis II et celui de Clément VII491. II s’empara, de Roquemartine et en
fit, avec les Baux, son quartier général492. De là, ses troupes se lançaient dans les campagnes
avoisinantes, pillaient les villages, maltraitaient les paysans et rançonnaient les voyageurs.

L’archevêque, soucieux d’assurer la sécurité de ses vassaux, conclut une alliance avec la ville de
Marseille contre les bandits cantonnés aux Baux et à Roquemartine493.

En dépit des efforts de la diplomatie, les brigandages continuaient494; les gens de Raymond
parcouraient le terroir de Salon, s’emparaient des habitants et en tiraient de grosses rançons495.

[124]

Marie de Blois avait fait mettre la tête de Raymond à prix pour crime de lèse-majesté, le pape l’avait
excommunié à plusieurs reprises496: il fallait en finir avec celui qu’on appelait le fléau de la Provence.
Jean de Vienne, amiral de France, lui lança un défi, et s’apprêta à faire le siège des Baux; les habitants
d’Arles et de Tarascon le secondèrent du mieux qu’ils purent et les forces, divisées en deux corps,
attaquèrent à la fois les Baux et Roquemartine; les Salonais participèrent aux opérations497, sinon
matériellement, au moins pécuniairement498.

490
Raymond Louis, fils de Guillaume Roger, vicomte de Turenne et comte de Beaufort, neveu du pape Grégoire
XI, petit neveu du pape Clément VI, occupait, avec le consentement de son père, une partie des vastes domaines,
cédés à sa famille, en particulier Eguilles, Pélissanne, les Pennes, les Baux, Pertuis, St-Rémy. Cet aventurier sans
scrupules “ce got et cruel Attile” comme l’appelle Nostradamus est une des figures les plus curieuses de l’histoire
provençale.
[2020: sur wikipedia: [...] Capitaine pontifical en Italie et se rendit célèbre sous le nom de Fléau de Provence en
luttant contre Marie de Blois, comtesse de Provence et les deux antipapes d'Avignon, Clément VII et Benoît XIII]
491
N. Valois, t. II, p. 334.
492
Id., p. 342.
493
1391, 8 octobre (arch. mun. de Salon EE 1) Publié par Gimon, p. 95-96.
494
Gimon, p 97, signale un acte du 23 mai 1392, par lequel une certaine Jacquette Ferrier, obligée de se rendre
à Roquemartine pour y recueillir une succession, n’ose s’y rendre, de peur d’être exposé aux outrages des
bandits (arch. mun. de Salon: GG 25, n* 145).
495
1392, 19 janvier. La cour ordonne à Bérenger Sabbatier de payer à Bonnat Bellant, juif de Salon, 8 florins qu’il
lui avait empruntés “pretextu financie captionis personalis facte in Castro de Baucio per gentes armorum in loco
predicto degentes que manu armata castrumet teritorium Sallonis hostiliter discurrerunt”(Pachoni not. prot.
1391).
496
N. Valois, t. II, p. 360.
497
1400, 17 janvier. Raymond de Mondragon donne quittance à la communauté de Salon “de omnibus in quibus
dicta universitas sibi teneri posset, tam de badis suis in obsidione Rupe Martine quam [...] in aliis causis seu
negotiis [...]” (Bernardi not. prot. de 1399, f° 1 v°) [2020: obsidio in Du Cange: Datio in obsidem, Gall. Hostage. Et
Rupe (Ruppis) Martine = Roquemartine]
498
Raymond de Mondragon, lieutenant du sénéchal de Provence, réclame au procureur de la communauté des
Juifs de Salon, la quote-part d’une somme d’argent pour laquelle “patria Provincie eidem domino locumtenenti
et gentibus armorum sue societatis teneatur pro obsidione Ruppis Martine” (Pachoni, not. prot. de 1399, acte du
20 octobre 1397).

82
Ces efforts n’eurent d’autre résultat que d’exaspérer la fureur de Raymond qui organisa une véritable
expédition dans la région de Salon, et emmena, de nombreux otages499. Bertrand Boysset, dans ses
mémoires, affirme que sans une trêve conclue par la ville d’Arles le 7 décembre 1396, le pays
environnant risquait d’être entièrement dévasté.

La Provence s’épuisait en vains efforts pour expulser les rebelles, et se lassait d’une lutte avec un
adversaire sans foi qui violait tous ses engagements. Elle eut enfin recours [125] au roi de France:
Charles VI confia au maréchal Boucicaud500, gendre de Ravmond, le soin de pacifier la Provence. Ce
dernier on prit le solennel engagement le 7 juillet 1399501 et ne tarda pas mener à bonne fin les
opérations.

Salon au XVe siècle

Après plus d’un demi-siècle de guerres, de troubles, de brigandages et de désordres de toutes sortes,
il restait peu de chose de l’ancienne prospérité de la Provence; les villes étaient ruinées, le commerce
arrêté, les champs en friche; certains villages abandonnés de leurs habitants502 au point de demeurer
déserts; enfin il n’était, pas jusqu’aux pestes et aux incursions des pirates qui ne contribuassent à
désoler le pays503.

La ville de Salon, pendant ce temps, était abandonnée à elle-même: Pierre de Cros, nous l’avons vu,
avait eu trop de soucis pour s'occuper activement d’elle; son [126] successeur, François de Couzié
(1388-1390) était un caractère faible; les deux prélats qui siégèrent après lui (Raymond III en 1390,

499
1397, 26 avril. 6 habitants de Salon comparaissent devant la cour de Salon au nom des hommes “qui capti
fuerunt in loco de Baucio per gentes armorum ejusdem stabilitate”. Ils délèguent des procureurs auprès de
l’archevêque pour lui faire un rapport “de super quadam cursa sive preda in territorio Sallonis per gentes
armorum stabilite de Baucio facta, cum omnibus suis armigentibus in incidentibus et connexis ex eisdem [...]”
(Pachoni not. prot. de 1399, f° 1 et 1 v°).
500
2020: Jean II Le Meingre, surnommé Boucicaut, deuxième du nom (né en 1364, Tours - mort en Angleterre,
dans le Yorkshire, probablement le 25 juin 1421), était un maréchal de France. Le 24 décembre 1393, en
présence de Raymond de Turenne, Bernard Trévenq, vicaire de la chapelle castrale des Baux, célébra le mariage
de Boucicaut et d’Antoinette, âgée alors d’environ 17 ans.
501
N. Valois. Ann. Bull, de la S. H. F., t. XXVI. L’auteur a détruit la légende reproduite par la plupart des historiens
(Bouche, t. II, p. 424-25. - Gimon, p. 101) d’après laquelle Raymond aurait trouvé une mort dramatique le 10 mai
1399, en se noyant dans le Rhône. Il vécut, en réalité, jusqu’en 1411, peut-être jusqu’en 1413
502
L’archevêque Artaud réduit le taux des dîmes que devaient lui payer les habitants de St-Mitre “Nos,
considerantes [...] quod [...] multi ex habitatoribus dicti castri ad vicina castra [...] morari se transtulerunt, sit que
castrum predictum jam inhabitatum, considerantesque onera grandia et quasi importabilia et expensas que
iidem homines subierunt in fortificatione dicti oastri [...] considerantes etiam quod propter guerras, que in hiis
temporibus tanto tempore fuerunt, condicio hujus provincie sicut et aliarum partium est immutata” (Bibl. mun.
d'Arles. Pièces concernant l'archevêché d’Arles, t.III, n° 8).
[2020] Artaud de Mélan (mort le 1er novembre 1410 à Salon), dit également Artaud de Mezellan, était un
religieux français du Moyen Âge qui fut archevêque d'Arles du 17 décembre 1404 au 1er novembre 1410.
503
1407, 16 mars “guerris pestiferis, sterilitatibus et mortalitatum pestibus, que in istis partibus, diutus, proh
dolor! temporibus retroactis viguerunt, causantibus, dictas locus noster de Confodio de incolis et habitatoribus
fuorit [...] depopulatus [...] potissime temporibus hodiernis quibus predicti homines castri nostri sancti Amantii
non possunt seu audent navigare per mare, prout antiquitus facere solebant, propter metum Sarracenorum [...]”
(Bib. mun. d’Arles, Pièces concernant l’archevêché d'Arles, t. III, n' 7),

83
Jean V de 1390 à 1398) ne firent absolument rien pour elle. Le 13 décembre 1398, ce frêle appui allait
même lui manquer: à la mort de Jean V de Rochechouart, une longue vacance s’ouvrait pour le siège
archiépiscopal d’Arles. Le pape Benoît XIII désigna aussitôt des administrateurs pour le spirituel et se
réserva tous les revenus de l’archevêché504. Le jeune roi Louis II crut l’occasion favorable pour mettre
la main sur la ville de Salon et sur le vaste domaine des archevêques d’Arles: il chercha à y placer ses
officiers, mais il se heurta, à une hostilité très nette des habitants505, et renonça à son projet.

Cette période, assez pauvre en événements historiques fut, en échange, féconde pour les institutions
municipales, et les habitants profitèrent habilement de l’absence d’archevêque pour se faire
reconnaître une certaine autonomie506.

L’occasion d’affirmer leur indépendance se présenta bientôt: malgré l’état lamentable de son comté,
Louis II s’était [127] passionné, comme son père, pour la conquête du royaume de Naples. Une taille
générale, destinée à subvenir aux frais de l'expédition, fut levée sur toute la Provence. Salon,
n'entendait pas être compris dans cette répartition; le roi, cependant, insista et menaça même
d’employer la violence. Les syndics de Salon, contraints et forcés, lui promirent 1000 florins en don
gracieux et l’aide dans ses guerres avec ses sujets, mais aussitôt, ils firent dresser un acte de
protestation dans lequel ils affirmaient que cette promesse était sans valeur et contraire aux privilèges
de la ville507.

Louis II attendait vainement le versement de cette forte imposition: il envoya son conseiller à Salon
pour en réclamer le paiement. Cette fois, l’archevêque Artaud508 prit en main les intérêts de se
vassaux: obligé de céder devant les, menaces, il voulut au moins protester solennellement contre un
tel abus509.

Salon, cependant, n’avait qu’une préoccupation, c’était de réparer les ruines accumulées pendant plus
d’un demi-siècle, malheureusement, ce mouvement de renaissance économique fut encore retardé
par les nécessités de l’heure présente. La Provence, en effet, et la région que nous étudions en
particulier, ne jouissait encore que d’une tranquillité relative510.

504
Trichaud, t. III - Ce pape fit un court séjour au château de Salon; les universités présentant leurs rôles, tous
furent signés à Salon du 19 au 23 octobre 1403.
505
1396, 22 septembre. Parlement public convoqué à St-Chamas auquel assistent le châtelain de Saint-Mitre, le
baile de Saint-Chamas, les syndics, etc, “et dictus dominus castellanus proposuit quod serenissimus dominus
Ludovicus rex secundus, in maximum prejudicium sancte Arelatensis ecclesie, vult mittere et ponere officiales
regios in castro Salonis, de Granis, de S. Amantio et de Cornilione, jura sancte matris ecclesie occupando, ut
dictus dominus castellanus est certus, [...] quare requisivit pro hominibus dicti castri [...] quatinus ipsi custodient
bene et fideliter de die et de nocte villam et castrum S. Amantii, et quod nullum mittant extraneum intus dictam
villam et castrum S. Amantii, et quod nullum obediant, nisi officiales s. arelatensis ecclesie vel ejus honorabilis
capituli [...]” (P. de Rivo, not. prot. de 1399, f° 31 v°.
506
Voir la quatrième partie de ce travail.
507
Livre blanc, f° 293 v° - Cf. Gimon, p. 106.
508
Archevêque d’Arles de 1404 à 1410.
509
Pièce justificative n° XXIII - Le même jour, deux procureurs-syndics de St-Chamas, 2 procureurs-syndics de
Cornillon, 3 procureurs-syndics du Vernègues déclarent n’obéir que sous l’empire de la violence et pour suivre
les conseils de l’Archevêque.
510
1408, 4 avril. Les syndics donnent à réparer un pan des murailles de la ville. La ville doit fournir les monœuvres
et les matériaux nécessaires. (B. Roynhaqui, not.) — 1418, 27 avril. La communauté de Grans reçoit l’autorisation

84
[128]

Si elle n’avait plus à défendre sa propre indépendance, elle n'était pas sans recueillir les échos de la
terrible guerre anglaise qui ravageait le reste de la France511.

Une nouvelle foudroyante vint activer l’exécution des travaux de fortification entrepris clans la région,
en montrant aux habitants des villes qu’ils étaient à la merci d’un audacieux coup de main. En 1423,
Alphonse d’Aragon quittant Rome pour aller défendre ses états contre le roi de Castille, longea les
côtes de Provence. Heureux de se venger du roi Louis que la reine Yolande venait d’adopter comme
héritier présomptif, il s’empara, par surprise, de Marseille qui était dans la sécurité la plus parfaite: la
ville fut pendant 3 jours livrée au pillage et aux désordres les plus affreux512.

La même année nous voyons l’archevêque, toujours soucieux d’assurer l’intégrité de sa seigneurie,
fournir aux syndics un devis détaillé des travaux à exécuter dans la ville. Un officier, qui prend le titre
de capitaine général de l’archevêché, vient passer la revue des armes possédées par les habitants513
et juge qu’il est nécessaire d’acheter [129] pour 1000 florins d'armes, malgré les dépenses déjà faites
par la commune à ce sujet514.

Désormais Salon n’est mêlée à aucun événement important mais son histoire est encore intéressante
car elle permet d’étudier l'influence grandissante des comtes de Provence; ceux-ci, toutes les fois
qu’ils le pouvaient, empiétaient sur la juridiction de l'archevêque515 ou, s’ils accordaient aux habitants

de lever un vingtain pour relever ses remparts “attento etiam quod alia loca et castra Provincie de presenti
fortificantur, reparentur et providentur tam de armis, bastimentis quam aliis in guerra necessariis et opportunis,
volentes quod dictus locus de Granis in subvigatione aliena reddatur, neque destructionem paciatur vel ruynam,
quod obsit [...]” (P. de Rivo, not, ét. de 1400 et suiv.).
511
1415, 18 octobre - Le procureur de l'archevêque, attendu que noble Raymond de Barjiac, chevalier, co-
seigneur de Cornillon et de St-Chamas “necessitate compulsus, cum gentibus armorum ilico accedere debere in
regno Francie pro deffensione patrie contra gentes nacionis Anglicorum qui in dicto regno intraverunt et conantur
ipsum regnum destruere” proroge la prestation de l’hommage que ce seigneur doit à l’archevêque “usque ad
unum mensem post regressum ipsius nobilis domini Raymundi, quando, dante Deo, reveniet a dicta guerra”. (P.
de Rivo, not., f° 60).
512
Ruffi: Histoire de Marseille, T. VI, ch. VIII. [2020] accessible ici.
513
1423, 4 décembre “expositum pro parte qua supra ut cum hiis diebus non longe deffiuxis, per nobilem virum
Elziarum Romei capitaneum generalem totius tene predicte, visitando turres, menia, portalia et fossatos dicti
castri Sallonis, et attendens videre quedam que in dictis meniis, turribus, fossatis et portalibus indigebant
reparationibus et constructionibus de novo faciendis, que omnia in quadam magna papiri cedula particulariter
sunt descripta, quam dictis sindicis exhibuit [...]” (Arch. mun. de Salon, DD 1, liasse 1).
514
II s’agissait en particulier de canons. L’usage des armes à feu dans la défense des places fortes se répandait
même dans des villages peu importants. En 1446, les 2 syndics entrants de St-Chamas reconnaissent avoir reçu
“primo duas machinas sive bombardas, unam ferri et aliam cupri cum eorum sochiis, et duas ponhaderias de
saulpetre [...]” (Gabodi not. prot. 1444 f° 23)
[2020: ponhaderia in Du Cange, Mensura salis, quantum pugno continetur. Poignée]
515
Ainsi, le 5 août 1425, les officiers du roi Louis enlèvent 2 juifs de Salon et les conduisent à Aix. L’archevêque
proteste et Charles, frère du roi, par lettres patentes expédiées d’Aix le 25 août, fit relâcher les 2 juifs en
reconnaissant que le roi n’avait à Salon ni juridiction ni exercice de juridiction (Chartrier de Salon: n° 115)

85
de Salon une situation spéciale, c’était toujours dans un sens défavorable516. Ils avaient, en tous cas,
obtenu un résultat important, c’est que, désormais, Salon contribuerait aux dons gracieux; si celui de
1406 avait soulevé de vives protestations, celui de 1431, demandé par Louis III à l’occasion de son
mariage avec Marguerite de Savoie, fut payé sans difficulté517. Salon, peu à peu, se laissait gagner à
l’influence des comtes de Provence; René d’Anjou, si populaire, allait achever de le conquérir.

[130]

Le nouveau souverain, dès qu’il fut sorti de la prison où le comte de Vaudemont le retenait captif518,
vint en Provence visiter ses principales bonnes villes: il passa à Salon au début de février 1438519. Les
habitants en profitèrent pour lui demander de les garantir contre la cupidité des officiers de justice
d’Aix qui exigeaient double taxe des plaideurs de Salon. Le roi accéda à leur demande et ordonna qu’à
l’avenir les habitants de Salon et de son ressort seraient taxés comme les autres gens du pays de
Provence520.

Le roi René méritait l’affection de ses sujets par le soin qu’il apportait au relèvement économique de
la Provence, longue à se remettre des guerres épuisantes du siècle précédent; mais il n’exerçait à
Salon qu’une action indirecte et certainement insuffisante. Par bonheur, les prélats qui siégèrent à
Arles à ce moment, se montrèrent d’excellents administrateurs et favorisèrent avec intelligence
l’extension commerciale de leur ville en cherchant à en faire le marché de la région521.

Pierre V de Foix522 en particulier se distingua par ses talents d’ordre et d’organisation: il réglementa
avec soin le fonctionnement de la cour de justice de Salon où de [131] nombreux obus s’étaient

516
Ordonnance du gouverneur général des comtés de Provence, Forcalquier, et terres adjacentes portant que,
désormais, les habitants de Salon paieront au tarif des autres sujets du roi pour toutes lettres émanées des cours
de justice (Arch. mun. de Salon: CC 1) cf. Gimon, p. 109.
517
Emprunt de 333 florins 4 gros fait par la communauté à un changeur d’Avignon pour le second paiement du
don gratuit accordé à Louis III. (Arch, de Salon: CC 3) cf. Gimon p, 109.
518
2020: Le duché de Lorraine fut contesté par Antoine de Vaudémont, soutenu par le parti bourguignon, qui le
battit en 1431 (bataille de Bulgnéville). René fut fait prisonnier par Philippe III, duc de Bourgogne, dit Philippe le
Bon, qui ne le libéra qu'en échange de ses fils Jean et Louis. Soutenu par l'empereur Sigismond de Luxembourg
dans ses prétentions au duché de Lorraine, il fut à nouveau emprisonné par Philippe le Bon, puis libéré contre
une rançon en 1437. (In wikipedia)
519
Et non pas 1437 comme le dit Gimon.
520
1438, 12 février - Arch. mun. de Salon: CC 1, n° 2 — Livre blanc, f° - 265 Voir Gimon, p. 111-112.
521
Voir le chapitre consacré à la vie économique.
522
Archevêque d’Arles de 1450 à 1463 - Son prédécesseur, Louis Allemand (1423-1450) s’était acquis par ses
vertus une réputation de sainteté: il fit de fréquents séjours au château de Salon et mourut au couvent des
Cordeliers le 16 sept. 1450 - Sous son épiscopat, Salon subit encore une fois l’effet des dissensions religieuses,
mais sans qu’il en résultât le moindre trouble. Louis Alemand, appelé depuis 1438 à présider le concile de Bâle,
avait, dans l’intérêt de l’Eglise, fait déposer le pape Eugène IV et élire Amédée de Savoie sous le nom de Félix V.
Eugène IV excommunia l’archevêque et fit administrer le temporel du diocèse par Robert Roger, de 1440 à 1442.
et Jean de Beauveau, de 1443 à 1449. La prise de possession de Salon fut faite le 17 juillet 1445 par grand
sénéchal de Provence, Tanneguy du Châtel: “Anno presenti et die XVII mensis Julii dominus Tangidus de Castello,
prepositus parisiensis, senescallus Provincie [...] domini Johannes Martini, Johannes Arlatani, Johannes Quiquiran
venerunt bono mane in Sallonem, et, januis apertis, ingressi sunt Sallonem et venerunt ad fortalicium et ibi
ingressi fuerunt primam portam, villam posuerunt ad manuni regis et jusserunt preconizationem fieri et prout in
nota sumpta per magistrum Stephanuni de Solerio [...]” (Capardi not. f° 1)

86
introduits; il lit également rechercher et publier les anciens statuts accordés aux habitants, et
s'inspirant des besoins nouveaux y apporta les modifications utiles523.

Grâce à la paix qui régnait alors en Provence et à la bonne administration de ses seigneurs, Salon
retrouva bientôt son ancienne importance.

Le jour ou la, Provence fut réunie à la France524 notre ville fut un des plus beaux joyaux de la couronne
que Louis XI convoitait déjà depuis longtemps525.

[132]

523
Voir Pièces justificatives n° XXVII et XXX.
524
Cette réunion n’a pas modifié, en principe, les institutions provençales (v. G. Dupont-Ferrier, Les officiers
royaux [...] p. 617 et suiv. ) et n’a eu aucune influence immédiate sur le régime administratif de Salon.
525
Voir l’abbé G. Arnaud d’Agnel, Politique des rois de France en Provence, Louis XI et Charles VIII, Paris-Marseille,
1914, 2 vol. in-8°.

87
[133]

Troisième Partie - Le régime seigneurial

La puissance temporelle des archevêques

“En général l’évêque tient un rang élevé dans la société civile, c’est le plus souvent un seigneur féodal,
dont la mense épiscopale constitue la seigneurie”526. A Salon, les archevêques d’Arles exerçaient les
droits souverains sans aucune restriction. Le privilège de Louis l’Aveugle527 confirmait à Manassès la
possession du droit régalien par excellence, celui de battre monnaie, et celui-là supposait tous les
autres. Un document découvert sous l'épiscopat de Raymond Ier (1142-1160) indique que les trésors
mis au jour dans les terres de l’archevêché lui appartiennent sans partage, ce qui est déjà l’indice de
la juridiction la plus absolue.

Le privilège de 1144 de Conrad est plus explicite; les droits de l'archevêque ayant été plus ou moins
usurpés, il énumère ceux qui doivent lui revenir, non seulement dans la ville mais dans tous les
diocèses528: l’empereur ne [134] se réserve rien, si ce n’est la juridiction suprême dans la cité
épiscopale529.

Aussi, l'archevêque s'intitule prince et seigneur de Salon; il reçoit l’hommage de ses sujets530; ceux-ci
le rendent à genoux, sans ceinture, les mains jointes, la tête découverte et échangent avec lui le baiser
de paix. Tout nouvel habitant de Salon doit, accomplir cette, formalité dans les huit jours qui suivent
son installation531; une forte amende frappe ceux qui tenteraient de s’y soustraire ou ceux qui
entraveraient d’une manière quelconque les droits et la juridiction de l’archevêque532.

526
Fournier: Les officialités au Moyen-Age, introduct. p. XVII.
527
921, 1er Février (Gallia Christiana novissima Arles, n° 243, [2020: accessible ici sur Internet Archive])
528
“Justicias, monetam, judeos, fornarias, cordam, quintale, sextarium, redditus navium, montaciones, stagna
salinarum, lacus, paludes. pascua de Cravo. . . ut auctoritate nostre munificencie in pace possideas”.
529
“Concedimus tibi jurisdicionem post nos in civitate Arelatensi”
530
1166, 12 janvier. Geoffroy et Foulque de Signe font hommage à l’archevêque pour un fief qu’ils tiennent de
lui, à Salon ”faciunt michi hominium et jurant fidelitatem michi et ecclesie Arelatensi quod quidem ipsi et eorum
successores michi et successoribus meis et ecclesie jam dicte facere debent”. (Gallia Christiana novissima Arles,
n° 608, [2020: accessible ici sur Internet Archive])
531
Statuts de 1293: art. I - Criées de 1454: art. 12.
532
Criées de 1454: art. 1 et 2.

88
L’archevêque a le droit de faire la guerre533, de conclure des traités, de former des alliances défensives
ou offensives534; il a le droit d’élever des forteresses et celui d’interdire à ses vassaux d’en construire;
parfois même, il s’arroge le droit de guerre privée lorsque les voies ordinaires de la justice lui
paraissent trop lentes535.

[135]

Il jouit d'un pouvoir législatif absolu au point de vue du droit public et privé. Il édicte des statuts qui
sont ordinairement des dérogations au droit commun de la Provence, en se réservant le droit de les
casser, de les modifier et de les interpréter à son avantage536. II s’aide ordinairement des conseils des
jurisconsultes du pays et s’inspire des désirs des intéressés, mais c’est lui seul qui donne à ces statuts
force exécutive. Il fait également toutes les ordonnances, tous les règlements de police nécessaires
au gouvernement et à l’administration de sa seigneurie, et le héraut public est chargé de les publier
en son nom.

Il nomme et révoque les officiers qui administrent la ville à sa place, rendent la justice et gèrent ses
finances. Ceux-ci lui prêtent le serment et sont responsables envers lui de leur gestion.

Les habitants lui sont entièrement soumis et ne jouissent en fait d’aucune autonomie; le droit de
former un corps de communauté et d’avoir des syndics permanents ne leur a été reconnu que
tardivement; encore, ces syndics n’ont-ils jamais eu que des attributions administratives.

L’archevêque possède le droit de haute, moyenne et basse justice, ce que les textes appellent le
“merum, mixtum imperium537”; il connaît donc de toutes les causes: fiscales, civiles et criminelles,
depuis celles qui entraînent une simple sanction pécuniaire jusqu’à celles qui sont punies de la peine
de mort; ayant la juridiction suprême, il peut annuler, par des lettres de rémission, les condamnations
que sa cour a prononcées.

[136]

533
1219, 28 juillet “Preterea nos Petrus Ymbertus Berengarius et Arnaudus fratres cognoscimus vobis V.
Arelatensi archiepiscopo [...] quod cum Castro de Aurosio debemus vos et successores vestros et ecclesiam
Arelatensem in placito et in guerra contra omnes homines juvare vel tradere vobis castrum cum quo possetis
placitare vel guerra ni facere [...]” (Livre rouge: 232 v°) — Un acte du 7 novembre 1235 a été passé en présence
de “tota raida castri Sallonis” (Pièce justificative n II) raida, c’est le cri de guerre, et par extension, une troupe
armée. (2020] Voir rayda in Ducange.
534
V. l’alliance conclue avec Charles d’Anjou et celle conclue avec la ville de Marseille en 1392 (p. [123]).
535
V. l’affaire de Lamanon [Appendice I). Parmi les témoins cités à comparaître figurent “Hugo Bergerii qui erat
caput armatorum, Peiratonus, qui erat caput lauratorum” ce qui dénote une certaine organisation militaire.
536
St. de 1293:: art. LXXXVIII.
537
2020: Le mère empire ou, en latin, le merum imperium, est un droit féodal. La locution mère empire est un
emprunt au latin merum imperium, composé de merum, neutre de l'adjectif merus (“mère, pur”), et d'imperium,
substantif neutre (“empire, pouvoir suprême”). Il s'agit d'un droit supérieur au droit seigneurial, qui comprend
les treizain et des droits de justice, notamment de justice de sang. Il est détenu souverainement par le comte,
et délégué à ses viguiers, ou à certains seigneurs (comme le seigneur de Beuil). C'est l'équivalent pour la
Provence du droit de haute justice.

89
L'archevêque a sur son domaine la directe universelle qui s'étend aussi bien aux terres franches538
qu’aux terres chargées de redevances; son autorisation rend seule, valable l'aliénation de la propriété
immobilière. Ce consentement, d’abord formel, puis tacite, est représenté par l'acquittement de
certains droits: les lods et trezain. L’archevêque se réserve toujours te droit de retrait féodal, le droit
de “prélation”.

L’archevêque peut aliéner ses terres en fief ou en censives, en retenant des services nobles, ou des
corvées539 et des redevances foncières.

Les droits régaliens lui appartiennent également; péage, droit de leude et de marché; droit sur les
poids et les mesures, droit de bladerie. Ces divers droits sont affermés à des particuliers.

Enfin, en vertu de sa directe universelle, il prétend posséder les terres gastes: il a le droit d’y faire des
“coussouls" ou des “deffens”, c’est-à-dire des portions interdites à l’usage.

Cette froide énumération des droits des archevêques ne peut nous donner qu’une idée abstraite de
leur puissance. [137] En réalité, la plupart de ces hommes d’église menaient l'existence de grands
seigneurs féodaux, entourés d’un luxe, d'un éclat, d’un appareil extérieur qui attestaient l’importance
de leur rang social.

Les archevêques d’Arles considéraient le château de Salon comme leur résidence préférée540; ils y
faisaient de longs séjours et tout était prévu pour les y recevoir541; leur bannière, en signe de
souveraineté, était hissée sur la plus haute tour542.

538
La Provence reconnaissait en effet l’allodialité des terres, l’adage “nul seigneur sans titre” y laissait subsister
des terres libres de toute redevance. Ces terres cependant n’étaient pas dispensées des droits de mutation (V.
St. de 1293, art. XLVII).
[2020: Un alleu ou franc-alleu est une terre dont le possesseur ne doit pas d'hommage ou de reconnaissance à
un seigneur. Leurs possesseurs ne doivent payer ni redevance seigneuriale telle que le cens, ni les lods à chaque
mutation, d'où l'expression de terres allodiales.]
539
Les corvées disparaissent de bonne heure du domaine des archevêques d’Arles. Dans un acte de 1186 (?) qui
énumère les droits perçus par eux dans Castelveyre, nous trouvons “in hominibus videlicet oblias, coroedas,
asinarias; in territorie, exceptis vineis, taxam et decimas; in vineis, gardiam et cartonem et decimas” (Livre vert:
212 v°). Un acte contemporain nous donne cette explication: “Homines castri veteris dant coroadas pro patis et
oblias pro domibus ecclesie B. Marie castri veteris” (id. 214 v°). En 1219, l’archevêque achète à Bernard de Rossen
tous les droits que celui-ci avait à Grans “in lesdis, bannis, coroatis, venationibus, taschis, censibus et justiciis”
(Livre vert, 215 v°). Si la corvée subsiste dans quelques seigneuries laïques, nous ne la rencontrons plus dans les
terres de l’archevêque à partir de cette date.
[2020: oblias in Du Cange: Oblia appellatur præterea Census seu præstatio censualis, quæ ex aliis etiam rebus,
quam Obliis, pensitabatur |lesdis = leudes |coroata, corroata, Idem quod Corvata, Gall. Corvées]
540
Sur le château de Salon, voir la brochure du Lt Goger, Recherches sur le château de Salon, 1909, in-8° et
l'article de J. Formigé dans le Bulletin monumental, année 1911 — Cette forteresse conciliait les besoins de la
défense avec les agréments d’un château de plaisance et la nécessité d’avoir de grands bâtiments pour loger
divers services administratifs et un nombreux personnel.
541
Certaines redevances en nature qui paraissent singulières s’expliquent par le désir d’approvisionner le
château de denrées nécessaires: “Item Bernardus Textoris, pro quadam vinea [...] tenetur dare agrestani (verjus)
necessariam ex pacto, per totum annum hospicio archiepiscopali de Sallone” (Liève des censes de 1304: f° 2) - cf.
la fourniture des lits assurée par les juifs (v. plus loinj.
542
Elle représentait un aigle (Gallia christiana novissima, Arles, n° 1263 [2020: accessible ici sur Internet Archive;
on peut y lire: “vexillum Arelaten. Ecclesie quod est cum aquila”]). Lorsque l’archevêque était de passage dans

90
Un inventaire de 1341543 nous renseigne assez bien sur la partie du château habitée à cette date.

Au premier étage se trouvaient:

● La clavairerie renfermant 12 arbalètes, un tour et 4 “baudrerie”544 pour les tendre, 44 pièces


d’armure recouvertes de toile de lin, 25 gorgerins, des écus ornés de l’aigle; une chaire peinte,
de la literie pour six personnes; une armoire pleine de cartulaires anciens;
● La chambre du clavaire;
● Une chambre au-dessus de la porte et le logement du gardien; la chambre de l’archevêque
avec une pièce dite [138] ”gardaroba”; la trésorerie contenant 8 grandes balistes, deux caisses
de traits, les archive du château, des caisses pleines de livres de comptes, un autel portatif;
● L’appartement du viguier composé de deux chambres; les chambres du vice-official, du
bouteiller, du juge et de son clerc.

Dans la chapelle Sainte-Catherine se trouvaient: 8 nappes d’autel, 3 candélabres de cuivre, un calice


d’argent et sa patène, 2 tentures, 4 ornements sacerdotaux, un missel, un graduel, un bréviaire de
l’église d’Arles, 2 livres d’oraisons.

Dans la grande salle “in aula superiori” 8 tables, 12 bancs, un dressoir, des brocs, des candélabres;
dans la salle du bas “in aula inferiori” une table, 2 bancs, un dressoir.

A proximité on rencontrait la cuisine, la boulangerie avec le pétrin et le four, la “buticularia545” où l’on


gardait le linge et divers outils, le garde-manger “carnassaria”.

Le vin se conservait dans 3 celliers, le grand cellier sous la clavairerie, le cellier vieux, un petit cellier
près du puits avec un pressoir et une provision de cuves; le grain dans 3 granges, une sous la
clavairerie, une près du garde-manger, l’autre près de l’étable, dite “domus nove”.

Les archevêques, quand ils venaient séjourner à Salon, étaient entourés d’un nombreux personnel546
et de quelques hommes dévoués qui formaient leur escorte et leur garde privée: on les appelait les
familiers; c’étaient en [139] grande partie des soldats de métier tout dévoués à l’archevêque qui leur
confiait des missions particulièrement délicates et le soin de défendre le château en cas de danger. Ils
logeaient au château et dès le XIVe siècle portaient une livrée aux couleurs de leur maître547.

une autre de ses forteresses, à St-Mitre ou à Ferrières, on dressait une croix de fer au sommet du château (P. de
Rivo not. prot. de 1407).
543
Arch. du Vat., Reg, Aven., Cl. VI, 26, f°’ 7-12 v°
544
2020: baudrerium in Du Cange, Amentum, lorum, Gall. Courroie, bande de cuir. Cf le moderne baudrier.
545
2020: buticularia, cf bouteillerie n. f. (1155), à rapprocher du latin médiéval buticularia (XIIe s). In Dictionnaire
Historique de la langue française
546
Parmi ceux qui ont pris part à l’expédition de Lamanon (v. Appendice 1) nous relevons un “camerarius“, un
“saumalerius”, un “coquus” un “nuntius”, un “messagerius”.
[2020: saumalerius: cf somatier, celui qui a soin des bêtes de somme; in Dictionnaire du vieux langage françois]
547
1361, 10 Juillet. Inventaire des biens de feu Bertrand Labrigolange, écuyer familier du château, par les soins
des sieurs Jean Guilhot et Bartholomé Bonand, prêtres, familiers, ses exécuteurs tertamerttaires: “ [...] item
supertunicale, tunica, et capussium et unum par caligarum de librata panni tannati domini Stephani bone

91
Ces hommes pouvaient se laisser entraîner à molester les habitants, et ce fut certainement la cause
de nombreux conflits et parfois de rébellions véritables.

Le représentant de l’archevêque

Des pouvoirs aussi étendus que ceux que nous venons d’énumérer, l’archevêque ne pouvait les
exercer directement: retenu le plus souvent à Arles par les soins de son diocèse, il devait se faire
représenter par des agents capables d’administrer ses intérêts à sa place. Il ne faisait, d’ailleurs,
qu’obéir à l’exemple de la plupart des possesseurs de fiefs qui tenaient dans chaque localité placée
sous leur dépendance un délégué pour les représenter.

A Sa loin, cet agent fut d’abord unique et réunit toutes les attributions, administratives, judiciaires et
financières. Plus tard, le nombre des affaires devenant trop considérable, on comprit la nécessité de
séparer les pouvoirs, et chacune de ces attributions, formant un département spécial, fut dirigée par
un fonctionnaire déterminé.

Ces divers officiers, pris dans leur ensemble, formaient la curia: ils gardèrent longtemps le souvenir de
leur commune [140] origine et c’est ce qui nous explique par exemple, qu'au XVe siècle encore le
viguier ou le juge puissent présider indifféremment le tribunal.

La cour se composait au XVe siècle, et par ordre d’importance des oficiers suivants: l’official, le viguier,
le lieutenant du viguier, le juge, le clavaire, le procureur fiscal, le sous-viguier et les sergents; ces
derniers étant de simples agents d’exécution d’ordre inférieur.

Ces officiers avaient certains caractères communs dont nous parlerons ici afin de ne plus avoir à y
revenir pour chacun d’entr’eux.

Ils étaient nommés et payés par l’archevêque; essentiellement révocables, ils perdaient leurs pouvoirs
à sa mort548.

Avant de prendre possession de leur charge, ils juraient, entre les mains de l’archevêque, de s’en
acquitter loyalement549; ils étaient personnellement responsables de leur gestion et devaient en
rendre compte à la fin de leur exercice: à cet effet, ils restaient sur place pendant un certain délai afin

memorie Arelatensis archiepiscopi .. Item unum retalhum de novo panno dicte librate domini archiepiscopi
predicti ciso pio gippono, nondum suso”. (J. Duranti, not. prot. 1361). [2020: gipponus in Du Cange, ut supra Gipo,
Gall. Jupon].

548
Etienne de la Garde meurt le 18 Mai 1361; le samedi 22 “venerunt ad castrum Sallonis dominus Arnaudus
Servati et R. Gavaudani canonici Arelatensis et nomine capituli Arelatensis, accaperunt possessionem castri et
constituerunt ibi officiales” (J. Duranti, not.prot. de 1361).
549
Statuts de 1293, art. LXXXVI.

92
que les poursuites pussent être dirigées contre eux, si besoin était: c’était ce qu’on appelait faire son
syndicat.

Au XVe siècle, ils devaient se réunir une fois par semaine et tenir conseil sur toutes les affaires qui
intéressaient l’archevêque ou sa cour; en cas de nécessité, ils s’assemblaient aussitôt, quel que soit le
jour de la semaine550.

[141]

Le villicus

La mention la plus ancienne d’un officier de l’archevêque a Salon est de 1159: il s’agit d’un villicus551.
Ce nom est significatif; au début, en effet, l’archevêque ne considérait Salon que comme un domaine
dont il exploitait les revenus552. Il lui suffisait d’y mettre un homme de confiance capable de surveiller
les récoltes et de percevoir les redevances qui lui étaient dues; c’était une sorte d’intendant et son
nom rappelait l’ancien surveillant des “villæ” gallo-romaines.

Ses attributions durent s’étendre à mesure que l’importance de Salon grandissait. En 1159 Hugues
Geoffroy vend à l’archevêque tout ce qu’il possédait à Salon: le villicus assiste à la rédaction de l’acte,
c’est probablement lui qui représente l'archevêque et qui verse au vendeur le prix convenu.

Le bayle

Il nous faut malheureusement, faute de documents, franchir un demi-siècle, et cette fois-ci nous
trouvons un bayle qui représente l’archevêque. Il ne faudrait pas conclure du changement de nom à
une différence d’attributions, et ce qui le montre bien c’est que le premier acte qui nous signale un
bayle est tout à fait analogue à celui qui nous avait fait connaître le villicus: Bertrand de Rosson, bayle
de Salon, figure comme témoin dans une confirmation [142] d’échange accordée par l’archevêque, le
6 juin 1206553. Une preuve encore de la similitude de ses fonctions avec celles du villicus, c’est qu’il
avait gardé la surveillance des terres appartenant en propre à l’archevêque et qu’il s’occupait de leur
exploitation554.

550
Règlement de 1456 relatif à la cour (Pièce justificative n° XXXI) art. 2.
551
Gallia christiana novissima, Arles, n° 598 [2020: accessible ici sur Internet Archive]“et in presentiam multorum
aliorum, utpote [...] Bertrandi Giraldi qui tunc Sallonensis castri erat villicus [...]”
552
Ce fait confirme bien que l’origine véritable de Salon est la villa (Aniane) et non pas le château.
553
Gallia christiana novissima, Arles, n° 835 [2020: accessible ici sur Internet Archive]- Le 8 Juin le bayle est
chargé, par l’archevêque, de prendre possession du fief (il s’agit du tiers du château d’Aurons); il monte sur la
tour avec quelques hommes de Salon, dresse le pavillon de l’église d’Arles et crie par trois fois: “Adjuva te Deus,
et sancte Trophime, et sancte Stephane, et bone fides domini Arelatensis archiepiscopi.”
554
1215, 4 septembre. Transaction au sujet des dîmes de Salon qui doivent être partagées entre l’archevêque
et le prévôt du chapitre “exceptis dominicaturis terrarum et vinearum sive ortorum quos dominus archiepiscopus
habet ibi vel in antea habebat, quas dominicaturas ipse, vel ejus bajulus, propriis expensis, faciet excoli [...]”
(Chartrier de Salon: f° 41).

93
Ses attributions étaient certainement générales, et il remplaçait complètement l’archevêque, même
pour un acte aussi important que la réception de l’hommage et du serment de fidélité des habitants
de Salon555.

Les actes nous montrent, d’ailleurs, qu’à ce moment il remplissait à la fois le rôle d'administrateur556,
de juge557, et même d’officier comptable558. Nous sommes à une époque où l’idée de la séparation
des pouvoirs commence à peine à se faire jour; le bayle étant délégué par l’archevêque était une
véritable émanation de sa puissance559.

Son rôle le plus délicat était de régler et de surveiller les assemblées publiques où se décidaient les
questions intéressant [143] l’universalité des habitants, ainsi que les conseils les plus restreints. Le
bayle seul pouvait autoriser ces réunions; il les présidait et y exerçait un droit de contrôle: sa présence
était indispensable à la validité des délibérations auxquelles il ne prenait aucune part active; il se
contentait de faire approuver par le Parlement public les décisions prises par le Conseil560.

L’archevêque choisissait certainement pour un poste aussi important un homme de toute confiance.
Ordinairement, pour le soustraire aux influences locales, il est pris en dehors du pays où il exerce son
office; c’est un principe que nous verrons appliquer pour tous les officiers de l’archevêque. Ce dernier,
pour avoir un homme à sa dévotion choisissait souvent un de ses parents561; c’est là aussi une habitude
que nous retrouverons plus tard.

Le bayle pouvait être clerc ou même avoir reçu les ordres562: ce choix s’explique par la nécessité d’avoir
un homme, instruit et versé dans l’étude du droit, et on sait que les ecclésiastiques s’y adonnaient
volontiers563. Les archevêques ne tardèrent pas à comprendre qu’il y avait là un gros inconvénient: au
moment où Salon prenait de l’importance, il fallait que le bayle put, au besoin, commander les troupes
et assurer la défense de la place. Un laïc était bien mieux désigné pour s’occuper des choses [144]
militaires: bientôt même nous rencontrons un bayle qualifié de chevalier564.

555
1242, 1er août. Serment de fidélité de Raymond Capard à Pierre Guillaume, bayle de Salon (Livre noir, f° 114).
556
Il a la surveillance des poids et des mesures (Anciens statuts: art. 7).
557
V. le rôle du baile dans le procès de G. de Barjols (Pièce justificative n° II)
558
1262, 18 janvier - Pierre Audibert vend au bayle de Salon, agissant au nom de l’archevêque, la part qu’il
possédait de la châtellenie de St-Chamas. au prix de 35 sous tournois (Gallia christiana novissima, Arles, n° 835
[2020: accessible ici sur Internet Archive]).
559
Cette confusion des pouvoirs s’est perpétuée dans des localités de moindre importance où le bayle garde
encore au XVe s. un pouvoir d’ordre général. Voir aux pièces justificatives (n° X) les attributions du bayle de St-
Chamas.
560
1255, 18 mars. Quelques conseillers de la ville de Salon décident d’envoyer 6 députés à l’archevêque pour
négocier avec lui “et quod dictus bajulus predicta omnia et singula faciat per parlamentum castri Sallonis
approbari et confirmari” (Chartrier de Salon, n° 7).
561
Raymond Beroard de Saint-Marcel (Livre rouge f° 240), bayle de Salon en 1227, est certainement parent de
Hugues Béroard, archevêque, d’origine marseillaise.
562
Geoffroy Barrière promet “sicut ordinatus” que Guillaume de Barjols aura la vie sauve (Pièce justificative n°
IlI).
563
[2020] cf Rostang de Cabre, qui fut successivement professeur en droit à Aix, chanoine d'Arles, & enfin
archevêque de cette ville en 1286.
564
1253, 11 avril. Dominus Guillelmus de Sancto Juliano, miles (Pièce justificative n° III),

94
Cette réforme en entraîna une autre: l’archevêque choisissait désormais un homme rompu au métier
des armes, mais il lui était difficile de lui confier l'exercice de la justice; aussi ne sommes-nous pas
étonnés de voir figurer simultanément un bayle et un juge565.

Le viguier

Bientôt nous constatons un dernier changement; l’officier qui préside au gouvernement de la ville de
Salon quitte le nom de bayle pour prendre celui de viguier566.

La raison de cette modification est facile à deviner: l’archevêque avait placé des bayles non seulement
à Salon, mais encore à Saint-Chamas, à Grans, et dans d’autres localités de son ressort; pour éviter
que son représentant officiel ne fût confondu avec ces officiers subalternes, et pour lui donner sur eux
une marque sensible de supériorité, il le nomma son viguier567.

Cela ne se fit pas sans quelques tâtonnements: après avoir vu le viguier établi dès 1268568, nous
retrouvons un [145] bayle en 1269, et ce personnage cumule les fonctions de bayle et de juge569.

Il ne faut pas trop s’étonner de ces contradictions; les textes dont nous disposons sont trop espacés
pour que nous trouvions autre chose que des points de repère. Peut-être qu’à ce moment, le viguier
étant absent, le juge prit un titre dont l’usage était encore récent; peut-être même avait-il exercé
autrefois le bajulat. En; tout cas, le viguier reparaît en 1275 et, cette fois, l’institution est bien
établie570.

Le viguier était toujours un laïc, le plus souvent de rang noble571; l’archevêque ne manquait pas de
nommer un de ses parents, quand il le pouvait572, mais il le choisissait toujours en dehors du pays573.

565
1265, 3 Février (Livre vert, 183 v°).
566
Certaines villes continuèrent à être administrées par des bayles, par exemple à Bourg St-Andéol: voy.
Courteault (p. 109). A Aubagne, ce n’est qu’en 1402 que le bayle quitte ce nom pour prendre celui de viguier,
Barthélemy, t. 1, p. 51) mais, là aussi, si les noms changent, les fonctions restent les mêmes.
567
Le mot indiquait bien qu'il s’agissait d’un délégué, d’un remplaçant. L’archevêque, d’ailleurs, en trouvait des
exemples autour de lui; l’empereur ne considérait-il pas l’archevêque lui-même comme le vicaire de l’empire?
En 1251 Charles d’Anjou traite avec la ville d’Arles et y établit un viguier pour rendre la justice (Séranon, p. 120).
568
1268, 26 Mars “Presentibus [...] domino Isnardo Guarini, milite, vicario castri Sallonis pro predicto domino
archiepiscopo.” (Livre vert, f° 187 v°)
569
1267, 1er Avril - “In presencia domini Benedicii de Ribauca bajuli ei judicis dicti castri [...]” (Chartrier de Salon,
n° 21).
570
1275, Janvier (v. l’affaire de Lamanon: Appendice I).
571
A Avignon, il devait être chevalier, fils de chevalier ou baron (Girard, La cour temporelle d’Avignon aux XIVe
et XVe siècles, p. 4).
572
Guillaume de Languissel, parent de l’archevêque Bernard II, Pierre Alemand, frère de l’archevêque Louis
Alemand, et Hugues Alemand, son parent.
573
Cette exclusion des gens du pays s’entendait sans rigueur, surtout au XVe s.. Ainsi en 1467, noble Jean Ruffi,
co-seigneur de Lanianon et d’Aurons, qui possédait de nombreuses propriétés à Salon, était cependant viguier
(Arch. dép. des B.-du-Rhône, Série J, fonds Nicolai, n° 17).

95
La fonction n’était pas viagère et le maintien du viguier en place ne dépendait que du bon vouloir de
l’archevêque ou du mérite du titulaire574. En général, la durée de l’office était de 2 à 4 ans. Le viguier
devait difficilement pouvoir se maintenir plus longtemps, même lorsqu’il avait bien rempli les devoirs
de sa charge, car nous voyons, à plusieurs [146] reprises, un viguier interrompre son office pendant
quelques années, puis être nommé une seconde fois575. Il était astreint à la résidence et devait remplir
son office en personne, mais comme ses fonctions l’obligeaient parfois à s’absenter, il se faisait
remplacer par un lieutenant qu’il choisissait librement et qui était souvent un gentilhomme
du pays.

La charge de viguier n’était pas gratuite. Peut-être qu’à l’origine l’archevêque avait abandonné à celui
qui le représentait une partie des revenus de son domaine ou quelques-uns de ses droits féodaux ou
de justice576.

En 1293, il recevait déjà un traitement fixe, ainsi que les autres officiers de la cour577; en 1431, il était
probablement de 60 florins par an578.

Ce traitement n’était pas le seul profit du viguier qui touchait aussi une part des amendes infligées à
l’occasion de certains délits, surtout en matière de police urbaine579, ou rurale580, ou relatives à la
garde de la ville581. II vendait [147] également, à son profit, certaines marchandises confisquées. Un
acte non daté, mais qui paraît se rapporter au début du XIVe siècle, nous donne à cet égard des détails
intéressants582.

L’article premier est peu banal: il permet au viguier de saisir le lit de ceux qu’il surprend en flagrant
délit d’adultère. Le lit constituait la pièce essentielle du mobilier: sa confiscation était une très grosse
perte pour le délinquant et un profit sérieux pour le viguier qui, d’ailleurs, à cette occasion, partageait
le bénéfice avec les autres officiers. La plupart des autres articles s’inspirent des statuts de 1293 et
détournent au profit du viguier tout ou partie des amendes infligées pour infraction à quelques-uns
des règlements.

574
L’archevêque avait le droit de casser un viguier indigne (Statuts de 1293: ( art. LXII). L’archevêque Gasbert, le
25 février 1328 nomme Guillaume de Cornillon, damoiseau, du diocèse de Cahors, “usque ad nostrum
beneplacitum” avec le pouvoir de “jus reddendi et justiciam ministrandi.” (Arch, du Vat., Collectorie 379, f° 174
v°).
575
Citons, par exemple, Jean de Levets, Pierre Adhémar, Jean Ruffi (Voir Appendice II).
576
“Item Petrus et Berengarius Alcana fratres de Alansone pro quadam terra [...] in quaquidem terra sunt XVI
eminate vel circa, faciunt pro censu albergam unius militis condecentem. scilicet vicario Sallonis et ejus aliis sociis
quos ad se voluerit convocare, cum quatuor animalibus formitis condecenter, eo modo et forma quibus decet.”
(Liève des censes de 1304, f° 35) - voir aussi les “Recepta vicarii”, art. 10. (Pièce justificative n° XIII).
577
Statuts de 1293: art. LXII.
578
Les gages semblent avoir été plus importants au début du XVe siècle. Le 30 octobre 1415, Etienne Lermine,
viguier, donne quittance au clavaire de 400 florins reçus pour ses gages du jour où il a pris cet office jusqu’au 6
octobre présent. Or en janvier 1411 Arnaud Charpin était encore viguier. Cette somme représente donc 5 ans
de gages à peine et probablement 4 ans.
579
Recepta vicarii: art. 1-2-3-7-8-9.
580
Id. art. 4.
581
Id. art. 5 et 6.
582
Pièce justificative n° XIII.

96
Le viguier percevait également la moitié des amendes qui revenaient au sous-viguier à raison de son
office. Enfin, les juifs lui payaient une redevance spéciale de 10 sous à chacune des quatre foires de
l’année, et le jour de Noël, 4 florins en guise d’étrennes583.

Au sens général du mot le viguier était administrateur; il présidait à l’exacte et régulière administration
des droits et des revenus de son maître, en même temps qu’il surveillait la manière dont la justice
était rendue. Quoique la connaissance des crimes et des délits fût plus spécialement dévolue au juge,
il avait gardé en ces matières une certaine compétence: il surveillait la, manière dont la justice était
rendue et pouvait même présider le tribunal584.

[148]

Il avait au moins le droit d’actionner la cour de justice et de faire ouvrir des enquêtes585.

Son rôle essentiel était de recevoir l’hommage de tous les nouveaux habitants586, et surtout de veiller
à la garde et à la sécurité de la ville. Toutes les questions militaires sont de son ressort: il désigne les
habitants pour le guet et les rondes de nuit587, ainsi que ceux qui doivent monter la garde dans une
tour du château pour surveiller les environs588.

Au cri d’alarme poussé par la sentinelle du château, tout homme de Salon en âge de porter les armes
doit s’équiper du mieux possible et se ranger sous la bannière du viguier589. Il a le commandement
des troupes et punit ceux qui font défection590. Ces attributions militaires, qui passaient au second
plan pendant les périodes de paix, prenaient une importance exceptionnelle aux périodes troublées
et en temps de guerre. A ce moment, pour bien marquer le caractère essentiel de ses fonctions, le
viguier prend le titre de capitaine591.

583
Pièce justificative n° XIII. (idem)
584
Au XIVe s,, le viguier et le juge président alternativement la cour temporelle de Salon, mais pour les causes
civiles seulement (Coreysoni, not. greffier de la cour, reg. de 1331-32) - L'ordonnance de 1456 sur l’organisation
de la cour (Pièce justificative n° XXXI) s’adresse indistinctement aux officiers supérieurs de la cour, les
“presidentes”.
585
Le viguier donne l’ordre de faire une enquête sur les agissements de Bertrand Jausseran (Bibl. mun. d’Arles:
ms 107, p. 210).
586
St. de 1293: art. I. en l’absence de l’archevêque seulement. Les criées de 1454: art. 1, ne font plus cette
distinction, l’archevêque ayant dû se décharger de cette formalité sur son lieutenant.
587
St. de 1293: art. XXXIV.
588
Id. art. XXXV.
589
Un acte de 1205 signale déjà la bannière de l’église d’Arles.
590
St. de 1293: art. LXIV - Voir le rôle du viguier dans l'expédition armée sur les terres de Lamanon en 1275
(Appendice I).
591
La première mention est du 20 octobre 1360 (Jacobus Franchi not.). C’est le moment où les grandes
compagnies menacent Salon.

97
Il faut remarquer que cet officier ne double pas le viguier pas plus qu’il ne le remplace: viguier et
capitaine ne font qu’un592, et si, parfois, le nom, de capitaine figure seul, [149] c’est que les attributions
militaires doivent aux circonstances de s’être développées aux dépens des autres593.

Le viguier, comme autrefois le bayle, en qualité de délégué du seigneur, autorisait la tenue des
conseils, convoquait les conseillers et assistait à leurs délibérations594. II faisait de même faire, par le
héraut public, les annonces nécessaires pour réunir le parlement général de la communauté. Il le
présidait toujours, sa présence étant indispensable à sa régularité, et toute décision votée en son
absence eût été entachée de nullité; mais il n’avait jamais voix délibérative, et s’il faisait publier les
décisions de ces assemblées pour les sanctionner de son autorité, il ne pouvait pas les modifier595.
C’était, là une situation assez fausse qui fut l’origine de conflits très aigus entre le viguier et ses
administrés.

La Justice

Le Juge

Les attributions judiciaires furent dévolues de bonne heure à un fonctionnaire particulier596: dès 1265,
Bertrand Guigues, juge de Salon, confirme avec le bayle un acte de vente597.

[150]

La cour temporelle de Salon est complètement organisée lors de la rédaction des statuts de 1293;
ceux-ci portent même le nom de statuts de la cour598.

La cour avait d’ailleurs pour mission de recevoir, de faire enregistrer par le notaire et de publier les
bulles et les ordonnances intéressant les privilèges et les libertés de la ville, la police, le droit privé, en
un mot tout ce qui touchait à l’administration publique et aux intérêts des habitants. Elle devait, pour
que nul n’en ignorât, faire publier périodiquement les anciens statuts599.

592
C’est ce qui existait à Draguignan (Arnaud: Organisation administrative de Draguignan, p. 10).
593
A Saint-Chamas, au début du XVe siècle, les habitants élisent un capitaine, ses fonctions sont annuelles (P.
de Rivo not. passim).
594
1395, 25 Mai. Les conseillers élisent 4 vérificateurs des poids et mesures; le viguier assiste à l’élection et la
confirme (Arch. mun. de Salon: HH 1).
595
Lambert p. 463.
596
Nous ne tenons pas compte d’un acte de 1051 signalé par la Rubrique de l’archevêché (Inventaire A, f° 8 v°)
par lequel le juge de Salon condamne plusieurs habitants de St-Chamas et autres lieux qui avaient commis divers
excès au lieu de Martigues. La date est certainement erronée.
597
Livre vert, 183 v°
598
Pièce justificative n° V.
599
Cette publication se faisait le 1er Janvier (St. de 1293: art. LXXXVII). Nous empruntons quelques expressions
au livre de M. Girard (La cour temporelle d’Avignon).

98
Pour garantir son indépendance et mieux encore son impartialité le juge était habituellement choisi
en dehors du pays où il exerçait.

Au début, nous ne savons s’il était laïc ou clerc: dans ce dernier cas, les causes criminelles devaient
être dévolues soit au viguier, soit à un juge spécial. En 1327, cependant, Guillaume Simonin est
certainement clerc, il est même à la fois vice-official et juge600: ce cumul est régulier de 1341 à 1353:
à ce moment, les causes criminelles importantes sont dévolues à un juge criminel601.

L’archevêque peut, au contraire, choisir un personnage de rang noble602: c’est ce que nous constatons
pendant la: période si troublée qui embrasse la seconde moitié du XIVe siècle.

[151]

Au XVe siècle nous rencontrons plus que des juges laïcs, les études de droit s'étalent répandues et il
était plus facile de trouver des jurisconsultes. Les archevêques semblent avoir toujours choisi, pour la
cour de Salon, des hommes instruits et gradués en droit603: c’étaient parfois des hommes qui avaient
déjà fait leurs preuves en siégeant dans une cour moins importante604.

Le juge n’était pas nommé pour une période fixe605; si la liste que nous avons dressée606 est trop
incomplète pour que nous en tirions une conclusion formelle, elle semble cependant indiquer que le
juge reste moins longtemps en fonction que le viguier. Il recevait un salaire607 qui était, en 1431, de
40 florins par an608, après avoir été plus élevé au début du XVe siècle609; les juifs lui donnaient 4 florins
le jour de Noël en guise d’étrennes610.

[152]

600
Arch. mun. de Salon: HH1.
601
1350, 22 octobre (de Gapo, not. ét. de 1350-51, f° 8).
602
François Ermile, juge de 1353 à 1357.
[2020: voir plus bas “domini Francisci Esmirle, militis, judicis castri Sallonis”] Nota: par ailleurs, le nom Esmirle
signifie “émerillon”, (petit rapace diurne du genre des faucons, que l'on dressait autrefois pour la chasse), cf
Lexique roman ou dictionnaire de la langue des troubadours.
603
1298, 2 Mai. “Dominus Johannes Bermundi, legum doctor, judex Sallonis et totius terre sancte Arelatensis
ecclesie” (Chartrier de Salon, 186) - L’inventaire de la bibliothèque de noble Bernard Marrel, bachelier en lois,
juge de Salon, signale 40 volumes parmi lesquels les ouvrages de droit civil et de droit canon dominent, mais il
s’y trouve aussi deux traités de logique, un de physique, un de grammaire, un traité “de armis et insignis [...]
quidam liber Catonis et aliorum actorum” - (L. de Rivo not. ét. de 1399-1400, f° 38 v°).
604
Ainsi Rostang Rigord est juge à Miramas en 1355 (de Gapo not. prot. 1330-51, f° 67) avant d’être juge à Salon
où nous le voyons siéger en 1359. (GG 23, liasse 2).
605
Les lettres de provision de Thomas de Bourgogne, en 1415, nous montrent que la durée des fonctions dépend
uniquement du bon vouloir de l’archevêque (Pièce justificative n° XIV).
606
Appendice II.
607
Statuts de 1293, art. LXII.
608
J. Vaureys not. prot. 1431, f° 146.
609
II était de 50 florins (P. de Rivo not prot. 1416, f° 105). Nous avons constaté pour le viguier un fait analogue.
610
Pièce justificative n° XIII.

99
Il était formellement interdit de faire au juge, d’autres cadeaux que les pourboires insignifiants tolérés
par l’usage “esculenta et poculenta”611 612.

Le juge de Salon était astreint à la. résidence et il paraît avoir respecté cette obligation. Il lui arrivait
cependant de s'absenter, car nous verrons qu’il tenait des assises dans les principaux sièges de son
ressort; dans ce cas, il se faisait remplacer par l’official, le vice-official, le lieutenant du viguier, ou par
un personnage quelconque qui s’intitulait vice-juge.

Le Tribunal - Les Audiences

La justice s’est rendue de bonne heure dans un lieu spécial613 facilement accessible au public. C’était,
au XIIIe siècle, une maison précédée d’un portique614 ouvrant sur la place; au XVe siècle elle présentait
encore une disposition analogue et on l’appelait la loge615.

La simplicité de l’appareil judiciaire permettait toutefois, au juge de choisir, pour rendre ses arrêts,
l’emplacement qui lui semblait le plus commode. Parfois, c’était le propre domicile du juge, ou la
boutique d’un marchand616, [153] souvent même la rue, la place publique ou la cour du château617.
Quel que soit l’endroit choisi pour tribunal, l’usage voulait que le juge siégeât sur un banc de bois618.

Ce n’est qu’au XVe siècle que nous pouvons avoir quelques détails sur l'organisation intérieure de la
curia. A cette époque, le juge siège tous les jours non fériés; les vacances sont réglementées et elles
sont très nombreuses619.

611
“Proviso semper quod dominus judex ipse pro consilio [...] aut pro sportulis seu labore vel causa alia nichil
prorsus accipere debeat” (Arch. mun. de Salon, DD 5).
612
2020: La limitation de ces cadeaux aux esculenta et poculenta est mentionnée par les statuts d'Arles, vers
1160-1180, art. 175 (éd. Ch. Giraud, Droit français au Moyen Age, Paris, 1846, II, p. 241), par la glose d'Accurse
(sub v° "annonis" à la novelle 8), par les règlements d’Alphonse de Poitiers et de Saint Louis en 1251 et 1254, etc
in La Conscience du juge dans la tradition juridique européenne. Littéralement “comestible” et buvables”.
613
1243, 28 septembre. “Actum est hoc in Castro Sallonis in curia archiepiscopale juxta lignersum (?) curie
superius nominate [...]” (Livre vert, f° 213 v°). D’après Ducange, lignerium: bûcher, lieu où on serre le bois.
614
1242, 27 juillet “Actum est hoc in Castro Cellonis in curia staris dicti domini archiepiscopi, in porticu ante
januam dicte curie [...]” (Gallia christiana novissima, Arles, n° 835 [2020: accessible ici sur Internet Archive]).
615
Nous relevons dans le cadastre de 1430 (Arch. mun. de Salon: CC 28) “Et primo I ostal en la plassa, confronta
ambe la loga del senhor [...] I ostal en lo dich carton (d’Arlatan) confronta ambe la loga de la cort [...]”
616
1355, 7 janvier “in presencia nobilis et circumspecti viris domini Francisci Esmirle, militis, judicis castri Sallonis,
in operatorio heredis magistri Guillelmi Amandi notarii quondam, scito in platea Sallonis, pro tribunali sedentis,
quem locum sibi pro tribunali eligit ad actum infrascriptum [...]” (de Gapo, not. prot. 1350-51, f° 51).
617
1414, 4 juillet “ [...] in area castri Sallonis. supra quamdam parietem pallerie dicte aere sibi ad hunc actum
existendum electam more majorum pro tribunali sedente [...]” (P. de Rivo, ét. de 1400 et suiv.).
618
1415, 16 Novembre “ [...] more majorum ad causas audiendum et jura reddendum super quodam stanno
fusteo pro tribunali sedentis [...]” (P. de Rivo not. ét. de 1400 et suiv.).
[2020: stannum in Du Cange, Sedes et apotheca, ubi merces venum exponuntur; fustea = de bois]
619
“ [...]Et incipiant facere ferias pro Natali Domini in vigilia Beati Thome apostoli, et extendantur usque ad
festum apparitionis Domini. Similiter ferie pro Pascha durent a vigilia dominice in Ramis palmarum usque ad
octabas Pasche; et pro ascenscione Domini per duos dies, scilicet vigiliam et festum; et per Pentecostem faciant
ferias tribus diebus tantum; et tempore messium fiant ferie per quinque septimanas, et tempore vendemiarum
per mensem tantum.” (St. mun. d'Arles, art. 62 - Giraud, t. II p. 210).

100
Les audiences se donnent le matin à la 3e heure; lorsque les affaires sont nombreuses, certaines
d’entre elles sont examinées l’après-midi, à l’heure des vêpres620. Beaucoup de laisser-aller s’était
introduit dans les mœurs judiciaires; l’archevêque Pierre de Foix, par une ordonnance du 4 juin
1456621, y mit bon ordre et décida que, désormais, les audiences se tiendraient tous les jours, matin
et soir, aux heures habituelles.

[154]

Ressort et Compétence

Le ressort de la cour temporelle est délimité avec soin par les statuts de 1293622; ce sont les localités
suivantes avec leurs terroirs623: Grans, Cornillon, Saint-Chamas, Vernègues, Aurons, Saint-Mitre,
Castelveyre, Vaquières, Saint-Martin de la Palud624.

Bien entendu, cette liste n’avait rien de définitif; à mesure que le domaine de l’archevêque s’étendait,
le ressort de la cour de Salon s’accroissait d’autant. Pour éviter toute contestation, le juge prenait le
titre de “judex Sallonis et tocius terre sancte Arelatensis ecclesie” ou bien “tocius temporalitatis sancte
Arelatensis ecclesie”.

Les localités que nous venons d’énumérer avaient, elles aussi, un représentant de l’archevêque qui
était à la fois juge, officier de police, administrateur, officier comptable625. C’était, par exemple, un
bayle à Grans et à Saint-Chamas, un châtelain à Saint-Mitre. Ces officiers connaissaient des affaires
peu importantes626 et leurs appels étaient portés devant le juge de Salon627. Au début du XIVe siècle
encore, le juge de Salon tenait des assises à intervalles réguliers [155] dans les différentes localités de
son ressort, et il examinait les affaires inscrites au rôle depuis la précédente session628.

620
De Solerio, greffier de la cour, protocole de l’année 1428
621
Pièce justificative n° XXXI, art. 3.
622
Art. IV et LIV.
[2020: quelques subtiles différences entre les contenus de ces deux articles sont examinés ici, Alleins est
mentionné dans le V.]
623
Ces localités sont déjà énumérées dans un acte de 1232 par lequel Raymond Bérenger déclare francs de toute
imposition les hommes de l’archevêque d’Arles (Bouche, t. IJ, p. 240).
624
Aujourd’hui Saint-Martin de Crau.
625
V. les lettres de provision du baile de St-Chamas en 1344 (Pièce justificative n° X).
626
A St-Chamas, au début du XVe s., la cour temporelle est présidée par le baile. Les audiences se donnent soit
dans le château, soit au domicile du baile ou du notaire-greffier. Elles ont lieu tous les 10 jours environ (P. de
Rivo, not. de ta cour, prot. 1410J.
627
1341, 26 octobre. Appel de la communauté de Saint-Chamas au juge de Salon (G. Raynaldi not. prot. 1342-
45).
628
A St-Chamas, le baile remet les affaires importantes “ad primum adventum domini judicis in Sancto Amantio”.

101
Les causes graves, surtout au criminel, continuèrent à être dévolues au juge de Salon629: ce dernier, se
substituant au juge de la localité, venait rendre son verdict dans des assises solennelles630.

La compétence de la cour temporelle était très étendue. Au civil, elle jugeait toutes les causes, quelle
que fût la valeur de l'objet en litige; au criminel, elle correspondait à la fois à nos tribunaux de simple
police, de correctionnelle et à nos cours d’assise, c’est-à-dire qu’elle jugeait à la fois les simples
infractions aux règlements de police municipale, les délits et les crimes631. Les juges exerçaient aussi
la juridiction gracieuse, procurations, nomination de tuteurs ou de curateurs, émancipations,
ouverture d’inventaires, mise aux enchères publiques, etc.

Pour ces divers actes et pour les causes civiles ou fiscales peu importantes, le juge siégeait
ordinairement seul, assisté simplement du notaire greffier qui inscrivait les sentences dans un registre
spécial. Le plus souvent il rendait la sentence immédiatement, sans donner de motif, par un simple
dispositif aussitôt enregistré par le notaire632. Lorsque la cause demandait plus de réflexion, il ne
rendait l’arrêt qu’après avoir délibéré.

[156]

Les causes criminelles étaient examinées à part633 et on attendait d’en avoir un certain nombre pour
les juger en une seule session. Ces causes devaient être jugées par le juge ordinaire et non pas son
lieutenant; ce dernier renvoyait les affaires de ce genre, quand elles se présentaient, à la prochaine
rentrée du juge.

Les causes criminelles entraînant des condamnations graves, et particulièrement la peine de mort,
étaient entourées de garanties spéciales: souvent elles étaient instruites par le juge ordinaire, mais la
sentence était rendue par un juge spécial, commis à cet effet, et qui prenait le nom de juge des causes
criminelles634. Cette sentence était toujours prononcée en parlement public.

Si, pour les délits de peu d’importance, les accusés n’étaient pas toujours à l’abri de l’arbitraire; les
causes graves étaient examinées avec soin et la publicité donnée au verdict était une garantie
précieuse.

629
Il prend alors le titre de juge de la localité où il vient siéger.
630
1359, 9 Mars. Procès de Bertrand Escudier de Saint-Chamas. La sentence est publiée dans un parlement
public convoqué à cet effet. (J, Franchi not. prot. de 1360).
631
Girard, p. 6.
632
Lambert, p. 465.
633
A Avignon, 3 fois par semaine, le matin, l’audience était réservée aux causes criminelles. 4 fois par an, les
juges tenaient des assises solennelles pour les causes graves (Girard, p. 7). [2020] accessible ici.
634
1417, 9 Décembre. Laurent Langlade, sergent de la cour, est accusé d'empoisonnement et de sortilèges
“coram nobili et circumspecto viro domino Petro de Morlanis, baccalario in utroque jure judiceque in causis.
criminalibus dicte curie Sallonis et tocius terre temporalitatis sancte Arelatensis ecclesie [...]” (Guil. Gaudini not.
prot. 1417).

102
Rapports avec les juridictions voisines

Restait à régler les rapports avec les juridictions voisines, et c’était chose délicate: en effet, si
l’archevêque possédait à Salon et à Grans635 les droits les plus absolus, il devait, dans d’autres localités,
les partager avec des [157] co-seigneurs. L’enchevêtrement636 de ces droits rendait les conflits
inévitables. Parfois les transactions se faisaient à l’amiable637, mais souvent aussi il fallait réprimer des
abus.

Les rapports avec les seigneurs voisins donnaient également lieu à de fréquentes contestations,
surtout en ce qui touchait les droits de pâturage clans la Crau638.

Le domaine de l’archevêque s’étendait sur une partie du terroir de Martigues639, et ce fut l’occasion
de. continuels procès avec les officiers du comte de Provence640. Le juge de Salon, pour bien marquer
ses droits sur les pêcheries de [158] l’étang, un des revenus importants de l'archevêque, s’intitulait
parfois “bayle des eaux de l’étang du Martigues”641, et il recevait les appels des habitants de “l’île
Saint-Giniez”642.

Les degrés d’appel

635
1276, 12 Août. Sentence arbitrale qui adjuge à l’archevêque toute la juridiction de Grans. (Chartrier de Salon,
n° 122).
636
1286, 23 Février. Chaque co-seigneur de St-Chamas aura le droit de faire saisir et punir ses hommes, mais le
droit de faire l’enquête et de prononcer la sentence sera réservé au juge et au greffier de l'archevêque. (Chartrier
de Salon, n°’223 et 226).
637
1286, 23 Février, Bertrand et Hugues de St-Chamas sc plaignent du baile de l’archevêque à Cornillon, disant
“quod injuriabantur [...] et occupabat bona et jura ipsorum” (Livre vert. f° 206).
638
Le juge de Salon fait une enquête au sujet de condamnations infligées aux habitants de St-Chamas par un
juge d’Aix. Bertrand de St-Chamas promet de ne plus soustraire, à l’avenir, ses hommes à la juridiction de
l’archevêque. (Chartrier de Salon, n' 184).
639
1330, 14 Janvier. Transaction entre l’archevêque Gasbert de Laval et Raymond, abbé de Montmajour, au
sujet des droits de pâturages des habitants de Salon, Grans et Miramas. Si le ban est enfreint par les hommes
de Miramas les causes seront portées devant le bayle de Miramas; si c’est par ceux de Salon ou de Grans, devant
le bayle de Grans ou le juge de Salon. (Arch. mun. De Salon DD 5).
640
1226, 11 Janvier. L'archevêque donne au comte de Provence deux prairies qui composent l’île de Martigues,
avec l’autorisation d’y construire des maisons et des fortifications, et en se réservant certains droits. (Chartrier
de Salon, n° 284).
Orpheline: #6 1291. Protestation des officiers de l’archevêque contre ceux du roi au sujet de la juridiction des
eaux de Martigues, de St-Giniez, de Ferrières, et des eaux de Correns (actuellement étang de Caronte). (Chartrier
de Salon, n° 236) - 1307, Lettres royaux révoquant les ordonnances faites au préjudice de l’église d’Arles.
(Rubrique de l’Archevêché, Inventaire A, f° 9 v°). - 1321, 3 Septembre. Ordonnance du Grand Sénéchal de
Provence pour la réparation des griefs faits à l’archevêque d’Arles par les officiers du roi dans l’île de Martigues.
(Chartrier de Salon, n° 246).
641
Rubrique de l’Archevêché, Inventaire A, f° 8.
642
Id. f° 2.

103
La réglementation de l’appel fut certainement un des points faibles de notre ancien droit, non pas que
le principe en fut inconnu, mais parce que la multiplicité des degrés de juridiction et leur
enchevêtrement permettaient de multiplier les recours en appel d’une façon exagérée.

Si, dans la plupart des régions de la France, les justiciables souffraient du nombre trop grand des
degrés d’appel, on peut dire qu’à Salon c’était tout le contraire: de ses officiers ou en appelait à
l’archevêque et c’était tout643. Si ce dernier était mal instruit de l’affaire ou s’il voulait soutenir ses
officiers, on devine les dangers qui pouvaient en résulter.

Les Salonais, après de longs débats644, arrivèrent à conclure avec l’archevêque un accord qui organisait
l’appel à 3 degrés645.

Pour toutes les causes fiscales et civiles, les sujets de l’archevêque devaient appeler de leur juge
ordinaire et à lui [159] seul. En seconde instance, les causes étaient portées devant un juge d’appel
député par l’archevêque: l’un résidait à Salon, l'autre à Arles.

Enfin, de ce deuxième appel, on pouvait appeler au Saint-Siège; toutefois, si l’appelant le désirait,


cette troisième instance pouvait être introduite, elle aussi, devant le juge de l'archevêque.
Cet accord ne fut peut-être jamais exécuté car les habitants se plaignirent de ne pas en avoir eu
connaissance646. En tout cas, il ne fut pas longtemps en vigueur puisque l’année suivante le pape
retirait aux officiers de l’archevêque tout exercice de juridiction civile ou criminelle647. L’essentiel, pour
les Salonais, était d’avoir obtenu de pouvoir en appeler au Saint-Siège; même lorsqu’ils furent rentrés
sous la juridiction des archevêques d’Arles648, ils conservèrent ce privilège649.

Les Pénalités

Pour en finir avec l’organisation judiciaire, disons un mot des pénalités: elles étaient avant tout
pécuniaires; les anciens statuts, les statuts de 1293, les diverses criées, après l’énoncé du règlement
à observer, ne manquaient pas de donner le tarif de l’amende à infliger au délinquant; pour les délits
de police, l’amende était parfois remplacée par la confiscation des objets en litige, ou bien elle
s'ajoutait à la confiscation. Ces tarifs n’avaient d’ailleurs rien d’immuable [160] et la cour gardait une
grande marge d'appréciation; le statut disait “ad arbitrium curie”. C’était bien souvent au bénéfice de

643
1367, 27 Septembre. Le juge de Salon condamne deux habitants de Salon, l’un à 20 livres, l’autre à 60 livres
d’amende, pour avoir appelé de sa sentence au commissaire apostolique (Arch. mun. de Salon AA 1) - Dans le
comté de Provence, l’appel devant les juges du Comte était de règle absolue. (Grégoire, p. 93).
644
Ces débats sont tellement liés aux événements historiques que nous en avons parlé plus en détails dans la
seconde partie de ce travail.
645
1368, 30 Avril. Pièce justificative n° XIX. Vidimus du 18 Août 1369.
646
Pièce justificative n° XIX.
647
1369. 2 avril, Pièce justificative XVIII.
648
A la mort de Guillaume de la Garde en 1374.
649
Il fut confirmé en particulier par une bulle de Sixte IV du 29 Janvier 1484.

104
l’accusé, la cour tenant compte, soit de son état de fortune, soit des circonstances qui atténuaient sa
culpabilité650.

A une époque très ancienne, les châtiments corporels étaient employés651, et la refonte des statuts en
1293 indique nettement le souci d’adoucir les rigueurs de la législation652.

Il était cependant resté un souvenir de ces peines corporelles à l’occasion des crimes considérés
comme les plus graves: seulement elles s’étaient commuées en des cérémonies burlesques et
infamantes, mais exemptes de toute cruauté653.

Certains malfaiteurs étaient exposés au pilori654, et ce devait être également le sort de ceux qui étaient
incapables de payer leur amende.

La prison était rarement employée comme peine655, car l’entretien des prisonniers coûtait cher. Pour
toutes les causes [161] n’entraînant pas une peine corporelle, la prison préventive même était
supprimée; le juge se contentait de faire promettre à l’accusé de comparaître en justice au jour
indiqué, sous la garantie d’une forte caution. Dans ce cas, le prisonnier sur parole ne devait pas sortir
de l'enceinte de la ville, ou même de sa maison, suivant la gravité des délits656.

Cependant lorsque l’accusé ne possédait rien pour garantir sa parole657, ou lorsqu’il s’agissait de
criminels, on utilisait les prisons du château658.

Une question difficile à résoudre est de savoir si la torture était employée. Nous n’avons que peu de
textes qui y fassent allusion659.

650
Condamnations prononcées en 1298 à St-Chamas par le juge de Salon: “ [...] dictum Raimbaudum Corvi,
moderata ejus pena propter paupertatem, condempnamus in XXti solidos [...] “ en 1305 “idcirco dictus dominus
judex dictum Johannem condempnat juxta statutum curie Sallonis in triginta solidos, mitigata pena propter ejus
juventutem [...]” {Pièce justificative VII).
651
Anciens statuts, art. 14. Cf. St. de 1293, LXXIII.
652
V. le préambule. [2020] “ipsa statuta innovamus, aliqua de novo statuentes vero nulla eciam temperantes et
modificantes sicut vidimus et probavimus statui prospero terre nostre et tempori convenire”
653
Pour les adultères et les faillis (art. LXI et LXXIII).
654
1407, 21 Novembre. Le sous-viguier, sur l’ordre du juge interdit à un certain Jacques de Florence de résider
à Salon, ni dans son ressort, “sub pena scallandi vel ad castellum ponendi” (not. inconnu prot. 1407-08).
[2020] Lire “costellum”, et non “castellum”. Costellum in Du Cange: ut Costellus, Supplicii genus, Gall. Carcan,
pilori. Et scalare in Du Cange Scalæ pœna reum damnare, nostris Eschaller et Escheler. Lesquelz religieux
maintenoient que à eulz seulz et pour le tout appartient à drecier et avoir eschieles ou piloris dedens les termes
de la commune]
655
La prison pour dettes existait cependant. 1415, 31 Janvier. Le sergent de la cour, à la demande d’un créancier,
enferme “infra turnum fortalicii” Guillaume Aleman jusqu’à ce qu’il ait payé sa dette (P, de Rivo not. prot. de
1414, f° 13).
656
Bertrand Jausseran accusé de plusieurs crimes promet de ne pas quitter sa maison sous peine de 200 marcs
d’argent. (B. mun. d’Arles, ms 107, p. 210).
657
Antoine du Bourg. Etudes sur les coutumes communales du S.-0. de la France. Paris, 1882, in 4°.
658
En 1341 elles renferment “V compedes ferreos. II manicas ferreas, IIII anulos compedum, I martellum”.
[2020: compedes in Gaffiot: entrave pour les pieds | manica in Gaffiot: fers pour les mains, menottes]
659
Supplique adressée au pape en 1336 par les habitants de Salon qui se plaignent des officiers de l’archevêque
“fatigando eos multiplicibus laboribus, carceribus [...]”. On peut supposer qu’il y a quelque exagération destinée

105
Les exécutions capitales se faisaient ordinairement par le feu. Elles ne devaient pas être très
fréquentes, car Salon ne possédait pas de bourreau660. Le condamné661, les mains [162] liées derrière
le dos, parcourait la ville sur une charrette, et le bûcher était dressé sur une place afin de donner à
l’exécution le plus de retentissement possible.

Droits de Justice

Le Droit de Late

L’exercice des droits de justice a toujours été l’occasion, pour les seigneurs féodaux, de profits
considérables.

Le droit de late était un droit que le plaideur, dans les causes civiles, devait acquitter s’il perdait son
procès, de telle sorte qu’il payait les frais de justice et servait en même temps de frein à l’esprit de
chicane662. Les statuts de 1293, en réglant le versement de ce droit663, font preuve de bon sens et
d’équité; en effet, si le plaideur ne perd son procès qu’en partie, il ne paiera que relativement aux
chefs pour lesquels il aura été débouté.

Ce droit était perçu aussi dans les procès tranchés par une composition amiable ou par arbitrage664: il
était de 18 deniers par livre, soit du 13e environ665 666.

[163]

à toucher plus vivement le pape. La lettre de rémission accordée à Bertrand Jausseran fait une allusion plus
directe aux mauvais traitements qui lui ont été infligés “non sine gravi, ymo irreparabili, persone ac substancie”
[...] (v. Pièce justificative n° XXI).
660
En 1417 on fait venir celui de la cour temporelle d’Avignon.
661
“Laurencius Langlade dicti loci Sallonis, audita sua sententia per ipsum dominum judicem lata, ad justiciam
presentis castri Sallonis, videlicet ad peyronum igni comburendum, accedens supra quadam cadriga. liguatus
suis manibus per Johannem Ispani excequtorem justicie seu borrellium cum quadam cordeta [...]” (Guil. Gaudini
not. prot. de 1417).
662
Certains auteurs ont cru que le droit de late était payé par les deux parties. En réalité, le demandeur et le
défendeur étaient bien tenus de déposer le montant de ce droit entre les mains du clavaire dès que la cause
était introduite mais celui qui obtenait gain de cause en était remboursé dans les huit jours: “et victus in causa
per summam solvat pro expensis curie scilicet denarios duodecim pro predictis, et victor infra octo dies recuperet
pignora sua quicta a clavario” (Coutumes de Tarascon). [2020: item LV accessible ici]
663
St. de 1293 Art. V.
664
Ces tribunaux d’arbitrage étaient très employés dans l'ancien droit.
665
A Digne, on distinguait la late simple et la late triple, la première due par le seul fait de la demande venant
devant le juge, la seconde lorsque la demande était niée par le débiteur. La late simple était de 9 deniers par
florin. (Guichard, p. 23J.
666
[2020: une livre valait 240 deniers; 240/18 = 13.33]

106
Les Amendes

Les profits de justice consistaient surtout clans les amendes infligées aux coupables. Il serait superflu
de les énumérer, ce serait reproduire la plupart des articles des statuts. Signalons cependant, en
passant, que la cour ne les percevait pas toujours intégralement, car une étrange coutume en
abandonnait le tiers ou même la moitié au dénonciateur667.

Les plus nombreuses de ces amendes sanctionnaient les délits de simple police, voirie, police urbaine
et rurale, c'étaient les bans668. Leur perception fut d’abord confiée à des agents spéciaux669, mais
comme ils s’acquittaient mal de leur office et que la tendance générale était d’affermer tous les
revenus publics, les bans furent mis à l’encan dès la fin du XIVe siècle.

Désormais cette vente se fit chaque année par les soins du clavaire670.
Au milieu de tous ces détails, une question doit nous arrêter, et c’est en somme la seule qui mérite
d’être retenue: les justiciables de l’archevêque d’Arles étaient-ils plus favorisés que ceux des justices
féodales contemporaines?

[164]

Nous répondrons oui sans hésiter. Leurs juges étaient des spécialistes, des hommes instruits, rompus
aux subtilités du droit romain et du droit canon; les appels étaient régulièrement institués sans être
trop nombreux; les peines pécuniaires étaient préférées à toute autre671, et, en général, leur
application était tempérée par un esprit de justice et d’équité; enfin les châtiments corporels étaient
rares et réservés aux crimes atroces.

N’oublions pas que l’archevêque lorsqu’il était conscient de la dignité de son rôle, aimait à traiter ses
sujets avec bienveillance, et qu’il lui était toujours possible de gracier les coupables672.

667
2020: les récompenses de dénonciateurs (accusatores), anonymes ou publics, sont très fréquentes dans les
Statuts d’Arles de 1202, avec 29 items de la forme “## solidos qui ex equo dividentur inter accusatorem et
commune, accusatore nullo modo vel tempore celato” ou “## solidis puniatur quorum medietas sit communis et
alia accusantis”
668
Le “bannum” c’est à la fois la prohibition faite par la loi et la peine imposée à ceux qui y contreviennent
(Julien, t. I, p. 562).
669
Nous reparlerons de ces agents à propos des institutions municipales.
670
1398, 3 Février. Les bans de la ville de Salon et de son terroir sont mis aux enchères publiques et adjugés au
prix de 18 florins. (Pachoni not. prot. de 1399), La modicité du prix s’explique par les troubles qui sévissent à ce
moment. - 1415, 28 Mars. Le clavaire vend à Jean de Tos les revenus des bans du terroir de Salon, pour un an,
au prix de 42 florins (P. de Rivo not. f° 30 v°), - 1427, 7 Août. Arrentement des bans de Salon et de Grans au prix
de 30 florins (Salade de Salon f° 877). A partir de cette date, le prix de vente diminue régulièrement, pour n’être
plus que de 12 florins en 1499 (Salade de Salon f° 877 et suiv.).
671
2020: on voit fréquemment dans des statuts provençaux contemporains, des châtiments plus “médiévaux”
comme des poings tranchés (“amittat pugnum” dans deux items en Arles en 1202, plus un “membrorum unum
quod arbitrabunt consules Arelatis”), nez et lèvre (“amittat nasum cum labro usque ad dentes”) en Avignon en
1243, etc
672
V. aux pièces justificatives n° XXI les lettres de rémission en faveur de Bertrand Jausseran.

107
Lorsque nous comparons l’état de la justice à Salon à ce qu’elle était dans certains fiefs673, nous
constatons tout le bénéfice qu’avait retiré notre ville d’être gouvernée par des hommes intelligents
et d’une valeur morale souvent supérieure à celle des seigneurs laïcs de leur temps. Peut-être cette
idée nous aidera-t-elle à comprendre la lenteur que les vassaux de l’église d’Arles mirent à
revendiquer leur autonomie et la jouissance des libertés municipales; sagement administrés ils
n’éprouvèrent que tardivement le besoin de changer de forme de gouvernement.

Les offices subalternes

Nous devons maintenant passer en revue des offices subalternes qui complètent l’organisation de la
cour temporelle de Salon, ce sont ceux du procureur fiscal et du greffier.

[165]

Le Procureur fiscal

Le procureur fiscal remplissait auprès de la cour des fonctions analogues à celles qu’exerce le ministère
public dans l’organisation judiciaire actuelle. Son rôle essentiel était de soutenir les intérêts du fisc
clans toutes les causes criminelles ou civiles674.

Il était ordinairement choisi parmi les gens du pays675 rompus aux affaires et connaissant le droit: les
notaires étaient tout désignés pour servir à les recruter; c’est ce que nous constatons à Salon dès
1361676. Son traitement était modique, 15 florins par an, environ, au début du XVe siècle677.

Le Notaire-Greffier

673
Ainsi à Manosque, un règlement du 14 Mars 1234 donnait l’énumération des châtiments réservés aux crimes
et délits: on coupait la main droite à l'incendiaire, à celui qui donnait un coup de couteau; on coupait la main ou
le pied du voleur qui s’introduisait la nuit avec effraction dans une maison habitée, etc [...] Il est vrai que ces
peines pouvaient être rachetées par une forte amende (Isnard, Livre des privilèges de Manosque, p, XIX).
674
Girard, p. 11
675
Sous les évêques barons d’Aubagne, cet officier s’appelait procureur juridictionnel; il était toujours pris parmi
les habitants de la ville (Barthélemy, Histoire d’Aubagne).
676
1361, 22 Mai. Maître Nicolas Franchi, notaire de Salon, est procureur fiscal. (J. Duranti, not.) - L’institution
devait remonter à la première moitié du XIVe s. Un acte non daté mais attribué à 1344 indique que le procureur
fiscal reçoit 2 florins des juifs chaque année, en guise d’étrennes (Pièce justificative XIII).
677
(P. de Rivo not. prot. de 1417, f° 85 v°).

108
Le notaire-greffier n’était pas considéré à Salon comme un officier de la cour678: il est vrai qu’il était
toujours pris parmi les notaires exerçant dans la ville, et que ceux-ci, devant jurer679 de s’acquitter
loyalement de leur charge, [166] étaient déjà de véritables officiers publics; certaines cours avaient
des notaires-greffiers au civil et au criminel680; cette distinction n’existait pas à Salon, où le même
notaire servait de greffier pour toutes les affaires, mais sur des registres distincts.

Sa présence était indispensable à la tenue des assises judiciaires et il servait au juge d’assesseur
ordinaire. Il rédigeait sur place, les notes de l’audience et délivrait aux parties qui en faisaient la
demande des expéditions authentiques des jugements.

Il transcrivait également tous les actes de juridiction gracieuses enregistrés par la cour, tels que
procurations, inventaires, tutelles, ouverture des enchères publiques681.

Enfin il était chargé de transcrire et de conserver les criées faites par l’ordre de l’archevêque ou de la
cour et il avait la garde des archives682.

Pour reconnaître d’aussi importantes fonctions, nous supposons qu’il recevait un salaire683; en tout
cas les expéditions authentiques qu’il délivrait lui étaient payées au tarif fixé par la cour, et ce devait
être son principal revenu.

[167]

Les agents d’exécution

Il ne nous reste plus qu’à examiner quelques officiers qui n’étaient que de simples agents d’exécution;
c’étaient le sous-viguier, les sergents, le geôlier, le héraut public, l’hastaire.

Le Sous-Viguier

678
Dans les communes comtales au contraire, le notaire greffier, avec le viguier, le juge et le clavaire, était un
des quatre agents principaux du gouvernement. (Lambert, p. 461),
679
Orpheline rattachée #1 Statuts de 1293, art. LXXVI De notariis creatis per dominum archiepiscopum et ad id
teneantur.
680
Voy. de Fresquet. De la preuve testimoniale et littérale en Provence aux XIIIe et XIVe siècle (N. Rev. Hist. de
Droit, ann. 1870-71).
681
L’article XI. des Statuts de 1293 indique que la cour députe un notaire pour recevoir les déclarations des
enchérisseurs à l’égard des biens mis à l’encan.
682
Nous avons retrouvé quelques débris des archives des greffiers de la cour temporelle de Salon mêlés aux
protocoles où ces mêmes notaires inscrivaient les actes passés par leurs propres clients.
683
Dans certaines localités du ressort de Salon, les notaires-greffiers pouvaient avoir quelques attributions
administratives: le 2 Avril 1429 Julien Salomon, notaire de la châtellenie de St-Mitre, reconnaît avoir reçu du
clavaire de Salon 10 florins pour 6 mois de gages et pour avoir fait certaines publications; plus 7 gros pour le
pain et le vin et 2 florins 8 gros pour la réparation du four de St Mitre. (J. Vaureys not. de la cour, reg, de 1429,
f° 50),

109
Le viguier, préposé avant tout à la défense de la ville, avait dans ses fonctions la haute direction de la
police; il avait dû, au début, les exercer lui-même684, mais bientôt elles lui parurent trop absorbantes
ou incompatibles avec la dignité de son rang et il s’en déchargea sur un autre.

Cet officier, désigné sous le nom de sous-viguier, apparaît à Salon au milieu du XIVe siècle685, mais
l’institution en était certainement plus ancienne. Les statuts de 1293, qui ne le mentionnent pas
encore, indiquent cependant686 que le viguier pouvait remettre une partie de ses attributions à un
remplaçant: comme il s’agit dans cet article de police urbaine, nous avons tout lieu de supposer qu’un
officier de ce genre existait déjà à la fin du XIIIe siècle, mais il ne prit que plus tard le nom de sous-
viguier.

[168]

Le rôle essentiel du sous-viguier était de veiller à l’exacte observation des règlements de voirie687 et
de police urbaine688, à la sécurité publique689 et aux bonnes mœurs690: il exerçait une surveillance
spéciale sur les tavernes, les tripots et les mauvais lieux. Il devait constater les délits et en arrêter les
auteurs.

Il devait également exécuter tous les ordres que lui donnaient le viguier ou le juge, signifier aux
accusés les sentences rendues contre eux, arrêter et incarcérer les criminels; il procédait aux saisies,
aux confiscations ordonnées par la cour, mais il devait être porteur d’un ordre exprès d’un des officiers
de justice691.

Le sous-viguier, comme le viguier, percevait une part des amendes infligées aux délinquants, ainsi que
des marchandises confisquées par la cour. Le plus souvent il en remettait la moitié au viguier et devait
encore en partager le reste avec ses sergents692. Ces divers profits étaient encore perçus au XVe siècle
puisque le sous-viguier pouvait les affermer693.

684
V. aux pièces justificatives, n° XIII, les profits du viguier à l’occasion des délits de police.
685
Acte attribué à l’année 1344. (Pièce justificative n° XIII) - Les statuts municipaux d'Arles (art. 21) le
mentionnent déjà “et subclavarius et executores et nuncii curie vigilent et custodiant civitatem et jurati
sacramento teneantur dicere in crastinum nominatim omnes quos invenirent euntes post pulsationem campane
qui videantur esse infames vel male casse [...]” (Giraud, t. II, 194). Il apparaît à Avignon à la fin du XIII* s. (de
Maulde, p. 295 et 300).
686
Statuts de 1293, Art. XXXIV.
687
Officium subvicarii (Pièce justificative XIII) art. 3, 8, 9, 10, 11.
688
Art. 3, 7, 12, 15
689
Art. 1, 2, 6.
690
Art. 1, 4, 13, 14.
691
Ordonnance de 1456, art. 9 (Pièce justificative n° XXXI).
692
V. Recepta vicarii (Pièce justificative n° XIII).
693
1452, 29 Décembre. Bertrand Jausseran, dit “Bergant” sous-viguier de Salon vend pour un an “fructus,
usufructus, jura, proventus, utilitates, comoditates et emolumenta quecumque sint tangentia et pertinentia ad
subvigariam dicti locis Sallonis [...]” (Mercorini not.prot. de 1451, f’ 138). [2020: lire “Brigant” !? cf supra]

110
Ces hommes étaient parfois de mœurs peu recommandables694, et par la nature de leurs fonctions, ils
s’attiraient la haine universelle695.

[169]

Les Sergents

Le sous-viguier s’entourait de quelques hommes spécialement attachés à sa personne qu’on appelait


ses compagnons “socii” et quelquefois aussi sergents; c’était le corps de police municipale placé sous
l’autorité directe du viguier et de la cour.

Ces agents inférieurs qui assuraient la police intérieure de la ville, remplissaient également les
fonctions d’huissiers de la cour. Ils devaient se rendre tous les jours au tribunal et se tenir à la
disposition des juges; ils procédaient à la citation des parties, à celle des témoins; à la confiscation des
biens des condamnés; ils recueillaient les gages garantissant le versement des amendes judiciaires,
enfin ils étaient chargés des arrestations696.

Les sergents prêtaient serment de bien remplir leur charge. Leurs gages étaient tarifés par les statuts
locaux et variaient suivant les opérations auxquelles ils se livraient, et surtout suivant le temps qu’ils
y consacraient697.

En raison de leurs fonctions, ils étaient armés et la prohibition de port d’armes ne les atteignait pas. A
Marseille ils portaient une masse comme insigne et une coiffure spéciale pour se faire reconnaître698.

[170]

Le Geôlier

A Salon, l’office de geôlier était confié au portier du château. Il était responsable de ses prisonniers699.
Nous n’avons pas trouvé de trace d’un exécuteur de hautes oeuvres permanent: lors d’une exécution
capitale, on empruntait celui d’une cour de justice voisine, et il recevait un salaire après l’exécution.

694
Laplane dans son Histoire de Sisteron (Pièce justificative n° XXII) signale les excès auxquels se livraient les
sous-viguiers.
695
Haine souvent justifiée par leur conduite; aussi le statut du 28 Avril 1324 révoquait tous les sous-viguiers sauf
à Marseille et à Avignon; en fait, ils continuèrent à exister (Arnaud, Organisation administrative de Draguignan).
696
1342, 19 Décembre. Bertrand Maurel, serviteur d’un marchand d’Avignon, ayant traversé Salon sans payer
de péage est arrêté par les “custodes” de la cour (Chartrier de Salon, n° 30).
697
Statuts de de 1293 art. LXXXIII.
698
St de Mars. 1. 1, chap.. 33. “Et quod portent baculos et calotas de signo communis Massiliae”.
699
1330, 10 Octobre - Le viguier fait arrêter Guillaume “custos carcerum et porterius seu janitor fortalicii
archiepiscopalis Sallonis” parce que deux prisonniers se sont échappés; puis il se rend à une grande chambre
appelée “camera clericorum” et il constate que la grande fenêtre qui regarde derrière le château est ouverte et
qu’une corde pend au dehors (P. Duranti not. prot. 1350).

111
Le Héraut

Le héraut ou crieur public était chargé de faire toutes les proclamations ou criées ordonnées par la
cour. Il devait passer par l’itinéraire que la coutume avait fixé, et parfois il était précédé d’un homme
sonnant de la trompe. A cette époque, pour faire parvenir un avis à la population, on employait très
rarement l’affiche; afin que nul n’en ignore les proclamations étaient faites en langue vulgaire et
répétées souvent. C’est ainsi que les statuts étaient publiés chaque année le Ier janvier700.

L’Hastaire

C’est l’agent désigné sous les noms d’hastator, subhastator, incantator publicus701, peut-être un des
sergents de la cour. Il était chargé de tous les détails de la mise aux enchères; [171] il n'intervenait pas
seulement en cas de vente forcée, mais aussi, comme nous le verrons plus loin, dans la mise en
adjudication des divers revenus de l’archevêque ou des impôts levés par la commune. Il existait déjà
en 1293; l’article XL des statuts prend des mesures pour garantir la probité de ses opérations.

Les Estimateurs-Jurés

Tels étaient les rouages très simples de l’organisation judiciaire dans un territoire assez étendu: on
comprend que les juges furent vite submergés par le nombre des affaires. Fallait-il augmenter les
cadres, multiplier les fonctionnaires et par conséquent les frais? Cette complication était contraire à
l’esprit du temps. De bonne heure, on décida de soustraire à la connaissance de la cour certaines
affaires minimes; c’étaient les délits de simple police, les contraventions aux règlements urbains et
ruraux, les procès de mitoyenneté, les droits de passage, les dégâts commis aux récoltes. Ces délits
étaient de beaucoup les plus nombreux, ils demandaient souvent à être constatés par des gens de
métier, et, de plus, ils exigeaient une solution immédiate. Autant de raisons pour recourir à des
notables du pays qui, choisis par la cour, prêtaient le serment de remplir fidèlement leur office et
s’appelaient estimateurs-jurés.

Les statuts de 1293 nous les mentionnent déjà702: tout propriétaire qui a constaté un dégât
quelconque dans sa propriété doit en faire la déclaration à la cour et conduire ensuite sur les lieux les
estimateurs-jurés députés à cet effet.

700
Statuts de 1293, art. LXXXVII. - 1366, 1er Janvier. Sur l’ordre de la cour de Salon, publication est faite, comme
chaque année à pareille date, que tous ceux qui veulent entendre la lecture des statuts viennent après le repas
devant ladite cour - (Arch. mun. de Salon, AA 1).
701
2020: sub hasta vendere “vendre sous la lance”, parce que les ventes de butin de guerre s’annonçaient avec
une lance in wiktionnaire. Incantator: cf Encan: Du latin médiéval inquantum, “pour combien” composé de in et
de quantum, devenu inquant (XIV), puis enquent, puis encant (fin XVI), et enfin encan.
702
Art. LXXII. - Ils existent dès le XIIIe s. à Aubagne, au nombre de 3 et choisis parmi les notables de la ville. Ils
connaissent du bornage et du partage des terres en cas de litige; leur salaire n’a rien de fixe (Barthélemy, t. I, p.
306).

112
[172]

Ils formaient des commissions de trois membres dont chacune avait sa spécialité, suivant la
compétence des notables qui la composaient, aussi ces commissions portent des noms divers, mais
qui indiquent nettement leur rôle703.

Le caractère propre de cette juridiction populaire, c’est que ces experts jugeaient sommairement, sans
forme de procès, d’après l’évidence des faits constatés sur les lieux704. Quelquefois cependant, avant
de prononcer, ils soumettaient leur avis à un conseil de prud’hommes705; ensuite, ils rédigeaient leur
rapport, fixaient les dommages et intérêts à verser à la partie et l’amende due par le délinquant.

A chaque expertise, ils recevaient un salaire pour leur peine: le tarif en était assez variable, mais c’était
ordinairement 2 sous au XIVe siècle. C’était toujours au délinquant à le payer.

Les appels des sentences de ces estimateurs furent d’abord portés devant le juge ordinaire, mais par
une ordonnance du 13 avril 1309, l’archevêque Arnaud donna à cette juridiction un second degré et
créa des estimateurs-mages706.

Ils étaient au nombre de trois et jugeaient en dernier ressort si, avant de rendre leur sentence, ils
prenaient l’avis du [173] juge; sinon on pouvait encore appeler de la sentence de ces estimateurs-
mages au juge ordinaire707.

Voilà donc comment fonctionnait ce tribunal populaire, où tout en gardant la compétence suprême,
la cour laissait aux habitants le soin de régler eux-mêmes ces délits de simple police qui de tout temps
ont eu tant d’importance pour les populations rurales. C’était, du reste, un principe de l’organisation
administrative à cette époque de faire la part la plus large aux compétences locales et de confier la
plupart des services publics à des commissions de notables choisis parmi ces “probi homines” toujours

703
1345. 29 Avril. “Estimatores viarum publicarum et prediorum rusticorum” (P. Duranti not.). - “Extimatores
publici, deputati, jurati et recepti per curiam Sallonis super dampnis illatis et questionibus que evenerunt in rebus
urbanis et conversus decidendis et fine debito terminandis in dicto loco Sallonis [...]” (Asterii not. prot. 1366-70,
f° 210) - “Extimatores jurati [...] super parietibus et stillicitis ac aliis extimis prediorum urbanorum dicti loci
Sallonis [...]” (Constans not. prot. de 1384-9, f° 3) - “Extimatores jurati et approbati per curiam Sallonis super
terminis, introytibus et exitibus ac stillicitibus et vallatis prediorum rusticalium dicti loci Sallonis [...]” (Constans
not. id. f° 61).
704
Ch. de Ribbe, p. 270.
705
1370, 28 Janvier (Asterii not. prot. de 1366-70).
706
Cf. les juges-mages du Comte de Provence. [2020: Le juge-mage, parfois écrit juge-maje, du latin judex major
(“grand juge”) est une ancienne fonction juridique variant selon les lieux et les époques. Depuis l’Antiquité
romaine le judex major était le premier juge d’un tribunal.]
707
“Quando ex nunc ab audiencia cognitorum seu estimatorum questionum rusticalium prediorum seu
urbanorum aut talarum contingerit appellare, quod alii tres eligendi per curiam dicti castri possint et debeant
cognoscere de eisdem appellationibus de plano, summarie, sine strepitu judicii et figura. Et si de consilio domini
judicis Sallonis hii vel tres vel duo ex ipsis cognoverint seu diffiniverint, ulterius nequeat appellare nec aliquis
audiatur appelans. Si vero absque consilio dicti domini judicis pronunciaverint et ab inde ad audienciam dicti
domini judicis appellatur, quod idem judex de appellationibus [...] cognoscat.“ (Archives mun. de Salon: DD 5;
copie authentique du 1 Novembre 1337).

113
prêts à participer au gouvernement de leur pays. Ces commissions se substituèrent peu à peu aux
officiers de l’archevêque et leur rôle n’est pas à négliger dans l’évolution des institutions communales.

Les Finances

Le Clavaire

Le clavaire708 est de tous les grands officiers de l’archevêque celui qui apparaît le plus tard709. Le viguier
et le juge gardèrent longtemps dans leurs attributions la gestion des [174] revenus et la perception
des droits de l'archevêque: peut-être même faut-il voir dans ce cumul une des causes du désordre
financier et des embarras pécuniaires que connurent si souvent les seigneurs de Salon.

Les statuts de 1293 ne mentionnent pas de clavaire: la confirmation des aliénations d’immeubles, la
perception des droits de lods et trezain, et, en général toutes les opérations fiscales, se font
indistinctement par le juge ou par le viguier710.

Il apparaît en 1304711, et cette institution coïncide avec un grand mouvement de réforme financière:
travaux de recensement, relevé et mise en ordre des revenus de l’archevêque et de ses droits.

Le clavaire de Salon fut presque toujours un ecclésiastique712 et l’archevêque le choisissait volontiers


dans un diocèse éloigné de celui d’Arles. A partir de 1358 le même individu peut être à la fois official,
ou vice-official, et clavaire713. Ce cumul est de règle entre 1384 et 1406, et on l’observe encore souvent
au cours du XVe siècle.

Dans la plupart des villes de Provence, les clavaires étaient nommés pour deux ans alors que les autres
officiers étaient annuels. A Salon, la durée des fonctions n’avait pas une telle régularité, cependant
nous avons trouvé un certain nombre de clavaires demeurés deux ans en charge714.

[175]

708
Le clavaire, dans la hiérarchie des officiers de la cour venait aussitôt après le juge: nous en avons reporté
l'étude ici pour ne pas la séparer de celle de l’organisation financière.
709
Sous l’ancien régime, les finances ne reçurent jamais une organisation satisfaisante et furent certainement
en retard sur les autres branches de l’administration. Si le rapprochement n’était pas disproportionné, nous
ferions remarquer que la Chambre des Comptes, elle aussi, ne se dégagea de la “curia regis” qu’après le
Parlement.
710
Art. VI.
711
Liève des censes de 1304 (Arch. dép. des D.-du-Rh. Série G. Fonds de l’Archevêché d'Arles, non coté)
712
Sauf pendant la période où Salon fut directement administré par le Saint Siège: nous rencontrons un notaire
d’Aix, puis deux laïcs.
713
La fonction de vice-official avait été accolée à celle de juge pendant quelques années avant de l’être à celle
de clavaire.
714
Cependant Jean de Chamayrac reste 6 ans en charge au XIVe s. et Raymond de Vingiac 5 ans au XVe s. (v. liste
des clavaires: Appendice II).

114
Il touchait lui aussi des gages, mais nous n’en connaissons pas le montant; le jour de Noël il recevait
des juifs 2 florins en guise d’étrennes715.

Le clavaire, a toujours été logé au château, à proximité des caisses du fisc qui se trouvaient ainsi à
l’abri de toute surprise716.

Le clavaire était le trésorier de la cour: comme tel, il était à la fois administrateur, percepteur et
payeur. Il encaissait tous les droits au nom de l’archevêque, veillait à l’exacte perception des cens et
services dont les terres étaient chargées, autorisait et confirmait les aliénations et prélevait en
échange les droits de mutation717. Il percevait également le produit des amendes et des
condamnations rendues par le juge et faisait vendre à l’encan les biens confisqués; enfin il faisait
rentrer les impôts directs et indirects.

Payeur, le clavaire versait aux officiers de l’archevêque le montant de leurs gages et les indemnités
supplémentaires si besoin était; les paiements se faisaient ordinairement par trimestre. Il payait
également tous les agents préposés aux divers services domaniaux, tels que péage, bladerie, fours
banaux, etc.

Le clavaire était, en quelque sorte, l’intendant de l’archevêque: il veillait à l’entretien du château, y


faisait faire [176] les réparations nécessaires, assurait le ravitaillement en combustible et en provisions
de bouche. Il avait la haute direction des serviteurs qui demeuraient au château et payait leurs gages.

Administrateur, le clavaire gérait le domaine particulier de l’archevêque; il affermait ses terres soit à
cens soit en emphytéose; il vendait ou affermait les divers revenus domaniaux et les mettait en
adjudication718; il revendiquait également pour le mieux les redevances en nature719 que les tenanciers
venaient apporter à la cave ou à la grange du château; enfin la surveillance des poids et des mesures
lui incombait720.

Le clavaire centralisait dans sa caisse les revenus des localités du ressort de la cour de Salon. Dans ces
localités le bayle, ou le châtelain avait gardé en principe les attributions financières721: il administrait
les revenus du seigneur et rendait compte de sa gestion au clavaire de Salon. Ce dernier pouvait

715
Pièce justificative n° XIII.
716
1327, 22 Juin. “Actum Sallone, in fortalicio archiepiscopali in aula nova juxta tabularium dicti domini clavarii.”
(Arch. mun. de Salon: HH 1). C’était si bien entré dans les habitudes qu’on disait d’un immeuble chargé de cens
qu’il devait tant au château (Extrait des cadastres du XVe s. conservés dans les archives mun. de Salon).
717
C’était là un rôle très important à cause des profits qu’en retirait l’archevêque, Voir les Criées de 1454, art.
31: Quiconque achètera des biens, des rentes ou des redevances foncières et ne les fera pas confirmer par le
clavaire paiera 50 livres couronnées d’amende.
718
Dans ce cas il lui était interdit, comme à tout officier de la cour, d’acheter ou de faire acheter par un
intermédiaire les biens mis en vente (cf Girard, p. 13); de même à Aubagne (Barthélemy, t. I, p. 63).
719
1349, 7 Février. Le clavaire fait vendre aux enchères tout le vin appartenant à l’archevêque, au prix de 15
sous 2 deniers la saumée (de Gapo not. prot. de 1348)
720
1327, 22 Juin. (Pièce justificative n° IX).
721
V. Lettres de provision du bayle de Saint-Chamas (Pièce justificative n° X).

115
cependant déléguer ses pouvoirs à un lieutenant afin de mieux assurer la rentrée des finances722; [177]
il pouvait aussi, suivant l’usage courant, affermer certains de ces droits; dans ce cas il spécifiait avec
soin ceux qu’il entendait retenir ainsi que les charges qui incombaient au preneur723.

Des conditions spéciales garantissaient la bonne gestion d’un service aussi important. L’archevêque
choisissait des hommes d’église d’une moralité éprouvée, et il exigeait d’eux une comptabilité
rigoureuse. Le clavaire devait posséder le relevé exact des droits à percevoir, la liste de tous ceux qui
étaient tenus à payer un cens et le montant de ce cens, et dresser l’inventaire des biens mobiliers et
immobiliers du seigneur. 2 Il était astreint à faire périodiquement la balance des comptes et à la
présenter à l’archevêque. A la clôture de l’exercice, il devait rendre un compte détaillé de sa gestion,
faire l’inventaire de ce qui restait dans la caisse de la clavairerie, ainsi que des récoltes qui se
trouvaient dans les celliers du château, le tout en présence de son successeur et des auditeurs des
comptes nommés à cet effet. Mais la meilleure garantie de son honnêteté, [178] c’est qu'il était
pécuniairement responsable de la gestion des finances seigneuriales: celte responsabilité passait aux
héritiers lorsque le clavaire était mort en charge724.

Les Ressources Ordinaires

Sous ce titre devraient figurer les revenus de l’exploitation domaniale et les divers droits qui en
découlaient, mais il nous a paru plus logique de ne pas les séparer de l’étude du domaine proprement
dit. Il nous reste donc à passer en revue les droits tirés de la concession ou de l’usurpation des droits
régaliens.

Le Péage

722
1428, 3 Août. Le clavaire donne quittance à Girard Penhard, clerc du diocèse de Rodez, chargé par lui de
recueillir les cens, services et arrérages de Salon, de Grans, d’Aurons et de Vernègues, ainsi que toutes les autres
redevances concernant la clavairerie de Salon (J. Vaureys not. de cour reg. 1428 f° 12) - 1450, 18 Février. Le
clavaire nomme comme son lieutenant à St.Chamas et à Cornillon Jean Gautier, marchand de St-Chamas “ad
petendum et exhigendum omnes census et servicia et arrayragia pedagia, lesdas et alia jura et emolumenta ad
dictant clavariam in predictis locis.,. pertinentia [...] exceptis trezenis [...]” (Gabodi not. prot. 1449) f° 31).
723
1450, 27 Février. Le clavaire de Salon vend pour 3 ans, au prix de 460 florins “omnes redditus et proventus ac
emolumenta castellanie Sancti Mitrii .. exceptis et reservatis expresse juribus concernentibus jurisdictionem
spiritualem et temporalem [...] census pecuniarum argenti, bladi, vini, olei ac aliarum rerum, decimas, tasquas
et jus grane vermelhi, trezena, Iaudimia, nova accapita, leudas, decimas bladorum, vinorum et aliarum rerum
jurisdictionem non concernentes [...]” Les preneurs ne sont pas tenus de la garde ni de la réparation des
châteaux. Si l’archevêque visite cette région, les dépenses faites pour le recevoir seront évaluées par des experts.
(J. Vaureys, not. prot. 1429, f° 93) - 1451, 14 Juin. Deux habitants de St-Mitre doivent au clavaire de Salon 550
florins “ratione et ex causa liberationis jurium vallis Martici, videlicet Sancti Mitrii, S. Amantii, de Cornilhone, de
Confodio, Fereriarum et de Fossis, juribus curie dictorum locorum et juribus aquaticis [...]” (de Gaucholis not.
Prot. 1451, f° 31 ). [2020] Fereriarum = Ferrières au coeur de la Martigues actuelle.
724
V. les comptes de la clavairerie en 1464 (Pièce justificative n° XXXII) où le frère du clavaire décédé s'engage à
payer l’excédent des recettes pour certain exercice.

116
Le droit de péage était un des revenus les plus importants du fisc. Nous avons déjà vu comment
l’archevêque Hugues Béroard avait obtenu de l’empereur Frédéric II l’autorisation d’en établir un à
Salon725. Ce droit devait frapper seulement les marchands, et non pas les pèlerins qui traversaient le
pays. Le tarif était fort simple et distinguait seulement trois catégories de marchandises726.

Ses successeurs se gardèrent bien d’abandonner un privilège aussi lucratif. Cependant, la jouissance
leur en fut [179] contestée par les comtes de Provence ou par leurs officiers727 qui détournaient les
marchands de la route de Salon, au grand préjudice de l’église d’Arles.

Au XIVe siècle le tarif du péage fut mis à jour728, et s’inspira de ceux qui étaient en vigueur dans
plusieurs villes du comté729. Ce tarif énumérait les marchandises les plus courantes, mais il est certain
que la liste n’était pas limitative. Les droits à payer étaient proportionnels à la valeur des marchandises
et le péager avait une certaine latitude d’appréciation.

La cour veillait avec soin à ce que personne ne fraudât le péage et publiait les criées nécessaires730:
elle connaissait de toutes les affaires qui s’y rapportaient, confisquait les marchandises et imposait
des amendes énormes731.

[180]

L’archevêque, suivant en cela l’exemple de tous les seigneurs féodaux, n'exploitait pas le péage
directement, mais le mettait en régie732.

725
Avril 1225. V. plus haut.
726
“Pedagium tibi liceat auctoritate nostra non a peregrinis set mercatoribus percipere moderatum videlicet .V.
solidos Turonenses a qualibet magna evectione trossellum sive involucrum deferente, a mediocri vero .III. solidos
Turonenses, a minori salem deferente .III. denarios ejusdem pecunie recipere [...]”
727
1309. Au nombre des réclamations que l’archevêque fait parvenir au comte) de Provence “Item cum
officiales, dieti domini regis [Charles II d’Anjou] fecerint fieri in Cravo de Aqueria a decem annis citra quamdam
viam novam in prejudicium evidens ecclesie Arelatensis pedagii quod percipit et ab antiquo percipere consuevit
in Castro Sallonis [...] Item cum mercatores deferentes trocellos de Francia versus Massiliam, merces suas
portantes, consueverint transire per dictum castrum Sallonis, et officiales predicti domini regis convenerint cum
mercatoribus, concedentes eis quod trosselos suos defferant per aquam usque Massiliam [...] supplicat dictus [...]
archiepiscopus [...]” (Gallia christiana novissima, Arles, n° 1467 [2020: accessible ici sur Internet Archive])
728
Pièce justificative n° XI.
729
Voir les tarifs de péages du XIIIe s. publiés par B. Guérard (Cartulaire de St-Victor, p. LXXIII [2020: accessible
ici sur Gallica]).
730
1342, 19 Déc. “Mandamentum est domini [...] archiepiscopi et sui viguerii quod nulla persona [...] audeat seu
presumat jus pedagii vel vectigalis aut leude quod pertinet et debetur dicto [...] archiepiscopo seu ejus curie
Sallonis, pro mercaturis seu mercimoniis seu rebus quibuscumque defraudare nec sibi appropriare vel retinere
nec fraudem aliquam in hoc facere [...]” (Chartrier de Salon, n°30) - Cf. Criées de 1454, art. 4 et 5.
731
Un marchand d’Avignon qui portait une quantité d’oboles au coin du roi de France atteignant le poids de 200
marcs d’argent, néglige d’acquitter le péage. Le juge de Salon le fait arrêter, le condamne à payer l’amende
prévue par les statuts et confisque les pièces d’argent. (Chartrier de Salon, n° 30).
732
Acte du 4 Nov. 1350 (P. Duranti not.) - 1416, 28 Mars, Le clavaire vend le droit de péage pour deux années
au prix de 290 florins (P. de Rivo not. f° 5) - 1420, 22 Avril Le clavaire vend ce même droit pour deux années au
prix de 231 florins (J. Vaureys not. f° 1).

117
Le péager avait le droit de pénétrer dans les maisons pour y visiter les marchandises, et celles qu’il
confisquait devaient être remises au clavaire dans les deux jours. Il avait le pouvoir d'infliger des
amendes aux délinquants et même d’arrêter ceux qui refusaient de payer; aussi avait-il le droit de
sortir armé la nuit comme le jour. Enfin, pour stimuler son zèle, on lui abandonnait une part des
amendes733.

La Leude

Le droit de leude peut être rapproché du droit de péage, mais il faut se garder de le confondre avec
lui: le droit de péage est perçu sur toutes les marchandises qui traversent le territoire, le droit de
leude, sur celles qui sont apportées au marché pour être utilisées sur place: c’est le droit qui se
perpétue de nos jours sous le nom d’octroi.

En comparant le tarif du péage de Salon à celui de la leude, cette distinction devient sensible734. Tandis
que le premier s’efforce d’atteindre toutes les marchandises qui font le transit, le second apporte tout
son soin à énumérer les produits usuels, nécessaires à l’alimentation et au vêtement, ou
transformables par l’industrie locale.

[181]

Ses droits étaient proportionnels à la valeur des marchandises, mais sensiblement moins élevés que
ceux du péage. La leude était le plus souvent mise en régie en même temps que le péage.

La Bladerie

On appelait bladerie735 une redevance perçue à l’occasion du pesage du blé destiné à la vente, et par
extension le lieu où se faisait cette opération. C’était, en somme, une sorte de leude limitée à la vente
du blé. Il existait une bladerie à Marseille lors de la rédaction des statuts736, et c’est peut-être là que
l’archevêque prit l’idée d’en instituer une a Salon.

En 1305, Pierre de Ferrières, éprouvant de grosses difficultés à se faire payer le droit de pallium737, le
remplace par une bladerie738: tous les blés, les graines et les légumes qui se mesurent à l’émine, et qui
seront apportés à Salon, devront être vendus dans un lieu spécial; cependant les habitants de Salon

733
P. de Rivo not. prot. de 1416, f° 5.
734
V. Pièces justificatives n°’ XI et XII.
735
V. Ducange au mot Bladeria. [2020 accessible ici]
736
Statuts de Marseille, l. I ch. XLIX
737
V. plus loin, p. [184].
738
Pièce justificative n° VIII.

118
peuvent revendre à leur domicile les grains qui proviennent de leurs propres terres. L’archevêque
percevra un denier reforciat par saumée, une obole par demi-saumée, et ainsi de suite739.

Au début, l’archevêque avait placé un agent à la tête de ce service, et, pour éviter les abus, il lui était
expressément [182] défendu d’acheter du blé ou des légumes au delà de ses besoins. Ce droit fut
ensuite affermé, et souvent le même fermier possédait les droits de la leude, de la bladerie et du
poids740, si bien qu’il nous est impossible de savoir quelle était leur valeur respective dans les recettes
du fisc741; mais les trois réunis n’atteignaient pas la valeur du péage.

Les “bladiers” devaient se tenir à la disposition des gens qui venaient vendre ou acheter du blé à la
bladerie; ils avaient le droit d’arrêter eux-mêmes les délinquants et devaient signaler les fraudes à la
cour qui leur abandonnait la moitié des amendes742.

Ils avaient le droit de circuler dans les rues, la nuit, sans lumière et de porter des armes. Ils avaient le
droit de placer le blason de l’archevêque sur la maison où se tenait la bladerie. Au XVe siècle, des juifs
ont souvent exercé cet emploi ainsi que celui de péager: on leur donnait l’autorisation de pénétrer
dans les églises, s’il était nécessaire743.

Le Poids du Blé et de la Farine

Nous venons de citer le poids parmi les redevances affermées à des particuliers. L’archevêque avait
en effet la [183] surveillance des poids et des mesures et percevait sur eux certains droits744.

Avant l'institution de la bladerie il existait déjà à Salon un droit spécial sur le pesage du blé et de la
farine745, et ce droit était accensé à un particulier746. Ce droit continua sans doute à être perçu, mais
il perdit beaucoup de son importance, et il ne fut jamais affermé à part747.

739
Cette obligation fut sanctionnée par de fortes amendes (cf. les Criées de 1454: art. 6, 7 et 8). Cependant
lorsque le droit fut affermé, le bladier pouvait accorder des dérogations.
740
1416, 3 Avril. Le sergent de la cour met aux enchères les droits de la leude, de la bladerie et du poids et les
adjuge à 140 florins pour 2 ans (P. de Rivo, not. f° 10) - 1420, 22 Avril. Le clavaire cède pour 2 ans à deux Juifs de
Salon, les revenus de la leude, de la bladerie et du poids au prix de 200 florins. (J. Vaureys not. f° 2).
741
Ce cumul s’observe dans la plupart des localités placées sous la juridiction de l’archevêque. 1333, 13 Mars. -
3 habitants de Salon achètent pour 3 ans la leude, le péage, le marché et le poids du Vernègues au prix de 246
livres, 13 sous, 4 deniers par an. (Duranti not. prot. de 1334).
742
P. de Rivo not. prot. de 1416, f°
743
J. Vaureys not. prot. 1420 f° 2
744
St. mun. d Arles: art. 74 “ [...] salvo jure domini archiepiscopi quod habet in ponderibus [...]”orpheline
réattribuée: les notes de cette page [183] sont fautives.
745
2020: il demeure sur Marseille une rue Poids de la Farine.
746
“Item Petrus Gallonis, notarius, pro pondere farine et bladi de Sallone servit annuatim in dicto festo
[Nativitatis] unum obolum auri.” (Liève des censes de 1304, f*° 18 v°).
747
II existait aussi à Arles un impôt appelé poids du blé et de la farine, dont la plus ancienne mention est de 1251
environ. Ce droit était d’un denier par saumée de blé portée au moulin. En 1333, il n’est que d’une obole et
d’une picte par saumée. (Le Musée. ann. 1873-74).

119
Le Droit d’encan

C’est le droit très fructueux perçu sur les adjudications aux enchères publiques. Ce droit d’encan devint
surtout important lorsque la communauté obtint le droit de lever des rèves et autres impositions pour
subvenir à ses dépenses; l’archevêque recevait 1 gros par florin sur le prix de vente748.

Ressources Extraordinaires

Certains auteurs pensent volontiers que celles-ci étaient les plus nombreuses au moyen-âge et que
les seigneurs écrasaient leurs vassaux d’impôts et de tailles arbitraires.

En réalité, la levée de la taille était excessivement rare en Provence, et presque toujours réduite aux
cas impériaux [184] (mariage des filles, collation de la chevalerie, voyage d'outre-mer, rançon)749. La
plupart de ces cas restant sans application dans une seigneurie ecclésiastique, l’archevêque leur
chercha un équivalent, et ce fut le droit de pallium750. La première mention que nous ayons relevée
de ce droit est de la fin du XIIe siècle751, mais il doit être plus ancien. Ce subside qui frappait tous les
vassaux de l’archevêque à l’avènement d’un nouveau prélat était fixé à 5000 sous. Sa perception ayant
donné lieu à de multiples conflits, Pierre de Ferrières le remplaça, à la demande de ses sujets, par une
bladerie752.

Nous trouvons bien, il est vrai, quelques mentions de tailles levées par les officiers de l’archevêque ou
sur leur ordre753, mais comme la répartition et la perception de ces impôts extraordinaires se faisaient
avec l’assentiment et la collaboration de la communauté, et que leur but était d’entreprendre des
travaux urgents de réparation ou de défense profitables avant tout à l’ensemble des habitants, il nous
a paru impossible de les ranger parmi les revenus de l’archevêque, et nous en avons renvoyé l’étude
au chapitre des finances communales.

Ce qui montre bien, d’ailleurs, que les vassaux de l'archevêque n’étaient pas taillables à merci, c’est
que ce dernier, [185] lorsque les caisses du fisc étaient vides, recourait à l’emprunt pour satisfaire ses

748
De 1405 à 1408, ce droit rapporta 400 florins au Trésor. (Acte du 19 Novembre 1408: Droits sur Salon, t. 1, f°
201).
749
Grégoire, p. 77.
750
Nous ne croyons pas que ce subside soit, malgré son nom, de droit ecclésiastique; ce qui le prouve c’est qu’il
donnait lieu à des contestations entre les nobles et les autres vassaux or, les biens nobles étaient exempts de
taille (Grégoire, p. 103); c’est donc que le droit de pallium était considéré comme une véritable taille féodale.
751
1191, 6 Novembre. Le pape Célestin III invite les diocésains de l’archevêque d’Arles à lui accorder un subside
pour son sacre (Gallia christiana novissima, Arles, n° 684 [2020: accessible ici sur Internet Archive])
752
V. l’acte aux pièces justificatives, n° VIII.
753
V. Pièce justificative, n° XV

120
créanciers: souvent il s’adressait à ses propres sujets754, mais il n’hésitait pas non plus à recourir aux
juifs, les banquiers ordinaires de l’époque755.

Si nous voulons résumer d’un trait l’ensemble, de l’organisation financière, nous constatons d’une
part la variété extrême des sources de revenus, et d’autre part la simplicité remarquable de leur
gestion: un seul officier, le clavaire, à la fois administrateur, percepteur et trésorier-payeur, y suffisait;
pas de bureaux, seuls quelques agents subalternes payés par le clavaire et vite supprimés par la mise
en régie de la plupart de ces droits.

Cette simplicité, nous l’avons déjà constatée dans, l’organisation judiciaire, et en général dans tous les
rouages administratifs. En ce qui concerne les finances, elle n’était pas sans entraîner quelques
inconvénients: en confondant tous les services, elle rendait le contrôle plus difficile, et en remettant
à des fermiers la levée des taxes, elle exposait les contribuables à toutes sortes de vexations; mais,
par contre, elle réalisait une économie énorme de personnel et le produit des impôts ne risquait pas
d’être absorbé par les frais de perception.

754
1406, 26 Février, L’archevêque Artaud s’engage à rendre à la fête de la Noël la somme de 150 florins que la
communauté lui avait prêtée. (Arch. mun. de Salon: CC 3).
755
1390, 13 Mars Le clavaire reconnaît devoir aux deux baylons de l’université des juifs de Salon, 200 florins qu’il
s’engage à rendre 8 jours après la St-Laurent, et, pour garantir la dette, il hypothèque une certaine quantité
d’huile appartenant à l’archevêque.

121
[187]

Quatrième Partie - Le Régime Municipal

L’Origine des libertés municipales

La ville de Salon, comme tout centre urbain, n’était pas sans posséder un embryon de droit municipal.
L’exercice de ce droit se manifestait par des assemblées réunissant la masse entière des citoyens et
prenant le nom de “parlamentum publicum”756. Mais ce mot ne suppose pas une organisation spéciale
qui serait réservée aux habitants de la seigneurie pour les opposer au seigneur; il désigne seulement
l’ensemble des habitants, en tant que personne morale757.

Aussi loin que nous puissions remonter, nous ne voyons pas que les habitants aient jamais pu, de leur
propre autorité, former un parlement public; ces assemblées solennelles sont, au contraire,
convoquées spécialement par l’archevêque, sans aucune régularité, lorsque les circonstances [188] le
demandent et pour donner plus de force aux décisions à prendre758.

Bien mieux, cette convocation est même indispensable pour que rassemblée prenne le nom de
“parlamentum”; si le peuple se trouve réuni pour une cause quelconque, par exemple pour un office
religieux, sans en avoir reçu l’ordre exprès de l’archevêque, il forme simplement l’universitas759.
Naturellement, au moment où des conflits s’élevaient entre l’archevêque et ses sujets, ceux-ci
s’assemblaient spontanément mais leurs décisions n’avaient aucune valeur légale.

Quelle était la composition de ce parlement public? Les textes nous disent qu’il comprenait tous les
hommes de la ville, mais il faut entendre par là tous les chefs de famille établis à demeure. On exigeait
également d’eux certaines garanties de moralité et d’honorabilité, et on les désignait parfois sous le
nom de “probi homines”760. C’étaient à la fois les nobles, les bourgeois, les artisans, les cultivateurs.

756
Voir en particulier Lambert, p. 138.
757
Le terme d'universitas comme celui de communitas qui a le même sens, a été employé en Provence dès le
XI* siècle. (Dognon, p. 55).
758
1241. 29 Novembre. Jean Baussan promet de ne pas aliéner le château de Salon. “Promittimus universo
populo castri populi presenti [...]” (Gallia Christiana. t. I, Instrumenta p. 102 [2020: accessible ici sur wikisource.
Nota: il s’agit de la Gallia Christiana “initiale”, et non pas de la nova, comme indiqué sur l’édition]) - 1253, 16
Novembre. “Cum universitas castri Sallonis fuisset in concione sive parlamento coram dominum J. Dei gracia [...]
archiepiscopum, in palacio ejusdem domini archiepiscopi, speciali mandato, tam voce preconis cum tuba per
villam, quam voce gachie turris, more solito convocata [...]” (Chartrier de Salon, n° 5).
759
1247, 16 Juin. Les prêtres de Salon en appellent au pape de certaines ordonnances de l’archevêque: “Actum
est hoc in platea castri Sallonis in presencia et testimonio universitatis ejusdem castri” (Chartrier de Salon, n°
348).
760
Les probi homines sont assimilés aux nobles: “Milites autem et probi hommes equos cum armis habentes,
quandoque ibunt cum domino comite vel ejus locumtenente, habebunt ab eo stipendia sive vadia, et tantum

122
Cette confusion des différentes couches sociales est à noter, et elle existait déjà au XIIIe siècle. Aussi
les nobles [198] n’ont jamais joui, dans la tenue des parlements publics, de privilèges particuliers ni
de distinctions honorifiques; ils sont toujours mêlés aux autres membres de l’assemblée.

Cependant, au début, certains textes semblent distinguer les nobles, les “militares personæ”, les
juristes “jurisperiti, notarii”, et, enfin, les “probi homines”. Il n’y a là qu’une contradiction apparente:
le vrai sens de “probus homo” est notable; or les nobles, par leur naissance, les juristes, par leurs
fonctions, tranchaient assez, sur le reste des citoyens, pour qu’il fût inutile de leur donner un
qualificatif spécial, on, réservait le titre de “probus homo” pour les commerçants, pour les hommes
de tous corps de métier, faisant bien et honnêtement leurs affaires, pour les propriétaires du sol
également, pour la classe utile et laborieuse des cultivateurs761; il n’en est pas moins vrai que le titre,
dans son sens large, englobait tous les citoyens les plus en vue, sans distinction de classes, et c’est
toujours ainsi que nous l’entendrons.

L’assistance aux parlements publics n’était pas obligatoire; n’y venaient que ceux qui se trouvaient
présents dans la ville au moment de la convocation. Aussi, les textes signalent souvent que le
parlement n’a réuni qu’une partie de l’universitas, par contre, cette portion s’intitule toujours “melior
et sanior pars”762.

Le parlement réunissait quelques centaines de citoyens et demandait un local vaste et commode:


l’église était tout indiquée. A Salon, au XIIIe siècle, il était d’usage de se [190] réunir dans l’église Saint-
Michel763, plus rarement au château764.

La convocation se taisait par le héraut public parcourant la ville et précédé d’un trompette, et en
même temps par le guetteur qui veillait au sommet d’une tour du château765. Plus tard, la voix de la
sentinelle fut remplacée par le son de la cloche.

L’archevêque, ou son représentant, le bayle et ensuite le viguier, y assistait toujours; il présidait


l’assemblée et dirigeait les débats, mais sans avoir voix délibérative.

habebit de stipendio probus homo quantum et miles”. (Arch. dép. des B.-du-Rh. B 2, f° 250 v°). V. à ce sujet
Dognon p. 41 - Cf. St. de 1293, art. LXIV: “unus quisque de Castro tam miles quam probus homo”.
761
De Maulde, p. 69 - Cf. St. d’Avignon, art. 20, 76, 77, 81, 82, 84, etc.
762
(Laplane. Hist. de Sisteron, p. justif. n° IX) Cette tendance ne fera que s’accentuer et le nombre des habitants
assistant aux parlements publics ira en diminuant.
763
1251, 20 Juillet. “In presencia totius universitatis hominum de Sallone sive parlamenti in dicta ecclesia [Sti
Michaelis] more solito coadunate seu coadunati.” (Chartrier de Salon, n° 4).
764
1251, 8 Août. “Ad recipiendum sacramentum fidelitatis ab hominibus dicti castri, in parlamento congregato
in palatio domini archiepiscopi, in Castro Sallonis [...]” (Gallia christiana novissima, Arles, n° 1156 [2020:
accessible ici sur Internet Archive]). Au XIVe siècle les réunions dans l’église sont rares et se tiennent de
préférence dans la grande salle du château qui prend même le nom de “sala parlamenti”.
765
2020: cf note supra du 1253, 16 Novembre: “...tam voce preconis cum tuba per villam, quam voce gachie
turris”

123
La convocation du parlement ne constituait pas, en effet, une simple formalité: le parlement, comme
son nom l’indique, permettait aux sujets de l’archevêque d’émettre leurs vœux et de discuter de leurs
intérêts avec lui766.

Les Procureurs de la Communauté

Ces assemblées, comprenant plusieurs centaines de personnes, auraient été confuses et


tumultueuses si elles avaient voulu exercer directement leur droit de contrôle, car rien ne les réglait
et tous les citoyens s’y trouvaient confondus. Ceux-ci prirent l’habitude de déléguer leurs pouvoirs à
des représentants officiels chargés de défendre les intérêts communs.

[191]

Cette institution leur paraissait toute naturelle, et elle était, dans son principe, tout à fait régulière; en
effet, si tout individu, en Provence, pouvait se faire représenter en justice pour ses propres affaires, à
plus forte raison une communauté d’habitants pour celles intéressant la masse des citoyens767.

Ces procureurs étaient élus en petit nombre, et toujours avec l’agrément du seigneur qui convoquait
l’assemblée générale768. Cette autorisation n’en faisait pas des agents seigneuriaux; leur rôle
consistait, uniquement à représenter la communauté qui les avait choisis769.

Leurs fonctions étaient essentiellement temporaires et ils recevaient, de leurs électeurs, un véritable
mandat impératif: ils ne pouvaient stipuler que pour l’affaire que le parlement public, en les nommant,
leur avait donné à résoudre, et leurs pouvoirs finissaient avec la conclusion de l’affaire. Ces délégués
portaient les noms les plus divers, procureurs, recteurs, défenseurs, mais le plus souvent syndics.

Ils apparaissaient partout en Provence, et on sent que l’institution est spontanée et répond à un besoin
général770; [192] nous la trouvons établie à Salon dès le début du XIIIe siècle771. Ces procureurs ne

766
1233, 16 Novembre. L’archevêque, ayant réuni un parlement pour ratifier un accord, la plupart des membres
refusent d’y adhérer et quelques-uns sortent du palais en signe de protestation (Chartrier de Salon n° 3).
767
Au cours d’une sentence arbitrale prononcée entre l’abbé et les gens de St-Gilles (14 Juin 1257) ceux-ci
déclarent que, par la force même des choses, le groupement des habitants d’une villa, d’un castrum ou d’un
vicus, constitue une universitas; que cette universitas doit nécessairement nommer des syndics pour conduire
ses affaires et pour plaider en son nom; mais ces syndics ne doivent avoir qu’un rôle limité et temporaire (Bligny-
Bondurand. Les coutumes de Saint-Gilles).
768
Cf. Beaumanoir, nc 172.
769
Dognon, p. 65.
770
(Papon, Hist. Gén. de Prov., t. III, p. 554 [2020 accessible ici sur Gallica]). - A Digne, le 4 juin 1290, tous les
habitants s’assemblent dans un pré appartenant à l’évêque pour élire 3 syndics ”certos et indubitatos
procuratores, actores et sindicos [...]” (Guichard, t. II, preuves, p. 66 [2020: cité ici in Bulletin de la Société
d'études scientifiques et archéologiques de Draguignan, Volume 7]).
771
1235, 7 Novembre. Le peuple de Salon intervient pour soustraire G. de Barjols à la vengeance de l’archevêque.
Il délègue 3 procureurs “cum voluntate populi castri Sallonis ibi astantis et rogantis [...]” (Pièce justificative, n°
II). - 1241, 29 Novembre. 3 représentants de la communauté agissent “nomine et mandato tocius populi castri
Sallonis et pro ipso [...]” (Gallia Christiana. t. I, Instrumenta p. 102 [2020: accessible ici sur wikisource]).

124
portent pas d’abord de nom spécial, ils agissent au nom du peuple entier de Salon, et leur fonction
leur sert de titre; le nom de syndic apparaît en 1247772.

Ces syndics sont choisis, le plus souvent, au nombre de trois, parmi les notables de la ville, ce sont des
chevaliers ou des hommes de loi, en particulier des notaires, les premiers choisis pour leur prestige,
les autres pour leur expérience des affaires et du droit. Ce qui est plus caractéristique c’est que les
mêmes noms reviennent continuellement773.

Ainsi le choix des habitants portait sur un petit nombre de citoyens expérimentés et habiles qui, dans
les négociations précédentes, avaient acquis la confiance générale. Même lorsque leur mandat était
expiré et qu’ils étaient redevenus de simples citoyens, leur autorité ne disparaissait pas entièrement:
on prenait l’habitude de recourir à eux, de les consulter dans les décisions à prendre. C’est ainsi que
peu à peu, de la masse du parlement public, nous voyons se dégager un groupe plus restreint de
notables dont les membres servent à recruter des syndics et qui prennent le titre de conseillers.

[193]

Le Conseil

L’assemblée plus restreinte, le conseil étroit, qui, pour les affaires courantes, arrive à se substituer au
parlement public, fut le résultat de causes multiples.

Avec le temps, les intérêts de la communauté devenaient plus nombreux, les affaires se compliquaient
et exigeaient des réunions fréquentes de rassemblée générale. Les habitants, convoqués sans cesse
pour ratifier les moindres actes de leurs mandataires, désertèrent de plus en plus le parlement public
et s’en remirent à quelques notables à qui leur fortune ou leurs occupations permettaient de
consacrer plus de temps aux affaires publiques. Peut-être aussi que le peuple comprenait les
inconvénients de ces assemblées souvent tumultueuses dans lesquelles on discutait beaucoup sans
profit pour la communauté774.

L’archevêque, de son côté, trouvait commode d’élaborer en comité restreint les questions qui seraient
soumises à l’approbation du peuple, et d’établir, en quelque sorte, à l’avance, l’ordre du jour de la
séance publique.

772
1247, 16 Juin. “Appellationes etiam quas predictis ministris et clericis Guilielmus de Fasciis sindicus
universitatis dicti castri fecerat pariter innovando [...]” (Chartrier de Salon: n° 348). Dans le même acte le
procureur des prêtres de Salon s'intitule “sindicus, actor seu procurator”.
773
C’est ainsi que Hugues Fournier, procureur en 1235 (Pièce justificative n° II) sert de témoin dans un synode
tenu par Jean Baussan à Salon le 1 Juin 1239 (Livre noir, f° 102 v°); nous le retrouvons procureur en 1241 (Gallia
Christiana. t. I, Instrumenta p. 102 [2020: accessible ici sur wikisource]); enfin il figure comme témoin dans une
trêve conclue entre l’archevêque, le comte de Toulouse et R. Bérenger le 29 juin 1243 (Layettes du trésor des
chartes, t. II, n° 3117).
774
Archives de Cuers. Acte de la transaction de 1339 [...] analysé par l’abbé E. F..— V. Octave Teissier. Les
élections [...] p. 9

125
Cette institution du conseil répondait du reste à la tendance générale: dans beaucoup de
communautés relevant du comté de Provence, le parlement public fut remplacé par un conseil
annuel775.

[194]

A Salon, au début, les conseillers ne sont ni élus par le peuple, ni désignés par l'archevêque: ils
représentent simplement l'élite des notables qui composent le parlement public776. Ils forment un
premier échelon dans l’administration municipale, il est donc naturel qu’ils soient plus souvent
consultés que l'universitas. Ces conseillers, quoique leur titre soit permanent, sont trop nombreux
pour constituer un danger aux yeux de l’archevêque qui surveille, de très près, leurs agissements. Ils
ne peuvent s’assembler ni prendre la moindre décision sans l’autorisation expresse de l’archevêque
ou de ses officiers, et, de ce fait, leur rôle est identique à celui des membres du “parlamentum”.
D’ailleurs, si pour les affaires courantes, ils se substituaient le plus souvent à l’universitas, on avait
gardé l’habitude de faire ratifier leurs décisions par des parlements publics qui approuvaient par
acclamation777.

Nous les voyons bientôt prendre une certaine initiative, intervenir au nom de l’universalité des
habitants, désigner des procureurs et vérifier leurs actes778.

[195]

Les premiers essais d’organisation municipale

L’organisation rudimentaire que nous venons d’examiner était donc entièrement constituée dès la
première moitié du XIIIe siècle; elle n’assurait aux habitants aucun privilège politique ni même aucune

775
A Hyères, à Fréjus, le conseil est élu par le peuple entier; à Toulon, en 1315, à Aix, Brignoles, Manosque, par
les chefs de famille; à Sisteron, en 1334, par les notables: à St-Maximin par le bailli (Lambert, p. 479). - A notre
avis, cet auteur voit trop dans le conseil une création de l’autorité seigneuriale; c’est bien souvent une
émanation naturelle des assemblées plénières. Les conseillers apparaissent à Salon presque aussi anciennement
que les syndics.
776
Ces institutions n’ont pas grande fixité: en 1293, l’archevêque désirant réformer les statuts prend le conseil
de 4 syndics et de 11 conseillers, tous élus par la communauté en vue de cette collaboration, “specialiter
electorum”. Il doit s’agir ici d’un acte exceptionnel justifié par l’importance de l’affaire et par le désir de recourir
largement aux compétences locales.
777
Voici un acte qui nous fait bien saisir le mécanisme de l’institution: le 18 mars 1254 le bayle réunit dans une
chambre du château un certain nombre de conseillers afin d’élire des syndics qu’on enverra à l’archevêque; le
bayle confirme le choix et l’élection est ratifiée en parlement public le 1er avril suivant. (Chartrier de Salon, n°
7).
778
1247, 12 Janvier. Les délégués du pape traitent d’un accommodement entre Jean Baussan et ses vassaux de
Salon: “Post hec dicti legati petierunt sibi tradi pignora a predictis consiliariis pro expensis quas fecerant in dicto
negocio, dicentes eis quod a predicto domino archiepiscopo habuerant denarios pro pignoribus [...] et ipsi
consiliarii rogaverunt [...] sibi assignari diem et locum a predictis delegatis ut interim deliberarent super dicto
negocio et venirent duo vel tres vel plures ex consiliariis dicti castri bene instructi a predicto consilio et ab
universitate dicti loci super dicta pace tractanda et super pignoribus reddendis et aliis faciendis que super dicta
pace tractanda [...] tota universitas dicti castri facere posset et deberet”. (Chartrier de Salon, n° 2).

126
autonomie administrative, mais elle suffisait à les faire participer aux diverses manifestations de la vie
municipale et leur fournissait les moyens d’acquérir, progressivement, une certaine indépendance.

L’archevêque consultait volontiers ses vassaux; lorsqu’il s’agissait d’une décision importante, il
préférait prendre d’abord l’avis du conseil, pour éviter les discussions inutiles, la perte de temps et les
conflits toujours possibles; il recourait ensuite au referendum populaire779. Lorsqu’il désirait une
collaboration plus étroite, il provoquait la création de syndics780. Dès la fin du XIIIe siècle, ceux-ci, au
lieu d’être élus à de longs intervalles figurent continuellement dans les affaires du pays. Il leur suffisait,
en effet, d’avoir une procuration en bonne et due forme pour jouir d’une certaine initiative vis-à-vis
du seigneur et pour soutenir, au besoin, contre lui, les intérêts de la communauté781.

[196]

Ces syndics, dont l’importance grandissait à mesure que leurs attributions s’étendaient, furent tout
naturellement portés à rendre permanents des pouvoirs nettement délimités jusqu’alors par un acte
de procuration. Les habitants, d’un autre côté, ne comprenaient pas l’utilité de ces assemblées
continuelles destinées à donner le pouvoir à des hommes qu’ils considéraient déjà comme leurs
représentants officiels782. Les institutions communales, là comme partout ailleurs, tendaient à se
fixer783.

Les comtes de Provence, en effet, tout en supprimant l’autonomie et les privilèges politiques des villes
consulaires, leur avaient laissé le soin de s’administrer elles-mêmes; mais comme ils jugeaient le titre
de consul dangereux, ils avaient donné aux premiers magistrats de ces communes le nom de syndic
qu’ils avaient trouvé dans les usages locaux faisant d’une fonction essentiellement temporaire un
organisme permanent. Ce mouvement, qui s’était généralisé dans les communes comtales, gagna
aussi quelques communautés seigneuriales.

Salon était arrivé à posséder une organisation analogue vers le milieu du XIVe siècle, mais c’était une
situation de fait, résultant d’une lente évolution, et qui n’était sanctionnée par aucune concession
officielle.

779
En 1275 l’archevêque voulant tirer vengeance des excès commis par les gens de Lamanon (v. Appendice I)
“habuit consilium cum suis hominibus ut dampnum acceptum repararetur, et unanimiter fuit conclusum justiciam
requirere [...]” Mais cette solution ne le satisfit point et bientôt après “universitas hominum de Sallone
congregata fuit per preconem, de mandato archiepiscopi, et communicato consilio inter predictum presulem et
ipsam communitatem, fuit conventum quod accederent cum armis ad castrum de Alamanono [...]” (Chartrier de
Salon, n° 108).
780
Cette collaboration est surtout remarquable dans la confection des statuts de 1293.
781
1275, 29 Novembre. 2 syndics demandent à l’archevêque de faire une enquête sur le droit de chasse (Arch.
mun, de Salon: AA 1) - 1290, 10 Avril. Convention entre les syndics de Salon et le prieur de Sainte-Marie de
Confoux au sujet des dîmes (B. de Carpentras. ms. F. 417-433). - 1305. 3 syndics obtiennent que le droit de
pallium soit remplacé par une bladerie (Pièce justificative: n° VIII).
782
[2020] Lassitude populaire entraînant une faible participation aux élections, donc? O tempora, o mores...
783
Selon C. Arnaud, la plus ancienne charte de commune seigneuriale en Provence serait celle de Saint-Martin
de Castillon, près d’Apt, le 16 mai 1336. Le même auteur signale Cuers en 1339, Reillane en 1341, Tournés en
1354.

127
Pendant un certain temps, l’entente parut régner entre les officiers de l’archevêque et les syndics784,
mais cette situation ne pouvait se prolonger: l’église avait gardé la même [197] défiance et la même
animosité à l'égard des communes; les archevêques, en particulier, se rappelaient les dangers que la
république d’Arles avait fait courir au siège épiscopal, et ils considéraient, comme un acte de rébellion,
le moindre essai d’organisation municipale.

Le conflit éclata sous l’épiscopat d’Etienne II de la Garde785.

Après deux ou trois années de lutte opiniâtre, de débats, de procès de toutes sortes, les Salonais
durent enfin se soumettre aux conditions que l’archevêque leur imposait. Par un acte solennel, le 17
mai 1354, ils renoncèrent à toute espèce d’organisation municipale, à toute “ombre de
communauté”786.

Cet acte nous renseigne assez bien sur les droits que les vassaux de l'archevêque prétendaient exercer:
selon eux, la ville a, de tout temps, formé une assemblée pour administrer ses intérêts, et par le
consentement tacite du seigneur, elle a acquis le droit de le faire de sa propre autorité: comme
conséquence elle a le droit de voter des impositions en vue des intérêts généraux de la commune, et
de nommer des syndics pour s’administrer elle-même.

Ces réclamations se résumaient en ceci: avoir l’initiative de la réunion du parlement public: c’était peu
de chose, en apparence, mais de cette liberté devaient découler toutes les autres, puisque l’assemblée
générale des habitants était la source de tous les pouvoirs.

[198]

L’archevêque, au contraire, s’appuyait sur ce fait notoire que les habitants n'avaient jamais possédé
un des signes extérieurs de l’autonomie municipale, ni le sceau, ni les archives, ni le trésor, ni la cloche,
ni la maison commune. Les archevêques d’Arles, par contre, étaient depuis un temps immémorial,
souverains-seigneurs de Salon et y exerçaient la juridiction suprême sans aucune restriction.

La “Peau d'âne” rétablissait les choses dans leur état primitif, et, pour prévenir toute nouvelle
tentative d’émancipation, elle rendait même plus étroite la surveillance des officiers de l’archevêque.
Cette soumission, qui avait été suivie de la prestation de l’hommage par tous les chefs de famille, dut
paraître très humiliante aux Salonais: elle aurait sans doute donné lieu à de nouveaux conflits si les
événements n’étaient pas venus en annuler les effets.

784
1331, 23 Mars. “Pro sindicis ville Salonis [...] Laurencius Langlade servieus se de mandato domini vicarii et ad
instanciam dictorum sindicorum pignorasse [...] macelarios [...] causa reve mazelli [...]” (J. Franchi not. prot. de
1350).
785
Archevêque de 1351 à 1361.
786
L’original de cet acte est perdu: il était connu sous le nom de “Peau d’âne”. Il en existe une copie
contemporaine dans le Livre vert (f° 191 et suivants). Sa longueur ne nous a pas permis de le donner en pièce
justificative.

128
La Transaction de 1368

Sous la menace des grandes compagnies d’abord, et pendant les guerres incessantes qui ravagèrent
la Provence dans toute la seconde moitié du XIVe siècle, surgirent une quantité de problèmes qui
exigeaient une solution immédiate: réparation et entretien des remparts, construction de nouvelles
fortifications, levée et répartition des tailles destinées à couvrir ces dépenses extraordinaires, autant
de services qui exigeaient une surveillance active, un dévouement incessant, et auxquels les officiers
seigneuriaux ne suffisaient pas787.

[199]

Poussés par les événements les Salonais recommencèrent à élire des syndics de leur propre autorité788
malgré les protestations des officiers de la cour789.

Ces syndics790 étaient tantôt élus par la communauté tout entière, tantôt par un nombre restreint de
conseillers, quelquefois même ils désignaient leurs successeurs. La durée de leurs fonctions était
indéterminée: nous trouvons les mêmes noms pendant 5 ou 6 années consécutives. Leur nombre
n’avait rien de fixe non plus, nous en trouvons deux, le plus souvent trois, parfois six. En somme, cette
institution se ressentait des circonstances au milieu desquelles elle s’était développée: elle laissait
deviner un grand désordre, pour ne pas dire une véritable anarchie.

Le pape désirait ramener l’ordre à Salon; il crut indispensable de laisser les habitants jouir d’une
certaine organisation municipale, mais il ne voulut pas non plus nuire aux droits de l’archevêque, et il
proposa un système mixte dans lequel les droits réciproques de la communauté et du seigneur étaient
habilement équilibrés791.

[200]

Chaque année, les syndics demanderont au viguier ou à un autre officier de la cour député à cet effet,
l'autorisation de convoquer le parlement public; l’officier devra s’exécuter dans les 15 jours. Ce

787
A Mende, des causes identiques font que le syndicat se constitue vers 1350 (Charles Porée, Le consulat et
l'administration municipale de Mende, Paris, 1901, in- 8°, p. XXI). Cf. Dognon, p. 65.
788
1365, 9 Février. L’archevêque réclame à ses sujets le paiement de la dîme: “Hugo Chaberti, Johannes Vimandi
et Baudinus Baldovini de Sallone dixerunt et responderunt quod cum ipsi virtute commissionum apostolicarum
[...] per universitatem castri Salonis et per homines ejusdem universitatis creati et constituti fuerint sindici et
procuratores ad omnes et singulas querelas [...] contra officiales dicti domini archiepiscopi.., ex potestate eis data
et atributa per universitatem dicti castri Salonis [...]” (Arch. mun. de Salon, CC 2).
789
“Johannes de Chamayraco vice-officialis ac procurator [...] archiepiscopi, dixit quod [...] homines de Salone
non debent [...]se erigere in universitatem [...] et etiam quod sindicatus datus et concessus dictis hominibus de
Salone, si quis datus reperiatur, datus fuit ad certain causam [...]” (id.).
790
Le diplôme de Charles IV du 28 Juin 1365 est adressé “dilectis fidelibus sindicis et universitati castri de Sallone
[...]” (Pièce justificative: n° XVI).
791
Sentence rendue à Avignon; le 30 Avril 1368, en l’absence du pape, par Jean cardinal de Pampelune. (voir
Pièce justificative n° XIX).

129
parlement élira 6 conseillers annuels. La cour, de son côté, nommera un autre conseiller. Ces 7
conseillers, réunis en présence du viguier ou du juge éliront à leur tour deux syndics annuels792.

Syndics et conseillers devront prêter serment avant d’entrer en charge; les pouvoirs des syndics seront
ceux dont jouissent ceux d’Avignon793.

Ainsi les Salonais avaient habilement profité de leurs différends avec leur seigneur pour se faire
reconnaître une certaine autonomie municipale.

Ils purent enfin jouir en paix durant quelques années du régime municipal qui leur avait été accordé794.
Le pape leur témoignait, d’ailleurs une grande bienveillance795, et les difficultés qui subsistaient
toujours avec l’archevêque de même que les dangers causés par la guerre grandissaient encore
l'importance des représentants officiels de la communauté.

[201]

La Charte du chapitre et la Bulle de 1404

Lorsque Salon retomba sous la juridiction des archevêques d’Arles, ceux-ci acceptèrent le fait accompli
et reconnurent l’existence de ce régime municipal796. Les Salonais, cependant, n’étaient pas satisfaits:
ils auraient voulu se soustraire au contrôle du seigneur qui jouait encore un rôle important dans
l’élection du conseil et dans celle des syndics.

Justement, le siège d’Arles était vacant et on ne se pressait guère d’y nommer un titulaire; les gens de
Salon, fidèles à leur politique opportuniste, crurent le moment favorable pour obtenir de nouveaux
privilèges. Ils s’adressèrent au chapitre métropolitain d’Arles qui leur accorda une charte de commune
tout à fait libérale797.

Election annuelle de deux syndics et d’un assesseur ou avocat; de douze conseillers, d’un notaire-
greffier et d’un trésorier; telle était la base de cette nouvelle organisation municipale. La seule
garantie accordée à l’archevêque était que le viguier ou son lieutenant présiderait le conseil.

792
Cette élection à double échelon était fréquente dans les communautés de Provence, où les syndics étaient
toujours une émanation du conseil.
793
Or le système employé à Avignon était tout différent: les 2 syndics étaient élus par un parlement public
composé de tous les chefs de famille; quant au conseil, composé de 10 membres, il se renouvelait annuellement
par moitié (Lambert, p. 483).
794
Ce régime reçut presque aussitôt une modification; de 2, le nombre des syndics passa à 3: 3 syndics en
appellent au pape de la sentence arbitrale du Comte de Beaufort - 1373, 13 Février (Arch. mun. de Salon: CC2).
795
1370, 24 Novembre. Bulle du pape Grégoire XI sur l’érection de la maison commune de Salon (Rubrique de
l’Archevêché. Inventaire M. f° 7).
796
1389, 30 Novembre. L’archevêque accorde aux Salonais la levée d’une rève pour payer les dettes de la
communauté (Pièce justificative: n° XX). Il emploie cette expression remarquable “dilecto in Christo communi
loci de Sallone [...]”
797
Nous ne la connaissons que par la bulle du 24 Novembre 1404 qui l'annule. Elle doit être de peu antérieure
et n’a peut-être jamais reçu d’application.

130
Le pape, quand il eut pris connaissance du fait, se rendit compte qu’une indépendance aussi complète
lésait les droits de l’archevêque d’Arles et serait une source continuelle de difficultés. Prenant prétexte
de ce que le chapitre n’avait pas qualité pour agir en cette matière, il annula la concession mais, par
le même acte, il en accorda une [202] nouvelle qui réglait l'organisation municipale: c’était celle dont
les Salonais devaient jouir jusqu’en 1581798.

Le pape s'inspira à la fois de la transaction de 1368 et de la charte accordée par le chapitre799, mais sa
préoccupation fut de laisser à l'archevêque un contrôle efficace, et tout en paraissant agir avec
libéralité, il ne put s’empêcher de laisser paraître une grande méfiance. Voici ce que la bulle du 24
novembre 1404 accordait aux habitants:

Chaque année, ils pourront élire 2 syndics, 1 assesseur ou avocat, 8 conseillers, 1 trésorier et 1 notaire,
mais pour ce dernier ils devront choisir le greffier de la cour.

L’archevêque, de son côté, nommera 2 autres conseillers, pris parmi les habitants de Salon; la
présence de l’un de ces conseillers, au moins, rendra seule valables les décisions prises par le conseil.

Enfin, les habitants pourront avoir une maison commune, non fortifiée, et des archives.

Ainsi, les Salonais mirent plus d’un demi-siècle à faire reconnaître l’organisation municipale qu’ils
avaient lentement acquise, en profitant avec habileté des circonstances, en luttant sans relâche, avec
des fortunes diverses mais en faisant toujours preuve d’un remarquable esprit de suite. On jugera
peut-être que. le résultat répondait mal à de tels efforts et qu’il leur avait fallu bien longtemps pour
arriver à un minimum de franchises qui nous paraissent aujourd’hui si naturelles. En réalité, il faut se
représenter que [203] Salon n'était qu’un bourg, sans alliés, sans grandes ressources; comprendre en
même temps la puissance énorme des archevêques, leur hostilité naturelle pour toutes les
manifestations de la vie communale, leur constante préoccupation de considérer Salon comme leur
domaine par excellence; on conviendra alors que la lutte était inégale et que les Salonais ne
manquèrent pas d’un certain mérite pour avoir obtenu officiellement, au début du XVe siècle, et, en
fait, beaucoup plus tôt, ce que d’autres villes plus riches, plus indépendantes, mieux armées,
n’arrivèrent jamais à posséder.

L’Organisation Municipale au XVe Siècle

798
V. Pièce justificative: n° XXII.
799
Le pape ne fait aucune allusion à l’accord de 1368 et, à ne considérer que les termes de la bulle, la
renonciation formelle de 1354 n’aurait jamais cessé d’être en vigueur, ce qui prouve, une fois de plus, que les
chartes de commune constatent souvent un état de fait ancien plutôt qu’elles ne créent une organisation
nouvelle.

131
La Communauté

Avant d’étudier l’administration municipale, il nous faut indiquer d’abord ceux auxquels elle
s’appliquait. Les mots de “communitas “, d’“universitas” continuaient à désigner l’ensemble des
habitants, mais qu’entendait-on par là? Le terme d’universitas excluait les Juifs, d’abord, qui formaient
à eux seuls une universitas spéciale800; celui d’habitant excluait la population flottante et les non-
propriétaires801.

Pour être considéré comme habitant de Salon, il fallait remplir deux obligations
1° jurer le serment de fidélité et rendre l’hommage entre les mains de l’archevêque ou de
[204] son viguier;
2° placer le tiers de sa fortune en biens fonciers sis au terroir de Salon802.

Cette dernière condition était destinée à fournir une garantie en cas d’amende pécuniaire803.

Moyennant l’exécution de ces formalités, on était compté comme membre de la communauté de


Salon, même si on n’y avait pas son domicile804; on jouissait des privilèges accordés aux autres vassaux
de l’archevêque, mais, en retour, on était tenu de contribuer à toutes les impositions communes805.

Les Syndics

Les premiers magistrats de la communauté continuèrent à porter le nom de syndic consacré par un
usage séculaire, car leurs attributions, si elles étaient devenues permanentes; ne différaient pas de
celles que les assemblées générales du XIIIe siècle confiaient à leurs délégués. Le titre de consul, même
dans les villes où il avait été porté, fut [205] abandonné et les comtes de Provence, en particulier,
mirent leur soin à le faire disparaître. Plus tard, on ne se souvint que de son prestige et non des
privilèges politiques dont il avait été le symbole, si bien que le nom de consul se substitua parfois à

800
V. plus loin le chapitre consacré aux Juifs.
801
Au moyen-âge, on considérait volontiers comme suspects ceux dont la fortune n’était pas assise sur la
propriété foncière.
802
Statuts de 1293: art. I.
803
A Laon, tout bourgeois doit, dans l’année de sa réception, acheter une maison, un vignoble, ou au moins
justifier d’un avoir suffisant pour faire face aux condamnations judiciaires - La plupart des textes relatifs aux
villes du midi n’abordent pas cette question (v. Dognon, p. 68-69). Cependant, à Nîmes et à Bordeaux, tout
citoyen devait être propriétaire. (P. Viollet. Les communes françaises [...] p. 45). Cf. St. mun. d Arles, art. 89- De
sacramento cientadanagii (Giraud, t. II, p. 220).
804
Dans beaucoup de chartes communales du nord de la France, au contraire, le simple domicile entraîne
l’obligation d’appartenir à la commune.
805
1407, 16 Avril. Hugues Boliant se présente devant le bayle de St-Chamas et déclare que bien qu’il soit
originaire de Lançon et qu’il y habite, il désire jouir des privilèges accordés aux habitants de St-Chamas. Il
s’engage à placer à St-Chamas ses biens meubles ou une partie de ceux-ci, à contribuer aux tailles, vingtains,
capages et autres charges. Le bayle reçoit son hommage et son serment de fidélité à l’archevêque, et lui accorde
les franchises et privilèges en question. (P. de Rivo not. prot. de 1407, f° 13).
[2020: Lançon n’était pas dans les terres de l’archevêque]

132
celui de syndic, sans que ce fût l’indice de la moindre modification dans les attributions de celui qui le
portait806.

A Salon, les officiers municipaux ne prirent jamais ce nom de consul807, mais on le leur donna parfois,
sans doute pour flatter leur vanité808. A la fin du XVe siècle et au début du XVIe, l’étude et l’initiation
des institutions romaines remirent ce titre à la mode et la plupart des communautés obtinrent le
privilège de le donner à leurs représentants809.

La bulle de 1404 accordait aux habitants le droit d’élire 2 syndics et 1 assesseur; ce dernier, qui
jouissait des mêmes pouvoirs que ses collègues, servait à assurer une majorité en cas de dissension.
Les syndics étaient choisis parmi les notables; comme ils étaient responsables de la gestion des
finances municipales, on choisissait ordinairement des citoyens riches, ce qui explique la large place
faite aux marchands.

La noblesse était souvent représentée, mais nous ne pensons pas que ce fût pour donner aux
personnes de rang [206] noble un délégué spécial810; en réalité ces nobles étaient de gros propriétaires
fonciers, ou de riches marchands, c’est pourquoi on les choisissait. Ceux qui furent le plus
régulièrement appelés au syndicat furent les notaires: leur instruction supérieure, leur connaissance
des affaires les destinaient à ce rôle. En résumé, les habitants n’avaient d'autre souci que d'élire des
hommes capables de les représenter utilement.

La charge était gratuite et son acceptation obligatoire, mais comme elle obligeait à de fréquents
déplacements, les frais étaient payés par la ville811.

La bulle de 1404 laissait entendre que l’élection des syndics se ferait au suffrage universel; mais nous
avons déjà vu qu’il y avait une tendance marquée à abandonner l’usage des parlements publics pour
celui d’assemblées plus restreintes formées seulement des notables de la ville. C’est le système qui
fut employé pour l’élection des premiers syndics812. Le 6 juin 1405, sur l’ordre de l’archevêque les
“probi homines” de Salon s’assemblent clans une salle du château et nomment 2 syndics, 1 assesseur,
1 trésorier et 8 conseillers. Le lendemain, 7 juin, jour de la Pentecôte, un parlement public est
convoqué à son de trompe, suivant l’usage. Cette fois la salle du château étant insuffisante, on se

806
On en trouve des exemples dès le XIV° s, v. (Dognon, p. 65).
807
Chose curieuse, les représentants de la communauté des Juifs le prennent parfois.
808
1435, 16 Février. Hommage rendu à Louis Alemand par les “consuls” de Salon (Chartrier de Salon, 35) Cette
indication figure au revers de l’acte - 1456, 2 Avril. Lettre du duc de Calabre adressée “à nos très chers les consuls
et st sindics de Salon” (Livre blanc, f° 294). [2020]: Jean II de Lorraine (?)
809
Ce changement n’eut lieu à Salon qu’en 1337 (Gimon, p. 189-90).
810
Certains auteurs supposent que la pluralité des magistrats municipaux est née du désir de représenter les
diverses classes de la société. Cette préoccupation est peu vraisemblable, en Provence, où la noblesse se
distinguait peu de la bourgeoisie.
811
1417, 18 Novembre. Les 2 syndics ont été accusés en public dans les termes suivants: “alcuns que fan
embascadas per sta vila son ben pagats, he om si pensa que fassen los fayts de la vila, ellos fan los lurs al
despensens de la vila [...]” (P. de Rivo not. ét. de 1400. f° 29). [2020] voir dans les statuts d’Arles le traitement
des frais des “ambassadeurs” 77. — De Embayssatoribus. et 78. — De embayssatoribus per aquam missis.
812
Nous parlons des premiers syndics annuels reconnus par l’archevêque.

133
réunit en plein air, dans un verger, en présence de l’archevêque assis sur un banc de pierre “more
prelatorum813”.

[207]

Leurs attributions se résumaient en ceci: c’étaient les gardiens et les défenseurs des droits de la
communauté.

Ils devaient, avant tout, faire respecter les libertés et les franchises de leurs concitoyens, telles que les
exemptions de péage814, ou de taille, les règlements relatifs à la dîme815.

Pour assurer l'indépendance et l’intégrité de la ville, il fallait veiller à sa défense: tous les travaux
d’entretien et de réparation à faire aux remparts816; l’achat des armes et des machines de guerre et
leur garde étaient confiées aux syndics817. En temps de paix, ils étaient responsables de la garde de la
ville818; les gardiens des portes prêtaient serment entre leurs mains819.

Les syndics étaient appelés à discuter et à résoudre toutes les affaires intéressant l’ensemble des
habitants. Ils avaient d’abord la gestion des biens communaux820, en particulier des pâturages
communs. Cette surveillance s’étendait [209] à tous les édifices publics, y compris les églises, qu’ils
devaient faire entretenir et réparer aux frais de la commune.

Nous n'avons pas l’intention d’énumérer tous les actes dans lesquels les syndics pouvaient intervenir,
qu’il nous suffise de dire qu’ils avaient la haute direction de la police rurale821 et urbaine822 et des

813
[2020]: L'expression porter la main à la poitrine désigne toujours, dans les textes anciens, le serment
d'ecclésiastiques ou du moins le serment “more prelatorum” in L'île de Chypre: sa situation présente et ses
souvenirs du moyen-âge.
814
1432, 3 Novembre. La communauté obtient des lettres des maîtres rationaux de la grand’chambre d’Aix
confirment l’exemption du péage des Pennes (Livre blanc, f° 12).
815
1369, 21 Août. (Arch. mun. de Salon, AA 1).
816
1435, 21 Juillet. (Livre jaune, f° 183-4).
817
Prix fait pour une portion des remparts de la ville. (Muguetti not. prot. 1443, f° 176).
818
1423, 4 Décembre. Les syndics ont acheté, à Avignon “quasdam curassas albas trium peciarum, quosdam
canones cum languesca et quosdam spalassos”. (B. Roynhaqui not. prot. 1423) - 1424, 3 Janvier. Le capitaine
général de l’archevêque donne à exécuter aux syndics tout un programme de défense et d’armement (Arch.
mun. DD 1, liasse 1).
819
1415. 7 Novembre. Enquête contre un Juif de Salon qui s’est emparé par violence, la nuit, des clefs du portail
de Ferrier-Roux, clefs qui avaient été confiées par les syndics à Pierre Gayronadi pour le service de ce portail (P.
de Rivo not. f°67 v°).
820
1415, 9 Janvier. Enquête faite par les syndics sur l’étendue des biens communaux.
821
1445, 29 Juin. Les banniers promettent aux syndics de s’acquitter loyalement de leur office (Muguetti not. f°
113).
822
1421, 5 Mars, Règlement des sonneries de cloches qui doivent se faire aux enterrements (J. Vaureys not.
prot. 1420 f° 76).

134
services correspondants à la voirie823, aux travaux publics, aux poids et mesures, la surveillance de la
bladerie824, de la boucherie, des fours, des marchés et des maisons de prostitution825.

Ces services, réglés pour la plupart par des statuts locaux, étaient longtemps restés de la compétence
des officiers de la cour826. Ceux-ci continuèrent à exercer sur eux une étroite surveillance, en laissant
aux syndics l’initiative des mesures à prendre, mais rarement le soin de les exécuter827.

Dans la gestion des finances communales, au contraire, tout en subissant le contrôle des officiers de
l'archevêque, [210] les syndics jouissaient d'une plus grande autonomie. Le seigneur intervenait pour
autoriser la levée de l’imposition et ordinairement pour fixer sa durée, mais, dès lors, la répartition, la
perception étaient entre les mains des syndics qui, avec l’aide du trésorier communal, fixaient
l’assiette et le taux des divers impôts et prenaient toutes les mesures nécessaires pour faire rentrer
les finances.

Enfin, ils avaient qualité pour faire des emprunts au nom de la commune, mais dans ce cas, ils
engageaient leur propre fortune pour garantir la, dette828.

Le Conseil Municipal

Le conseil municipal se composait de 10 membres829: deux étaient nommés par l’archevêque; les
autres étaient, en principe, élus au suffrage universel, mais en fait, par l’assemblée des notables830. Il
était renouvelé chaque année en même temps que les syndics. Ce système était assez particulier, car
dans la plupart des communes seigneuriales, les conseillers désignaient, leurs successeurs831, parfois
en s’adjoignant quelques notables ou conseillers anciens832.

823
1476, 17 Septembre. Procès entre les éleveurs et la commune au sujet des chemins pour les troupeaux (Livre
blanc, f° 160 v°).
824
1421, 3 Mars. A la requête des syndics, le juge réglemente les heures d'ouverture de la bladerie - 1451. Les
syndics confient à maître Jean Taboyre, serrurier, la garde des poids et des mesures (Muguetti not. f° 43).
825
1467, 5 Août. Délibération sur le transfert de la maison publique (Arch. dép. des B.-du-Rh. Série J. Fonds
Nicolaï, n* 17) - V. plus loin l’action des syndics sur les œuvres d’assistance et sur les écoles.
826
Principalement le viguier et le sous-viguier.
827
1437, 8 Novembre. L’archevêque autorise les syndics à établir des rèves sur les objets d’alimentation. Ils se
sont chargés de la perception et de l’emploi des deniers au mieux des besoins de la ville, sous le contrôle du
viguier et de l’official (Arch. mun. de Salon; CC 1).
828
1411, 18 Mai. Les syndics et 6 autres habitants de Salon reconnaissent avoir emprunté, pour la ville, à un
marchand d’Avignon, 200 florins qu’ils s’engagent à rendre dans 6 mois avec les intérêts, sous l’obligation de
leurs biens propres et de ceux de la ville. (B. Roynhaqui not.).
829
La transaction de 1368 fixait leur nombre à 6, la charte du chapitre à 12; c’est assurément, de toutes les
institutions municipales, celle qui apparaît avec le moins de netteté.
830
V. plus haut l'élection des premiers officiers municipaux en 1405.
831
A Cuers, en 1339, création d’un conseil de 6 membres élus la première fois en assemblée générale, mais
désignant leurs successeurs.
832
Lambert, p. 472-73 et 490.

135
Ces conseillers étant destinés à devenir syndics un jour ou l’autre, appartenaient aux plus hautes
classes de la société: les nobles, les juristes, des riches propriétaires et [211] les marchands se
répartissaient les sièges, sans que nous ayons pu distinguer un système fixe de représentation.

La réunion du conseil n'a aucune régularité: elle se fait à la demande des syndics et toujours sur l’ordre
du viguier. Les conseillers sont convoqués individuellement par le sergent de la cour et se rassemblent
dans la maison commune833. La présence de tous les conseillers n'était pas indispensable pour prendre
une décision, mais il fallait toujours qu’un des deux conseillers nommés par l’archevêque au moins fût
présent.

Le viguier ou son représentant doit toujours assister aux séances, et, quoiqu’il ne puisse pas intervenir
dans la discussion, toute décision prise, en son absence, est entachée de nullité.

Le rôle des conseillers était d’assister les syndics dans toutes les questions d’ordre administratif et
financier. Parfois, ils préparaient les affaires et s’en remettaient aux syndics pour l’exécution; le plus
souvent ceux-ci, avant de prendre une décision importante, en référaient au conseil et prenaient son
avis; enfin, par son vote, le conseil donnait une sanction aux décisions des syndics, surtout en matière
d’impôt834.

Ce conseil était donc très utile et collaborait étroitement à la gestion des intérêts communs, mais il ne
jouissait d’aucune initiative. C’était un organe un peu factice qui, en réalité, se confondait souvent
avec une assemblée émanée plus directement du suffrage populaire et qui portait, comme lui, le nom
de conseil de la ville, c’est-à-dire l’assemblée des notables.
[212]

L’Assemblée des notables

Les parlements publics, dont le rôle avait été si prépondérant dans la genèse des institutions
municipales, n’étaient plus convoqués que pour la forme et pour des confirmations solennelles.
Certains voient dans ce fait l’action directe du seigneur; en réalité, les gens du peuple se souciaient
peu d'abandonner leurs occupations pour des assemblées où ils ne jouaient qu’un rôle passif.

Dans le courant du XIVe siècle ils perdirent de plus en plus l’habitude de se rendre aux parlements
publics. Il fallait des événements considérables pour qu’un grand nombre d’habitants y assistât. Des
assemblées de ce nom continuaient à être convoquées, selon, l’usage, par le héraut public et une
sonnerie de cloche, mais quelques notables seulement s’y rendaient. Ces notables, depuis le XIIIe
siècle, s’intitulaient volontiers les conseillers de la ville; leur réunion prit naturellement le nom de
conseil, et ils furent censés représenter l’universalité des habitants.

833
1417, 18 Novembre. Les conseillers s’assemblent “ad consilium tenendum in domo communi ipsius
universitatis ubi consilia tenere et celebrare sunt consueta [...]” (P. de Rivo not. ét. de 1400, f° 29).
834
Léon Clos, p. 435.

136
Leur qualité de conseillers ne leur venait pas de l’élection, mais de l’assentiment général, c’était la
consécration de leur dévouement aux intérêts de la ville, comme le titre de “probi homines” dont ils
aimaient également à se parer attestait l’honorabilité de leur famille, leur probité dans les affaires et
leur fortune personnelle.

Leur nombre était essentiellement variable835: ordinairement, les syndics et les membres du conseil
municipal se joignaient à eux pour prendre des décisions importantes836 [213] et une tradition
immémoriale exigeait qu'on leur soumit tous les actes capitaux de l’administration municipale .

Cette assemblée de notables avait avant tout comme rôle d’élire chaque année les officiers
municipaux, syndics, conseillers, trésorier, ainsi que les auditeurs des comptes et les agents
subalternes tels que banniers, inspecteurs, estimateurs, héraut public. Continuant la vieille tradition
des parlements publics, les réunions se tenaient ordinairement dans une salle du château, mais elles
pouvaient également avoir lieu dans la maison commune837.

Le Trésorier

La création d’un officier chargé de la gestion des finances a. dû nécessairement dater du premier essai
d’organisation municipale; la “Peau d’âne” interdisait aux Salonais d’avoir un trésor commun; la charte
accordée par le chapitre, par contre, signalait un trésorier chargé d’administrer les finances et de
percevoir les impositions sous les ordres du conseil. La bulle de 1404 le conserva mais avec certaines
garanties: le trésorier devait percevoir les revenus et payer les dépenses de la commune sur l’ordre
des syndics et du conseil, mais avec la permission expresse de la cour.

Ses attributions étaient de même nature que celles du clavaire avec lequel il faut se garder de le
confondre. Il [214] avait d’ailleurs avec lui des rapports fréquents, par exemple lorsque l'archevêque
percevait le droit d’encan sur l’adjudication des tailles communales838.

A la fin de son exercice il devait rendre compte de sa gestion en présence des syndics, du conseil et
du viguier839. Pour examiner sa comptabilité on nommait des auditeurs des comptes pris le plus
souvent parmi les membres du conseil. Cette institution, déjà pratiquée par l’archevêque pour vérifier
les comptes de la clavairerie, fut étendue, de bonne heure, aux finances communales, nous en

835
Un acte du 10 octobre 1432 relatif aux travaux à exécuter à l’église Saint-Laurent en énumère 62. (Arch. mun.
de Salon: GG 25). Un acte du 4 Août 1467, 22 seulement (Arch. dép. des B.-du-Rh, Série J, Fonds Nicolaï, n° 17).
836
1408, 12 Décembre. L’assemblée générale des notables nomme des procureurs pour homologuer les
conventions passées entre l’archevêque et le roi Louis II. {Chartrier de Salon: n° 83).
837
Le 4 Août 1467 ce conseil s’assemble dans la maison commune, il réunit les 2 syndics en exercice et 22
conseillers. Il prend cependant le nom de parlement public. (Arch. dép. des B.-du-Rh., Série J, Fonds Nicolaï: n°
17).
838
1427, 13 Février. Le clavaire donne quittance à Pierre Bonhomme, trésorier municipal, de la somme de 77
florins 4 gros 12 deniers, représentant les droits d’encan perçus sur les rèves des années 1425 à 1427, à raison
d’un gros par florin. (Salamonis not. prot. de 1438, f° 75),
839
Acte du 6 Janvier 1450. (Muguetti not.).

137
trouvons la mention à une date ou l’organisation municipale n’était pas encore reconnue
officiellement840; ce contrôle de la comptabilité était une garantie indispensable.

Ces auditeurs furent d’abord nommés par les officiers de la cour841 avec.l’assentiment de la
communauté. La bulle de 1404 régularisait cette institution en exigeant que les syndics et le trésorier
à la fin de leur exercice rendissent leurs comptes à des auditeurs désignés par le conseil842: au lieu
d’être nommés pour chaque affaire, ils furent annuels.

[215]

Le Notaire

Un notaire était indispensable pour transcrire sur un registre les délibérations du conseil, tenir la
correspondance des syndics et assurer la conservation et le classement des archives communales;
tantôt c’était un des membres du conseil, tantôt un des notaires de la ville. La charte octroyée par le
chapitre laissait les habitants le choisir librement, mais la bulle de 1404 exigea qu’on désignât le
notaire de la cour. C’était une garantie de plus pour l’archevêque qui avait ainsi, au sein du conseil
municipal, un homme tout dévoué à ses intérêts et qui jurait de lui révéler, aussitôt qu’il en aurait
connaissance, tout acte qui paraîtrait irrégulier au contraire à ses droits.

Les Finances Municipales

Ressources ordinaires

Les ressources communales ordinaires étaient constituées par les revenus des biens communaux843,
c’était fort peu de chose. Ces biens communaux consistaient en terres incultes destinées au pâturage
des troupeaux. Le terroir de Salon n’étant pas très étendu844, ces pâturages restaient ordinairement à
la disposition du public, mais la commune pouvait aussi en mettre une partie en déffens et l’affermer

840
1345, 17 Mai. Plusieurs habitants s’assemblent en parlement public et demandent à ce que le sous-viguier
désigne “probos et legales homines de Sallone ad audiendas raciones administrationis talliarum et quistarum
indictarum et factarum ab olim tam pro opere et novo edificio ecclesie Beati Laurenci de Sallone, quam alias pro
rebus et operibus publicis” - Le sous-viguier désigne 6 auditeurs. (P, Duranti not.).
841
Arch. mun. de Salon. Livre blanc f° 304.
842
En 1405, lors des premières élections régulières, le parlement public nommait 3 auditeurs pour vérifier tous
les comptes anciens (Chartrier de Salon: n° 14).
843
Le seigneur possédant à Salon la directe universelle, et par conséquent les terres gastes, l’existence des
communaux ne peut guère s’expliquer que par des concessions.
844
1476. Les éleveurs de Salon se plaignent de ce que la commune a diminué l’étendue des pâturages communs
en créant un déffens dont elle met les revenus en ferme. (Pièce justificative n° XXXIII}.

138
à des particuliers845. L’archevêque pouvait également [216] accorder à la ville une certaine étendue
de la Crau pour y créer des coussous et en toucher les revenus846.

Parfois, le droit d’user des communaux était concédé aux habitants d’un village voisin ou à des
éleveurs de bestiaux moyennant une redevance, mais ordinairement, les habitants se réservaient le
droit d’en jouir eux aussi847.

Les syndics ayant hérité d’une partie des attributions des officiers de l'archevêque relatives à la police
rurale et urbaine, il était logique qu’une partie des bans ou des amendes perçues en cas d’infraction
aux règlements tombât dans la caisse municipale. La perception de ces bans était mise à l’adjudication
par le clavaire, mais la ville en percevait ordinairement le tiers848.

Ces revenus étaient tout à fait insuffisants pour faire face aux charges qui pesaient sur la ville, surtout
en temps de guerre, lorsqu’il fallait subvenir aux frais considérables exigés par la défense de la ville.
Nécessité était de recourir à des ressources extraordinaires telles que tailles, gabelles, rèves, vingtains,
soquets et autres impositions.

Ressources extraordinaires - La Taille

La taille était une taxe établie sur la propriété immobilière; ce qui la rendait remarquable, c’est qu’elle
frappait tous les propriétaires fonciers: en Provence, en effet, les [217] tailles sont réelles et nul ne
peut en être affranchi ni par ses qualités personnelles, ni par privilège, ni par concession; les charges
publiques sont supportées par la terre849.

Ces tailles n’avaient aucune fixité: levées à des époques indéterminées, quand le besoin s’en faisait
sentir, elles devaient être votées par le parlement public ou par l’assemblée des notables, mais
toujours avec une affectation spéciale et surtout avec l’autorisation expresse du seigneur.

845
Ibid.
846
1437, 8 Novembre. (Arch. mun. de Salon: CC 1). L’archevêque invoque les mauvaises récoltes, la mortalité
des animaux et les pestes qui sévissent depuis 6 ans surtout, qui font que les revenus de la commune sont très
diminués.
847
Dans des communes plus étendues ou moins peuplées. Le 13 Novembre 1411, le bayle de St-Chamas et les
4 prud'hommes jurés de la commune vendent à deux éleveurs d’Arles, le pâturage situé au-delà de la Touloubre,
jusqu’au mois d’Avril inclus, au prix de 16 florins, (P. de Rivo, not. f° 27).
848
V. Lambert, p. 507 - 1445, 29 Juin. Les 4 banniers de l’année s’engagent à payer à la commune 17 florins
(Muguetti not. f° 113), ce qui représente le tiers de la ferme des bans de Salon à cette époque.
849
Grégoire, p. 98 - On exemptait le clergé et certaines industries qu’on voulait favoriser.

139
Nous trouvons mention, à Salon, de tailles levées pour des travaux d’utilité publique dès la première
moitié du XIVe siècle850. La communauté réclama, sans l’obtenir jamais851, le droit de lever ces tailles,
ainsi que les autres impositions, à son gré et sans avoir besoin du consentement seigneurial; ce fut
même l’occasion du conflit entre Etienne de la Garde et ses vassaux. Aussi la “Peau d’âne”, l’accord
de 1368 et la bulle de 1404 spécifiaient-ils avec soin les droits de l’archevêque en cette matière. Du
reste, la perception de la taille était si difficile, qu’elle fut très peu employée au cours du XVe siècle852.
On nommait des .collecteurs pour organiser, répartir et lever la taille et pour régler les difficultés qui
s’élèveraient avec les contribuables. Ils devaient rendre des comptes à [218] des auditeurs nommés à
cet effet853, et ils prélevaient, de la somme totale, leur salaire et les frais de perception854.

Leur premier soin était de faire dresser la liste des biens immobiliers possédés par les habitants afin
d’établir l’assiette de l’impôt855. Cette opération était longue, malcommode, et sujette à beaucoup de
fraudes ou d’erreurs, aussi les communautés reprirent dès le XIVe siècle l’institution du cadastre dont
les Romains avaient donné l’exemple856. C’était assurer une base solide à la répartition de l’impôt: on
y inscrivait toutes les propriétés ainsi que les cens et les rentes foncières, et même les chevaux de
selle et les troupeaux857.

Les textes ne nous indiquent pas le taux de la taille, mais nous pensons qu’il n’avait rien de fixe. En
effet, on ne levait que la somme nécessaire pour couvrir la dépense qu’on avait en vue, et cette
somme, répartie sur l’ensemble des propriétés foncières, devait donner des taux variables858.

[218]

850
1345, 17 Mai “tam pro opere et novo edificio ecclesie Beati Laurentii de Sallone, quam et alias [...]” (P. Duranti,
not.). La première pierre de St-Laurent fut posée le 22 Mars 1345.
[2020: La plaque de fondation visible dans l’église St Laurent affiche 22 mars (mardi saint) 1344 (en “ancien
style” où l’année commence à Pâques) donc en 1345. Voir étude ici Église Saint Laurent - 22 Mars 1344]
851
1353. Révocation d’une procuration faite pour contester les droits de l’archevêque en ce qui touche les
assemblées de la communauté de Salon et le droit de faire des impositions (Rubrique de l'Archevêché, Inventaire
M: f° 116 v°).
852
Nous en avons trouvé une mention en 1450. La recette fut de 63 florins 7 gros 3 deniers. (Muguetti not. f° 3).
853
1403, 6 Décembre. Pierre Rix a été nommé par la cour sur la présentation du conseil municipal, pour lever
une taille. 3 “auditores compotorum talhiarum ac aliarum rerum ac jurium hactenus factarum et indictarum ac
ordinatarum per dictam villam et per dictam curiam Sallonis” donnent quittance au collecteur. (B. Roynhaqui
not.).
854
Lambert, p. 507.
855
Acte du 3 Novembre 1367 (Pièce justificative: n° XVII).
856
Cf. Damase-Arbaud, Histoire de Manosque, p. 307-9. - Il subsiste dans les archives municipales de Salon, un
cadastre de 1430 (CC 28, incomplet) et un de 1453 (CC 29). En tête de celui-ci on trouve: “L’an mil IIII°LIII et lo
jort XIII de Febrier en lo conselh fo ordenat que lo libre terrier se repares, atentuda la destruction del libre vielh,
et fon comessa a sess homes deu dit luoc, compres l’orgamen sta per la man de mestre Ciris Malamalha, notari
deldit conselh.”
857
V. sur les cadastres et les unités cadastrales en Provence, une étude de M. R. Busquet.
[2020]: accessible ici sur le site de La bibliothèque numérique de l’École nationale des chartes.
858
Selon M° Barthélemy à Aubagne, la taille simple était d’un sou par livre (t. 1,.p. 353).

140
Le Vingtain

La communauté avait souvent recours à un impôt sur le revenu au sens le plus moderne du mot, car
il frappait toutes les sources de profit, récoltes, croît des animaux, rentes foncières, salaires,
transactions commerciales, etc. Le taux en était variable suivant les régions, mais dans celle que nous
étudions, il était fixé par la coutume, au vingtième, d’où son nom.

Cet impôt était plus équitable que la taille, puisque le contribuable ne payait qu’à proportion de ce
qu’il recueillait, tandis que la taille frappait des maisons et des terres incultes ne produisant pas de
fruits859.

Le vingtain était ordinairement levé pour une année afin de frapper les diverses récoltes; sa perception
était assez délicate: parfois la communauté l’exploitait directement, mais le plus souvent elle le
mettait en adjudication.

Ces deux systèmes furent employés successivement à Salon. Au début, la municipalité confiait à des
collecteurs le soin.de lever l’impôt et de convertir en argent les diverses denrées recueillies en
nature860. Elle eut, plus tard, recours à la mise aux enchères publiques: les acheteurs s’appelaient les
vingtainiers.

Le vingtain pouvait s’appliquer à une seule récolte, par exemple au blé861, aux raisins, aux olives, mais
le plus souvent [220] c'était une taxe générale frappant les sources de revenus les plus variées; dans
ce cas, on établissait avec soin la liste des profits soumis au vingtain, et cette liste était limitative862. II
n’atteignait pas seulement les divers produits du sol, mais encore les rentes foncières863, les salaires864;
on allait même jusqu’à spécifier que les glaneuses paieraient le vingtain865. II pouvait également
s’étendre aux transactions commerciales 866; dans ce cas on payait six deniers par livre sur le prix de
l’objet vendu.

859
Julien, t. II, p. 337.
860
1390, 8 Mars. Noble Jean Raymond s’engage à payer à Rostang Gervais auditeur des comptes, la somme de
16 florins, reste de la somme de 26 florins qu’il devait à la ville comme collecteur du vingtain (St. Constantini
not.). - 1393, 19 Décembre. Guillaume Crosat “collector vinteni bladorum messium presencium”vend à noble B.
de Lamanon 30 saumées de froment provenant de ce vingtain au prix de 12 florins 4 sous la saumée (St.
Constantini not.).
861
V. note précédente.
862
Pièce justificative: n° XXV, art. XIX.
863
Vingtain levé à Grans le 27 Avril 1418. “Item que tota persona [...] que prena loguers d’ostals, censes de blat,
d’argent, he de totas rendes d’infra lo castel de Grans ho son terrador [...] pague [...] la vintina part una ves tant
sola“ (P. de Rivo not. ét. de 1400).
864
“Item que tot mercenari, serventa ho bayle que sia habitant en lodich loch [...] pague [...] la vintena part
d’ayco que gasenyara en lodich loc.., e axi sia tengut de pagar d’ayco que gasenyara en autres lochs o autres
juridictions [...] “ (id.). V. aussi Pièce justificative n° XXV art. XV et XVI.
865
Pièce justificative n° XXV, art. XIV.
866
Id. art VIII.

141
Le vingtain était perçu en nature toutes les fois qu’il était possible, et recueilli sur place, ce qui lui
donnait une grande analogie avec la dîme867. Pour le croît des animaux, il eût été ordinairement
impossible de percevoir la vingtième part, aussi établissait-on. un tarif868.

Cet impôt était une charge réelle, personne, quelle que fût sa condition, ne pouvait y échapper. Il fut
d’ailleurs une cause de conflits perpétuels avec les communautés voisines 869: on décida toujours que
les propriétaires étrangers, possédant des terres dans une localité soumise au vingtain, [221]
paieraient870 comme les habitants de la localité même. En échange, tout habitant qui possède des
terres dans une autre localité, devra payer le vingtain, à moins que dans cette localité on ne perçoive
déjà un vingtain871.

Enfin le vingtain atteint également toutes les denrées qui sont apportées dans le terroir où on le
perçoit872.

La Rève

La communauté avait recours à d’autres impositions qui s’appelaient rêve, gabelles ou soquets. Ces
mots avaient eu d’abord un sens général d’impôt, mais ils tendirent, de bonne heure, à se fixer, et on
ne les employait jamais seuls; on disait la gabelle du vin, la rève de l’huile ou de la viande, le soquet
du blé, et ainsi de suite. Le caractère commun de ces diverses impositions était de frapper les
marchandises consommées dans l’étendue du territoire; il faut donc se garder de les confondre avec
les vingtains qui frappaient la production. Une autre différence, également, c’est qu’elles étaient
perçues en argent, et non en nature.

La rève, c’était en effet le terme le plus souvent employé dans la région, frappait presque uniquement
les denrées de première nécessité, telles que le pain, la viande, le vin, [222] l'huile. C'était un impôt
assez équitable et favorable au soulagement des terres, car il était proportionnel à la consommation
et les étrangers qui venaient acheter des marchandises dans la localité imposée y contribuaient pour
une part873.

867
Id. art. VIII, XI et XII. On prélèvera 1 patac par agneau, 1 denier par cabri, 6 deniers pour un ânon ou un jeune
mulet, 8 deniers pour un poulain - A Grans en 1418, on prélève 12 deniers par veau ou poulain.
868
1408, 18 Janvier. Des difficultés se sont élevées avec les habitants de Salon qui possèdent des terres à Grans
(P. de Rivo not. prot. 1407 f° 49).
869
2020: rien en bas de page
870
1405, 27 Juin. Un vingtain ayant été voté par la communauté de Pélissanne pour construire les remparts de
la ville, un débat s’élève entre le maréchal Boussicaud, seigneur du lieu, et l’archevêque d’Arles, au sujet des
terres de Gabardel: on décide que les propriétaires de ces terres, quoique relevant de la juridiction de
l’archevêque, doivent payer le vingtain (B. Roynhaqui not.) - “Tot home ho tota fembra .. que glanara de blats
sia tenguda de pagar la vintena part d’ayco que reglanara” (P. de Rivo not. ét. de 1400).
871
Pièce justificative n° XXV, art. III.
872
Vingtain du blé de Grans: “Et hoc integraliter de illis personis extraneis vel privatis que voluerint calcare blada
seu legumina sua infra territorium de Granis [...]” (P. de Rivo not. ét. de 1400),
873
Julien, t. II, p. 341.

142
Les rêves n’avaient pas plus de fixité ni de régularité que les autres impôts874: c’était un moyen de
battre monnaie dans les cas imprévus, pour faire face aux dépenses extraordinaires, par exemple,
pour solder un emprunt. Elles étaient, en principe, votées pour un an, mais comme elles portaient sur
une denrée déterminée875, elles étaient facilement renouvelables, et, en fait, elles montraient une
tendance croissante à devenir permanentes.

A Salon, l’archevêque avait dû établir des rêves à une époque ancienne, et nous en trouvons les
premières mentions dès le milieu du XIVe siècle876. Plus tard, il garda toujours le privilège d’autoriser
leur perception; quelquefois même, il en fixait l’assiette et le taux et en réglait les moindres détails877.

Les denrées les plus régulièrement imposées étaient le vin, le poisson, l’huile et la viande; la rève de
la viande paraît avoir été la plus importante.

[223]

Le taux de cet impôt était essentiellement variable, changeant avec les lieux, avec le temps, avec les
marchandises imposées878. Voici, à titre d’exemple, les principales dispositions de la rève établie à
Saint-Chamas, le 13 avril 1450 sur la viande de boucherie879; nous pouvons supposer qu’à Salon
existaient des dispositions analogues.

Toute personne qui tuera un agneau ou un chevreau devra payer un demi-gros; pour une brebis, un
gros; pour un mouton ou un porc, un gros et demi; pour un boeuf, huit gros. Ainsi la taxe est
proportionnelle à la valeur de la marchandise, ce qui est logique. Les bouchers étaient
particulièrement touchés par cet impôt, et ou pouvait craindre qu’ils ne fissent supporter à leurs
clients le paiement de la taxe en relevant leurs prix; aussi le règlement de la rêve a bien soin de fixer
un tarif de vente: le boucher devra vendre le quartier d’agneau deux blancs; le quartier de brebis, de
porc, de bœuf, 4 deniers, celui de mouton 5 deniers, et pas davantage. La communauté devra nommer
deux prud’hommes pour veiller à la stricte observation de ce tarif.

Les contribuables cherchent-ils à se soustraire à l’impôt, le règlement a pris les dispositions


nécessaires: si quelqu’un sort du terroir de Saint-Chamas pour tuer son animal, il sera quand même
tenu de payer la rêve; enfin les étrangers qui viendraient vendre de la viande à Saint-Chamas devront
payer deux sous par quintal.

874
Lambert, p. 512.
875
Lorsque le besoin d’argent était pressant, on pouvait aussi établir une taxe générale. (Le Musée, année 1873-
74, p. 148).
876
1350, 7 Décembre. Le sergent de la cour va faire une saisie-gagerie chez un boucher de Salon qui devait 18
gros à cause de la rève des viandes salées vendues dans sa boutique (J. Franchi not.).
877
1386, 30 Novembre. L’archevêque accorde à la communauté de Salon d’établir une rève d’un an sur le vin,
le miel, le fil, les amandes et les peaux qui seront apportés au marché. (Pièce justificative n° XX).
878
En 1396. la rève du raisin est d’un denier par corbeille. (St. Pachoni not. prot. 1393). En 1410, la rève ou
soquet du vin vendu à St-Chamas est fixée au douzième. La rève de l’huile est de 1 denier par cartal; celle des
autres marchandises de 5 deniers par livre (P. de Rivo not. prot. de 1409, f° 62, 63 v°).
879
Gabodi not. prot. de 1450, f° 2 et 3.

143
Voilà donc un simple règlement établi par quelques prud’hommes d’un village de Provence, mais qui,
par le bon sens dont il fait preuve, peut servir de modèle.

[224]

L’imposition mise sur les grains prenait habituellement à Salon, le nom de soquet880. Voici comment
elle était perçue: toute personne qui faisait moudre du grain au moulin était tenue de payer 1 patac
par quintal881;ce taux était porté à 6 patacs par quintal pour les hôteliers et cabaretiers logeant à pied
ou à cheval882, et on leur interdisait de taire moudre sous un autre nom que le leur883, ce qu’ils auraient
été tentés de faire pour ne payer qu’un, patac au lieu de 6. Le même tarif s’appliquait d’ailleurs à la
farine achetée au dehors884.

Les manganiers (revendeurs de pain au détail) payaient beaucoup plus, soit un gros et demi par quintal
de blé qu’ils faisaient moudre ou de farine qu’ils achetaient885. Les meuniers n’étaient pas exempts de
payer le soquet pour la farine destinée à leur propre usage, et s’ils fabriquaient du pain pour le
revendre, ils payaient eux aussi un gros et demi par quintal886.

La perception des rêves et des autres impôts de même nature, était facile, car elle se faisait au moment
de la consommation. La communauté, comme pour les vingtains, employait deux méthodes: la régie
directe paraît avoir été utilisée au début887; on désignait, à cet effet, [225] des collecteurs qui
agissaient sous la, surveillance des officiers de la cour et qui jouissaient d’un pouvoir étendu pour faire
rentrer l'impôt888.Le soquet du blé, même au XVe siècle, était perçu directement, par des peseurs-
jurés, dans un lieu spécial, et pour empêcher toute fraude de la part des meuniers, ces peseurs-jurés
délivraient des bulletins de poids et scellaient les sacs.

880
V. Pièce justificative n° XXIX - “Tributum, quod ex quibuscumque rebus venalibus in charta designatis
exigendum, alieni oppido in sui commodum a rege conceditur” (Ducange v. soquetum). L’auteur signale aussi
que ce mot désigne l’impôt dû pour le mesurage du vin. [2020]: soquetum in Du Cange: Quoddam
emolumentum, Soquetum vini vulgariter nuncupatum, quod est diminutio quartæ partis mensuræ vini, quod
venditur ad tabernam et in minuto [...]
881
Art. 1.
882
Art. 5.
883
Art. 10.
884
Art. 2.
885
Art. 6.
886
Art. 8.
887
V. Pièce justificative n° XX.
888
1395, 23 Août. Raymond de Mondragon, viguier et capitaine de Salon, donne aux deux collecteurs de la rève
du vin le pouvoir de saisir les biens des débiteurs (Pachoni not.).
Orpheline: 2 Pièce justificative n° XXIX, art. 3 et 3. V. plus loin l’organisation des poids et mesures.

144
La, mise en adjudication fut certainement plus courante à partir du XVe siècle889, car c’était un
mouvement général que d’adopter la mise en ferme890.

Le produit de ces rèves était-il considérable? Assurément oui; c’est ainsi que de 1405 à 1408,
l’adjudication des rêves de la viande, de l’huile, du vin et du poisson ont rapporté à la commune 6400
florins891.

Le caractère particulier de ces sortes d’impositions était de frapper plus spécialement les
commerçants, et il ne [226] faut pas s’étonner que les communautés aient pris des mesures sévères
pour les empêcher de frauder le fisc892. Les commercants ne manquaient pas, d’ailleurs, de se plaindre
de la lourdeur des impôts et prétendaient supporter presque exclusivement le poids des charges
publiques893.

Les Emprunts

Grâce à ces multiples impositions, le trésor municipal s’alimentait de sommes considérables, et,
cependant, nous voyons la ville recourir à de continuels emprunts. Faut-il supposer que les recettes
étaient insuffisantes? Pas nécessairement. Ces emprunts étaient la conséquence même de
l’organisation financière. Les impôts, en effet, n’ayant aucune régularité et ne pouvant être levés
qu’en vue d’une ation déterminée, il était impossible d’équilibrer, à l’avance, le budget. Survenait-il
une dépense imprévue, la communauté empruntait aussitôt la somme nécessaire894, et établissait en
même temps une imposition pour se libérer de son emprunt. Pressée par .la nécessité, elle s’adressait

889
Cf. à Digne (Guichard, p. 370), à Aubagne (Barthélemy t. I, p. 358). Voir Lambert, p. 512 - “Cum dudum de
anno Domini millesimo IIII°XXIIII reve vini, piscium, oley et carnium fuerint diversis mercatoribus liberate [...] Item
etiam de anno Domini millesimo IIII°XXVI, reva macelli excepta [...] Item etiam de anno Domini M.IIII°XXVI dicte
quatuor reve vini, oley, piscium et carnium fuerint etiam mercatoribus diversis dicti castri Sallonis liberate preciis
in libro consilii dicti castri designatis particulariter [...]” (Salamonis not. prot. 1428, f° 75).
890
M. Barthélemy (t. I, p. 358) signale, à l’occasion des enchères publiques, une coutume curieuse dont nous
avons constaté l’existence au XVe s. à Salon et dans son ressort. Pour animer les enchères et faire augmenter le
prix de l’adjudication, on offrait aux enchérisseurs une prime; l’adjudicataire devait payer immédiatement cette
prime aux surenchérisseurs, mais toujours en déduction du prix qu’il devait payer à la commune.
891
C’est ce que nous déduisons d’un acte du 19 Novembre 1408 par lequel la communauté reconnaît devoir à
l’archevêque 400 florins de droit d’encan; à raison d'un gros par florin sur le prix de vente des rèves mises aux
enchères.
892
1461, 12 Septembre. Deux bouchers de Salon promettent aux syndics de servir loyalement la ville, de livrer
de bonnes viandes et d’observer les articles de la rève (Vaureys not. prot. 1460 f° 70J - Voir plus haut ce que
nous avons dit des tarifs insérés dans les règlements de rèves.
893
1476. Supplique présentée à l’archevêque dans laquelle les éleveurs de bétail et les bouchers de Salon se
plaignent de ce que la rève de la viande a été élevée à un point que deux bouchers ont dû faire faillite et que
l’un d’eux est même mort en prison (Pièce justificative n° XXXIII)
894
1461, 8 Juillet. Noble Antoine Ruffi donne quittance à la communauté de Salon de 330 florins en déduction
des 1000 florins que celle-ci avait empruntés à noble Jean Arlatan en vue du don gratuit nouvellement fait au
roi René (Vaureys not. prot. 1460 f° 63).

145
[227] à n’importe, qui: les prêteurs étaient soit des seigneurs voisins895, soit de riches marchands896;
souvent des banquiers897 et des juifs898.

Charges de la Communauté

Les dépenses ordinaires de la communauté étaient de pourvoir aux divers services d’utilité publique,
défense de la ville, réparation et construction des remparts, achat des armes, police urbaine et rurale,
voirie, entretien des édifices publics, des routes, en un mot tout ce qui relevait de l’administration
intérieure et dont nous avons donné une énumération plus complète en parlant des attributions des
syndics.

Les charges extraordinaires consistaient en certains impôts perçus par le comte de Provence, tailles
générales et dons gratuits.

En principe les terres dites adjacentes n’étaient pas soumises à la taille899, mais elles contribuaient
cependant aux charges publiques en temps de guerre "car, dans une assemblée générale des gens des
trois états de cette province, environ l’an 1390, il fut délibéré que, pour faire la guerre contre Raymond
de Turenne, non seulement tous [228] les laïques et séculiers paieraient, mais encore tous les
ecclésiastiques, jusqu’aux cardinaux et au pape même, et, particulièrement encore, les terres
adjacentes qui se disent être de l’empire: “e toutas las villas que se dien de l’Empery, es assaber
Marseille, Arles, Salon, Grans [...]”900

L’assiette de cet impôt était le feu901: Salon était compté pour 45 feux.

Le paiement de cet impôt a laissé peu de traces à Salon: le 21 août 1369, le sénéchal de Provence
demande aux habitants de payer les 3450 florins auxquels la ville avait été taxée dans la répartition
de la taille levée pour chasser les grandes compagnies de Provence. Les habitants ne discutent pas le
fait, mais ils font remarquer que, relevant actuellement du pape et non de l’archevêque, ils échappent
à cet impôt902.

895
1400, 17 Janvier. Quittance pour le trésorier municipal de 150 florins qu'il devait à Raymond de Mondragon
(Arch. mun. de Salon: CC 3).
896
1405, 2 Janvier. Le conseil municipal ratifie un emprunt de 630 florins fait au nom de la ville à un marchand
de Gênes (Livre blanc, f° 298).
897
1451, 6 Janvier. Procuration est donnée à deux habitants de Salon d’aller à Avignon ou ailleurs emprunter de
l’argent pour payer divers créanciers de la ville (Livre blanc f° 296 v°).
898
L. Paulet, p. 267 (Histoire St-Rémy).
899
“Terra imperialis site in comitatu Provincie nichil solvit, in qua sunt terre infra scripte, videlicet de Sallone [...]
“ (Arch. dép. des B.-du-Rh., B 49).
900
Bouche, t. I. p. 356.
901
Le feu représentait une division de la valeur territoriale, une valeur en fonds de terre (Lambert, p. 505). C’est
pourquoi il ne peut jamais servir à évaluer la population; tous les calculs basés snr le nombre de feux donnent
des chiffres inexacts, ordinairement trop élevés.
902
Arch. mun. de Salon: AA 1.

146
Le don gratuit était demandé par le souverain dans des moments de détresse financière. Nous avons
vu quelle opposition la levée de cet impôt rencontra à Salon et comment les comtes de Provence, dès
le début du XVe siècle arrivèrent à le faire accepter. La cotisation de Salon était ordinairement de 1000
florins; cette somme comprenait aussi les versements des diverses villes du ressort903. Les syndics
étaient responsables du paiement du don904.

[229]

L’Administration Municipale

Nous groupons sous ce litre un certain nombre de services publics et de règlements bien qu’ils relèvent
à l’origine de l’administration seigneuriale; mais comme ils touchent directement aux intérêts
particuliers, qu’ils sont régis par des statuts locaux faits avec la collaboration des habitants eux-
mêmes, comme ils nous donnent sur les institutions urbaines des renseignements utiles, nous les
avons étudiés à cette place. De cette façon, nous pouvions montrer comment la plupart de ces services
s’étaient affranchis peu à peu de la tutelle seigneuriale pour être dirigés soit par des agents locaux
élus par les habitants, soit par des commissions d’experts choisis parmi les notables de la ville. Cette
idée sert de lien à toute une série de chapitres où nous n’avons pas seulement voulu donner une
énumération, forcément incomplète, mais où nous avons essayé de faire sentir l’influence de
l’initiative privée sur l’évolution du régime communal.

Police urbaine

Les règlements de police tiennent une place importante dans les statuts municipaux des villes du Midi;
on peut même dire qu’ils en sont la caractéristique.

Leur premier objet est d’assurer la sécurité des citoyens; les troubles sont fréquents, l’autorité
supérieure souvent impuissante, c’est aux habitants eux-mêmes à prendre les mesures nécessaires.
L’étranger excite toujours une certaine défiance et subit une surveillance particulière905. La [230] nuit,
les précautions redoublent: le couvre-feu sonné, défense à quiconque de sortir sans lumière906. Les
portes de la ville sont fermées et, pour les faire ouvrir, il faut se faire reconnaître du portier; à plus
forte raison il est défendu de franchir les remparts de la ville sans une autorisation expresse, ou de
communiquer avec quelqu’un qui se trouverait en dehors907. Des rondes sont faites chaque nuit; elles

903
1421, Février. Transaction avec les prud’hommes jurés de Cornilhon et de St-Chamas au sujet du don gracieux
fait au roi Louis “per locum presentem Sallonis et loca eidem adjacentia” (J, Vaureys not. prot. 1421 f° 61 v°).
904
1456, 2 Avril. Lettre du duc de Calabre aux syndics de Salon réclamant le paiement du don gracieux du au roi
de Sicile (Arch. mun. de Salon, Livre blanc, f° 294)
905
St. mun. d'Arles, art, 21 (Giraud, t. II, p. 194).
906
St. de 1293, art. XXXVI - Recepta vicarii, art. 2 - Criées de 1454, art. II
907
St. anciens, art. 12 - St. de 1293, art. XXII - Recepta vicarii, art. 6.

147
parcourent les rues et visitent les lieux mal famés, principalement les tavernes908. Tout malfaiteur pris
sur le fait ou même tout individu suspect doit être appréhendé par les sergents et traduit devant la
cour909.

Malgré cette surveillance, les rixes étaient fréquentes; aussi, le port de certaines armes était-il
prohibé910; on n’autorisait qu’un couteau, et encore sa longueur était réglementée. Le seul fait d’en
menacer quelqu’un, même sans le frapper, était puni911.

Par mesure de sécurité, il était interdit de se servir d’armes de jet dans l’intérieur de la ville et près
des remparts912.

[231]

La crainte des épidémies, toujours à redouter à cette époque, a inspiré aux rédacteurs des statuts
municipaux de nombreux règlements relatifs à salubrité de la ville. La fréquence de ces règlements
prouve peut-être qu’ils étaient mal observés, mais ils dénotent aussi, chez les gens du Moyen-Âge, un
souci de l’hygiène et de la santé publique qu’on est souvent tenté de leur refuser.

Les anciens statuts interdisent de déposer des ordures dans la ville ou près des remparts913: les
contrevenants sont punis d’une amende et doivent de plus porter ces ordures dans les terres de
l’archevêque, ce qui est assurément ingénieux.

Les statuts de 1293 reproduisent cet article en le précisant914.

L’interdiction visait surtout les abords du château, la grand’rue, allant de la place au château, et les
abords des portes et des fontaines915.

Certains métiers exigeaient une surveillance spéciale parce que les déchets qu’ils produisaient
pouvaient devenir une cause d’infection; c’est ainsi qu’on édicte pour les bouchers des règles

908
Il y avait ordinairement un guet de la nuit et un guet du matin qui se faisait à l’aube (acte du 25 Juin 1332:
Chartrier de Salon, n° 43); c’est peut-être ce que l’art. XXXIV des st. de 1293 indique par les mots de gachia et
de supergachia - 1341, 5 Novembre. Le viguier ordonne aux deux sergents de la cour d’ouvrir de force la maison
d’un particulier pour une visite domiciliaire (G. Raynaldi not. prot. 1343-5J - Cf. Recepta vicarii, art. 5: Off.
subvicarii, art. 1.
[2020 le mot exact pour le 2e terme est “scurgachia”, qui est apparenté à “échauguette”; voir analyse détaillée]
909
Guichard, preuves n° 49.
910
Criées de 1454, art. IX - Cf. Criées de Toulon de 1394, art. VI et VIII - (Oct. Teissier. Essai sur les criées au M.-
Age)
911
St. de 1293, art. LI.
912
Ibid., art. VIII et IX. Ces articles sont curieux, car ils énumèrent les armes de jet employées à la fin du XIIIe
siècle en Provence. Peut-être qu’il existait à Salon, comme à Aix et dans beaucoup de villes de la région, une
compagnie d’arbalétriers. En 1246 Saint Louis avait autorisé ces associations, mais en réglant leurs exercices.
[2020: cette énumération d’armes comporte le “bodoquerium”, terme disparu en France, qui signifiait “arbalète
à galets”; voir analyse détaillée]
913
St. de 1293, art. 10.
914
Art. LXVIII. - Cf. Rec. vicarii, art. 3: Off. subvicarii, art. 3, 8, 9, 12,
915
Criées de 1434 art. 16, 19 et 23.

148
minutieuses et sévères. Ils doivent vendre de la viande saine et non celle d’animaux morts de
maladie916; pour plus de sûreté, on exige que les bêtes destinées à être abattues viennent à la
boucherie sur pied917. Les lépreux ne doivent pas toucher les viandes, si ce n’est [232] pour les
acheter918. Les bouchers ne doivent pas égorger les animaux dans la rue ni aux alentours de la
boucherie, ni répandre les eaux qui servent à les laver le sang et les boudins “budellate” ne doivent
pas être vendus dehors, sur l’étal, mais à l’intérieur de la boutique919.

Ces règlements n’ont assurément rien d’original et sont dictés par le pur bon sens, c’est ce qui fait
qu’on pourrait encore s’en inspirer de nos jours; il n’en est pas de même de règlements relatifs à la
police des mœurs qui, pour la plupart ne trouveraient plus à s’appliquer.

C’était d’abord l’interdiction du blasphème, ce qui est logique dans une seigneurie ecclésiastique920
mais qui se retrouve ailleurs921. Les statuts d’Arles nous rappellent que les joueurs blasphèment
facilement922 et c’est peut-être ce qui explique la rigueur particulière des statuts à l’égard du jeu.

Les statuts d’Arles interdisent de jouer dans les cabarets après le couvre-feu923; ceux de Salon le
défendent seulement aux serviteurs à gages, et cela la nuit comme le jour924, sans doute parce que
des gens de petite condition n’avaient pas de quoi garantir leurs dettes.

[233]

La défense, qui portait sur le jeu de dés et les jeux de hasard, fut ensuite étendue à tout le monde925,
et l’amende était plus forte si on était surpris à jouer la nuit.

916
St. de 1293, art. LV.
917
Criées de 1434 art. 41.
918
St. de 1293, art. XI. Cette interdiction s’étendait à toutes les denrées alimentaires. [2020 cette disposition
s’appliquait également aux Juifs et aux prostituées]
919
Id; art. LV.
920
Criées de 1454, art. 3. Le blasphémateur doit rester 7 jours durant à la porte de l’église pendant la célébration
de la messe et payer 50 livres. [2020: toutefois, cette disposition ne figurait pas en 1293]
921
Criées de Toulon de 1394, art. 28.
922
Art, 52 (Giraud t. II, p. 206). [2020: cf Marseille Lib. V, Caput XI. De pena illorum qui iurant ad ludum]
923
Art. 52.
924
Art. LVIII.
925
Criées de 1454, art. 10 - L’amende frappait également celui qui recevait des joueurs chez lui Le texte porte “a
l’eyssuch”. Nous traduisons par jeux de hasard. Nous trouvons en effet dans Raynouard, Lexique roman, t. III, p.
572, eisuch: issue, hasard - Cf. Criées de Toulon de 1394, art. 29. Ducange traduit à tort par jeu d’échecs.
[2020 Eyssuch est un mot roman qui signifie: sec; jouer à l’eyssuch, c'était donc jouer au sec, par opposition à
jouer au banhat ou bagnat, qui était jouer au mouillé. En d'autres termes, jouer à l’eyssuch, c'était jouer de
l'argent, causa lucri, sive à l’eyssuch, comme le disent les textes, tandis que jouer au banhat, ludere al banhat
sive a despendre, c'était jouer à boire, ou, pour me servir d'une locution vulgaire, jouer la consommation in
Bulletin de l'Académie du Var, Histoire de Toulon Nota: les statuts de 1293 mentionnent “eysaquetos”]

149
Il est très probable que ce statut fut toujours très mal appliqué, car la passion du jeu était
universellement répandue926. En ceci comme en beaucoup d’autres matières, il faut voir l’intention du
législateur plutôt que le reflet des mœurs elles-mêmes.

L’immoralité était réprimée avec sévérité: toute femme qui avait abandonné son mari ne devait plus
habiter à Salon, de même tout homme qui avait quitté sa femme sans motif927. L’adultère surtout était
durement puni: les châtiments corporels avaient été remplacés par une cérémonie grotesque et
infamante qu’on ne pouvait racheter que par une grosse amende928.

Les courtisanes se ressentaient particulièrement de cette sévérité; assimilées aux lépreux, elles
étaient censées corrompre tout ce qu’elles touchaient929. Elles étaient parquées dans un quartier
spécial930. et on leur imposait ordinairement un vêtement ou un insigne distinctif. A Salon, il leur
[234] était interdit de se laver, la nuit comme le jour, aux fontaines publiques931. La réglementation et
la surveillance des lieux de prostitution passèrent des officiers de l’archevêque aux autorités
municipales, en voici un exemple curieux: le 4 août 1427, le conseil municipal décide, pour des raisons
de convenance, de changer l’emplacement de la maison publique932. Il délègue quelques notables
pour trouver une maison appropriée. Ceux-ci choisissent un terrain et la commune avance de l’argent
à un particulier pour construire une maison avec les dépendances nécessaires933.

Il nous faut rattacher à la police des mœurs certaines lois somptuaires934 qui cherchaient à réfréner le
luxe dans un but économique. On défendait aux femmes de quelque condition qu’elles fussent de
porter à leur coiffure ou sur leurs vêtements, de l’or, de l’argent, ou des perles, ni le moindre bijou:
on ne tolérait qu’un diadème valant 30 sous au plus935, sous peine de confiscation et d'une forte

926
Notes de bas de page [233] inexploitables; il faut lancer une réconciliation en se basant sur le contenu des
items
2 V. Recepta vicarii, art. 1. Officium subvicarii, art. 4 - A Draguignan, l’adultère était exposé au pilori (Fernand
Sauve, p. 30).
4 Les gens honnêtes avaient le droit d’expulser de leur voisinage toute femme de mauvaise vie.
927
Statuts de 1293 art. LXI Si uxor maritum suum dimiserit vel maritus uxorem Rica
928
Statuts de 1293, art. LXII. De Adulteriis. - Cf. St. de Toulouse, art. 156; d’Albi, art. II; de Montpellier, art, 21;
de Barcelone, art. 94-110-112. (Brissaud, Manuel, t. II, p. 1055).
929
3 St. de 1293, art. XI. Ne Judeus
930
***
931
Orpheline rattachée de la 234: Officium subvicarii, art. 15. Item, si meretrices publice lavant se vel balneant
ad fontes de nocte et de die ad matrices dictarum fontium habet quinque solidos pro vice qualiter.
932
“Fueritque conclusum per dictum consilium lupanar dicti loci Sallonis debere mutare alibi et teneri quam in
donio in qua nunc tenetur, consideratis pluribus et certis de causis animam ipsorum moventibus, maxime quia
ecclesia S. Laurentii et ejus cimiterium confrontatur cum eadem domo ejusdem lupanaris, quod vituperosum est
et fieri non debet nec pati [...] “
[2020 voir in Gimon p. 54: “Les femmes publiques avaient été reléguées hors la ville, derrière l‘église de Saint-
Laurent, dans le voisinage du cimetière commun. Elles y restèrent jusqu‘au XVe siècle; il résulte d'une
délibération du conseil municipal, en date du 4 août 1467, que leur lupanar fut mis à distance du lieu saint et
placé au quartier Cogo, plus tard appelé Cogous ou Coucou, inter ortos et careiras propre portale vocatum le
portau Cogo. La rue principale. qui y conduisait reçut alors par antiphrase, le nom qui lui est resté de Bonne
Carrière” (Bibliothèque d’Aix, catalogue Mouan, n° 1054).]
933
(Arch. dép. des B.-du-Rh.. Série J, Fonds Nicolaï n° 17, copie du XIIIe s.).
934
Cf. Statuts de Marseille, 1. Il, ch. XLII.
935
St. de 1293, art. LXXII.

150
amende pour les parents ou le mari936. Certains habits coûteux n’étaient permis qu’à celles qui
justifiaient d’une fortune suffisante937: c’étaient les étoffes teintes d’écarlate938 [235] et la fourrure de
vair. Cette défense visait surtout les trousseaux des filles dotées par leurs parents, afin de les
empêcher de se ruiner par ostentation. Dans le même ordre d'idées on cherchait à limiter les dépenses
énormes qui se faisaient à l’occasion du baptême des enfants939, dépenses telles qu’on trouvait
difficilement des parrains pour en assurer la charge.

Les statuts fixent les cadeaux qui seront permis à cette occasion, ainsi que le nombre des convives
admis au repas de relevailles.

Voirie et Service des eaux

Nous pouvons rapprocher de la police urbaine certaines dispositions relatives à la voirie, car la plupart
visent à assurer la liberté de la circulation: ainsi, il est interdit de [236] laisser des charrettes, la nuit
dans les rues940, et en général d'encombrer les rues et les chemins publics941; les étaux des boutiques
doivent avoir une largeur raisonnable942 et ne pas gêner le passage. Enfin, il est interdit de construire
des ponts en travers des rues943.

936
Cf Recepta vicarii, art. 2.
937
St. de 1293, art. LXX.
938
Cette couleur fournie par la cochenille récoltée dans la région coûtait fort cher et l’archevêque s’en réservait
le commerce. Il est à peine besoin de faire remarquer que ces réglements, en fait étaient inapplicables. Il est
bien peu d’inventaires où nous n’ayons rencontré la mention de bijoux; voici par exemple ceux qui figuraient
dans le trousseau de Madeleine, fille de Guillaume Gaudin, drapier de Salon [...] “I gamonam rubeam cum
bolhonis et botonis argenti super deauratis IV fl, - II paria ponhetorum panni viridi botonatorum argenti XVIII gr.
- I par panni lividi etiam botonati argenti XVIII gr. - I fronteriam perlarum cum quatuor trenis VI fl. - I zonam
argenti cum testuto rubeo X fl. - I aliam zonam argenti cum textuto viridi VI fl. - I parvam zonam argenti opus
antiqui II fl. - I cordeyratam de pater noster de coralho V fl. - V annules auri VIII fl. - I velum de cirico cum una
pecte de ebore et duabus marcipiis II fl. “(J. Vaureys not. prot. 1427 f° 50).
Dans celui de Dame Catherine, fille de noble Pierre Bonhomme, épouse du viguier de Salon, “quamdam cadenam
auri grossam ponderis unius marqui, trium unciarum et denariorum sex - I fermailh auri ponderis medie oncie et
den. sex. cum tribus perlis grossis in parvis diamannis et uno robino XX scut. - VII zonas argenti deauratas quarum
duas sunt brocatas aureo.” (J. Eymerici not. prot. 1454 f° 9). [2020: zona in Du Cange zona, seu Cingulum. Vestis
Sacerdotalis.]
939
St. de 1293 art. LXXX [2020: ici]. Ce statut est directement inspiré d’une disposition du concile de l’Isle, de
1288 “quia sepe dicimus quod plures infantes sine baptismo ab hoc seculo transmigrarunt, ex eo quod cum
magna difficultate inveniri poterant qui eos poterant baptizari, propter sumptus et expensas consuetas et
consuetos per patrinos fieri temporibus retroactis, ut a terrore dictorum sumptuum multa pericula evenerunt
[...]” (Gallia Christiana novissima Arles, n° 1339 [2020: accessible ici sur Internet Archive]) [2020] Ce concile de
l’Isle avait été tenu sous la présidence de … Rostang de Cabre.
940
Criées de 1454, art. 18.
941
Officium subvicarii. art. 10 et 11.
942
(Mercorini not. prot. de 1447 f° 126).
943
Les maisons étant resserrées et les rues étroites, les propriétaires faisaient souvent communiquer par une
sorte de pont deux maisons se faisant vis-à-vis. Le 30 Juin 1418, l’official punit d’une amende de 100 livres
Franquet Abel qui, à l’occasion du mariage de son fils, a construit des arcs de bois décorés, sur la voie publique,
entre deux maisons lui appartenant (P. de Rivo not.).

151
Le service des eaux, si important pour l’hygiène publique, surtout sous un climat chaud, n’avait pas
été oublié du législateur; les abords des fontaines devaient être bien entretenus944, les canaux qui
amenaient l’eau de source à la ville devaient rester toujours libres; il était interdit de les détourner
pour l’arrosage945, et de planter des arbres à moins de 6 pas des rives946. Ce service était confié à un
agent spécial qui se nommait le garde des fontaines “operarius fontium”947.

Cet obrier devait défendre les droits de la commune en distinguant les travaux qui incombaient aux
particuliers de ceux que la ville devait exécuter de ses deniers. Ainsi, par exemple, les propriétaires
riverains du fossé amenant [237] l’eau de source aux fontaines de Salon devaient nettover les bords
et relever les murs des parois, la ville n’étant tenue que de faire curer le fond948.

Police rurale

L’organisation de la police rurale était indispensable à une communauté d’habitants dont les intérêts
étaient, avant tout, agricoles, aussi les anciens statuts de Salon lui donnent-ils déjà une large place.

Il fallait protéger les récoltes contre toute déprédation et tout dommage: défense expresse de couper
des arbres ou des plants de vigne sans l’autorisation du propriétaire949. Lorsque les branches d’un
arbre s’étendent sur une propriété voisine, celui qui subit l’inconvénient peut obliger le propriétaire
de l’arbre à couper ces branches à une hauteur de 14 pieds.

Défense de prendre des légumes ou des fruits quelconques dans les jardins ou les vergers950; ceci ne
s’entendait pas des fruits qui tombent naturellement d’un arbre planté dans une propriété voisine951.
Le glanage et le grappillage étaient permis aux pauvres gens après l’enlèvement des [238] récoltes,
mais il fallait attendre l'époque fixée par la coutume et il était interdit de se servir de bâtons ou de
pierres952. Défense formelle de mettre le feu dans les terres quelconques, même incultes, avant le 15
août953.

944
Officium subvicarii. art. 12 et 14.
945
Criées de 1454, art. 17.
946
Id. art. 21.
947
1388, 9 Mars. Contestation entre Pierre Ferrier “operarius fontium Nauchonerie Sallonis et vallatum ejusdem
existentium a matre dicte Nauchonerie usque ad fontes vile Sellonis” et les propriétaires riverains. (Livre blanc,
f° 132 v°)
948
“Quia dictum vallatum est commune et illud pertinet ad curandum vile seu communi Salonis, ex eo quia
commune est et ibi discurrit aqua fontis Nauchonerie que est communis, et ideo de communi fieri debet [...]”
(Livre blanc, f° 132 v°).
949
Anciens statuts de Salon, art. 8 - Statuts de 1293, art. XVIII - La vigne ayant une valeur plus grande, on lui
consacre un article spécial interdisant d’enlever des souches, des ceps, ou des raisins au temps des vendanges.
(Id., art. XIX.).
Orphelin: Id. art. LII.
950
St.de 1293, art. XXIX et XX.. Criées de 1454, art. 26.
951
St.de 1293, art. LIII.
952
ld., art. XXXI. Les dates fixées étaient l’octave de la St-Michel (6 octobre) pour les raisins; la Toussaint pour
les figues et la St-André (30 novembre) pour les olives.
953
ld., art. LXIII.

152
Les ravages causés aux récoltes par les animaux étaient encore plus à craindre que ceux des
malfaiteurs; on s'efforçait également d’y parer: défense de traverser les champs ensemencés de blé
avec des animaux de labour954; défense de pénétrer dans une terre cultivée avec une bête quelconque,
sinon le propriétaire de l’animal payait le dommage et une amende proportionnée aux dégâts955.

L’usage, cependant, permettait de faire paître les troupeaux après l’enlèvement des récoltes956, la
vigne seule exceptée957. II était également interdit de faire paître dans le cimetière de Saint-Laurent,
mais ici c’était par respect pour les morts958.

Les chèvres, dont la voracité est extrême, devaient toujours être tenues à l’attache. Les troupeaux,
afin de signaler leur passage, devaient être munis de clochettes, à raison d’une clochette par 10 têtes
de bétail jusqu’à 100 têtes, et ensuite à la volonté du propriétaire959.

La cour, ou l’archevêque, se réservait d’ailleurs d’interdire certaines parties du terroir pour les mettre
en “déffens” [238] et dans ce cas le ban était doublé960. Quant aux troupeaux étrangers, il était interdit
de les mener paître dans le terroir de Salon, en aucun temps, sauf quelques tolérances accordées a
des bergers et à des gardiens de chevaux qui louaient leurs services à des propriétaires de Salon et de
Grans961.

Réglementation de la chasse

Les statuts de Salon, reproduisant certaines dispositions des statuts d’Arles962, s’occupaient de
réglementer la chasse qui constituait le passe-temps favori des gens du pays. Le droit de chasse, à la
fin de l’ancien régime, avait fini par être considéré comme un privilège seigneurial, et cette opinion a
même exercé son influence sur quelques auteurs modernes; en réalité, il prenait sa source dans le
droit de propriété.

Rien ne le montre mieux que la distinction fréquente qu’on établit entre la propriété et la chasse, le
propriétaire du fonds s’en réservant l’usage ou l’aliénant, souvent même en faisant l’objet d’un service
censuel963.

954
ld., art. XXI.
955
ld., art. LX. - Criées de 1454, art. 27
956
Encore faut-il en aviser la cour. Cf art. LXVI.
957
Anc. St., art. 9 - St.de 1293, art. XX
958
Officium subvicarii, art. 13.
959
St.de 1293, art. LXXIV.
960
ld., art. XLIII.. - Criées de 1454, art. 22 et 24.
961
St.de 1293, art. LXXVIII. - Pour les questions de police rurale, cf. St. d’Arles, art. 32 à 35 — V. également Pièce
justificative n° XXXIII.
962
Art. 27. [2020]: à détailler.
963
1219, 24 Août. L’archevêque achète à Bernard de Rossen tout ce qu’il possédait à.Grans “in hominibus, in
nemoribus, in terris cultis et incultis, et in aquis, pascuis, paludibus; in lesdis, bannis, coroatis, venationibus,
taschis, censibus et justiciis” (Livre vert, P 215 v°) - 1269, 31 Mars. L’abbé de Montmajour prétend que les

153
En fait on considérait que le tenancier d’une terre chargée d’un cens jouissait du droit de chasse
comme s’il possédait une terre franche de toute redevance; on admettait, [240] on effet, que le
propriétaire éminent, n’ayant pas réservé ce droit lui en abandonnait tacitement la jouissance.

C'est, en tous cas, ce qu’on observait à Salon dès une époque très ancienne, quoique l’archevêque
pût, en raison de sa directe universelle, se réserver le droit de chasse964.

Les gens de Salon, très attachés à ce privilège, le firent reconnaître dans un parlement public sous
l’épiscopat de Jean Baussan965.

Il est probable que la coutume autorisait à chasser sur les terres d’autrui, non encloses de murs, et en
respectant les récoltes. C'était une sorte de droit d’usage à rapprocher de celui de ramasser le menu
bois “lenharare”966. Les propriétaires, d’ailleurs, pouvaient toujours interdire leurs terres aux
chasseurs en les mettant en deffens: le seul fait de traverser un deffens avec des chiens ou un furet
était considéré comme un délit de chasse, à moins d’emprunter un chemin public967. Ainsi, le droit de
chasse, loin d’être réservé à quelques [241] seigneurs, était le plus souvent, ouvert à tous; si le
législateur s’en occupe, c’est pour en régler sagement l'exercice et empêcher l’extermination du
gibier.

La chasse était interdite pendant un certain temps de l’année; les statuts de Salon y font allusion sans
le déterminer968, c’était sans doute comme à Arles du Carnaval à la Toussaint.

Certaines façons de chasser étaient interdites. A Arles, on ne pouvait se servir de filets, de panneaux
et de furets que dans ses propres terres969. A Salon, l’usage du furet était permis, mais en temps de
chasse seulement970, et celui qui avait subi une condamnation pour délit de chasse ne pouvait plus

habitants de Miramas ont le droit de faire paître et de chasser dans une certaine partie de la Crau (Chartrier de
Salon; n° 124).
964
1221, 7 Novembre. L’archevêque Hugues échange avec Pierre Daisenat la terre et la chasse qu’il possédait
dans la Crau de Salon contre certains droits (Chartrier de Salon, n° 75).
1430, 27 Février. Le clavaire vend les revenus de la châtellenie de St-Mitre, excepté “venationibus cuniculorum
et perdicum in castris sanctorum Mictrii, Amantii et de Cornilhone [...] que omnia dictus dominus officialis et
clavarius sibi retinuit [...]” (J. Vaureys not. f° 93).
965
“Quilibet qui possessionem habeat francam in territorio et districtu castri Sallonis, posset in ipsa possessione
francos facere clapos suos et cassam sive venacionem inde pervenientem liberam habere, et si possessio in qua
faciebat clapos erat in aliqua certa parte servitutis, quod ipsi clapi essent et venacio ipsorum in eadem [...] franci
et franca. ..” (Arch. mun. de Salon: AA 1) cf. Gimon, p. 49-50.
[2020]: clapos, pour claperios cf claperium in Du Cange: Hara cunicularia, ubi nutriuntur cuniculi et
multiplicantur, Gall. Clapier.
966
V. Criées de 1454, art. 23. [2020] lenharare, cf lignum, le bois.
967
St. de 1293, art. XIV - Cf. Anc, stat. Art. 6 - Criées de 1454, art. 25 - St. mun. d'Arles, art. 27 “nec aliquis furetur
vel venetur alienum cuniculum in deffensione aliena” (Giraud, t. II p. 196).
968
Anc. stat. art. 6 - St. de 1293, art. XV.
969
St. mun, d'Arles, art. 28.
970
St. de 1293, art. XV. Toutes les armes étaient permises. 1424, 8 Mars. Pierre Gaillard de Berre cède à noble
Bertrand Martin de Salon “totam cassam tam perdigarum, virigrilorum quam leporum territorii de Fara, preter
de deffenso domini” jusqu’au Carnaval suivant, moyennant une redevance de 14 perdreaux “et fuit de pacto

154
jamais s’en servir; enfin, il était formellement interdit aux étrangers qui venaient chasser dans le
terroir de Salon. Ce sont là des détails infimes, mais dont il est curieux de constater la survivance de
nos jours.

Les Banniers

Les règlements de police urbaine avaient, toujours relevé de la surveillance des officiers de la cour, et
nous avons vu que le sous-viguier avait été créé spécialement pour veiller à leur application, il n’en
était pas de même des règlements de police rurale qui, par leur nature même, [242] et par la minutie
avec laquelle ils avaient été rédigés échappaient forcément au contrôle. Le législateur s’en était rendu
compte, et, pour y remédier, il avait généralisé un système dont l'emploi répugne à nos idées
modernes, c’était d'encourager les dénonciations en abandonnant une part de l’amende au
dénonciateur971, parfois le tiers, le plus souvent la moitié972. Ainsi la police était faite par tous. Il fallut
cependant créer des agents spéciaux, ce furent les banniers; ces sortes de gardes-champêtres
prenaient leur nom du “bannum” mot qui désigne à la fois l’amende payée pour infraction à un
règlement et le règlement lui-même.

L’institution remonte à une date très ancienne, car un acte de 1269973 nous la montre déjà organisée
et les statuts de 1293 lui consacrent un long article974.

Les banniers étaient obligés de connaître parfaitement les lieux et les usages locaux, aussi les
choisissait-on sur place; les habitants devaient certainement participer à leur nomination. On prenait
de grandes précautions pour qu’ils remplissent loyalement leurs délicates fonctions; ils étaient
changés chaque année et devaient prêter serment975.

Chaque matin, ils quittaient la ville, dès l’aurore, pour s’acquitter de leur office, et ils n’y rentraient
qu’au couvre-feu.

[243]

quod dictus Bertrandus [...] venari seu cassare possit [...] cum cane et balista, cum tirassa vel igne et cum panellis
et furono, preter in deffenso predicto.” (Not. inconnu).
[2020: virigrillorum: variante de Cyrogrillos, terme rare signifiant probablement blaireau, martre ou autre animal
à fourrure recherchée, cf analyse détaillée in Des Cyrogrilles en pays d’Arles ||| tirassa, une sorte de filet cf in
Du Cange tirasse Inventarium ann. 1379. e Schedis Cl. V. Lancelot: Item, unum rete vocatum Tirasse modici
valoris. Tresor dòu Felibrige: tirasso; filet de chasse ou de pêche que l’on traîne derrière soi]
971
St. de 1293, art. XXVIII.
972
Id., art. XLII-LVIII-LIX-LXXII.
973
1269, 31 Mars. Sentence arbitrale relative aux droits de pâturage en Crau (Chartrier de Salon: n° 124).
974
Art. LXXI.
975
Cf. Cout., de Tarascon de 1344-5, art. 38 “et qui fuerit uno anno bannerius non possit esse anno sequenti”

155
Chaque semaine, ils devaient vérifier les termes qui délimitaient le terroir de Salon. Leur rôle essentiel
était de faire respecter les récoltes, de signaler aux propriétaires les dégâts commis dans leurs terres,
ceci dans un délai de 10 jours, et de faire leur rapport à la cour976.

Certaines règles montrent la défiance qu'ils inspiraient: on leur défend d'emmener des chiens dans
leur tournée, si ce n’est en temps de chasse: d’emporter des fruits appartenant à autrui977; on va
même jusqu’à supposer qu ils peuvent s’entendre avec des malfaiteurs pour dévaliser les
propriétés978.

Ces précautions étaient d’ailleurs justifiées, car ces banniers étaient souvent des gens de la pire espèce
qui négligeaient leur office, ou imposaient des amendes arbitraires979.

Ils recevaient souvent une part des amendes et parfois un traitement fixe980. Au début, il leur était
interdit d’exiger eux-mêmes le ban981: ils devaient seulement faire leur rapport à la cour qui seule avait
qualité pour infliger [245] l’amende; mais ensuite ils le perçurent eux-mêmes et ce fut l’occasion de
conflits et d'abus982.

Bientôt, on se lassa de nommer des agents aussi peu consciencieux, et la perception des bans fut mise
en adjudication; l’archevêque y gagnait d’alimenter son trésor d’un revenu assuré et se débarrassait
de la surveillance des banniers: ceux-ci, de fonctionnaires, devinrent fermiers, mais ils gardèrent le
nom et continuèrent à prêter serment983.

Le premier exemple que nous ayons rencontré de mise aux enchères publiques des bans du terroir de
Salon est de 1365984; à partir du début du XVe siècle, ce fut l’usage courant.

Poids et Mesures

976
Cf. Cout., de Tarascon de 1344-5, art. 38.
977
St. de 1293, art. LXXI.
978
Art. XXIX. - Cf Cout., de Tarascon de 1344-5, art. 39.
979
Parmi les condamnations prononcées à St-Chamas, de 1298 à 1310, par le juge de Salon, le bannier figure
plusieurs fois: il est condamné à 30 sous pour avoir mal surveillé une vigne; on l’accuse de partialité “quod
tantum diligebat bannum de tort quantum de drech” - Cf. Transaction de 1559 à Cuers, signalant les excès des
banniers.
980
Deux habitants de St-Chamas promettent de garder la commune comme banniers; lorsqu’ils trouveront un
animal causant un dommage, ils feront payer, le jour, 18 deniers (6 à la cour, 6 au propriétaire, 6 pour eux) et la
nuit, le double. Ils recevront comme salaire II florins (P. de Rivo not. prot. de 1411, f° 36 v°). A Tarascon, ils
avaient le quart du ban.
981
1269, 31 Mars. “Quod bajuli de Granis seu bannerii non debeant custodes dictorum animalium vel dominos
eorum pignorare, sed requirant dicti bajuli et bannerii castellanum de Miromari seu bajulum quod sibi solvi faciat
bannum, superquo banno credatur dictis banneriis.” (Chartrier de Salon, n° 124).
[2020: Miromari = Miramas; admire la mer]
982
Chartrier de Salon, n° 182.
983
V. plus haut au sujet des attributions des syndics.
984
1357, 22 Janvier. Les bans de Salon sont adjugés à 30 livres 5 sous pour une année. (J. Duranti not. prot. de
1356).

156
La diversité des poids et des mesures était extrême au moyen-âge, car, en cette matière, les usages
locaux avaient force de loi; cette diversité favorisait étrangement les fraudes et toute transaction
commerciale eût été impossible si ce service n’avait pas été organisé avec soin985. Dans ce but, la garde
des étalons, était confiée aux officiers de la cour et les mesures des particuliers devaient être vérifiés
et poinçonnés986 par eux, avec défense absolue de se servir d’autres mesures987. Celui qui avait
fabriqué de faux [245] poids ou de fausses mesures, ou celui qui en usait sciemment, était assimilé
aux plus grands criminels: il était puni de l’amende énorme de 100 livres, et même plus, si la cour le
jugeait nécessaire; les faux poids et les fausses mesures étaient brûlés publiquement988.

La ville de Salon prenant de l’importance et le commerce de l'extension, les officiers de la cour ne


suffirent plus à assurer ce service; un accord passé le 22 juin 1327 entre l’archevêque et ses vassaux
le réorganisa complètement.

La cour conservait la garde des étalons, mais, chaque année, elle nommait deux prud’hommes sur la
présentation des notables de Salon, avec le pouvoir de les révoquer avant la fin de l’année si elle le
jugeait nécessaire989.

Ces deux prud’hommes prêtaient serment; ils devaient vérifier les poids et les mesures des
particuliers, les marquer du poinçon de la cour, et signaler à la cour toutes les fraudes dont ils auraient
connaissance. Ils recevaient un salaire, soit 2 deniers pour signer toute espèce de poids, 4 deniers pour
signer les mesures à blé, 2 deniers pour celles de l’huile et du vin990.

Cette institution fut conservée, mais à la fin du XIVe siècle il y avait 4 vérificateurs-jurés, 2 pour les
mesures des grains, du vin, des amandes et du sel, 2 autres pour les poids et pour les mesures de
l’huile991.

[246]

Au XVe siècle, les institutions municipales achevant de s'organiser, la garde des étalons passa aux
syndics992 avec la surveillance des poids et des mesures. La municipalité nommait également des

985
Cf. St. mun. d’Arles, art, 64 (Giraud, t. II, p. 213), Gf. art. 82-9S-99-180.
986
St. de 1293, art. XII - Criées de 1454, art. 14 - Les anciens statuts semblent indiquer une disposition analogue
(art. 3-7-14).
987
St. de 1293, art. XVII - Criées de 1454, art. 33.
988
St. de 1293, art. XXIV - Criées de 1454, art. 13 - Cf art. 14 des anciens statuts qui édicte des châtiments
corporels pour le falsificateur.
989
Cf Statuts de Marseille, I. I. ch. III (Guindon, t. II, p. 329)
990
Pièce justificative; n° IX. Cet acte est surtout intéressant parce qu’il montre une tendance à simplifier et à
unifier le système des mesures; en effet, lorsque les étalons auront été déposés, il sera interdit de se servir des
mesures “quod homines [...] Sallonis [...] possint uti libere et impune ponderibus et mensuris. . ex quibus uti
consueverunt, donec et quousque fuerit eis publice et voce preconis interdictum et prohibitum”.
991
Acte du 25 Mai 1395 (Arch. mun, de Salon; HH 2),
992
1451, 1er Avril. Les syndics remettent à maître Jean Taboyre, serrurier, la surveillance et la garde des poids
et des mesures de la ville, ce sont: “Tres codolos lapidis; unum pondus unius quintalis; aliud viginti librarum, aliud
quindecim librarum; item patronum emine de cupro, et milhum pro mensurando et equalizando eminas,
canaletum et tramenge; item patronum cupri unius mensure quinque cartalium olei; item alium patronum
scandalhii vini, de cupro, non allealatum” - Il recevra les gages habituels des peseurs-jurés. (Muguetti not. f° 45).

157
peseurs-jurés; ces agents étaient indispensables, car beaucoup d’impôts municipaux étaient perçus en
nature, d’autres étaient levés au moment du pesage, le soquet du blé en particulier993. Pour assurer
la régularité de l’opération, les peseurs-jurés plombaient les sacs de blé portés au moulin, y apposaient
leur sceau et délivraient aux particuliers des billets de poids994. Dans ce cas, au moins, ils étaient les
véritables collecteurs de l’impôt, puisqu’ils avaient le droit de confisquer un sac de farine à celui qui
refusait d’acquitter la taxe, sous peine de voir le montant de cette taxe retenu sur leurs gages995.

Travaux Publics

Nous avons déjà vu les habitants intervenir dans la plupart des services qui touchaient aux droits et
aux intérêts de la communauté, et supplanter, peu à peu, les officiers de l’archevêque, soit
indirectement par le choix d’agents ou de commissions de spécialistes, soit directement par le droit
de contrôle des assemblées populaires et la nomination de syndics. Cette action est surtout sensible
à [247] l’égard de la construction et de l’entretien des édifices publics qui étaient les objets les plus
importants de l’administration municipale.

L’archevêque en assumait primitivement la charge, mais de bonne heure, il leva des impositions
spéciales pour lesquelles les habitants devaient toujours être consultés. Plus tard, lorsque les syndics
furent devenus permanents, ils eurent la direction des travaux publics.

Même lorsque les officiers de la cour avaient l’initiative des travaux, ils nommaient pour les surveiller
des notables de la ville, de préférence des gens de métier, qui prenaient le nom d’ “obriers”, operarii.
Ceux-ci étaient chargés de choisir et de payer les ouvriers, de fournir les matériaux nécessaires, de
vérifier les moindre détails d’exécution. Ils étaient d’ailleurs essentiellement temporaires et toujours
nommés en vue de travaux déterminés. Comme rien n’indique qu’ils fussent payés, il faut croire qu’il
y avait un certain honneur à remplir ces fonctions.

Nous avons déjà mentionné au cours de ce travail, des obriers des remparts, des fossés, des tourelles,
du four à chaux, etc., nous n’y reviendrons pas. Le nombre de ces obriers s’expliquait par l’importance
et l’urgence des travaux; mais au XVe siècle, ils sont plus rares: les syndics interviennent directement
pour commander les travaux et le trésorier municipal paye les ouvriers996.

[2020 allealatum, cf les alialatores en Arles, in Du Cange: alialare, Ad legem revocare et emendare; dicitur de
mensuris, quæ archetypo suo adæquantur. On peut traduire par “étalonneurs”]
993
V. Pièce justificative n° XXIX.
994
Ce billet de poids était destiné à empêcher la fraude des meuniers qui ne pouvaient rabattre que 7 livres par
quintal pour le déchet de la mouture (art. 11) - Voir art. 3 et 4.
995
Art. 12.
996
1442, 22 octobre. Les 2 syndics donnent à prix fait à un maçon “ad reparandum barria presentis loci a porte
Arlatani, inter portale Arlatani et turrim novam ubi murus cecidit, videlicet pro qualibet canna quadrata sexdecim
grossos” (Muguetti not. f° 176).

158
La ville avait aussi, à sa charge, la réparation et l’entretien des églises, et c’étaient encore des obriers
qui étaient chargés de la surveillance997.

[248]

Les syndics avaient toute liberté pour faire exécuter des constructions d'utilité publique ou des travaux
destinés à embellir la ville. C’est ainsi qu’en 1428 ils décident d'élever, sur la façade de l'église Saint-
Michel, une tour carrée destinée à contenir une horloge, et ils délèguent deux commissaires pour
surveiller les travaux998. L’entretien de cette horloge incombait aux syndics qui en confiaient la garde
à un particulier moyennant une légère rétribution999.

La ville, d’ailleurs, pouvait obliger des particuliers à exécuter des travaux d’utilité publique1000;
quelquefois elle prenait une partie des frais à sa charge1001.

Les conditions des travaux étaient le plus souvent celles-ci: pour les travaux de terrassement et de
maçonnerie, [249] la ville payait au cubage et fournissait à pied d’œuvre tous les matériaux
nécessaires, tels que pierres, sable, chaux, poutres pour les échafaudages; pour les autres, elle traitait
à forfait, mais toujours en spécifiant le délai maximum des travaux.

Les estimateurs, dont nous avons vu le rôle dans l’institution d’un tribunal populaire, continuèrent à
être élus chaque année, au nombre de 3 pour juger des délits de police urbaine et rurale, mais au XVe
siècle ils étaient députés à la fois par la cour et par le conseil municipal1002.

997
1403, 13 Juin. Raymond Girard, Isnard Aton, prêtre, et Guillaume Gaudin “operarii electi per villam Sallonis
super reparationibus faciendis et edifficandis in ecclesiis Sallonis” donnent à refaire à un maçon de Beaucaire la
couverture de l’église St-Michel (not. inconnu) - La municipalité pouvait également, dans un but pieux, collaborer
à la construction d’une église. La voûte de l’église St-Laurent s’étant écroulée, le conseil s’engage, le 18 octobre
1432, à construire à ses frais “primam archadam seu crosilham dicte ecclesie post illam de choro” et nomme 6
obriers (Arch mun. de Salon: GG 25) - La ville avait-elle seule la charge de ces travaux? Nous n’avons jamais vu
la ville intervenir que pour la réfection des toitures; peut-être y avait-il un règlement établi à cet égard.
998
1428, 17 Janvier Pierre Baylin, maçon de Salon, promet aux syndics et aux 3 commissaires délégués par le
conseil “facere et edifficare unam turrim seu unum campanile ad modum unius parve turris in qua sit horalegium
dicte universitatis noviter factum [...]” (Guinerii not. prot. 1427 f° 132) - 1428, 19 Avril. Jean Priesni, maçon de
Marseille, s’engage à faire quelques embellissements à cette tour au prix de 31 florins (id. prot. 1428 f° 9).
999
1451, 1er Avril. Les syndics donnent à Jean Taboyre, serrurier “regimen et administrationem relobii dicti loci”
pour une année. Ce dernier s’engage à entretenir l’horloge et à la maintenir “bene sonantem”. Il est responsable
des réparations à faire jusqu’à concurrence de 8 florins, la ville payant le surplus. Il reçoit 8 florins de gages par
an (Muguetti not. prot. 1452 f° 19).
1000
1397, 6 Juin. A la demande de R. Frénier, procureur de la communauté, le juge ordonne à un particulier de
réparer une conduite d’eau traversant le rempart de la ville, qui causait un dommage public (St. Pachoni not.
prot. 1395).
1001
En 1476 un procès s’élève entre les éleveurs de bestiaux et la ville. La sentence de l’official décide qu’on
créera des voies de largeur suffisante pour conduire les troupeaux à l’abreuvoir sans qu’ils puissent endommager
les récoltes. La commune paiera la moitié des frais, les éleveurs l’autre. On nommera des experts pour
déterminer l'emplacement de ces voies. (Livre blanc f° 160 v° et suiv.).
1002
1448, 20 Novembre. P. Gervais, Louis Abel et G. Melledier “extimatores jurati talarum et dampnorum qui
inferuntur in prediis rnsticis territorii dicti loci et per curiam et consilium universitatis dicti loci deputati [...]”
examinent les dégâts causés par un troupeau de moutons et condamnent le propriétaire à payer 2 sous de
dommages et intérêts et les frais. (Mercorini not. prot. 1447).

159
Comme ils étaient amenés à trancher les questions qui pouvaient s’élever entre la ville et les
particuliers, ils prenaient parfois le nom d’estimateurs jurés des biens communaux1003.

Le conseil recrutait également parmi les notables un certain nombre d’inspecteurs destinés à réprimer
les fraudes, surtout en ce qui concernait les objets d’alimentation1004.

Ces experts qui s’appelaient “visitadores, regardatores” formaient des commissions de 3 membres; ils
étaient élus chaque année peu de temps après le renouvellement des officiers municipaux.

[250]

Œuvres d’Assistance

La Charité

Les institutions charitables, au Moven-Age, ne relevaient pas d'un service administratif distinct et
n’étaient pas alimentées, comme aujourd’hui, par les deniers publics1005, mais comme elles touchaient
de très près aux institutions urbaines et que les officiers municipaux exerçaient sur elles un contrôle
efficace, nous avons cru devoir en.dire un mot.

L’esprit d’association était très développé autrefois et se traduisait surtout par des confréries unissant
des gens de même profession; mais la confrérie n’était que le côté religieux de l'association, elle était
ordinairement doublée par une oeuvre d’assistance, sorte de société de secours mutuels, possédant
des biens, administrant ses revenus et distribuant des secours à ses membres1006.

Cette institution est très ancienne et pourrait remonter au XIIIe siècle1007: elle s’appelle “helemosina”,
“helemosina caritatis” ou simplement “caritas”; des notables du pays la président avec le titre de
“cariterii”, dont la principale charge est de faire annuellement la tournée des maisons pour recueillir
les aumônes.

Certains auteurs pensent que celte institution a servi de base et de point de départ aux institutions
municipales dans certaines villes de Provence1008. Ce qui est certain, [251] c’est que les associations
de ce genre jouissaient d’une autonomie à peu près complète, qu’elles étaient dirigées par des

1003
1449, 13 Mars. Expertise faite par les 3 estimateurs-jurés “ad extimandum et cognoscendum debatum et
questionum parietum et aliorum edifficiorum comunium urbanorum ejusdem loci“ (id, f° 126).
1004
V. les règlements du soquet du blé (Pièce justificative n° XXIX) signalant 3 visiteurs du blé et de la farine.
1005
Ch. de Ribbe, p. 123.
1006
M. Raimbault. Les œuvres d'assistance en Provence de 1453 à 1790. (Extrait du t. III des Bouches-du-Rhône,
encyclopédie départementale. Marseille, 1920).
1007
L. Delisle. Etudes sur la condition de la classe agricole en Normandie [...] p. 154. [2020]: accessible ici sur
Gallica.
1008
V. Ch. de Ribbe.

160
notables influents et que ceux-ci, avant de prendre une décision, consultaient volontiers les
prud’hommes de la ville1009; il y avait là un organisme analogue à celui que formaient le conseil et les
syndics; il nous semble plus exact de dire que les deux institutions se sont superposées, se sont
confondues plutôt que de prétendre que l’une est issue de l’autre.

A Salon, l’octroi d’une charte de commune ne modifia en rien l’organisation de cette oeuvre
d’assistance. Les recteurs étaient nommés par le conseil et recrutés1010 dans son sein, mais ils
administraient librement les revenus de l’œuvre qui leur était confiée. Leur titre était honorifique, et
il est très fréquent de rencontrer, comme recteurs, d’anciens syndics et réciproquement.

L’Hôpital

L’hôpital s’appelait ordinairement “hospitalis pauperum Christi”. C’était en effet plutôt un refuge pour
les pauvres, un hospice pour les vieillards, qu’un établissement destiné à donner des soins médicaux
à des malades graves.

[252]

Un hôpital de ce genre existait à Salon, un peu en dehors de la ville, dès la première moitié du XIIIe
siècle1011. Ce n’était pas une exception, car les moindres localités de Provence possédaient des
établissements charitables; comme des legs pieux les enrichissaient sans cesse, certains étaient baillés
à rente à des laïcs qui prenaient le nom de recteurs; de ce fait, de graves abus s’étaient introduits dans
leur administration1012.

1009
1343, 30 Août. Bertrand de Paisses, damoiseau, Jean Capard et Jacques Athon “cariterii seu rectores et
collectores ac administratores et distributores generalis helemosine caritatis ejusdem castri Sallonis” aliènent
une terre appartenant à la Charité “consilio super infrascriptis prehabito, ut dixerunt, cum domino Rostagno
Regordi, jurisperito, magistro Jacobo Chaberti, notario, nobilibus R. Crote. Guillelmo Milonis, Audiberto Gandini,
domicellis, N. et N. mercatoribus [...] ac etiam cum multis aliis probis hominibus tam nobilibus quam popularibus
dicti castri Sallonis” (Guil. Raynaldi not. ét. de 1343).
1010
1420, 22 Février. “Jacobus Abelis, Bertrandus Roiasulli et Petrus Rici, de Sallone, rectores et gubernatores
helemosine caritatis dicti castri, electi et deputati per venerabile consilium Sallonis” (Guil. Capardi not.prot. de
1416, f° 50).
1011
1243, 17 Janvier. Jean Baussan achète un jardin situé près de l’hôpital, confrontant avec le jardin de l’hôpital
et la voie publique (Livre rouge, f° 256 v°).
1012
Concile de l’archevêque Florent, Arles 126?, art. XIII: “ Item [...] quia in civitatibus et oppidis provincie nostre,
hospitalia pauperum multa sunt, quorum regimina ut frequentibus laici et clerici seculares [...] consueverant
occupare, nec ibi pauperibus aliquid ministratur, sed omnia bona et elemosyne talium hospitalium per hujusmodi
rectores in usus proprios asportantur et devorantur.” L’archevêque ordonne aux recteurs de vivre en commun
et de rendre compte chaque année de leur gestion. (Gallia christiana novissima, Arles, n° 1233 [2020: accessible
ici sur Internet Archive]).

161
L’hôpital de Salon avait dû être fondé par l’archevêque, mais, dès le XIIIe siècle, il était administré par
un particulier qui prenait le nom d’hospitalier1013 et en gérait librement les revenus moyennant une
faible redevance1014.

Au XIVe siècle, le nom d’hospitalier désignait plus spécialement celui qui était chargé de soigner les
pauvres, et l’hôpital était dirigé par un recteur1015 ou gouverneur1016 qui en retirait de gros profits. Les
dons de toutes sortes affluaient en effet à l’hôpital; il n’est pas de testament qui n’en mentionne de
plus ou moins importants. Certains [253] testateurs léguaient même un lit tout monté avec une rente
pour entretenir perpétuellement leur fondation; détail de moeurs curieux, ce lit devait précéder le
corps du donateur le jour de ses obsèques et être promené solennellement par la ville1017.

L’hôpital de Salon se ressentit tout particulièrement des ruines accumulées par les grandes
compagnies et par la guerre civile; de sa prospérité passée, il ne restait que peu de chose au XVe siècle;
s'il possédait encore de nombreuses terres et fournissait quelques revenus1018, son mobilier, par
contre, était misérable1019. Les dépenses étaient réduites au minimum; un homme seulement assurait
le service; il touchait un faible salaire et partageait avec le recteur la dépouille des pauvres qui
venaient à mourir1020.

Le recteur, au XVe siècle, n’administrait jamais lui-même l’hôpital, il se contentait de l’affermer à


quelque marchand qui se préoccupait sans doute fort peu de soigner les pauvres. L’archevêque finit
par se rendre compte que ce système n’avait rien de bon, et il résolut de confier [254] aux syndics
l'administration de l'hôpital; c’est ce qui eut lieu en 1450 avec une certaine solennité1021.

1013
Livre rouge f° 236 v°
1014
“Item Petrus de Cavallione hospitalarius hospitalis pauperum Sallonis pro dicto hospitali VI den cor”. (Liève
des censes de 1304, f° 17 v°).
1015
1327, 18 Mars. “Helie Bonet rector hospitalis pauperum Christi”. (Arch. mun. de Salon: GG 23, n° 2).
1016
Le 23 mars 1327 l’archevêque Gasbert nomme “gubernator” de l’hôpital un prêtre du nom de Pierre. Il devra
faire un inventaire détaillé et un relevé des droits et revenus. (Arch. du Vat. Collectorie 379, f° 159 v°).
1017
Pièce justificative n° XIV.
1018
Jean Martin, clerc du diocèse de Genève, procureur de l’hôpital de Salon, arrente pour deux ans à un
marchand de Salon l’hôpital et ses dépendances à raison de 25 florins par an. Le preneur devra entretenir les
infirmes, payer l’hospitalier et le gardien; le bailleur est tenu de l’achat des draps et des réparations (P. de Rivo
not. prot. 1414-15 f° 57).
1019
“In camera ubi dormiunt pauperes: VII colcas postium, VII matalacia, II pulvinaria plume, VIII pulvinaria plena
lane, III lodices competentes, VII pecias tam flassiatarum quam flessadonorum, III chalones lista; in camera
superiori: I colcam posterii, I mathalacium cum I pulvinari, XI linteamina competenta, XXVII linteamina debilia,
unam caxiam de unce cum clave”. (Guil, Gandini prot. de 1422).
1020
1422, 10 Avril. EJzéard Bernon de Pernes promet à Georges d’Autissac, damoiseau, possédant à rente
l’hôpital des pauvres de Salon, de bien administrer l’hôpital et de soigner les pauvres; il recevra pour ses gages
4 florins et 5 cartals d’huile; il cultivera le jardin avec un quart de la récolte pour le baillleur. (id.)
1021
1450, 23 Juillet. Le recteur de l’hôpital abandonne aux syndics la propriété de l’hôpital et tous les droits qui
y sont attachés, et, en signe d’investiture, il leur remet les clefs de la porte. (Muguetti not. f° 124J - Le 17 Juillet
1454, à la requête des syndics, le vicaire général de l’archevêque dispense l’hôpital de Salon de contribuer aux
dons gratuits faits par l’église d’Arles, attendu qu’il appartient à la communauté de Salon et qu’il a besoin de
grosses réparations. (Arch. mun, de Salon, II 1 n° 2).

162
La Léproserie

Les lépreux inspiraient une telle horreur qu’on les reléguait clans un quartier spécial et qu’on leur
interdisait de toucher aux aliments exposés à l’étalage des boutiques1022.

De nombreux établissements étaient destinés à recueillir ces malheureux et la charité publique les
entretenait.

Salon possédait une léproserie dont nous trouvons des traces au XIVe et au XVe siècles, et dont les
revenus étaient affermés comme ceux de l’hôpital1023. Celui qui les administrait prenait le nom de
recteur1024. La lèpre, cependant, diminuait sensiblement, et cet établissement ne devait pas avoir une
grande importance1025.

Les Ecoles

On connaît bien les grandes universités du moyen-âge, et la plupart des collèges importants ont fait
l’objet d'études approfondies, mais on est beaucoup moins bien renseigné [255] sur les petites écoles
des campagnes, correspondant à l’enseignement primaire actuel; c’est pourquoi nous avons cru utile
de donner les quelques notes que nous avons pu recueillir à ce sujet.

Les écoles étaient assez répandues au XVe siècle, de simples bourgs en possédaient, constate un
historien1026; Salon en possédait déjà en 1341, et il est probable que bien d’autres petites villes en
eurent d’aussi anciennes, qui n’ont pas laissé de traces1027.

Au XIVe siècle, donc, l’enseignement était organisé à Salon, mais tout ce que nous savons c’est le nom
de quelques maîtres; ils s’intitulent “recteurs des écoles de la ville”1028.

Il existait certainement un rapport entre l'école et le couvent des frères mineurs de Salon1029; peut-
être les maîtres étaient-ils des frères de l’ordre de Saint-François recrutés parmi ceux du couvent. En
effet, le recteur des écoles est interrogé par le sous-viguier à propos d’un crime commis par un frère

1022
Statuts de 1293, art. XI.
1023
1397, 26 Mars. Giraud Gasse perçoit les revenus de la léproserie de Salon (St. Pachoni not. prot. de 1396).
1024
1434, 9 Janvier - Pierre Chabert, prêtre, recteur de la léproserie de Salon. (Salamonis not, prot. de 1433 f°
117).
1025
Absente en bas de page.
1026
M. Mireur. Revue des Sociétés savantes, ann. 1880.
1027
M. Barthélemy affirme que Aubagne n’a pas eu de maître d'école avant 1485 (Livre I, p. 523); il veut dire
sans doute que la première mention qu’il ait rencontrée est de 1485.
1028
1341, 31 Mai. “Magister Raymundus Comitis, rector scolarum ville Sallonis”. (Guil. Raynaldi not. prot. de
1343-5) - 1377, 14 Octobre. Maître Jean Veyssorii, clerc du diocèse de Limoges, maître des écoles de Salon. (J.
Asterii not.).
1029
La permission de fonder ce couvent fut donnée le 1er Février 1234 par Jean Baussan, et le terrain donné par
un particulier de Salon. (Mabillon, Vetera Analecta, p. 484).
[2020]: Facultatem dat aedificandi Ecclesiam & conventum in castro Salonensi, accessible ici sur Google-Books.

163
du couvent1030, et un autre acte passé dans l’intérieur du couvent signale le recteur des écoles parmi
les témoins.

[256]

Au XVe siècle, les recteurs sont presque toujours des clercs; leur instruction paraît soignée, l’un d’eux
est bachelier en lois1031. Ils se font aider par un sous-maître1032 chargé plus spécialement de
l’instruction des enfants1033, tout en restant responsables des études1034. Ce sous-maître recevait, en
1465, un traitement de 20 florins par an dont le recteur payait seulement la moitié et les élèves l’autre.

Les parents payaient le recteur pour l’instruction de leurs enfants, mais de leur côté les enfants
devaient payer à leurs maîtres certains honoraires1035. Tout cela ne visait que l’instruction1036, car les
élèves n’étaient pas pensionnaires.

Les officiers municipaux estimaient qu’il était de leur devoir de veiller au bon fonctionnement des
écoles, et ils exerçaient sur elles un droit général de contrôle1037.

Ces écoles étaient d’ailleurs insuffisantes, et. l’instruction qu’on y donnait devait être assez
rudimentaire. Un riche notable de Salon, Guillaume Prix, docteur en droit, ayant [257] fondé à Avignon
le collège de Sainte-Croix, rendit un grand service à son pays en stipulant que chaque année un certain
nombre d'élèves de Salon y seraient admis gratuitement. L’archevêque reconnut aussitôt ce bienfait
en conférant à Guillaume Prix des lettres de noblesse, le 12 mai 14581038.

1030
Guil. Raynaldi not. prot. de 1343-43.
1031
1422. “Dominus Guillelmus de Codornhaco, baccallarius in legibus, magister scolarum [...]” (B. Roynhaqui
not.). [2020, cf patronymes ou toponymes actuels en Codorniu, Codorniou]
1032
“Substitutum rectoris”
1033
1465, 10 Septembre. “Cum magister Johannis Bollardi, civis Dieusis, rector scolarum loci Sallonis [...] locaverit
Marcellinum Judi loci Sti Andree, diocesis Ebredunensis, ad sibi sublevandum et coadjuvandum in regimine
dictarum scolarum et instruendum scolares earum ad et per tempus unius anni [...] pro precio XX florennorum
solvendorum medietatem in pecuniis numeratis et alteram medietatem in scolaribus consignandis [...]” (P. Balsi
not. prot. 1464).
1034
“Item promisit exercere actus scolasticos in dictis scolis sibi possibiles per dictum magistrem Johannem
injungendos et imposituros” (id.).
1035
V. note précédente. - 1465, 10 Septembre. Le recteur abandonne la direction des études à son substitut, et
comme il lui devait encore une partie de son traitement, il lui accorde certaines sommes à percevoir sur 7 élèves,
s’élevant à 2 florins 7 gros. (id.).
1036
1428, 20 Mars. “Bertrandus Barro habitator castri de Novis bona fide, per se et suos promisit solvere dicto
magistro Guillelmo de Brugonia, magistro scolarum Sallonis, presenti etc. viginti unum grossos hinc ad festum
Pentecostis, causa docendi filium ipsius Bertrandi debitoris”. (B. Roynhaqui not.), Le même jour le père promet
à Giraud Martin de Salon, menuisier, 11 florins et 4 gros “causa finalis compoti omnium rerum quas dictus
Bertrandus debitor eidem magistro Giraudo debere posset tam racione alimentorum Jacobo Barro filii ipsius
Bertrandi, quam calciament ejusdem ac aliarum rerum usque hunc presentem diem”. (id.).
1037
Absente en bas de page.
1038
1450, 3 Juillet. Un des syndics, en exécution d’une décision prise par le conseil municipal, demande à Jean
Verzelh, recteur des écoles, s’il désire garder pour associé, Bertrand Chayssin, clerc du diocèse de Sisteron.
(Muguetti not. f° 116).

164
La Communauté Juive

Nous n’aurions qu’un tableau très incomplet de la ville de Salon au moyen-âge, si nous ne parlions pas
des juifs qui formaient une partie importante de sa population.

Les juifs étaient très nombreux en Provence, et, chose curieuse, non seulement ils habitaient les ports
et les grands centres commerciaux, mais ils s’étaient répandus dans des villes de moindre importance
et on en rencontrait même dans des villages1039. Leur condition était en général assez précaire, car
l’hostilité des chrétiens leur attirait des persécutions et des vexations de toutes sortes, mais il est
certain que leurs richesses, acquises par le commerce et surtout par le prêt à intérêt, excitaient l’envie
et la convoitise de leurs concitoyens1040. Il faut reconnaître, cependant, [258] que dans le Midi, la
condition des juifs était sensiblement meilleure que dans le centre ou le nord de la France1041. Les
archevêques d’Arles, en particulier, furent de bons politiques en leur accordant leur protection1042 et
en se montrant tolérants à leur égard, car ils en retirèrent de gros avantages1043: les juifs affluèrent
dans des villes du diocèse d’Arles où ils trouvaient des règles moins rigoureuses, et, s’ils restaient
soumis à quelques prescriptions humiliantes1044, du moins ils étaient assurés de vivre en paix et de se
faire rendre justice.

Les juifs formèrent de bonne heure un groupe assez important, à Salon, pour que les anciens statuts
en fassent mention1045: sous aucun prétexte les bouchers ne doivent faire dépecer les viandes par les
juifs. Les statuts de 1293 se montrent également sévères; ils vont même jusqu’à assimiler les juifs aux
lépreux en leur interdisant de toucher aux aliments exposés à la vente; mais aussitôt, le législateur se
reprend et annule la défense, du moins pour [259] la viande1046; il semble que l’archevêque, après
avoir reproduit une disposition commune à presque tous les statuts municipaux de l'époque, ait voulu

1039
Livre blanc, f° 300 - V. Gimon, p. 123.
1040
Arnaud, p. 12.
1041
Ce mépris pour les juifs s'explique en grande partie, selon nous, par le fait qu’ils n’étaient que rarement
propriétaires terriens et qu’ils ne cultivaient presque jamais la terre de leurs mains; or, au moyen-âge, la terre
étant considérée comme la source essentielle de richesse, tout autre mode d’enrichissement paraissait suspect.
1042
Cette protection est déjà signalée dans le diplôme de Louis l’Aveugle de 921, confirmant à Manassès la
juridiction de l’église d’Arles sur les Juifs.
1043
Glasson, Hist. du dr. franç., t. VII, p. 92.
1044
Ils devaient par exemple porter un signe distinctif. “Item decernimus quod judei masculi, a XIII annis et supra,
deferant extra domos, in superiori veste, in pectore, signum celle, latitudinis trium vel quatuor digitorum, nisi sint
in viago constituti. Mulieres autem judee, a XII annis et supra, oralia deferant extra domos..”. (Concile d’Arles de
1234. Gallia. christ. nov. Arles, n° 988 [accessible ici sur Internet Archive]) - Un quartier spécial leur était réservé,
on trouve des mentions continuelles, à Salon, du quartier juif, “juzataria”, et de la rue qui le traverse “carreria
judeorum”. C’est d’ailleurs un sentiment naturel de ceux qui se sentent dans une situation inférieure que le
besoin de se grouper.
1045
Art. 1 [2020: Carnes a judeis nulla ratione dilaniari faciant.]
[2020: La carrière (de l'occitan carriera qui signifie “rue”) désigne la rue ou le quartier juif où résidait toute la
population juive de certaines villes du Comtat-Venaissin]
1046
St. de 1293, art. XI - Cf. Criées de 1454, art. 42.

165
donner aux juifs une preuve de sa bienveillance. Cette disposition paraît insignifiante, mais avec les
idées du temps, elle prend une singulière valeur1047.

Au début du XIVe siècle, la communauté des juifs possède un cimetière situé sur une hauteur à
quelque distance de la ville1048 et elle est soumise à quelques redevances spéciales1049.

A ce moment, Philippe Le Bel venait de décider l'expulsion générale des juifs du royaume1050; la
Provence dut recevoir un grand nombre d’émigrants et les communautés juives prirent une extension
considérable1051: avant la lin du XIVe siècle nous trouvons la mention d’une synagogue à Salon1052.

Au XVe siècle, malgré la période troublée que la ville vient de traverser, la communauté des juifs de
Salon ne [259] cesse de s'enrichir et de prendre de l’importance: un même acte signale un cimetière,
un nouveau cimetière en construction, une synagogue, une boucherie, un moulin avec une aire, un
four, un établissement de bains, de nombreuses possessions dans la ville et son terroir1053.

Les institutions charitables sont nombreuses et sont un indice de sa prospérité; c'est d’abord une
charité “helemosina synagoge”, comparable à l’“helemosina caritatis” des chrétiens, deux hôpitaux,
un pour chaque sexe, et une oeuvre d’assistance spéciale pour le mariage des juifs et des juives
pauvres1054.

Le roi René s’appliqua à adoucir la condition des juifs et ne manqua jamais de les assurer de sa
bienveillance1055. En 1447, une délégation où figurent des juifs de Salon, lui exposa les vexations subies

1047
“Ut autem judeos, quos sancta romana ecclesia permittit inter nos vivere, quia reliquie lerusalem salve fient,
et propter memoriam dominice passionis, non videamur persequi voluntarie seu gravare, permittimus [...]” Cette
disposition n’a pas été reproduite dans les copies postérieures ni dans les criées du XIVe et du XVe s., et ni
Giraud, ni Gimon ne la donnent.
[2020: voir analyse détaillée de cette courageuse “interprétation” de la bulle Etsi non displiceat du pape Innocent
III]
1048
Ce cimetière s’appelle souvent “mons judaïcum”. Cf. Régné, p. 104.
[2020: probablement la “Tour des Juifs”, cf dans Gimon, p. 406: “la tour des juifs placée sur une petite éminence
en dehors de la ville”]
1049
Arch. dép. des B.-du-Rh.. - Chartrier de Salon: n° 32. — Acte du 5 Août 1394.
1050
Régné, p. 128 et suivantes.
1051
Dans son étude sur les rabbins français du début du XIVe s., Ernest Renan cite parmi les ouvrages du poète
Abraham Bedessi une missive à Samuel asch Schiloni (de Salon?). Il signale également deux poèmes d’Isaïe
Debasch sur les mérites du poète Schilloni (probablement Samuel de Salon). Hist. litt. de la France, t. XXVII, p.
712 et 724. [2020: accessible ici sur Internet Archive ||| Renan y a certainement pensé, mais on trouve
également ‫( ִׁשֹלנִׁ י‬Shiloniy), terme hébreu trouvé une fois dans la Bible (voir Silo "qui apporte la paix)"]
1052
1385, 9 Janvier. Bonet Maymon achète une maison située dans la Juiverie, confrontant avec la synagogue
et le rempart. (Constans not. f° 86).
1053
Arch. mun. de Salon . II 6 n* 3;. Relevé de divers droits appartenant à l’archevêque fait par le notaire Yves
Roussel en 1434.
1054
Les testaments de Juifs nous renseignent à leur sujet. Ainsi, le 21 Mars 1434, Salves Caracause lègue 10
florins à l’”helemosina cimeterii judeorum”; au luminaire de la synagogue 5 cartals d'huile par an payables la
veille du grand jeûne; à chacun des hôpitaux, une de froment chaque année pour faire les pains azymes, payable
avant la Pâque des Juifs, deux florins par an “helemosine [...] que fit in succursum matrimoniorum sive
maritagiorum pauperum iudeorum et judearum dicti loci” ( Salomonis not. prot. 1434, f° 236).
1055
Pour l’abbé Arnaud d’Agnol, cette bienveillance aurait été plus apparente que réelle. [2020: Gustave Arnaud
d'Agnel]

166
de la part des chrétiens: quelques années plus tard, en 1454, il adoucit la rigueur des statuts d’Aix, de
Marseille et de Salon à l'égard des juifs1056.

A cet égard, les dispositions des lettres patentes du 12 mai 1454 sont instructives, en voici le
résumé1057: [261]
Obligation de porter un signe distinctif, mais ce sera seulement un cercle de couleur différente
de celle du vêtement et de la dimension d’un gros d’argent. Ils en seront dispensés en voyage.

Liberté d'exercer certaines professions spéciales, telles que la médecine, et d’administrer les
revenus des péages, leudes et clavaireries.

Liberté de commercer avec les chrétiens “valeant impune sicut actenus soliti sunt, cum
christianis conversari eundo, redeundo, tractando, mercando, et alias negociando ubilibet;
mercenariosque et familiares christianos pro corum negociis peragendis tenere et habere pro
libito voluntatis [...]”

Liberté d’accomplir leurs rites habituels “suis solitis serimoniis” dans les quartiers qui leur sont
réservés, dans leurs synagogues et dans leurs cimetières; liberté d’étouffer les animaux dans
des boucheries spéciales, suivant leur coutume.

Interdiction enfin de les forcer à entendre les sermons des chrétiens ou de les faire entrer
dans les églises sous un prétexte quelconque.

En réalité le roi René cherchait avant tout à les convertir et comblait de cadeaux ceux qui se faisaient
baptiser1058.

Les juifs s’adressaient volontiers à lui quand ils éprouvaient quelques difficultés: en 1474, Josse Isaac
et Samuel Carcassonne se plaignent au roi de ce que deux particuliers de Salon, créanciers de la
communauté des juifs, se sont emparés de leur four et de leur boucherie. Le roi [262] s’empresse de
leur faire rendre justice, mais il en profite pour exiger le paiement des tailles auxquelles cette
communauté était astreinte1059.

Cette communauté était arrivée, au XVe siècle à être une des plus riches de Provence1060: cette
prospérité serait inexplicable si les juifs n’avaient pas trouvé à Salon des avantages spéciaux. Il ne

1056
V. Arnaud, p. 39 - Les Criées de 1454 (art. 42J exigent seulement que les viandes des animaux tués par des
juifs portent une marque spéciale. Cf règlement de 1340 à Manosque.
1057
Arch. dép. des B.-du-Rh., B 14, f°’ 153-155,
1058
1479, 5 Novembre. “A messire Pieret, aumosnier du roi. ledit jour, une canne et demye dudit gris, que ledit
seigneur roy lui a fait délivrer pour faire une robbe au juif de Salon qui s’est fait chrestien, à la dite raison de VIII
f° la canne, vallent XII f°. Les comptes du roi René, t. II, n° 2974).
1059
“Verum quia hæc sunt valde reypublice dictorum judeorum necessaria.” (Arch. dép. des B.-du-Rh., B 1393:
f°’ 130-31 et 169).
1060
Abbé Arnaud d’Agnel.

167
faudrait pas, en effet, s’imaginer qu’ils y fussent traités en parias: il leur suffisait de prêter l’hommage
et le serment de fidélité pour jouir des privilèges accordés aux autres sujets de l’archevêque1061.

Les juifs pouvaient acquérir librement1062, et lorsqu’ils aliénaient des terres placées sous la directe de
l’archevêque ils payaient les droits de mutation ordinaire; les biens possédés par la. synagogue étaient
considérés comme biens de main-morte, et la communauté devait payer le droit de lods tous les 9
ans: leur valeur était de 150 florins en 14311063.

Au point de vue de la justice, ils relevaient de la cour temporelle de Salon qui les jugeait dans les
formes ordinaires1064. Peut-être gardaient-ils la compétence des affaires peu importantes, car nous
trouvons la mention d’un juge1065.

[263]

Pour le reste, ils s’administraient eux-mêmes et jouissaient d’une autonomie remarquable.


L’archevêque d’Arles leur avait accordé, en 1215, un règlement très libéral qui leur permettait d’élire
3 consuls dans la même forme que les consuls chrétiens, de prêter serment sur la loi de Moïse, à
condition de payer leurs taxes1066. Ces consuls, qui portaient également le nom de bailes, veillaient à
l’observation de la, loi hébraïque, établissaient des impôts et percevaient ceux dont la communauté
était frappée1067.

C’est une organisation analogue que nous trouvons à Salon dès le début du XIVe siècle mais qui devait
sans doute être plus ancienne. Les représentants de la communauté portaient des noms divers,
consuls1068, secrétaires1069, baylons; ils dirigeaient, en même temps, l’aumônerie de la synagogue1070.

1061
1427, 24 Avril. Josse Bornat, juif originaire de Manosque. venant habiter Salon, prête le serment de fidélité
entre les mains du viguier, “genibus flexis, sine capucis et zona et junctis manibus”. (Salamonis not. f° 13).
1062
C’est une erreur assez répandue de croire que les juifs ne pouvaient pas être propriétaires — V. Arnaud, p.
14.
1063
J. Vaureys not. prot. de 1431, acte du 8 octobre.
1064
1415, Mars. Deux juifs se sont battus près du four de la synagogue “cum magna effusione sanguinis”. Les
accusés “juramento ad modum judeorum prestito” sont interrogés par le juge (P. de Rivo not. prot. 1414 f° 31).
1065
1431, 31 Janvier. Maymonetus Davini, “judex universitatis dicti castri [...]” (Capardi not. prot. 1430, f°105) -
L’archevêque tenait à conserver la juridiction sur les juifs.
1066
Papon, t. II, p. 39.
1067
Bull. de la Soc. des Amis du vieil Arles; ann, 1906 -07. p. 420 et suiv..
1068
1304, Août “ [...] Falconetus Profach, judeus, nomine suo proprio et ut consul universitatis judeorum Sallonis
[...]” de Salon: n° 32,. Il est curieux de constater la survivance du titre de consul qui avait disparu de la plupart
des constitutions municipales, et de voir les juifs élire un représentant officiel au moment où les autres habitants
n’avaient pas encore ce droit.
1069
1345, 4 Décembre. “Bonifacius Profachi et Mossé Gardi secretarii pro universitate judeorum [...]” (P. Duranti,
not.).
1070
1384, 26 Octobre. Vidal Abraam et Abraham Maymon “bayloni helemosyne judeorum Sallonis” arrentent,
au nom de la communauté une terre pour 10 ans (Constans not; f° 52) - 1430, 10 Mai “bayloni seu rectores
luminarie synagoge” (Salamonis not. f° 326) - Il est très probable que ces représentants servirent surtout, à
l’origine, à défendre les intérêts religieux de la communauté et que leurs attributions s’étendirent plus tard: le
fait est à rapprocher de l’influence que les recteurs de la “charité” ont eue dans certaines villes sur le
développement des institutions communales.

168
Ils intervenaient dans tous les actes qui intéressaient la communauté juive, tout en subissant le
contrôle des officiers [264] de l’archevêque1071, et à condition de ne pas empiéter sur les droits de la
ville1072.

Les juifs de Salon devaient prêter le serment de fidélité1073 aux baylons; ceux-ci, à leur tour, rendaient
l’hommage à l’archevêque dans des conditions analogues à celles des syndics1074.

Il existait également un conseil composé des notables les plus marquants de la communauté qui aidait
les bayions dans la gestion des intérêts communs: il s’assemblait pour prendre les décisions
importantes, comme la levée des tailles, la vérification des comptes, la nomination des procureurs
spéciaux1075.

Les juifs jouissaient d’une organisation financière tout à fait indépendante, ce qui s’explique parce
qu’ils étaient en dehors des cadres économiques de l’époque. La terre [265] servait en effet le plus
souvent d’assiette aux impositions, or les juifs en possédaient fort peu; ils auraient ainsi échappé à
tous les impôts frappant la propriété foncière.

Certaines redevances auxquelles ils étaient soumis étaient curieuses et représentaient des usages très
anciens; telle était, au premier rang, l’obligation de fournir la literie nécessaire au service de
l’archevêque dans son château de Salon.

[2020: ‘En parallèle, fonctionne aussi une institution dite "des luminaires" ou "mahor" – transcription du terme
hébreu en latin par le notaire –, une elemosina pauperum dicte sedaqua – là encore, transcription latine du
terme hébraïque –, et une elemosina filiorum pauperum appelate herissor, aumône pour la dotation des juives
pauvres à marier” in Acteurs et institutions de la tsédaqah en Europe méditerranéenne au bas Moyen Âge.]
1071
1345, 4 Décembre. Le juge de Salon autorise l’inhumation d’un juif qui a été trouvé noyé dans la Durance.
(P. Duranti not.).
1072
1415, 7 Mai. Les syndics autorisent les juifs à élever quelques constructions contigües au rempart de la ville
(not inconnu).
1073
1450, 20 Décembre, “Notum sit quod Cressona relicta.., bona fide.,. promisit dictis Abram Sancto et Vitali
Cohen, judeis de Sallone, presentibus, et Salves Cassuret, judeo dicti loci, licet absenti [...] bayllonis carriere judee
Sallonis, venire tociens quotiens fuerit per ipsos bayllonos requisita ad facîendum et prestandum juramentum et
manifestum suum juxta ordinem Caylhoni Sallonis. sub pena X lib. coronatarum, aplicandarum medietatem curie
domini archiepiscopi Arelatensis [...]” (J. de Gauchelis not. prot. de 1448 f° 213).
1074
1463, 12 Septembre. Léon Comprat, Léon Roem et Durand Mossé. procureurs de la communauté des juifs
de Salon, prêtent serment sur la loi de Moïse entre les mains du viguier et lui baisent le pouce. Ils promettent
de ne pas nuire à l’archevêque, de respecter sa personne et ses biens, d’observer les coutumes de Salon; en
revanche, ils jouiront des immunités et franchises dont jouissent les autres habitants, (Livre des droits sur Salon,
t. I, p. 214).
1075
1440, 11 Avril. Les 2 baylons et 11 notables juifs “consiliarii, receptores computorum universitatis et carreyre
judeorum” promettent au trésorier du roi René de payer leur quote part de la taille imposée aux Juifs de
Provence. (Capardi not. prot. de 1440 f° 5).

169
Dans beaucoup de communes, d’ailleurs, la fourniture des lits constituait un service féodal1076 qui
donnait lieu à des mesures vexatoires et à de nombreux abus1077. Les juifs de Salon obtinrent
rapidement l'abonnement de cette corvée1078, ce qui était un privilège important.

C’était sans doute aussi pour racheter quelque corvée, que les juifs devaient donner des étrennes, le
jour de Noël, aux divers officiers de la cour, aux serviteurs de l’archevêque et à tous les familiers qui
logeaient au château1079.

Enfin, ils payaient certaines redevances pour leurs édifices publics, en reconnaissance d’une
concession ancienne; [266] c’était, au XIVe siècle 4 émines de blé pour le cimetière1080, au XVe, 2 florins
pour le four1081.

Ces redevances, pour la plupart minimes, n’étaient pas les seules charges de la communauté juive qui
devait contribuer aux tailles levées pour entreprendre des travaux d'utilité générale1082.

Pour les impôts levés par le comte de Provence, leur participation était moins régulière; lorsque les
habitants de Salon y contribuaient, les juifs durent probablement être taxés pour une quote-part1083.

Les comtes de Provence avaient également recours à des tailles spéciales levées sur les juifs, et, dans
ce cas, ceux de Salon y contribuaient, mais la perception ne se faisait pas sans difficultés.

Ces impôts étaient toujours perçus en argent et portaient sur la propriété mobilière: ils prenaient
ordinairement le nom de taille, mais parfois aussi celui de capage.

L’application en était faite par les juifs eux-mêmes qui répartissaient la quote-part qui leur avait été
imposée, et en assuraient le recouvrement. Ils nommaient, à cet effet, des collecteurs de la taille avec

1076
A Saint-Maximin en 1295, à Gordes en 1306, à Saint-Martin-de-Castillon en 1336 - “Quod domini dicti loci
(Cuers) mandate [...] et compellere possint homines dictas universitatis [...] ad lectos faciendos et ad pannos pro
lectis faciendis tradendos in domibus ipsorum dominorum, in certis casibus [...]” (Transaction [...] de 1339.
Extrait des arch. de Cuers par l’abbé E. F.. Draguignan, 1867).
1077
A Digne, le 31 Août 1346, le sénéchal ordonne aux officiers de faire cesser leurs abus à l’égard des juifs:
“Cum vos.., cogatis judeos ipsos ad dandum vobis lectos seu pannos lectorum” - V. Arnaud, p 40.
1078
1304, Août. Le consul de l’université des juifs de Salon reconnaît “se et dictam universitatem judeorum teneri
ad solvendum anno quolibet domino archiepiscopo vel illi qui pro eo fuerit in dlcto Castro Sallonis in festo Beati
Martini, scilicet centum solidos coronatos pro rauba lectorum quam providere solebant judei Sallonis ad opus
domus archiepiscopalis dicti castri” (Chartrier de Salon: n° 32).
1079
Cette redevance était toujours payée au XVe siècle. (Acte de 1434. Arch.mun, de Salon: II 6, n° 33).
1080
A Marseille, en 1301, le cimetière des juifs paye 2 sous (Arnaud, p. 20).
1081
1434. Arch. mun. de Salon II 6, n° 33.
1082
1306, 20 Août. “Volumus quod Judei in illis solummodo talliis quas universitas ipsa, ob proprias et communes
utlitates seu necessitates, inter se fecerint, cum eis contribuere teneantur” - Arnaud, p. 19.
1083
1470, 15 Octobre. La communauté des juifs de Salon devant payer 450 florins pour le complément de la
quote-part qui lui revenait du don gracieux fait au roi René, les notables tiennent conseil pour établir un capage
et une gabelle. Avec l'autorisation du juge ils nomment 3 collecteurs pour lever ce capage pendant 3 ans. (J.
Hugonis not. ét. de 1472).

170
pleins pouvoirs pour contraindre les débiteurs récalcitrants, sous la responsabilité des baylons1084 et
avec l’assentiment des officiers de la cour.

[267]

Ils élisaient également des auditeurs des comptes pour régler les différends qui pouvaient s’élever1085.
Cette organisation financière était donc assez complète, et il était rare que les impôts fussent mis à
l’adjudication1086.

Si nous nous en tenions aux actes officiels, nous aurions une idée très incomplète de l’importance de
cette communauté juive. Séparés des autres habitants par les préjugés sociaux, les moeurs, le langage,
et même, matériellement, par l’existence d’un quartier spécial, les juifs de Salon formaient une
enclave dans la ville et ne paraissaient avoir avec le reste de la population aucun point de contact; en
réalité leurs rapports avec les chrétiens étaient journaliers. Ils étendaient leur activité à toutes les
branches du commerce, se rendaient acquéreurs de la ferme des impôts ou de certains revenus
publics tels que le péage ou la leude; enfin, par le mécanisme du prêt à intérêt et du prêt sur gages,
ils étaient les intermédiaires indispensables dans une foule de transactions commerciales1087. Leur
influence, au point de vue économique, fut considérable et leur action sur les destinées de la ville de
Salon n’est certes pas à négliger.

[268]

1084
1445, 22 Mars. Josse Cohen, médecin de Salon, donne en gage aux baylons 3 livres de la loi juive, pour 10
florins qu’il doit à l’occasion de la taille levée sur les juifs. (Guinerii not. prot. de 1444 f° 339). - 1365, 12 Janvier.
Crégut Aym, “baylonus carriere jusatarie”, déclare au juge et au viguier que certains juifs n’ont pas payé
“arrayragia talliarum inter ipsos judeos Sallonis facta”. Il demande à ce que Vital Crégut et Vital Vitalis,
collecteurs de la taille, aient le pouvoir de faire des saisies-gageries, ce qui leur est accordé. (St. Pachoni not.
prot. de 1393).
1085
1455, 4 Novembre. Les 2 baylons et les 2 auditeurs des comptes sont pris pour arbitres. (Alfanti not. f° 105).
1086
1470, 10 Octobre. Un capage et une gabelle sont levés pour 3 ans sur l'université des juifs de Salon: leur
perception est affermée à noble Louis de Noria, marchand de Marseille, au prix de 900 florins payables, partie
en espèces, partie en huile (J. Hugonis not.ét. de 1472).
1087
Des juifs interviennent dans la majeure partie des actes notariés que nous avons pu examiner.

171
[269]

Conclusion

Si maintenant, en négligeant les détails, nous cherchons à examiner les causes qui amenèrent la
création d’une ville à Salon, nous en trouvons de multiples: c’est d’abord un terrain propre à la culture,
déjà mis en valeur par les Romains et attirant peu à peu les habitants cantonnés dans les “oppida” des
hauteurs; puis, sous l’effet des invasions répétées, et dans l’état de décomposition et d’anarchie
sociale qui marque le début du moyen-âge, le besoin instinctif de protection et de sécurité poussant
les cultivateurs disséminés et trop faibles, à chercher un maître; à ce moment un prélat intelligent et
actif qui possédait déjà un domaine sur les rives de la Touloubre, fonde, sur le rocher de Salon,
quelques retranchements au pied desquels les habitants de la plaine viennent se grouper, et voici que
naît un village qui, bientôt, deviendra une ville.

Nous verrons alors les voyageurs, les marchands, les pèlerins traverser cette ville. Désormais, la route
commerciale, la grande artère de circulation qui, par terre, double le Rhône, en unissant Marseille à
Arles et à Avignon, passera par Salon, et, comme cette ville est assez éloignée des unes et de l’autre
pour former un relais commode et presque inévitable, les marchands prendront l’habitude de s’y
arrêter et d’y étaler leurs marchandises; ainsi le marché s’établira au pied du château-fort. Mais ces
voyageurs, ces marchands colporteront aussi les idées nouvelles, ils auront connu et apprécié les
régimes administratifs et politiques des diverses villes voisines; ils apporteront avec eux [270] des
idées d'indépendance et des modèles d’organisation; et ainsi peu à peu, au cours des siècles, se
dégageront les premiers éléments d’une organisation autonome.

A ce moment, Salon ne sera plus seulement un district agricole, un château-fort, un fief, un marché,
mais aussi une commune, une cellule sociale, ayant sa vie et son organisation propre.

Le fait le plus marquant de cette histoire, c’est la ténacité des vassaux des archevêques d’Arles, qui,
lentement, sans découragement et presque toujours sans violence, sont arrivés à acquérir et à faire
reconnaître un ensemble de libertés qui leur paraissaient indispensables; mais ce qui nous frappe
encore davantage c’est la prudence, le bon sens pratique et la sage mesure que ces hommes ont
montré dans l’organisation des services publics et clans l’administration intérieure de la ville. Dans
tous leurs actes, dans les règlements qu’ils élaborent comme dans les réclamations qui émanent de
leurs assemblées, c’est sans doute le souci de leurs intérêts particuliers qui les anime mais c’est aussi
celui intérêts généraux de la communauté, avec un sentiment très noble de solidarité, d’entr’aide et
de dévouement à la cause commune; tout cela imprégné d’un esprit de loyauté et de justice qui se
traduit par le soin avec lequel sont réglés les moindres détails de l’administration intérieure.

Toutes ces causes ont agi sur les destinées de Salon et lui ont permis d’acquérir, au moment où nous
arrêtons notre étude, une prospérité remarquable: on peut même dire que les effets s’en prolongent
jusqu’à nous et que la ville moderne doit encore beaucoup à la vieille cité du moyen-âge.

____________________________

172
Appendices
[273]

I - L’affaire de Lamanon

Au début de l'année 1275, à l'instigation de Pierre, seigneur de Lamanon, les hommes de ce village
envahirent le terroir de Salon en proférant des menaces à l’égard de certains familiers de l'archevêque
et en blessant même quelques-uns1088; puis, après avoir fait main basse sur des troupeaux appartenant
à des hommes de Salon, ils s’en retournèrent chez eux.

L’archevêque, Bernard de Languissel, lorsqu'il eut connaissance du fait, prit le conseil de son
entourage et décida de demander justice au viguier de Tarascon, et, à son défaut, au Sénéchal de
Provence. Il est probable qu'il n’obtint pas satisfaction, car il résolut de tirer une vengeance éclatante
des injures reçues des gens de Lamanon. Sur son ordre, car il faisait à ce moment un séjour au château
de Salon, le héraut convoqua un parlement public, et il fut décidé, à l’unanimité, qu'on irait en armes
à Lamanon s’emparer du bétail qu’on y trouverait1089.

Aussitôt, une troupe de Salonais s’organisa sous les ordres du viguier, Giraud de Languissel : elle
comptait un millier d'hommes, tant à pied qu’à cheval, suivant l’estimation sans doute exagérée d’un
témoin; tous étaient armés du mieux possible, de lances, d’épées, d’arbalètes, de masses ferrées ou
simplement de bâtons1090.

[274]

Cos hommes pénétrèrent dans les terres de Lamanon en criant: “A mort ! A mort ! les traîtres de
Lamanon ! Allemagne ! Allemagne ! Nous avons un bon maître ! Allemagne ! Vive l'empereur !”
Trouvant des laboureurs aux champs, ils se jettent sur eux, en blessent un grand nombre qu’ils laissent
à demi-morts, et en emmènent 8 ou 10 comme otages, sans oublier non plus de faire main basse sur
le bétail.

Arrivés à Salon, les otages sont jetés dans les prisons du château, et comme certains d'entre eux
disaient humblement : “Ne nous tuez pas, car nous sommes hommes de notre seigneur le roi de Sicile,
et nous nous réclamons de lui !” le viguier leur répondit avec ironie : “Vous avez changé de seigneurie

1088
“Homines de Alamanonno omnes vel major pars fecerunt cum armis insultum, et clamando ad mortem in
quibusdam de familia dicti domini archiepiscopi, et quibusdam hominibus de Sallone, in territorio dicti castri de
Sallone, et aliquos de dicta familia vulneraverunt” (Chartrier de Salon, n° III).
1089
(Chartrier de Salon, 108)
1090
Une pièce du procès donne 137 noms parmi lesquels plusieurs officiers et domestiques de l’archevêque, 3
chevaliers, 6 notaires, un médecin de Salon et des gens de diverses professions.

173
!” et les clameurs reprirent : “Qu’ils meurent ces paysans, qu'ils meurent ! Allemagne ! Allemagne !
Nous avons l’empereur !”1091.

Pierre de Lamanon demanda justice, mais les faits ayant été commis sur la voie publique relevaient de
la justice royale : l’affaire fut portée au juge de Tarascon1092, puis au Sénéchal de Provence; enfin au
bout de deux ans elle revint au juge de Tarascon qui reçut l’ordre d’instruire le procès. Ce dernier fit
dresser l’acte d’accusation et cita en jugement 50 témoins parmi ceux qui avaient pris part à
l’expédition1093. Au jour dit, personne ne se présenta; aussitôt, le juge expédia des lettres au viguier
de Salon, lui ordonnant de faire comparaître, le lendemain1094, les 50 témoins à Lamanon, devant son
tribunal1095.

[275]

Le bayle d’Orgon transmit ces lettres au viguier qui les fit enregistrer et qui, pour gagner du temps, se
contenta d'envoyer deux sergents à Lamanon pour faire ajourner la comparution des témoins. Le juge
de Tarascon attendit encore quelque temps, puis, par des lettres datées du 13 février 1277, il cita 150
hommes de Salon à comparaître devant lui, sans délai, mais ce fut encore sans résultat.

Lassée enfin par tant de mauvaise volonté, la cour de Tarascon condamne, par contumace, la
communauté de Salon à payer 5000 livres couronnées dans un délai de dix jours, et le viguier à 3000
livres, pour avoir entraîné, armé et excité les hommes de Salon dans cette affaire1096.

Le viguier, cette fois, protesta en alléguant que le château et le terroir de Salon n’avaient jamais relevé
de la viguerie de Tarascon, qu'au surplus, si les habitants de Salon avaient causé quelque dommage à
ceux de Lamanon. c'était pour se venger des injures qu’ils en avaient reçues, et cela, sans sortir jamais
de leur propre territoire1097.

En réalité, le blâme atteignait également l'archevêque qui fit présenter une protestation en due forme
par le procureur du viguier, Guillaume Cavasier, de Nîmes1098.

1091
Gallia christiana novissima, Arles, n° 1294 [2020]: Briga Seu Insultus Dominum De Sallone Contra Homines
Castri De Alamannono Et Inde Sequuta. accessible ici sur Internet Archive.
1092
Lamanon relevait de la viguerie de Tarascon.
1093
1277, 17 Janvier. (Chartrier de Salon, n° 108).
1094
19 Janvier.
1095
“Viro provido et discreto domino Guirando Augussello vicario Sallonis pro venerabili patre B. Dei gracia
Arelatensis sancte ecclesie archiepiscopi, Stephanus Caire, judex Tharasconis, Altavesii et Camargarum, salutem
et quidquid possit servicii et honoris. Noveritis nos spéciale mandamentum a domino senescalco Provincie
récépisse continentem in se quod nos diligentem faceremus inquisitionem de novo super injuriis et excessibus
factis et perpetractis olim inter homines vestros de Sallone et homines de Alamanone in caminis publicis domini
nostri regis Sicilie prope castrum de Alamanone et in locis de quibus juridictio terminum predictorum et correccio
ad dominum regem dicuntur pertinere. Et cum nos indigeamus hominibus vestris de Sallone ad perhibendum
testimonium veritatis super dicto negocio et ad docendum de veritale habenda et scienda super dicta
inquisitione, vos rogamus et requirimus [...]” (Chartrier de Salon, n° 108),
1096
1277, 22 Mars. (Chartrier de Salon, n° 109).
1097
(Chartrier de Salon, n° 111)
1098
“procurator [...] non intendit submittere dictum dominum archiepiscopum, nec castrum Sallonis, nec
jurisdictionem ejusdem, nec territorium ipsius castri, nec homines seu incolas ejus, nec familiam seu familiales

174
L’archevêque finit par obtenir gain de cause1099; le comte de Provence1100 révoqua toutes les
condamnations prononcées par le juge de Tarascon, et, par la même occasion, annula une enquête
faite par la cour de Tarascon au sujet de cette même affaire et qui n’avait pas obtenu de résultat :

Nos, Karolus. regis Jerusalem et Sicilie primogenitus. princeps Salerni et honoris Montis Sancti
Angeli dominus, attendentes quod cum Stephanus Caire, quondam judex Tharasconis,
occasione cujusdam rixe que facta fuerat, ut dicebatur, [276] inter homines castri Sallonis et
castri Alamanonis, dudum contra Guiraudum Laguisselli tunc vicarium et quosdam homines
et etiam universitatem hominum ejusdem castri Sallonis, et contra familiares quosdam
venerabilis patris domini B. Dei gratia Arelatensis archiepiscopi, quosdam fecisset processus,
et post inquisitionem quandam per eum super hiis habitam, predictos vicarium, homines et
universitatem ac familiares, occasione contumaciarum, quasdam condempnationes, summas
undecim milium librarum vel paulo minus tangentes, sentencialiter protulisset, predictus
dominus archiepiscopus asserens dictos processus et dictas condempnationes sive sententias
iniquitatem apertam et plures eciam continere defectus, apud nos multipliciter institit, et
attente quod ipsos processus easdemque sententias quatinus processerunt de facto, totaliter
reprobamus, revocamus et adnullamus, et nullos pronunciamus et nullas.
Et cum longe antea, dum rixa predicta fuerat facta recenter, alia quedam inquisitio super ea,
per eandem curiam Tharasconis facta fuisset, que nullum dicitur habuisse finalem effectum,
quin potius per virum nobilem Guillelmum de Lagonessa, militem, tunc senescallum Provincie.
cum suo consilio, tanquam impertinens, mandata fuisse dicitur de libris ejusdem curie
cancellari, super qua dictus Guiraudus vicarius eidem curie fideijussores prestitit Bertrandum
Albarici et quondam Jacobum Gantelmi, milites et Rostagnum de Sancto Ylario, burgensem de
Tharascone, premissum vicarium et fideijussores eosdem penitus absolvimus et reddimus
absolutos, processus eosdem et ipsas condempnationes et sententias de libris curie
Tharasconis predicte totaliter aboleri et eciam cancellari ac insuper instrumenta quelibet inde
confecta deleri mandantes [...]

Factum et datum Aquis, III Kalendas Octobris, anno MCCLXXIX1101

_____________

[277]

ipsius, jurisdictioni seu commissioni dicti judicis sive curie supradicte, nec jurisdictionem ejusdem in aliquo
prorogare vel etiam ampliare [...]” (Chartrier de Salon, n°’ 112 et 113).
1099
Ce n'était pas le seul procès dont l’archevêque ait obtenu la révocation. La Rubrique de l’Archevêché signale
une ordonnance du Sénéchal de Provence du 13 Janvier 1276/7 qui déclare nuls les actes de juridiction exercés
par le viguier de Tarascon et fait relâcher un ecclésiastique que le juge séculier d’Arles avait fait emprisonner.
1100
2020: Raimond-Bérenger IV ou V de Provence, ( ou Ramon-Berenguer en catalan, ou Ramon-Berenguier en
provencal-occitan) né vers 1198 et mort le 19 août 1245 à Aix.
1101
(Livre noir: f° 166). Gallia christiana novissima, Arles, n° 1306 (extraits) [2020]: accessible ici sur Internet
Archive.

175
II - Liste des principaux Officiers seigneuriaux

Villicus

Bertrand Giraud, 1159.

Bayles

Bertrand de Rosson, 1206 6 Juin.


Raymond de Barjols, 1220 16 Mai.
Raymond Beroard de Saint Marcel, 1227 30 Mars.
Geofroy Barrière, 1233 7 Novembre.
Pierre Guillaume, 1242 Août. - 1243 28 Septembre.
Guillaume de Saint Julien, chevalier, 1253 11 Avril. -1234 18 Mars.
Bonaventure Cambi, 1261 13 Septembre. -1262 18 Janvier.
Hugues de Cornillon, chevalier, 1265 3 Février. - 1266 7 Juin.
Benoit de Ribayca, bayle et juge, 1269 1er Avril.

Viguiers

Isnard Garin, chevalier, 1268 26 Mars. - 1268 19 Juillet.


Giraud Languissel, chevalier, 1275 29 Novembre. - 1279 28 Septembre
Guillaume de Fabricis, chevalier, 1290 30 Mai. - 1302 23 Février.
Arnaud de Barda, damoiseau, 1305 24 Juin.
Aymeric de Villa,. 1324 22 Août. - 1327 22 Juin.
Guillaume de Cornillon, chevalier, 1328 17 Octobre. - 1341 15 Juillet.
Raymond Crote, damoiseau, 1341 5 Novembre.
Raymond de Podio Auriolo, chevalier, 1350 22 Octobre. - 1353 1er Février.
Jean de Levetz, chevalier, 1356 3 Octobre.
Guillaume de Penacors, chevalier, capitaine, 1360 20 Octobre - 1361.
Jean de Levetz, chevalier, 1364 17 Juillet. - 1368 30 Octobre.
Aymeric de Garde, capitaine, 1369 19 Avril.
N. Viguier; pour le pape 1369 21 Août.
Pierre Adhémard, damoiseau, capitaine 1385 1er Décembre.
Henri de Chissiac, damoiseau, 1388 9 Mars.
Pierre Adhémar, damoiseau, capitaine, 1393 19 Décembre. - 1394 15 Octobre.
Raymond de Mondragon, chevalier, capitaine, 1395 23 Mai. - 1399 21 Mai.

176
noble Jean Malpouchoutz, capitaine, 1399.
noble Georges de Autissaro, 1401 8 Octobre,
noble Hugues de Villano, damoiseau, 1403 31 Août,
noble Raymond Bermond, 1405 8 Juillet. —1408 12 Décembre,
noble Pierre Martin, 1409 3 Octobre,
noble Arnaud Charpin, 1411 1er Janvier,
noble Etienne Lermine, damoiseau, 1412 9 Mai. * 1417 9 Décembre.
noble Pierre de Lamanon, 1425 25 Août,
noble Pierre Alamand, 1428 25 Août. — 1430 Décembre.
Hugues Alamand, chevalier, 1431 Janvier. - 1431 24 Juin
Laurent Isnard, 1432 18 Octobre.
Hugues Alamand, 1434 21 Mars.
Jean de Saint Michel, chev. capitaine, 1446 28 Mai.
Foulque Rigaud, chevalier, capitaine, 1447 7 Mai - 1448 8 Juin.
noble Jean Ruffi, 1450 .
Arnautholet de Domisano, capitaine 1434 16 Mai. - 1457 4 Juin.
noble Jean Porcellet, capitaine 1438 14 Septembre.
Arnautholet de Domisano, capitaine 1459.
noble Arnaud Long 1464 9 Juillet,
noble Jean Ruffi, 1467 4 Août.

Juges

Bertrand Guigues, 1265 3 Février.


Benoit de Ribauca, baile et juge 1269 1er Avril.
Pierre Roubaud, 1287 11 Octobre.
Guillaume Ebrard, 1293 8 Mai.
Jean Bermond, 1298 Mai.
Jean Bonet, 1299 21 Janvier.
Martin Mathei, 1300 17 Novembre. - 1301 23 Septembre.
Pierre Cathalan, 1304 Mars-Novembre.
Guillaume Primairan 1306 18 Février.
Pierre Cathalan, 1310 10 Décembre.
Guillaume Limosin, vice official et juge, 1327 22 Juin.
Simon de Vilaca, 1332 2 Janvier.
Arnaud Hélie, 1332 17 Août.
Simon de Vilaca, 1332 28 Août.
Arnaud Hélie, 1333 12 Juillet. - 1335 13 Novembre,
[279]
Palamède de Lodano1102, 1341 15 Juillet.
Jean Virgile, vice official et juge.

1102
Un Giovannino de Lodano mentionné in Les relations commerciales entre Gênes, la Belgique et l'Outremont:
d'après les archives notariales génoises, 1320-1400

177
Rostang Jourdan, vice official et juge, 1345 8 Avril. - 1348 26 Mars.
Jean de Chalmo, vice official et juge, 1350 6 Novembre.
Raymond Tholzan, vice official et juge, 1351 28 Mars. - 1353 1er Février.
François Esmirle, chevalier, 1354 23 Janvier. - 1359 9 Mars.
Rostang Rigord, 1359 28 Novembre. - 1365 10 Août.
Jean Issautier. bachelier en lois, 1366 1er Janvier.
Nicolas Gilabert: 1367 27 Septembre.
Jean Yssart, 1368 30 Octobre.
Guillaume Pierre, juge pour le pape, 1370 8 Février.
noble Raymond de Martel, 1385 1er Décembre.
noble Bernard Marrel. bachelier en lois, 1391. - 1403 31 Août .
noble Michel Contestin, 1407 17 Mai. - 1409 7 Février,
noble Guillaume de Gourdon, bachelier, 1411 6 Septembre .
noble Jean de Lodesio, licencié, 1413 4 Juillet. - 1413 28 Février.
noble Thomas de Bourgogne, bachelier, 1415 7 Octobre. - 1417 13 Janvier.
Guillaume Gaudin, bachelier, 1425 23 Août. - 1444 4 Juin.
Antoine Faucher, 1457 4 Juin
Philibert Brun, 1459.
Pierre de Byonens, 1459 9 Juin.
Jean Besson, bachelier, 1465 4 Octobre.
Jean Redortier, 1480.

Clavaires

Guillaume Murator 1304 5 Août.


Guillaume Rolland,. 1324 22 Août. - 1333 12 Juillet.
Guillaume Pierre d’Etampes, 1344 5 Février - 1348 11 Mars.
Guillaume Rolland, 1348 19 Avril .
Foulque Perrier, 1349 7 Février - 1350 4 Novembre.
Jean Jasbert, 1354 23 Janvier. - 1355 16 Octobre.
Jean de Chamayrac, 1358 8 Mai .
Jean Jasbert, 1359 28 Novembre.
Jean de Chamayrac, 1362 21 Décembre.
Id. vice official et clavaire, 1368 30 Octobre .
Guillaume Mereuil, notaire, 1369 14 Novembre. - 1370 13 Novembre.
Pierre Bori, 1371 13 Mars.
Martin Dubois, 1378 22 Novembre - 1380 14 Mai.
Pierre Merle, vice official et clavaire, 1384 30 Avril.
Guillaume Arnaud, official et clavaire, 1390 5 Septembre;
[280]
Bernard Calvet, vice official et clavaire, 1392 15 Mai. - 1494 15 Octobre.
Arnaud Martial, vice official et clavaire, 1397 8 Janvier
Hugues Rostang, vice official et clavaire, 1398 4 Février.

178
Pierre Davin, vice official et clavaire, 1399 23 Août. - 1402 20 Mars.
Mathieu Villars, vice official et clavaire, 1402 28 Mai.
Hugues Rostang, vice official et clavaire, 1404 8 Janvier.
Laurent Isnard, vice official et clavaire, 1405 13 Avril
Thomas Vergaville, vice official et clavaire, 1406 9 Juin. - 1407 17 Mai,
Giraud Hispane, clavaire, prêtre, 1410 21 Mars.
Raymond de Vingiac, official et clavaire, 1415 28 Mars - 1420 2 Octobre.
Sigfrid de Ruppe, notaire, 1422 10 Décembre.
Jean de Pérouse, official et clavaire, 1427 14 Mai. - 1430 7 Août.
Barthélemy Colhard, prêtre. 1431 12 Mars.— 1442 15 Novembre,
noble Etienne Chapelle, 1445 19 Mai.— 1448 8 Juin.
Barthélemy Colhard, prêtre, 1430 18 Février.
Guillaume de Bruxeto, official et clavaire, 1430 18 Mars. - 1431 14 Juin;
Laurent Michel, 1454 14 Avril.
Antoine Abel, 1460 19 Avril. - 1457 4 Juin.

III - Liste des Procureurs-Syndics temporaires

Hugues Fournier, chevalier, 1235 7 Novembre


[ 1103] Fournier.
Pierre Succa

Hugues Fournier, 1241 29 Novembre


[ ] Fournier.
Raymond Bertrand.

Guillaume de Faïsses, 1247 16 Juin.

Barjol de Faïsses, chevalier, 1231 7 Août


Guillaume de Faïsses, chevalier.
Pierre de Barjols.
Ferrier, drapier.
Bertrand Capard.
[281]
Amiel Baston, chevalier, 1254 1er Avril.
Barjol de Faïsses, chevalier.
Guillaume de Faïsses, chevalier.
Hugues Staque, probus homo.
Raymond Capard. id.

1103
2020: probablement un homonyme dont le prénom a été perdu.

179
Hugues Jean, id.

Guillaume Vaquier, 1275 29 Novembre.


.Raymond Capard,

Raymond Capard, 1290 10 Avril.

Bertrand de Faïsses, 1293 8 Mai1104.


Jacques Crota.
Guillaume Raymond, boucher.
Pons Agneda.

Bertrand de Faïsses, damoiseau, 1305 24 Juin.


Pierre Teissier, marchand.
Hugues de Cornillon, marchand.

Pierre Suave, tisseur de chanvre, 1327 2 Juin.


Bernard Bernardi.
Bernard Ruffi.
Pierre Gervais.
Jean Agathe.
Bernard Philippe.
Jacques de Vic.
Jean Chabert.
Hugues Pinator.
Pierre Matharon.
Hugues de Cornillon, drapier.

Raymond Crota, damoiseau, 1332 23 Juin.


Rostang Rigord, jurisconsulte.
Rostang Matharon.

IV - Liste des Syndics permanents

Jacques Bourguignon, 1364 9 Juillet.


Hugues Chabert, 1365 9 Février.
Jean Vimand.
Baudoin Baudin.
[282]
Jean Milon, damoiseau, avant 1365 11 Juin.
Hugues Chabert.

1104
2020: la date exacte de promulgation des Statuts de 1293.

180
Jacques Matharon.
Jean Raymond.
Baudoin Baudin.
Jean Capard.

Jacques Roboard. 1365 11 Juin


Pons Bourguignon
Dominique Gervais.
Hugues Abel.

Jean Raymond, 1366 1er Janvier.


Pons Bourguignon.

Alexis Baile? 1367?


Pierre Matharon.

Jean Raymond, 1367 3 novembre.


Jacques Matharon.
Baudoin Baudin.

Jean Raymond, 1367 27 Décembre.


Jean Capard.
Baudoin Baudin.

Jacques Roboard, notaire, 1368 30 Octobre.


Pons Bourguignon.
Baudoin Baudin.

Jacques Roboard, notaire, 1369 21 Août,


Jacques Matharon, marchand.
Jean Milon.

Jean Capard, 1371 7 Septembre.


Jacques Matharon.

Rostang Pinatelle, notaire, 1373, 13 Février.


Jacques Roboard, id.
Jean Astier, id.

Bertrand de Garde, chevalier, 1388 9 Mars.


Jacques Franc, notaire.
Durand Bourguignon.

Rostang Gervais, 1390 8 Mars.


Jacques Durant, notaire.

181
Jean Boyer.
[283]
Raymond Frenier, menuisier, 1394 15 Octobre, - 1397 6 Juin

Jean Boyer, 1400 17 Janvier.


Hugues Peiraton.

Jean Boyer, 1401 20 Février.


Bertrand Jausserand.

Pierre Rix, 1403 13 Juin.


François Abel.

noble Louis Isnard, 1405 6 Juin.


Louis Chabert.
assesseur; Foulques Chantelme, jurisconsulte.

Elzéar Roard, 1408 4 Avril.


Bertrand Jausserand.

noble Georges d’Aurons, 1408 12 Décembre.


Guillaume Arnaud.

Raymond Girard, 1410 23 Décembre. - 1411 18 Mai.


Guillaume Gaudin.

Foulques Chantelme, jurisconsulte, 1412 12 Eévrier.


Guillaume Salon,

noble Georges d’Aurons, 1415 9 Janvier.


Guillaume de Cornillon.

Jacques Abel, 1415 7 Mai.

Jean Salamon, notaire, 1415 7 Octobre.

Pierre Ruffi, 1417 18 Novembre.


Bérenger Capard.

Guillaume de Cornillon, 1419 24 Février.

Gilles Raymond, 1421, 3 Mars.


Guillaume Capard,

noble Antoine Ruffi, 1427 Février.

182
Bernard Salamon

Bertrand Martin, damoiseau, 1428 19 Janvier,

noble Jacques Matharon, 1428 19 Avril.


[284]
Jacques de Lamanon, damoiseau 1432 18 Octobre.
Antoine Spitalier,
assesseur : Léonard Durant.

noble Jacques de Lamanon, 1433 16 Février,


noble Pierre Bonhomme.
assesseur : Guillaume Capard, bachelier en décrets.

noble Bérenger Gaudin, 1433 21 Juillet,


noble Trophime Bernard.

Pierre Bonhomme, “burgensis”, 1443.


Monachus Alfanti, notaire

Antoine Peiraton, 1443 22 Octobre.


Bertrand de Cornillon.

noble Pierre Boniface, 1446 28 Mai.


Jean Astier.

noble Jacques de Lamanon 1447 13 Octobre.


Jean Suave.

noble Laurent Isnard, 1450 5 Janvier.


Pierre Giraud.

Ysoard Guinier, notaire, 1450 17 Juillet.

Guillaume Capard, 1451 ier Avril.

Cirice Malevetule1105, notaire. 1453 12 Février.

Elzéard Roard, 1461.


Pierre Matharon.

Antoine Viguier, 1465 4 Octobre.

1105
2020: on note un “clapier de Malevetule”, près de Mauguio in Histoire d'une seigneurie du Midi de la France
[...]: Naissance de Montpellier, 985-1213

183
Hugues Abeille.

noble Antoine Ruffi, 1467 4 Août.


Pierre Giraud.

Bertrand Peiraton, 1470.


Monachus Alfanti, notaire.

Pierre Matharon, 1476.


Bertrand Sarrator.

Antoine Pelletier, tanneur, 1480 8 Novembre.


Cirice Astier, pelletier.

184
[285]

Pièces Justificatives
[286,7]

I - Anciens Statuts de Salon1106

Archives dép. des B.du-Rh. Série G.


Fonds de l’archevêché d’Arles
Livre vert: f° 190.

Hec sunt statuta antiqua de Sallone et sic incipiunt: hec sunt statuta archiepiscopi.

(1) In primis ut macellarii non lucrentur nisi unum nummum in duodecim denariis; et ut perdices vel
aves non emant, ut revendant; pisces in Quadragesima non emant, ut revendant, ante nonam;
tempore carnali, ante meridiem. Pecudes que non cultello sed fatali morbo moriuntur nulla ratione in
foro vendant. Carnes a judeis nulla ratione dilaniari faciant.

(2) Panatarii in sextario non lucrentur nisi tres nummos et insuper furfur valens III denarios.

(3) Mensuram panis vel nullus teneat nisi qualis fuerit in domo ejus.

(4) Bannum bladi ne abstraatur, quocienscumque positum fuerit; si quis fregerit, bladum perdat et
viginti det.

(5) Et ut molendinari nisi sextam partem decimam ratione multure non accipiant.

(6) Bannum cuniculorum si quis fregerit LVti solidos dabit; et si in nocte cum canibus et furone inventus
fuerit, perinde sit ac si fregisset; furonem nullus teneat nisi in tempore venationis, et si fecerit, XXti
solidos dabit.

(7) Cannam et libram nullus teneat, nisi illam quam bajulus assignaverit, et si fecerit, XXti solidos dabit.

(8) Si quis arbores fructiferas transplantaverit, vel erradicaverit, inciderit, V solidos dabit domino, et
de mayllole, 1 denarium, et justiciam archiepiscopo quam voluerit.

(9) Boves et oves in nullo tempore in vineas intrabunt, et si fecerunt, bannum resarcient et bannum
dabunt.

[288]

1106
[2020] Une présentation avec traduction et parallélisation avec ceux de 1293 est accessible ici

185
(10) Fimum vel aliquod sordidum nullus in villa vel in carrerias, vel in anbarria, ponat, et si fecerit, V
solidos dabit, et insuper in terris archiepiscopi portabit.

(11) Si quis domum in nocte fregerit, vel aliquid furatus fuerit, vel tegiam fregerit, vel aliquem cultello
vel gladio percusserit, ipse et omnia bona sua banno archiepiscopi subjacebit.

(12) Si quis per barrias ingressus fuerit, vel inde se vel aliquid nocte projecerit, omnia bona sua
confiscabuntur et ipse banno archiepiscopi subjacebit.

(13) Si in tempore messium, die vel nocte, quis furatus guarbas fuerit, per furtum1107 emendabit et
justiciam archiepiscopi, videlicet XXti solidos, vel amplius, si poterit, dabit.

(14) Si quis vinum accunctari fecerit, et mensuram quam posuerit innovaverit vel falsaverit fustetur et
XXti solidos domino dabit.

(15) Si quis filium habuerit in domo sua comedentem panem suum et vinum, et ille fuerit furatus per
aliquem vicinorum suorum (vel) injuriatus, pater de injuria vel furto filii tenebitur.

(16) Si quis rapine furtum fecerit vel injuriam, vel aliquem vulneraverit, et cum archiepiscopus in
castrum venerit, aut fugerit et venire ante eum noluerit, amplius in castrum habitare non debebit et
omnia bona sua confiscentur.

(17) Si quis vicinum suum cum extraneo prodiderit, vendiderit, vel capi fecerit, et ipse destruatur et
omnia bona sua domino archiepiscopo subjacebunt.

Ista statuta scripta erant in quadam carta antiqua signata in sui principio per medium alfabetum et in
dorso ejus erat rubrica talis videlicet: de consuetudinibus Sellonis.

Date: Ces statuts mentionnant le bayle (art. 7) doivent se placer entre 1159, date à laquelle existe
encore un villicus, et 1269, date de l’apparition du viguier. Ils sont probablement antérieurs à 1253,
date à laquelle les bouchers de Salon reçoivent de Jean Baussan l’autorisation de construire une
boucherie "massellum", car ils emploient le mot "forum" (art. 1).

Enfin l'emploi de "nummus", fréquent au XIIe siècle ne se rencontre plus au XIIIe siècle dans les chartes
de cette région. On peut toutefois admettre que les art. 1 et 2 reproduisent à cet égard des
dispositions plus anciennes.

1107
Pro furto.

186
[289]

II - Prise de corps de l’autorité de l’Archevêque contre Guillaume de


Barjols, de Salon

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Série G (non classée)


Fonds de l’Archevêché d’Arles
Livre noir: f° 113 v°; Livre rouge: f° 227; Livre vert; f° 167 v°
Court fragment dans Gallia Christiana novissima, Arles, n° 10061108

Gabardel, 1235, 7 novembre

Anno incarnacionis dominice M.CC.XXXV.VII idus Novembris, Gaufridus Barreria bajulus castri Sallonis
pro domino J. Dei gratia sancte Arelatensis ecclesie archiepiscopo, anctoritate ejusdem domini
archiepiscopi, precepit Ugoni Fornerio et Pontio Succa sub quanta pena dictus dominus archiepiscopus
vellet eos punire quod pro omni posse suo curent et effîciant quod Guillelmus de Bariolis, filius
quondam Raymundi de Bariolis, sit in posse dicti domini archiepiscopi; et preterea dictus bajulus
totum posse suum bajulie, quantum ad hoc factum pertinebat. dedit et commisit specialiter
supradictis Hugoni Fornerio et Pontio Succa et sub simili forma et pena precepit predictus bajulus
fratribus dicti Guillelmi de Bariolis et omnibus militibus et hominibus castri Sallonis ibi astantibus quod
pro toto posse suo curent et efficiant quod dictus G. de Bariolis sit in posse domini archiepiscopi
supradicti, et sint obedientes quantum ad hoc factum Ugoni Fornerio et Pontio Succa prediclis sicut
domino Arelatensi archiepiscopo supradicto.

Post hoc predicti Hugo Fornerius et Fornerius et Pontius Succa, cum voluntate populi castri Sallonis ibi
astantis et rogantiis, receperunt misericordia dicti domini archiepiscopi predictum Guillelmum de
Bariolis in hac forma, videlicet quod dictus dominus archiepiscopus puniret dictum Guillelmum de
Bariolis in quantum vellet peccuniariter et non corporaliter. Et [290] preterea quod dictus Guillelmus
fieret exul1109 ultra mare vel ubicumque dominus archiepiscopus vellet.

Et hoc facto, videlicet predicto Guillelmo de Bariolis ut supradictum est recepto, predicti Hugo
Fornerius et Fornerius et Pontius Succa rogaverunt dictum Gaufridum Barreria bajulum ut tanquam
principalis actor et capud prornitteret dicto Guillelmo de Bariolis et amicis ejus ut idem Guillelmus non
puniretur a domino archiepiscopo corporaliter set peccuniariter et quod fieret exul; et dictus
Gaufridus Barreria noluit hoc promittere sicut principalis et sicut capud. sed sicut ut ordinatus qui non
debet tractare nec efficere mortem alicujus Christian: efiam si interfecisset fratrem suum. Promisit eis
quod pro omni posse suo et sensu curaret et efficeret sicut pro fratre suo uterino quod predictus
dominus archiepiscopus haberet erga dictum G. de Bariolis misericordiam supradictam.

1108
2020: accessible ici sur Internet Archive.
1109
2020: exul in Du Cange: pro Peregrinus

187
Actum est hoc ante stare de Gabardell a parte occidentali, presentibus testibus [...] et tota raida1110
castri Sallonis.

1110
2020: rayda in Du Cange, Incursio militaris, seu, ut hic sumitur, Clamor excitans ad injiciendas manus in
aliquem. Le cri de guerre, et par extension, une troupe armée.

188
[291]

III - L’Archevêque accorde aux bouchers de Salon l’autorisation de


construire une boucherie

Archives départementales des Bouches-du-Rhône. Série G


Fonds de l’Archevêché d’Arles
Livre vert: f° 367 v°. vidimus de 1327

Salon, 1253, 9 Avril

Nos Johannes [...] donamus ad acapitum perpetuum sive in emphiteosim perpetuam vobis, Guilelmo
Raimundi, Pelegrino de Auronis et Johanni Garnerio et Gaufrido Nigro et Guilelmo Calverie,
massellariis castri Sallonis habitantibus, presentibus, recipientibus atque acaptantibus vestro nomine
et nomine omnium massellariorum in Castro Sallonis habitantium, et per vos eisdem et vestris
successoribus et omnibus quibuscurnque, cum consensu nostro vel successorum nostrorum [...]
scilicet masselium in Castro Sallonis in perpetuum, videlicet quod possitis et debeatis edificare et
facere massellum super vallatum castri Sallonis prout confrontat ipsa vallata ab una parte cum ambaris
et ex alia parte cum domo Confrarie1111 et cum stari1112 de Capbuon et ab alia parte cum quareria
publica qua itur ad fontem Sallonis, in quo quidem massello retinemus nobis per nos et nostros
successores archiepiscopos, constituimus [...] quod omnes et singuli massellarii castri Sallonis [...] qui
tabulas tenere et habere voluerint ad vendendum carnes rescentes et bonas, ibidem teneant et
vendant et non in alio loco Sallonis [...] et si non fecerit [...] quod illas carnes amitat et insuper curia
nostra castri Sallonis habeat et habere debeat ab eo quocienscumque contraveniret XXti solidos
turonenses pro pena; qualibet vero tabularum [...] que fient infra dictum massellum habeat decem
palmo canne in longurn sive in longitudinem et sex palmos canne in amplo et duos palmos retro [...]

Nos vero retinemus [...] in qualibet tabula [...] duos quarterios mutonis in vigilia Nativitatis Domini
annis singulis solvendis, et confitemus nos inde [...] recepisse a vobis nomine acapiti pro qualibet
tabula [...] decem solidos turonenses [...] Actum est hoc in porticu inferiori archiepiscopalis castri
Sallonis.

Testes [...] dominus Guilelmus de Sancto Juliano, miles, bajulus castri Sallonis [...]

1111
2020: la maison de la Confrérie, mentionnée p. [96]
1112
2020: stari? cf STARE, Estare, Domus, ubi quis stat, seu manet.

189
[292]

IV - Sentence d'excommunication de l'archevêque d’Arles contre


Jean de Burlac, sénéchal de Provence, et d'autres officiers qui
entravent la tenue de la foire et du marché de Salon

Archives départementales des Bouches-du-Rhône


Chartrier de Salon: n° 114, original parchemin
B. N. — Cartularium Provinciae (n ac. lat. 1369): f° 529
Indiq. dans Gall. christ. nov. n° 13051113

Salon, 1279, 20 Août

Bernardus, sola miseratione divina sancte Arelatensis ecelesie archiepiscopus, venerabili in Christo
patri domino B. Dei gratia episcopo Tricastrinensi, salutem in eo qui Petri naviculam mergi non sustinet
in procellis. Cimi propter excessus enormes per virum nobilem Johannem de Burlacio, militem,
senesquallum Provincie, persecutorem et tirannum ecclesie manifestum, suosque sequaces contra
nos et Arelatensem ecclesiam temerarie perpetratos, quos plene colligere poteritis ex nostris
processibus, quos vobis in brevi, dante Domino, proponimus desfinare, senescallum eumdem, nec non
Sparolum de Baro, majorera judicem Provincie, Gaufridum Monachi, prepoitum Bariolensem, virura
nobilem Isnardum de Ponteves, vicarium Massiliensis curie secularis, Baxianetura de Caxiolis,
advocatura curie comitalis in Provincia, Raymundum Atanulphi, bajulum, et Bertrandum Beroardi,
judicem Aquenses, necnon Thomam Arelatensem et Maximum Tharasconis vicarios, et quoslibet
terrarum seu locorum dominos et ballivos, qui, auctoritate predictorum, vel motu proprio,
preconizationes, precepta, banna, statuta, interdicta, sive mandata aperta, tacita vel occulta, per se
vel per alios, faciunt ant fecerunt, propterque nostre nundine, que in festo Sancti Laurenti apud
castrum nostrum Sallonis, et mercatum, in diebus Sabbati, consueverunt et solent ibidem fieri ab
antique, sunt penitus adnullate, et per que nobis et hominibus nostris victualia, commercia et alia vite
[293] hominum necessaria tic lerra comilatus Provincie nimis inhumaniter sunt substracta, nec non
Stephanum Caire, quondam judicem Tharasconis, atque Raymundum Columbi et Leonardum de
Casulartio, judices olim Arelatenses, et Bertrandum Lombardum, quondam clavarium Arelatis, et
generaliter omnes coadjutores, consiliarios et fautores eorum, faciamus excomunicatos per singulas
nostre civitatis ecclesias, ut est moris publice nuntiari; et in locis ubi fuerint supradicti senesquallus,
judex major, prepositus Bariolensis, vicarii Arelatensis, Massiliensis ac Tharasconis, ac bajulus et judex
Aquenses, atque Baxianetus advocatus, mandaverimus a divinis cessari, quamdiu fuerint in eisdem,
fraternitatem vestram rogamus attente, sicut licet et expedit, tenore presentium, auctoritate consilii
provincialis et nostra firmiter et districte mandantes, quatinus ad denunciationes consimiles diebus
singulis faciendas per vestre civitatis et diocesis ecclesias, visis presentibus, omni excusatione
postposita, de cetero faciatis procedi, et interdictum, postquam predicti proxime nominati tertio
denunciati fuerint, in vestra civitate seu diocesi juxta formam premissam firmiter observari secundum

1113
Gallia christiana novissima, Arles, n° 1305 [2020: accessible ici sur Internet Archive]

190
modum quem in quadam cedula cum presentibus vestre sollicitudini destinamus, donec vobis alind
duxerimus intimandum. Insuper etiam, predictos Stephanum Caire, Raymundum Columbi, Leonardum
de Casulartio et Bertrandum Lombardi, qui per biennium et amplius, propter suos excessus
enormissimos contra nos et Arelatensem ecclesiam perpetratos, excomunicati obstinata malicia
perstiterunt, quod non caret scrupulo heretice1114 pravitatis, in ecclesiis nostre civitatis et diocesis
publice vel alias personaliter, si copia poterit eorum haberi, citari mandetis, ut in crastinum instantis
festi Sancti Mathei evangeliste, videlicet X Kalendas Octobris, apud Sallonem, omni excusatione
postposita, personaliter et peremtorie compareant coram nobis super fide catholica responsuri;
alioquin ex tunc contra eos tanquam contra suspectos de heresi, prout sua debit justicia, procedemus.
In signum autem executionis hujus modi debite super premissis omnibus faciende, vestrum
presentibus appendatis sigillum, ipsas cum vestris litteris, quas vestris prioribus, rectoribus, vicariis et
capellanis direxeritis, eorum sigillis, ut moris est, appensis in eis, nobis quanto cum poteritis,
transmissuri.

Datum Sallone, XIII Kalendas Septembris, anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo nono.

1114
2020: scrupulo heretice pravitatis: le soupçon de dépravation hérétique, une formule consacrée.

191
[294]

V - Statuts de la cour temporelle de Salon

Archives départementales des Bouches-du-Rhône : Livre vert. f° 26 v° à f° 34, copie contemporaine.


Chartrier de Salon: n°11, vidimus du 1er Janvier 1365.
Livre de la Communauté de Salon, f° 1142 et suiv., copie du XVe siècle.
Archives municipales de Salon : Livre blanc, f° 32 et suiv., copie de 1616.
Publiés par Giraud (t. II, p, 246 et suiv.) et par Gimon (p. 724 et suiv.) d’après le Livre blanc1115.

Salon, 1293, 8 Mai

Hæc sunt statuta curie Sallonis

Formavit Deus hominem rectum; ipse vero se in infinitis miscuit questionibus, unde propter hominum
malitiam factum est ut plura sint negotia quam vocabula. Deus vero bonus existens et omnis boni
tributor a quo longe relegata est invidia, omnia sciens et unicuique quod confert providens, quidem
utile nobis est revelavit, primo scribens jus naturale in corde humano; secundo ab ipso nobis data esL
lex per Moysen et alios prophetas; demum successit euvangelica doctrina et apostolica. Que1116 nobis
divinitus tradita suscipimus veneramur, ipsis quippe tenemur humiliter obedire, nichil ultra hec
inquirentes firmiter corde credendo et ore fideliter confitendo singula que in eis scripta sunt,
captivantes intellectus nostros in obsequium Jhesu Christi. Sed quia humana natura prona est in
malum ab adoIescentia sua, Humana jura inventa sunt ut per ea hominum coherceatur audacia,
tutaque sit inter inprobos innoscentia.
Eapropter in nomine Domini et Salvatoris nostri Jhesu Christi, nos, Rostagnus, miseracione divina
sancte arelatensis ecclesie archiepiscopus, antica statuta terre nostre deliberatione provida cura
pluribusque prudentibus viris examinantes mature, attendentes quod secundum varietatem
temporum statuta quoque variari oportet et bene placito de concilie syndicorum ad [295] hoc ab
universitato castri nostri Sallonis more solito specialiter eloctorum, scilicet Bertrandi do Faisiis, Jacobi
Crote, Guillelmi Raymundi, macellarii et Poncii Agneda, et ipsorum consiliariorum specialiter per
dictam universitatem electorum, videlicet Jacobi Bastoni, Bertrandi de Bariolis, militum, Guillelmi
Bastoni, Bertrandi Fornerii, domicellorum, Petri Bermundi de Condamina Sallonis, P. Gancelmi,
Johannis de Clarmonte, Gilii Vaquerii, P. Atoni, jurisperitis, Philippi Ruffi et Gervasii Curaterii, ipsa
statuta innovamus, aliqua de novo statuentes vero nulla eciam temperantes et modificantes sicut
vidimus et probavimus statui prospero terre nostre et tempori convenire.

I Quis habeatur pro habitatore castri Sallonis.


In primis statuimus quod quicumque voluerit esse vel fuerit habitator vel mansionarius vel inquilinus
castri Sallonis, infra octo dies postquam venerit in castro Sallonis, ut sit mansionarius habitator vel

1115
2020: Édition bilingue annotée accessible ici.
1116
2020: cette ponctuation .”..apostolica. Que [...]” est surprenante au vu du sens de la phrase “la doctrine
évangélique et apostolique que nous avons reçue par tradition divine”

192
inquilinus, juret fidelitatem nobis archiepiscopo, et faciat homagium si presentes sumus pro nobis et
nostris successoribus et ecclesia arelatensi recipientibus.
Si vero presentes non sumus, juret et faciat fidelitatem et homagium in manu nostri vicarii recipientis
pro nobis in ecclesia arelatensi, et terciam partem bonorum suorum mobilium in castro Sallonis infra
sex menses in possessionibus ponere teneatur.
Et quando cumque presentes erimus, in nostris manibus renovet supradicta si fuerit requisitus;
alioquin pro mansionario habitatore vel inquilino non habeatur, et nichil ab eo curia nostra C. solidos
habeat pro pena.

II Quod filia dotata a parentibus vel fratribus super frairesca postmodum non audiatur.
Item statuimus quod si aliquis miles vel probus homo vel mulier de castro Sallonis maritaverit et
dotaverit filiam suam, et postea filia dotata vel ejus heredes vellent exigere frairescam a parentibus
seu a fratre vel a fratribus, in hereditate paterna vel materna, non audiatur a curia nostra eciam si
voluerit vel noluerit conferre dotem.

Item statuimus de fratribus : si sine fraude maritaverunt et dotaverunt sororem vel sorores, quod
postea sorores vel eorum heredes non possunt exigere frairescam a fratre vel a fratribus, etiam si
voluerit conferre dotem vel dotes.

Hec tunc locum habere volumus et dicimus si mulieres constitutis sibi dotibus contente fuerint et
juraverint se super rebus [296] paternis aut maternis questionem aliquam patribus vel matribus sue
fratribus vel aliis non moturas.

Hoc tamen prædictis dicimus non nocere feminis maritatis a patre vel a matre, a fratre vel a fratribus,
si pater vel mater, frater vel fratres decesserint ab intestato et absque legitima sui corporis prole.

III De pignorationibus.
Nullus homo de castro Sallonis pignoret, sine authoritate, aliquem hominem de eodem castro nec
extraneum, pro se nec pro alio, nec aliter offendat, nisi prius requisita et habita licencia a curia nostra,
nec ei prosit aliqua renunciatio facta a fidejussore sive debitore. Et si contra venerint, puniantur
arbitrio curiæ nostræ; si vero extranei erga homines nostros se habuerint aliter quam erga se ipsos,
quod ipsi extranei in nostris hominibus servaverint, illud in quantum juste possumus promittimus
observari.

IV De fidejussoribus.
Nullus homo de castro Salonis accipiat in fidejussorem nec in solutorem aliquem alium de eodem
castro, pro extraneo, ultra summam XXV solidorum coronatorum. Et si eum acceperit ultra summam
prædictam, non teneatur ei fidejussor nec solutor, nisi tantum in dictis XXV solidis; nec prosit aliqua
renuntiatio facta a fidejussore nec a solutore.

Nullum reputamus extraneum qui sit de juredictione nostra, videlicet de Sallone, de Granis, de
Cornilione, de Sancto-Amantio, de Alvernico, de Auronis, de Sancto-Mitrio, de Castro-Veteri, de

193
Vaqueriis, de Sancto-Martino de Palude Majori. Nec aliquis de castro Salonis conqueratur de
fidejussore nec de solutore habitatore ejusdem castri, dummodo inveniat principalem debitorem
solvendo, et intelligatur tantum de illis fidejussoribus et debitoribus qui sunt de juredictione nostra,
quantumcumque renunciaverit fidejussor seu solutor. Et si plures sunt fidejussores non possit creditor
eligere unum, ita quod tantum ab illo petat, sed a quolibet prout solvendo fuerit et hoc pro solido et
libra quantum ad facultates cujuslibet, licet quilibet obligaverit se in solidum.

V De latis rubrica.
Item, statuimus quod si aliquis per diffinitivam sententiam lucratus fuerit causam suam in partem vel
in totum, pro ea parte pro qua obtinebit, nichil solvat de lata et pro ea quam victus [297] fuerit solvat.
Si vero totum obtinebit, exeat liber et absolutus et sine exactione lata a curia nostra.

Idem intelligimus si super aliquibus causis a judice vel a vicario nostro seu amicis comunibus amicabilis
compositio facta fuerit inter partes; scilicet quod qui per amicabilem compositionem lucratus fuerit
causam in solidum, similiter liber exeat a curia, et qui victus fuerit lite contestata per sentenciam vel
compositionem amicabilem, XVIII denarios de lata pro singulis libris nostræ curiæ solvere teneatur.

VI De censibus et tasquis et quartonibus et aliis servicis.


Item, statuimus quod quicumque habeat servicia censualia seu tascas seu quartones seu venationes,
seu aliquas alias censas, infra castrum Sallonis vel extra, in ejusdem castri territorio, et voluerit eas
vendere seu aliquo alio modo perpetuo alienare, ille qui facit servicium vel censam vel censas seu
venationes, omnibus aliis volentibus illud vel illas emere præferatur; præcipientes districtius quod
nullus fraudem committat in venditione prædictorum, sed revera possessoribus significet pro quanto
precio vendidit supradicta; siquis in fraudem vel decepcionem possessorum aliquid fecerit precium
augmentando, pro singulis libris totius precii rei venditæ, in V. solidis puniatur.
Adicientes preterea quod super dicto precio tam a vendente quam emente juramentum exigatur, ne
veritas per eorum alterum valeat occultari.
Et si post juramentum præstitum, de perjurio emptor vel venditor, commuti poterit convicti in
prædicta pœna V. solidorum pro libra et nichilominus in XX. solidorum coronatorum pro perjurio
puniatur.
Volentes insuper quod emphiteote seu possessores prædicti, censas, taschas vel venaciones hujus
modi infra duos dies a tempore denuntiacionis eis factæ in curia nostra per vicarium vel judicem, aut
vanent1117 ipsa emere volentibus aut procurent quo vendentur precio retinere et precium hujus modi
infra duos dies solvere teneantur.

VII Nemo referat sive improperet alicut culpam pro qua a curia fuerit punitus.
Item, statuimus quod ex quo aliquis pro culpa sua a curia nostra punitus fuerit, non præsumat aliquis
improperare illi culpam pro qua punitus fuerit. Si quis vero statuti hujus transgressor fuerit, puniatur
in V. solidis coronatis, vel aliter arbitrio curiæ, si solvendo non fuerit, puniatur.

1117
Vanent valeant

194
VIII Nullus projiciat cum balista vel archu infra Sallonem.
Item, statuimus quod nullus trahat infra castrum Salonis cum archu, nec cum balista nec cum archu
bodoquerio; et si [298] hoc fecerit, puniatur in II. solidos VI. denarios. Et hoc idem de ecclesia Sancti
Michælis et Sancti Laurentii volumus observari.

IX Nemo projiciat cum funda vel telo.


Item, statuimus quod nullus trahat cum fronda vel telo seu archu sagittario infra castrum Salonis, vel
extra prope mœnia per tractum balistæ; qui contrarium fecerit VI. denarios pro pœna solvere teneatur
et dampnum nichilominus si quod dederit, restituat ipsum passo.

X De panateriis et furneriis.
Panaterie non lucrentur in sestario nisi tantum quatuor denarios et furfur; transgredientes puniantur
in II. solidos et VI. denarios.
Et si panem bene coqui non fecerint, amittant panem. Nec panetarie moveant se de locis suis pro pane
vendendo et longius porrigendo, et quociens se moverint, dent III. denarios pro pœna.
Eandem pœnam incurrant que denarios abstulerint pueris volentibus emere panem. Si vero fornerius
in culpa fuerit, quo minus panis bene coctus fuerit, extimationem panis curiæ solvat pro pœna, et
nichilominus restituat damnum passo.

XI Ne judeus, meretrix, leprosus tangat victualia venalia.


Item, statuimus quod nullus judeus, meretrix vel leprosus, panem, pisces, carnes seu fructus
quoscumque tangere præsumat nisi solum ea quæ emerit; vendentes autem prædicta vel aliquos
eorum, si contrarium patientur fieri, in VI. denarios puniantur, et ementes quæ tetigerint emere
compellantur.
Ut autem judeos, quos sancta romana ecclesia permittit inter nos vivere, quia reliquie Jerusalem salve
fient, et propter memoriam dominice Passionis, non videamur persequi voluntarie seu gravare,
permittimus quod vendentes impune possint judeis dare licenciam tangendi predicta, preter panem
et fructus.

XII De mensura bladi et vini.


Mensuram bladi vel vini nullus teneat ad vendendum cum ea, nisi talem qualis fuerit in curia nostra et
cum sigillo curiæ consignata.
Bannum bladi non extrahatur quandocumque statutum fuerit. Si quis fregerit, bladum perdat. Si vero
nomine alicujus extranei vel pro ipso aliquis de castro Sallonis hoc fregerit, bladum perdat et in X.
solidos puniatur pro qualibet saumata.

XIII Quantum recipere debeant molendinarii pro moltura.


Molendinarii nisi tantum sextam decimam tantum partem racione molturæ non accipiant.

195
[299]

XIV De banno cuniculorum et quod nemo teneat furonem ex quo pro furto cuniculorum fuerit
condempnatus.
Bannum cuniculorum si quis fregerit, XXX. solidos dabit, et si de die vel de nocte cum canibus vel
furone venando in defenso inventus fuerit, bannum fregisse judicetur, nisi in eodem defenso sit via
publica per quam repertus fuerit iter agens. Et qui pro furto cuniculorum condempnatus per curiam
nostram fuerit, nullo tempore audeat tenere furonem; et si contra fecerit, in XX. solidos puniatur.

XV Sine licentia nullus furonem teneat nisi tempore venationis.


Furonem nullus tenere audeat nisi tempore venationis; et si hoc fecerit, X. solidos dabit pro pœna, nisi
a nostra curia habita licentia et obtenta.

XVI Ut nullus extraneus cum furone venetur.


Item, nullus adducat extraneum venatorem in tempore venationis, in castro Sallonis cum furone, et
qui contra fecerit in V. solidos puniatur.

XVII Nullus teneat mensuras nisi quas curia assignaverit.


Cannam et libram et cartale olei, et eminam et scandalum vini et alias mensuras nullus teneat nisi
illam quam nostra curia habuerit vel assignaverit; et si hoc fecerit, X. solidos dabit pro pœna; nec
remaneat aculeus in canna et omnes statere habeant brachia ruta.

XVIII De arboribus non evulsendis nec excoriandis et maliolis non colligendis in alienum honorem.
Si quis arbores fructiferas vel alias non suas transplantaverit, excoriaverit vel inciderit absque licencia
et voluntate illius cujus sunt, V. solidos dabit domino illarum arborum, pro una quaque arbore; et pro
unoquoque maliolo, si eum colligerit in aliena vinea, dabit unum denarium domino cujus est vinea. Et
insuper dabit pœnam et emendam arbitrio nostræ curiæ.
Si vero arborem ille cujus est plus valere dixerit et si talis cui verisimile sit quod debeat credi, illud
quod ipse juraverit, ei restituatur.

XIX Ne putatores, fossores, vindemiatores vites, sochas et alia ligna, vel racemos de alienis
vineis exportent.
Præterea statuimus ne aliquis putator vel fossor vinearum, vites vel socas seu corgonas, seu alia ligna
de vineis alienis exportare præsumat sine licentia dominorum ipsarum vinearum; nec vindemiatores
tempore vindemiarum racemos de vineis alienis; qui vero contrarium fecerit VI. denarios pro pœna
solvere teneatur.

[300]

196
XX De banno animalium intrancium vineas alienas.
Oves et boves, et eque, et asini et porci nullo tempore in vineas alienas intrabunt; et, si hoc fecerint,
dampnum resarcire (debebunt) et bannum dabunt, exceptis animalibus honoriferis ad opus vineæ
adductus.

XXI Nullus vadat cum animalibus per blada cancerejando.


Item, statuimus quod nullus, cancerejando cum animalibus suis, nec ipse cancerejator, audeat ire per
blada; quicumque contrarium fecerit, pro pœna VI. denarios solvere teneatur.

XXII Nullus intret vel exeat per barrios.


Siquis per barrios ingressus fuerit, vel exierit, vel inde se vel aliquid de nocte projesserint, voluntate
furandi, puniatur inde arbitrio curiæ.

XXIII De furtis garbarum, furatoribus et glenatoribus.


Si tempore messium quis, de nocte, garbas furatus fuerit, furtum emendabit domino cujus erunt, et
justicia erit in arbitrio curiæ; si vero de die, justicia sit VI. denariorum pro qualibet garba in
glenatoribus, et de aliis sit in arbitrio curiæ, dampno tamen primitus restituto.
Adicientes quod nullus glenator intret stipulam alicujus, occasione glenandi, etiam de voluntate ipsius
domini cujus fuerit stipula, donec garbe fuerint congregata. Si quis vero contra fecerit, tam concedens
quam glenator, in II. solidis puniatur. Et donec glenatores præsentes causa glenandi per stipulam
transierint, nullus animalia in dicta stipula mittere præsumat; contrarium faciens in II. solidis
puniantur.

XXIV De falsis ponderibus et mensuris.


Siquis pondus vel mensuram scienter et maliciose falsaverit vel falsato seu falsata per alium usus
fuerit, ex certa scientia, vel dolose, C. solidos coronatos pœnæ nomine curiæ nostræ solvere teneatur;
adhuc gravius si judici nostro videbitur puniendus; ipsum vero pondus seu mensura falsa de mandato
curiæ publice comburatur.

XXV Siquis dampnum et injuriam intulerit et aufugerit.


Siquis rapinam, furtum vel injuriam fecerit, vel aliquem vulneraverit, et aufugerit et venire noluerit,
arbitrio curiæ puniatur de principali si liquidum fuerit, et nichilominus de contumacia condempnetur.

XXVI Qui prodiderit vicinum suum extraneo vel eum seu ejus res capi fecerit.
Siquis vicinum suum cum extraneo prodiderit, vendiderit, vel [301] capi fecerit et ipse exterminetur et
omnia bona sua confiscentur. Si vero rem vicini sui capi fecerit, rem et interesse vicino suo restituat
et alias arbitrio curiæ puniatur.

197
XXVII Qui furtum vel aliud maleficium curie celaverit.
Siquis furtum vel aliud maleficium per alium sive non propinquum ultra gradum tercium
consanguinitatis, perpetratum esse sciverit et requisitus in specie vel genere per curiam nostram, in
termino ab ipsa curia præfixo, cessante justo impedimento, ipsum delinquentem revelare curiæ
nostræ neglexerit, vel a delinquente pro ipso celando, vel non revelando, mercedem vel mercedis
provisionem acceperit, pari dispendio facultatum seu pœnæ peccuniariæ cui delinquens subjacere
debuerat, subjaceri condemnetur.

XXVIII Qui furtum vel factam malam curiae revelabit.


Si quis malefactam vel furtum prescierit et curiæ revelaverit, de malefacta de die habeat quartam
partem, in justicia quam inde curia nostra habebit; et de malefacta de nocte habeat terciam partem
in justicia quam inde curia nostra habebit. Quam revelationem statuimus a curia nostra minime
revelari.

XXIX De hiis qui intrant alienas possessiones et dampnum ibi dederit.


Nullus herbas accipiat, nec dampnum det in hortis alienis, nec accipiat racemos in alienis vineis, nec
accipiat fructus de alienis arboribus; et si hoc fecerit, det pro banno II. solidos et VI. denarios coronatos
de die V. solidos vel currat1118.
Et nichilominus restituat malefactam. Et qui hoc revelaverit curie habeat medietatem banni et curia
aliam. Et quicumque intraverit in alienis vineis, viridariis sine ortis, cum banneriis, det bannum; quod
bannum bannerii ibidem presentes solvere teneantur.

XXX Qui colegerit fructus in alienis arboribus.


Item, statuimus quod quicumque colligerit fructus in alienis arboribus sine licencia et voluntate illius
vel illorum quorum sunt arbores, quod pro quolibet pomo, ficu, amicdolo, nuce vel racemo, vel
quolibet alio fructu quem ceperit, det pro banno VI. denarios usque ad decem fructus et postmodum
quantumcumque collegerit, pro singulis fructibus, III. denarios solvere teneatur, de quibus habeat
curia nostra medietatem et ille cujus fuerit fructus aliam habeat medietatem.

XXXI De repugatoribus racemorum et reglennatoribus olivarum.


Item, statuimus quod nullus repugare audeat racemos, citra octabas sancti Michælis, in alienis vineis,
nec ficus in alieno [302] colligere, citra festum omnium sanctorum, nec reglennare olivas citra festum
Beati Andreæ in olivariis alienis; et qui tunc reglennaverit cum baculis, virgis vel lapidibus non audeat
reglennare; qui vero contrarium fecerit, XII. denarios pro pœna solvere teneatur

1118
Rien sur nocte ???

198
XXXII De alienacione facta per virum et uxorem de rebus immobilimus eorum.
Si vir et uxor, communi consensu, vendiderint vel pignori obligaverint aut in acapitum tradiderint seu
permutaverint, seu alio quolibet modo alienaverint res dotales, et uxor sponte non cohacta
venditionem seu pignus seu acapitum vel permutacionem seu aliam quamcumque alienacionem
rerum dotalium corporaliter juraverit, statuimus quod tales alienaciones rate sint et firmæ in
perpetuum.
Et si uxor vel ejus hæredes contravenerint, non audiantur a curia nostra. Idem et eodem modo
statuimus de bonis mariti.

XXXIII De decima debiti curiae prestanda.


De debito et de re alia cognita nichil habeat curia nostra, si ejus servetur mandatum; sed si ejus non
servetur mandatum, in die assignata, habeat inde curia nostra a transgressore quantum est decima
pars debiti nel rei cognitæ, ex quo mandamentum ipsius debiti, vel aliud instrumentum pœnam decimi
nomine curiæ stipulatam continens ad manus venerit judicantis, et lectum fuerit, vel alterius qui
curiam nostram regere dignoscatur.

XXXV De gachia facienda.


Quicumque de gachia vel de scurgachia mandatus fuerit, per mandamentum curiæ, et eam non
fecerit, ad cognitionem vicarii vel illius cui vicarius committet, dabit XII. denarios nomine pœnæ.

XXXV De bada facienda.


Qui de bada mandatus fuerit, per mandamentum curiæ, et ea non fecerit, ad requisitionem vicarii,
dabit pro pœna II. solidos et VI. denarios.

XXXVI Nullus vadat sine lumine per carrerias post pulsacionem campanae nocturne.
Quicumque ierit per carreirias post pulsationem campanæ noc1119turnæ, sine lumine, dabit II. solidos
et VI. denarios nisi ex juste causa et racionabili se valeat excusare.

[303]

XXXVII De denario dei.


Item, statuimus quod omnis empcio et vendicio rata sit et firma perpetuo, si facta fuerit cum denario
dei tradito et recepto; et ille denarius sit operis ecclesiæ Beati Laurentii.

1119
Recopie de Quicumque de gachia vel de scurgachia mandatus fuerit, per-
Reprise du texte de Giraud, avant vérification sur le 3G20

199
XXXVIII Nullus extraneus teneat tutelam nel curam vel possessiones alicujus de Sallone.
Item, statuimus quod nullus extraneus qui non manet in castro Sallonis pro majori parte anni1120 teneat
tutelam vel curam vel comandam honoris vel possessiones alicujus de Sallone.

XXXIX De rebus mobilibus minorum alienandis.


Præterea, statuimus quod tutores et curatores quicumque, cum mobilia vel fructus liberorum quorum
tutores vel curatores existunt vendere voluerint, ipsa ad incantum et non alias vendere teneantur, et
precium cujuslibet rei venditæ per notarium scribi faciant, dum vendentur, ne contra dictos minores
possit fraus machinari aliqua, et precium dictarum rerum et emptorum nomina in suo cartulario
scribere dictus notarius teneatur. Tutores et curatores, si contrarium fecerint, in L. solidos penæ
nomine puniantur.

XL De rebus immobilibus minorum alienandis.


Item, ad evitandas fraudes multorum, statuimus, quod quando cumque rem immobilem minorum vel
aliorum contingerit in castro Sallonis publice subastari, quod illi qui ad inquantum exire voluerint, seu
plus offere in ipsa re, quod ad notarium super hoc per nostram curiam deputatum accedant et eidem
significent quandum plus dare vel offerre voluerint, in re hujus modi incantata; et notarius nomen plus
offerentis scribat quantitatem plus offere volentis, ipsos nec incantatori seu alteri revelando. Et quod
singulis diebus subhastator publicus notario deputato super hoc se debeat personaliter presentare et
inquirere cum eodem si aliquis in ipsa re plus obtulerit subastata.

XLI Nullus mittat vinum de extra territorium Sallonis, infra Sallonem nec racemos nisi ad suum
usum.
Item, statuimus quod nullus castri Sallonis emat seu immitat vinum in Sallone de vineis scitis extra
territorium castri Sallonis; quicumque vero racemis indigerint, ex suis vineis non habentes fructus qui
sibi et domi suæ sufficiant, sive sint divites sive pauperes, ipsi et non alii, ad usum suum et domus suæ
dumtaxat, libere racemos emere valeant a quocumque. Qui vero contrarium fecerit vel fraudem
aliquam in prædictis commiserit, in C. solidos puniatur, ac racemos amittat.

[304]

XLII Ut non vendatur vinum infra Sallonem nisi provenerit de vineis territorii Sallonis.
Item, statuimus ut nullus in Castro Sallonis vinum vendat per se vel per alium nisi de vino quod
proveniet de vineis territorii Salonis; quod si contra fecerit vel fraudem aliquam circa predicta
commiserit, curia nostra capiat pro pœna ipsum vinum et nichilominus in C. solidos pro singulis
saumatis puniatur et quicumque accusaverit, medietatem recipiat dictæ pœnæ et curia aliam; dicto
accusatore per dictam curiam minime revelando.

1120
permanenter per decennium

200
XLIII Nulla animalia seu avere transeat terminos statutos postquam prohibitum fuerit per
preconem.
Item, statuimus quod nullum avere seu animal, postquam a curia nostra fuerit prohibitum per
præconem aut clamorem, transeat terminos constitutos; et si hoc fecerit, dominus animalium sive
averis X. solidos pro pœna dabit.

XLIV Ne quis emat aliquid ab homine suspecto, extraneo vel privato.


Item, statuimus ut nullus homo de castro Sallonis emat aliquid ab aliquo homine suspecto vel male
casse, sive ille fuerit extraneus, sive de castro; quod si fecerit, extimationem rei emptæ pro pœna
persolvet et rem emptam nostra curia capiat et vero domino restituat.

XLV De pensione canonis sive census termino debito non solvantur.


Cum pro aliqua possessione census certo termino debetur domino a quo habetur vel pro quo tenetur
ipsa possessio, si census solutus non fuerit a possessore, termino constituto, statuimus ipsum censum
triplicatum restitui a possessore, ita videlicet ut dominus census dupplicatum censum recipiat et usque
ad quantitatem census curia nostra habeat pro pœna, postquam dominus curiæ nostræ conquestus
fuerit de canone non soluto.
Statuentes quod quandocumque tempore emphiteota vel possessor alius in solucione pensionis vel
canonis cessaverit, quod res pro quibus census vel pensio præstatur hujusmodi, propter lapsum
temporis et solucionem retardatam canonis non incidant in comissum, sed emphiteota sen alius
possessor ad pœnam expressam superius teneatur; quod autem dictum est, quod per lapsum biennii
vel triennii res non cadat in comissum; extendi nolumus extra territorium castri Salonis vel de Granis.

[305]

XLVI Quod nullus possit vendere vel dimittere rem emphiteotariam.


Item, statuimus quod nullus, quando solvendo fuerit, possit rem emphiteotariam dimittere vel aliter
fraudulenter alienare contra domini voluntatem.

XLVII De treszenis et laudimiis persolvendis.


Item, super treszenis et laudimiis sic diximus statuendum quod quandocumque aliquis vendiderit,
permutaverit, vel in solutum dederit bona immobilia libera vel quæ a nobis tenentur sub certa
pensione in castro Sallonis vel ejus territorio et aliis castris nostris et eorum territoriis, quod curia
nostra III. solidos recipiat pro libra tocius pretii, si in re vendita a trezeno et laudimio aliquis se
deffendat.
Si vero inter contrahentes sit actum quod emptor venditori francum pretium tradat, tunc curia nostra
habeat III. solidos et IIII. denarios pro libra.

201
Cum autem bona immobilia vendentur, aut permutata vel in solutum data fuerint, quæ ab aliis
præterquam a nobis tenentur sub annua pensione, tunc medietatem tocius trezeni et laudimii curiam
nostram habere volumus et dominum a quo dictæ res venditæ permutatæ vel in solutum datæ
tenentur aliam medietatem recipere volumus, prout hactenus extitit observatum; et si dominus, jure
prælationis, retinere voluerit rem venditam pretio quo vendetur, venditor decem et octo denarios pro
libra totius pretii det curiæ nostræ pro laudimio, et ipse dominus a trezenis sit immunis
Hoc autem statutum ad militares personas extendi nolumus que ex antiqua consuetudine trezenum
integrum est et laudimium de bonis quæ ab eis tenentur, sicut curia nostra recipere sunt consuetæ.
Et si dictæ personæ vendiderint, permutaverint, vel in solutum dederint bona sua immobilia, emptor
de ipsis bonis quicumque fuerit XVIII. denarios pro libra tocius pretii nostræ curiæ solvere teneatur, et
venditor sit immunis; si vero aliqua popularis persona rem quam habuerit liberam et francam in
emphiteosim seu in acapitum perpetuum alteri dare voluerit, emphiteota seu acaptator det XVIII.
denarios pro libra tocius accapiti nostræ curiæ supradictæ.
Si autem militaris persona fuerit, quoniam hectenus trezena et laudimia integraliter recipere
consuevit, bona sua libera in emphiteosim seu accapitum dederit, tunc nostra curia nichil recipiat pro
eisdem.
Hoc autem statutum extendi nolumus, si castra nobis subdita vel pars eorum vendantur, permutentur,
vel in solutum dentur a vassalis nostris, in quo casu trezenum curiam nostram recipere volumus, sicut
hactenus consuevit.

[306]

XLVIII Quod instrumenta debitorum post quinquennium non obtineant firmitatem nisi fuerint
innovata.
Item, statuimus quod quicumque de castro Sallonis habeat chartam vel instrumentum sive notam
alicujus debiti, quod illud debitum reformet et instrumentum renovet, nel debitum deferat in curia
nostra infra quinquennium, præsente altera parte; et si hoc non fecerit, non audiatur postea de dicto
debito, in curia nostra, et illud instrumentum debiti nullius postea sit valoris.
Statuentes etiam, ut multorum creditorum malicia refrenetur, quod nec ratione juramenti debitor
post dictum tempus quinquennium, in nostra curia civili vel ecclesiastica valeat conveniri. A prædictis
excipimus debita dotalia et legata in testamento relicta.

XLIX Qualiter res mobiles pignori obligate vendi possunt.


Item, statuimus quod quilibet de castro Salonis postquam tenuerit per annum et mensem pignora
ducibilia et portabilia sibi obligata et tradita, quod elapsis anno et mense liceat ei vendere dicta
pignora, cum licentia curiæ nostræ, publice ad inquantum.

202
L Quod nullus penes se retineat instrumentum ex quo sibi fuerit satisfactum.
Item, statuimus quod nullus teneat instrumentum, chartam seu aliquod mandamentum postquam de
debito contento in eis fuerit satisfactum; qui vero prædicta vel aliquid prædictorum retinuerit in XX.
solidos puniatur.

LI Si quis in rixa cultellum traxerit.


Item, statuimus quod quicumque in rixa traxerit cultellum, licet non percusserit de illo, det XXX. solidos
pro pena curiæ nostræ, nisi probaverit quod se defendendo hoc fecerit.

LII De ramis arborum pendentibus in possessionibus alienis abscidendis.


Item, statuimus quod si arbor pendeat in terra vel vinea alicujus cujus non sit arbor, et ob hoc noceat,
admoneatur dominus arboris ut abscidat ramos sive brancas nocentes arboris pendentes in terra vel
vinea supra per XIIII. pedes, et si hoc facere noluerit liceat domino terræ vel vineæ cui nocet abscidere
prædictas brancas et sint suæ, et postea liceat domino arboris cujus rami nocentes sunt abscissi
fructus cadentes in alterius terra vel vinea colligere in eadem terra vel vinea per triduum, sine
impedimento illius cujus est terra vel vinea.

[307]

LIII De fructibus qui in aliena possessione de vicina arbore ceciderunt.


Statuentes etiam quod si de arbore vicina in possessione vicini fructus vento vel alias per se ipsum
ceciderint, quod dominus possessionis illius cujus non est arbor et ejus familia de dictis fructibus
comedere possint, si voluerint, sine banno.

LIV De possessionibus in extraneum non transferendis vel in dotem dandis.


Item, statuimus quod quando aliquis maritabit filiam suam homini extraneo, non liceat ei dare in
dotem terras neque vineas neque aliquem honorem de tenemento castri Sallonis, sine licencia curiæ
nostræ; sed domum vel domos possit ei dare. Et nemo audeat dare vel vendere in acapitum seu
inpignorare vel alio modo alienare honorem suum homini extraneo, absque licencia curiæ, et hoc
statutum volumus observari per totam jurisdictionem nostram, videlicet in Castro Alvernici et in Castro
Auronis et castro Granorum et in Castro sancti Amantii et de Cornelione et de Vaqueriis, sancti Mitrii
et Castri Veteris.

LV De mascellaris et carnibus vendendis et preparandis


Macellarii nullam carnem infirmam, vel a judeis occisam vendant ullo modo, ex certa scientia sua, infra
castrum vel extra; nec vendant quærenti carnes veri mutonis, sive veri porci, carnes ovinas vel suillas,
ni prius clare et intelligibiliter certificaverint volentes emere quod carnes illæ sunt ovinæ vel suillæ.

203
Nec interficiant seu scorjent animalia sua in carreriis publicis, nec infra macellum, nec teneant
sanguinem, nec budellatas super tabulas suas, ad vendendum, sed infra domos suas in occulto; nec
inflent renes agnorum nec edorum nec mutonum nec ovium ponendo aliquid subtus renes, nec ipsa
animalia inflent per flatum vel alia fraude quacumque; nec cindant pinguedinem alicujus animalis
super ancas ut pinguiores vel grossiores appareant.
Aquas de quibus lavant sanguinem carnium suarum non prohiciant in vico macelli, nec in carreria
publica. Neminem decipiant menciendo, vel vendant unam carnem pro alia; sed veritatem dicant de
omnibus carnibus suis, ut tales vendant omnibus hominibus quales ab eis requiruntur si habent.
Transgressores, puniantur in X. solidos et nichilominus carnes amittant, quotiens predicta fregerint vel
aliquid prædictorum; et ad hoc firmiter observandum omnes macellarii per sacramentum
astringantur.

[308]

LVI De arboribus, vineis, ortis et viridariis adaquandis.


Item, statuimus quod nemo adaquet, in yeme a festo Beati Michælis usque ad festum Paschatis,
arbores vel vineas de aqua fontis de Albis, nec de aqua Talagarni: a festo vero Paschatis usque ad
festum Beati Michælis possit quilibet adaquare de prædictis aquis ortos, arbores, viridaria, et alia
consueta, de licencia adaquatorum, quos ordinari ad adaquandum annuatim volumus per curiam
nostram ad præsentacionem et requisicionem proborum castri Sallonis habencium possessiones qui
adaquare debent de aquis prædictis. Et quicumque prædicta fregerit dabit II. solidos et VI. denarios
pro pena, quociens fregerit supra dicta.

LVII De adaquando de aqua Todobre.


Item, statuimus quod nullus de aqua Todobræ possit adaquare in yeme nec æstate, nisi tamen a
vesperis sabbati usque ad diem lunæ, usque ad ortum solis; qui vero contrarium fecerit prædictam
penam solvere teneatur.

LVIII De ludentibus ad talos eisaquetos et recolligentibus eos.


Item, statuimus ne aliquis famulus stans cum domino pro mercede audeat ludere ad talos vel
eisaquetos, de die vel de nocte, intra villam vel extra; et si luserit de die, det II. solidos et VI. denarios
pro pena: si de nocte det V. solidos; et qui tales ludentes in domo sua recolligerit, det X. solidos; et illi
qui ludentes ad talos vel eisaquetos et eos qui recolligerint ludentes curiæ revelaverint habeant
medietatem penæ et curia aliam.

LIX Ne quis faciat resclausam in Todobra vel vallatis paludis.


Item, statuimus quod nemo faciat resclausam alicubi, in valatis paludis, nec in Todobra, a molendino
de Brænassio usque ad pontem Codolos; inferius vero quicumque fecerit resclausam, usque ad
molendinum dal colp, postquam possessionem suam adaquaverit, ipsam resclausam diruere teneatur;
et quicumque hoc statutum fregerit det II. solidos et VI. denarios, penæ nomine, quociens fregerit. Et
quicumque curiæ revelaverit habeat medietatem dictæ penæ

204
LX De banno animalium.
Item, statuimus quod porcus det pro banno I. denarium, ancer obolum, ovis pictam, equa, III. denarios;
bos, asinus et mulus quilibet II. denarios.

LXI Si uxor maritum suum dimiserit vel maritus uxorem.


Item, statuimus quod quæcumque mulier dimiserit virum [309] suum non habitet infra muros castri
Salonis, nec extra in suburbiis; quod de mulieribus statuimus de hominibus idem præcipimus
observari.

LXII De adulteriis.
Item, statuimus quod quicumque inventus fuerit et captus in adulterio cum muliere maritata vel alias,
constiterit nostræ curiæ, ambo currant vel dent L. solidos, uterque. Vicarius vero et officiales curiæ
non solum solvant L. solidos set a suis officiis excludentur et salarium ipsius ani amitant. Et quicumque
celaverit aliquem de prædictis, eadem pena puniatur.

LXIII De igne non immitendo in stipulis.


Item, statuimus quod infra territorium castri Salonis nullus præsumat mittere ignem in ferraginibus
nec in agris longinquis, sine licentia curiæ, ante festum Beatæ Mariæ de Augusto; hoc autem
intelligimus de Garrigiis. Qui contra fecerit in X. solidos puniatur; si vero ignis dampnum dederit, qui
ignem apposuit, damnum resarciet dampnum passis et penam solvat nichilominus supradictam.

LXIV Quilibet teneatur se munire et exire munitus armis ad clamore bade clamantis ad arma.
Item, statuimus ut, ad clamorem badæ curiæ clamantis ad arma! ad arma! unusquisque de castro,
tam miles quam probus homo, vel juvenis, exeat munitus armis quæ habet usque ad barreriam ubi
erit banneria, et nemo sit ausus transire banneriam, nisi de licencia vicarii; et quicumque cum armis
non exierit, si miles fuerit, solvat V. solidos nomine penæ, et quilibet alius solvat II. solidos et V.
denarios, nisi cum justa vel racionabili causa fuerint impeditius

LXV De oblatione libelli.


Item, statuimus ut nullus teneatur offerre libellum a XX. solidis coronatis inferius, et nisi debitum
excederet summam XX. solidorum coronatorum; si vero debitum excederet summam XX. solidorum
coronatorum, et vellet primo stilum XX. petere et postea XX. vel plus vel minus, non audiatur nisi
offerat libellum.

205
LXVI Qui degeravit in curia Sallonis vel debitum certo tempore solvere per juramentum
promiserit.
Item, statuimus quod quicumque in curia nostra degeravit, solvat XX. solidos pro pena; qui autem
debitum aliquod certo tempore per juramentum solvere promiserit et tempore convento peccuniam
prout promisit non solverit, cum [310] hoc curiæ nostræ per querelam creditoris constitit, V. solidos
coronatos solvat pro pena; nisi per manifestam impotentiam excusetur.

LXVII Nullus sit ausus venire ad curiam cum concomittantibus eum ultra VI.
Item, statuimus ne quis seu aliqui pro causa propria vel aliena præsumant ad curiam venire nisi cum
VI. sociis tantummodo vel paucieribus, nisi de licencia curiæ nostræ; et quod illi socii sint tales qui
appareant et videantur ydonei et facientes ad ipsam causam; et qui contra fecerit puniatur
unusquisque veniens in L. solidos coronatos.

LXVIII Nullus prohiciat fimum vel aliud sordidum in carreriis vel ambarriis.
Fimum vel aliquod sordidum nullus in carreriis vel ambarriis ponat; et si hoc fecerit V. solidos dabit
pro justitia et insuper fimus ad terras nostras portabitur; invalitis tamen hoc fieri sit permissum, ita
tamen quod murum ambarrii non tangat nec prope portalia castri, per quindecim cannas, talia sordida
quisque ponat: contrarium faciens, in V. solidos puniatur.

LXIX De interdicto matrimonio minorum XXV annos patre vel matre carentibus.
Item, statuimus ut nullus homo sive mulier de Sallone, minor XXV. annis, non habens patrem vel
matrem, accipiat uxorem vel maritum, sine Iicencia sex ex propinquioribus generis sui quos curiæ
duxerit eligendos, et sine Iicencia nostra quamdiu erimus in archiepiscopatu nostro vel extra, remoti
a castro Sallonis par duas leucas1121; et si essemus extra archiepiscopatum nostrum vel remoti ut supra,
non præsumat hoc facere sine Iicencia vicarii et judicis Salonis, si præsentes fuerint; et tunc etiam
officiales nostri duos vel tres probos viros, super dicto matrimonio consulere teneantur, qui non sint
de parentela dictorum contrahere volentium. Et quicumque contra hoc statutum venire
præsumpserit, tam minor quam qui cum minore contraxerit, medietatem omnium eorum quæ a nobis
tenet amittat et curiæ nostræ confiscentur. Et omnes illi qui talis matrimonii tractatui interfuerint
arbitrio curiæ nostræ puniantur: hoc autem statutum in illis personis matrimonio copulandis extendi
volumus quarum facultates valuerint L. libras et ultra.

LXX De sponse non habentes ultra LX lb in dotem de perceto rubeo induantur nec pennas
habeant varias.
Item, ad evitandas multas inordinatas et superfluas expensas [311] quæ sicut audivimus per nostros
facta fuerunt hactenus subditos, statuimus quod quicumque maritaverit filiam (unam??] suam vel
aliam quamlibet mulierem in potestate sua vel regimine constitutam et ultra summam LX. librarum
eidem in dotem non assignaverit, indumenta de perceto rubeo dictæ sponsæ facere vel promittere

1121
Leucas ?

206
non præsumat, nec aliquid in fraudem statuti hujus modi ordinare, nec pennam dare variam; qui vero
contrarium fecerit C. solidos coronatos nomine penæ nostræ curiæ solvere teneatur.

LXXI De officio banneriorum; ad quid debent astringi juramento.


Item, statuimus quod bannerii sint annuales et annis singulis commutentur et denuntient fideliter
omnes talas et malefactas eis vel eorum familiæ in quorum bonis factæ fuerunt talæ et malefactæ, et
hoc infra decem dies vel ante, com per eos fuerint requisiti. Volentes etiam quod singulis septimanis
visitent finales lapides dividentes territoria castri Salonis et quod nullo tempore secum canes ducant
nisi tempore veniationis; et diebus singulis in aurora exeant vel citra de castro Sallonis, pro bannarie
officio exercendo, et ad castrum Sallonis non redeant citra pulsacionem campanæ, nisi evidens eos
necessitas excusaret, nec fructus afferant alienos; volentes quod ad præmissa omnia et singula,
sacramentis præstitis astringantur et quocienscumque inventi fuerint dejerasse in prædictis X. solidos
coronatos solvent pro pena.

LXXII De bonis inventis per dominos possessionum.


Statuimus præterea quod si alicui dampnum, tala vel malefacta illatum fuerit seu illata, in vineis,
arboribus, bladis, viridariis, hortis seu aliis possessionibus quibuscumque, et dominus dictarum
possessionum personas vel animalia malefactam vel talam facientia in possessionibus suis invenerit,
stetur juramento domini inventoris, si bonæ famæ fuerit, dicentis se dictos malefactores invenisse in
suo et postmodum extimatores juratos ducat ad dictam talam ut extiment dictum dampnum, quod
quidem dampnum, tallam; sive malefactam malefactores restituant dampnum passis et mercedem
extimatorum et bannum solvant etiam consuetum; in quoquidem banno damnum passus medietatem
percipiant pro labore.

LXXIII De hiis qui bonis suis cessunt.


Item, statuimus quod si aliquæ personæ, propter inopiam vel malitiam sive fraudem creditorum
suorum, bonis suis cesserint [312] in curia nostra, quod, in loco in cujus curiæ dicta cessio facta fuerit,
nudi in camisia et bracciis, nullum velamen in capite seu facie portantes, cedentes bonis sine
fustigatione aliqua, præcone precedente, cum tuba currere teneantur et quod præconizet quod nullus
de cetero? castro contrahat aliquatenus cum eisdem. Nolumus tamen quod si minores, occasione
debitorum paternorum, vel maternorum, bonis suis cesserint, ad præmissam penam sint astricti, sed
solum ad ea quæ de jure comuni creditoribus competunt astringantur.

LXXIV Quot sonalas debent referre animalia extra pascentia.


Item, statuimus quod quicumque decem animalia et extra pascentia habuerit, quod unum ex ipsis
animalibus unam sonallam ad collum appertam deferat et sonantem; si vero viginti habuerit, duas
sonallas; et sic per decennas, usque ad centum; et si plura animalia habuerit, plures sonallas habere
minime teneatur. Qui vero contra hoc fecerit, in V. solidos puniatur.

207
LXXV Quod nullus causa revendendi minutatim emat ab extraneo pisces seu fructus ante
meridiem.
Item, statuimus quod nullus de castro Sallonis pisces emat, causa revendendi, ab extraneo qui
aportaverit ipsos pisces, causa vendendi minutatim ibidem, ante horam meridianam; et qui contra
fecerit, in V. solidos puniatur. ldem de fructibus præcipimus observari.

LXXVI De notariis creatis per dominum archiepiscopum et ad id teneantur.


Item, statuimus quod quicumque creatus fuerit notarius noster, vel creabitur in futurum; ad
dimittendum notas seu protocolla omnia quæ receperit in castro Sallonis vel alibi, infra jurisdictionem
nostram ubi habitaverit, si recedere voluerit, curiæ nostræ vel aliqui notario, de licencia ipsius curiæ
dimittere teneatur; et ad hoc quilibet notarius in sui creatione, juramento proprio, astringatur; et si
contra fecerit, in C. solidos puniatur.

LXXVII De garbis & stipulis et animalibus inmittendis ibidem.


Item, statuimus quod nullus immittat animalia sua in alienam stipulam, quamdiu garbæ fuerint
ibidem, nec aliquis, in prejudicium usus publici, garbas suas in suam stipulam, ultra tempus solitum
dimittere audeat seu tenere. Statuentes etiam quod nullus concedere audeat mittere animalia in
stipula sua nisi prius curiam nostram de concessione hujusmodi cercioravierit et nomina iliorum
quibus concesserit duxerit exprimenda; qui vero contra fecerit, in V. solidos puniatur.

[313]

LXXVIII De animalibus extraneis non mittendis infra territorium Sallonis causa pascendi.
Item, statuimus quod animalia aliena extranea infra territorium castri Sallonis, causa pascendi, nullo
tempore immittantur; et si aliquis extraneus animalia sua miserit, bannum dupplicatum solvere
teneatur, exceptis pastoribus comorantibus cum hominibus de Sallone vel de Granis, et exceptis aliis
gardianis vaccarum seu equarum: Qui pastores XXX. animalia in territorio Sallonis, quamdiu cum
dominis morati fuerint, tenere possint causa pascendi libere et quiete. Et quicumque animalia
extranea in territorio Sallonis, exceptis predictis invenerit, medietatem banni habeat et curia nostra
aliam medietatem.

LXXIX De animalibus caprinis in territorio (Sallonis) sine staquis [...]


Item, statuimus quod nullus teneat seu imitat, causa pascendi, animalia caprina in territorio Sallonis
nisi tenentur ad estacam, et qui contra fecerit, pro singulis vicibus in L. solidos puniatur; et
nichilominus dampnum, si quod ipsa animalia dederint, imitens restituere teneatur.

208
LXXX De filiolis faciendis et comatribus.
Item, ad evitanda multa pericula quæ evenire possint, sicut audivimus statuimus quod nullus comatri
suæ vel filiolo nec alteri personæ, in fraudem presentis statuti, infra annum a tempore baptizati filioli,
audeat dare aliquid seu dari facere præter camisiam filioli atque albam cum qua ferit baptizatus, nisi
comater esset pauper et inobs cui pietatis intuitu vellet commater aliquid erogare.
Nec maritus cujus uxor missam post partum audierit, ipsa die nec post infra octo dies, aliquos vicinos
suos ad convivium, nisi solum compatrem et comatrem et eorum familiam, si eos habere voluerit,
audeat invitare; nec aliqua ensenia mittere vicinis nisi pauperibus; qui vero contrarium fecerit, XXV.
solidos pro pena nomine curiæ solvere teneatur.

LXXXI Ut nullus a sero usque ad mane retineat mercedem mercennarii sui.


Item, statuimus quod nullus mercedem seu loguerium alicujus mercennarii a nocte usque ad mane
retinere præsumat; si quis vero contrarium fecerit, contradicente mercennario, duplum pro pena
nostræ curiæ solvere teneatur. De mercennariis autem annualibus sic ordinamus, quod qui infra octo
dies, eisdem post annum finitum de mercede seu loquerio, satisfactum non [314] fuerit, et de mercede
seu loquerio contra dominum querelam nostræ curiæ exposuerit, dampna data et expensas dicto
nuntio restituat, nisi justam causam habuerit retinendi et nichilominus curiæ nostræ pro pena, V.
solidos solvere teneatur.

LXXXII De hiis que prohibentur mulieribus portare.


Item, statuimus quod nulla mulier nobilis vel plebeia, seu aliaquacumque, in capite seu indumentis
aurum seu argentum seu perlas, fres, fermallos, rozetas, nec stacas dauratas seu argentatas, deinceps
portare præsumat, nisi garlandam, usque ad valorem XXX. solidorum coronatorum; si qua vero mulier
contrarium fecerit, aurum, argentum, fermallos, rozetas, stacas et fres, quod portaverit amittat et
fisco nostro applicetur; et nichilominus mariti earum vel parentes in quibus potestate fuerunt, in L.
solidos puniantur.

LXXXIII De salario nuntiorum.


Item, statuimus quod nuncii nostri curiæ Salonis, pro singulis citacionibus faciendis, infra mœnia castri,
et extra per medium miliare, habeant I. denarium et pro pignorationibus faciendis II. denarios et pro
clavandis hospitiis totidem; si vero extra territorium castri SalLonis, pro aliqua ambassiata iverint, pro
singulis leucis habeant VI. denarios, usque ad quatuor leucas; ultra autem quatuor leucas ad arbitrium
judicis, persolvantur. Si vero aliquem de mandato curiæ in possessionem alicujus rei immobilis miserit,
IIII. denarios recipiant infra castrum, et extra VI. denarios, pro labore; pro arrestacione autem alicujus
rei mobilis, ad instanciam alterius facta, habeant I. denarium et non ultra, et pro desarestacione
habeant totidem.

209
LXXXIV Ut de bonis condempnatorum primo satisfaciat creditoribus eorum.
Item, statuimus quod si aliquis condempnatus in curia nostra aliquem creditores habeat, vel aliquis
habuerit creditores, quod antequam curia condempnacionem exigat de bonis condempnati creditori
seu creditoribus suis prius integraliter satisfiat.

LXXXV Statutum quod officiales curie [...]


Item, statuimus quod quicumque fecerit contra statuta, ubi pena non continetur expressa, tociens
arbitrio curias puniatur quociens fecerit contra statutum; et si aliquo statuto pena expresse est
apposita, tociens puniatur quociens contra [315] statuta fecerit, quia iniquum et absurdum esset si
tantum puniretur ille qui tantum semel fecit contra statutum quantum ille qui plures contra statutum
deliquit.

LXXXVI Statutum quod officiales curie in primo sui regimine jurent.


Item, statuimus quod officiales nostræ curiæ, in principio sui regiminis seu administracionis, jurent
statuta Sallonis fideliter observare et quod non contraveniant ex certa scientia nec in fraudem.

LXXXVII Statutum quod legantur statuta in die circoncisionis quolibet anno.


Item, statuimus ut prædicta statuta singulis annis, in die Circumsionis Domini, legantur in publico
parlamento, ne per ignorantiam ulterius se possint aliqui excusare; si tamen per neglitentiam
curialium aliquando lecta non fuerint, nichilominus semper plenam obtineant roboris firmitatem.

LXXXVIIIStatutum quo cassentur alia statuta antiqua.


Postremo, quia quædam statuta per prædecessores nostros hactenus facta nimium rigida videbantur
et nostris subditis afferre poterant prejudicium et gravamen et secundum varietatem temporum
humana statuta debent variari; idcirco, omnia alia statuta quæcumque sint et qualicumque olim per
predecessores nostros edita, cassamus, irritamus, et penitus ex certa scientia revocamus; istis solum
statutis et ordinacionibus nostris, contentis in hoc præsenti volumine habentibus in judiciis et extra
vim legum municipalium et omne in aliam plenariam firmitatem; præcipientes ipsa prout ordinata
sunt inviolabiliter observari; retinentes tamen nobis potestatem plenariam interpretandi et declarandi
dicta statuta, si aliquod obscurum in eis veI ambiguum in posterum oriatur.

Edita sive facta fuerunt prædicta statuta in archiepiscopali palatio castri Salonis, in camera dicti domini
archiepiscopi, syndicis et consiliariis prædictis præsentibus, in præsencia et testimonio domini
Hugonis de Granis, Arelatensis canonici; domini Guillelmi Ebrardi, judicis castri Salonis; domini
Guillelmi Sabaterii, prioris castri de Granis; domini Berengarii Bovis, domini Joannis Borserii,
præsbiterorum; domini Hugonis Ysnardi, prioris Sancti Petri de Mejanis; et mei Guillelmi Corvi,
præsentis castri Salonis et totius regaliæ beati Trophimi notarii, qui authoritate et mandato præfati
domini archiepiscopi, ad requisitionem sindicorum prædictorum præfeta statuta, ut supra leguntur seu

210
continentur; scripsi et de ipsis statutis et tenore ipsorum per me ipsum Guillelmum notarium petierunt
sibi, nomine suo et universitatis castri Salonis, prædicti, fieri publicum et publica instrumenta1122;

Anno Domini millesimo ducentesimo nonagesimo tertio; scilicet octavo idus mai.

[316]

VI - Modification des art. XLI et XLII des statuts relatifs à l’interdiction


d’importer du vin étranger

Arch. dep. des B.-du-Rh., Série G; Fonds de l'Archevêché d’Arles ; Livre vert, f°34 v°.

1293, 8 Mai

In nomine Domini amen. Anno Domini M° CC° nonagesimo tercio VIII° Idus Maii, noverint universi
quod nos, Rostagnus, miseratione divina sancte Arelatensis ecclesie archiepiscopus, scientes nos, de
consilio et bene placito ac consensu sindicorum ad hoc ab universitate castri Sallonis more solito
specialiter electorum, scilicet B. de Fayssis, Jacobi Crote ; G. Raymundi, macellarii et Poncii Agnathi, et
ipsorum consiliariorum specialiter electorum, videlicet [...] [voir la pièce justificative précédente],
statuta municipalia antiqua castri Sallonis predicti innovavimus, temperavimus, modificavimus et
quibusdam addiderimus nec non et de novo duo inter cetera condiderimus seu fecerimus quorum
tenores tales sunt : “Statuimus quod nullus castri Sallonis emat seu mittat vinum [...] [voir la piece
justificative precedente, art. XLI et XLII].

Nos inquam archiepiscopus predictus attendentes utilitatem et commodum hominum castri nostri de
Granis, cum sunt homines nostri fideles et ecclesie Arelatensis, et etiam hominum dicti castri Sallonis
habentium vineas in territorio seu tenemento dicto de Granis et de Gabardello sive Sancti Laurencii,
quod etiam a nobis et dicta Arelatensi ecclesia tenetur, volumus, ordinamus et concedimus de
voluntate et beneplacito dictorum sindicorum et consiliariorum predictorum superius nominatorum,
quod dicti homines castri Sallonis habentes vel non habentes racemos ex suis vineis, qui sibi et domui
sue sufficiant, non obstantibus statutis predictis de novo editis seu conditis, possint et valeant
quandocumque racemos de suis vineis sitis in territoriis seu tenementis de Granis et de Gabardello
predictis ad castrum Sallonis predictum asportare1123 seu asportari facere et ex ipsis racemis vinum
facere et ipsum vinum impune ibidem vendere pro libita voluntate, nec non racemos a quocumque
[317] quibuscumque de Granis et aliis personis de Sallone vineas in ipsis territoriis seu tenementis de
Granis et de Gabardello habentibus emere, et ad ipsum castrum Sallonis portare seu portari facere, et
ex ipsis racemis vinum similiter facere et ibidem quandocumque vendere, ac si ipsi racemi essent de

1122
2020: cette partie du texte en italique, ne figure pas dans l’ouvrage de R. Brun. à vérifier sur le 3G20.
1123
asportare

211
propriis vineis territorii castri Sallonis supradicti, cum ipsos de Granis homines quantum ad predicta
esse de Castro Sallonis reputemus supradicto.

De quibus omnibus vir religiosus dominus Hugo de Granis, et dominus Bertrandus de Bariolis, miles de
Sallone, pro hominibus de Sallone vineas in dicto territorio de Gabardello habentibus et nomine
ipsorum, pecierunt a me notario infra scripto sibi fieri publicum instrumentum [...]

Acta fuerunt hec in palacio archiepiscopali dicti castri Sallonis in camera dicti domini archiepiscopi.
Presentibus testibus [...]

VII - Sentences rendues par le juge de Salon dans des assises tenues à
Saint-Chamas
(Extraits)

Chartrier de Salon: n°s 182-186-187-188- B. mun. d’Arles.


Recueil de pièces diverses concernant l’Eglise d’Arles: copie de Bonnemant.

1298-1310

Anno Domini MCCXCVIII die Januarii hec sunt condempnationes facte in Castro Sancti Amantii per [...]
Johannem Boneti, judicem tocius terre sancte Arelatensis ecclesie [...] Guillelmus Deg et Petrus
Duranti fratres de Granis, quia [...] ipsi venientes de Sancto Mitrio versus Sanctum Amantium cum
animalibus lsnardi Thome [...] cum quo morabantur, deferentes unam saumatam annone et duas
saumatas ordei predicti lsnardi, [...] unam eminam annone et aliam ordei sibi appropriaverunt, ideo
nos [...] utrumque [...] in XXV solidis condemnamus, et restitutionem dicti bladi faciendam [...]

[318]

Item quia Maria, uxor Guillelmi Sancte Andree [...] verbis contendendo cum Jacoba Cathalare, dixit
eidem Jacobe quod pater ipsius habuerat unum infantem de groze sua, ideo nos [...] dictam Mariam
condemnamus in X solidis [...]

Item quia [...] dicta Jacoba vocavit Mariam, uxorem Guillelmi Sancti Andree: “Putam, parliera, vade
cadanetum1124 ad consanguineam tuam que est meretrix, nam tu lues1125 de corpore verbum quod
dixisti.”

Ideo nos [...] dictam Jacobam condempnamus in X solidis. Item [...] quia Raimundus dixit quod bonum
esset ponere ignem in domo Raymundi Nicholai, eo quia Bellessendis de Mairanicis est hospitata in
domo sua, que est meretrix Petri de Narbona, item quia dictus Raimundus dixit Bellisendi quod si iret

1124
À Cadenet?
1125
lues ? G. Castel traduit par “il faudra que tu payes sur ta carcasse les mots que tu as dits”

212
ad eam, detraheret ipsam per ferragines et eam scorcharet, ideo nos [...] dictum condempnamus in
XXti solidis.

Item quia [...] Huga, verbis certando cum Petro Cambagrossa dixit eidem Petro quod ipse furatus fuerit
pira sua, ideo nos [...] dictam Hugam condempnamus in tribus solidis.

Item quia [...] Bernardus de Rocaire fugavit Guillelmum Bernardum, gladio evaginato, usque ad
hospitium dicti Guillelmi, quod se fecisse suo juramento prius abnegavit, ideo nos [...] dictum
Bernardum, tam ratione excessus quam perjurii, condempnamus in XXX. solidis.

Item quia dictus Guillelmus Bernardi dedit alapam1126 Raimundo de Rocaire, ideo nos [...] dictum
Guillelmum condempnamus in X. solidis [...]

Item quia Sibinda Botine dixit Alasacie ortolane, injuriose: “Putam, vetula, ante quam nominat hinc ad
XV. dies, ostendam tibi intestinos tuorum filiorum trium!” Ideo nos [...] dictam Subindam
condempnamus in XV. solidis.

Item quia Petrus de Aurelia [...] dedit unam matam alapam uxori Johannis Testoris, ita quod ipsa uxor
dicti Johannis cecidit ad parietem, [...] ideo nos [...] dictum Petrum condempnamus in XV. solidis.

Item quia [...] Aventurellus, in messibus proxime lapsis, de nocte, in area domini Bertrandi de Sancto
Amantio, militis, circa duas eminas annone [...] secum furtive deportavit, ideo nos [...] dictum
Aventurellum condempnamus in L. libris et restitutione bladi.

Item quia Raimbaudus Corvi bannherius, sue salutis immemor et contra juramentum proprium
veniendo, abandonavit vineas Hugonis Berengarii, [...] ideo nos [...] dictum Raimbaudum Corvi,
moderata ejus pena propter paupertatem, condempnamus in XXti solidis.

Item quia Raimundus Cambagrossa, cum [319] Raimbaudus bannherius esset pro bannhio petendo in
stari dicti Raimundi, idem Raimundus irose dixit dicto bannherio: “Vade extra hospicium meum!” Ideo
nos [...] dictum Raimundum condempnamus in V. solidis.

Item quia Guillelmus de Rocario distraxit per capillos Isnardum Imberti per carreriam, ideo nos [...]
dictum Guillelmum condempnamus, moderata ejus pena, quia gratis confessus fuit, in XXti solidis.

Item quia Jacoba, filia Gaufridi Andree, dixit contra Pontium Muratoris, injuriose: “Satis habetis ad
faciendum de consanguinea vestra, que deportat grossum ventrem.” Ideo nos [...] dictam Jacobam
condempnamus in V. solidis.

Item precipimus quod omnes predicte condempnationes infra decem dies proximos persolvantur.

Anno MCCLXXXXVIII, scilicet sexto Idus Marcii, fuit dies feriarum in castro Sancto Amantio, qua die
dominus Johannes Bermundi, legum doctor, judex totius terre sancte Arelatensis ecclesie [...] fecit

1126
alapa in Gaffiot: soufflet

213
condempnationes infra scriptas [...] quia Guillelmus Fulconis intravit viridarium domini Guillelmi
Milonis per parietes, cum esset clausus, et ibi comedit sciens et exivit, idcirco nos [...] dictum
Guillelmum condempnamus in tribus solidis.

Item [...] quia Huga Austrienca removebat lapides de pariete Hugonis Berengarii, qui paries erat in
vinea scita in vallono Balcos, et ex dictis lapidibus in vinea sua ipsa idem unum edificabat parietem, et
sit causa [...] exempli et correctione digna, ideo nos [...] dictam Hugam condempnamus in sex solidis.

Item quia [...] Raimundus Andree, dum Hugonus Daniellis haberet pecuniam suam super quodam
tabulario, XXII. denarios vel duos solidos per violentiam abstulit dicto Hugono, et mala malis
cumulando, cum uno baculo ferreo dictum Hugonum projecit volendo percutere, ideo nos [...] dictum
Raimundum, predictis delictis, moderando penam propter ejus paupertatem, condemnamus in L.
solidis.

Anno M° CCC° III° die XX Novembris, hec sunt condempnationes facte in castro Sancti Amantii per [...]
dominum Petrum Cathalani [...] judicem Sallonis et tocius terre Arelatensis ecclesie [...]

In primis quia [...] cum Guillelmus Sancti Andree de Sancto Amantio contenderet verbis injuriosis cum
Johanne Pellipario, ipse Johannes injuriose dixit dicto Guillelmo: “Non vos opres un gran viech d’ase
en vostra gola” Idcirco dictus dominus [320] judex dictum Johannem in decem solidis refforciatis 1127
condempnat.

Item quia constat [...] Jacobam Barralam dixisse injuriose Raynaude uxori Hugonis de Istrio: “Sas tripas
n’amaria mais aver que clamar mi.”

Item cum projicerit injuriose lapides contra Petrum Austri, et hoc ter, et in ea non stetit quin cum
percussisset si posset, dicens nichilhominus “Sas tripas en vuel aver!” Item quia cum quodam lapide
percussit injuriose dictam Raynaudam, que pregnans erat, super flanco, idcirco dictus dominus judex
dictam Jacobam in viginti solidis condempnat.

Item quia constat Raynaudam uxorem Hugonis de Istrio injuriose percussisse Hugam, filiam dicte
Jacobe Barrale, cum palma super spatulas, item eamdem Hugam injuriose talpitavit1128, idcirco
dominus judex dictam Raynaudam in XV. solidis condempnavit.

Item quia constat Petrum Garini de Berra dum contenderet verbis injuriosis cum Pontio Muratoris,
injuriose evaginavit cultellum suum contra dictum Pontium, percutiens eum semel cum pomo cultelli
predicti, [...]. idcirco dominus judex dictum Petrum in viginti solidis condempnavit.

Item quia constat Guiguetum de Cornilione habuisse rem carnalem cum Jordana Revella de Sancto
Amantio, muliere vidua; et olim bone fame, idcirco domnus judex dictum Guiguetum in quinquaginta
solidis condemnavit.

1127
reforciats, ou renforcés, cf in Essai sur l'histoire de Provence
1128
talpitare ?

214
Anno Domini M° CCC° quinto, die XVIII Februarii, condempnationes facte in castro Sancti Amantii per
dominum Guillelmum Primairani, judicem castri Sallonis et tocius terre archiepiscopatus Arelatensis
[...]

Inprimis quiquidem quia constat per confessionem Bertrande Suriane, uxoris Raymundi Suriani de
Sancto Amantio, quod ipsa habendo verba cum Raymbaudo Corvi bannerio dicti castri, dixit eidem
quod tantum diligebat bannum de tort quantum de drech, id circo dictus dominus judex dictam
Bertrandam condempnat in tribus solidis refforciatis.

Item quia constat dicto domino judici per confessionem Johannis Petri de Sancto Amantio quod ipse,
adulterando cum Tira Chiarda uxore Petri de Sancto Amantio, eam carnaliter cognovit, idcirco dominus
judex dictum Johannem condempnavit juxta statutum curie Sallonis in triginta solidis, mitigata pena
propter ejus juventutem [...]

Anno Domini M° CCC° IIII die XV Marcii, hec sunt condempnationes facte per Petrum Cathalani,
judicem castri Sallonis ac [321] universe terre Arelatensis ecclesie, in castro Sancti Amantii [...]

Anno Domini M° CCC° X die X Decembris, hec sunt condempnationes facte in castro Sancti Amantii per
dominum Petrum Cathalani judicem castri predicti et terre tocius Arelatensis ecclesie [...]

Item, quia Guillelmus Stephani et Berengaria ejus uxor emerunt hoc anno rubrum seu vermellium in
castro Sancti Amantii contra preconisationem factam in castro Sancti Amantii de non emendo rubrum
seu vermellum sub pena XXV solidorum refforciatorum et amicionis rubei seu vermelli, [...] idcirco
quemlibet predictorum condempnamus in quinque solidis [...].

215
VIII - Etablissement d'une bladerie à Salon
Archives dép. des B.-du-Rh. Fonds de l'Archevêché d’Arles; Chartrier de Salon: n° 31; Livre jaune, f°
177 v°; Livre vert, f° 368. Arch. munic. de Salon; série HH, liasse 1: copie authentique du XVIIe s..
Extraits dans la Gallia christiana novissima, Arles, n° 14301129.

Salon 1305 24 Juin

P. divina providencia [...] archiepiscopus [...] Noverunt universi quod cum universitas castri Sallonis
prestare seu servire teneretur domino archiepiscopo Arelatensi in sua creatione, consecratione seu
pallio1130 quinque milia solidorum perpetuo, occasione quorum ab olim inter nobiles et plebeos dicti
castri, inimico homine hoc agente, difidia sunt exorta, et propterea tam nobiles quam plebei
diversorum dampnorum, laborum et expensarum durius hactenus sunt concussi, jamque velut levis
aura discordia inter eos eadem occasione prosiliens majoris discriminis incentivum posset et
verisimiliter timeretur posse in posterum parturire, tandem, Bertrandus de Fayssis domicellus, Petrus
Textoris et Hugo de Cornillone mercatores castri predicti, nominibus eorum propriis ac sindicario
nomine universitatis hominum castri predicti, ad infrascripta specialiter constituti et [322] ordinati per
universitatem prefatam, ut patet per quodam publicum instrumentum inde factum manu mei notarii
infrascripti, ex una parte, et venerabilis vir dominus Guillelmus Meschini officialis Arelatensis et
vicarius generalis domini archiepiscopi antedicti et regni Sicilie cancellarii nomine dicti domini
archiepiscopi ac capituli Arelatensis ecclesie ex altera, ad collendum litis1131 aculeos1132 per pacis et
concordie medicinam, illius sequentes exemplum qui ut pacem daret populo trabea carne assumpta
una summus reconcilians processum in orbem amicabiliter et concorditer in modum qui sequitur
convenerunt, videlicet quod pro servicio predicto quinque milium solidorum dominus archiepiscopus
predictus et successores sui perpetuo habeat et habere debeat unum certum locum in dicto castro
Sallonis deputatum,, in quo blada, legumina et aliaque cum eyminis mensurari consueverunt que
portabuntur ad dictum castrum seu villam Sallonis, vendantur omnia, et nullus possit tenere nec
habere in dicto castro seu ejus pertinenciis bladariam sive gabellam pro blado vendendo.

Item, quod pro qualibet saumada cujuscumque bladi, leguminis et aliorum predictorum que portabitur
ad vendendum ad dictum castrum, dictus dominus archiepiscopus et successores sui habeat et habere
debeat unum denarium reforciatum, et sic de minori mensura seu pondere secumdum 1133
proporcionem, videlicet de media saumata, obolum, et sic de aliis secundum quod mensurabuntur.

Item, quod homines dicte ville seu castri Sallonis possint vendere in domibus suis propriis blada
provenencia de laboribus seu culturis suis propriis, vel ea que bone fide et sine fraude emerint aliunde,
suo proprio nomine et causa mercandi ex inde ad opus sui ipsius, et quod possint tenere mensuras
signatas per curiam cum quibus possint vendere blada sua predicta.

1129
2020: accessible ici sur Internet Archive.
1130
2020: consécration du pallium
1131
2020: lis, litis différend?
1132
2020: ?Peccatum, vulnus, acumen, tædium.
1133
2020: secundum ?

216
Item, quod saumata intelligatur prout taxatum et determinatum est in dicto castro de quolibet genere
bladi, et idem intelligatur de omnibus leguminibus et fructibus cum eminis mensuratis vel
mensurandis, scilicet saumata annone, siliginis et leguminis, octo eminas; ordei, decem; avene,
duodecim.

Item, quod dicti homines promitant se non permissuros quod aliquis possit tenere bladariam vel locum
aliquem ad mensurandum bladum extraneum nisi in loco seu locis que dominus archiepiscopus ad hoc
duxerit deputandum.

[323]

Item, quod nullus extraneus vel forensis bladum vel alia teneatur vel possit vendere in dicto loco seu
districtu ejusdem nisi in dicta bladaria, nec homines dicti loci bladum alienum.

Item, quod ille qui tenebit bladariam nomine dicti domini archiepiscopi non possit emere bladum nec
fructus alios pro se nec pro alio, nisi tantum pro victu suo, habita legitima extimatione, secundum
familiam et statum illius, et hoc jurare ad sancta Dei evangelia teneatur mox quam fuerit ad illud
officium deputatus.

Item quod de omnibus bladis qui ad bladariam predictam deportabuntur et omnium predictorum, sive
sint hominum dicti castri sive aliunde, dent et dari teneantur dictum denarium vel minus juxta
venditam quantitatem.

Item, quod dicti homines dicti castri seu ville mostram bladorum possint facere portari per dictam
villam, excepta dicta bladaria infra quam tales mostras nullatenus introducant.

Item, quod quandoque blada, legumina vel fructus extraneos permittitur in loco bladarie vendi
contingerit alicui si venerit alius volens de dictis bladis, fructibus et leguminibus ad opus et usum suum
et domus sue, vel causa seminandi, partem habere precio quo vendetur, quod possit habere partem
precio quo vendetur prout est consuetum.

Item, quod siquis vel aliqui extranei aliquam quantitatem bladi in botigiis1134 infra dictum castrum
posuerunt, quod in botigiis ipsis ipsa blada vendere, mensurare, seu mensurari facere possint impune,
salvo tamen dicto domino archiepiscopo prout est superius ordinatum, quod possit et debeat habere
et levare pro qualibet saumata vendita singulos denarios reforciatos et sic de saumata dimidia prout
superius est expressum.

Item, quod pro dicta bladaria universitas hominum de Sallone predicta aprestatione dictorum quinque
milium solidorum perpetuo sit liberata et inmunis, liberi et inmunes, sic quod dominus Arelatensis
archiepiscopus quicumque pro tempore fuerit, dictos quinque millia solidorum nullo tempore possit
exigere ab eisdem, vel talliam facere pro eisdem, et promiserunt sollempniter sindici predicti, pro se
et nomine omnium hominum dicti loci, quod de cetero non permitent quod aliquis seu aliqui possint
locum seu bladariam habere in loco predicto seu ejus territorio, nisi idem dominus archiepiscopus,

1134
2020: botigia in Du Cange: Officina, taberna, Gall. Boutique.

217
nec unquam per se vel alios impedimentum aliquod publicum vel occultum prestabunt, nec prestari
ab aliquo pacientur [...]

[324]

Que omnia supradicta prout scripta et ordinata ac tractata sunt, prefatus dominus vicarius et officialis
quibus supra, attendes fore utilia domino archiepiscopo, [...] laudavit, approbavit et fecit ea que se et
dictum dominum archiepiscopum et successores ejusdem tenere, complere et in perpetuum
observare [...] et promisit ut vicarius, dictis sindicis presentibus, [...] facere predicta omnia, ratificare,
approbare et confirmare [...] et de predictis dicti sindici petierunt sibi fieri publicum instrumentum.

Actum infra castrum seu fortalicium archiepiscopale Sallonis in platea ulmi1135, testibus presentibus
nobili domicello Arnaldo de Barda vicario Sallonis, Petro de Mirais notario, Bernardo Michaelis de
SalIone, fratre Thoma de Lacigniaco super Marnam1136, et me Bernardo Audiberti, notario publico
curie Sallonis.

Confirmation de l'acte précédent par le chapitre de Saint-Trophime. (Livre jaune: f° 180).


Confirmation par Pierre de Ferrières, archevêque d’Arles, le 8 novembre 1305. (Arch. munic. de Salon;
serie HH, liasse 1, copie authentique).

IX - Règlement relatif aux poids et aux mesures


Archives munic de Salon; série HH, liasse I, original parchemin; vidimus de 1395, copie du XVIIIe
siècle.

Salon 1327, 22 Juin

In Dei nomine amen. Anno incarnationis ejusdem M° trecentesimo vicesimo septimo, die vicesima
secunda mensis Junii, reverendo in Christo patre domino Gasberto permissione divina sancte
Arelatensis ecclesie archiepiscopo presidente atque castri Sallonis domino existente, ex hujus
instrumenti veri ac publici tenore cunctis pateat audientibus manifeste quod viri honorabiles et
circumspecti domini Guillelmus Hemozini, judex castri Sallonis et terre totius sancte Arelatensis
ecclesie, ac ibidem vice officialis Arelatensis, et Berengarius Emengarii prior Sancti [325] Johannis de
Brenacio1137 et socius domini archiepispopi memorati, ac etiam nobilis domicellus Aymaricus de Villa,
vicarius predicti castri Sallonis et terre totius sancte Arelatensis ecclesie, et dominus Guillelmus
Rotlandi, clavarius dicti castri Sallonis et procurator domini archiepiscopi memorati, ex parte una,
nomine et pro parte ac vice domini archiepiscopi antedicti, et Petrus Suavis de Platea canabasserius,
Bernardus Bernardi, Bernardus Ruffi, senior, Pontius Gervasii, Johannes Agathe, Bernardus Philippi,

1135
2020: la Place des Ormes?
1136
Lagny-sur-Marne
1137
2020: Il y a donc un prieur à Saint Jean de Bernasse.

218
Jacobus de Vico, Johannes Chaberti de peissoneria, Hugo Pinatoris, Petrus Matharoni et Hugo de
Cornilione draperius, ex altera parte, propriis et ceterorum hominum totius universitatis castri Salonis
nominibus, propter statum pacis et concordie observandum et tenendum et habendum a modo seu
deinceps inter memoratum dominum archiepiscopum et ejus officiales, ex parte una, et dictos
homines et universitatem predictam, nominibus quibus supra, ex altera, et ut a modo habeatur et
sciatur certa forma et regula de ponderibus et mensuris quibuscumque et natura atque conditione
earumdem, de quibus homines dicti castri Sallonis a modo utentur in dicto castro Sallonis ponderando
vel mensurando res quas in posterum emenl vel vendent ad pondus vel mensuram, sic duxerunt
statuendum et ordinendum adinvicem et inter se, videlicet quod omne pondus et omnis mensura
signabitur signo curie Sallonis per duos homines probos et juratos qui ad dicta pondera et ad dictas
mensuras signanda et signandas, recognoscenda et recognoscendas, per officiales curie Sallonis, ad
requisitionem hominum de Sallone, annis singulis, a modo deputabuntur, et erunt annuales ita quod
anuuatim mutabuntur; et etiam ante quam annum, compleverint ex causa si [...] officialibius predictis
videbitur expedire, et alios duos homines in loco dictorum depositorum deputare poterunt et
debebunt dicti [...] officiales. Ad quod faciendum elegerunt et deputaverunt ibidem dicti officiales, ad
requisitionem dictorum proborum virorum nominibus quibus supra, Bernardum Ruffi, juniorem, et
Johannem Chaberti de peissoneria dicti loci de Sallone, ibidem presentes, qui juraverunt quod in
predicto officio se bene et legaliter habebunt.

Item, fuit actum et ordinatum inter dictas partes quod omnis libra erit de pondere quatuordecim
unciarum et dimidie uncie; item, quod omnis uncia et seyzenum1138, extra bollonum1139, signabitur
signio predicto, et pondus bolloni similiter signabitur [326] externis in parte superiori ad modum illius
bolloni signati quem officiales curie Sallonis tenebunt pro patrono.

ltem, fuit actum et ordinatum inter dictas partes, quod tociens quotiens aliquis homo de Sallone
hujusmodi signatoribus et allialatoribus aliquod pondus vel pondera ac etiam mensuram vel mensuras
allialare et recognoscere ac etiam signare debeant et teneantur, absque eo quod propter hoc aliqua
pena illi vel illis qui talia pondera vel mensuras facient recognosci, allialari et signari, aliqualiter
instigatur.

Item, fuit actum et ordinatum inter dictas partes, quod homines predicti castri Sallonis debeant et
possint uti libere et impune ponderibus et mensuris que et quas ipsi habent modo et ex quibus uti
consueverunt donec et quousque fuerit eis publice et voce preconis interdictum et prohibitum; et
curia seu [...] officiales curie Sallonis proviserint de patronis ad quorum instar et formam pondera et
mensure hominum de Sallone allialabuntur et signabuntur et quousque dicti homines de Sallone de
ponderibus et mensuris novis signatis et allialatis sibi paruerint ante et se minuerint inde.

Item, fuit actum et ordinatum inter dictas partes, quod homines dicti castri Sallonis solvent pro singulis
ponderibus signandis duos denarios coronatos allialatoribus et signatoribus supradictis; et quod
omnia pondera erunt de metallo, cupro vel ferro; item, pro singulis mensuris bladorum signandis et
allialandis, quatuor denarios; et pro singulis mensuris, olei, duos denarios; et pro singulis mensuris

1138
seizenum in Du Cange: Regio urbis, apud Massilienses, quorum urbs olim in sex partes distributa erat, vulgo
Sezain. Également sexenum.
1139
bollonum bolonae marchands de poisson in Gaffiot, ? rapport avec Boulogne? Équivalent des “bulles” pour
signer/attester?

219
vini, duos denarios; et omnis mensura vini signabitur, etiam mensura unius denarii, sed ab uno denario
inferius non teneatur aliquis mensuram vini signari. Que premissa omnia et singula dicte partes [...]

Actum Sallone in fortalicio archiepiscopali, in aula nova1140, juxta tabularium dicti domini clavarii.
Testibus presentibus Hugone Ferrarii, Pontio Busterii, Bernardo Oliverii, magistro Bertrando Arnaldi,
notario, omnibus de Sallone, et pluribus aliis, et me Roberto Vigonis, notario publico.

[327]

X - Nomination d’un bayle à Saint-Chamas


(Extrait d'un acte de vente du 6 septembre 1344)

Arch. munic. de Salon; Livre Blanc, f° 199 v°

Joannes, miseratione divina sancte Arelatensis archiepiscopus, dilecto nobis magistri Joanni Berengarii
de Sancto Amantio, familiari nostro, salutem et sinceram in Domino caritatem.

De tuis industria et fidelitate plenam in Domino fiduciam obtinentes, te, bajulum nostrum castrorum
nostrorum de Sancto Amantio, de Cornillione, de Confossio1141, et eorum districtorum, amotis et idem
quibuscumque aliis, usque ad nostrum bene placitum facimus tenore presentium, constituimus et
etiam ordinamus; dantes et concedentes tibi plenariam potestatem notarios, servientes et
quoscumque alios officiarios minores in dictis locis et curiis nostris dictorum locorum, ponendi,
constituendi, ac etiam deponendi et amovendi, quociensque tociens fuerit opportunum; nec non
venditiones, alienationes quascumque, que in dictis castris et eorum districtibus et territoriis fieri
contigerit, feudis1142 nobilibus condominorum dictorum locorum dumtaxat exeplis, laudandi et
trezena percipiendi; jus redendi penas, et preconisationes et banna imponendi et fieri faciendi et
omnia alia et singula faciendi, ordinandi et exercendi, que ad hujus bajulatus officium quomodolibet
pertinere noscuntur [...]

[328]

XI - Tarif du péage de Salon (1344)

Arch. dép. des B.-du-Rh., Série G; Fonds de l’archevêché d’Arles; Livre vert, f° 224 et v°.

Sequntur jura pedagii castri Sallonis

1140
2020: cf note p. 90: “Les travaux devaient être commencés en 1219, car à cette date on comparait déjà la
vieille forteresse aux nouvelles constructions”
1141
2020: Confoux.
1142
2020: feudum, au sens de fief?

220
Primo solvitur pro trossello1143 pannorum seu aliarum rerum ligato ponderante duo quintalia cum
dimidio, a quacumque parte veniat, X. et VIII. den. Provinciales.
Item, pro animali onerato de solda1144, XII. den. provinciales.
Item, pro animali onerato de lana, XII. den.
Item, pro salmata piscium, II. den. ob1145.
Item, pro salmata vini, II. den. ob.
Item, pro salmata bladi, II. den. ob.
Item, pro salmata amigdalarum, II. den. ob.
Item, pro salmata alecum1146, XVIII. den.
Item, pro salmata grane, XVIII. den.
Item, pro uno equo precii, II. seu VI. den.
Item, pro salmata telarum, XVIII. den.
Item, pro salmata salis, II. den. ob.
Item, pro salmata quorumcumque coriorum, XVIII. den.
Item, pro salmata cujuscumque fili, XVIII. den.
Item, pro salmata caseorum, XII. den.
Item, pro salmata avellanarum, XII. den.
Item, pro salmata ficuum antiquarum, XII. den.
Item, pro salmata ficuum recentarum, II. den. ob.
Item, pro salmata ceparum, II. den. ob.
Item, pro salmata raparum, II. den. ob.
Item, pro salmata cere, XVIIII. den.
Item, pro quintali mellis, II. den. ob.
Item, pro salmata vitrorum, II. den. ob.
Item, pro salmata cuniculorum, XVIII. den.
Item, pro salmata armaturarum, XVIIT. den.
Item, pro salmata capellorum, XVIII. den.
Item, pro salmata olei, If. den. ob.
Item, pro salmata ferrassiarum, XII. den [329]
1147 1148
Item, pro salmata avelonorum sine agmidalorum ruptorum, XVIII. den.
Item, pro salmata cordarum et tapassiorum1149, X. den.
Item, pro salmata fustarum quarumcumque, II. den. Ob.
Item, pro quolibet animali grosso, videlicet roncino, equa, asino, bove, vaca, mulo, mula et poulino, II.
den. ob.
Item, pro quolibet animali parvo, videlicet porco, mutone, ove, capra, capreto et agno ob. ad XIII den.
tur. arg.
Item, pro salmata pergamenorum, XII. den.

1143
2020: trossellum: comme un fagot de matériaux; diminutif de trossa: Fasciculus, Gallis Trousse, Trousseau.
1144
2020: solda in Du Cange, Fæx vinaria, Provinc. Soudo, Gall. Lie. Index portorii castri de Landon ann. 1378:
Salmata Soldæ, duodecim denarios.
1145
2020: de quel type de denier s’agit-il? Nota: une obole = un demi denier.
1146
2020: alecum ? peut-être alicha, cf in Du Cange: pro alica, frumenti genus, Gall. Epeautre.
1147
2020: salmata avellanarum quelques lignes plus haut
1148
Lire sive ? nombreuses erreurs typographiques, cf mundinis, agmidalorum, mercerüs, [...]
1149
2020: tapassiorum cf tapisserium in Du Cange: Aulæum, tapes. Donc probablement tapisseries.

221
Item, pro salmata greze, XII. den.
Item, pro homine portante maletam cum merceriis seu mercedibus, II. den. ob.
Item, pro omni animali empto in nundinis extraneis faciente transitum per Sallonem, II. den. ob.
Item, pro salmata cepi seu alterius pinguedinis, XII. den.
Item, pro salmata carnium salsatarum XV. den.
Item, pro salmata pilharie, XVIII. den.
Item, pro salmata pellum cuniculorum et agnorum, XVIII. den.
Item, pro quadriga onerata lignorum, X. den.
Item, pro salmata peloni1150, X. den.
Item, pro salmata calibis1151, XV. den.
Item, pro salmata canapis sive stupe, XII. den.
Item, pro balla ligata cum cendato et serico et specibus, XVIII. den.
Item, pro homine portante ad collum suum vitra sive pisces, V. picte.
Item, pro mercerio portante cum animali merces, XV. den.
Item, pro una broeta1152 cum mercibus vel solda, X. den.
Item, pro carriga papiri1153.
Item, pro carriga cotoni, XVIII. den.
Item, pro libra coraylis1154 usque ad pondus, XXV librarum.
E d’aqui avant1155, V. solidi.
Item, palma pro quolibet animali portante, I. palma.
Item, pro duodena gallinarum vel polacium, II. den.

[330]

XII - Tarif de la leude de Salon (1344)

Arch. dép. des B.-du-Rh, Serie G; Fonds de l'archevêché d'Aries; Livre vert, f° 226.

De juribus leude Sallonis

Primo solvitur pro una pecia panni sive fustane, II. den. ob.
Item, pro corda telle, ob. cor.
Item, pro rota blanqueti, II. den. ob.
Item, pro omni animali grosso V. den.

1150
2020: peloni ?
1151
2020: caliba in Du Cange:, Chalybs, catena ferrea, ferrum.
1152
2020: broeta in Du Cange:, pro Birota, Vehiculum duas habens rotas, Gall. Brouette.
1153
Cette ligne et les suivantes sont d’une autre main. [2020] on note le passage de quadriga à carriga.
1154
2020: corail?
1155
2020: d’aqui avant = d’ist di en avant = dorénavant, cf Lexique roman ou Dictionnaire de la langue des
troubadours

222
Item, pro uno equo precii XXV floren. vel ulterius, V. solidi.
Item, pro cambiis animalium grossorum, X. den.
Item, pro uno animali parvo, I. den. cor.
Item, pro salmata piscium, I. den. cor.
Item, pro salmata olei, I. den. cor.
Item, pro salmata vini, I. den. cor.
Item, pro salmata salis, I. den. cor.
Item, pro salmata vitrorum, I. den. cor.
Item, pro salmata ceparum et alliorum, I. den. cor.
Item, pro salmata amigdalorum, I. den. cor.
Item, pro salmata nucium, I. den. cor.
Item, pro salmata ollarum, 1 den. cor.
Item, pro quintali amigdalorum ruptorum, II. den. cor.
Item, pro quintali mellis, II. den. cor.
Item, pro quintali cere, II. den. cor.
Item, pro quintali cepi, vel alterius pinguedinis, II. den. cor.
Item, pro quintali carnium salsarum, II. den. cor.
Item, pro quintali lane, II. den. cor.
Item, pro duodena pellium mutonum et agnorum, II. den. cor.
Item, pro duodena pellium mutonum conreatarum, V. den.
Item, pro duodena cordoani. V. den.
Item, pro duodena pellium servorum, VI. den. cor.
Item, pro quintali grane, X. den.
Item, pro uno corio bovino, II. den. vien.
Item, pro centene pellium cugniculorum, VIII. den. cor.
Item, pro quintali solde, II. den. cor.
[331]
Item, pro omni mercerio sive pilherio tenente tabulam sive portante per villam, I. den. vien1156.
Item, pro homine portante ad collum poma, arengia, pisces vel vitra, I. den. vien.
Item, pro salmata fuste, II. den. cor.
Item, pro quintali ferri vel aliorum metallorum, II. den. cor.
Item, pro quintali pelloni, II. den. cor.
Item, pro salmata ficuum rescencium, I. den.
Item, pro quintali ficuum antiquarum, II. den. cor.
Si vero vendentur per eminam, solvitur per eminam, II. den. Vien.
Item, pro quadriga onerata fuste, V. den. Vien.

1156
2020: denarius viennensis in Universalis: La monnaie de Viennois a ceci de particulier qu'elle ne fut pas
frappée à Vienne. Les Dauphins de Viennois avaient assuré leur domination sur tout le pays, sauf sur Vienne,
qu'ils ne commandèrent jamais. Ils firent confirmer leur droit de battre monnaie par l'empereur, dont ils étaient
vassaux, en 1155 et en 1238. Ils avaient de nombreux ateliers monétaires dispersés dans les châteaux d'Avisan,
de Césanne, de Crémieu, où l'on frappait le florin, le carlin, le gros au dauphin et toute une échelle de monnaies
au dauphin, dans le système viennois (le denier viennois valait un demi-denier tournois). Cette monnaie était fort
commune et fort appréciée dans le sud-est de la France, encore qu'elle y fût interdite.

223
XIII - Profits casuels du viguier

Arch, dép. des B.-du-Rh, Serie G; Fonds de l'archevêché d’Arles, Livre vert, f° 226 v°.
(1344)

Recepta vicarii seu viguerii Sallonis super officio suo que habet recipere et percipere circa officium
suum exercendo ut infra sequitur.

(1) Et primo si mulier per viguerium seu vicarium Sallonis in adulterio fuerit deprehensa, viguerius seu
vicarius habet lectum in quo reperietur et eciam alii officiales tocius terre temporalitatis sancte
Arelatensis ecclesie.

(2) Item, si mulier portet jocalia aurea vel argentea ultra valorem trigenta solidorum, sunt confiscata
curie; pena vero est retenta1157 domino.

(3) Item, si juxta fontem vel murum vel fortalicium scobilhe prohiciantur, vel alia fiant inhonesta1158,
pena que est viguerii seu vicarii est de quinque solidis, pertinet ad subviguerium ut infra in officio
subviguerii patet.

(4) Item, si aque de Albis et de Todobre vertentur sine licencia viguerii seu vicarii, est pena de quinque
solidis.

[332]

(5) Item, in defficientibus ad excubias habet duos solidos cum dimidio.

(6) Item, de transeuntibus fortalicium ultra voluntatem viguerii seu vicarii habet duos solidos cum
dimidio; item, si sit nobilis, habet quinque solidos.

(7) Item, si pisces vel carnes corrupte reperiantur, pena retenta domino, valor autem animalis est
viguerii seu vicarii de piscibus quod repertum est seu reperietur in vigueria seu vicaria.

(8) Item, si vina, blada, vel alie res portentur extra villam ultra prohibicionem, pena retenta domino,
res autem sunt ipsius vicarii.

(9) Item, ponit in villa corretarios, et jurant in manibus suis; valent communiter. V. florennos.

(10) Item, semel in anno potest ire ad locum de Alansone1159 et ibi habet prandium cum quatuor equis,
expensis ville de Alansone.

1157
2020: retenta retenue?, par le seigneur, et non par le viguier?
1158
inhonesta ?choses viles, ordures
1159
Lançon

224
(11) Item, in quatuor nundinis, habet a judeis in qualibet decem solidos.

(12) Item, in festo nativitatis Domini habet a judeis pro strena. III.or1160 florennos currentes.

XIII bis - Profits casuels du sous-viguier


(1344)

Officium subviguerii Sallonis est tale ut sequitur

(1) Et primo quod qualibet nocte, cum suis sociis servientibus, facere surgachium per villam Sallonis in
carreriis et locis suspectis et alias ubi sibi melius videbitur faciendum.

(2) Item, si predictus subviguerius aliquem seu aliquos inveniat post pulsacionem campane nocturne
ire, reddire per carrerias sine lumine, nisi tamen rationabilem excusam et justam habuerint, debet
quilibet duos solidos cum dimidio pro pena1161.

(3) Item, si aliqua de domo seu hospicio per fenestras hora tarda inhonesta seu alique aque
prohicientur, pena est duorum solidorum cum dimidio.

[333]

(4) Item, si dictus subviguerius inveniat aliquem adulterantem, lectum est domini viguerii et ipsius
subviguerii cum suis sociis, et pena statuti curie seu fisco.

(5) Item, si ipse subviguerius aut servientes ejus socii inveniant macellarios, aut eorum factores, carnes
inflare1162, predicte carnes sunt domini viguerii, videlicet medietas, alia medietas est subviguerii cum
servientibus; pena vero retenta est domino.

(6) Item, si ipse subviguerius post preconizacionem factam de non portando cutellos ultra mensuram,
aliquem reperiat, ipse recipit predictos cutellos, tamen dominus viguerius habet in omnibus
medietatem.

(7) Item, si ipse inveniat aliquos ludere ad taxillos, argentum1163 quod super tabularium inveniet
recipere potest, et nichillominus petere et exigere penam pro domino, et in omnibus dominus
viguerius habet medietatem.

1160
2020: faut-il lire IIIIor ?
1161
2020: ce sont bien les deux sous, six deniers du Nullus vadat sine lumine per carrerias post pulsationem
campanae nocturne Rca
1162
2020: Cf Statuts de 1293, De macellaris & carnibus vendendis et preparandis Rica
1163
2020: remplacement de “qui ludentes ad taxillos vel eysaquetos” du statut de 1293 par “taxillos, argentum”,
ce qui renforce l’hypothèse eysaquetos = eyssuch = “jouer à sec”

225
(8) Item, habet ipse subviguerius cum suis servientibus de omnibus illis qui laysannam1164 faciunt supra
menia duos solidos cum dimidio.

(9) Item, de omnibus illis qui infra barrium et ambarrium scobiIhas et alia inhonesta portant, duos
solidos cum dimidio.

(10) Item, de omnibus illis qui itinera publica impediunt, quinque solidos.

(11) Item, de carreriis publicis, videlicet de illis qui ipsas impediunt1165, quinque solidos; habet dominus
viguerius in hoc et in precedente capitulo medietatem.

(12) Item, si juxta turrim fortalicii Sallonis seu fontem aliquis portet scobilhas aut alia inhonesta, habet
ipse subviguerius duos solidos cum, dimidio.

(13) Item, si aliquis custodiat porcos vel alia animalia in cimiterio Sancti Laurencii, habet ipse cum suis
sociis duos solidos cum dimidio.

(14) Item, si aliqua mulier juxta fontem bene prope lavet panna inhonesta, duos solidos cum dimidio
habet.

(15) Item, si meretrices publice lavant se vel balneant ad fontes de nocte et de die ad matrices
dictarum fontium habet quinque solidos pro vice qualiter.

(16) Item, si transeuntes pedagium non solvant, bona reperta sunt domini cum pena.

[334]

XIII ter - Etrennes dues par les Juifs de Salon

Arch, dép. des B.-du-Rh, Serie G; Fonds de l'archevêché d’Arles, Livre vert, f° 227.
(1344)

Sequitur strena officiariorum et servitorum a judeis solvenda in festo nativitatis Domini

Primo habet domnus officialis a judeis pro strena IV flor. curr1166.


Item, habet dominus judex, IV flor. curr.
Item, habet clavarius, II flor. curr.

1164
2020: laysanae in Du Cange: Immunditiæ, Gall. Ordures.
1165
2020: encombrement des rues: item fréquent dans statuts médiévaux, apparemment absent de 1293 [...]
1166
2020: florennos currentes voir opposition entre florin courant et florin de la chambre in Les monnaies des
papes avignonnais du Grand Schisme

226
Item, habet procurator, II flor. curr.
Item, notarius, II. flor. curr.
Item, buticularius, janitor sive porterius ac coqus, quilibet, II flor. curr.
Item quilibet alius familiaris seu comensalis castri habet, I flor. curr.

XIV - Réglementation des funérailles de François de Barjols


(Extrait de son testament en date du 6 Juin 1355)

De Gapo, not. étendu de 1350, f° 56 et suivants.

Item voluit, disposuit et ordinavit quod corpus suum porteretur ad ecclesiasticam sepulturam super
unum lectum, in quo quidem lecto voluit et disposuit poni unus pannus de serico cum armis suis quem
penes se dixit habere, quem pannum de serico eidem ecclesie Beati Francisci ad ornamentum ejusdem
amore Dei legavit [...]

Disposuit et mandavit quod ante corpus suum, dum ad ecclesiasticam sepulturam deportabitur,
melior equs quem ipsum testatorem habere contingent tempore mortis sue, vadat [335] armatus ul
molius armari poterit ante funus suum cum uno homine ipsum equm equitante bene armato, usque
ad ecclesiam Beati Francisci1167 predictam et voluit [...] quod dictus homo equitans equm [...] deberet
portare quoddam vexillum de armis ipsius domini Francisci et ipsum vexillum trahere per terram post
se usque ad ecclesiam sepedictam; de quibus quidem arnesiis sive armis ipsorum hominis et equi
legavit ecclesie predicte [...] ad ornamentum tumuli sui, dictum vexillum, unum scutum galerum
ferreum dicti hominis equiti, et loricas et panserias dicti equi et supermescam dicti hominis equiti et
voluit [...] quod predicta arnesia nullomodo [...] possint alienari [...] cetera vero arnesia dicti hominis
equiti et equi predicti voluit [...] cum equo predicto reduci ad domum ipsius testatoris, et non in ipsa
ecclesia Beati Francisci seu ejus conventu remanere [...]

Item [...] legavit [...] hospitali pauperum Christi Sallonis [...] unum lectum pannis completum ibidem in
hospitali persistendum ad recolligendum pauperes Christi [...] [...] et voluit quod dictus lectus
deportetur ad ipsum hospitale ante corpus suum dum deportabitur sepeliri.

Item voluit [...] emi pannum lineum et pannum laneum album [...] de quibus fiant viginti camisie et
viginti tunice, ita quelibet camisia sit cane et semis et quelibet tunica etiam, quas quidem camisias et
tunicas dari amore Dei et tribui quadraginta pauperibus verecundis et non assimilatibus miseriam [...]
voluit [...] quod dicti quadraginta pauperes cum dictis camisiis et tunicis indutis si comode fieri potest
alias ipsas super ipsorum humeros portantes, associent corpus suum usque ad ecclesiasticam
sepulturam, portantes etiam singuli eorum unam candelam ceream ardentem in manibus eorum [...]

1167
2020: où était cette église St François?

227
XV - Levée d’une taille et nomination de collecteurs
J. Duranti not. prot. de 1361

Salon 1361, 16 Août

[...] Nobilis et potens vir dominus Giraudus de Penacors, miles, capitaneus Sallonis, ordinavit et fieri
mandavit unam talliam in Sallone pro emendo ferrum et cordas pro duabus bricolis fiendis et pro
emendo veratonos et pro solvendo escoutz1168 et gardias sive custodes de die et de nocte et per
muralha; constituit et [336] ordinavit ac deputavit levatores, exactores seu receptores dicte tallie,
videlicet Poncium Burgondionis, magistrum Egidium de Garda, notarium, et Petrum Gervasii de
Sallone ibidem presentes [...] qui [...] juraverunt bene et fideliter in predictis se habere.

Item constituit et deputavit ad levandum debita antiqua debita in Sallone Guillelmum Chaberti,
mercatorem de Sallone, absentem, Raymundum Begas et me Jacobum Duranti, notarium, presentes
[...] qui juravimus [...]

Item ad levandum arrayragia Caritatis1169 Sallonis de anno proxime preterito Gaucherium Cavallerii et
Petrum Salamonis de Sallone [...]

Item ad levandum caritatem seu census Caritatis Sallonis de anno isto LXI° constituit [...] Johannem
Girardi et Raymundum de Sancto Johanne.

XVI - Diplôme de Charles IV, roi des Romains


confirmant les privilèges de la ville de Salon

Archives municipales de Salon: AA 2, original


Livre blanc, f° 258 v°
Publié partiellement par Gimon, p. 136

Bâle 1365, 28 Juin

In nomine sanctae et individuae Trinitatis feliciter, amen. Carolus quartus divina favente clementia
Romanorum imperator semper augustus et Boemiae rex1170, ad perpetuam rei memoriam, et si
cunctorum subjectorum nobis fidelium prosperitates et commoda benigno favore prospicimus et in
prosperitatis augmento nostrorum fidelium exinnata nobis clementia dillatamur, ad illos tamen

1168
2020: écoute, a donné scout en anglais
1169
2020: cf § sur la Charité
1170
2020: Charles IV (en allemand : Karl IV, en tchèque : Karel IV., né le 14 mai 1316 à Křivoklàt (Bohême) et
mort le 29 novembre 1378 à Prague) de la Maison de Luxembourg est roi de Bohême de 1346 à sa mort, puis
également empereur des Romains de 1355 à sa mort, en 1378.

228
singularem affectionem nostra gerit serenitas qui prae ceteris nostris fidelibus se fidei, constantia et
indeffessae fidelitatis obsequiis reddiderunt et aeternis reddunt continuo promptiores. Sane pro parte
sindicorum universitatis castri nostri et imperii sacro sancti de Sallone de Provincia, Arelatensis
diocesis, nostrorum et ejusdem imperii fidelium dilectorum, majestati nostrae oblata humilis petitio
continebat quathenus ipsis privilegia, literas, instrumenta, libertates, jura, usus, observantias et
consuetudines [337] quos que seu quas ipsi actenus habuisse noscuntur, authoritate caesarea
approbare, ratifficare, renovare, de novo concedere et gratiose confirmare dignaremur.

Nos ad supplicem petitionis instantiam praefatorum nostrorum fiedelium1171, praesertim cum juste
petentibus non sit denegandus assensus, habito etiam respectu ad indefessae fidelitatis obsequia
quibus dicti nostri fideles celsitudini nostrae et imperio sacro, operosa diligentia et vigilanti sutio
placuerunt actentius et habundantius placere in antea poterunt et debebunt praefatis nostris et
imperii sacri dilectis fidelibus sindicis ac universitati castri de Sallone animo deliberato, non per
errorem aut improvide sed de certa nostra scientia, sane principum, comitum, baronum, nobilium,
ministerialium et aliorum nostrorum et dicti imperii procerum et fidelium convocato super hoc
concilio, authoritate caesarea et de plaenitudine imperialis potestatis, universa et singula ipsorum
privilegia, instrumenta, jura et literas in omnibus eorum punctis, sententiis, articulis, clausulis,
tenoribus et continentiis ac si eorumdem tenores de verbo ad verbum praesentibus forent inserti, ac
etiam si de his jure et consuetudine deberet fieri in presentibus mentio, et alias prout rite et
rationabiliter processerunt, nec non libertates, usus, observantias et consuetudines rationabiles et
praescriptas approbamus, ratifficamus, innovamus, de novo concedimus et benignitate solita et
exinnata nobis pietatis clementia sicut digne possimus confirmamus gratiose, nostris, imperii sacri et
aliorum quorum cumque juribus in praemissis semper salvis. Nulli ergo [...] Siquis autem [...]

Signum serenissimi principis et domini domini Karoli quarti Romanorum imperatoris invictissimi et
gloriosissimi Boemiae regis. Testes hujus rei sunt [...]

Datum in Basilea1172 anno Domini milesimo tricentesimo sexagesimo quinto, inditione tertia1173,
quarto Kalendas Julii1174, anno regnorum nostrorum decimo nono, imperii vero undecimo.

[338]

XVII - Protestation de Ia communauté de Salon au sujet de Ia levée


d'une taille
Arch. munic. de Salon. Série AA. liasse II, original.

1367, 3 Novembre

1171
2020: fiedelium clarifier cette orthographe qui apparaît parfois
1172
2020: Bâle
1173
2020: en 1365, on n’a donc toujours pas abandonné le système de datation par indictions.
1174
2020: quarto calendas julii = 28 juin, cf in Tablettes chronologiques de l'histoire universelle sacrée et
prophane

229
En présence de Nicolas Guilabert, vicaire général diocèse d'Arles et juge de Salon, et de noble Gauthier
Cavellier, lieutenant du viguier, Jean Raymond, Jacques Matharon et Baudin Baudoin de Salon, en leur
nom propre et en qualité de syndics de la communauté donnent lecture de la protestation suivante:

Nos [...] dicimus et proponimus quod cum die lune proxime lapsa que fuit vicesima quinta mensis
Octobris vel alia die septimane preterite, vos, domini officiales predicti, singulariter feceritis evocari
per preconisationem quam jussistis fieri in castro Sallonis cum tuba homines de Sallone ad veniendum
ad curiam Sallonis; et deinde, congregatis quibusdam hominibus in singulari numero paucorum infra
dictam curiam vestram ad vocem tube dicte vestre precepte preconisationis et ad vocem campane
quam jussistis pulsare pro predictis, eligere, nominare et deputare fecistis per illos singulares sic
congregatos, videlicet duodecim homines de Sallone,. ad reparandum, refformandum, crescendum,
diminuendum et levandum et ordinandum tallias, indictas et indicendas1175 in ipso castro Sallonis, et
earum rationes audiendum; et demum preconisare facistis quod omnis persona cujuscumque
conditionis existerit, infra certum terminum, portare debuisset et tradidisse in scriptis omnia bona
sua, videlicet illis sic electis et deputatis et nominatis pro predictis talliis reparandis et refformandis et
aliis faciendis: et hoc sub certis penis in dictis preconisationibus arbitrio aponitis: et multas alias novas
ordinationes fieri feceritis et juberitis ac et ut dicitut scribi feceritis per magistrum Jacobum Duranti
notarium curie Sallonis, in et super reparationibus et fortificationibus meniorum1176 castri Sallonis et
aliis negociis publicis universitatem et communitatem castri Sallonis tangentibus, pro eo quia
dicebatur et asserebatur in narrationibus vestris ibidem factis dubium maximum esse de guerra
habenda in Provincia, attentis et consideratis verbis domini Guillelmi de Baucio protatis per eum, tam
[339] dum fuit in Sallone alia die, quam in Alansone dum fuimus ad cum pro respontione sibi facienda;
et specialiter etiam quia modo de novo quidam vocatus Luquetus cum societate Ungariorum1177 invasit
quedam castra in Martico1178 sancte Arelatensis ecclesie, et deinde ivit Arelatem et ibi, secundum
ramam publicam, expugnavit hospicium archiepiscopale Arelatensem; de quibus etiam, et non sine
merito, valde est dubitandum.

Hinc est cum predicta ordinata, concessa et facta fuerint, tam pro parte vestrorum dominorum
officialium, quam nostrorum hec exponentium et aliorum singulorum qui interfuerunt, ad bonum
finem, quia hujusmodi negocium veritatem desiderabat, videlicet pro deffensione, custodia et
conservatione personarum, bonorum et honorum domini nostri Arelatensis archiepiscopi et suorum
tam officialium quam subditorum hominum de Sallone, ne per dictos inimicos possemus decipi nec
dampnum vel dedecus pati, sed eis pro viribus resisti, idcirco, nos prenominati nominibus quibus supra
requirimus et supplicamus vobis dominis officialibus predictis, cum reverencia qua decet, quatinus
vos, si placet nobiscum, et nos etiam nominibus quibus supra vobiscum quantum nos tangit,
declaremus cum publico instrumento intentionem vestram et nostram fuisse et esse quod predicta
per vos precepta facta, preconisata et ordinata, nobiscum et nos vobiscum in et super predictis,

1175
2020: indicendas, variante de indictio (au sens Annona, tributum, quidquid in præstationem indicitur), cf
formule compellendo ad solvendum talliam, seu tallias indictas, seu indicendas compellat, & forestas, devesas,
seu memora in Ordonnances des roys de France de la troisième race. Curieusement, Du Cange se limite à Qui
dici non potest, ineffabilis.
1176
2020: renforcement des remparts
1177
2020: les Hongrois!? ici? Avec mention de Guillaume de Baux
1178
2020: Martigues?

230
queque qualiacumque et quantacumque fuerint. aliquo modo non prejudicavevint nec prejudicent
seu prejudicare possint in futurum juribus et litibus pendentibus inter dictas partes coram domino
patriarcha vel domino Thoma de Amanatis1179, delegato suo seu aliis subdelegatis suis, nec etiam
dependentibus, tangentibus, incidentibus, emergentibus1180 et connexis ipsis litibus predictis [...] et
nos volumus et concedimus quantum nos tangit, et etiam declaretis et declaremus illas lites sive
questiones cum suis emergentigus1181, dependentibus, incidentibus et connexis remanere illesas pro
ipsis partibus, tam diu donec ipse lites per viam sentencie vel aliam amicabilem inter partes fuerint
terminate; et in casu seu casibus quo seu quibus predicta sic precepta, preconisata, facta, ordinata et
gesta alias quovismodo dictarum partium, scilicet dicti domini archiepiscopi et universitatis castri
Sallonis, prejudicavissent aliquo modo aut prejudicare aliquo modo possint in futurum, illa omnia et
singula [...] declarentur per vos et aliam per nos [...] fuisse et esse nulla, cassa, vana et irrita et nullius
efficacis valoris [...]

[340]

XVIII - Bulle du pape Urbain V


enlevant aux officiers de l’Archevêque d’Arles, dans Ia ville de Salon,
l’exercice de Ia justice civile et criminelle

Arch. munic. de Salon. Série AA, liasse I, original; la bulle manque, mais elle est mentionnée dans le
Livre blanc - Livre blanc: f° 122 - B. de la ville d’Arles; ms 107 Recueil de pièces diverses, t. I, p. 46,
copie de Bonnemant - Extraits dans la Gallia christiana novissima, Arles, n° 16271182.

1369, 2 Avril

Urbanus1183 [...] dilectis filiis universis et singulis personis utriusque sexus ville Salonis Arelatensis
diocesis, salutem et apostolicam benedictionem [...] Sane petitio pro parte vestra nobis super exhibita
continebat quod cum olim venerabilis frater noster Guillelmus1184 archiepiscopus Arelatensis
nequaquam attendens quod afflictis non est addenda afflictio, sed potius est ipsorum miserie
miserandum, vos, tunc sibi ratione suarum ecclesie et mense archiepiscopalis Arelatensis in
spiritualibus et temporalibus immediate subjectas, quos, utpote a perversibus societatibus gentium

1179
2020: ?? Tommaso Ammanati, dit le cardinal napolitain (né à Pistoia en Toscane, Italie, et mort à Avignon,
le 9 décembre 1396 ) est un pseudo-cardinal italien du xive siècle créé par l'antipape d'Avignon Clément VII. Il
est le frère du pseudo-cardinal Bonifacio Ammannati (1397).
1180
2020: emergens in Du Cange: quasi extrinsecus evenit, et nihil commune habet cum negotio; sed Incidens
intrinsece respicit negotium principale
1181
2020: emergentigus dans la typographie; les pièces justificatives semblent avoir plus souffert d’erreurs que
le reste du texte.
1182
2020: accessible ici sur Internet Archive.
1183
2020: Guillaume Grimoard (né en 1310 à Grizac, Lozère et mort en 1370 à Avignon) devint le sixième pape
à Avignon et le 200e pape de l’Église catholique sous le nom d’Urbain V (1362-1370).
1184
2020: Guillaume de la Garde Chancelier de l'église de Beauvais, diacre, notaire du pape, évêque de Périgueux
(1348-1349), archevêque de Brague au Portugal (1349-1361), archevêque d’Arles (1361-1374) et patriarche de
Jérusalem.

231
armigerarum1185 que villam Salonis Arelatensis diocesis, cujus estis incole, occupaverant, spoliatos,
atque injuriis personalibus et realibus lesos, et alias multipliciter et miserabiliter aggravatos, decebat
pie miserationis anime refoveri, per seipsum seu officiales et ministros suos multipliciter progravaret.

Nos, causam quam super hiis contra eumdem archiepiscopum movere intendebatis, dilecto filio
nostro Philippo1186 sancte Romane ecclesie presbitero cardinali, tunc patriarche Jerosolimitanis et
Avinione comoranti, audiendam comisimus et fine debito terminandam, vosque dictum
archiepiscopum in causa hujusmodi coram eodem cardinali tunc patriarcha ad judicium evocari, ac
idem archiepiscopus ex hoc motus, per se ac officiales suos, vos qui a nobis fueratis per alias nostras
certi tenoris litteras, sub nostra et dicte sedis protectione suscepti, solito gravius opprimere non
expavit. Quare, pro parte vestra nobis fuit humiliter supplicatum id vobis super hoc providere de
opportuno, remedio [340] dignaremur.

Nos, igitur, volentes salva proprietate ipsius ecclesie vos ab hujusmodi gravaminibus inantea
preservare, vestris in hac parte supplicationibus inclinati, vos omnes et singulos, vestrosque posteros,
comuniter et divisim1187, necnon villam prefatam et ejus castrum seu arcem, ab omni juridictione
spirituali et temporali quam idem Guillelmus archiepiscopus Arelatensis per se aut officiales suos
ratione ecclesie et mense suarum predictarum potuit seu consuevit ibidem retroactis temporibus
exercere, auctoritate apostolica tenore presentium usque ad nostrum beneplacitum prorsus eximinus
ac etiam liberamus; ita videlicet quod idem Guillelmus archiepiscopus aut officiales sui quocumque
nomine nuncupentur, ratione rei contractus vel delicti ubicumque res ipsa consistat, ubicumque
iniatur contractus aut comitiatur delictum, seu alias quovismodo, nullam conjunctim vel separatim in
vos vel posteros ipsos aut aliquem vestrum vel ipsorum, aut vestra vel eorum bona seu jura,
cognitionem, potestatem seu jurisdictionem in spiritualibus vel temporalibus exercere valent
quoquomodo; districtius inhibentes eidem archiepiscopo ac ejus officialibus ne de hujusmodi
cognitionis aut jurisdictionis exercitio per se vel alios se quomodolibet intromittant; ac decernentes
irritos et inanes omnes processus faciendos et habendos et sententias promulgandas et quicquid
factum seu attemptatum per eos fuerit contra inhibitionem et decretum hujusmodi quoquo modo.

Et insuper regimen et gubernationem dictorum ville et castri seu arcis cum hujusmodi jurisdictione
spirituali et temporali dilecto filio [...] abbati monasterii Montis majoris ordinis Sancti Benedicti dicti
diocesis, usque ad hujusmodi nostrum beneplacitum, committimus per presentes ac volumus quod
idem abbas, ea que ministerium pontificalis oflicii seu potestatis exposcunt in villa et castro predictis,
per aliquem catholicum episcopum gratiam et communionem apostolice sedis habentem, faciat
exerceri, quodque fructus, redditus et proventus vestra et emolumenta que ex eisdem castro et villa
ac jurisdictione provenient, eidem Guillelmo archiepiscopo, quamdiu ipse Guillelmus eidem ecc‘esie
prefuerit, pertineant; ita tamen quod ex eis expense ei alia onera pro stipendiis officialium et
ministrorum quorumcumque ac pro custodia ville et arcis seu castri prodictorum et aliis necessariis,
realiter deducantur, et quod supererit eidem archiepiscopo (per) dictum abbatem tradatur et etiam
assignetur. Per hoc autem non intendimus proprietati dicte Arelatensis ecclesie [342] ac jurisdictioni

1185
2020: armiger in Gaffiot: qui porte les armes
1186
2020: Philippe de Cabassolle, (1305-1372), fut régent et chancelier du royaume de Naples, recteur du Comtat
Venaissin, légat pontifical, évêque de Cavaillon puis évêque de Marseille, patriarche de Jérusalem, cardinal avec
le titre de cardinal-prêtre de Saints Pierre et Marcellin, puis cardinal-évêque de Sabine (1368-1372).
1187
2020: variante de l’expression conjunctim seu divisim

232
seu potestati quorumcumque judicum seu commissariorum (in) causis seu negociis inter dictum
archiepiscopum et officiales suos ex una parte et vos aut aliquos vestrum communiter vel divisim ex
altera, auctoritate nostra, quomodolibet deputatorum, in aliquo derogari. Nulli ergo [...]

Datum Rome apud Sanctum Petrum IIII Nonas Aprilis, pontificatus nostri anno septimo.

XIX - Lecture d’une sentence arbitrale du 30 Avril 1368


réglant les différends des habitants de Salon avec l'archevêque

Archives municipales de Salon: Livre blanc: f°s 278-289


Salon 1369, 18 Août

In nomine Domini amen. Anno a Nativitate ejusdem milesimo tricentisimo sexagesimo nono,
inditione, septima, die vero Veneris decima octava mensis Augusti, pontifficatus sanctissimi in Christo
patris et domini nostri domini Urbani divina providentia pape quinti anno septimo, noverint universi
presentes pariter et futuri hoc presens publicum instrumentum inspecturi quod personaliter
constitutus in presentia discreti viri magistri Joannis Barrilleti, notarii reverendissimi patris ei domini
domini P1188. divina providentia cardinalis Pampilonensis et vice cancelarii, ac etiam mei notarii publici
et testium infra scriptorum ad hec specialiter vocatorum et rogatorum, providus vir magister Jacobus
Roboardi, notarius de Sallone Arelatensis diocesis, nomine proprio et nominibus omnium et
singulorum dicti castri de Sallone sibi in hac parte adherentium et adherere volentium et in futurum,
ac etiam procuratorio et sindicario nomine universitatis hominum et particularium personarum dicti
Sallone, et petiit dictis nominibus etiam conjunctim et divisim per dictum magistrum Joannem
notarium dicti domini cardinalis Pampilonensis coppiam correctam quarumdam pretensarum
pronuntiationum arbitralium sententiarum et ordinationum per [343] reverendissimum patrem et
dominum dominum1189 Joannem1190 cardinalem Hierosolimitanum in et super littibus, questionibus
seu aliquibus earum que vertibantur inter reverendissimum patrem dominum Guillelmum1191
Arelatensem archiepiscopum et suos officiales ex parte una et ipsos magistrum Jacobum Roboardi et
universitatem, homines et singulares personas dicti castri Sallonis, ex parte altera, ut dicitur,
prolatarum in Avenione, et portatarum clausis, sigillatis et secretis per ipsum dominum cardinalem
Hierusalem ac dominum Thomam de Amanatis ejus auditorem ad partes ipsas romanas, pro
ostendendo domino nostro Urbano divina providentia pape quinto; et deinde, de mandato domini
nostri pape, die hesterna duntaxat, ut dicebat, dicto domino cardinali traditarum pro aperiendo et
videndo eas [...] tenoris et continentie infrascriptorum:

1188
2020: Pierre de Selve, dit Pierre de Monteruc, le cardinal de Pampelune (né au château de Donzenac, dans
l'actuel département de la Corrèze, alors dans la province du Limousin et mort à Avignon, le 20 mai 1385) est un
cardinal français. Il est un neveu du pape Innocent VI par sa mère et est l'oncle du cardinal Renoul de Monteruc
(1356).
1189
2020: dominum répété dans le texte [...]
1190
2020: Joannem cardinalem Hierosolimitanum
1191
2020: Guillaume de la Garde Chancelier de l'église de Beauvais, diacre, notaire du pape, évêque de Périgueux
(1348-1349), archevêque de Brague au Portugal (1349-1361), archevêque d’Arles (1361-1374) et patriarche de
Jérusalem.

233
Christi nomine invocato, pro tribunali sedentes et habentes pre occulis solum Deum, de venerabilium
in Christo patrum dominorum Petri1192 episcopi Ulisbonensis et Martini1193 episcopi Segubiensis, et
quamplurimorum aliorum jurisperitorum consilio et assensu, omnibus via, modo et forma quibus de
jure et potestate nobis per partes atributa possimus seu debemus, sectantes partim viam juris periti,
partim viam amicabilem, et utramque vel alteram tamen quanto melius de jure hoc potest seu valet
procedere, etiam tamquam judex et arbiter seu arbitrater et amicabilis compositor, in his scriptis, hac
nostra sententia, arbitrio seu ordinatione, pronuntiamus, decerinmus et declaramus, seu arbitramus,
volumus, cognoscimus et ordinamus ut sequitur.

Primo predictum instrumentum magnum in quo conventiones dudum inite inter homines de Sallone
et dominum archiepiscopum Arelatensem qui tunc erat continentur sic et remaneant firmum et
validum et in suo et perpetuo robore firmitatis, salvis et exceptis ipsis partibus et capitulis in quibus
esset congruum, seu contrariari vel adversari quovis modo videntur omnibus vel singulis in hac
presenti nostra sententia seu ordinatione contentis et descriptis, quequidem capitula seu partes et
duntaxat tollimus, cassamus, irritamus et annulamus seu totalliter effectu et juribus evacuamus; in
ceteris vero suis partibus et capitulis ipsum predictum instrumentum sit et remaneat ut dictum est in
perpetuo robore firmitatis.

Item pronunciamus [...] quod homines castri de Sallone possint et valeant annuatim seu anno quolibet,
de authoritate et licentia vicarii Salllonis vel alterius a curia Sallonis domini archiepiscopi Arelatensis
ad hoc deputati seu deputandi, qui super his [344] congregationibus authoritatem et licentiam
impartiri et prestare teneantur et sit adstrictus quando fuerit per sindicos requisitus, et hoc infra
quindecim dies a die requisitionis sibi facte computandos, alias absque cujuscumque authoritate vel
licentia congregati, eligere et creare sibi de seipsis consiliarios annales sex nummero, et in loco
cedentium aut decedentium alios subrogare;

Quiquidem sex consiliarios, una cum septimo consiliario per curiam dictam deputando, omnes septem
simul seu major pars eorum in presentia et cum authoritate et licentia vicarii seu judicis Sallonis,
quoad hoc requisitus per dictos septem seu majorem partem eorum teneatur et sit adstrictus infra
quindecim dies computandos ut supra est de his aliis dictis presentiam, authoritatem et licentiam
prestare et impartiri, possint.et valeant pro tempore duos sindicos anuales nominare, eligere et
creare; quodque tam dicti septem conciliarii quam etiam dicti duo sindici et tam in juramento
prestando per eos seu in forma ipsius juramenti quam etiam in eorum potestate et officis eundem per
omnia ritum observet et utantur et uti valeant et possint eadem omnimoda et tali potestate quem et
qualem quemadmodum et prout sindici civitatis hujusmodi Avenionensis prope conjunctim seu
divisim observant, utuntur et uti possunt seu valent et uti sunt hucqusque juxta et secundum statuta
que habuerunt et habent usque in presentem diem.

1192
2020: Pedro Gómez Barroso de Albornoz, en espagnol: el juven, né à Tolède en Espagne, vers 1320/1330 et
mort à Avignon le 2 juin ou 3 juillet 1374, est un cardinal espagnol du xive siècle. Poco después fue liberado y
enviado a Portugal, donde ofició sucesivamente como obispo de Coímbra y de Lisboa.
1193
2020: Martín de Cande, a veces llamado Nuño de Cande, fue un religioso que tras ocupar los cargos de deán
y capiscol de la catedral de Toledo,2 fue designado para el cargo de obispo de Segovia el 10 de junio de 1364,
tras la muerte de Juan Lucero.

234
Item pronuntiamus [...]. quod in omnibus et singulis causis tam fiscalibus quam privatorum et tam
movendis quam ceptis et nondum unitis coram judicibus in temporalitate castri Sallonis domini
archiepiscopi Arelatensis, quoties homines appelare voluerint, teneantur et debeant ipsi homines
conjunctim seu divisim prout casus et qualitas cause fuerit, in casu tamen de jure premisso, solum et
duntaxat ad archiepiscopum a suis judicibus ordinariis in temporalitate castri Sallonis primo seu prima
vice appelare; causaque seu causae ipsius prime appelationis seu primarum appelationum tractetur
seu tractentur et fine debito terminetur seu terminentur coram judice appelationum in temporalitate
a dicto domino archiepiscopo deputato seu deputando; quiquidem dominus archiepiscopus ad
hujusmodi causas appelationem judices generales deputare teneatur saltem duos, quorum alter sit in
ipso castro Sallonis, alter vero sit in civitate Arelatensi, in arbitrioque sit appellantis seu appellantium,
coramquo ex dictis judicibus appelare voluerit seu voluerint introducere suam primam appelationem
ad dictum dominum archiepiscopum pro tunc tempore emissam et ibidem illam prosequi prout
[345] justitia suadebit: a dictis vero judicibus appelationum seu altero eorum in supradictis causis
omnibus et singulis, in casu tamen alias a jure premisso, possit et liceat libere ad sedem apostolicum
appelavi; non pro hoc derogantes prout nec derogari volumus seu intendimus quin hac secunda vice
possit ad dictum archiepiscopum appelari, si appelanti placuerit et videbitur expedire et causam ipsius
appelationis coram dicto domino archiepiscopo introducere, persequi et facere terminari; ei si hoc
casu tunc a domino archiepiscopo contingerit appelari, casu tamen a jure premisso, id in eo observatur
quod in supradictis judicibus appelationum deputatis vel deputandis superius extitit ordinatum.

Item pronuntiamus [...] quod omnes et singule inquisitiones mulcte et pene a tempore hujusmodi litis
primo cepte seu mote coram domino Berengario officiali Avenionensi, cite, facte seu imposite et
indicte per curiam Sallonis quomodolibet etiam per sententiam seu sententias diffinitivas que
transivisse dicentur seu dici possunt in rem judicatam hominibus tam masculis quam feminis de
Sallone seu contra et adversus ipsos, super quibus tamen appelationes fuerunt ad sedem apostolicam
vel ad nos tamquam ejus sedis delegatum emisse, et nondum super eis fuerit seu sit curie satisfactum
vel cum curiis concordatum, salvis tamen hiis que infradicentur de pignoribus restituendis, sint et
perpetuo remaneant cum omnibus et singulis processibus casse, nulle, irrite, et inanes; et ipsas omnes
et singulas inquisitiones, penas et mullas, cum omnibus predictis eorum et singulis processibus,
tollimus, cassamus, irritamus et annullamus, sic et taliter ut vacuentur et careant omni effectu et
robore firmitatis.

Volumus autem et sic ordinamus quod omnia et singula bona immobilia pignori capta seu distracta
per curiam Sallonis pro predictis inquisitionibus, multis seu penis, ant qualibet vel quibuslibet earum,
et hoc post et contra inhibitionem seu inhibitiones factas per dominum Robertum de Sericton1194
seu alios commissarios seu judices in hac causa, redeantur et restituantur per dominum
archiepiscopum seu curiam Sallonis; et ipse dominus archiepiscopus teneatur ac sit adstrictus ea,
libera, absque aliquali solutione seu redemptione, reddere seu restituere his a quibus capta sunt seu
fuerunt.

Item, volumus et per omnia ordinamus de bonis mobilibus pignori ut supra captis non consumptis, si
tamen hodie extant penes dictum dominum archiepiscopum, curiam Sallonis, curiales [346] seu
officiales ipsius; si autem distracta suni hominibus existentibus sub jurisdictione domini archiepiscopi,

1194
2020: Robertum de Sericton ?

235
quod dictus dominus archiepiscopus teneatur ea redimere, et illis a quibus sunt seu capta fuerunt
reddere seu restituere, soluto tamen sibi seu emptoribus precio quo fuerunt distracta, solum et
duntaxat; ad quequidem bona omnia et singula, ut supra dictum est, redenda et restituenda sine
redimenda ipsum dominum archiepiscopum sententialiter condemnamus.

In bonis autem mobilibus que ad extraneos emptores devenerunt seu consumpta sunt, ipsum
dominum archiepiscopum absolumus et liberamus.

Item pronuntiamus [...] quod si quoquo tempore appareret et legitime dominum archiepiscopum et
suos officiales seu familiares habuisse aut recepisse aliqua instrumenta, literas seu privilegia ab
hominibus de Sallone qne conjunctim seu divisim ad dictos homines expectarent vel pertinere
quomodolibet possent, quod dictus dominus archiepiscopus illico cum primum fuerit requisitus, illa
omnia et singula reddere seu restituere aut reddi restitui facere teneatur et debeat, ac sit adstrictus.

Item pronuntiamus [...] quod propter predicta et cujuslibet predictorum et singulorum contentorum
hac nostra ordinatione nullatenus derrogetur prout nec derrogari volumus seu intendimus quin imo
castrum Sallonis et omnes et singuli ipsius castri suit et perpetuo remaneant sub dominio, imperio et
jurisdictione domini archiepiscopi seu ecclesie Arelatensis prout et quemadmodum prout et fuerunt
ac debent et soliti sunt esse, salvis tamen semper atque firmis omnibus et singulis hac nostra
ordinatione contentis; quodque dicti homines de Sallone teneantur ac debeant et sint adstricti solvere
et prestare in signum superioratis ipsi ecclesie Arelalensi certum quid annuum quod taxandum et
limitandum ac declarandum reliquimus arbitrio et voluntati sane-tissimi patris et domini domini nostri
Urbani pape quinti, seu sedis apostolice sue sancte sedis apostolice.

Item pronuntiamus [...] de et super articulo decimarum olivarum et amidalarum1195 petitarum ab


hominibus de Sallone pro parte dicti domini archiepiscopi Arelatensis, fuisse et esse bene et legitime
processum et ordinatum per dominum Thomam de Amanatis dudum in hac causa commissarium seu
subdelegatum, et pro parte ipsorum predictorum hominum de Sallone ab ipso domino Thoma super
predicto articulo seu capitulo male et improperum fuisse et esse provocatum seu appelatum, salvis
tamen [347] semper competentibus tam in predictis decimis solvendis vel non quam in omnibus et
singulis aliis supradictis per nos hac nostra sententia seu ordinatione declaratis et ordinatis, in
omnibus et per omnia voluntate, declaratione, emendatione, supletione, determinatione seu
confirmatione omnimodis supradicti sanctissimi patris domini nostri pape seu sedis apostolice sue
sancte.

Item in predictis omnibus et singulis hac nostra sententia seu ordinatione contentis reservamus nobis
potestatem et arbitrium juxta et secundam plenimodam potestatem nobis super hoc specialiter a
partibus atributam addendi seu adjiciendi et mutandi seu corrigendi clausulas, orationes, ditiones seu
declarationes et unum vel plures ubicumque quocumque qualitercumque et quotiescumque nobis
videbitur expedire et hoc usque ad quinque annos proximos et juxta et prout dicte partes voluerunt
ac de dicto termino concordarunt salvis semper et non immerito dictis, appositis, emendatis,
confirmatis et declaratis, seu que dicentur [...] per dictum dominum nostrum papam seu apostolicam
sedem suam sanctam.

1195
2020: dîme sur olives et amandes (?)

236
Item pronuntiamus [...] quod si aliqua lis vel aliqua questio, aliqua controversia seu aliqua obscuritas,
vicissitudo seu dubietas et una sive plures origerentur, nascerentur orirentur seu inciderent inter
predictas partes de et super predictis omnibus et singulis [...] quod ipse dicte partes et quelibet earum
stent et stare teneantur [...] et debeant omnimodo pronuntiationi, decreto et declarationi seu arbitrio,
cognitioni et judicio nostris quod seu quem super dictis lite, questione, controversia, obscuritate,
vicissitudine seu dubietate dabimus, dicemus, feremus seu faciemus [...] super quo etiam potestatem
nobis et facultatem reservamus omni modo et totaliter [...] salvis tamen et retentis etiam super hiis
voluntatem et declarationem [...] prefati sanctissimi patris domini nostri pape [...]

Item pronuntiamus [...] quod predicti partes et quilibet eorum, tam dictus dominus archiepiscopus
quam homines de Sallone conjunctim et divisim teneantur [...] renuntiare omnibus et singulis literis,
instrumentis, privilegiis seu benefficiis [...] quomodolibet contra omnia vel singula per nos hac nostra
sententia seu ordinatione pronuntiata [...] possent venire [...] et ipsa instrumenta, privilegia, benefficia
seu literas [...] tollimus, irritamus, cassamus et annullamus [...]

Item pronuntiamus [...] quod dicti homines de Sallone [...] perpetuo remaneant quitti et liberi, absoluti
et immunes ab omnibus et [348] singulis dampnis, interesse, sumptibus et expensis que seu quas
dictus dominus archiepiscopus quomodolibet ub eis petere posset usque in diem primi compromissi
inter eos facti occasione seu causa hujus litis [...]

Item pronuntiamus [...] quod a modo de cetero sit pax, gracia, finis et concordia plena, firma, libera
atque bona inter partes predicas [...] quod etiam procuratores ambarum partium hic presentium [...]
statim ratifficent, confirment, approbent et emologent hanc autem nostram sententiam [...]

Lata fuit predicta sententia, reclaratio, ordinatio sive arbitrium per dictum dominum cardinalem ut
arbitrum, arbitratorem et amicabilem compositorem seu judicem anno a Nativitate Domini milesimo
tricentesimo sexagesimo octavo, die ultimo Aprilis, septime indictionis, presentibus reverendissimis
in Christo patribus dominis P. Ulisbonensi, M. Segubiensi episcopis, dominis Martino de Silva
decretorum doctore, Petro Cabassole, milite, domino Abbate Lesatensi1196, dominis Thoma et
Boniffacio1197 de Amanatis, legum doctoribus; et me J. P. notario publico qui hic in premissorum
testimonium me subscripsi et signo meo consueto signavi.

Et dictus magister Jacobus Roboardi recepta et correcta habita coppia dictarum pronuntiationum
arbitrorum et sententiaerum nominibus quibus et quolibet ipsorum et conjunctim et divisim ipsis
pronuntiationibus, arbitriis et sententiis si et in quantum, faciunt et facere possunt et possent in
futurum contra ipsum et partem suam ac etiam contra jura, usus, libertates, franchesias et

1196
2020: L'abbaye Saint-Antoine-et-Saint-Pierre de Lézat, le plus souvent abrégé en abbaye de Lézat, est une
ancienne abbaye bénédictine de l'ordre de Cluny fondée vers 950 par Aton de Benoît, vicomte de Béziers située
à Lézat-sur-Lèze, Ariège.
1197
2020: Bonifacio Ammanati étudie à l'université de Padoue. Il est professeur à l'université d'Avignon et est
nommé protonotaire apostolique par l'antipape d'Avignon Benoît XIII. L'antipape le crée cardinal au consistoire
du 21 décembre 1397. Le pseudo-cardinal est emprisonné pour trahison par le maréchal français Jean II le
Meingre Boucicaut, pendant les négociations avec une délégation de cardinaux dissidents en 1398. Après sa
libération il veut quitter Avignon, mais il est reconnu et emprisonné à Aigues-Mortes, où il meurt.

237
consuetudines dictorum castri, universitatis et hominum ac singularum personarum de Satione, non
consentiit imo nunc et in futurum eis contradixit et nihilominus protestatur et protestatus fuit de
appelando ab eis et recurrendo ad superiorem scilicet ad dominum nostrum papam infra tempus
decem dierum scientie sue omnium predictorum hac die presenti decima octava mensis Augusti et
non ante prius per traditionem dicte coppie et non ante devenient et alias prout de jure fuerit; nec
non et de omnibus universis et singulis aliis faciendis que sibi videbuntur facienda et protestanda pro
conservatione jurium, libertatum, consuetudinum et franchesiarum ipsuis et dictorum universitatis,
castri, loci, hominum et gentium loci de Satione, de quibus omnibus et singulis sibi quibus supra
nominibus petiit fieri publicum instrumentum per me notarium publicum infrascriptum.

Acta fuerunt hec Viterbio in hospitio habitationis dicti domini cardinalis Pampilonensis, sub anno,
indictione, die, mense et [349] pontificatus premissis, presentibus providis viris Joanne Sponti, Joanne
de Cumamonte, clericis Leodiensis et Cameracensis1198 diocesis, et Jacobo Graffeti fusterio Aquensis
diocesis, testibus ad premissa vocatis specialiter et rogatis.

Et me Joanne Jacobi clerico Metensi, notario publico imperiali authoritate constituto qui [...] presens
fui eaque in notam sumpsi [...] et signo meo consueto signavi.

XX - L'Archevêque accorde à la communauté de Salon l’autorisation


de lever certains impôts

Arch. dép. des B.-du-Rh, Série G; Fonds de l’Archevêché d’Arles; Chartrier de Salon: n° 10;
Livre jaune: f° 165, copie contemporaine; B. mun. d’Avignon: ms 2754, f° 112, copie du XVIIe s.;
Gallia christiana novissima; Arles, n° 17041199: indiqué seulement

Avignon 1386, 30 Novembre

Franciscus1200 miseracione divina archiepiscopus Arelentasis et princeps, dilecto in Christo communi


loci de Sallone ad nos et mensam nostram archiepiscopalem Arelatensem pleno jure spectantis,
salutem in Domino. Illa benigno sunt vobis concedenda favore per que vestre reipublice
indeampnitatibus1201 occurratur et utilitas procurretur. Cum itaque, sicut accepimus, vos tam pro
fortificatione loci predicti quam alias occasione guerrarum que hiis proxime lapsis temporibus in
partibus Provincie, proh dolor, viguerunt, quamplura et de magnis pecuniarum quantitatibus

1198
2020: Leodiensis et Cameracensis: de Liège et Cambrai
1199
2020: accessible ici sur Internet Archive
1200
2020: François de Conzié (Bugey, c.1356 - Avignon, † 31 décembre 1431 ou 1432), appelé aussi François Ier
de Conzié, François de Conziè, François de Consié, François de Conzieu ou François de Gonzie. Évêque de
Grenoble (1380-1388), archevêque d’Arles (1388-1390) puis archevêque de Toulouse (1390-1391) et enfin
archevêque de Narbonne (en 1391). Patriarche de Constantinople (en 1430), vicaire général du diocèse
d’Avignon et Camérier de Clément VII, vice-chancelier de l'Église, il est également l’oncle de Louis Aleman qui
deviendra comme lui archevêque d’Arles.
1201
2020: lire indemnitatibus

238
contraxeritis debita, de quibus nisi per modum infrascriptum vestris debitoribus commode satisfacere,
sicut asseritis, non potestis, nos, vestris in hac parte supplicationibus nobis super hoc oblatis graciose
inclinati, vobis et huic ad unum annum a data presentium computandum, in prefato loco nostro
Sallonis, super vinis, melle, filio staminis, amidalis et pellamine que dicto anno durante infra locum
predictum introduci quomodolibet contigerit, unam revam per illum vel illos quem vel quos ad hoc
deputandum duxeritis seu eciam deputandos, a quibnscuinque personis [350] vinum, mel et alia
predicta infra locum ipsum introducentibus, dummodo persone ecclesiastice non fuerint, nomine
vestre communis levandam et exigendam et in solutum predictorum et aliis vestris necessitatibus
communibus convertendam, juxta etl secundum ordinacionem et voluntatem dilectorum, officialis et
vicarii ac judicis nostrorum loci predicti, more loci predicti, et prout alias tempore quo bone memorie
dominus Petrus tituli Sanctorum Nerei et Achilei sancte Romane ecclesie cardinalis ecclesie
metropolitane predicte prefuit, factum et observatum asseritur, imponere et inducere valeatis,
plenam et omnimodam vobis tenore, presentium concedimus facultatem.

Datum Avenioni sub sigillo nostro, die ultima mensis Novembris, anno Domini MCCCLXXXIX.

XXI - Lettres de rémission de François de Conzié,


Archevêque d’ArIes, en faveur de Bertrand Jausseran

B. d’Arles ms 107; copie contemporaine, papier


Avignon 1389/90, 23 Janvier

Franciscus [...] archiepiscopus et princeps, dilecto et fideli nostro Bertrando Jausserandi habitatori loci
nostri Sallonis, salutem in Domino [...] Sane exhibita nobis pro parte tua supplex petitio continebat
quod olim [...] vicarius, judex et procuratores seu officiales curie loci nostri Sallonis ad mensam
archiepiscopalem Arelatensem spectantis pro tempore existentes, contra te nonnullas inquisitiones,
informationes, titulos, capitula et processus fecerunt, tibi inter cetera imponentes quod guerra seu
rebelliones in provincia Provincie contra serenissimam principissam dominam Mariam1202 reginam et
serenissimum principum dominum Ludovicum1203 ejus filium regem Jerusalem et Sicilio, comitatuum
Provincie et Forcalquierii comites, humani generis inimico Provincie suscitata, de morte sive noce
cuiusdam Jacobi Milo [351] habitatori loci de Lambisco [...] nequiter occisi consciens fueras, ac
quemdam Raymundum Blanchari de Sallone. per subvicarium dicte curie pro certis suis demeritis
captum, eidem subvicario violenter amoveras, et insuper maliciose blasphemaveras imperatorem qui
castrum predicti loci Sallonis ecclesie et archiepiscopo Arelatensi donaverat, ac quemdam

1202
2020: Marie de Blois (1345-12 novembre 1404), dite aussi Marie de Blois-Châtillon, fut l'épouse de Louis Ier
d'Anjou, duc d'Anjou et de Touraine, comte du Maine et de Provence, roi de Naples et de Jérusalem et dame de
Guise. Elle était la fille de Charles de Blois, duc de Bretagne et de Jeanne de Penthièvre.
1203
2020: Louis Ier d'Anjou, né à Vincennes le 23 juillet 1339 et mort le 20 septembre 1384 au château de
Bisceglie près de Bari, est comte puis duc d'Anjou, roi titulaire de Naples. Il est le deuxième fils du roi de France
Jean le Bon et de Bonne de Luxembourg. Il est fait comte de Poitiers en 1350, comte d'Anjou et du Maine en
1351, duc d'Anjou en 1360, et lieutenant du roi en Languedoc en 1364. Après le décès de Jeanne Ire de Naples,
qui l'avait adopté, il reprend ses titulatures et devient roi titulaire de Naples (1382-1384), comte de Provence et
de Forcalquier (1381-1384) et roi titulaire de Jérusalem.

239
marescalium Bertrandi Boytardi loci predicti [...] inimicum, per quosdam tuchinos1204 sive rebelles
ejusdem patrie captivatum, redemeras: et ulterius locum eundem in manibus inimicorum ejusdem
prodere proposueras, tractaveras et actemptaveras, ac inimicis ejusdem loci et ecclesie victualia et
alia necessaria procuraveras et ministraveras, ac prebueras auxilium, consilium et favorem: et ulterius
nonnulla alia gravia, detestabilia et enormia excessus, conspirationes et crimina commiseras et
perpetraveras contra dictum cardinalem et ecclesiam et locum et officiales predictos et habitatores,
crimen leze majestatis et penas alias tam ab homine quam a jure contra tales promulgatas incurrendo,
et alias multipliciter et enormiter delinqueras; et propterea nulla debita informatione premissa, sed
ex arrupto, volontarie et de facto, in loco predicto et per officiales predictos diutus extitisti carceribus
et compedibus mancipatus, ac diversis fungatus tormentis, laboribus et expensis, non sine gravi, ymo
irreparabili, persone ac substande tuarum detrimento pariter et jactura. Quarum nobis fecisti
instandus supplicari ut premissis actentis, ulterioribus laboribus supradictis absolvere ac in gratiam et
benevolentiam nostras admictere [...] dignaremur.

Itaque nos [...] consideratione insuper spectabilis et magnifici viri domini Georgii de Martio, militis [...]
senescalli, qui nobis pro te sepius preces porrexit efficaces, te [...] absolumus et penitus liberamus [...],
dilectis et fidelibus nostris vicario, judici, procuratori et notario ac aliis officialibus curie supradicte
presentibus et futuris in et super illis perpetuum silentium imponentes.

Datum Avinioni die vicesima tertia mensis Januarii, anno a nativitate Domini millesimo trecentesimo
octuagesimo nono1205, pontificatus domini Clementis pape VII anno undecimo.

[352]

XXII - Bulle du pape Benoit XIII


cassant la transaction du 17 mai 1354 et accordant aux habitants de Salon
le droit de nommer des syndics

Arch. dép. des B.-du-Rh., Série G; Fonds de l'Archevêché: Chartrier de Salon: f° 14 Livre de la
communauté de Salon, f° 198; Livre vert, f° 240; B. d’Arles, ms 107, Recueil de pièces diverses, t. III,
n°116, copie de Bonnemant; B. d’Avignon, ms 2754: fi 178;
Analyse dans la Gallia christiana novissima, Arles, n° 1759

Marseille 1404, 21 Novembre

Benedictus episcopus servus servorum Dei, ad perpetuam rei memoriam. Sincere devotionis affectus
quos dilecti filii habitatores loci de Sallone Arelatensis diocesis ad nos et Romanam gerunt ecclesiam
promerentur ut eos opportunis favoribus prosequamur eorumque precibus, presertim in hiis que

1204
2020: La révolte des Tuchins ou Tuchinat est une série de révoltes survenues entre 1363 et 1384 en Auvergne
puis en Languedoc, d'abord pour se défendre contre les méfaits des mercenaires anglais et gascons, puis contre
les prélèvements fiscaux.
1205
2020: Brun indique bien la date en ancien/nouveau styles: 1389/90, 23 Janvier.

240
eorumdem honoris et comoditatis augmentum concernunt, prout cum Deo possumus, benigniter
annuamus. Exhibita siquidem nobis pro parte dictorum habitatorum petitio continebat quod dudum
ecclesia Arelatensis ad quam et ejus mensam archiepiscopalem. dic-tus locus de Sallone jure dominii
pertinet, pastore carente, dilecti filii Stephanus Langlade, prepositus, Johannes Blanchi, sacrista et
Johannes Trou^sa, precentor ecclesie predicte, ac Hugo Rostagni, prior prioratus Sancte Crucis
Arelatensis, a dicta ecclesia dependente, habentes ad hoc, ut dicitur, a dilectis filiis capitulo dicte
ecclesie, potestatem, prefatis habitatoribus creandi et ordinandi singulis annis in perpetuum duos
sindicos, unum assessorem seu advocatum, duodecim consiliarios, unum notarium, unum
thesaurarium, qui sindici deberent ipsius universitatis negocia exequi, petere et deffendere; consiliarii
vero suis temporibus in presencia vicarii dicti castri, seu ejus locumte-nen Lis, ipsa negocia pertractare
et ordinare; notarius autem, ordinationes faciendas per consilium in cartulario de ordinatione consilii
scribere; ac thesaurarius predictus, pecunias et jura memorate universitatis exigere, recipere et
expendere ad [353] mandatum et juxta ordinationem consilii supradicli, licenciam concesserunt;
jurent de facto prout lice in quodam instrumento publico inde confecto dicuntur plenius contineri.
Quare pro parte dictorum habitatorum nobis fuit humiliter supplicatum ul promissa omnia et singula
rata et grata habere et eis robur confirmatonis adjicere, vel saltem nos qui dictam ecclesiam adhuc
pastore carentem ad manum nostram tenemus, premissa faciendi consimilem eis licenciam de novo
concedere de benignitate apostolica dignaremur.

Nos igitur attendentes quod prenarata juribus non subsistunt utpote facta et concessa a non
habentibus potestatem, et quod cludum post magnam et diuturnam altercationem et litem, inter
habitatores dicti loci de Satione dicentes et pretendentes se habere universitatem et jus universitatem
faciendi, se cumque propria auctoritate congregandi, et tallias ac collectas inter se imponendi et
exigendi, et procuratores, sindicos, actores, receptores, consiliarios et alios administratores,
quoscumque, nomine universitatis vel singulorum omnium vel aliquorum seu cujuscumque partis dicti
loci, constituendi, absque voluntate, consensu et auctoritate vel licencia archiepiscopi Arelatensis, pro
tempore existentis, vel curie sue, petita, habita et obtenta, ac jus hujusmodi vendicantes, ex una, et
bone memorie quondam Stephanum1206 tunc archiepiscopum Arelatensem contrarium asserentem,
ex altera, partibus, cum magnis ipsarum partium sumptibus et laboris, agitatam: tandem ipsi
habitatores et incole loci predicti de Sallone, tam eclesiastici quam seculares, universaliter universi ac
sigillatim singuli, in infradicendo instrumento nominati m expressi, sponte confessi fuerunt et
recognoverunt se seu locum predictum seu quantamcumque partem ejusdem non habere nec
unquam habuisse nec habere debere universitatem nec communitatem, nec jus nec potestatem in
universitatem constituendi, congregandi aut faciendi, nec etiam exigendi, judicendi seu imponendi
inter se nec alios quomodolibet tallias, contributiones, subventiones, subsidia, nec collectas, nec
sindicos, nec actores, nec arebam, nec sigillum, nec campanam, nec locum communia nec aliquod
aliud signum, jus seu nomen, indicium, signum seu signa aliqua universitatis, corporis, collegii vel
communitatis; quod si unquam jus huiusmodi vel aliquid ipsius habuerunt, illud perdiderant et
amiserant, et nichillominus ipsi juri, si ipsum unquam habuerant vel habebant, renunciaverunt
expresse; promiseruntque se numquam universitatem, corpus seu collegium facere, alligare vel
constituere, erigere vel erigi procurare, directe vel indirecte, publice vel occulle, vel contra
[354] promissa quicquam unquam facere vel quomodolibet actemptare volueruntque nichillominus
et consenserunt quod contra promissa vel eorum aliqua nulla eis prodesset possessio vel prescriptio

1206
2020: Stephanum; de quel Etienne s’agit-il? Étienne Aldebrand, Étienne de La Garde

241
temporis cujuscumque, et quod multa alia inter partes easdem circa promissa facta, dicta, pacta et
concordata fuerunt, prout in quodam instrumento publico per quondam Johannem Aubrieti,
Gaufridum Permentarii, Poncium Podelli, Guilhelmum de Cropio et Stephanum Abbatis, notarios
publicos, recepto et confecto, de anno Domini MCCCLIV plenius continentur.

Licenciam predictam, per ipsos prepositum et alios prenominatos ut fertur concessam ac quicquid ex
ea sequitum est, omnia et singula in dicto concessionis instrumento contenta, auctoritate apostolica
ex certa scientia volentibus etiam et consentientibus ipsis habitatoribus, cassamus, irritamus,
annullamus, ac nullius penitus esse volumus ac decernimus roboris vel momenti; et nichillominus
volentes ipsos habitatores favore prosequi gratioso, ipsorum in hac parte supplicationibus inclinati,
eis creandi et ordinandi quolibet anno duos sindicos, unum assessorem seu advocatum, octo
consiliarios, unum notarium, videlicet notarium temporalis curie dicti loci, ac unum thesaurarium, et
imminente fine cujuslibet anni predicti et aute ipsius complementum, alios pro anno tunc futuro
similes officiarios pari modo creandi et ordinandi, domum quoque pro eorum conventionibus,
dumtamen non in modum fortalicii, et archam communes habendi licenciam et auctoritatem
auctoritate apostolica ex certa scientia et speciali gratia ac mera liberalite nostra tenore presentium
elargimur cum moderationibus tamen et ordinationibus que sequntur.

Volumus itaque ac auctoritate statuimus et ordinamus eadem quod archiepiscopus prodictus pro
tempore existente vel ad hoc deputati per ipsum, duos alios consiliarios de dicto loco, ultra octo
predictos, in dicto loco ponant et constituant, quolibet anno, et quod sine ipsis duobus vel eorum
altero, alii octo predicti habitatores positi nichil facere valeant vel quomodolibet exercere; quodque
prefati omnes sindici, advocatus, consiliarii et notarius ut premittitur, eligendi, antequam sua incipiant
officia exercere, ad sancta Dei evangelia jurare teneantur in manibus vicarii vel judicis dicti loci qui pro
tempore fuerunt, vel alterius ad hoc per ipsum archiepiscopum deputandi; quod in omnibus eorum
consiliis tenandis et negociis peragendis, servabunt libertates, franchesias et jura quecumque
archiepiscopi pro tempore existenfis et ecclesie Arelalensis; quodque nichil in eorum [355] consiliis et
congregationibus vel conventionibus publicis vel secretis facient, dicent, tractabunt vel procurabunt
scientes, directe vel indirecte, quod vergat vel vergere possit seu cedere quomodolibet ad dampnum,
prejudicium, dedecus, vituperum seu contemptum archiepiscopi vel ecclesie predictorurn; ac omnia
alia et singula in forma fidelitatis contenta; quodque consiliarii negocia dicte universitatis ad honorem
et utilitatem dicti archiepiscopi et reipublice dicti loci pertractabunt; et notarius predictus si sciat,
audiat, sentiat vel quovismodo cognoscat quicquid per prefatos sindicos,advocatum, consiliarios,
thesaurarium et universitatem predictos, aut aliquem vel aliquos eorumdem fieri, dici vel actemp-tari
in dampnum, prejudicium, dedecus, injuriam vel offensum archiepiscopi vel ecclesie predictorum, id
eis qrramplurimum poterit fideliter revelabit vel ad eorum deduci noticiam procurabit: et quod idem
nichillominus notarius ordinationes faciendas per consilium in cartulario de ordinationibus ipsius
consilii faciendo fideliter scribere, et eas illico prefato archiepiscopo vel ejus officiali in dicto loco de
Sallone deputato, notificare, similiter teneatur; et ita jurabunt juxta formam prescriptam anno
quolibet antequam sua exerceant officia omnes et singuli offi-ciarii memorati; et insuper quod dictus
thesaurarius pecunias et jura ipsorum habitatorum habeat exigere et recipere, expendere et
distribuere, ad mandatum et ordinationem dictorum sindicorum et consilii, de licencia tamen officialis
vel vicarii aut judicis predictorum, vel alterius aci hoc per ipsum archiepiscopum ut premittitur
deputati; nec non quod ipsi sindici, consiliarii vel habitatores, pro quibusvis eorum necessitatibus vel
negociis eos tangentibus, queeumque revas, vintennos, depositiones, soquetos, aut alia quarumlibet

242
indictionum exigere seu levare non possint, nisi solum et dumtaxat de dicti archiepiscopi voluntate et
licencia speciali, et prout ipsi archiepiscopi videbitur et placuerit faciendum; et quod sindici, assessor
et thesaurarius supradicti, in fine cujuslibet anni finito officiorum suorum tempore, de gestis et
administratis per eos et eorum quemlibet, debitam rationem et legale compotum illi vel illis qui per
consilium dicti loci ad hoc deputatus fuerit vel deputati fuerint, presentibus etiam officiali et vicario
dicti loci per memoratum archiepiscopum deputatis vel eorum altero, reddere teneantur; quodque
conventiones inter se facere vel parlamentum seu consilium aut aliquem tractatum tenere non possint
nisi prius a dicto vicario dicti loci vel alio ab eodem vicario potestatem [356] habente, polita licencia
et obtenta, ipsoque vicario vel alio per eum deputato presente, qui etiam vicarius vel deputatus ab eo
parlamentum seu consilium hujusmodi congregari mandabit, dum congregandum et tenendum fuerit,
et per dictos sindicos fuerit requisitus.

Preterea quoque quod si ipsos habitatores, sindicos et consiliarios alias quam supra dictum est ad
creationem et ordinationem hujusmodi sindicorum, assessoris seu advocati, consiliariorum et
thesaurarii, seu quorumlibet aliorum officiariorum procedere, vel consilium tenere seu congregare,
aut in eorum congregationibus et consiliis agere, tractare seu procurare, vel revas, vintennos, aut alias
quasvis indictiones imponere, exigere vel levare, seu contra archiepiscopum predictum pro tempore
existentem vel ecclesiam supradictam seu in eorum prejudicium actemptare, malignari seu machinari,
aut alias contra premissa vel aliquod premissorum facere vel actemptare scienter quomodolibet,
directe vel indirecte, clam vel palam1207, contingit in futuro tempori, habitatores et locus eo ipso sint
in perpetuum omni sindicatus et consulatus jure et honore privati, nostraque presens concessio
omnimodis evacuetur juribus nulliusque sit penitus roboris vel momenti; ipsique habitatores et locus
eo ipso reducti sint ad statum in quo erant ante concessiones hujusmodi, ipsumque etiam
instrumentum concessionis et renunciationis ipsorum de quo superius tangitur et cujus tenoris habere
volumus pro expresso quoad omnia et singula in ipso contenta adeo sit firmum, validum et efficax, ac
si ipsa nostra concessio quam in casu predicto eo ipso haberi volumus penitus pro infecta nullathenus
emanasset.

Per hanc autem sepedictam concessionem nostram universitati, sindicis, consiliariis, advocato, vel aliis
officiariis, aut loco prodictis, nolumus nec intendimus quamcumque juri dictionem seu ejus exercicium
dare, concedere, attribuere, vel in eos quoquomodo transferre, seu prefato archiepiscopo et ecclesie
Arelatensi vel eorum juri dictioni, superiori lati, auctoritati, potestati seu dominio aliasquam superius
expressum est quomodolibet derogare.

Nulli ergo [...] nostre cassationis, irritationis, annullationis, voluntatis, constitutionis, elargitionis,
statuti et ordinationis [...] Siquis autem [...]

Datum Massilie apud Sanctum Victorem, Octavo Kalendas Decembris pontificatus nostri anno
undecimo

[357]

1207
2020: clam vel palam: à la dérobée aussi bien que ouvertement.

243
XXIII - Protestation de l'Archevêque
contre les empiétements de juridiction de Louis II d’Anjou

P. de Rivo not. prot. de 1406: f° 32

Salon 1406, 3 Novembre

Anno predicto et die tercia mensis Novembris, reverendissimus in Christo et dominus dominus
Artaudus sancte Arelatensis ecclesie archiepiscopus et princeps constitutus personaliter infra
fortalicium castri Salonis, videlicet in avant barrio supra fossatum ejusdem castri antedicti, in
presencia mei notarii publici et testium infrascriptorum ad hec etc.

Et ibi dictus reverendissimus pater dixit quod cum magnificus vir dominus Poncius Caysii, in legibus
licenciatus, judex primarum appellacionum et nullitatum comitatus Provincie, consillarusque regis et
comissarius per illustrissimum dominum regem Ludovicum deputatus, sit ibi de presenti infra dictum
castrum et requisiverit ipsum dominum archiepiscopum ut ipse preciperet hominibus castrorum de
Salone, de Sancto Amancio, de Alvernico, de Granis et de Cornilione1208, ut dicti homines firmarent,
laudarent et aprobarent quedam capitula inhita inter ipsum dominum regem Ludovicum et dominum
archiepiscopum memoratum; unde cum dicta capitula sint multum prejudiciabilia jurisdictioni dicti
domini archiepiscopi et sint contra libertates et immunitates ejus sancte Arelatensis ecclesie et
subditorum suorum, tamen cum hoc opporteat fieri ad evittandum majorem periculum et scandalum
que possent evenire, nam dominus rex, nisi hoc fiat et perficiatur, esset quamplurimum indignatus, et
esset periculum quod ipse non destrueret et devestaret totam patriam.

Igitur dictus reverendissimus dominus archiepiscopus protestatus fuit quod ea que fecit et opportet
sibi facere, fuit propter vim et coactus et non gratus et ad evitandum majus scandalium et periculum
que possent in futurum pro predictis evenire, propterque tota patria et juridictio sancte matris
ecclesie possent devestari et perdi; et de hoc expresse protestatus fuit; de quibus requisivit me
notarium subscriptum sibi fieri publicum [358] instrumentum ad habendum memorium in futurum,
dictandum et corrigendum semel et pluries si opus fuerit consilio peritorum.

Actum ut supra, testes presentes dominus Johannes BoIIege presbiter Chavallononsis1209 diocesis et
Benedictus de Burgundia Carpentranensis diocesis habitator Salonis.

XXIV - Lettres de provision pour le juge de Salon


Notaire P. de Rivo. Étendu de 1400 et années suivantes

Salon 1415, 15 Octobre

1208
2020: différences avec juridiction définie dans Statuts de 1293
1209
2020: Chavallononsis, Châlons sur Saône

244
Petrus Nutricis in decretis licenciatus archiadiaconus ecclesie Tarcasiensis1210, procurator specialis et
generalis cum plenissima potestate reverendissimi in Christo patris et domini nostri domini Johannis
miseratione divina episcopi Ostiensis sacro sancte romane ecclesie cardinalis et vice cancellarii
administratorisque perpetui sancte Arelatensis ecclesie, notum facimus universis presentes litteras
inspecturis, quod nos, curam et administrationem dicte sancte Arelatensis ecclesie fideliter gerere,
ipsius subditos sub salubri jure et justicie tranquilitate, quantum nobis erit possibile, tueri et tractare
cupientes, de fidelitateque, scientia, industria et animi compositione dilecti nostri venerabilis viri
magistri Thome de Burgundia in legibus baccallarii multis virtutibus, ut fidedignorum precepimus
relatione, insigniti, ipsum judicem tocius temporalitatis dicte sancte ecclesie et castrorum et locorum
ad eam pertinendum, quamdiu reverendissimo domino nostro perpetuo administratori placuerit et
nobis, facimus et constituimus, eidemque vadia et jura et emolumenta ad dictum judicature officium
pertinenda et solvi consueta damus et asi-gnantas per presentes, amoto ab inde quolibet alio ipsius
officii detentore, quem nos amovemus et denunciamus tenore presentium amotum.

Dantes etiam plenam et liberam potestatem ac mandatum speciale omnes et singulas causas tam
civiles quam criminales ad forum temporalitatis predicte quomodolibet pervenencia (sic) tam inceptas
quam incipiendas audiendi, examinandi, decidendi [359] et determinandi, sententias interlocutorias
et diffinitivas proferendi et executioni debite demandandi, omniaque alia et singula faciendi, gerendi
et exercendi que ad hujusmodi judicature officium possunt quomodblibet pertinere.
Dictus vero magister Thomas de dicto judicature officio bene et fideliter exercendo in manibus
venerabilis viri domini Raymundi de Vyngiaco1211 in legibus baccallarii officialis Sallonis cui super hiis
ad sancta Dei evangelia prestabit juramentum.

Mandantes insuper omnibus et singulis officiariis sancte Arelatensis ecclesie quatinus ipsum
magistrum Thoma in dicti officii possessione ponant et inducant, ac ejusdem ecclesie subditos non
subditos in jure subsidium rogando ut eidem officium pre-dictum exercendo pareant, obediant et
intendant cum effectu, debitumque honore exhibendo, ejus mandata ipsius temporalitatis ubique
locorum exequantur.

Nos enim, quicquid in ipsius judicature officio fecerit et sententias quas recte tulerit, ratas et gratas
habentes faciemus, actore domino, inviolabiliter observare. In quorum omnium fidem et testimonium
presentes fieri et sigillo auctentico curie officialatus Sallonis, in quo sunt sculpate arma dicti
reverendissimi domini nostri perpetui administratoris, jussimus muniri.

Datum et actum Sallone die quinta mensis Octobris anno Domini M° quadringentesimo quinto decimo.
P. Nutricis.

XXV - Vingtain levé par Ia communauté de Lançon


Salamonis not. prot. de 1430: f° 29 et suivants.

1210
2020: Tarcasiensis, lire plutôt Tarantesiensis (de Tarentaise), car on retrouve un Petrus Nutricis in decretis
licenciatus, archiadiaconus Tarantesiensis, mort le 14 janvier 1420 dans la Notice sur les manuscrits de Bernard
Gui
1211
2020: Raimond de Vingiac, chanoine

245
1430, 13 Novembre

I. Premierament an ordenat lo dich vinten per unan tant solament, e que los vinteniers non
puescan ren demandar sinon tant solament per una sazon de pueys lo jort que lo dich vinten lur cera
liurat.

II. Item an ordenat que de tochz blachz, liomes1212, calque sien, stans al terrador e destrech
d’Alanson dera pagar la XXna part [360] so es assaber en l’iera, quant cera deverat et scroyt, e d’aqui
non partir ni levar los dichs, blatz ni liomes sens licensa dels vinteniers, o si non era vintenat.

III. Item mays an ordenat que tot home que sie habitador d’Alanson que ara semenat foras dei
tenador d’Alanson dera pagar lo XXen, sie blat o liomes, ad aquels que culhiran lodich vinten dAlanson,
exceptat que si al terrador o al luoc al cal losdichz blatz, vin o liomes serien fasien vinten, que daquo
que serie al dich terrador non sien tengutz de pagar en aquest present vinten, so es assaber d’aquelo
que an lur terras o vinhas proprias e los altres que las farien a facheria deran pagar en aquest vinten;
e al cas que al terrador ou cerien lasdichas possessions farien vinten, la villa es tenguda de scontar
alsdichz compradors aytant cant pagarian lasdichas possessions per lo vinten.

IV. Item, de solda si pague lo vinten en peyra portada a la villa d’Alanson.

V. Item, que totz los rasins que si culhiran e seran aportas a la tina pague la XXna saumada
desdichs rasins.

VI. Item, de las olivas si pague la XXna part so es assaber al molin de las olivas cant volran defar
lur oli, so es assaber en olivas.

VII. Item, d’amellas, de nozes, pagon la XXna part quant ceran scalagadas.

VIII. Item, d’annels e de cabritz pagon la XXen; e que aquel que cera vintenier dera penre son vinten
cant si levera lo deyme, e al cas que non hi auria XXna que los dichs vinteniers deran penre per anhel
I. patac e per cascum cabrit I. den. e d’aquels que si vendran davant lo temps, que deian pagar la XXna
part de l’argent.

IX. Item, lo vinten de la lana, e que lo vintenier la dera levar e venir penre cant si tondra l’aver.

X. Item lo vinten dels formagis que si vendran e non pas dels altres; e cascun dels noyriguiers,
sie tengut de levar sa provesion e de la resta pagar lo vinten, venda o non venda.

XI. Item, que tot pollin saumin o mulatin pague per cascun VI den.

XII. Item, que tot pollin cavallin dera pagar VIII den. per cascun. [361]

1212
2020: liomes: légumes?, cf infra lieumes

246
XIII. Item, de las abelhas, Io XXen eyssame que sera en lo terrador d'Alanson que vendra a profiech,
e que Io comprador sie tengut de pagar l’aysma1213.

XIV. Item, de tot gasanh1214 que home o fema fassa que sie habitant d’Alanson en qualque maniera
que sie, dera pagar lo vinten de son gasanh, sic de vermelho d’altra causa.

XV. Item, que tota persona que si logue a pres fach an sas bestias dera pagar la XXna part de
l'argent dei pres que el fara per jort tant per se coma per sas bestias.

XVI. Item, que tota persona que logara bestis d’estable o cie camp dera pagar lo vinten dei gasanh
que fara.

XVII. Item, que tota persona que ajude la hun a l'autre non sie tenguda de ren pagar.

XVIII. Item, que tot pasquier semenat de qualque gran que sie que si venda pague lo vinten quant
vendra en las missons; e tota devenduda o pasquier que si mange per las bestias deldich loc non pague
ren, mas que las bestis sien d’aquel de qui cera lo pasquier, o que si feguara per fen.

XIX. Item, an ordenat al dich conselh que denguna causa non sie tenguda de pagar vinten sinon las
causas scrichas en aquesta present ordenansa.

XX. Item mays an ordenat que en cas de guerra, de tempesta o de fuoc, o autras causas de drech,
losdichs habitadors sien tengutz de excontar ais dichz compradors aquo que serie regardat de drech.

XX. Item, que aquellas personas a las calas la universitat d’Alanson a donada franquesa de non pagar
dengunas enpositions o las donara denfra l’an del dich vinten per habitation novella e domicilli far en
lo dich loc d’Alanson, non sien tengudas a ren pagar per lo dich vinten.

[362]

XXVI - BaiI à complant


Salamonis not. prot. 1439, f° 15

Salon 1439, 13 Avril

Datio ad plantandum. - Die XIII mensis Aprilis noverint universi quod Johannes de Sancto Laurentio de
Sallone bona fide per se et suos dedit, tradidit et concessit ad plantandam vineam de novo, Jacobo
Barle dicti loci presenti, stipulanti, videlicet quandam ipsius Johannis de Sancto Laurentio terram
scitam [...] continentem tres carteiradas vel circa, confrontantem [...] quequidem terra superius
designata tenetur ut dicitur sub majori directo dominio et senhoria honorabilis viri Petri Bonihominis

1213
2020: aysma variante de eyssame (essaim) ?
1214
2020: gasanh = gain sur le Tresor dòu Felibrige

247
dicti loci sub annuo censu et servicio quatuor denariorum monete currentis annis singulis in festo
Natalis Domini solvendorum; et hoc cum pactibus et condictionibus sequentibus.

Primo enim fuit de pacto inter ipsas partes etc. quod dictus Jacobus teneatur et debeat infra duos
annos proximos dictam terram de vinea plantare bene et decenter et tempore congruo. Item plus fuit
actum etc. quod dictus Jacobus teneatur et debeat per spatium trium annorum, a fine dictorum
duorum annorum in anthea computandorum, dictam vincam., sic plantatam debite manutenere et
fructus suos de illa facere.

Item plus fuit actum etc. quod, lapsis dictis quinque annis, de dicta vinea fieri debeant duas equales
partes quarum quilibet habeat unam, qualibet serviat duos denarios dicto domino directo,
promicterunt facere, habere etc [...] dicte partes obligaverunt se et omnia bona sua [...]

[363]

XXVII - Ordonnance de Pierre de Foix


archevêque d’Arles, relative aux donations (1453)

Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Serie G


Fonds de l’Archevêché d'Arles, Livre des droits sur Salon, t. II, f° 1162: copie

Statutum sive preconisatio de donationibus non fiendis nisi presente altero ex majoribus officiariis
reformatur ut sequitur.

Quia in donationibus que fiunt in castro Sallonis audivimus plures fraudes esse commissas, quibus, per
dolosas hominum subornationes, donatores etiam proprios liberos et alios parentes et amcos
hereditate et bonis eorum sine causa privabant et destituebant, et prorsus extraneis donabant,
cumque jura proclament talibus fraudibus esse obviandum;
idcirco statuimus, de voluntate et consensu consilii ville nostre Sallonis, quod nulla persona,
cujuscumque conditionis existat, audeat seu presumat facere donationem bonorum suorum
universalem seu particularem alicui extraneo a loco nostro predicto Sallonis, nisi presente et
auctorisante uno ex majoribus officiariis, vocatis ad hoc etiam liberis seu amicis usque ad quartum
gradum ipsius donatoris, nec pariter alicui habitatori Sallonis, nisi ut dictum est, vocatis liberis seu aliis
amicis ipsius donatoris usque ad gradum predictum; et hoc nisi donatarius esset proximior in gradu
ipsi donatori; qua causa fiant donationes infra tamen dictum locum predictum Sallonis secundum
formam juris communis; quod si aliter factum fuerit, iratum sit et inane, et donans res sic donatas
perdat, donatariusque et etiam notarius talem contractum suscipiens in quinquaginta libris puniatur.

Jo. cardinalis de Fuxo1215.

1215
2020: on se serait attendu à voir Pe. de Fuxo, et non Jo. Pierre de Foix (1386 - † le 13 décembre 1464), dit
l'Ancien, cardinal (1409), légat du pape à Avignon (1433-1464) et archevêque d'Arles (1450-1463).

248
[364]

XXVIII - Contrat d'apprentissage


Mercorini not. prot. de 1454: f° 48

Salon 1454, 12 Août

Anno quo supra et die predicta, noverunt universi etc. quod Anthonius Rosa loci Sallonis sua bona fide
etc. locavit se et operas suas cum magistro Arnautholeto Lanoyt conreatori corium habitatore loci
Sallonis presente etc. ad sibi serviendum et cum eodem standum a festo Beati Laurencii lapsa in tres
annos proxime futuros continuos completos et revolutos, et alias cum pactis et condictionibus infra
scriptis et particulariter declaratis.

Et primo fuit actum, dictum etc. quod dictus magister Arnautholetus teneatur et debeat eumdem
Anthonium docere et instruere in dicta arte et in omnibus aliis licitis utencilibusque et honestis
secundum Deum et bonam concienciam ac capacitatem sciencie sue.

Item plus fuit de pacto inter dictas partes quod dictus magister A. teneatur et debeat eumdem
Anthonium, durante dicto tempore, vestire, calciare et alias alimentare in cibo et potu, vestitu et
calceatu, in sanitate et egritudine, bene et honeste juxta facultatem bonorum suorum, dum tamen
idem Anthonius teneatur et debeat reddere et restituere jornatas que seu quas idem Anthonius,
durante dicto tempore, perderet in infirmitatibus ipsius Anthonii, quod Deus avertat; et hoc in fine
dicti temporis; nec non et de medicinis per dictum magistrum suum in dictum Anthonium fiendis aut
pro ipso solvendis; ita quod in fine dicti temporis idem Anthonius teneatur eidem magistro suo
reddere et restiluere, ad cognitionem hominum per ipsas partes comuniter elligendorum in dicta arte,
hoc per dictum Arnautholetum emptum; quod de victu nihil dicto magistro suo solvere teneat.

Et fuit actum, dictum etc. quod dictus Anthonius teneatur et debeat dicto magistro suo reddere et
restituere in fine dicti [365] temporis quinque grossos quos sibi prestavit pro emendo quosdam
sotularios1216 a magistro Macellino Chanrelh sabaterio dicti loci.

Item plus fuit de pacto inter dictas partes quod dictus Anthonius teneatur et debeat dampna et inutilia
dicti sui magistri evitare et utilia pro posse adimplere. Oue omnia [...] promiserunt [...]

XXIX - Soquet du blé et de la farine


Archives départementales des Bouches-du-Rhône
Chartrier de Salon: n° 8

1216
2020: sotularios: souliers

249
1453, 21 Novembre

Segon se los chapitres ad causa dels impotz et soquet de la farina et dei blat fachs, statutz et ordennas
per monseigneur reverendissime monseigneur l’arcevesque et prince d’Arle, seigneur insolidum dei
present luoc de Sallon.

1. Et premierement statuen et ordenan que touta persona, de qualque estat et condition que
sia que moulrra blat, segle, ordy1217 et lout autre gran et lieume1218 en!o terrador de Sallon, Grans, ny
autres molyn fora d’aquellos, los aran a fayre pear au luoc dedicat per la villa et per las mans deis
pezadors commesses de la dicta villa, et pagara ung patac per quintal de blat que mangera el et son
maynage et aquo sus la pena de dex florins et perdicion del blat, applicada a nostra court las doas pars
et la tierca part al accusador.

2. Item statuen et ordenan que neugun non ause adure farina a Sallon ny a son terrador que non
la peze al luoc susdit et pezat per los susdits pezadors sus ladita pena applicada comma dessus.

3. Item statuen et ordenan que neugun moynier estrangier ni privat non ause cargar blat ny
neugun dels grantz susdits en lo luoc de Sallon ny son terrador que non peze lo blat a l’anar et la farina
al retourt, et si neugun particulier ly pourtava blat a leurs molyns, non ausen moulrre senssa aver
boleta1219 ou sagel dei pezador, sus ladita pena applicada ainsi comma dessus.

4 Item [...] que los pezadors seran tengus de donnar a chascun que vouldra ung billet del pez de
son blat et sia aussi tengut de donnar a qui aura merme de pez de las farinas deis moyniers, sus ladita
pena [...] [366]

5. Item [...] que tout hoste de Ia villa ou estrangier, cabaretier, tavernier longent1220 gens a pe ou
a cheval, aran a pagar siex patacs per quintal del blat que se mangera a sa mayson ou per son meynage
ou hostes, sus ladita pena [...]

6. Item [...] que touta manganiera ou gens que vendran pan a menut en place ou sus les
1221
tauliers de leurs maysons aran a pagar un gros et miech per quintal dei blat que fera moulrre ou
aussi de la farina que compraran deis moyniers et d’autres, sus ladita [...]

7. Item [...] que tout home a qui lo moynier aura rendut sa farina, que ly apparesca que sia
fraudada, pourra monstrar ladita farina als visitadors depputaz per la villa d’avant que la meta en obra,
et appareyscent estre fraudada sia compellat per nostra court a far pagar lo dam donat1222 a la partida
et lo puynir per la frauda commessa segon que sera de rason.

1217
2020: ordy: orge
1218
2020: lieume: légumes
1219
2020: boleta: sagel
1220
2020: longent: qui logent
1221
2020: tauliers: établis
1222
2020: dam donat: le dommage causé

250
8. Item [...] que tout moynier ara a pagar de la farina que mangera a sa mayson et son meynage,
encores que sia de moultura, un patac per quintal et que en fassa lo drech ais pezadors segon la tenor
de son iibre; se se fa pan per vendre, pague ung gros et miech per quintal, sus ladita pena [...]

9. Item [...] que neugun moynier non ause vendre farina a Sallon ny a son terrador que
incontinent l’ane ou mande revelar als pezadors a qui l'aura vendut, sus ladita pena [...]

10. Item [...] que deugun hoste, cabaretier, manganiers ou autres vendent pan ou longent gens a
pe ou a cheval, non ause mandar blat al molyn per autras personas que en leur nom, sus ladita pena
[...]

11. Item [...] que los pezadors aran a rebatre per la moultura del pez a chascun quintal sept lieures.

12. Item [...] qui non pagara en la modo susdita als pezadors quant pezaran lo blat, los deran pagar
al retourt quant pezaran la farina, sinon los pezadors deran retenir ung sac de ladita la farina fins que
aquel de qui sera vengua pagar, et si fa autrement, sera sus les gaiges deis pezadors.

13. Item [...] que deugun forestier non ause pourtar farina ny pan a Sallon ny son terrador, sus
ladita pena [...]

Los noms deis visitadors dei blat et de la farina


Primo Asterii
Item Sarratoris Pontii secretarius
Item Girard lo moulnier

[367]

XXX - Criées faites le 1er Janvier 14541223

Archives départementales des Bouches du Rhône, Série G;


Fonds de l’archevêché d’Arles
Livre de la communauté de Salon, tome II, f° 1166 et suivants,
copie contemporaine.

Preconisaciones castri Sallonis

In nomine Domini amen. Anno Incarnationis ejusdem millesimo quadringentesimo quinquagesimo


tercio et die prima mensis Januarii, reverendissimo in Christo patre et domino domino P. miseracione
divina episcopo Albanensi sacrosancte ecclesie Romane cardinali de Fusco vulgariter nuncupato,
archiepiscopo sancte Arelatensis ecclesie et principe presidente ac castri Sallonis Arelatensis diocesis
domino feliciter existente, universis tam presentibus quam futuris fiat manifestum quod

1223
2020: Présentation annotée disponible ici

251
preconisaciones sequentes et infrascripte reperte in regestris et libris antiquis curie Sallonis fuerunt,
facte et renovate mandato dicti domini cardinalis et archiepiscopi ac nobilis Arnautholeti de Domisano
viguerii Sallonis et tocius terre temporalitatis sancte Arelatensis ecclesie, et ad instanciam et
requisicionem honorabilis et circumspecti viri domini Anthonii Toardi in legibus baccallarii,
procuratoris fiscalis curie predicte Sallonis, divulgate et preconisate per Johannem Vitalis, servientem
dicte curie et preconem publicum juratum, per loca Sallonis et quadrivia solita voce tube precedente
in hunc qui sequitur modum.

(1) Primo de non transportando juridicionem domini.

Mandamentum est reverendissimi in Christo patris et domini domini P. miseracione divina episcopi
Albanensis sacro sancte Romane ecclesie cardinalis de Fuxo vulgariter nuncupati, archiepiscopique
sancte ecclesie Arelatensis et ejus viguerii quod nulla persona cujuscumque condicionis existat audeat
seu presumat transportare jura nec juridicionem dicti domini cardinalis et archiepiscopi, in aliam
curiam quam in curia ipsius domini cardinalis, sub pena centum librarum coronatorum fisco curie
nostre applicanda.

[368]

(2) De non usurpando jura nec juridicionem domini.

Item quod nulla persona extranea vel privata1224 cujuscumque condicionis existat audeat seu
presumat usurpare jura domini cardinalis et archiepiscopi predicti, sub pena centum librarum
coronatorum.

(3) De non proferendo blasphemiam Deum nec aliquem sanctorum suorum.

Item quod nulla persona cujuscumque status existat audeat seu presumat contra Deum et aliquem
sanctorum suorum, et maxime Beatam Virginem, proferre blasphemiam, et hoc sub pena standi ante
fores ecclesie dum aguntur missarum sollemna per septem dies, et quinquaginta librarum
coronatorum.

(4) De non fraudendo pedagium.

Item quod nulla persona [...]1225 audeat vel presumat fraudare pedagium dicti domini archiepiscopi
occasione mercanciarurn per locum Sallonis seu ejus territorium transitum facientium debitum, nec

1224
2020: privatus in Du Cange: Extraneo opponitur ; unde pro urbis incola
1225
2020: on peut supposer que R. Brun n’a pas souhaité répéter les “quod nulla persona extranea vel privata
cujuscumque condicionis/status existat audeat”

252
predictis facere aliquam salvatariam, sub pena centum librarum coronatorum et perdicionis
mercanciarum et animalium, pro quolibet et vice qualibet.

(5) De non levando jus pedagii nisi qui fuerit per curiam ordinatus.

Item quod nulla persona [...] audeat neque presumat recipere seu levare jus pedagii predicti sine
licencia domini seu deputati ab ipso, sub pena centum librarum coronatorum, pro quolibet et vice
qualibet.

(6) De non fraudando jus leude seu bladerie.

Item quod nulla persona [...] audeat vel presumat fraudere jus leude seu bladerie Sallonis, nec in
premissis facere aliquam salvatariam, sub pena centum librarum coronatorum et amissionis
animalium vel mercanciarurn, pro quolibet et vice qualibet.

(7) De non mensurando bladum aut nisi in bladeria sine licencia bladerii.

Item quod nulla persona [...] audeat vel presumat mensurare bladum aliquod, legumen, amigdala vel
nuces nisi in bladeria Sallonis sine licencia bladerii vel sui locumtenentis, sub pena centum solidorum
coronatorum, pro quolibet et vice qualibet, et amissionis animalium et mercanciarum.

[369]

(8) De non capiendo blada aut a!ia que ducuntur ad bladeriam pro portando ad domum suam sine
licencia bladerii.

Item quod nulla persona [...] audeat neque presumat capere a gentibus extraneis blada, legumina,
amigdala seu nuces, aut animalia prodicta pertantia pro eundo mensuratum ad domum suam, nec eos
aducere ad domum suam sine licencia bladerii vel alterius deputati, sub pena centum solidorum
coronatorum, pro quolibet et vice qualibet.

(9) De non portando cutellum longum nec arnesium ultra mensuram.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat portare cutellum longum ultra mensuram, nec alia
arma prohibita, de die nec de nocte, sub pena XXV librarum coronatorum de die, et quinquaginta de
nocte et perdicionis armorum seu arnesii.

(10) De non ludendo ad taxillos.

253
Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat ludere ad taxillos, a l’eyssuch, sub pena XXV
librarum coronatorum de die et quinquaginta de nocte, et qui receptabit tales ludentes in totidem
puniatur, et accusator habeat terciam partem pene et celabitur.

(11) De non eundo de nocte sine lumine.

Item quod nulla persona [...] audeat ire per villam Sallonis de nocte sine lumine post pulsacionem
campane, sub pena viginti quinque solidorum coronatorum.

(12) De faciendo homagium.

Itern quod omnis et quecumque persona stans seu habitans in presenti loco Sallonis que non fecerit
homagium nec prestiterit solitum juramentum in manibus dicti domini vicarii hinc ad XV dies proximos
futuros illud faciat, sub pena centum solidorum in statuto municipali Sallonis contenta.

(13) De ponderibus et mensuris.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat tenere falsa pondera seu mensuras, nec eis uti
quoquomodo, sub pena centum librarum coronatorum, pro quolibet et vice qualibet.

(14) De non tenendo pondera seu mensuras nisi quas curia assignaverit.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat tenere mensuras seu pondera nisi illa que fuerint
per curiam ordinata et alias [370] alealata, sub pena pro quolibet et vice qualibet XXV librarum
coronatorum.

(15) De corrateriis.

Item quod nullus corraterius seu presoneta. cujuscumque status aut condicionis exislat, audeat vel
presumat exercere seu uti officio corraterie sine licencia dicti domini vicarii, et donec prestiterit
juramentum in manibus ejusdem domini vicarii aut ejus locumtenentis, sub pena viginti quinque
solidorum coronatorum, pro quolibet et vice qualibet.

(16) pas d’item 16 dans cette édition

(17) De aquis foncium.

254
Item quod nulla persona [...] audeat neque presumat accipere aquam foncium de Albis sine licencia
adaquatorum ad hoc per curiam deputatorum sub pena quinque solidorum, pro quolibet et vice
qualibet.

(18) De non tenendo quadrigas in carreriis publicis.

Item quod nulla persona audeat neque presumat tenere quadrigas de nocte, in carreriis publicis, sub
pena quinque solidorum, pro quolibet et vice qualibet.

(19) De fimis et sordibus.

Item quod omnis persona cujuscumque status aut condicionis existat que habeat fimum vel aliud
sordidum in ambarris vel itineribus publicis aut carreriis, quod illud amoverit aut amoveri facerit et
procuraverit infra quindecim dies proximos, et quod ab inde in anthea non audeat ponere fimum seu
aliud sordidum in locis predictis, sub pena quinque solidorum coronatorum, pro quolibet et vice
qualibet.

(20) De non adaquando animalia in Thodobram.

Item quod nulla persona audeat seu presumat animala grossa vel minuta infra Thodobram adaquare,
nec frangere ripas dicte Thodobre, sub pena decem solidorum, pro quolibet et vice qualibet.

(21) De arboribus non plantandis prope gorgas fontis.

Item quod nulla persona loci Sallonis ab inde in anthea audeat seu presumat arbores plantare seu
plantari facere prope gorgas per quas currit aqua foncium Sallonis prope per sex passus, videlicet a
porta ferri quantum durantur dicte gorgue, sub pena quinque solidorum.

[371]

(22) De non ponendo avere lanutum in terris deffenditis.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat ponere seu mictere avere Ianutum nec animalia
alia extranea causa pascendi infra territorium Sallonis in cossulis aut aliis terris deffenditis ejusdem
territorii, sub pena viginti quinque librarum et perdicionis averis et aliorum animalium.

(23) De non faciendo aut ponendo finium nec aliud sordidum circa fortalicium.

255
Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat facere aliquod sordidum nec laysanam, nec portare
fimum seu scobilhas circa fortalicium Sallonis, sub pena decem solidorum coronatorum, pro quolibet
et vice qualibet.

(24) De non pasturgando animalia in deffensibus.

Item quod nullus pastor vel norriguerius aut gardianus aliquorum animalium audeat seu presumat
avere suum vel alienum aut alia animalia quecumque custodire, tenere vel pasturgare in deffensibus
de Pineda, de Podio calvii vel aliis nemoribus domini nostri Arelatensis archiepiscopi sub pena
quinquaginta solidorum coronatorum, pro quolibet et vice qualibet, cujus pene medietas erit
accusatori et celabitur per curiam.

(25) De non lenhayrando nec venando in nemoribus domini.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat de die nec de nocte in dictis deffensibus et
nemoribus lenhayrare nec venari, super eadem pena quinquaginta solidorum pro quolibet ut supra.

(26) De non intrando ortos clausos per parietes.

Item quod nulla persona [...] audeat, seu presumat intrare ortos clausos per parietes vel alias sine
licencia illorum vel illius quorum seu cujus sunt, nec ibi colligere ortolalia vel aliquos fructus
cujuscumque speciei contra voluntatem domini dicti orti, sub pena de die quinquaginta solidorum
coronatorum, et de nocte solidorum centum, pro quolibet et vice qualibet; cujus pene medietas erit
accusatori et celabitur per curiam.

(27) De non inmictendo averia in vineis aut viridariis olivariorum.

Item quod nullus pastor vel norriguerius vel gardianus aliorum animalium cujuscumque status vel
condicionis existat audeat seu presumat ponere, tenere vel custodire averia sua nec alia [372] animalia
in vineis cultis vel incultis, viridariis olivarium vel amigdalorum, terris seminatis vel deffenditis, nec
etiam in pratis, de die nec de nocte, sub pena viginti quinque solidorum coronatorum, pro quolibet et
vice qualibet; cujus pene medietas erit accusatori et celabitur per curiam.

(28) Quod mercenarii non dimictant magistrum suum ante tempus.

Item quod omnis persona [...] que fecerit pactum domino seu domine de morando et stando cum
eisdem per certum tempus audeat seu presumat dimictere dominum seu dominam suam ante
terminum finitum sine causa racionabili precedente, sub pena quinquaginta solidorum pro quolibet et

256
vice qualibet; nec dominus sive domina dimictere seu dare congedium eidem absque causa etiam
racionabili precedente, sub pena predicta.

(29) De non fraudendo seu retinendo decimas domini.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat retinere seu fraudare jus decime racenorum aut
bladorum pertinentis domino nostro Arelatensi archiepiscopo quoquomodo, sub pena centum
librarum coronatorum, pro quolibet et vice qualibet.

(30) De non capiendo ligna furnilhie.

Item quod nulla, persona [...] audeat seu presumat recipere aut sibi appropriare de die vel de nocte
ligna furnilhie que adducuntur infra locum Sallonis pro servicio furnorum domini, sub pena XXV
solidorum, pro quolibet et vice qualibet.

(31) De faciendo laudari.

Item quod omnis et quocumque persona [...] que emerit aliquas possessiones, census aut servicia que
non fecerit sibi laudari, infra decem dies proximos sibi laudari faciat per dominum clavarium aut alium
potestatem habentem, sub pena quinquaginta librarum coronatorum et amissionis feudi.

(32) De censibus et serviciis.

Item quod omnis persona que faciat census aut servicia in castro Sallonis pro terminis preteritis solvat
infra octo dies proximos, sub pena duppli.

(33) De non vendendo vinum nisi cum mensuris ordinalis.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat a modo vendare vinum nisi cum mensuris ordinatis,
et illas primitus allealari faciat reverio aut alteri ad que dicta per dictam curiam deputato, sub pena
viginti quinque solidorum coronatorum, pro quolibet et vice qualibet, et amissionis vini.

[373]

(34) De non tenere furonum.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat tenere furonum neque furam, nec cum eis venandi
sine licencia curie, sub pena quinquaginta solidorum coronatorum et amissionis furoni atque fure.

257
(35) De non venando cum furono.

Item quod nulla persona [...] audeat seu presumat venari cum furono sive fura in deffensis de Podio
Calvi, de Pineda et de Valle Cudii, nec in aliis deffensibus, sub pena predicta, pro quolibet et vice
qualibet.

(36) De non emendo pisces ab homine extraneo ante meridiem.

Item quod nulla persona [...] emat pisces aut emere audeat vel presumat ab aliquo homine extraneo
causa ipsos revendendi in dicto loco ante horam meridianam, sub pena quinque solidorum, pro
quolibet et vice qualibet, et amissionis dictorum piscium.

(37) De non miscendo pisces rescentes cum piscibus scadicibus.

Item quod nulla persona venditor seu venditrix piscium cujuscumque statutus aut condicionis existat,
que in castro Sallonis pisces vendere voluerit audeat nec presumat inmiscere pisces scadices cum
piscibus ressentibus, et quod tales pisces mixtos non audeat vel presumat vendere in castro Sallonis,
sub pena V solidorum, pro quolibet et vice qualibet, et amissionis dictorum piscium.

(38) De vendendo pisces scadices et ressentes separatim.

Item quod omnis persona venditrix piscium [...] que habuerit pisces scadices et ressentes, eos vendat
publice separatim, et quod dicat, notificet et clarificet tales emere volentibus: isti pisces sunt scadices
et isti sunt ressentes, ad hoc ut non possint decipi emptores illorum piscium, sub pena predicta.

(39) De non vendendo pisces pro personis extraneis.

Item quod nulla persona [...] venditrix seu revenditrix piscium audeat vel presumat vendere pisces
personarum extranearum qui portati fuerint pro vendendo in dicto castro Sallonis nomine suo nec
aliarum personarum extranearum, sed dictis personis extraneis permictant vendere dictos eorum
pisces, sub pena predicta, pro quolibet et vice qualibet.

[374]

(40) De non faciendo societatem in vendendo pisces ultra duos.

Item quod nulla persona [...] venditrix seu revenditrix piscium audeat seu presumat facere societatem
in vendendo pisces in Sallone ultra duos, et non audeant vendere pisces nisi in piscaria publica et loco

258
publico solito, sub pena decem librarum coronatorum, pro quolibet et vice qualibet, et amissionis
piscium.

(41) De non interficiendo animalia infra macellam nisi veniant suis propriis pedibus.

Item quod nullus macellarius castri Sallonis cujuscumque condicionis existat audeat seu presumat
interficere intra macellum Sallonis pro vendendo in dicto macello oves seu mutones nisi veniant suis
propriis pedibus usque ad dictum macellum et non alias, sub pena quinquaginta librarum, pro quolibet
et vice qualibet.

(42) De non vendendo carnes per judeos occisas vel sagalatas nisi fuerit signum appositum per
sagalatorem.

Item quod nullus macellarius audeat seu presumat vendere per se vel per alium carnes per judeos
occisas vel sagalatas nisi fuerit signum positum per judeum seu sagalatorem, sub pena viginti quinque
solidorum coronatorum et amissionis carnium.

(43) De non vendendo carnes ovium absque signo crucis.

Item quod nullus macellarius audeat seu presumat vendere carnes ovium in macello Sallonis nisi in
peciis dictarum ovium fecerit signum crucis cum cutello ne ementes dictas carnes decipiantur emendo
carnes ovium pro carnibus [...]. (Ia suite manque).

Pièces ajoutées en 2020

Gallia Christiana novissima Arles, n° 615

Commanderie du Temple près Montpellier,


Mars 1167.

Le roi Ildefonse, marquis de Provence, donne en échange à l'église d'Arles, les châteaux de Grans et
d’Aurons, avec faculté d'amener l’eau de la Durance à Salon et à la mer.

In nomine Domini nostri Jesu Christi. Anno ejusdem lncarnationis M°C°LX°VII°, mense marcii.
Auctoritas legum jam pridem sanxit et canonum, et consuetudo approbavit precedentium, ut
quicumque rem suam alienare, vendere, permutare, vel jus suum in alium transferre voluerit, per

259
paginam instrumenti id faciat, ne longa prolixitas temporum vel vetustas negociorum quod legitime
factum fuerit, in irritum deducere possit.

Ea propter, ego lldefunsus, rex Aragonensis, comes Barchilonensis et marchio Provincie1226, cum
primum Provinciam intrassem, de querimonia quam dilectus noster Raimundus1227, Arelatensis
archiepiscopus, de quarta parte castri Albaronis et de quarta parte de Fossis faciebat, et predecessores
sui predecessoribus meis fecerant, consilio et voluntate Ugonis, Terragonensis archiepiscopi, et
episcoporum Gerundensis videlicet et Ausonensis1228, et aliorum proborum qui tunc in curia mea
erant, jurare feci predictum Ausonensem, et Arbertum de Castro veteri, Guillelmum de
Montepessulano et Ugonem de Baucio1229, quod consilio Gaufridi, Avinionensis episcopi, et Willelmi
de Montepessulano et Ugonis de Baucio, concambium Arelatensi ecclesie de hujusmodi quartonibus
darem et firmiter tenerem. Et ego predictus R. Arelatensis archiepiscopus Gaufridum Avinionensem
et Bertrandum de Baucio, Porcellum et Petrum de Lambisco jurare feci quod concambium 1230
reciperem et predictorum arbitrio starem.

Inde sic tempore procedente actum est, quod consilio et voluntate predictorum ego Ildefonsus
predictus, rex Aragonensis, sponte et sine omni coactione, castrum de Grans et castrum de Aurons,
cum omnibus territoriis suis, terris videlicet cultis et incultis, nemoribus et pascuis, aquis et paludibus
et aquarum decursibus, Arelatensi ecclesie et tibi Raimundo, Arelatensis ecclesie archiepiscopo. et
successoribus tuis, pro hujusmodi concambio perpetuo dono, laudo et concedo, et me devestio et te
et Arelatensem ecclesiam investio.

Ita libere ut omnem potestatem, jus et dominium ipsorum castrorum, tu et successores tui et
Arelatensis ecclesia perpetuo habeatis, et sine fraude et omni contradictione et retentione, prout
vobis placuerit, jure vestro tractetis.

Et ego R. predictus Arelatensis archiepiscopus, per me et per consilium capituli Arelatensis ecclesie,
quicquid juris in hujusmodi quartonibus supradictorum castrorum, videlicet Albaronis et de Fossis,
Arelatensis ecclesia habebat, tibi lldefosso regi et successoribus tuis perpetuo habendum sine omni
contradictione concedo.

Preterea, ego lldefonsus, rex Aragonensis, comes Barchilonensis et marchio Provincie, perpetuo dono,
laudo et concedo, sine omni retentione, Arelatensi ecclesie et tibi R. ejusdem ecclesie archiepiscopo,
aqueductum et aquam fluminis Durancie ad deducendum et lectum ipsius aque a Durentia usque

1226
2020: Alfonso II, called the Chaste or the Troubadour, was the King of Aragon and, as Alfons I, the Count of
Barcelona from 1164 until his death. The eldest son of Count Ramon Berenguer IV of Barcelona and Queen
Petronilla of Aragon, he was the first King of Aragon who was also Count of Barcelona. He was also Count of
Provence, which he conquered from Douce II, from 1166 until 1173, when he ceded it to his brother, Ramon
Berenguer III.
1227
2020: Raimon de Bollène ( ? – † 22 juin 1182), dit aussi Raymond de Bollène, fut probablement chanoine de
la cathédrale de Nice, puis archevêque d’Arles (1163-1182).
1228
2020: in Principauté de Catalogne: Ainsi, le Comte de Barcelone, Ramon Berenguer I, est appelé "Prince de
Barcelone, Comte de Gérone et Marchis d'Ausona" (princeps Barchinonensis, comes Gerundensis, marchio
Ausonensis) dans l'Acte de Consécration de la Cathédrale de Barcelone (1058)
1229
2020: Hugues II des Baux, fils de Raymond Ier des Baux, fut seigneur des Baux-de-Provence de 1150 à 1170
1230
2020: concambium in Du Cange: Concambire, etc. Vide Cambiare. Echange

260
Sallonem et inde usque ad mare. Et hanc concessionem ego et mei semper firmam tenebimus; et si
quis aliquam molestiam vel injuriam Arelatensi ecclesie et tibi, vel successoribus tuis, ibi vellet facere,
nos semper bona fide defendemus.

Signum lldefonsi, regis Aragonensis † comitis Barch. et marchionis Provincie. Signum † Guillelmi
Raimundi, dapiferi1231. † Signum Pellegrini de Castellazol1232. † Signum Chatignarii. † Signum
Berenguarii de Sancta Eugenia. † Signum Raimundi de Albacia.

Et adfuerunt testes similiter: Gaufridus, Avinionensis episcopus, Guillelmus de Montepessulano, Ugo


de Baucio, Bertrandus Porcelleti, Willelmus Raimundi Gantelmi, Bertrandus Gantelmi, Bertrandus,
precentor Arelatensis, Rostagnus, sacrista Avinionensis, Bertrandus de Rocamaura, Bertrandus de
Podio Aicardo, Rainaudus Arvei, Guillelmus Bernardi, Rapina1233, Rainaudus Amelii, Ugo de Arenis,
Poncius Archimbaudus, Gaufridus Carbonellus, magister Maurinus, et Fulco qui hec scripsit, mandato
regis.
Factum esl hoc in domo milicie Templi, juxta Montempessulanum.

Chartrier de Salon, n° 121. Autographe de l’archev. d’Arles, f° 76. Livre noir, f° 25. Bréquigny, t. III p.
367
Également dans Histoire générale de Provence, dédiée aux Etats de JP Papon.

Gallia Christiana novissima Arles, n° 551

(Après 13 mars) 1344.


Bulle d'or du roi Conrad III, accordant à l'archevêque d'Arles les droits régaliens et confirmant à son
église ses possessions.

Accessible sur Internet Archive, et transcrite sur Die Urkunden Konrads III, Monumenta Germaniae
Historica .

In nomine sancte et individue trinitatis. Ego Colradus dei gratia Romanorum rex secundus reverendo
R(aimundo) urbis Arelatensis archiepiscopo eiusdemque civitatis clero et populo gratiam suam et
omnem bonam voluntatem.

Antiqui regni consuetudo celebris et imperatorum instituta regum Romanorum discretionem nostram
sollicitant, quatenus ecclesiarum utilitatibus nostro imperio subiectarum et specialiter Arelatensi
ecclesie, cui quadam prerogativa privilegiorum tenemur, studeamus subvenire et ut proprie sedi

1231
2020: dapifer in Du Cange, Idem qui Senescallus.
1232
2020: il y a un Castellazo en Aragon et un Castellazzo en Emilie Romagne.
1233
2020: JP Papon lit Rozina

261
nostre providere, clericos defendere, bona illorum ad laudem et gloriam nominis Christi illibata
servare et, ne aliqua impiorum tirannide affligantur, maxime operam dare; si qua aetiam eisdem
dampna iniuste et absque ratione ab aliquibus inferantur, pie et misericorditer reformando eadem
resarcire.

Imperialia itaque decreta sequentes et antecessorum nostrorum clementiam imitantes tibi,


venerande R(aimunde) Arelatensis civitatis archiepiscope, et per te ecclesie tue et successoribus tuis
nostra regalia in urbe Arelatensi et totius tui archiepiscopatus concedimus, scilicet iusticias, monetam,
iudeos, farnarias1234, cordam, quintale, sextarium, redditus navium, montationes, stagna salinarum,
lacus, paludes, pascua de Crauo, ut habeas et perpetuo tu et Arelatensis ecclesia auctoritate nostre
munificentie in pace possideas et per te tui successores, quicumque in ecclesia Arelatensi catholice
extiterint.

Concedimus etiam tibi iurisdictionem post nos in civitate Arelatensi.

Insuper confirmamus tibi dominium quarte partis reddituum Arelatensis civitatis et quartam partem
Albaronis et quartam de Fosso, quod nobilis comes R(aimundus) Tholosanus Arelatensi aecclesie et
Gibilino archiepiscopo et successoribus suis in testamento suo noscitur dimisisse, dominium de
Trencataliis, castrum de Sallone, castrum de Aluernico, castrum de Aualone, castrum sancti Amantii,
castrum Vereum, castrum de Mornacio, castrum Montis Drachonis, castrum de Nionis, castrum de
Uinzobrio, abbatiam sancti Geruasii cum omnibus suis pertinentiis, piscariam de ponte et quicquid
Arelatensis aecclesia in civitate vel extra per seculares seu aecclesiasticas personas habet et possidet
vel iuste habere debet vel in antea acquirere poterit, tibi iam dicto R(aimundo) et Arelatensi aecclesie
et successoribus tuis concedimus.

Verum ut ista donatio seu huius privilegii confirmatio firma et stabilis posteris tuis aeternaliter
permaneat, presentem paginam bulla nostra aurea muniri iussimus. Si qua vero improborum
temeritas confirmationem istam inquietare voluerit, banno regali subiaceat et pro pena XL libras auri
se daturum cognoscat, cuius dimidium fisco nostro and dimidium Arelatensi archiepiscopo fore
cognoscimus.

Huius autem donationis seu privilegii confirmationis testes esse volumus Henricum Maguntinum 1235
archiepiscopum, episcopos Luccam Garmaciensem1236, Orlibum Basiliensem1237, Burcardum
Argentinum1238, Citerium archidiaconum, Albertum notarium et alios multos.

Factum est hoc privilegium anno ab incarnatione domini MCXLIIII, anno vero VII regni eius.

1234
Farnaria in Du Cange, Fusoria fornax monetalis, Gall. Fonderie.
1235
Maguntinum: de Mogontiacum, devenu Magontia en latin tardif: Mayence
1236
Garmacia: Worms, cf Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme.
1237
Basiliensem: de Bâle; pour le prénom Orlibus il s’agit du moderne Ortlieb
1238
Argentinum: de Argentorate, Strasbourg

262
Terminologie de registres de notaires médiévaux

Notaires et registres de notaires en Provence et à Arles XIIIe-XVe siècles (extrait)


Louis Stouff

Aux XIIIe, XIVe et XVe siècles existent trois sortes de registres:

Les brouillards: les notaires pouvaient prendre au vol de simples notes préliminaires sur feuille volante
ou sur un carnet en vue de rappeler l’objet de l’acte, les noms des parties et des témoins, la date. Les
brouillards ont rarement été conservés. Il s’agit de brouillons informes, souvent illisibles pour
l’historien qui voudrait les utiliser. On n’a pas trop à regretter leur disparition.

Les registres de brèves ou protocoles: à l’aide des notes précédemment prises, le notaire établissait la
minute de l’acte. Celle-ci était rédigée en abrégé et contenait toute la substance utile de l’acte, à
l’exception des formules qui n’apparaissent qu’en abrégé. C’est ce qu’on appelle la brève. Dans ces
registres figurent tous les actes passés par un notaire au cours de l’année, classés par ordre
chronologique. Pour l’historien, ce registre est le bon registre. Les actes ne sont pas alourdis par les
interminables formules juridiques qui constituent une véritable plaie pour le dépouillement de ce type
de documents; les actes y sont tous et dans l’ordre chronologique.

Les étendues ou extensoires: lorsqu’une partie a besoin d’une copie de l’acte, lorsqu’elle demande au
notaire une expédition de l’acte (pour un procès par exemple), avant de procéder à son grossoiement,
le notaire prenait la première minute et la développait tout au long avec toutes les formules
appropriées et en établissait ainsi une seconde minute ou étendue (extensa), d’où le nom qu’on a
retenu pour les registres renfermant ces actes: extensoire (liber extensarum ou extensorium). À
propos de ces registres, il faut retenir qu’ils ne renferment pas tous les actes passés au cours d’une
année par le notaire. Ils ne sont pas classés par ordre chronologique. Il arrive qu’ils appartiennent à
plusieurs années différentes. La situation peut varier d’un notaire à l’autre. À Arles, il y a un notaire
qui, pour chaque année, tient deux registres: l’un pour les brèves, l’autre pour les étendues.

263
Biographie de Robert Brun1239

Robert Brun (1896-1978)

Le 7 avril 1896, Robert Brun naissait à Pélissanne, gros bourg de la Provence aixoise, à deux pas de
cette ville de Salon à laquelle il devait consacrer son premier travail d'historien et, toute sa vie, bien
que sa carrière l'en ait tenu éloigné, il restera fidèle aux horizons de son enfance. Attiré par le passé,
il s'orienta vers l'École des chartes où il sera admis le 12 novembre 1914. Mais l'heure n'était plus aux
spéculations historiques: les onze élèves de cette nouvelle promotion furent très vite arrachés à leurs
études et précipités dans la tourmente; six d'entre eux ne devaient pas en revenir.

Robert Brun, mobilisé le 27 février 1915, était sous-lieutenant en 1917 quand, le 16 août, à Verdun, il
fut grièvement blessé en résistant à la tête de sa section à une violente attaque. Il devait rester à
jamais marqué par cette blessure, si grave qu'elle entraîna sa mise à la réforme au terme de longs
mois de souffrance. Il reprit en 1918 ses études interrompues et, après une scolarité brillante, il obtint
en 1922 le diplôme d'archiviste paléographe à la suite d'une soutenance remarquée, où il eut à
débattre avec deux correcteurs d'un grand prestige, Camille Jullian et Paul Fournier. Sa thèse sur La
ville de Salon au Moyen Age: le régime seigneurial, le régime municipal, la vie économique lui valut le
prix Auguste Molinier.

Major de sa promotion, il devint membre de l'École française de Rome de 1922 à 1924. Auparavant,
et en même temps que ceux de l'École, des chartes, il avait suivi de 1919 à 1921 les cours de l'École
du Louvre et ceux de l'École pratique des hautes études. Cette promotion chartiste de 1922 fut, pour
les bibliothèques, d'une rare qualité. En effet, en plus du nom de Robert Brun, on y relève ceux de
Georges Bataille, Georges Collon, Henry Joly, André Masson, Louis-Marie Michon, qui, à bien des
titres, ont illustré la “cité des livres”. Pour Robert Brun, à l'exception d'un court passage dans les
services législatifs du Sénat, qui lui permit d'attendre son entrée au palais Farnèse, sa carrière devait
se dérouler entièrement dans les bibliothèques en deux périodes d'inégale durée, de 1926 à 1949 à la
Bibliothèque nationale, de 1949 à 1963 à l'Inspection générale des Bibliothèques. C'est le 1er mai 1926
qu'en remplacement d'André Chamson, affecté à la bibliothèque de la Chambre des députés, il est
nommé bibliothécaire stagiaire de la réserve du département des imprimés; il y aura pour chef de
service Charles de La Roncière, qui ne tardera pas à manifester pour son collaborateur la plus grande
estime.

Les fonctions du nouveau bibliothécaire, titularisé en 1928, déborderont rapidement le cadre initial
de ses occupations. C'est ainsi qu'à côté du catalogage et du classement des fonds précieux, terrain
d'exploration magnifique offert à sa passion de bibliophile, il devient en 1941 adjoint du conservateur
du département des imprimés, chargé spécialement, en plus de la réserve, de la salle de travail,
attributions étendues en 1944 à la direction du service du magasin; en 1945, enfin, il est nommé
conservateur du département des entrées. Les travaux d'érudition, le contact quotidien avec ce que
la typographie, l'illustration et la reliure ont produit de plus rare et de plus réussi, les liens d'amitié
noués avec des collègues et des érudits passionnés, eux aussi, de beaux livres, firent de son passage à

1239
Parue dans Bibliothèque de l'école des chartes. 1979, tome 137, livraison 2. pp. 355-358

264
la réserve le meilleur moment de sa carrière, ainsi qu'il l'a déclaré à maintes reprises. Il tenait d'ailleurs
à faire partager sa foi bibliophilique aux candidats au diplôme technique (puis supérieur) de
bibliothécaire, ses futurs collègues; il leur dispensait depuis 1932 un enseignement sur l'histoire et les
techniques du livre dont il déplorait qu'il ne pût être développé tant il était conscient de son
importance pour la culture générale de l'ensemble des bibliothécaires. Il parlait volontiers des sujets
qui lui tenaient à cœur - histoire de l'art, histoire du livre - soit dans des cours comme à l'École Boulle
et aux Cours professionnels de l'édition et de la librairie, soit dans des communications ou des
conférences tant en France qu'à l'étranger, Hollande, Italie, etc.

A ses activités professionnelles, aux travaux personnels sur lesquels nous reviendrons, la guerre 1939-
1945 allait ajouter le poids de nouvelles responsabilités. En octobre 1939, il est désigné pour veiller,
en accord avec le conservateur du palais de Fontainebleau, sur le dépôt de livres précieux qu'abrite le
château; en mai-juin 1942, une mission lui est confiée pour lui permettre d'organiser au profit de la
Bibliothèque nationale, isolée en zone occupée, un réseau d'information sur les ventes publiques de
livres présentant un intérêt bibliophilique, qui se multiplient en zone libre. Les événements se
précipitant, il vient s'installer en mai 1944 rue de Richelieu; il devra y veiller à la sauvegarde et, en cas
de sinistre, à l'évacuation de ce qu'il pouvait y avoir encore à la Bibliothèque nationale d'ouvrages de
la réserve. Il n'aura, heureusement, pas à prendre ces mesures extrêmes, mais, après la Libération, il
se verra confier la charge d'évaluer les pertes en livres anciens subies par certaines bibliothèques
provinciales victimes des bombardements. Le 28 février 1949, Henri Vendel, inspecteur général des
Bibliothèques, est emporté par une brève maladie; sa succession sera difficile en raison des qualités
humaines et professionnelles dont il a fait preuve et du grand souvenir qu'il laisse.

Robert Brun, très différent en apparence, mais non moins passionné que lui par son métier et aussi
soucieux du bien public, ayant, en plus de son renom comme érudit, une réputation très établie
d'énergie, de calme, de courtoisie, d'efficacité, paraît à Julien Gain, qui le connaît bien,
particulièrement apte à prendre la relève. Le 19 juillet 1949, il est nommé par décret inspecteur
général; il occupera ce poste jusqu'au 20 juillet 1963, date à laquelle il est admis, sur sa demande, "à
faire valoir ses droits à la retraite", une retraite que la fatigue accumulée durant quatorze années
d'inspection intensément vécues et un état de santé devenu médiocre lui avaient fait anticiper.
L'activité qu'il a déployée dans l'exercice de ces fonctions peut être, en effet, qualifiée sans
exagération de débordante. Le nombre de bibliothèques, même les plus modestes, même les moins
facilement accessibles, qu'il a visitées, souvent à plusieurs reprises, est impressionnant.

Ses rapports permettraient de dresser un tableau presque exhaustif de l'état de la lecture dans son
secteur en cette période où l'effort entrepris par la Direction des Bibliothèques pour arracher celles-
ci à une trop longue léthargie, commençait à porter ses fruits. Ils témoignent de la joie profonde qu'il
éprouvait en découvrant quelque livre rare sur les tablettes, depuis longtemps poussiéreuses, d'un
fonds ancien injustement dédaigné. Ils font aussi paraître la sûreté de son jugement, la ténacité dont
il faisait preuve dès qu'étaient en jeu un projet de construction séduisant, l'amélioration d'un service,
le sauvetage de collections en péril. L'intérêt qu'il portait aux fonctionnaires auxquels il rendait visite
y est manifeste et les bibliothécaires qu'il a inspectés ne s'y sont pas trompés, qui lui en ont gardé une
vive et durable gratitude; son successeur en a, au cours de ses tournées, recueilli bien des
témoignages. Ses fonctions absorbantes, remplies avec une rare conscience, n'empêchèrent pas
Robert Brun de consacrer tout le temps qu'il pouvait dérober à ses tâches administratives, à

265
d'importants travaux historiques et bibliographiques qu'il menait à bien avec une facilité remarquable,
qui n'excluait ni le sérieux de l'information, ni le souci de la clarté. Il n'était pas l'homme d'une
spécialisation exclusive.

Après avoir songé à se consacrer à l'histoire de l'art, il s'était surtout orienté vers l'histoire du livre,
mais sa curiosité d'esprit sans cesse en éveil l'inclinait aussi vers l'histoire médiévale, notamment celle
de la cour pontificale d'Avignon et de ses rapports avec l'Italie, sur lesquels, étant à Rome, il avait
rassemblé une abondante documentation; il s'est même intéressé à l'édition de textes littéraires
célèbres et a fait une courte apparition dans le domaine de ces biographies un peu romancées si
goûtées de nos jours.

A l'exception de sa monographie La ville de Salon au Moyen Age (Aix-en-Provence, 1924) qui reprend
sa thèse, et de son passionnant Avignon au temps des papes (Paris, 1928), les ouvrages de longue
haleine qu'il a écrits sont tous consacrés à l'histoire du livre, en particulier à cette période si brillante
de la Renaissance pour laquelle il manifestait une préférence marquée. A côté du Livre français, plus
général, qui a eu deux éditions (1948 et 1969) et qui reste pour les étudiants en histoire du livre "le
Brun" par excellence, Le livre illustré en France au XVIe siècle (1930), et sa seconde version Le livre
français illustré de la Renaissance (1969), Les plus beaux livres du XVIe siècle (1931), La typographie
en France au XVIe siècle (1938) constituent une véritable somme de l'art du livre dans notre pays à
une époque où il a brillé d'un particulier éclat.

En plus de ces ouvrages, fruits de longues recherches, des manuels qu'il a rédigés seul ou avec la
collaboration de Jacques Guignard, de Jacqueline Chassé et de Jean Toulet, à l'intention des candidats
aux examens et concours concernant le livre et les bibliothèques, de préfaces à des catalogues
d'exposition et de contributions à des "Mélanges", Robert Brun n'a cessé de collaborer par des articles
brefs, mais nourris, et de nombreux comptes rendus à des publications telles que, pour ce qui
intéresse l'histoire du livre, Arts et Métiers graphiques, Le Bibliophile, le Bulletin des bibliophiles (où,
de 1934 à 1939, il fit paraître son précieux Guide de l'amateur de reliures anciennes), Le livre et ses
amis, la Revue des questions historiques, les Trésors des bibliothèques de France; et, pour l'histoire
locale et médiévale, la Bibliothèque de l’École des chartes, les Mélanges d'archéologie et d'histoire de
l'École française de Rome, Humanisme et Renaissance, les Mémoires de l'Institut historique de
Provence1240. Après 1963, Robert Brun, ayant eu une sérieuse alerte de santé, se consacra de plus en
plus à la vie familiale, cultivant avec délices l'art d'être grand-père. Il avait cessé ses investigations
dans le domaine de l'histoire médiévale, mais l'histoire du livre le passionnait toujours et, presque
jusqu'à sa mort survenue le 18 février 1978, il poursuivit, dans ce champ qu'il avait si largement
contribué à défricher, son exemplaire labeur d'humaniste.

Maurice Caillet.

1240
La bibliographie complète des travaux de Robert Brun sera publiée dans la Reçue française d'histoire du
livre.

266
Table des Matières

Préface
Introduction
Indication des sources
Index bibliographique
Avant - Propos

Première partie - La Vie économique


Les Cultures
Les Céréales
La Vigne
Les Oliviers
Les arbres fruitiers
Les cultures maraîchères
Les méthodes de culture. L’arrosage
L’action du Seigneur
Travaux de drainage
Défrichements
Prêt de Semences
L’Exploitation des Domaines
Les droits de mutation
Les banalités
Les autres modes d’exploitation
La Facheria
Le fermage
L’exploitation directe
L’Elevage
Les pâturages
La transhumance
Le Bétail.
Les Contrats
Le droit d’anouge
Le Commerce
Les Importations
Denrées alimentaires
Matières premières pour l’Industrie
Objets fabriqués
Les Exportations
Denrées alimentaires
La laine

267
Les cuirs
L’industrie
Industries textiles
Industries du cuir
Industries diverses
Les Monopoles commerciaux
Les Confréries et l’Apprentissage
L’encouragement du seigneur au Commerce et à l’Industrie
1° Concessions de Privilèges
2° Répression des fraudes
3° Limitation des bénéfices
4° Limitation du nombre des intermédiaires

Deuxième Partie
La fondation de Salon
La politique des archevêques
Salon et l’émancipation communale
Les conflits avec l’archevêque J. Baussan
L'Apogée de Salon
Les Grandes Compagnies
Salon tente de s’affranchir du joug seigneurial
Les Tuchins et les bandes de Raymond de Turenne
Salon au XVe siècle

Troisième Partie - Le régime seigneurial


La puissance temporelle des archevêques
Le représentant de l’archevêque
Le villicus
Le bayle
Le viguier
La Justice
Le Juge
Le Tribunal - Les Audiences
Ressort et Compétence
Rapports avec les juridictions voisines
Les degrés d’appel
Les Pénalités
Droits de Justice
Le Droit de Late
Les Amendes
Les offices subalternes
Le Procureur fiscal
Le Notaire-Greffier

268
Les agents d’exécution
Le Sous-Viguier
Les Sergents
Le Geôlier
Le Héraut
L’Hastaire
Les Estimateurs-Jurés
Les Finances
Le Clavaire
Les Ressources Ordinaires
Le Péage
La Leude
La Bladerie
Le Poids du Blé et de la Farine
Le Droit d’encan
Ressources Extraordinaires

Quatrième Partie - Le Régime Municipal


L’Origine des libertés municipales
Les Procureurs de la Communauté
Le Conseil
Les premiers essais d’organisation municipale
La Transaction de 1368
La Charte du chapitre et la Bulle de 1404
L’Organisation Municipale au XVe Siècle
La Communauté
Les Syndics
Le Conseil Municipal
L’Assemblée des notables
Le Trésorier
Le Notaire
Les Finances Municipales
Ressources ordinaires
Ressources extraordinaires - La Taille
Le Vingtain
La Rève
Les Emprunts
Charges de la Communauté
L’Administration Municipale
Police urbaine
Voirie et Service des eaux
Police rurale
Réglementation de la chasse

269
Les Banniers
Poids et Mesures
Travaux Publics
Œuvres d’Assistance
La Charité
L’Hôpital
La Léproserie
Les Ecoles
La Communauté Juive

Conclusion

Appendices
I - L’affaire de Lamanon
II - Liste des principaux Officiers seigneuriaux
Villicus
Bayles
Viguiers
Juges
Clavaires
III - Liste des Procureurs-Syndics temporaires
IV - Liste des Syndics permanents

Pièces Justificatives
I - Anciens Statuts de Salon
II - Prise de corps de l’autorité de l’Archevêque contre Guillaume de Barjols, de Salon
III - L’Archevêque accorde aux bouchers de Salon l’autorisation de construire une boucherie
IV - Sentence d'excommunication de l'archevêque d’Arles contre Jean de Burlac, sénéchal de
Provence, et d'autres officiers qui entravent la tenue de la foire et du marché de Salon
V - Statuts de la cour temporelle de Salon
Hæc sunt statuta curie Sallonis
I Quis habeatur pro habitatore castri Sallonis.
II Quod filia dotata a parentibus vel fratribus super frairesca postmodum non
audiatur.
III De pignorationibus.
IV De fidejussoribus.
V De latis rubrica.
VI De censibus et tasquis et quartonibus et aliis servicis.
VII Nemo referat sive improperet alicut culpam pro qua a curia fuerit punitus.
VIII Nullus projiciat cum balista vel archu infra Sallonem.
IX Nemo projiciat cum funda vel telo.
X De panateriis et furneriis.
XI Ne judeus, meretrix, leprosus tangat victualia venalia.
XII De mensura bladi et vini.

270
XIII Quantum recipere debeant molendinarii pro moltura.
XIV De banno cuniculorum et quod nemo teneat furonem ex quo pro furto
cuniculorum fuerit condempnatus.
XV Sine licentia nullus furonem teneat nisi tempore venationis.
XVI Ut nullus extraneus cum furone venetur.
XVII Nullus teneat mensuras nisi quas curia assignaverit.
XVIII De arboribus non evulsendis nec excoriandis et maliolis non colligendis in
alienum honorem.
XIX Ne putatores, fossores, vindemiatores vites, sochas et alia ligna, vel racemos
de alienis vineis exportent.
XX De banno animalium intrancium vineas alienas.
XXI Nullus vadat cum animalibus per blada cancerejando.
XXII Nullus intret vel exeat per barrios.
XXIII De furtis garbarum, furatoribus et glenatoribus.
XXIV De falsis ponderibus et mensuris.
XXV Siquis dampnum et injuriam intulerit et aufugerit.
XXVI Qui prodiderit vicinum suum extraneo vel eum seu ejus res capi fecerit.
XXVII Qui furtum vel aliud maleficium curie celaverit.
XXVIII Qui furtum vel factam malam curiae revelabit.
XXIX De hiis qui intrant alienas possessiones et dampnum ibi dederit.
XXX Qui colegerit fructus in alienis arboribus.
XXXI De repugatoribus racemorum et reglennatoribus olivarum.
XXXII De alienacione facta per virum et uxorem de rebus immobilimus eorum.
XXXIII De decima debiti curiae prestanda.
XXXV De gachia facienda.
XXXV De bada facienda.
XXXVI Nullus vadat sine lumine per carrerias post pulsacionem campanae nocturne.
XXXVII De denario dei.
XXXVIII Nullus extraneus teneat tutelam nel curam vel possessiones alicujus de
Sallone.
XXXIX De rebus mobilibus minorum alienandis.
XL De rebus immobilibus minorum alienandis.
XLI Nullus mittat vinum de extra territorium Sallonis, infra Sallonem nec racemos
nisi ad suum usum.
XLII Ut non vendatur vinum infra Sallonem nisi provenerit de vineis territorii
Sallonis.
XLIII Nulla animalia seu avere transeat terminos statutos postquam prohibitum
fuerit per preconem.
XLIV Ne quis emat aliquid ab homine suspecto, extraneo vel privato.
XLV De pensione canonis sive census termino debito non solvantur.
XLVI Quod nullus possit vendere vel dimittere rem emphiteotariam.
XLVII De treszenis et laudimiis persolvendis.
XLVIII Quod instrumenta debitorum post quinquennium non obtineant firmitatem
nisi fuerint innovata.

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XLIX Qualiter res mobiles pignori obligate vendi possunt.
L Quod nullus penes se retineat instrumentum ex quo sibi fuerit satisfactum.
LI Si quis in rixa cultellum traxerit.
LII De ramis arborum pendentibus in possessionibus alienis abscidendis.
LIII De fructibus qui in aliena possessione de vicina arbore ceciderunt.
LIV De possessionibus in extraneum non transferendis vel in dotem dandis.
LV De mascellaris et carnibus vendendis et preparandis
LVI De arboribus, vineis, ortis et viridariis adaquandis.
LVII De adaquando de aqua Todobre.
LVIII De ludentibus ad talos eisaquetos et recolligentibus eos.
LIX Ne quis faciat resclausam in Todobra vel vallatis paludis.
LX De banno animalium.
LXI Si uxor maritum suum dimiserit vel maritus uxorem.
LXII De adulteriis.
LXIII De igne non immitendo in stipulis.
LXIV Quilibet teneatur se munire et exire munitus armis ad clamore bade clamantis
ad arma.
LXV De oblatione libelli.
LXVI Qui degeravit in curia Sallonis vel debitum certo tempore solvere per
juramentum promiserit.
LXVII Nullus sit ausus venire ad curiam cum concomittantibus eum ultra VI.
LXVIII Nullus prohiciat fimum vel aliud sordidum in carreriis vel ambarriis.
LXIX De interdicto matrimonio minorum XXV annos patre vel matre carentibus.
LXX De sponse non habentes ultra LX lb in dotem de perceto rubeo induantur nec
pennas habeant varias.
LXXI De officio banneriorum; ad quid debent astringi juramento.
LXXII De bonis inventis per dominos possessionum.
LXXIII De hiis qui bonis suis cessunt.
LXXIV Quot sonalas debent referre animalia extra pascentia.
LXXV Quod nullus causa revendendi minutatim emat ab extraneo pisces seu fructus
ante meridiem.
LXXVI De notariis creatis per dominum archiepiscopum et ad id teneantur.
LXXVII De garbis & stipulis et animalibus inmittendis ibidem.
LXXVIII De animalibus extraneis non mittendis infra territorium Sallonis causa
pascendi.
LXXIX De animalibus caprinis in territorio (Sallonis) sine staquis [...]
LXXX De filiolis faciendis et comatribus.
LXXXI Ut nullus a sero usque ad mane retineat mercedem mercennarii sui.
LXXXII De hiis que prohibentur mulieribus portare.
LXXXIII De salario nuntiorum.
LXXXIV Ut de bonis condempnatorum primo satisfaciat creditoribus eorum.
LXXXV Statutum quod officiales curie [...]
LXXXVI Statutum quod officiales curie in primo sui regimine jurent.

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LXXXVII Statutum quod legantur statuta in die circoncisionis quolibet anno.
LXXXVIIIStatutum quo cassentur alia statuta antiqua.
VI - Modification des art. XLI et XLII des statuts relatifs à l’interdiction d’importer du vin étranger
VII - Sentences rendues par le juge de Salon dans des assises tenues à Saint-Chamas
VIII - Etablissement d'une bladerie à Salon
IX - Règlement relatif aux poids et aux mesures
X - Nomination d’un bayle à Saint-Chamas
XI - Tarif du péage de Salon (1344)
XII - Tarif de la leude de Salon (1344)
XIII - Profits casuels du viguier
XIII bis - Profits casuels du sous-viguier
XIII ter - Etrennes dues par les Juifs de Salon
XIV - Réglementation des funérailles de François de Barjols
XV - Levée d’une taille et nomination de collecteurs
XVI - Diplôme de Charles IV, roi des Romains
XVII - Protestation de Ia communauté de Salon au sujet de Ia levée d'une taille
XVIII - Bulle du pape Urbain V
XIX - Lecture d’une sentence arbitrale du 30 Avril 1368
XX - L'Archevêque accorde à la communauté de Salon l’autorisation de lever certains impôts
XXI - Lettres de rémission de François de Conzié,
XXII - Bulle du pape Benoit XIII
XXIII - Protestation de l'Archevêque
XXIV - Lettres de provision pour le juge de Salon
XXV - Vingtain levé par Ia communauté de Lançon
XXVI - BaiI à complant
XXVII - Ordonnance de Pierre de Foix
XXVIII - Contrat d'apprentissage
XXIX - Soquet du blé et de la farine
XXX - Criées faites le 1er Janvier 1454
(1) Primo de non transportando juridicionem domini.
(2) De non usurpando jura nec juridicionem domini.
(3) De non proferendo blasphemiam Deum nec aliquem sanctorum suorum.
(4) De non fraudendo pedagium.
(5) De non levando jus pedagii nisi qui fuerit per curiam ordinatus.
(6) De non fraudando jus leude seu bladerie.
(7) De non mensurando bladum aut nisi in bladeria sine licencia bladerii.
(8) De non capiendo blada aut a!ia que ducuntur ad bladeriam pro portando ad
domum suam sine licencia bladerii.
(9) De non portando cutellum longum nec arnesium ultra mensuram.
(10) De non ludendo ad taxillos.
(11) De non eundo de nocte sine lumine.
(12) De faciendo homagium.

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(13) De ponderibus et mensuris.
(14) De non tenendo pondera seu mensuras nisi quas curia assignaverit.
(15) De corrateriis.
(16) pas d’item 16 dans cette édition
(17) De aquis foncium.
(18) De non tenendo quadrigas in carreriis publicis.
(19) De fimis et sordibus.
(20) De non adaquando animalia in Thodobram.
(21) De arboribus non plantandis prope gorgas fontis.
(22) De non ponendo avere lanutum in terris deffenditis.
(23) De non faciendo aut ponendo finium nec aliud sordidum circa fortalicium.
(24) De non pasturgando animalia in deffensibus.
(25) De non lenhayrando nec venando in nemoribus domini.
(26) De non intrando ortos clausos per parietes.
(27) De non inmictendo averia in vineis aut viridariis olivariorum.
(28) Quod mercenarii non dimictant magistrum suum ante tempus.
(29) De non fraudendo seu retinendo decimas domini.
(30) De non capiendo ligna furnilhie.
(31) De faciendo laudari.
(32) De censibus et serviciis.
(33) De non vendendo vinum nisi cum mensuris ordinalis.
(34) De non tenere furonum.
(35) De non venando cum furono.
(36) De non emendo pisces ab homine extraneo ante meridiem.
(37) De non miscendo pisces rescentes cum piscibus scadicibus.
(38) De vendendo pisces scadices et ressentes separatim.
(39) De non vendendo pisces pro personis extraneis.
(40) De non faciendo societatem in vendendo pisces ultra duos.
(41) De non interficiendo animalia infra macellam nisi veniant suis propriis
pedibus.
(42) De non vendendo carnes per judeos occisas vel sagalatas nisi fuerit signum
appositum per sagalatorem.
(43) De non vendendo carnes ovium absque signo crucis.
Pièces ajoutées en 2020
Gallia Christiana novissima Arles, n° 615
Gallia Christiana novissima Arles, n° 551
Terminologie de registres de notaires médiévaux

Biographie de Robert Brun

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