Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
lang=fr
Résumé
L’idée que c’est l’interaction, plutôt que le monologue, qui est au coeur du
fonctionnement des langues naturelles tend à se développer depuis ces
dix dernières années. Pourtant, on est loin d’avoir tiré toutes les
conséquences de l’introduction de l’interaction en grammaire. La thèse
que nous soutenons ici est que la grammaire doit être construite en
rapport avec les schèmes interactionnels, et non sur des bases
référentielles. La forme be + v-ing en anglais est un bon exemple d’une
marque de relation comparative ou oppositive entre l’émetteur et le
récepteur de la proposition. Cette analyse se situe dans le cadre général
de notre étude des conditions formelles de l’interlocution (Théorie de la
Relation Interlocutive).
Texte intégral
2. RÉEXAMEN DE LA FORME
PROGRESSIVE
12 Bien que figurant parmi les questions les plus traitées en
grammaire anglaise, la forme progressive présente des cas
d’emploi qui laissent perplexe si l’on s’en tient aux
explications existantes. Ce sont pourtant des emplois
remarquables. Par exemple, selon la thèse couramment
acceptée, l’emploi performatif d’un verbe requiert la forme de
présent simple. Si on jure quelque chose à quelqu’un, on dira
“I swear...”. Dire “I am swearing…”, c’est se déclarer en train
de jurer. Si on s’excuse, on dira “I apologize...”. On perdrait
donc avec la forme progressive la valeur performative. « La
périphrase », explique par exemple P. Cotte, « repoussant les
actes désignés dans son préconstruit, en ferait des réalités
acquises, indépendantes de l’énonciation, et celle-ci ne
pourrait plus les fonder. Il est possible de construire “I am
apologizing”, mais un tel énoncé ne peut pas accomplir
normalement l’action de s’excuser. Il peut identifier, à
l’attention de l’allocutaire, ce que je fais en écrivant telle
lettre, mais il fait de cette action un donné objectif, entamé et
indépendant, qu’il ne porte pas à l’existence » (1997 :
99-100). Or regardons l’exemple suivant, extrait d’une série
télévisée (Inspector Barnaby, Beyond the Grave) :
(1) [L’Inspecteur Troy est amené à interroger Eleanor
Bunsall dans le cadre de son enquête sur un meutre. Lors de
l’entretien, celle-ci lui révèle qu’elle a toujours sur elle une
bombe de gaz lacrymogène, qu’elle s’est procurée en France.
3. THÉORIE DE LA RELATION
INTERLOCUTIVE (T.R.I.)
CONCLUSION
40 En définissant l’interlocuteur comme un co-énonciateur, les
théories de l’énonciation défendent une thèse subjectiviste
excessive. Nous avons voulu montrer qu’il était possible de
poser les jalons d’une reconnaissance féconde du rapport
entre langue et discours qui évite le partage dommageable du
champ en acceptant le principe de rôles dialogiques et
Bibliographie
SOURCES DU CORPUS
Inspector Barnaby, TV series, Bentley Productions, 1997.
BIBLIOGRAPHIE
ARMENGAUD F., La Pragmatique, Que sais-je ?, Paris,
Presses universitaires de France, 1993 (3ème éd. corrigée)
1993.
/pdf/cvcbottineau.pdf
Notes
1. Citons par exemple le problème de l’allocation des tours de parole
(turn-taking), étudié entre autres par Ochs et al. (1996).
2. P. Charaudeau (1989 : 8) : « Phénomène de mode comme il en est tant
d’autres dans le monde des sciences humaines ? Peut-être. Mais
n’écartons pas une autre hypothèse qui reposerait sur le sentiment que,
au delà des descriptions locales, c’est du fondement même du langage
dont il est question. »
3. Pour R. Vion, par exemple, on ne saurait présupposer un lien entre la
valeur des formes en langue et leur fonction dans la communication :
« Certes, les linguistes le savent fort bien, il n’est pas d’autre voie, pour
atteindre les processus, que de passer par la prise en compte du matériau
et, notamment, des formes et marques linguistiques. Cependant, une
chose est de prendre appui sur ces formes pour l’activité qu’elles
manifestent, autre chose est de les considérer en elles-mêmes,
indépendamment des fonctions qu’elles sont amenées à remplir dans
l’interaction ». (1992 : 238).
4. A. Moeschler et J. Reboul, à la fin de leur Dictionnaire Encyclopédique
de Pragmatique (1994 : 499), exposent les « raisons scientifiques pour
lesquelles le divorce entre linguistique et pragmatique est légitime », la
pragmatique ayant pour rôle de rendre compte des points sur lesquels
« la linguistique reste muette ». Cette conception résiduelle de la
pragmatique défendue par A. Moeschler et J. Reboul est liée à
l’acceptation de la distinction classique entre « phrase » et « énoncé ». Or
la possibilité d’une appréhension de la phrase hors contexte reste à
démontrer (voir à ce sujet Douay 2000 : 30-33 et 70-77).
Auteurs
Catherine Douay
U.P.J.V. Amiens
Daniel Roulland
Université Rennes 2
© Presses universitaires François-Rabelais, 2008