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DOSSIER SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

La signature dans l’œuvre


d’art, une preuve ?
La signature sur l’œuvre d’art est une trace qui
peut permettre d’identifier l’auteur d’une œuvre.
Néanmoins, cette petite touche doit être appré-
hendée et interprétée avec prudence car elle est Sandrine
un indice précieux quand elle est authentique Lefranc-Loisel
Expert en écritures
mais ne garantit pas forcément l’attribution de et documents près la cour
d’appel de Caen
l’œuvre. Agréée par la Cour de
cassation

De la petite griffe fantaisiste à l’appo- l’identité de l’artiste, ou peut-on, sur


sition sobre de simples caractères, la l’examen de celle-ci, accréditer la thèse
signature sur l’œuvre d’art a, depuis et donner ainsi la preuve d’une juste
quelques siècles, alimenté de nombreux authentification ?
débats comme étant un gage d’authenti-
cité. À défaut, celle-ci peut être totale-
ment ignorée par des experts qui se font LA PLACE DE LA SIGNATURE
« maître », ne considérant l’œuvre que DES ŒUVRES D’ART
dans sa globalité artistique. Un regard À L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE
né d’expériences et de connaissances, La signature sur l’œuvre d’art appa- Béatrice Bouvier
certes, mais qui se donne le pouvoir raît comme une marque qui permettrait Docteur en histoire de l’art
de sceller en quelques minutes la pa- d’identifier l’auteur d’une œuvre ou d’un & diplômée en droit et tech-
ternité d’une œuvre ! Peut-on l’écarter document. Elle peut aussi être faite par niques de l’expertise des
œuvres d’art (spécialiste en
(voire l’ignorer) comme un simple in- une autre personne avec l’approbation provenance des œuvres)
dice, sous prétexte que « l’œuvre » à de l’auteur (par un marchand ou un ayant
elle seule permet la reconnaissance de droit par exemple). La signature peut éga-
lement être un acte délictuel (signature
apocryphe ou contrefaite). À l’origine, la dualisation de l’œuvre. C’est pour cette
signature a donc pour but d’authentifier raison que son étude dans la période
ou d’identifier une œuvre ou un docu- contemporaine (XIXe-XXe siècles) pré-
ment, et le paraphe est la marque abrégée sente un intérêt majeur : elle permet à
d’une signature complète. l’artiste de produire des objets indivi-
La signature (ou dédicace) est avec dualisés, susceptibles d’avoir une va-
le titre l’un des « textes » fondamentaux leur marchande et donc de circuler.
qui encadrent l’œuvre et la présentent L’apposition d’une signature par
au spectateur. Elle ancre l’objet dans l’artiste ouvre le champ de la recons-
l’histoire individuelle et collective et titution biographique et plastique du
elle procure donc un repère non arbi- peintre (ou de tout artiste : sculpteur,
traire mais occupant une position singu- graveur, architecte…). La date et la
lière. signature s’associent pour attester ou
Avant la Renaissance, les non l’histoire de la facture ou de « la fa-
« imagiers » du Moyen Âge faisaient brique » d’une œuvre d’art. À l’inverse
figurer une marque de fabrique, sorte du titre, généralement placé en dehors
d’enseigne apposée sur leur œuvre. En- de l’œuvre, la signature par sa présence
suite, durant la Renaissance, les peintres pose le problème de son traitement gra-
italiens ont introduit le concept du car- phique, de son rapport entre l’écrit et
tellino (de l’italien, soit « étiquette, pe- l’espace pictural, entre l’artiste et son
tit morceau de papier ou label… ») qui appropriation de l’œuvre. La signature
correspond à une note dessinée de façon devient alors présomption d’authentici-
réaliste ou à un petit signe comportant té. Sa place sur une œuvre d’art rentre
une légende lisible dans la peinture. ainsi comme un indice pouvant devenir
La signature « autographe » telle que un élément de preuve, tout comme elle
nous la connaissons prend son essor pourrait l’être dans une scène de crime.
au XVIIIe siècle, pour se généraliser Dans un contexte historique, scien-
au XIXe siècle. La signature apparaît tifique et artistique, la vérité ne peut re-
Différentes signatures de Paul Gauguin (1848-1903) – alors comme un signe évident d’indivi- jaillir que de ce consensus.
Clichés privés.

22 REVUE E XPERTS N° 143 - AVRIL 2019


DOSSIER SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Cette petite touche, si personnelle, qui lui seul une quantité de caractéristiques
conclut de son état d’achèvement est à qui lui sont propres, de par le choix des
appréhender et à interpréter avec pru- instruments, de par la manière d’uti-
dence car elle est un indice bien pré- liser la brosse, d’apposer à un endroit
cieux quand elle est authentique mais particulier sa signature. C’est la conju-
Estampille de Toulouse-Lautrec dans « La Goulue »
ne garantit pas forcément l’attribution gaison suprême de faits, d’actions et de (1891) – Cliché privé.
de l’œuvre. De même, une signature liens qui nous donne connaissance de la
considérée comme fausse n’exclut pas « trace » et la signature est la reconnais-
l’authenticité de l’ouvrage. sance de celle-ci. De même l’absence
Il est vrai que si l’on remet la signa- de ce passage peut devenir la preuve
ture dans son contexte, toutes les hy- que ce n’est pas le signataire.
pothèses sont permises : l’œuvre peut Concernant le principe de Kirk, pro-
être le fait d’une école signée du Maître, fesseur en criminalistique américain,
la signature peut être un « vrai » devenu celui-ci écrit en 1963 : « Tout objet Signature de Toulouse-Lautrec dans :
« Gabrielle la danseuse » (1890) – Cliché privé.
faux quand elle a été retouchée par un de notre univers est unique. Deux ob-
tiers, l’artiste peut aussi avoir délégué jets d’origine commune peuvent être
au marchand le fait de signer à sa place, comparés et une individualisation pro- Que d’infinis détails en réalité avec un
bref tout est ouvert et le support, quant noncée si ces objets sont d’une qualité moment, l’instant où l’artiste est là et
à lui, peut être parfaitement authentique suffisante permettant l’observation de brosse la scène. On ne peut s’éloigner
et inversement. l’individualité. » De par ce principe, à aucun moment de l’homme, du génie,
Si toutes les réponses sont données, on ne peut se départir des habitudes du de cette main qui exécute, reliée à un
il est évident qu’une signature authen- peintre, sur le choix des instruments uti- cerveau, à tout un organisme de vie.
tique sur une œuvre authentique est un lisés et leur spécificité qui vont même La signature est en lien direct avec son
gage absolu et que cette signature fait jusqu’à renseigner de leur degré d’usure état psychique et physiologique. Elle
partie intégrante de l’œuvre d’art – elle et de leur façonnage. Chaque élément ne peut ainsi être dissociée de la main
est donc à considérer sans exclusion. constitutif de la toile est donc individua- qui vient l’exécuter, de cette main que
lisé. La comparaison avec des supports l’on attache au pinceau pour Renoir,
de même époque permettra d’examiner de cette main qui avance alors que les
LA SIGNATURE DANS L’ŒUVRE si la signature sur l’œuvre présente ain- yeux peinent à voir pour Monet, de cette
COMME ÉLÉMENT D’INVES- si des différences cohérentes et prou- main tremblante sous l’effet de l’ab-
TIGATION D’UNE  «  SCÈNE DE ver ainsi que nous sommes bien dans sinthe pour Gauguin, et de tant d’autres.
CRIME » « l’ADN » de l’artiste. Comment peut-on s’écarter d’un indice
Pourquoi la scène de crime ? La signa- Il y a là toute la singularité de l’indi- si précieux ? Comment peut-on attribuer
ture intervient à un moment « T ». De ce vidu, sa création, unique à une période formellement sans observer la « trace »,
fait, l’expert balise l’œuvre, la fige dans donnée. La réalité historique est liée à car même si elle n’est pas de la main de
le temps pour en conserver ses indices. la réalité scientifique, la nature des pig- l’artiste, elle est d’un intérêt primordial
Toutes les interventions postérieures ments utilisés, l’origine du châssis, de la pour la compréhension de l’œuvre, de
et extérieures seront de nature à inter- toile, chaque élément constitutif de cet son origine et de son histoire.
prétations explicables dans la chaîne instant doit être en accord avec la date La signature a certes une valeur
historique de l’œuvre. Mais tout l’inté- présumée. S’il y a un anachronisme, commerciale, comme on peut le consta-
rêt et/ou toute la cohésion s’attachent au cela ne peut être explicable que par une ter lorsqu’une lithographie est signée
moment où l’artiste exécute son œuvre. restauration. par l’artiste, mais au-delà de cet aspect
De ses choix de couleurs, de liants, Dans son rappel des faits, la signa- mercantile ne faut-il pas la « considé-
d’huile, du bois, de la toile, etc., tous ture fait son état des lieux. L’enquête rer » comme une empreinte réelle et
les éléments ont des caractéristiques et commence : savoir si l’artiste pouvait intemporelle liée autant à l’œuvre qu’à
une origine. À quoi s’ajoutent parfois se trouver sur les sites ainsi illustrés, son créateur ?
des éléments impromptus comme une si les éléments peints sont en accord Enfin, l’expert tout comme le tech-
empreinte digitale. Dans cette approche avec l’époque. Cette cohésion est un nicien de scène de crime, va apporter sa
criminalistique, on ne peut déroger aux maillage d’infinis détails qui vont de la plus-value, en recherchant ce petit grain
deux grands principes qui font loi de verrerie utilisée au Moulin de la Galette de sable (ici, la signature) qui pourra par-
la valeur fondamentale de l’indice. Le au loden que portait ce monsieur en per- ticiper à établir la vérité en démontrant
principe de Locard et celui de Kirk. sonnage central… La signature est un l’origine d’une œuvre d’art. La signa-
Edmond Locard, docteur et ancien indice précieux de datation. Elle s’ins- ture s’inscrit alors comme un élément de
directeur du laboratoire de police scien- crit dans le temps au niveau graphique, preuve dans « une » réalité, un consen-
tifique de Lyon énonce en 1920 que : car on le sait, la signature évolue au sus historique, scientifique et artistique.
« Nul ne peut agir avec l’intensité que cours d’une vie et la façon de signer
suppose l’action criminelle sans laisser correspond à une époque donnée. Sur sa NOTES
des marques multiples de son passage. » nature, sa composition picturale qui se
Il y a là toute la manifestation de fragmente, s’assèche, se compose et se 1. L’enquête criminelle et les méthodes scienti-
l’activité même de l’artiste. Sa signa- décompose au même titre que tous les 2.
fiques, Flammarion, Paris, 1920
Crime et investigation, 2nde édition, Wiley &
ture est un passage sur la toile laissant à éléments constitutifs de l’œuvre. Sons, New York,1974

Mots-clés : Art / Auguste Renoir / Authentification / Béatrice Bouvier / Claude Monet / Œuvre d’art / Paul Gauguin / Principe de
Kirk / Principe de Locard / Sandrine Lefranc-Loisel / Signature / Toulouse-Lautrec - RÉF. : ST, A, 01, 19. www.revue-experts.com
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