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Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (ISAE)

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Thomas LEONARD
le mercredi 24 septembre 2014
5JUSF


Étude des approches de modélisation de la turbulence pour la simulation


numérique d'un compresseur centrifuge à fort taux de pression

²DPMF EPDUPSBMF et discipline ou spécialité  


ED MEGeP : Dynamique des fluides

6OJUÏEFSFDIFSDIF
Équipe d'accueil ISAE-ONERA EDyF

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EFʾÒTF
M. Bertrand AUPOIX (directeur de thèse)
M. Guillaume DUFOUR (co-directeur de thèse)
Jury :
M. Éric LAMBALLAIS - Président du jury/Rapporteur
Mme Isabelle TRÉBINJAC - Rapporteur
M. Nicolas CHAVET
Mme Paola CINNELLA
M. Nicolas GOURDAIN
M. Frédéric SICOT
M. Bertrand AUPOIX - Directeur de thèse
M. Guillaume DUFOUR - Co-directeur de thèse
Résumé
La conception des moteurs aéronautiques de nouvelle génération s’oriente vers des machines com-
pactes avec des objectifs de rendement toujours plus élevés. Dans un tel contexte, pour de faibles débits,
les compresseurs centrifuges présentent une solution attractive du fait du fort taux de compression qu’ils
permettent de fournir pour un encombrement minimum. Cependant, l’obtention de telle performances
se traduit par le fait que le compresseur est soumis à une variété de phénomènes physiques d’une
grande complexité et fortement tridimensionnels. Dans l’objectif de concevoir des compresseurs avec
des rendements plus élevés, il faut donc élargir notre compréhension des différents phénomènes phy-
siques, notamment sur leurs origines et leurs interactions. La simulation numérique est ainsi un moyen
alternatif aux expériences pour acquérir une telle connaissance, évitant ainsi le recours à de multiples
et coûteux montages lors du processus de conception.
L’augmentation permanente de la puissance de calcul disponible pour la simulation numérique rend
désormais envisageable l’utilisation de méthodes de modélisation de la turbulence plus coûteuses que
les méthodes RANS couramment utilisées dans l’industrie. En effet, la Simulation aux Grandes Échelles,
ou Large Eddy Simulation (LES) en anglais, et les méthodes hybrides RANS/LES ont pour objectif de
diminuer la part de modélisation de la turbulence dans la simulation et ainsi résoudre directement
les grosses structures turbulentes. Cette résolution des échelles les plus importantes de la turbulence
permet alors de tirer des informations sur son développement dans un compresseur centrifuge et sur
son impact sur les différentes structures d’écoulement influant sur les performances de la machine.
Cependant, une telle augmentation de la part résolue implique un plus grand coût de calcul.
La configuration étudiée dans ces travaux est un compresseur dont le banc d’essai est installé au
Laboratoire de Mécanique des Fluides et Acoustique de l’École Centrale de Lyon. C’est un compresseur
centrifuge transsonique à fort taux de compression conçu par SAFRAN Turbomeca et représentatif des
compresseurs industriels utilisés dans les moteurs actuels. Ce compresseur est d’un intérêt particulier
puisqu’il a fait l’objet de multiples campagnes expérimentales et études numériques au cours des vingt
dernières années qui ont permis d’avancer dans la compréhension de la topologie d’écoulement mise en
jeu dans cette machine. Dans un tel contexte, l’objectif de cette étude est d’évaluer la capacité des diffé-
rentes approches de simulation numérique à reproduire fidèlement l’écoulement dans ce compresseur
centrifuge et d’estimer le coût relatif à chacune des méthodes.
Pour cela, est d’abord étudié l’impact du modèle de turbulence RANS en comparant des modèles
de complexité croissante : le modèle à une équation de Spalart–Allmaras, le modèle à deux équations
de Smith et enfin le modèle aux tensions de Reynolds EARSM. De plus, cet effet est mis en parallèle
avec une analyse de la convergence en maillage de l’approche RANS sur cette configuration. Pour cela,
différentes simulations sont effectuées sur deux maillages de huit et vingt cinq millions de points pré-
sentant une discrétisation spatiale plus importante que les maillages couramment employés pour des
simulations RANS. Cette étude permet de mettre un évidence, d’une part une différence notable entre
les écoulements résolus en fonction du modèle de turbulence employé et d’autre part une forte sensi-
bilité au maillage. Ceci implique alors que, malgré l’importante résolution spatiale, la convergence en
maillage de ces simulations RANS n’est toujours pas atteinte.
Dans un second temps, des simulations sur deux maillages (de plus de 26 et 165 millions de points)
avec une approche LES sont analysées et comparées aux résultats de simulation RANS et aux données
expérimentales. Une attention particulière est portée à l’estimation de la qualité des résultats en fonction
du maillage. En effet, bien que les maillages ne respectent pas complètement les critères académiques
de discrétisation spatiale aux parois conseillés pour la simulation aux grandes échelles, les différents
critères de qualité proposés dans la littérature semblent montrer une relativement bonne qualité des
résultats de calculs sur le maillage le plus dense. Les différences obtenues entre le RANS et la LES sur
les structures d’écoulement résolues sont analysées en détails. Notamment l’effet de la turbulence sur
le développement des couches limites, des écoulements de jeux et des écoulements secondaires dans
la veine est mis en évidence. D’autre part, la simulation sur le maillage moins dense permet d’évaluer
l’applicabilité à court terme de l’approche LES dans un contexte industriel où des coûts de calculs
plus raisonnables seraient préférables. Cette simulation montre quant à elle que le fait de diminuer la
discrétisation spatiale peut dégrader drastiquement la qualité des résultats obtenus à un tel point que
les performances globales moyennes de la machine ne sont pas retrouvées.
Finalement, deux approches hybrides RANS/LES de types Detached Eddy Simulation (DES) sont
employées pour simuler le compresseur. Ces méthodes présentent un intérêt industriel particulier puis-

3
qu’elles ont été développées dans le but de diminuer les coûts de calculs en adoptant une approche
RANS proche des parois pour diminuer les besoins en densité de maillage et une approche LES dans
la veine pour garder les bénéfices en termes de résolution de la turbulence. Cependant, il est mis en
évidence dans les simulations numériques effectuées que les modèles hybrides utilisés ne semblent pas
adaptés pour cette configuration. En effet, les fonctions de protections des couches limites employées
pour déterminer la position des zones RANS dans le calcul sont mises en défaut par l’écoulement ren-
contré : celles-ci s’activent jusqu’au cœur de la veine conduisant à l’utilisation du mode RANS dans des
zones indésirables, empêchant ainsi le développement de la turbulence dans les régions simulées avec
une approche de type LES.
Cette étude a donc permis de mettre en évidence l’impact de l’approche de modélisation de la
turbulence entre RANS, LES et méthodes hybrides, tout en évaluant leur sensibilité respective à la
discrétisation spatiale dans le cadre de la simulation numérique d’un compresseur centrifuge à fort taux
de compression. Il en résulte une évaluation des différentes méthodes dans ce type de configuration et
de leur applicabilité future dans un contexte de conception industrielle.

4
Table des matières

Introduction 9

I Aérodynamique des compresseurs centrifuges et présentation du cas d’étude 11


1 Présentation générale d’une turbomachine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2 Fonctionnement d’un compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.1 Géométrie d’un centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2 Caractéristiques globales de fonctionnement d’un compresseur centrifuge . . . . 15
2.2.1 Grandeurs caractéristiques du rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.2.2 Grandeurs caractéristiques de l’étage et du diffuseur . . . . . . . . . . . 16
2.2.3 Domaine d’opérabilité du compresseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.3 Topologie d’écoulement dans un compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . . 18
2.3.1 Écoulement principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.3.2 Écoulements secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3.3 Écoulements de jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3.4 Pertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.3.5 Instationnarités dans un compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . 23
3 Configuration étudiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.1 Présentation du banc d’essais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.2 Études expérimentales et numériques déjà réalisées . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
4 Bilan et orientation de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

II État de l’art sur la modélisation de la turbulence 28


1 Phénoménologie de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2 Approches de modélisation de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.1 Équations de Navier–Stokes pour un écoulement compressible . . . . . . . . . . . 29
2.2 Approche (U)RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.2.1 Moyenne statistique des équations de Navier–Stokes . . . . . . . . . . . 30
2.2.2 RANS stationnaire, RANS instationnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.2.3 Tenseur de Reynolds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.2.4 Hypothèse de Boussinesq et modèles de fermeture au premier ordre . . 32
2.2.5 Modèles aux tensions de Reynolds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.3 Simulation aux Grandes Échelles (LES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.3.1 Opérateur de filtrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.3.2 Modèle de sous-maille de Smagorinsky . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.3.3 Problématique du filtrage et du rôle du maillage . . . . . . . . . . . . . 35
2.4 Méthodes hybrides RANS - LES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.4.1 L’approche loi de paroi (WMLES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.4.2 La DES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.4.3 La ZDES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.4.4 La DDES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3 Bilan sur les méthodes de modélisation de la turbulence en turbomachine . . . . . . . . 41

5
III Mise en place des simulations numériques 43
1 Géométries retenues pour l’étude numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
1.1 Configuration étage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
1.2 Roue inductrice du compresseur isolée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2 Réalisation des maillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1 Best-practices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1.1 RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1.2 LES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.1.3 Approches hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.2 Maillages utilisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3 Code de calcul elsA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.1 Présentation du code elsA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.2 Conditions limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.3 Interface rotor/stator (RANS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.4 Schéma numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4 Pré-traitement et post-traitement des calculs : la librairie Antares . . . . . . . . . . . . . 50
5 Analyse des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.1 Mesures expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.2 Calcul des grandeurs caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
5.3 Surfaces d’analyse de l’écoulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

IV Simulation RANS 55
1 Analyse globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
1.1 Convergence en maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
1.1.1 Modèle de Smith . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
1.1.2 Modèle de Spalart–Allmaras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
1.1.3 Synthèse sur l’effet du raffinement de maillage . . . . . . . . . . . . . . 58
1.2 Effet du modèle et validation expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
1.2.1 Comparaison des modèles de Spalart–Allmaras et de Smith . . . . . . . 60
1.2.2 Comparaison des modèles de Smith et EARSM . . . . . . . . . . . . . . 61
2 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.1 Point nominal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.1.1 Rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.1.2 Diffuseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
2.2 Point de blocage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.2.1 Rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.2.2 Diffuseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3 Simulation du rouet isolé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.1 Analyse globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.2 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
3.3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
4 Bilan des simulations RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

V Simulation LES 82
1 Évaluation de la qualité du maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
2 Analyse du champ moyen et comparaison avec les calculs RANS . . . . . . . . . . . . . . 86
2.1 Évaluation de la convergence statistique des moyennes . . . . . . . . . . . . . . . 86
2.2 Grandeurs globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.3 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
3 Analyse de l’écoulement instantané . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
4 Caractérisation de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
5 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

6
VI Application dans un contexte industriel 102
1 Simulation LES sur un maillage grossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
1.1 Évaluation de la qualité du maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
1.2 Grandeurs globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
1.3 Analyse du champ moyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
1.4 Analyse du champ instantané . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
1.5 Analyse de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
1.6 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
2 Simulations hybrides RANS/LES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
2.1 Qualité du maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
2.2 Grandeurs globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
2.3 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
2.4 Modification de la dimension caractéristique LDDES . . . . . . . . . . . . . . . . 117
3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

Conclusion 120

Annexes 122

A Définition des repères de projection géométrique 123


1 Les surfaces aube-à-aube et projection (σ, θ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
2 Coupes transverses et projection conique (xc , yc ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

B Modélisation de la turbulence 125


1 Équation de transport du tenseur de Reynolds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
2 Modèle de Spalart–Allmaras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
3 Modèle k − l de Smith . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
4 Modèle EARSM (Explicit Algebraic Reynolds Stress Model) . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
5 Modèle DES basé sur le modèle de Spalart–Allmaras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

C Détails sur le calcul des performances du compresseur centrifuge 129


1 Hypothèses nécessaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
2 Standardisation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
3 Calcul des grandeurs thermodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
3.1 Section 1 : amont du rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
3.2 Section 2 : mi-diffuseur lisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
3.3 Section 3 : aval du diffuseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
4 Performances des composants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
5 Quantification des erreurs induites par les hypothèses faites . . . . . . . . . . . . . . . . 132

D Détection du transitoire et estimation des erreurs sur les statistiques 134


1 Estimation de l’erreur sur les statistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
1.1 Estimation par fenêtrage du signal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
1.2 Estimation grâce à des formulations analytiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
1.3 Validation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
2 Détection du régime transitoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
2.1 Détection à la volée
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

7
Confidentialité industrielle
Pour des raisons de confidentialité, tous les résultats présentés dans ce mémoire sont donnés sous
forme non-dimensionnelle. De même, l’ensemble des figures proposées dans ce manuscrit a été réalisé
en déformant la géométrie réelle.

8
Introduction

En l’espace d’un siècle, le PIB mondial a été multiplié par 20. Ce formidable essor a pu être réalisé
grâce au recours intensif aux énergies fossiles, bon marché et disponibles en abondance. Aujourd’hui,
des contraintes nouvelles apparaissent : raréfaction des énergies fossiles à bas coût et contraintes envi-
ronnementales. Le domaine des transports, en tant que grand consommateur de ces ressources fossiles
et contributeur majeur aux émissions de CO2 n’échappe pas à la règle. Des efforts importants sont
donc déployés par les industriels pour réduire la consommation de carburants des différents modes de
transports (avion, hélicoptère, automobile).
À ce titre, les turbomachines occupent un rôle de première importance, car ces machines sont pré-
sentes dans la plupart des systèmes de conversion énergétique : moteur automobile turbo-compressé,
turbines à gaz aéronautiques, turbines à vapeur dans les centrales thermiques et nucléaires, etc. En
particulier, le compresseur centrifuge a rencontré un grand succès grâce aux performances qu’il permet
d’atteindre, avec des rendements supérieur à 90% et des taux de pression très élevés. Ce type de turbo-
machine est notamment retrouvé dans les moteurs d’hélicoptère ou les packs de conditionnement d’air
des avions (figure 1).

(a) (b)

F IGURE 1 – Exemples de systèmes industriels bénéficiant des compresseurs centrifuges : (a) hélicoptère
Airbus EC135 propulsé par le moteur Turbomeca Arrius et (b) pack de conditionnement d’air développé
par Liebherr Aerospace.

Dans ce contexte, la possibilité d’optimiser les performances de ce type de composant est cruciale.
Il est bien établi aujourd’hui que la capacité à simuler les écoulements permet de réaliser des progrès
technologiques importants. Toutefois, l’écoulement est fortement instationnaire et il demeure encore
difficile avec les méthodes actuelles de prévoir les effets (même moyens) de la turbulence sur les per-
formances de ces machines. En outre, des phénomènes instables (pompage, décollement tournant), qui
doivent être évités à tout prix, restent difficiles à prévoir. Des progrès ont été réalisés ces dernières
années dans le domaine de la simulation numérique des écoulements turbulents, notamment grâce à
l’émergence des supercalculateurs. Alors que l’étude de la turbulence dans les géométries complexes
(telles que rencontrées dans les configurations industrielles) reposait jusqu’à récemment uniquement
sur des modèles, il devient possible de réaliser des simulations de la turbulence, au prix d’un effort
important sur le coût des calculs.
L’objectif de ce travail de thèse est donc de mener une étude des différentes méthodes disponibles à

9
ce jour pour prendre en compte les effets de la turbulence sur l’écoulement. L’objet de l’étude consiste
en un compresseur centrifuge à fort taux de pression, représentatif des applications industrielles. Ce
type de machine présente une géométrie complexe avec une vitesse de rotation élevée qui représentent
un grand défi par rapport aux configurations académiques.
Ce document s’articule autour de 6 chapitres, répartis en trois grands thèmes : l’état de l’art (cha-
pitre 1), la description des méthodes (chapitres 2 et 3) et résultats (chapitres 4, 5 et 6). Le chapitre 1
s’attache à présenter le fonctionnement des turbomachines en général et celui d’un compresseur cen-
trifuge en particulier. La configuration étudiée y est aussi présentée, ainsi qu’un bilan des études déjà
menées sur cette machine. Dans le chapitre 2, les approches permettant de modéliser ou de simuler la
turbulence sont décrites. En particulier, on retrouve la description de trois grandes classes de méthodes :
la modélisation de toutes les structures turbulentes (RANS), la simulation des grandes échelles (LES) et
les méthodes hybrides (RANS/LES). Le chapitre 3 est consacré à la mise en place des simulations numé-
riques, en particulier on y trouvera une description du code de calcul Navier-Stokes utilisé, les différents
maillages utilisés, ainsi qu’une présentation des outils de post-traitement. Le chapitre 4 présente les cal-
culs menés sur une base de modélisation de la turbulence. Ce chapitre détaille les résultats obtenus avec
les méthodes actuellement utilisées dans l’industrie. Un soin particulier a été apporté à la validation des
calculs par évaluation de la convergence en maillage et comparaison aux essais. Ensuite, les résultats
obtenus grâce à une simulation des grandes échelles de la turbulence sont rapportés dans le chapitre
5. En particulier, l’intérêt est de qualifier et de quantifier l’apport de ce type de méthode par rapport
à une modélisation totale de la turbulence. Enfin, le chapitre 6 est consacré à l’étude de méthodes
dont le coût de calcul est intermédiaire entre une modélisation et une simulation des grandes échelles
de la turbulence. L’intérêt est de regarder deux approches dont le coût de calcul est plus proches des
contraintes d’un bureau d’étude industriel : la simulation aux grandes échelles sur un maillage dégradé
et les méthodes hybrides RANS/LES.

10
Chapitre I

Aérodynamique des compresseurs


centrifuges et présentation du cas
d’étude

Contents
1 Présentation générale d’une turbomachine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2 Fonctionnement d’un compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.1 Géométrie d’un centrifuge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2 Caractéristiques globales de fonctionnement d’un compresseur centrifuge . . . . 15
2.2.1 Grandeurs caractéristiques du rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.2.2 Grandeurs caractéristiques de l’étage et du diffuseur . . . . . . . . . . . 16
2.2.3 Domaine d’opérabilité du compresseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.3 Topologie d’écoulement dans un compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . . 18
2.3.1 Écoulement principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.3.2 Écoulements secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3.3 Écoulements de jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3.4 Pertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.3.5 Instationnarités dans un compresseur centrifuge . . . . . . . . . . . . . 23
3 Configuration étudiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.1 Présentation du banc d’essais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.2 Études expérimentales et numériques déjà réalisées . . . . . . . . . . . . . . . . 25
4 Bilan et orientation de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

1 Présentation générale d’une turbomachine


Une turbomachine est une machine permettant le transfert d’énergie entre un fluide et un mé-
canisme en rotation. On peut distinguer deux types de turbomachines : les machines réceptrices et
génératrices.
En effet, une turbomachine réceptrice est une turbomachine permettant de récupérer l’énergie du
fluide via le dispositif tournant. Au contraire, lorsque le transfert d’énergie se fait du système en rotation
vers le fluide, on parle alors de machine génératrice.
Les turbomachines sont utilisées dans un grand nombre de domaines d’application tels que la pro-
duction électrique (les éoliennes, les turbines hydrauliques de barrages, les turbines à vapeur de cen-
trales nucléaires), l’extraction, le stockage et le transport de ressources (les pompes, les compresseurs
de gazoducs et oléoducs), la motorisation aéronautique et automobile.
Dans le cadre de la propulsion aéronautique, les moteurs utilisés sont composés de plusieurs turbo-
machines (compresseurs, turbines) et d’une chambre de combustion.

11
Il existe trois principaux types de moteurs qui se distinguent essentiellement par leur fonction prin-
cipale :
– Les turbopropulseurs, qui équipent par exemple les avions de tourisme, ont pour fonction de
produire un couple qui permet d’entraîner une hélice.
– Les turbomoteurs génèrent un couple sur l’arbre moteur qui sert cette fois ci à mettre en rotation
les pales d’un hélicoptère.
– Les turboréacteurs fournissent quant à eux une poussée axiale résultant de l’accélération de l’air
entre l’entrée et la sortie.
Bien que les turboréacteurs aient un objectif assez différent des deux autres types de moteur puisque
leur fonction n’est pas de produire un couple sur l’arbre, les principes de fonctionnement de ces diffé-
rents types de moteur restent comparables.

1 2

3 4

chambre de turbine
BP turbine
combustion HP
compresseur

F IGURE I.1 – Représentation schématique du moteur Turbomeca Arrius. Les flèches noires donnent la
direction de circulation de l’air.

Le principe de fonctionnement d’un turbomoteur tel que le moteur Turbomeca Arrius est schématisé
sur la figure I.1 :
– Le compresseur permet la compression de l’air par transfert d’énergie cinétique de l’arbre vers le
fluide. Le compresseur peut être composé de plusieurs étages de compression, chaque étage étant
généralement composé par la succession d’une roue de pale en rotation (rotor) et d’une roue
fixe (stator). Le rotor transmet l’énergie de l’arbre au fluide principalement sous forme d’énergie
cinétique alors que le stator permet la transformation de cette énergie cinétique en pression.
– La chambre de combustion recueille l’air ainsi comprimé. Du carburant est alors injecté et de
l’énergie calorifique est transmise au fluide grâce à la réaction de combustion entre le carburant
et l’air.
– Les turbines vont ensuite permettre de récupérer l’énergie du fluide et de la transformer sous
forme mécanique via une détente au travers de plusieurs étages. Les turbines dites haute pres-
sion permettent d’entraîner l’arbre alimentant ainsi les compresseurs (arbre représenté en bleu
sur la figure I.1). Les turbines basse pression vont quant à elles fournir un couple sur un arbre
dissocié (représenté en orange sur la figure I.1) qui va permettre la mise en rotation des pales de
l’hélicoptère.
Le cycle thermodynamique d’un turbomoteur est représenté sur la figure I.2 :
– La compression (1 à 2) est réalisée par l’apport d’une énergie au fluide équivalente à l’écart de
température totale ∆Tt .

12
re
ba
iso
temperature totale Tt
3

Tt

2 4
Tt moteur

Tt 5

1
entropie S

F IGURE I.2 – Cycle thermodynamique d’un turbomoteur (en bleu). La numérotation des différents
états corresponds aux stations indiquées sur la figure I.1. Les lignes pointillées rouges représentent
les courbes à pression constante.

– La combustion (2 à 3) permet d’augmenter l’énergie du fluide par l’élévation de température à


pression constante
– La turbine haute pression (3 à 4) récupère une partie de cette énergie du fluide équivalente à ∆Tt
afin d’entraîner les compresseurs.
– La turbine basse pression (4 à 5) permet finalement de convertir l’énergie du fluide restante
∆Ttmoteur en énergie mécanique pour entraîner les pales de l’hélicoptère.
En pratique, la différence d’objectifs entre un turboréacteur et un turbomoteur se traduit par des
contraintes de conception différentes. En effet, les turboréacteurs fonctionnent à des débits d’air impor-
tants alors que les turbomoteurs utilisés pour la propulsion des hélicoptères requièrent des débits moins
importants mais doivent être plus compacts. C’est pourquoi des compresseurs axiaux sont généralement
utilisés pour les turboréacteurs puisqu’ils permettent d’obtenir des débits plus importants. Cependant,
ils fournissent des taux de compression par étage limités (de l’ordre de 1,2 à 2) : plusieurs étages sont
alors nécessaires pour atteindre les taux de compression escomptés. Au contraire, les compresseurs cen-
trifuges sont préférés pour les turbomoteurs étant donnés les forts taux de compression qu’ils peuvent
atteindre (jusqu’à 10). Ceci permet alors de se limiter à un ou deux étages uniquement atteignant ainsi
les taux voulus pour un encombrement axial minimum.

2 Fonctionnement d’un compresseur centrifuge


2.1 Géométrie d’un centrifuge
Un étage de compresseur est composé d’une roue mobile : le rotor ou rouet, et d’une roue fixe : le
stator ou diffuseur. La figure I.3 présente les photographies de trois roues de rotors axiaux successives
(les roues de stators qui devraient être intercalées ont été enlevées pour des soucis de visibilité) et d’une
roue de rotor centrifuge. Comme il est visible sur ces images, les aubes de rotors sont fixées en leur pied
au moyeu (les aubes et le moyeu sont généralement taillés dans la masse). Le carter, qui a été retiré
sur les photos, étant fixe, un espace appelé jeu est laissé entre la tête des aubes de rotor et celui-ci.
Les aubes de stator sont quant à elles attachées en pied et en tête et n’ont pas de jeu (dans certaines
machines les aubes de stator sont uniquement attachées au carter et un espace de jeu est laissé en pied).
La figure I.4 représente un étage de compresseur axial et un étage de compresseur centrifuge sché-
matisés. La différence majeure entre les deux configurations est que dans un compresseur axial l’air
entre et sort quasiment parallèle à l’axe de la machine alors que dans un compresseur centrifuge, l’air
entre dans la direction axiale mais ressort radialement. Cette géométrie des compresseurs centrifuges
permet alors de tirer partie de l’action des forces centrifuges et de Coriolis et d’atteindre ainsi un plus

13
(a) (b)

F IGURE I.3 – Photographies de rotors axiaux (a) et d’un rotor centrifuge (b) conçus par Turbomeca

(a) (b)

F IGURE I.4 – Schéma d’un étage axial (a) et centrifuge (b). Les aubes de rotor sont représentées en rouge
et les pales de stator en bleu. Les flèches noires indiquent la direction de l’écoulement en entrée et sortie
d’étage. La numérotation des différentes sections qui sera utilisée dans le mémoire est représentée en
vert : (1) entrée de rouet, (2) sortie de rotor / entrée de stator et (3) sortie de diffuseur

14
fort taux de compression.
Comme il est visible sur la figure I.3(b), les aubes ont une géométrie complexe et pleinement tridi-
mensionnelle. On remarque aussi la présence d’aubes dites intercalaires (ou secondaires, splitter blade
en anglais) dont le bord d’attaque est environ à mi-corde des aubes principales. Ces aubes sont présentes
pour compenser l’ouverture azimutale de la veine due à l’augmentation de rayon et ainsi équilibrer la
charge en sortie due aux force de Coriolis dans la partie radiale tout en minimisant la surface mouillée
en entrée afin de limiter les pertes et le risques de blocage.

2.2 Caractéristiques globales de fonctionnement d’un compresseur centrifuge


Le principe de décomposition de la vitesse dans le repère mobile illustré sur la figure I.5 s’écrit :

V =W+U (I.1)

où V, W et U sont respectivement les vecteurs vitesse absolue, relative et d’entraînement du repère


mobile. Notons que le débit est directement lié aux vitesses Vx1 en entrée et Vr2 en sortie.

V2

U2

V2 W2
Vr 2

Vx 1

V1
V1 U1
rotation

W1

rotation

F IGURE I.5 – Décomposition de la vitesse dans le repère mobile

L’équation d’Euler stipule que l’augmentation d’enthalpie totale est liée à la variation de vitesse lors
de la traversée de la roue mobile par la relation :

ht2 − ht1 = U2 Vθ2 − U1 Vθ1 (I.2)


= (U2 Wθ2 − U1 Wθ1 ) + (U22 − U12 ) (I.3)
| {z } | {z }
(1) (2)

Le terme (1) est le travail aérodynamique dû à la déflexion de l’écoulement. Le second terme re-
présente le travail produit par l’effet centrifuge. Pour une roue mobile axiale, comme il y a peu de
variation de rayon le long d’une ligne de courant, la vitesse d’entraînement est quasi constante entre
l’entrée et la sortie et ce second terme est alors négligeable. En revanche, au sein d’un rouet centrifuge,
la vitesse d’entraînement croît du fait de l’augmentation de rayon. La production d’enthalpie totale est
donc alimentée non seulement par le travail aérodynamique (1) mais aussi par le terme (2) qui résulte
du changement de rayon entre l’entrée et la sortie du rouet.

15
2.2.1 Grandeurs caractéristiques du rouet
Un des enjeux de la conception d’une turbomachine réside dans la minimisation de la dissipation
d’énergie cinétique en chaleur dans le processus de compression visant à atteindre un taux de com-
pression total-à-total :
Pt2
πt12 = (I.4)
Pt1
Pour évaluer ce niveau de dissipation on exprime le rendement isentropique qui représente le rap-
port entre l’énergie nécessaire pour atteindre un taux de compression donné lors du processus idéal
(isentropique) et dans le cas réel :

ht2is − ht1 Tt2is − Tt1


ηt12 = = (I.5)
ht2 − ht1 Tt2 − Tt1

Le processus de compression dans un diagramme enthalpie-entropie est schématisé sur la figure I.6.
La transformation idéale isentropique permettant de passer de Pt1 à Pt2 est représentée par la flèche
verticale rouge (∆S = 0). Le processus réel en bleu implique quant à lui des pertes et donc la création
d’entropie (∆S > 0). On voit donc que le travail nécessaire (illustré par l’apport d’enthalpie) est plus
important dans le cas réel.

t2
ar eP
isob
enthalpie totale ht

cas isentropique

cas reel

t1
areP
isob

entropie S

F IGURE I.6 – Diagramme enthalpie-entropie pour un rouet de compresseur centrifuge

(γ−1)/γ
La loi de Laplace pour la transformation isentropique Tt2is /Tt1 = πt12 permet finalement
d’écrire le rendement isentropique total-à-total sous la forme :
(γ−1)/γ
πt12 −1
ηt12 = (I.6)
Tt2
−1
Tt1

2.2.2 Grandeurs caractéristiques de l’étage et du diffuseur


Étant donné que l’objectif d’un étage de compresseur est d’augmenter la pression statique, les homo-
logues statique-à-total des grandeurs définies précédemment sont généralement étudiés pour l’ensemble
rotor/stator :
Ps3
πs13 = (I.7)
Pt1
et
(γ−1)/γ
π −1
ηs13 = s13 (I.8)
Tt3
−1
Tt1

16
où l’indice 3 fait référence aux valeurs à la section de sortie du stator (donc de l’étage).
D’autre part, le diffuseur radial a pour fonction de transformer l’énergie cinétique apportée au fluide
par le rotor en pression statique. Par conséquent, le coefficient de récupération de pression statique
du diffuseur radial est couramment calculé :
Ps3 − Ps2
C23 = (I.9)
Pt2 − Ps2

2.2.3 Domaine d’opérabilité du compresseur


La caractéristique d’un compresseur est définie par son taux de compression et son rendement isen-
tropique en fonction du débit massique et de la vitesse de rotation de la machine. La figure I.7 donne
une représentation de ce domaine d’opérabilité pour un compresseur type.

ligne de rendement
maximum
taux de compression

taux de compression
iso-vitesse de rotation
ligne de
pompage

iso-rendement

ligne de marge ligne de blocage


au pompage aerodynamique

debit massique

F IGURE I.7 – Courbes caractéristiques d’un compresseur type.

La plage de fonctionnement stable de la machine est limitée aux hauts débits par la ligne de blocage
aérodynamique et aux bas débits par la ligne de pompage.
Le blocage aérodynamique du compresseur correspond au débit maximum atteignable par la ma-
chine pour une vitesse de rotation donnée. Il est causé par l’apparition d’un col sonique dans le compres-
seur. Partant de ce point, une diminution du débit se traduit par une augmentation de la compression
et de l’efficacité du compresseur jusqu’à atteindre le point de rendement maximum. Si le débit diminue
encore, l’efficacité du compresseur diminue du fait des modifications des conditions d’écoulement pou-
vant provoquer l’apparition de forts décollements instationnaires. Ces décollements peuvent alors mener
jusqu’à un régime de pompage. C’est un régime instable du compresseur : celui-ci entre dans un cycle
impliquant de brutales modifications du taux de compression et du débit pouvant même aller jusqu’à
une inversion du débit dans la machine. Ce phénomène présente une importante hystérésis rendant ex-
trêmement difficile la sortie de ce régime. De telles conditions de fonctionnement sont particulièrement
astreignantes sur les aubages et peuvent aller jusqu’à entraîner leur rupture et la destruction complète
du compresseur. Par conséquent, pour assurer un fonctionnement sécurisé du moteur, les concepteurs
définissent une marge de sécurité appelée marge au pompage au delà de laquelle un arrêt et une purge
de la machine sont imposés afin d’empêcher celle-ci d’entrer dans un cycle instable potentiellement
destructeur.
Contrairement au mécanisme provoquant le blocage du compresseur qui est assez bien connu, les
phénomènes menant au pompage de la machine sont encore peu connus. Ils sont notamment diffici-
lement prévisibles durant la phase de conception car ils dépendent fortement du type de machine, du
taux de compression et de la vitesse de rotation considérés. Par conséquent, les concepteurs sont obli-
gés d’imposer une marge au pompage confortable. Cependant, du fait de cette marge de sécurité, on se
prive des régimes de fonctionnement optimaux du compresseur : en effet, le rendement maximum de
la machine se trouve souvent proche de sa limite instable.

17
Portées par une volonté croissante des industriels et de la communauté scientifique en général à
augmenter le rendement des machines, de nombreuses études expérimentales et numériques [9, 22, 23]
sont mises en place afin d’étendre la compréhension de la phénoménologie physique de l’écoulement
dans les compresseurs et des mécanismes provoquant la dérive vers le fonctionnement instable. C’est
dans ce contexte que se place ce travail de thèse.

2.3 Topologie d’écoulement dans un compresseur centrifuge


L’écoulement rencontré dans une turbomachine est l’un des plus complexes de la dynamique des
fluides. Il est intrinsèquement instationnaire, tridimensionnel et soumis à de nombreux effets concur-
rents tels que : des effets de courbures, de rotation, des forts gradients de pression, des chocs, des
décollements, des interactions entre les couches limites des aubes, du moyeu et du carter, des interac-
tions entre les parties tournantes et fixes... De plus, ces écoulements sont particulièrement influencés
par la turbulence qui s’y développe naturellement.
Les structures d’écoulement qui se développent dans les compresseurs centrifuges ont fait l’objet de
nombreuses études depuis les années soixante. Ces études, d’abord expérimentales, ont plus tard été
complétées par des travaux numériques.
Dès 1984, Inoue et Cumpsty [63] ont montré qu’une mauvaise adaptation entre le rouet et son dif-
fuseur a un impact plus fort sur les performances du compresseur que des détails de forme des pales. En
effet, le diffuseur aubé doit être capable de supporter l’écoulement issu de la roue mobile. Les hétérogé-
néités suivant la hauteur de veine et les distorsions azimutales émanant du rotor perçues du fait de la
rotation comme des instationnarités dans le stator sont le résultat des différents phénomènes physiques
complexes présents dans le rouet et de leurs interactions. Il est donc primordial de mieux comprendre
les mécanismes responsables de ces distorsions afin de permettre aux concepteurs d’améliorer les per-
formances des compresseurs.
Afin de mieux comprendre les phénomènes physiques qui régissent cet écoulement, l’analyse de
l’équilibre des efforts non-visqueux pour mettre en évidence l’écoulement principal est d’abord présen-
tée, puis les différentes origines d’écoulements secondaires sont décrites et enfin les principales sources
d’instationnarités dans le compresseur sont discutées.

2.3.1 Écoulement principal

Dans le repère relatif aux aubages du rouet, entraîné en rotation à la vitesse angulaire ω constante,
l’équilibre stationnaire des forces non-visqueuses s’écrit :

− ρ(W.∇)W − ρ2ω ∧ W − ρω ∧ (ω ∧ R) = ∇P (I.10)


| {z } | {z } | {z } | {z }
inertie Coriolis centrifuge gradient de pression

Ainsi le gradient de pression qui s’instaure dans le canal inter-aubes résulte de l’effet combiné de la
force d’inertie, de la force de Coriolis et de la force centrifuge.
Pour faciliter l’interprétation, on va projeter cette équation d’une part sur un plan méridien et d’autre
part sur une surface aube-à-aube issue d’une ligne de courant. Pour cela on définit les repères présentés
sur la figure I.8 :
– cylindrique (ex , er , eθ )
– méridien (em , eb , eθ ) : em est le vecteur suivant la courbure méridienne d’une ligne de courant,
et eb le vecteur bi-normal défini pour former un trièdre direct.
– aube-à-aube (es , en , eb ) : es et en sont les vecteurs tangent et orthogonal à une ligne de courant
dans le plan aube-à-aube.
On obtient finalement l’équation :

∂W W2 W2
− ρW es + ρ( eb + en ) − 2ρωW cos α en + ρRω 2 er = ∇P (I.11)
∂s Rb Rn
| {z } | {z } | {z } | {z } | {z }
inertie courbure Coriolis centrifuge gradient de pression

18
direction de
lÃcoulement

direction de
lÃcoulement
e es er

en extrados
er
intrados
em
carter
ex

eb
ex
moyeu
axe de
rotation

(a) (b)

F IGURE I.8 – Représentation des bases de projection méridienne (a) et aube-à-aube (b)

où le premier terme représente l’inertie dans la direction de l’écoulement, alors que le second terme
est la force d’inertie centrifuge due à la courbure de la ligne de courant (Rb et Rn étant les rayons de
courbure locaux de la ligne de courant dans le plan méridien et aube-à-aube).

2.3.2 Écoulements secondaires


Au sens large, toute structure d’écoulement ayant une composante de vitesse non nulle dans la
direction transverse à l’écoulement principal est qualifiée d’écoulement secondaire. Les écoulements
de jeu sont des écoulements secondaires bien particuliers et seront traités séparément dans la partie
suivante.

Cas du compresseur axial

La figure I.9 explique simplement la formation de l’écoulement secondaire dans un compresseur


axial.

(a) (b)

F IGURE I.9 – Représentation élémentaire de la formation d’écoulements secondaires dans un compres-


seur axial : (a) d’après Japiskse et Baines [64], (b) d’après Lakshminarayana [68]

19
Les écoulements secondaires se développant le long des parois du moyeu, du carter et des aubages
naissent sous l’effet cumulé d’une couche limite et d’une courbure. En effet, considérons des particules
suivant les lignes de courant A (à mi-hauteur de veine) et B (proche du moyeu) : si l’on suppose
que la ligne A suit la courbure de la pale, il s’établit un gradient de pression allant de l’extrados vers
l’intrados. La trajectoire B subit le même gradient de pression. Cependant, à cause du déficit de vitesse
dû à la couche limite du moyeu, le gradient de pression impose à la particule (suivant la ligne B) une
trajectoire avec un rayon de courbure plus faible. La particule est alors déviée vers l’extrados, faisant
ainsi apparaître des composantes de vitesse orthogonales à l’écoulement principal.
Ceci impose donc une migration du fluide des couches limites moyeu vers l’extrados des pales for-
mant ainsi des mouvements tourbillonnaires appelés tourbillons de passages.
Bien que des couches limites se forment aussi sur les aubages, aucun tourbillon de passage n’apparaît
sur les parois des aubages étant donné que la courbure méridienne de la veine d’un compresseur axial
est quasi-nulle.
Les écoulements secondaires correspondent en fait à une création de vorticité longitudinale par
réorientation de la vorticité transversale présente dans les couches limites.

Cas du compresseur centrifuge

Dans un compresseur centrifuge, ces effets sont plus complexes puisqu’il existe cette fois ci une
courbure méridienne du moyeu et du carter. De plus, les aubes du rouet peuvent être couchées en sortie
pouvant ainsi annuler ou même changer de sens la courbure des aubages au bord de fuite.
L’étude théorique des écoulements secondaires se base sur l’équation de transport de la vorticité. La
vorticité absolue est égale au rotationnel de la vitesse absolue :

Ω=∇∧V (I.12)
L’équation de transport est alors obtenue en appliquant l’opérateur rotationnel à l’équation I.11.
Cette équation peut ensuite être projetée dans le repère curviligne suivant la direction de l’écoulement
s définie sur la figure I.8. D’après Trébinjac [106], en négligeant les composantes normales de la vitesse,
on obtient alors :
 

∂ Ωs 2  ∂W 1 ∂W 1 ∂W ∂W ωb ωn 
 
= ωb + W − W + ωn − W− W (I.13)
∂s W W | {z∂b} Rsn ∂b Rsb ∂n | {z∂n} Rsb Rsn 
| {z } | {z } | {z } | {z }
A B C D E F

où Rsn et Rsb représentent respectivement les rayons de courbure dans les directions n et b.
Les termes A et B sont les termes influant les écoulements secondaires se développant sur les parois
moyeu et carter. Les écoulements secondaires liés aux parois des pales sont quant à eux donnés par les
contributions C et D. Enfin, les termes E et F sont des termes représentant les tourbillons qui ne sont
pas confinés dans les couches limites.
Le terme A correspond aux effets induits par la force de Coriolis. Leur intensité est maximale
lorsque l’on s’approche de la sortie du rouet d’une part parce que W tend à s’aligner sur la direction b et
d’autre part parce que les couches limites sont d’autant plus développées que l’on se rapproche du bord
de fuite. Ce terme induit un mouvement de fluide à faible énergie sur les parois moyeu et carter partant
de l’intrados des pales en direction de l’extrados. Le terme D est aussi une conséquence des effets de
Coriolis dans les zones où ωn est non nul.
L’effet de la courbure des aubages est quant à lui représenté par le terme B. Comme pour le com-
presseur axial, l’interaction des couches limites moyeu/carter avec la courbure des aubages engendre
des écoulements secondaires. Le sens de rotation des tourbillons induits est dépendant de la courbure
des aubes. Dans la partie inductrice, le rayon de courbure est positif. Ces tourbillons vont alors tourner
dans le même sens que ceux induits par les effets de rotation (A). En revanche, en sortie de rouet,
cela dépendra du sens dans lequel sont couchées les aubes : si les aubes sont couchées en arrière, les
tourbillons induits seront contrarotatifs par rapport à ceux générés par les effets de Coriolis.
Enfin, contrairement aux compresseurs axiaux, la courbure méridienne n’étant pas nulle, celle-
ci engendre des écoulements secondaires qui sont représentés par le terme C. Il s’agit là du même
phénomène que celui produit par l’interaction des couches limites avec l’effet de la courbure des aubes.

20
Ce terme traduit une création de vorticité longitudinale à proximité de la surfaces des pales créant une
composante d’écoulement allant du moyeu vers A le + B
carter.
Toutes ces contributions sont reprises dans la figure I.10.
es
D>C D>C
A+B
en

es
D > C A + DB> C eb
en
(a)
extrados intrados
A+B eb
rotation

rotation

A>B
extrados C+D C+D intrados
(b)
A>B
A>B
C+D C+D
A>B
rotation
F IGURE I.10 – Représentation des sources tourbillonnaires dans la partie inductrice (a) et dans la partie
radiale (b) pour un rouet avec les pales couchées en arrière.

Structure de type jet-sillage

La combinaison des différents effets de rotation et de courbure conduit à l’accumulation de fluide à


faible énergie à l’extrados en tête des pales. Ce fluide provient des couches limites se développant sur les
pales ainsi que sur le moyeu et le carter et a été transporté via les structures tourbillonnaires décrites.
Ce phénomène conduit à la formation d’une topologie d’écoulement connue sous le nom de structure
jet-sillage décrite sur la figure I.11. Cette structure d’écoulement avait été mise en évidence en 1960
par Dean et Senoo [27]. Les mesures réalisées par Eckardt en 1976 [41] ont permis de confirmer cette
théorie. La zone dite de sillage est caractérisée par une faible quantité de mouvement et une forte
turbulence, source d’importantes pertes.
Cette topologie jet-sillage a d’abord été attribuée à l’apparition d’un décollement tridimensionnel de
la couche limite de l’extrados de l’aube. C’est en 1983 que le lien entre cette structure et les écoulements
secondaires est mis en évidence par Johnson et Moore [65]. Il ressort de ces observations que la confi-
guration jet-sillage peut exister sans décollement et que le développement des écoulements secondaires
le long des parois suffit à son apparition.
Les écoulements de jeu, non pris en compte dans cette étude des écoulements secondaires, peuvent
influer sur la position de la zone de sillage dans le canal inter-aubes. En effet, ceux-ci induisent des
écoulements opposés aux effet de la force de Coriolis, qui tendent à déplacer la zone de sillage de
l’extrados vers l’intrados des pales.

2.3.3 Écoulements de jeu


Les contraintes inhérentes au fonctionnement d’un rouet de compresseur imposent l’existence d’un
jeu entre la tête de pale et le carter. Du fait de la différence de pression entre l’intrados et l’extrados,
ce jeu induit un écoulement de fuite partant de l’intrados vers l’extrados comme schématisé sur la

21
jet sillage

(a)
extrados intrados

rotation

extrados intrados
(b)

rotation

F IGURE I.11 – Migration des couches limites dans le canal induisant la structure jet-sillage : (a) par-
tie inductrice, (b) partie radiale. La zone verte représente une zone d’accumulation de fluide à faible
énergie provenant des couches limites.

figure I.12(a). La présence de la paroi fixe du carter combinée à la rotation des pales est un effet
supplémentaire de type visqueux favorisant l’écoulement de jeu. Ce débit de fuite se traduit par une
structure complexe d’écoulement comprenant des décollements sur la tête de la pale et la formation
d’un ou plusieurs tourbillons comme il a été mis en évidence par Kang et Hirsch sur la figure I.12(b).

(a) (b)

F IGURE I.12 – Représentation schématique de l’écoulement de jeu en tête de rotor entre l’intrados (PS)
et l’extrados (SS) de l’aube (a) d’après Lakshminarayana [68] et (b) par Kang et Hirsch [66].

L’écoulement de jeu dépend principalement de la hauteur de jeu et de la charge de la pale. Ces


écoulements ont un caractère fortement tridimensionnel et turbulent. Ils provoquent une baisse de
charge de la pale due à la diminution de l’écart de pression entre l’intrados et l’extrados.
La dissipation et le mélange de ces structures avec l’écoulement principal provoquent une hausse
d’entropie [68]. D’autre part, leur faible vitesse convective se traduit par une déviation plus importante
par rapport à l’écoulement principal, synonyme d’une augmentation du travail absorbé. Ces deux effets
influent ainsi sur les performances globales de la machine de façon contraire.
La convection des tourbillons de jeu générés va aussi interagir avec les écoulements secondaires
décrits précédemment et va notamment avoir une influence importante sur la localisation et la taille du
sillage. En effet, plusieurs études [42, 61] ont montré que le fluide à faible énergie cinétique ayant migré

22
vers le carter sous l’influence des écoulements secondaires est ensuite entraîné par les écoulements de
jeu. Sous cet effet, ce fluide à faible énergie peut alors être transporté jusqu’à atteindre la face en
pression de l’aube adjacente, modifiant ainsi la structure jet-sillage.

2.3.4 Pertes
Les pertes sont directement liées à la notion de rendement. Par conséquent, pour pouvoir augmenter
celui-ci il faut mieux comprendre les différentes sources de pertes pour savoir comment les minimiser
lors de la conception.
Les différents mécanismes générateurs de pertes aérodynamiques dans les turbomachines sont va-
riés et inter-corrélés. Bien que toutes ces pertes soient dues au niveau microscopique à la dissipation
visqueuse, leur origine au niveau macroscopique peut être liée à :
– des pertes par effets visqueux directs (ou perte par frottements) : ce sont les pertes dues au
frottement visqueux sur la paroi des pales et le moyeu, ou aux décollements éventuels ;
– des pertes de sillage de bord de fuite des pales ;
– des pertes par effet de jeu : le cisaillement de l’écoulement de la veine est source d’importants
frottements au niveau de la paroi du carter et la propagation des structures tourbillonnaires de
jeu dans la veine va provoquer leur interaction avec le flux primaire altérant ainsi l’écoulement en
aval de la roue et donc dans le diffuseur ;
– des pertes par mélange : ce sont les pertes liées au mélange de deux flux de vitesses différentes ;
– des pertes par chocs.

2.3.5 Instationnarités dans un compresseur centrifuge


L’écoulement qui s’établit dans un compresseur est intrinsèquement instationnaire du fait du mou-
vement relatif des différentes roues et des effets de viscosité. Ces phénomènes peuvent être organisés
suivant différentes classifications : Callot [12] propose par exemple une classification en fonction de
leur caractéristiques temporelles en les distinguant suivant qu’ils sont périodiques ou non (figure I.13).
Les phénomènes non périodiques regroupent d’une part les effets de régimes transitoires et d’autre
part les effets de nature chaotique. Les effets transitoires ne seront pas détaillés puisqu’on s’intéresse
dans cette étude qu’au fonctionnement du compresseur en régime stable établi. Les instationnarités de
nature chaotique sont principalement les effets liés à la nature turbulente de l’écoulement : le dévelop-
pement des couches limites et leur transition vers un régime turbulent, la turbulence liée à la convection
des sillages et des écoulements secondaires.
Les phénomènes périodiques sont quant à eux décomposés selon qu’ils sont corrélés ou non avec la
vitesse de rotation de la machine. Les instationnarités périodiques décorrélées de la vitesse de rotation
sont par exemple le flottement des aubages, le phénomène de pompage aérodynamique mentionné
précédemment et les lachers tourbillonnaires de von Kármán. Les phénomènes périodiques en régime
stable corrélés à la vitesse de rotation comprennent principalement les interactions rotor/stator.
Ces interactions entre rotor et stator regroupent une grande variété de phénomènes :
– les effets potentiels : ils résultent de la propagation dans l’écoulement vers l’aval mais aussi
vers l’amont d’un champ de pression généré par une aube (et donc fixe par rapport à celle-ci)
qui est instationnaire dans le repère lié à une autre roue du fait de la rotation des pales. Les
perturbations potentielles de plus forte intensité se situent généralement dans les zones où la
vitesse est maximale, c’est-à-dire à proximité du bord d’attaque sur l’extrados des aubes. C’est
pourquoi ces effets sont communément associés à l’influence du diffuseur sur la roue mobile qui
le précède.
– les interactions de sillages sont les effets des distorsions de l’écoulement sortant du rouet sur
le diffuseur qui modifient localement l’incidence de l’écoulement et donc la charge de l’aube
impactée. Ces distorsions axiales et azimutales, bien que statistiquement stationnaires dans le
repère lié au rotor, sont perçues comme instationnaires dans le diffuseur du fait de la rotation et
donc du défilement de ces distorsions dans le repère lié au stator. Ces distorsions comprennent non
seulement les sillages des aubes mais aussi tous les écoulements secondaires qui se développent et
sont convectés dans la veine du rouet. Du fait des différences de vitesse d’écoulement proche de
l’extrados et de l’intrados des aubages de stator, on observe un effet de ségrégation de ces sillages
qui lorsqu’ils sont convectés se déplacent vers la face en pression des aubes.

23
Phénomènes instationnaires

non-périodiques périodiques

régime nature décorrélés avec la corrélés avec la


transitoire chaotique vitesse de rotation vitesse de rotation

- variation de la - couches limites - tourbillons de fonctionnement fonctionnement


vitesse de - sillages VonKármán
von Karman instable stable
rotation
- jets, etc . - pompage
- distorsion du
champ en amont
de la machine - flottement - décollement interactions
tournant rotor-staor

- effets potentiels
- effets de sillages
- effets de
l’écoulement
secondaire
- effets des ondes
de choc
- transition
instationnaire

F IGURE I.13 – Classification des phénomènes instationnaires présents dans une turbomachine proposée
par Callot [12]

– les ondes de choc : dans les compresseurs fonctionnant en régime transsonique, des chocs
peuvent se former proche du bord d’attaque des aubes de diffuseur et ainsi remonter jusque dans
la veine du rotor. Leur défilement dans le repère du rotor peut alors influencer le développement
des couches limites, des sillages et des écoulements secondaires. Les ondes de chocs réagissant
également à ces phénomènes génèrent alors une forte perturbation périodique de l’écoulement
dans le stator.
Comme il a été précédemment souligné, la mauvaise adaptation du diffuseur à l’écoulement issu
du rotor peut avoir un impact prédominant sur les performance de l’étage. Les interactions rotor/stator
sont la source de perturbations modifiant de façon périodique l’écoulement vu par le stator. Par consé-
quent, il est primordial d’identifier et comprendre ces effets instationnaires car ils peuvent avoir un effet
important sur les performances et la stabilité de la machine.

3 Configuration étudiée
3.1 Présentation du banc d’essais
La configuration utilisée pour cette étude est installée sur un banc d’essai au Laboratoire de Méca-
nique des Fluides et d’Acoustique (LMFA) de l’École Centrale de Lyon, qui est inspiré du compresseur
d’un moteur dessiné par SAFRAN Turbomeca. Cette configuration, étant donné qu’elle fait l’objet de
campagnes de recherche depuis vingt ans, a été choisie pour la richesse des connaissances sur l’écoule-
ment qui s’y développe grâce à la vaste base de données expérimentales et numériques accessibles.
La configuration expérimentale, représentée sur la figure I.14, est composée d’une zone de captation
amont comprenant :
– une ogive rattachée à la structure grâce à des bras ;

24
F IGURE I.14 – Représentation schématique du compresseur tel qu’il est installé au banc d’essai

– un compresseur centrifuge à Nr canaux, chaque canal comprenant une aube principale et une
aube intercalaire ;
– un diffuseur radial avec Ns aubes ;
– un coude à 90° permettant de redresser l’écoulement dans la direction axiale ;
– une roue de stators axiaux supprimant la composante giratoire de l’écoulement.
L’air arrive finalement dans une cuve de tranquillisation avant d’être évacué vers l’extérieur en régulant
le débit via une vanne, ce qui permet de fixer le point de fonctionnement.
Les parties tournantes et fixes du moyeu sont séparées par des entrefers. De même, un jeu fonction-
nel (augmenté par rapport au jeu de référence pour les études récentes, cf. 3.2) est laissé en tête des
aubes de la roue tournante, atteignant une hauteur relative de l’ordre de 10% de la hauteur de veine en
sortie.
pale
intercalaire
pale
pale principale
principale

moyeu
rotation
3D
moyeu
axisymetrique

F IGURE I.15 – Définition géométrique du moyeu non-axisymétrique dans une section débitante du rouet

Dans sa version initiale, le moyeu du rouet était axisymétrique. Les études ayant été effectuées sur
la machine ont ensuite poussé à employer un moyeu à géométrie 3D, décrit sur la figure I.15 : le moyeu
utilisé est toutefois périodique par canal. Cette modification ne touche que la zone de virage axial-radial
du rouet (le moyeu est donc bien axisymétrique dans la partie inductrice et en sortie du rotor).
Le compresseur ainsi installé fonctionne en régime transsonique.

3.2 Études expérimentales et numériques déjà réalisées


Ce compresseur est depuis vingt ans l’objet d’études conjointes entre SAFRAN Turbomeca, le LMFA,
l’Onera et le CERFACS. Il a notamment fait l’objet de quatre thèses doctorales [18, 85, 10, 9] et de
l’Habilitation à Diriger des Recherches de Trébinjac [106]. Des bilans successifs des différents travaux
effectués sur la machine peuvent être trouvés dans les différentes thèses. Ces bilans sont repris ici pour
faire un état des lieux des travaux de recherche entourant ce compresseur.

25
Contrairement à cette thèse qui ne porte que sur des aspects numériques, les quatre thèses citées
ci-dessus ont comporté des études numériques et expérimentales.
Les premières études expérimentales et numériques réalisées au cours de la thèse de Claudin [18]
avaient pour but de décrire les performances globales du compresseur et d’identifier les points de fonc-
tionnement de blocage, rendement maximum et proche pompage. À partir de là, les structures principales
de l’écoulement se développant au point de rendement maximum ont été mises en évidence grâce à la
confrontation des résultats expérimentaux et numériques. Ainsi, la structure jet-sillage a pu être identi-
fiée et expliquée dans cette configuration. Cette étude s’est concentrée sur la mise en place de mesures
LASER bi-points (L2F) à vitesse de rotation nominale et sur des simulations Euler réalisées avec le code
Cadet (Onera) et RANS effectuées avec le code Canari (Onera) du rouet isolé.
Suite à cette étude, une deuxième campagne de mesure L2F est menée par Trébinjac et Vixège [108]
dans le diffuseur et le rouet à vitesse de croisière (92, 7% de la vitesse nominale) associée à la pre-
mière simulation numérique instationnaire chorochronique (avec le code Canari) de l’étage (rouet et
diffuseur) au point de rendement maximum fournissant une première description des structures tridi-
mensionnelles instationnaires [112]. Notamment, il a été montré que dans ce compresseur le sillage
tend à se concentrer autour de l’aube intercalaire [106] : le débit de jeu de l’aube principale étant plus
important que celui de l’aube secondaire, le jet de jeu pousse le fluide à faible énergie dans le coin
carter/extrados de l’aube intercalaire comme il est montré sur la figure I.16.

pale pale pale


principale intercalaire principale

rotation

F IGURE I.16 – Structure de sillage dans le compresseur Turbomeca étudié : les flèches bleues repré-
sentent le bilan des écoulements secondaires 2.3.2 et les flèches rouges sont les écoulements de jeu. Les
zones d’accumulation de fluide à faible énergie sont colorées en vert.

Dans le but d’atténuer cette structure jet–sillage en sortie de rotor et ainsi permettre une meilleure
adaptation du diffuseur, un moyeu non-axisymétrique (décrit dans la section précédente 3.1) pour le
rouet a été dessiné par Turbomeca et a été analysé au cours de la thèse de Rochuon [85]. Des mesures
par vélocimétrie LASER à effet Doppler (LDA-2D) ont cette fois ci été mises en place permettant une
nette diminution du temps d’acquisition. D’autre part, des simulations numériques RANS stationnaires
et instationnaires chorochroniques de l’étage à différents points de fonctionnement ont été faites avec
le code de calcul elsA (co-développé par l’Onera et le CERFACS) et ont permis de définir le modèle
de turbulence k − l de Smith comme plus apte que le modèle k − ǫ à reproduire l’écoulement observé
dans les expériences. Rochuon [85] montre que la modification de géométrie effectuée a certes permis
une homogénéisation azimutale de l’écoulement en sortie de rouet, mais ceci au prix d’un confinement
du fluide à faible énergie proche du carter, provoquant une augmentation des pertes par effet de ci-
saillement. Toutes les études suivantes ont malgré tout été poursuivies sur cette géométrie à moyeu
3D.
En poursuivant les travaux expérimentaux de LDA-2D et numériques, la thèse de Bulot [10] s’est
attachée à caractériser l’effet du changement de point de fonctionnement sur l’écoulement du rouet et
du diffuseur. Il a notamment présenté un scénario d’entrée en régime de pompage grâce à l’analyse des
signaux de pression pariétale obtenus par des capteurs haute fréquence disposés dans le diffuseur au
cours de ses travaux.
Finalement, Buffaz [9] s’est quant à lui intéressé à l’effet de l’augmentation de la hauteur de jeu
(de 6% à 10% de hauteur de veine) sur l’écoulement et les performances globales du compresseur
ainsi que son entrée en pompage. Pour cela, il réalise des relevés expérimentaux LDA-2D et des signaux
de pression pariétale à différents points de fonctionnement sur la configuration à jeux augmentés. Là
encore, des simulations RANS stationnaires et instationnaires chorochroniques avec elsA sont réalisées
et comparées avec les résultats expérimentaux. D’autre part, les points de rendement maximum et

26
proche pompage sont également simulés en RANS instationnaire sur la configuration 360° afin d’évaluer
l’hypothèse de périodicité spatio-temporelle imposée par l’approche chorochronique.
Buffaz conclut de son étude que l’augmentation de la hauteur de jeu a un effet sur les performances
du compresseur et sur sa position d’entrée en pompage. En effet, l’accroissement du débit de jeu en-
traîne d’une part un élargissement de la zone de sillage qui n’engendre pas pour autant plus de pertes
visqueuses et, d’autre part, une sous-déviation des écoulements de jeu provoquant de plus fortes pertes
non-visqueuses. Ces deux effets, bien qu’ils ne modifient quasiment pas l’efficacité du diffuseur, résultent
finalement en une dégradation des performances du compresseur. Quant à l’entrée en pompage du com-
presseur, l’auteur observe une stabilisation de l’écoulement dans le diffuseur du fait de l’augmentation
des jeux dans le rouet permettant ainsi une hausse de la marge au pompage.

4 Bilan et orientation de l’étude


Les moteurs aéronautiques de nouvelle génération s’orientent vers des machines compactes avec
des objectifs de rendement toujours plus élevés. Dans un tel contexte, les compresseurs centrifuges
présentent une solution attractive du fait du fort taux de compression qu’ils permettent de fournir pour
un encombrement axial minimum. Cependant, l’obtention de telles performances se traduit par le fait
que le compresseur est soumis à une variété de phénomènes physiques d’une grande complexité et
fortement tridimensionnels. Dans l’objectif de concevoir des compresseurs avec des rendements plus
élevés, il faut donc élargir notre connaissance sur ces différents phénomènes physiques, notamment sur
leurs origines et leurs interactions.
La simulation numérique est ainsi un moyen alternatif aux expériences pour acquérir une meilleure
compréhension des phénomènes physiques mis en jeu. L’enjeu majeur pour les motoristes est d’obtenir
une meilleure connaissance des phénomènes physiques sources de pertes aérodynamiques dans le com-
presseur et ainsi de réduire le recours à de multiples et coûteux montages en donnant une part plus
importante à la simulation dans le processus de conception.
La configuration étudiée dans ces travaux est inspirée d’un banc d’essai installé au LMFA, conçu
par SAFRAN Turbomeca et représentatif des compresseurs industriels utilisés de nos jours. Ce com-
presseur est d’un intérêt particulier puisqu’il a fait l’objet de multiples campagnes expérimentales et
de nombreuses études numériques qui ont permis d’avancer dans la compréhension de la topologie
d’écoulement mise en jeu dans cette machine.
Dans un tel contexte, l’objectif de cette étude est d’évaluer la capacité des modèles de simulation
numérique émergents en aérodynamique à reproduire fidèlement l’écoulement dans ce compresseur
centrifuge. Pour cela, le chapitre II va introduire les différentes approches de modélisation qui seront
comparées. Le chapitre III traitera quant à lui de la mise en place des simulations numériques. Enfin,
dans les chapitres IV, V et VI seront présentés et analysés les résultats obtenus avec les approches de
modélisation de la turbulence RANS, LES et finalement hybride RANS/LES.

27
Chapitre II

État de l’art sur la modélisation de la


turbulence

Contents
1 Phénoménologie de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2 Approches de modélisation de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.1 Équations de Navier–Stokes pour un écoulement compressible . . . . . . . . . . 29
2.2 Approche (U)RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.2.1 Moyenne statistique des équations de Navier–Stokes . . . . . . . . . . . 30
2.2.2 RANS stationnaire, RANS instationnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.2.3 Tenseur de Reynolds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.2.4 Hypothèse de Boussinesq et modèles de fermeture au premier ordre . . 32
2.2.5 Modèles aux tensions de Reynolds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.3 Simulation aux Grandes Échelles (LES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.3.1 Opérateur de filtrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.3.2 Modèle de sous-maille de Smagorinsky . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.3.3 Problématique du filtrage et du rôle du maillage . . . . . . . . . . . . . 35
2.4 Méthodes hybrides RANS - LES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.4.1 L’approche loi de paroi (WMLES) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.4.2 La DES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.4.3 La ZDES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.4.4 La DDES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3 Bilan sur les méthodes de modélisation de la turbulence en turbomachine . . . . . 41

1 Phénoménologie de la turbulence
Comme il a été montré dans le chapitre précédent, les écoulements rencontrés dans les turboma-
chines sont soumis à une grande diversité de phénomènes physiques complexes. Tout ces phénomènes
peuvent être à l’origine du développement de la turbulence. Un écoulement turbulent se caractérise par
une apparence chaotique imprévisible et l’existence de nombreuses échelles spatiales et temporelles.
L’étude de la turbulence est une science très ancienne, Léonard de Vinci en est l’un des principaux
précurseurs. La turbulence apparaît lorsque la source d’énergie cinétique qui met le fluide en mouve-
ment est relativement intense devant les forces de viscosité du fluide. À l’inverse, on appelle laminaire
le caractère d’un écoulement régulier où les forces de viscosité dominent.
Afin de caractériser le régime d’écoulement d’un fluide (laminaire, transitoire ou turbulent), Rey-
nolds a introduit en 1883 le nombre de Reynolds, qui représente le rapport entre les forces d’inertie et
les forces visqueuses.
Pour illustrer la notion d’écoulement turbulent, la figure II.1 présente une observation du dévelop-
pement de la turbulence dans une couche de mélange. Cette image permet de bien mettre en évidence

28
F IGURE II.1 – Visualisation expérimentale d’instabilités de Kelvin-Helmholtz dans une couche de mé-
lange turbulente réalisée par Parezanovic V. dans le cadre du projet TUCOROM à l’institut PPrime
(Poitiers, France).

l’aspect multi-échelles de la turbulence qui est classiquement illustré par la notion de cascade d’éner-
gie [79] : la division des grands tourbillons en tourbillons plus petits permet un transfert d’énergie des
grandes échelles vers les petites échelles. Ce transfert d’énergie s’effectue jusqu’à atteindre des tour-
billons de tailles tellement petites que l’effet de dissipation moléculaire domine. En pratique, on peut
aussi observer un transfert des petites échelles vers les plus grandes : c’est le phénomène de cascade
inverse ou backscatter.
Du fait de sa nature chaotique et des différentes échelles qu’elle met en jeu, la turbulence est un
phénomène physique particulièrement sensible pour la simulation numérique. C’est pourquoi il existe
une grande variété d’approches pour la prendre en compte.

2 Approches de modélisation de la turbulence


2.1 Équations de Navier–Stokes pour un écoulement compressible
Les équations de Navier–Stokes sont les équations fondamentales régissant le comportement d’un
écoulement fluide newtonien compressible. Ces équations expriment :
– la conservation de la masse du fluide :
∂ρ ∂(ρui )
+ =0 (II.1)
∂t ∂xi
– le bilan de la quantité de mouvement du fluide :
∂(ρui ) ∂(ρui uj ) ∂p ∂τij
+ =− + (II.2)
∂t ∂xj ∂xi ∂xj
où τij est le tenseur des contraintes visqueuses :
 
∂ui ∂uj 2 ∂uk
τij = µ(T ) + − δij (II.3)
∂xj ∂xi 3 ∂xk
– et le bilan d’énergie du fluide :
∂(ρE) ∂((ρE + p)ui ) ∂qi ∂(τij ui )
+ = + (II.4)
∂t ∂xi ∂xi ∂xj
où l’énergie totale est donnée par :
p 1
ρE = + ρui ui (II.5)
γ−1 2
La viscosité dynamique du fluide µ(T ) est fournie par la loi de Sutherland :
  32
T T + 110.4
µ(T ) = µ0 (II.6)
T0 T0 + 110.4

29
avec T0 = 273, 16K et µ0 = 1, 711−5 kg.m−1 .s−1 .
Le flux de chaleur q est quant à lui donné par la loi de Fourier :
∂T
qi = −λ(T ) (II.7)
∂xi
µ(T )C
où λ(T ) est le coefficient de conductivité thermique donné par λ(T ) = P r p avec P r et Cp le nombre
de Prandtl et la capacité thermique à pression constante.
Il manque une dernière équation pour fermer le système : celle-ci est donnée par l’hypothèse des
gaz thermiquement parfaits, qui permet de relier la pression, la masse volumique et la température :

p = ρrT (II.8)

avec r = 287, 1J.kg −1 .K −1 , la constante spécifique de l’air.


Pour simuler numériquement la turbulence de façon correcte, il faudrait résoudre ces équations
directement ; cette approche est la DNS (Direct Numerical Simulation) mais est extrêmement onéreuse
en termes de coûts de calcul, en particulier pour les gammes de nombre de Reynolds dépassant quelques
milliers. En effet, ce coût est dû au fait que le maillage doit être suffisamment dense pour pouvoir
représenter les plus petites échelles turbulentes. À titre d’exemple, d’après Spalart [97], une DNS d’avion
en croisière ne serait informatiquement possible qu’à partir de 2080. Ainsi la turbulence ne pouvant pas
être, en pratique, simulée de manière directe, on est alors contraint de la modéliser soit intégralement
(approche RANS), soit en partie (approche LES).

2.2 Approche (U)RANS : (Unsteady) Reynolds Averaged Navier-Stokes


Comme énoncé précédemment cette approche consiste à modéliser l’intégralité du spectre turbulent
de l’écoulement.

2.2.1 Moyenne statistique des équations de Navier–Stokes


Le principe de l’approche RANS consiste alors à décomposer chaque grandeur turbulente f en une
partie moyennée statistiquement < f > et une partie fluctuante f ′ :

f =< f > +f ′ (II.9)

L’opérateur < f > est défini comme une moyenne d’ensemble sur N réalisations indépendantes, N
tendant vers l’infini :
N
1 X
< f >= lim fi (II.10)
N →∞ N
i=1

Cette définition (II.9) permet de séparer les fluctuations désordonnées correspondant à la turbulence
représentées par le terme f ′ , du reste qui est compris dans le terme < f >. Ainsi le terme < f > est tou-
jours dépendant du temps puisqu’il regroupe toute fluctuation instationnaire régulière de l’écoulement
(reproductible d’une réalisation à l’autre).
Cette décomposition est due à Reynolds (d’où la dénomination “Reynolds Averaged”), mais pour les
écoulements compressibles il est plus commode d’introduire la moyenne pondérée par la masse :

f = fe + f ′′ (II.11)
< ρf >
où fe = (II.12)
<ρ>
Cette définition de la moyenne pondérée sera utilisée, dans les équations de Navier-Stokes, pour
traiter les grandeurs cinématiques et thermiques. La pression et la masse volumique seront, quant à
elles, soumises à la moyenne d’ensemble définie précédemment. On obtient ainsi un système d’équations
de Navier-Stokes moyennées qui vont être résolues numériquement :
– équation moyennée de conservation de la masse :
∂ < ρ > ∂(< ρ > u
ei )
+ =0 (II.13)
∂t ∂xi

30
– bilan moyenné de la quantité de mouvement :
∂(< ρ > u
ei ) ∂(< ρ > uei u
ej ) ∂ < p > ∂ < τij > ∂Rij
+ =− + − (II.14)
∂t ∂xj ∂xi ∂xj ∂xj
où Rij est le tenseur des contraintes de Reynolds qui s’écrit :
Rij = − < ρu′′i u′′j > (II.15)
– bilan moyenné d’énergie :
!
e
∂(< ρ > E) e < p >)e
∂((< ρ > E+ uj ) ∂(< ρu′′j E ′′ >) ∂ < τij ui > ∂ ∂ Te
+ = + − λ (II.16)
∂t ∂xj ∂xj ∂xj ∂xj ∂xj
Le terme < ρu′′j E ′′ >, qui apparaît en raison de la non-linéarité des termes de convection, est la
somme de trois termes dont le premier est le flux de chaleur turbulent dû au mélange par la turbulence
et le troisième est la diffusion turbulente des fluctuations moyennées de l’énergie cinétique.
1
< ρu′′j E ′′ > = < ρu′′j e′′ > +e
uj < ρu′′i u′′j > + < u′′j u′′i u′′i > (II.17)
2
e étant l’énergie interne.

2.2.2 RANS stationnaire, RANS instationnaire


L’approche RANS consiste à résoudre uniquement l’écoulement moyen stationnaire, c’est-à-dire que
l’on supprime les termes de dérivées temporelles présents dans les équations II.13, II.14, II.16. De plus,
dans le cas d’un écoulement stationnaire, sous l’hypothèse d’ergodicité on peut plus simplement définir
la moyenne statistique < f > définie par l’équation II.9 comme une moyenne temporelle sur un temps
grand devant les temps caractéristiques du mouvement turbulent.
Cette simplification peut être handicapante, particulièrement en turbomachines, où les modèles
RANS rencontrent souvent des problèmes [67, 37] car l’écoulement peut être fortement influencé par
des phénomènes purement instationnaires tels que le battement d’écoulements de jeu, des décollements
tournants ou même les interactions entre roues d’un étage. C’est pourquoi il y a un intérêt croissant pour
les méthodes RANS instationnaires (où URANS) qui permettent de remédier à cette limitation.
On rencontre dans la littérature un grand nombre d’exemples où l’URANS a réussi à fournir de très
bons résultats pour des applications complexes en turbomachines. On peut trouver par exemple les
simulations d’interactions entre roues et sillages [59, 62], jusqu’à des simulations multi-étages [55],
pour ne citer que celles là.
On trouve aussi des simulations URANS très enrichissantes pour la compréhension des phénomènes
de décollement tournant [48, 50, 51, 52] et du pompage profond [23].
Il faut toutefois noter que dans l’approche URANS on suppose une séparation des phénomènes
instationnaires réguliers résolus et de la turbulence modélisée. L’utilisation de cette approche pour
simuler des écoulements tels qu’une allée de von Kármán derrière un corps émoussé est fortement
discutable. En effet, le lâcher tourbillonaire mis en jeu va avoir un effet important sur le développement
de la turbulence dans le sillage et les modèles de turbulence utilisés habituellement ne sont pas adaptés
étant donné qu’ils sont calibrés en supposant un équilibre de la turbulence, qui ne peut plus être vérifié
s’il y a une forte excitation non décorrélée de la turbulence.

2.2.3 Tenseur de Reynolds


Le tenseur de Reynolds Rij représente le transport de quantité de mouvement par la turbulence.
L’équation de transport de ce tenseur est décrite en Annexe 1. Cependant, l’écriture de l’équation de
transport faisant apparaître encore d’autres termes inconnus, le problème reste ouvert. Seuls les termes
de convection, de Coriolis et de production sont exacts, les autres termes doivent alors être modélisés.
Plusieurs stratégies sont alors envisageables pour fermer le système des équations de Navier-Stokes
moyennées :
– une fermeture au premier ordre grâce à l’hypothèse de Boussinesq qui modélise directement les
tensions de Reynolds apparues dans les équations de Navier-Stokes moyennées,
– modéliser les différents termes apparaissant dans les équations de transport des tensions turbu-
lentes.

31
2.2.4 Hypothèse de Boussinesq et modèles de fermeture au premier ordre
Les termes qui font intervenir les fluctuations traduisent l’influence de l’écoulement turbulent sur
l’écoulement moyen. Toutefois, ces fluctuations étant inconnues, le système des équations moyennées
reste donc ouvert.

Hypothèse de Boussinesq
Pour résoudre ce problème, Boussinesq a introduit le concept de “viscosité turbulente” [7]. Par analo-
gie avec un fluide Newtonien où la contrainte est proportionnelle à la déformation, Boussinesq exprime
la tension de cisaillement turbulent < u′ v ′ > en fonction du cisaillement dans le cas d’un écoulement
cisaillé plan :
∂e
u
− < u′ v ′ >= νt (II.18)
∂y
où νt est la viscosité turbulente.
Il fait ainsi l’hypothèse que l’effet de la turbulence sur l’écoulement du fluide relève d’un processus
dissipatif. Par la suite, la relation a été étendue en compressible au tenseur de Reynolds qui est alors
relié au tenseur des taux de déformation S :
 
2 2
− ρ < u′i u′j > + ρkδij = 2µt Sij − Skk (II.19)
3 3

où k est l’énergie cinétique turbulente.


Finalement, l’hypothèse de Boussinesq permet une simplification du problème : l’influence de la
turbulence est maintenant entièrement définie par les deux seuls scalaires k et µt . Tout le problème de
modélisation de la turbulence revient donc à déterminer ce couple de scalaires.
Pour cela, il existe une large gamme de modèles de turbulence, plus ou moins complexes et plus ou
moins adaptés à certaines configurations. On se bornera ici à présenter le modèle de Spalart–Allmaras
que nous utiliserons par la suite pour les simulations RANS et DES et le modèle de Smith qui sera utilisé
pour les simulations RANS uniquement.
Notons que cette relation entre les tenseurs des taux de déformation et de Reynolds ne permet pas
de prendre en compte les effets de rotation et de courbure entre autres.

Modèle de Spalart–Allmaras
Le modèle de Spalart–Allmaras [99] est un modèle à une équation de transport de la viscosité turbu-
lente (cf. Annexe B.2). La viscosité turbulente n’étant pas une grandeur physique, on ne peut pas établir
d’équation à partir des équations de Navier-Stokes pour la déduire. Le modèle a alors été déterminé
à partir d’une analyse dimensionnelle et a été bâti de sorte qu’il puisse reproduire le comportement
d’écoulements de complexité croissante par l’ajout de termes correctifs.
Comme énoncé précédemment ce modèle ne prend pas en compte les effets de rotation, ni de
courbure. Spalart et Shur [96] ont alors développé une correction du modèle pour tenir compte de ces
effets, mais c’est le modèle de base, beaucoup plus stable numériquement, qui a été utilisé pour notre
étude.

Modèle de Smith
Le modèle k − l de Smith [95] est un modèle à deux équations de transport : l’une pour l’énergie
cinétique turbulente k et l’autre portant sur une échelle de longueur caractéristique de la turbulence l
(cf. Annexe B.3).
Ce modèle à montré de bonnes capacités à prévoir les écoulements dans les compresseurs centrifuges
et notamment Rochuon [85], Bulot [10] et Buffaz [9] l’ont utilisé pour leur travaux sur la configuration
étudiée.

2.2.5 Modèles aux tensions de Reynolds


Les deux modèles présentés précédemment se basent sur l’hypothèse de Boussinesq qui lie le ten-
seur de Reynolds au tenseur des taux de déformation. Aupoix [1] présente différents défauts de cette

32
hypothèse. Notamment elle empêche de reproduire l’anisotropie du tenseur de Reynolds. Cette mau-
vaise prise en compte de l’anisotropie peut conduire à des erreurs dans les écoulement de coin et les
écoulements tourbillonaires ce qui peut être particulièrement problématique dans une configuration
turbomachine.
Ont alors été développés des modèles cherchant à résoudre le tenseur de Reynolds soit à l’aide d’une
relation algébrique tels que les modèles EARSM (cf. Annexes B.4) soit en résolvant directement les
équations de transport des tensions de Reynolds (modèles DRSM [24, 69, 102])

2.3 Simulation aux Grandes Échelles (LES)

L’approche RANS (stationnaire et instationnaire), comme énoncé précédemment, décrit un écoule-


ment moyen au sens statistique. Cette méthode a l’avantage d’être peu coûteuse en terme de puissance
de calcul, mais elle ne permet pas de par sa nature de résoudre le mouvement turbulent. Dans des
configurations où la turbulence est proche d’un état d’équilibre et où l’on est dans un régime où les
hypothèses du modèle ne sont pas pénalisantes, l’écoulement turbulent moyen peut être bien prévu
en utilisant une approche RANS. Celle-ci est d’ailleurs largement utilisée industriellement pour par
exemple décrire les caractéristiques globales (taux de compression/rendement en fonction du débit)
d’une turbomachine et pour son optimisation.
Cependant, dans certains cas, cette approche est mise en défaut [53, 70] et c’est là que la Simulation
des Grandes Echelles (LES en anglais) pourrait peut-être donner des éléments de réponses additionnels.
La LES consiste à résoudre une partie de la turbulence et par conséquent à modéliser une part moins
importante de l’information. Les résultats sont alors d’une plus grande richesse en terme de physique
résolue. Évidemment, un tel gain sur la richesse des phénomènes physiques pris en compte se traduit
par un coût de calcul plus important que le RANS (mais toutefois notablement inférieur à la DNS).

F IGURE II.2 – Représentation du filtrage des échelles turbulentes dans l’espace spectral

Le concept de base de la LES, comme illustré sur la figure II.2, est d’introduire une séparation des
échelles turbulentes par un filtrage des équations à résoudre. Les échelles spectrales inférieures à kc ,
c’est-à-dire les échelles spatiales les plus grandes seront résolues. En revanche, les petites échelles spa-
tiales (de tailles spectrales supérieures à kc ) sont modélisées. La théorie de la cascade de turbulence
revient à considérer que la turbulence de la zone inertielle proche de la zone dissipative a un compor-
tement plus universel et qu’elle tend vers l’isotropie. La contribution de ces petites échelles peut alors
être modélisée par un simple ajout de viscosité (appelée viscosité turbulente de sous-maille). Cette
modélisation implique, outre l’isotropie de la turbulence, l’absence de phénomènes de backscatter des
structures modélisées vers les structures simulées et ne permettra donc pas de prendre en compte ces
effets.

33
2.3.1 Opérateur de filtrage
La LES se base donc sur la définition de variables filtrées. La variable filtrée f issue de la variable f
est obtenue mathématiquement en prenant la convolution de f par une fonction de filtrage G :

f =G⋆f (II.20)

Toute variable f peut alors être décomposée de la façon suivante :

f = f + f′ (II.21)

où f représente la partie résolue de f et f ′ la composante filtrée qu’il faudra modéliser. Toutefois ce


filtrage est mal adapté aux équations de Navier-Stokes car il ajoute aux équations filtrées des termes
inconnus. De façon analogue à l’approche RANS, un filtrage e. pondéré par la masse volumique du fluide
est introduit :
ρf
fe = (II.22)
ρ
La décomposition de la variable f en partie résolue et partie modélisée s’écrit alors :

f = fe + f ′′ (II.23)

Les équations de Navier-Stokes sous leur forme filtrée se réécrivent alors ainsi :

∂ρ ∂(ρe ui )
+ = 0 (II.24)
∂t ∂xi
∂(ρe
ui ) ∂(ρe
ui u
ej ) ∂p ∂e
τij ∂τ tij
+ + = + (II.25)
∂t ∂xj ∂xi ∂xj ∂xj
∂ρEe e
∂ρEe uj ∂pe uj ∂e
τij u
ei ∂ qei ∂τ tij u
ei ∂q t
+ + = − + − i (II.26)
| ∂t
{z } ∂xj ∂xj ∂xj ∂xi ∂xj ∂xi
| {z } | {z } | {z }
termes instationnaires termes non−visqueux termes visqueux termes de sous−maille

Il apparaît alors les termes dit de sous-mailles q ti et τ tij :

ρνsgs C p ∂ Te 1
q ti = − τ tij = 2ρνsgs Seij + τ tkk δij (II.27)
P rt ∂xi 3
avec :  
1 ∂e
ui ∂e
uj 1 ∂e
uk
Seij = + − δij (II.28)
2 ∂xj ∂xi 3 ∂xk
q ti et τ tij représentent le flux de sous-maille et le tenseur de Reynolds de sous-maille. Ces équations font
intervenir le nombre de Prandtl turbulent P rt qui est supposé constant dans le cadre de cette étude
(cette hypothèse n’est pas toujours faite en LES [4]) et le terme νsgs (sgs pour “sub-grid scale”) qui est
la viscosité turbulente de sous-maille.
Ces équations reposent sur un filtrage des variables. Il faut donc imposer un filtre, de type et de taille
donnés, sur le champ pour séparer la partie filtrée de la partie résolue. On pourra citer par exemple les
filtre Gaussien ou Box hat. Cependant, dans la pratique, aucun filtre explicite n’est imposé et le filtrage
des variables est imposé par le maillage (la taille du filtre en un point est donc la taille locale des
mailles). En effet, les structures de grande taille relativement à la taille de maille pourront être résolues
alors que celles de taille inférieure ne pouvant être représentées par la discrétisation spatiale imposée,
vont être modélisées. La contribution de cette partie filtrée est alors modélisée par ce que l’on dénomme
le “modèle de sous-maille”.
Les modèles de sous-maille conventionnellement utilisés en LES ont une formulation relativement
simple en comparaison aux modèles de turbulence utilisés en RANS. Mais cette plus grande approxima-
tion du modèle est acceptable du fait que la part modélisée par le modèle de sous-maille est nettement
inférieure à celle du modèle de turbulence RANS, et donc moins influente sur le résultat final.
Dans la suite est décrit le modèle de sous-maille le plus couramment utilisé : le modèle de Smago-
rinsky. Évidemment, il existe de nombreux autres modèles de sous-maille disponibles dans la littérature

34
tel que le modèle de WALE (Wall-Adapting Local Eddy-viscosity) de Nicoud et al. [76] spécialement dé-
veloppé pour les écoulements proche paroi. Il existe aussi des modèles de sous-mailles plus complexes
utilisant par exemple des équations de transport [29].
Afin de pouvoir capturer les structures de tailles suffisamment petites, la LES demande un maillage
plus fin que le RANS. En effet, le modèle de sous-maille est supposé agir pour les échelles proches de
la zone dissipative, donc si le maillage est trop lâche, on s’éloigne du domaine de validité du modèle
de sous-maille. Il apparaît de plus une forte dépendance des résultats de simulation LES au maillage
utilisé, la notion de convergence en maillage devient alors très différente du RANS et moins évidente.

2.3.2 Modèle de sous-maille de Smagorinsky

Dans la majorité des approches LES, le filtrage spatial des variables est basé sur une dimension locale
de maille ∆ prise égale à la racine cubique du volume de maille, suivant la proposition de Deardoff [28] :
p
∆ = ∆cub = 3 ∆x∆y∆z (II.29)

Comme souligné précédemment, un des modèles de sous-maille les plus utilisés est celui de Smago-
rinsky [94]. Ce modèle est basé sur un schéma de longueur de mélange. La viscosité de sous-maille νsgs
de Smagorinsky s’écrit :
2 q
νsgs = CSmago ∆ 2Seij Seij (II.30)

La constante CSmago = 0, 18 est calibrée pour fournir le bon niveau de dissipation d’énergie ciné-
tique pour une turbulence homogène isotrope. Cependant pour des applications réelles cette valeur est
connue pour rendre le modèle de sous-maille trop dissipatif. Cette effet peut être contré en ajustant la
valeur de la constante à une valeur de :

CSmago = 0, 09 (II.31)

Notons qu’une amélioration dite dynamique de ce modèle [45] existe aussi qui consiste à adapter
en fonction de la position spatiale et temporelle la valeur de la constante CSmago . Mais cette version du
modèle n’a pas été utilisé dans notre étude.

2.3.3 Problématique du filtrage et du rôle du maillage

Les équations de Navier–Stokes filtrées présentées plus haut reposent sur l’hypothèse que le filtre
appliqué commute avec les opérateurs de dérivées spatiales. En réalité, il a été montré qu’une taille de
filtre non homogène introduit une erreur de commutation [44].
Par ailleurs, un second aspect lié au filtrage est que les modèles de sous-maille sont calibrés en sup-
posant un filtrage isotrope de la turbulence. Or, dans cette étude, aucune fonction de filtrage spatiale
explicite n’est appliquée : le filtrage repose uniquement sur le maillage lui-même. En pratique, l’aniso-
tropie du maillage implique donc que les longueurs d’ondes de coupure sont différentes dans chaque
direction. Ceci est en contradiction avec l’hypothèse que les échelles modélisées sont isotropes. Toute-
fois, sur les applications traitées ici et vu les tailles de mailles, il est probable qu’au niveau de la coupure
les échelles résolues ne sont pas isotropes.
De plus, une notion connexe à la notion de filtrage, mais potentiellement décorrélée, est liée à
l’échelle de longueur intervenant dans le modèle sous-maille. Dans notre approche, cette échelle est
celle associée à la taille de maille locale. Ainsi, quand on raffine le maillage, les erreurs numériques
sont réduites, mais aussi la part de turbulence résolue augmente. Ceci induit donc un problème de
définition de la convergence en maillage. En théorie, il est possible d’imposer l’échelle de longueur
pour le modèle de sous-maille de manière indépendante du maillage. Cela permettrait d’étudier l’effet
du raffinement en maillage et de s’intéresser uniquement aux erreurs numériques (l’effet du modèle
de sous-maille ne dépendant plus de la taille des mailles). Si l’échelle de longueur utilisée pour le
modèle se trouve bien dans la zone inertielle du spectre de turbulence (et si cette région existe pour
des écoulements complexes, ce qui reste à démontrer), alors les structures turbulentes qui tendraient à
se développer sur un maillage plus fin devraient être dissipées par le modèle de sous-maille.

35
2.4 Méthodes hybrides RANS - LES
La LES visant à résoudre les grandes échelles de l’écoulement, elle est notablement plus sensible à
la discrétisation spatiale et temporelle que le RANS. Par conséquent, les pré-requis pour une simulation
LES, en terme de qualité et résolution de maillage (particulièrement dans les couches limites attachées)
sont beaucoup plus élevés. En effet, de nombreuses études ont permis de fixer une discrétisation mini-
male pour chacune des approches afin de reproduire correctement la physique aux parois. Ces critères
de taille locale de maille sont rappelés dans le tableau II.3 : on constate bien que la résolution requise
par la LES est nettement plus importante que pour le RANS.

di
ecourection
lem
ent
N+
RANS LES
∆S + 350 100
T+ S+ ∆N + 1 1
∆T + 1000 20
par
oi

F IGURE II.3 – Tailles caractéristiques de maille dans les zones proches paroi suivant la modélisation
adoptée [78, 97].

Ce constat est d’autant plus pénalisant car en LES la grande sensibilité au maillage interdit d’avoir
une croissance de taille entre deux cellules consécutives trop importante. En effet, différentes études
montrent que un rapport d’évolution de taille de maille de 1, 2 est acceptable en RANS alors qu’en LES
un rapport de 1, 05 est préférable.
Pour une configuration turbomachine, la différence est encore plus flagrante étant donné le nombre
important de parois. De plus, cet effet est amplifié du fait de la présence de parois perpendiculaires entre
elles, imposant ainsi des critères limitants suivant deux directions (les normales aux parois respectives).
Il faut de plus être conscient qu’un tel raffinement de maillage impose aussi la nécessité d’une
discrétisation temporelle suffisante pour pouvoir capturer correctement les phénomènes “simulables”
par le maillage (via la condition CFL) et donc un coût d’autant plus élevé.

couche limite
zone interne
zone externe
nombre de points

9
~10

6
~10

nombre de Reynolds

F IGURE II.4 – Dépendance au nombre de Reynolds du nombre de points nécessaire à la discrétisation


de la couche limite en LES d’après Piomelli [78]

Du fait de ces exigences très élevées, avec les moyens informatiques actuels, l’utilisation de la LES
est encore inenvisageable dans beaucoup d’applications.
En effet, comme le montre la figure II.4, le nombre de points nécessaire à la discrétisation de la
couche limite en LES est fortement dépendant du nombre de Reynolds de l’écoulement. Chapman [15]

36
a notamment étudié les besoins en maillages pour les zones interne et externe de la couche limite sépa-
rément. Il a estimé que le nombre de points nécessaire pour la couche limite externe, où les structures
d’intérêt sont de l’échelle de l’épaisseur de couche limite, varie en Re0,4 . La zone interne de la couche
limite, où les effets visqueux sont prépondérants, est quant à elle beaucoup plus exigeante, sa dyna-
mique étant dominée par des structures quasi longitudinales dont les dimensions sont de l’ordre de
∆S + ≃ 100 et ∆T + ≃ 20. Le nombre de points pour la résolution de la couche limite interne évolue
alors en Re1,8 pour bien résoudre la sous-couche visqueuse.
Pour des applications turbomachine, le nombre de Reynolds est de l’ordre de 106 (représenté par le
trait pointillé rouge vertical sur la figure II.4). Á un tel nombre de Reynolds, 99% des points sont utilisés
pour résoudre la couche limite interne qui ne représente pourtant que 10% de la hauteur de couche
limite.
C’est ce constat qui a poussé à se tourner vers des approches de modélisation de la couche limite
parmi lesquelles se positionnent les approches hybrides RANS/LES. En effet, ces approches permettent
de combiner les capacités de la LES en termes de précision de simulation de la turbulence, avec les
coûts plus raisonnables de l’approche RANS pour la résolution pariétale.
La philosophie de ce type de méthodes est de traiter certaines zones de l’écoulement en RANS et les
régions où la turbulence joue à un effet déstabilisateur sur l’écoulement en utilisant une formulation
LES. On distingue alors deux familles de méthodes hybrides : les méthodes zonales et les méthodes
globales. Dans le cas d’une approche zonale, les zones RANS et LES sont traitées par des modèles
différents, tandis qu’une formulation unique est utilisé dans les deux régions pour une approche globale.

2.4.1 L’approche loi de paroi (WMLES)

La LES avec modèle de paroi (WMLES pour Wall Modeled LES) est une approche hybride RANS-LES
qui a fait l’objet de nombreuses études [73]. Ces études ont cependant principalement porté sur des
géométries simples et des écoulements incompressibles.
L’approche WMLES consiste à résoudre les équations LES jusqu’à la paroi avec un maillage déli-
bérément grossier près de la paroi, composé de cellules de forme quasiment isotrope. Les critères de
construction du maillage sont basés sur la discrétisation des structures turbulentes de la région externe
qui se situent au dessus de ∆N + ≈ 100. Le maillage WMLES ne discrétise pas les structures de la
zone tampon et de la sous-couche visqueuse. Le fait de ne pas résoudre ces structures turbulentes est
justifié par le fait que les structures de la région externe peuvent être simulées indépendamment de la
zone tampon. Cependant, il a été montré que ces approximations peuvent conduire à l’apparition de
structures turbulentes non-physiques en forme de streaks de grande taille appelées superstreaks [77].
Du fait de la grande dimension des cellules utilisées en WMLES, le profil de vitesse ne peut plus être
considéré linéaire à l’intérieur des cellules adjacentes à la paroi, une modélisation des flux pariétaux est
alors nécessaire. On distinguera deux types de modèles de paroi, les modèles analytiques et les modèles
numériques. Pour les modèles numériques, une modélisation de la turbulence est nécessaire.
Les modèles de paroi que l’on qualifie ici d’analytiques sont constitués d’équations donnant explici-
tement le frottement pariétal, ou pouvant être facilement résolues par une méthode de point fixe ou de
Newton. En conséquence, le coût de calcul pour résoudre un modèle de paroi analytique est négligeable
comparé au coût de calcul d’une itération d’un calcul LES résolu jusqu’à la paroi. Cependant, ce type
de modèle est souvent dépendant de plusieurs paramètres à déterminer qui peuvent être fortement
dépendants du type de configuration simulée et qui ont un impact important sur les résultats.
Pour enrichir le contenu physique des modèles de paroi analytiques, Balaras et al. [2] ont été les pre-
miers à résoudre les équations URANS de couche limite (équations TBL), qui sont une version simplifiée
des équations URANS pour les écoulements en couche mince. Contrairement aux modèles analytiques
dont la résolution est quasiment immédiate, les équations TBL nécessitent la mise en œuvre d’une mé-
thode numérique de résolution plus lourde, d’où le nom de modèle de paroi numérique. En termes de
coût de calcul, le fait de ne pas résoudre le champ de pression des équations TBL constitue le principal
argument justifiant l’intérêt d’une telle modélisation de la paroi par rapport à un calcul LES résolu jus-
qu’à la paroi. En fonction de la complexité choisie pour la construction du modèle résolu proche de la
paroi, le coût d’une telle approche peut s’avérer relativement important.

37
2.4.2 La DES
La DES (pour Detached Eddy Simulation), initialement introduite par Spalart et al. [101] (couram-
ment appelée DES97), a pour idée de traiter différemment les zones proche paroi (les couches limites)
et les zones décollées. En effet un traitement RANS dans les couches limites, en modélisant l’intégra-
lité des échelles turbulentes, permet de s’affranchir des fortes contraintes de résolution en maillage
nécessaires à la LES dans ces régions (cf. tableau II.3). Il faut toutefois s’assurer de ne pas dégrader le
maillage dans la zone qui est destinée à être résolue en LES [98].
Cet avantage est d’autant plus profitable en turbomachine, et particulièrement pour un compresseur
centrifuge dont la géométrie complexe et confinée fait apparaître de nombreuses zones considérées
“proche paroi” : en effet les géométries complexes des pales, du moyeu et du carter, combinées avec
une forte réduction de la hauteur et une importante ouverture azimutale de la section imposent un raf-
finement important dans les deux directions orthogonales à l’écoulement. Par conséquent, la simulation
DES d’une telle configuration est d’un fort intérêt en terme de réduction de coûts informatiques.
La formulation de la DES repose sur l’utilisation d’un modèle global de turbulence de type RANS à
travers la modification de l’échelle de longueur caractéristique LRAN S (par exemple la distance dw à la
paroi la plus proche dans le cas du modèle de Spalart–Allmaras) de la façon suivante :
LDES = min(LRAN S , CDES ∆) (II.32)
Avec CDES une constante du modèle et ∆ le filtre spatial imposé par le maillage :
∆ = ∆max = max(∆x , ∆y , ∆z ) (II.33)
En raison des forts gradients de vitesse normaux à la paroi dans les couches limites, le maillage
est plus raffiné dans cette direction que dans les directions longitudinale et transverse. On a alors
LRAN S < CDES ∆ , par conséquent le modèle adopte un comportement de type RANS.
Au contraire, loin de la paroi on a bien LRAN S > CDES ∆ et donc la viscosité turbulente imposée par
le modèle devient dépendante de la taille locale de maille, ce qui correspond bien à un comportement
de modèle de sous-maille LES.
Cette stratégie de modélisation a pour but d’assurer un traitement RANS dans les couches limites
attachées, tandis que les écoulement détachés sont traités en LES une fois suffisamment loin des parois.
Cependant, il apparaît entre ces deux régions une zone de transition dans laquelle on a LRAN S ≈
CDES ∆. Cette zone, classiquement dénommée “zone grise”, est traitée avec un formalisme ne pouvant
être apparenté ni à de la LES, ni à du RANS. Le problème de son positionnement est une des difficultés
majeures associées à l’emploi de la DES.
Le modèle DES basé sur le modèle de turbulence de Spalart–Allmaras est présenté dans l’annexe B.5.
L’approche DES a été utilisée pour de nombreux travaux couvrant un large spectre d’applications
allant de configurations académiques telles que la simulation de l’écoulement sur une plaque plane
[14], autour d’un cylindre [104], d’une sphère [21] ou d’une marche descendante [105], jusqu’à des
cas plus complexes comme des profils à fortes incidences [90] ou un train d’atterrissage [103].
On voit aussi depuis peu quelques applications de la DES pour les turbomachines tels que les tra-
vaux de Borello et al. sur des compresseurs axiaux et plus particulièrement sur l’étude des écoulements
de jeu [6, 5], on retrouve aussi les papiers de Tucker et al. [109, 111] synthétisant un large échan-
tillon de simulations DES (utilisant d’ailleurs une variante de la DES consistant à ne pas imposer de
modèle de sous-maille dans la zone LES) réalisées sur diverses configurations (jet impactant [38], jet
coaxiaux [40], canaux de refroidissement [71, 25], pales de turbine [39], compresseur, etc...).

Problème de la zone grise


La position de la “zone grise” est uniquement déterminée par le degré de discrétisation du maillage
par rapport à la distance à la paroi la plus proche : plus le maillage sera raffiné, plus cette zone sera
proche de la paroi.
Comme on peut voir sur la figure II.5, on peut se trouver dans trois cas de figure en fonction de la
résolution du maillage. Pour le cas d’un raffinement de type RANS (a), c’est-à-dire des mailles proche-
paroi avec un fort rapport entre la direction normale (bien discrétisée) et les directions transverses
(faiblement discrétisées), la couche limite sera entièrement traitée en RANS et la zone grise sera située
à l’extérieur de celle-ci, pour finalement passer en LES dans la zone hors couche limite. Il s’agit là du
comportement naturel de la DES.

38
(a) (b) (c)

LES

LES

LES
couche limite

RANS

RANS
paroi
F IGURE II.5 – Exemples de type de discrétisation du maillage : (a) RANS, (b) ambiguë, (c) LES

+
Á l’opposé, dans le cas d’un raffinement de type LES (c), c’est-à-dire respectant les critères (SLES ,
+ +
NLES , TLES ) définis précédemment, la DES fonctionnera en mode LES dès la paroi car la discrétisation
du maillage sera suffisante pour retrouver la bonne représentation de la couche limite.
En revanche, dans le cas d’une discrétisation “ambiguë” (b) la localisation de la zone grise sera
plus problématique. En effet celle-ci, comme on peut le voir, va être située directement dans l’épaisseur
de la couche limite qui sera alors en partie traitée en LES. Toutefois la discrétisation du maillage est
insuffisante pour compenser la diminution de la viscosité turbulente et ainsi résoudre les phénomènes
turbulents ; il en résulte une sorte de relaminarisation de la région externe de la couche limite. Ce
problème est connu sous le nom de Modeled-Stress-Depletion (MSD) : du fait de la diminution des
tensions de Reynolds modélisées apparaît une diminution du frottement pariétal pouvant engendrer un
décollement non physique de la couche limite appelé Grid-Induced Separation (GIS) [74].
Afin de contourner ce comportement non physique de la DES, des méthodes telles que la ZDES et la
DDES ont été développées [87].

2.4.3 La ZDES
Dans le cas d’un écoulement où l’on connaît a priori la position des zones où se développe la turbu-
lence ou de décollement de la couche limite, par exemple lorsqu’il est imposé par des aspects géomé-
triques (comme une marche descendante ou un culot franc) ou un gradient de pression (sur un profil
par exemple), il est possible de savoir les zones à traiter en RANS et celles à simuler en LES.
Afin de tirer part de cet avantage, Deck [31] a introduit la Zonal DES (ZDES). Le concept est de lais-
ser à l’utilisateur le soin de déterminer préalablement des zones où la méthode va fonctionner en RANS
et celles qui seront traitées suivant une approche de type DES. Dans le cas d’un décollement imposé
par une singularité géométrique, l’écoulement en amont de cette singularité est attaché et l’utilisateur
impose alors que cette région soit traitée en RANS. En revanche, l’écoulement en aval étant décollé, un
traitement DES est imposé. Dans les régions DES, le modèle peut alors commuter du mode RANS au
mode LES (ou inversement) au moyen de la relation II.32. Cependant, dans ces régions Deck a suggéré
d’adopter l’échelle caractéristique classiquement utilisée en LES basée sur le volume des cellules :

∆ = ∆vol = (∆x ∆y ∆z )1/3 (II.34)

De plus, les fonctions de correction proche paroi du modèle de Spalart–Allmaras sont explicitement
désactivées dans les zones (DES) en mode LES (mais pas en mode RANS) en posant :

fv1 = 1, fv2 = 0, fw = 1 (II.35)

Comme ∆vol ≤ ∆max , la transition de la zone RANS à la zone LES se produit plus rapidement et le
terme de destruction de viscosité turbulente est plus élevé permettant ainsi un développement plus
rapide de la turbulence à la sortie de la zone RANS.

39
Cette méthode a été validée sur des cas académiques tels que des écoulements sur des corps émous-
sés [34, 35] pour lesquels la définition des zones est relativement intuitive.
Cette approche a aussi été appliquée avec succès au calcul d’écoulements turbulents complexes tels
que l’écoulement sur un profil de type tri-corps [31, 33], le contrôle de mélange d’un jet propulsif [16,
17], et des écoulements de culot subsonique et supersonique [92, 93]. Elle a également montré des
résultats satisfaisants sur des simulations de tremblement de profil [8, 30], phénomène pour lequel le
point de décollement n’est pas fixé par la géométrie.
Dans la dernière version de la ZDES proposée par Deck [33], plusieurs modes DES (utilisant des lon-
gueurs caractéristiques et des fonctions d’amortissement pariétal adaptées) sont implantés pour prendre
en compte les décollements imposées par la géométrie ou un gradient de pression. Cette version a no-
tamment permis de réaliser une simulation du premier rotor du compresseur axial CREATE [80, 81].
Toutefois, cette méthode ne peut pas toujours être appliquée. En effet, elle nécessite une connais-
sance a priori de la physique de l’écoulement qui n’est pas forcément évidente et disponible. Lorsque
la position des zones décollées est difficilement identifiable, ou si elle varie fortement au cours du
temps, comme c’est le cas dans les écoulements dans les turbomachines, cette approche peut poser des
problèmes de mise en œuvre.
De plus, en ZDES, la transition brutale entre zone RANS et zone DES peut provoquer une disconti-
nuité au milieu du domaine qui n’est pas vraiment physique (bien qu’elle aide au développement des
instabilités turbulentes dans la zone LES).
Ces deux problèmes impliquent aussi que le choix par l’utilisateur de la position de la disconti-
nuité entre les zones RANS et DES peut avoir un impact sur les résultats obtenus. Par conséquent, une
stratégie permettant d’adapter automatiquement la position des zones RANS et LES aux évolutions de
l’écoulement paraît plus adaptée à une configuration de turbomachine.
Un problème de l’approche ZDES peut aussi être la complexité de la géométrie, en effet, dans le cas
d’une géométrie complexe telle qu’un compresseur centrifuge, la répartition des zones RANS et DES
peut être particulièrement fastidieuse. Par conséquent, là encore, une approche avec un changement
automatique de modélisation en fonction de critères physiques de l’écoulement est préférable.

2.4.4 La DDES
Spalart et al. [100] ont proposé une formulation modifiée de la DES dénommée DDES pour Delayed
Detached Eddy Simulation, afin d’éviter les problèmes de MSD lors de l’utilisation de maillages ambigus.
Cette nouvelle méthode est basée sur la reformulation du paramètre r du modèle de Spalart–Allmaras
(équation (B.8)) :
ν + νt
rd = p (II.36)
Ui,j Ui,j κ2 d2w
Dans la zone logarithmique d’une couche limite, rd est égal à 1 et il tend vers 0 à la frontière
extérieure de la couche limite. Ce paramètre est alors utilisé pour le senseur fd sur lequel repose la
méthode DDES : 
fd = 1 − tanh [8 × rd ]3 (II.37)
L’échelle de longueur caractéristique est modifiée à l’aide de ce senseur afin de préserver les couches
limites d’un éventuel traitement LES précoce :

LDDES = fd min (dw , CDES ∆) + (1 − fd )dw (II.38)


= fd LDES + (1 − fd )LRAN S (II.39)

Ainsi on retrouve bien dans les couches limites une longueur caractéristique LRAN S correspondant
à un comportement RANS. D’autre part, en dehors des couches limites, on retrouve la longueur carac-
téristique LDES de la DES97 (utilisant ∆max ).
Cette formulation présente l’avantage pour l’utilisateur d’être automatique dans le sens où la répar-
tition des zones RANS et LES s’adapte à la physique de l’écoulement résolu et donc ne nécessite pas de
le connaître a priori.
Il faut toutefois noter que cette stratégie peut générer des problèmes d’hystérésis sur les résultats. Il
a été rencontré dans certaines configurations [43] un effet d’histoire sur la solution en fonction de la
condition initiale utilisée. En effet, étant donné que le modèle utilise les paramètres physiques locaux
de la solution pour déterminer le type d’approche à utiliser, il peut arriver que le fait d’initialiser le

40
calcul avec une solution RANS empêche le déclenchement d’un régime LES à un endroit où il devrait se
développer des instabilités turbulentes.
Il est important de remarquer que l’échelle de longueur ∆max de la DDES est plus grande que celle
de la LES (∆cub ) ce qui peut provoquer un retard de développement des instabilités [16]. Certains
auteurs ont alors proposé une modification zonale de l’échelle de longueur de la DDES, notamment
Simon [91] qui, pour la simulation de l’écoulement autour d’un projectile, a utilisé ∆max autour du
projectile et ∆cub dans le sillage, ce qui a permis d’apporter un gain substantiel dans la description
des structures turbulentes existantes dans la zone décollée en aval du culot du projectile en accélérant
la “transition numérique” vers la turbulence et le développement de celle ci. Deck [32] a quant à lui
appliqué cette approche pour la simulation d’une tuyère en imposant une échelle de longueur ∆max à
l’intérieur de la tuyère et ∆cub à l’extérieur, ce qui a permis une résolution fine des ondes de pression et
de la dynamique des structures tourbillonnaires présentes dans la couche de mélange issue de la lèvre
de la tuyère.
Ainsi combiner l’échelle de longueur ∆cub à la DDES permet un gain significatif dans la résolution
des phénomènes turbulents. Toutefois, ces exemples présentent une sorte d’approche zonale demandant
à nouveau à l’utilisateur de spécifier le traitement choisi pour chaque zone.
Pour remédier à cela il existe une variation de la DDES, la DDES2, introduite par Riou [82], qui
permet de modifier l’échelle de longueur de façon automatique grâce à une redéfinition de la fonction
senseur fd (équation (II.37)) imposant au delà d’une valeur seuil fd0 un fonctionnement avec ∆cub
(ainsi qu’une modification des fonctions d’amortissement du modèle Spalart–Allmaras). Cette valeur
seuil fd0 a été calibrée sur des calculs de couche limite se développant sur une plaque plane et validée
sur un cas de marche descendante [82]. La DDES2 a aussi été validée sur des cas plus complexes tel
que le décrochage sur une gouverne de missile [82, 83, 84].

3 Bilan sur les méthodes de modélisation de la turbulence en tur-


bomachine
La complexité phénoménologique de la turbulence la rend particulièrement compliquée à modéliser
et critique pour la simulation numérique des écoulements en turbomachine. C’est pourquoi une grande
variété de méthodes de modélisation a été développée allant du RANS où la turbulence est intégrale-
ment modélisé jusqu’à la LES dont l’objectif est de diminuer la part de modélisation en résolvant les
grosses structures turbulente et ne modélisant que les plus petites structures proches de la zone dissi-
pative. Cependant, une telle réduction de la part modélisée s’accompagne d’une augmentation du coût
de calcul, rendant l’approche LES encore difficilement utilisable dans un contexte industriel avec les
moyens de calcul actuels. C’est pourquoi, de nombreuses approches hybrides ont été proposées pour
tirer parti à la fois du coût réduit du RANS et du gain en terme de reproduction de la turbulence en
LES.
Comme il a été souligné précédemment, les différentes méthodes RANS, LES et hybrides ont chacune
leurs limitations et avantages propres.
De nombreuses études ont ainsi été réalisées en RANS et URANS sur des configurations turboma-
chines et plus particulièrement sur les compresseurs centrifuges et notamment le compresseur haute
pression choisi pour cette étude [85, 10, 9].
Il apparaît aussi dans la littérature un intérêt croissant pour la LES et les approches hybrides
RANS/LES. Cependant, le nombre d’applications de ces méthodes en turbomachines est encore limité.
La LES a notamment été employée pour étudier des problématiques de transferts thermiques parié-
taux sur des redresseurs de turbines axiales [4, 19, 36] puisque ceux-ci sont particulièrement sensibles
à l’état (turbulent ou non) de la couche limite. On trouve aussi plusieurs applications concernant la
simulation d’aubes de rotor axiaux [46, 60, 81, 115] qui se focalisent cette fois ci sur l’étude du déve-
loppement des structures turbulentes dans les écoulements de jeu et le sillage et leur évolution tempo-
relle. Dernièrement, quelques applications à des configurations d’étages de compresseurs axiaux ont été
publiées [26, 49, 56, 72] : ces études permettent non seulement d’étudier le développement de la turbu-
lence pariétale, des sillages et des écoulements de jeu mais d’apporter des informations supplémentaires
sur le rôle de la turbulence dans les interactions rotor/stator.
En ce qui concerne les compresseurs centrifuges, les applications se font plus rares et sont principa-
lement sur des configurations de rouets isolés basse vitesse à faible taux de compression [58, 57, 73].

41
Par conséquent, il existe un réel manque d’études des différentes approches de modélisation de la
turbulence sur des configurations de compresseurs centrifuges, particulièrement sur les compresseurs
centrifuges à fort taux de compression destinés à l’industrie aéronautique. C’est dans ce contexte que
cette étude propose de comparer les approches RANS, DDES et LES sur le cas d’un compresseur centri-
fuge transsonique à fort taux de compression (présenté dans la partie 3).

42
Chapitre III

Mise en place des simulations


numériques

Contents
1 Géométries retenues pour l’étude numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
1.1 Configuration étage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
1.2 Roue inductrice du compresseur isolée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2 Réalisation des maillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1 Best-practices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1.1 RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1.2 LES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.1.3 Approches hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.2 Maillages utilisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3 Code de calcul elsA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.1 Présentation du code elsA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.2 Conditions limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.3 Interface rotor/stator (RANS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.4 Schéma numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4 Pré-traitement et post-traitement des calculs : la librairie Antares . . . . . . . . . . 50
5 Analyse des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.1 Mesures expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.2 Calcul des grandeurs caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
5.3 Surfaces d’analyse de l’écoulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

1 Géométries retenues pour l’étude numérique


Les géométries utilisées pour les simulations numériques sont inspirés du compresseur présenté dans
la partie I.3 du premier chapitre. La configuration avec un moyeu non-axisymétrique (figure I.15) et la
plus grande taille de jeu [9] a été choisie.
Dans un premier temps des simulations numériques RANS ont été effectuées sur un domaine de
calcul comprenant le rouet centrifuge et le diffuseur radial.
Cependant le traitement de l’interface rotor/stator est problématique pour les simulations LES et
hybrides RANS/LES. En effet, sur ce compresseur, les nombres de pales du rouet et du diffuseur radial
sont premiers entre eux. Or, au moment de la réalisation de ces travaux, aucune condition d’interface
n’est disponible dans elsA pour prendre en compte des configurations avec des nombres de canaux non-
proportionnels entre le rotor et le stator en utilisant une condition de péridicité. La seule solution pour
simuler ce type de configurations est donc de faire une simulation de l’intégralité (360°) du rotor et
stator, ce qui serait beaucoup trop coûteux et n’est pas encore envisageable.

43
C’est pourquoi une configuration géométrique modifiée a été mise en place pour ne pas avoir d’inter-
face rotor/stator à traiter en ne prenant en compte que le rouet centrifuge isolé. Des simulations RANS
ont alors été effectuées sur cette configuration et comparées aux résultats obtenus sur la configuration
avec le diffuseur radial pour s’assurer que cette simplification géométrique ne modifie pas drastique-
ment l’écoulement au sein du rotor. Cette configuration rouet isolée a ensuite été utilisée pour toute les
simulations LES et hybrides.
Il faut noter que l’ogive amont et ses bras de support (figure I.14) ne sont pas pris en compte dans
les différentes simulations.

1.1 Configuration étage


Afin d’être le plus proche possible de la géométrie expérimentale pour la validation des calcul RANS,
les simulations ont été effectuées sur le domaine représenté sur la figure III.1 prenant en compte dans
le calcul le rouet centrifuge et le diffuseur aubé.

F IGURE III.1 – Vue tridimensionnelle et section méridienne de la géométrie de la configuration étage, le


domaine de calcul utilisé pour la simulation est représenté en rouge.

Sur le banc expérimental, le diffuseur radial est suivi d’un coude à 90° qui permet de redresser la
veine suivant la direction axiale, et d’un redresseur axial fixe visible sur la figure I.14 afin d’éliminer la
composante giratoire de l’écoulement. Dans les simulations numériques, le coude est pris en compte ;
par contre la roue de stators axiaux est remplacée par une veine lisse pour simplifier le maillage.
Le raccord entre la partie tournante et la partie fixe au niveau du moyeu est réalisé via des entrefers
dans les expériences, ces entrefers sont modélisés dans la simulation en imposant une évolution linéaire
de la vitesse de rotation pariétale entre la partie fixe et la partie mobile du moyeu.
Pour la simulation, seul un motif périodique du rouet et du diffuseur sont pris en compte comme
représenté en rouge sur la figure III.1. Ce motif est composé pour le rouet d’une aube principale et d’une
aube secondaire. L’évolution périodique du moyeu dans le virage axial-radial du rouet (figure I.15) est
donc bien prise en compte. Dans le stator, une seule aube est simulée.

1.2 Roue inductrice du compresseur isolée


Pour ne pas avoir à se soucier de la modélisation de l’interface rotor/stator en LES, une configuration
géométrique avec le rouet isolé a été utilisée pour les simulations. Dans cette configuration représentée
sur la figure III.2, le diffuseur radial aubé a été remplacé par un diffuseur radial lisse avec un rétrécisse-
ment progressif de la hauteur de veine pour compenser l’augmentation en rayon. La sortie du domaine
de calcul est donc radiale et est située à environ une demi-corde en aval du bord de fuite du rotor.

44
F IGURE III.2 – Vue tridimensionnelle et section méridienne de la géométrie de la configuration rouet
isolé, le domaine de calcul utilisé pour la simulation est représenté en rouge.

L’entrée du domaine est placée en un plan de coordonnée axiale x constante. Le col de cygne né-
cessaire pour le raccord avec l’ogive visible sur la figure I.14 est pris en compte dans le calcul. Dans un
premier temps, ce plan a été placé loin en amont (environ 1,2 corde moyenne de la pale principale) afin
de limiter l’impact de la condition d’entrée sur l’écoulement dans le rouet. Cependant, afin de réduire la
taille du maillage pour les calculs LES, la condition limite amont a été rapprochée à environ une demi-
corde du bord d’attaque de la pale principale. Cette distance a été fixée en vérifiant que à cette position
la distorsion azimutale du champ due au choc de bord d’attaque de la pale principale est négligeable.
De plus, pour s’assurer que cette modification géométrique avait un effet minimal sur les calculs, le
profil radial moyen obtenu en ce plan avec les simulations RANS avec un long domaine amont a été
réutilisé comme condition d’entrée. Un calcul préliminaire a toutefois été effectué pour s’assurer que ce
raccourcissement du domaine amont ne changeait pas les résultats et que les couches limites moyeu et
carter avaient quand même le temps de se développer correctement.

2 Réalisation des maillages


Le domaine de calcul doit être spatialement discrétisé pour la simulation numérique. Les diffé-
rentes approches de modélisation de la turbulence n’ont pas la même sensibilité au maillage utilisé.
Notamment la LES et par extension l’approche hybride RANS/LES sont particulièrement sensibles à la
discrétisation spatiale puisque la quantité d’information résolue et modélisée est directement liée à la
discrétisation spatiale.

2.1 Best-practices
2.1.1 RANS
Pour une modélisation de type RANS, la sensibilité au maillage est faible relativement aux autres
approches étudiées dans cette thèse. En effet, la turbulence est intégralement modélisée par le modèle
de turbulence et est donc a priori indépendante de la résolution spatiale. Il faut toutefois que le maillage
soit suffisamment raffiné pour résoudre correctement les différentes structures d’écoulement autres que
la turbulence telles que les couches limites (fort gradient normal à la paroi), les chocs, les écoulements
de jeu, les potentiels décollements... Par conséquent, il n’existe pas de règle bien définie pour la création
d’un maillage RANS autre que la nécessité d’avoir un ∆N + ≤ 1 sur les parois et un taux de croissance
de la taille de maille dans la direction normale à la paroi inférieur à 1, 2 pour capturer correctement
les couches limites. Il est ensuite au soin de l’utilisateur de s’assurer que le maillage est suffisamment
dense dans les zones où des hétérogénéités d’écoulement sont présentes.

45
2.1.2 LES

La problématique de discrétisation spatiale des zones proches des parois a déjà mentionné dans la
partie II.2.4. Comme énoncé par Spalart [97], la simulation numérique de la turbulence proche paroi
en LES peut être considérée comme de la quasi DNS étant donné que celle-ci serait environ seulement
dix fois moins coûteuse que la DNS. En effet, au sein de la couche limite (N + ≤ 100) se développent
dans la direction de l’écoulement moyen de nombreuses structures turbulentes de type "streaks" qu’il
est nécessaire de résoudre pour avoir une représentation correcte de la turbulence pariétale [15]. Ceci
impose alors de fortes contraintes pour le maillage dans les zones proche paroi [78] : ∆S + ≤ 100,
∆T + ≤ 20. La nécessité d’avoir ∆N + ≤ 1 est toujours présente en LES pour résoudre le gradient
normal à la paroi de la couche limite. Cependant, une évolution de la taille des cellules dans la direction
normale à la paroi avec un rapport de l’ordre de 1, 05 s’est montrée préférable en LES.
Loin des parois, comme pour les simulations RANS, il est important d’avoir un maillage suffisamment
raffiné pour résoudre correctement la topologie de l’écoulement dans la veine. D’autre part, en LES,
les grosses structures turbulentes doivent pouvoir être représentées par le maillage : Chapman [15]
recommande de résoudre au moins 90% de l’énergie cinétique turbulente. Ceci impose donc d’avoir un
maillage relativement fin dans la veine également. Il est ainsi primordial de vérifier a posteriori que le
maillage utilisé est bien adapté. Pour cela, plusieurs critères de qualité sont proposés dans la littérature
et seront étudiés lors de l’analyse des résultats de simulation.
Comme mentionné précédemment dans la section II.2.3.3, le modèle de sous-maille LES suppose
d’autre part que la turbulence filtrée et modélisée est isotrope. Le filtrage étant effectué directement par
le maillage, il faut s’assurer d’avoir des mailles aussi régulières que possible.

2.1.3 Approches hybrides

Les différentes approches hybrides ont chacune leurs spécificités pour la conception du maillage en
fonction du formalisme utilisé pour la modélisation proche paroi et peuvent être particulièrement sen-
sibles à la discrétisation spatiale comme il a été expliqué dans la section II.2.4. L’avantage de l’approche
DDES utilisée dans cette étude est qu’elle ne doit pas être confrontée au comportement pathologique
que peuvent avoir certaines approches hybrides pour des maillages ambigus dans la région proche paroi.
Comme l’écoulement dans les couches limites est résolu avec une approche RANS, les recommanda-
tions pour la discrétisation spatiale dans la région proche paroi sont les mêmes que pour un calcul RANS
classique. Pour la modélisation loin des parois, l’approche LES étant cette fois utilisée, on se retrouve
confronté aux besoins d’une LES classique énoncés précédemment. Étant donné que l’écoulement dans
les couches limites est résolu avec une approche RANS et que l’approche LES est utilisée loin des pa-
rois, il faut faire un compromis permettant de respecter au mieux les critères LES dans la veine tout en
offrant une plus grande flexibilité pour la discrétisation proche paroi.

2.2 Maillages utilisés


L’utilisation de maillages structurés a l’avantage de permettre d’avoir des cellules ayant des raffine-
ments spécifiques dans les trois directions de maillages privilégiées. Ceci est particulièrement intéressant
pour la discrétisation des couches limites.
Les maillages utilisés pour cette études sont donc des maillages structurés multi-blocs réalisés avec
le mailleur Autogrid de Numeca qui simplifie particulièrement la création de maillage pour les turboma-
chines. La géométrie biseautée des bords de fuites des pales de rouet est plus adaptée à une topologie de
type C6H alors que les pales de diffuseur ayant des bords de fuite profilés utilisent plutôt une topologie
O6H comme schématisé sur la figure III.3.
Grâce à cette topologie de maillage, le sillage des aubes de rouet est particulièrement raffiné puisque
la discrétisation des couches limites de l’aube est propagée en aval alors qu’elle n’est pas propagée en
amont, ce qui permet d’éviter de raffiner inutilement la zone amont. Toutefois, les précédentes études
sur ce compresseur ont montré la présence d’un choc proche du bord d’attaque de la pale principale
remontant en amont de celle-ci. Par conséquent, on s’est quand même assuré de garder une bonne
discrétisation de cette zone amont proche du bord d’attaque. D’autre part, un grand nombre de points
a été attribué à la résolution de la zone de jeu étant donné que les écoulements de jeu jouent un rôle
primordial dans le développement de la turbulence dans le sillage [57].

46
aube de aube de
rouet diffuseur

blocs
de jeu

F IGURE III.3 – Schéma des topologies de maillage structuré multi-bloc utilisées pour les aubes de rouet
et de diffuseur

Une des difficultés pour le maillage dans les compresseurs centrifuges est la différence de rapport
entre la hauteur et la largeur de veine entre l’entrée et la sortie du rouet. En effet, la veine est relati-
vement haute et étroite en entrée alors qu’elle est de faible hauteur et particulièrement large en sortie
du fait de l’augmentation de rayon. Ceci impose alors d’avoir un raffinement conséquent dans les deux
directions orthogonales à l’écoulement principal.
Dans l’optique d’une comparaison aussi exacte que possible entre la configuration rouet isolé et avec
diffuseur radial aubé, les maillages de la partie rotor ont été réalisés en gardant une distribution de
points identique pour les deux configurations.

Maillage M1 Maillage M2 Maillage M3


répartition des points dans le rouet
hauteur de jeu 69 points 73 points 93 points
hauteur de pale (hors jeu) 101 points 117 points 317 points
direction longitudinale de la pale principale 2 x 145 points 2 x 233 points 2 x 413 points
direction azimutale en sortie de rouet 257 points 473 points 601 points
répartition des points dans le diffuseur
hauteur de veine 121 points 145 points Ø
direction longitudinale de la pale 2 x 79 points 2 x 267 points Ø
direction azimutale en entrée de diffuseur 45 points 97 points Ø
nombre approximatif de points (en millions)
rouet isolé (avec convergeant) 8.8 26.7 165.5
étage (rouet + diffuseur) 8.8 (7.6 + 1.2) 26.5 (22.3 + 4.2) Ø

TABLE III.1 – Caractéristiques des maillages

Le tableau III.1 récapitule la répartition des points de maillage. Trois niveaux de raffinement de
maillage ont été utilisés (maillages 1, 2 et 3). Seuls les maillages 1 et 2 ont été réalisés sur les deux
configurations géométriques (avec et sans diffuseur radial aubé). On notera toutefois que le nombre
de points dans le maillage lorsque le diffuseur radial est pris en compte est quasiment le même que
dans le cas du rouet isolé. Ceci est dû au fait que dans la configuration sans diffuseur aubé celui-ci
est remplacé par un convergent (le nombre de points dans le convergent est compris dans le nombre
approximatif de points de maillage indiqué dans le tableau). Or la topologie de bloc en C autour de
l’aube de rotor impose que la forte discrétisation proche paroi se propage dans la région de sillage de
la pale et ainsi dans tout le convergent entraînant un nombre de points conséquent pour cette partie
(nombre de points avoisinant le nombre de points dans le stator lorsque celui-ci est maillé). Outre cette
différence, le maillage du rouet et donc la répartition des points indiquée dans le tableau sont les mêmes
pour les configurations avec et sans diffuseur aubé.
La figure III.4 présente des plans de maillage peu après le bord d’attaque et proche du bord de fuite

47
maillage M1 maillage M2

maillage M3

F IGURE III.4 – Visualisation des plans de maillage orthogonaux aux pales peu après le bord d’attaque et
proche du bord de fuite de la pale principale du rouet pour les trois types de discrétisation spatiale

de la pale principale du rouet pour les trois maillages. Les maillages 1 et 2 ont été utilisés pour les simu-
lations RANS afin d’évaluer le niveau de convergence en maillage sur des maillages de raffinement plus
important que ceux couramment utilisés pour de telles simulations. Les simulations avec des approches
hybrides et LES ont quant elles été effectuées sur les maillages 2 et 3, le maillage 1 étant trop grossier
pour ce type de modèle.
Dans la suite du manuscrit, on fera référence aux 3 maillages avec les dénominations M1, M2 et
M3 et la distinction entre la configuration composée uniquement du rouet isolé et celle comprenant le
rouet et le diffuseur sera faite en ajoutant la lettre R ou E (M1E est le maillage M1 pour la configuration
étage et M1R pour la configuration sans diffuseur).

3 Code de calcul elsA


3.1 Présentation du code elsA
Les simulations numériques ont été réalisées avec le code elsA (ensemble logiciel de simulation en
Aérodynamique) co-développé par l’ONERA et le CERFACS [13]. Ce code a précédemment été utilisé
pour les simulations numérique RANS et URANS réalisées au cours des différentes campagnes d’étude
sur le compresseur étudié. Il a aussi été largement éprouvé sur un grand nombre d’applications LES
et hybrides RANS/LES. D’autre part, les capacités du code elsA à effectuer des calculs massivement
parallèles ont déja été démontrées [54].
Ce code utilise une approche volumes finis "cell-centered" pour résoudre les équations de Navier-
Stokes 3D compressibles sur des maillages multi-blocs structurés. Une résolution dans le repère relatif

48
à chaque roue a été choisie pour les calculs (repère tournant dans le rotor et repère fixe dans le stator).

3.2 Conditions limites


parois Des conditions d’adhérence et de paroi adiabatique sont imposées. Les parties fixes du moyeu
dans le domaine en rotation (amont et aval du rouet) sont prises en compte en imposant une vitesse
non nulle à la paroi. Les entrefers sont alors modélisés par une évolution linéaire de la vitesse de la
paroi entre les parties fixe et mobile.

entrée La condition d’entrée consiste à imposer les grandeurs génératrices de l’écoulement que sont
l’enthalpie totale et la pression totale. La direction du vecteur vitesse est aussi précisée dans le calcul :
celle-ci est choisie axiale. Comme souligné auparavant, le profil d’évolution moyeu-carter obtenu dans
les calculs RANS est imposé dans les calculs LES et hybrides, étant donné que le domaine amont a été
raccourci pour ces calculs.

sortie Le point de fonctionnement visé est fixé via la condition limite de sortie. Pour cela, une condi-
tion de vanne est utilisée pour pouvoir décrire continûment l’intégralité de la plage de fonctionnement
de la machine (du blocage jusqu’au fonctionnement instable). Celle-ci va imposer une valeur de pression
uniforme à chaque itération en fonction du débit de sortie de l’itération précédente :
 2
QN
PN +1 = Pref + λ (III.1)
Qref
La relation entre débit et pression est alors déterminé via le triplet (Pref , Qref , λ). En pratique les
valeurs de pression Pref et de débit Qref de référence ont été fixées aux valeurs d’un point de blocage,
le coefficient de relaxation λ est alors adapté pour atteindre le point de fonctionnement voulu : une
augmentation de sa valeur mime la fermeture de la vanne déplaçant ainsi le point de fonctionnement
vers un point à débit plus faible.

périodicité spatiale Étant donné que seul un canal du rouet est simulé, des conditions de périodicité
spatiale par rotation autour de l’axe de la machine x sont imposées entre les frontière droite et gauche
du domaine. On fait donc l’hypothèse que l’écoulement au sein du rouet est périodique par canal et
ainsi aucun phénomène de longueur d’onde supérieure à la 2π/Ncanal ne pourra se développer dans
le calcul. Cette hypothèse est raisonnable pour un point de fonctionnement stable et ne gênera pas le
développement naturel de la turbulence qui couvre une plage de longueurs d’onde plus faibles.

3.3 Interface rotor/stator (RANS)


Pour les simulations RANS de la configuration étage, l’interface rotor/stator est prise en compte
grâce à une condition de type plan de mélange. Celle-ci implique une moyenne azimutale des grandeurs
transférées entre le rouet et le diffuseur. Le jeu de variables échangées est constitué par les invariants de
Riemann projetés suivant les directions caractéristiques. Les limitations de cette condition d’interface
sont importantes car aucune hétérogénéité azimutale (telles que les sillages du rouet, ondes de choc de
bord d’attaque du diffuseur, ...) ne peut être transférée d’un domaine de calcul à l’autre.

3.4 Schéma numériques


Un schéma de Roe avec un limiteur "minmod" a été utilisé pour les simulations RANS, l’avancement
en temps se faisant avec un schéma d’Euler rétrograde.
Pour les simulations LES et les simulations hybrides, plusieurs schémas numériques ont été testés
et c’est finalement un schéma AUSMP qui a été retenu pour toutes les simulations instationnaires. En
effet, il apporte un bon compromis en termes de dissipation et de stabilité des calculs. Notamment,
des schémas moins dissipatifs tel qu’un schéma centré d’ordre 4 ont été testés pour les simulations aux
grandes échelles mais malgré l’ajout de viscosité artificielle le calcul ne passait pas.
Un schéma de Gear avec 15 sous-itérations est imposé pour l’avancement en temps. Le pas de temps
est fixé pour respecter une condition de nombre CFL inférieur à un dans la majorité du domaine. Il en

49
résulte un nombre de 1140 et 1900 itérations par passage d’aube respectivement pour les maillages M2
et M3. Une étude de sensibilité des résultats au pas de temps et au nombre de sous-itération de Gear a
été effectuée sur le maillage M2 pour s’assurer d’un bon compromis entre coût de calcul et qualité de la
discrétisation temporelle.

4 Pré-traitement et post-traitement des calculs : la librairie An-


tares
La simulation numérique des compresseurs centrifuges présente plusieurs problématiques pour la
mise en place des calculs et l’analyse des résultats. D’une part, la complexité géométrique de la configu-
ration complique le travail d’analyse : il est nécessaire d’extraire des surfaces pour la visualisation ou le
calcul de grandeurs intégrées et de savoir isoler les blocs de rotor et de stator. D’autre part, l’utilisation
de méthodes instationnaires nécessite d’être capable de traiter plusieurs solutions instantanées d’un
calcul sur des maillages de tailles conséquentes.
En effet, pour les calculs réalisés, un champ instantané peut atteindre plus de 15Go répartis dans
plusieurs centaines de fichiers. Ceci rend non seulement impossible le stockage d’une grande quantité
de solutions, mais pose aussi des problèmes pour les transferts entre machines, le post-traitement et la
visualisation des résultats. C’est pour répondre à ces problématiques qu’a été développée en collabora-
tion avec Adrien Gomar la librairie Antares [47].
Antares est une librairie python orientée objet dont le but est d’aider au développement d’outil de
pré-traitement et post-traitement en apportant un certain nombre d’objets pour faciliter la mise en place
de procédures complexes.
La librairie a été pensée pour être simple d’utilisation et suffisamment flexible et générique pour
permettre de l’utiliser de façon similaire pour une grande variété d’applications. En effet, elle permet
de travailler sur des maillages 1D, 2D ou 3D, structurés et non-structurés, mono et multi-blocs, fixes
et déformables, avec stockage des valeurs aux nœuds ou aux centres des cellules. Elle peut aussi être
utilisée sur des signaux d’évolution temporelle issus de sondes. Cette diversité permet ainsi de créer des
procédures de post-traitement qui seront applicables de la même façon sur des résultats pouvant être
issus de codes de calcul différents ou même d’expériences.
De plus, cette librairie a été développée afin de permettre la création d’outils efficaces en termes de
consommation mémoire et temps d’exécution. Ce souci de performance a ainsi permis de développer
des outils utilisables directement sur le calculateur (soit directement sur la frontale, soit en lançant
un calcul mono-processeur de post-traitement, soit même en faisant le post-traitement en parallèle au
cours du calcul elsA) afin de limiter au maximum la quantité de donner à rapatrier sur les machines
internes et d’optimiser la visualisation et l’analyse.
La librairie Antares s’articule autour de trois types d’objets :
– l’interface de programmation ou API (pour Application Programming Interface)
– les traitements
– les entrées-sorties ou I/O (pour Input/Output)

Interface de programmation (API) L’interface de programmation regroupe des objets conteneurs


qui permettent à l’utilisateur de manipuler les données. Les principaux objets sont représentés sur la
figure III.5. Une Base correspond à une base de données d’un calcul ou d’une expérience. Celle-ci peut
contenir plusieurs Zones qui représentent par exemples les différents blocs dans un calcul structuré
multi-blocs, ou différentes sondes. Chaque Zone peut quant à elle contenir plusieurs Instants, ceux-ci
correspondant par exemple aux différents champs instantanés pour un calcul instationnaire. Enfin, les
variables sont stockées dans chaque Instant sous la forme de tableaux Numpy. Numpy est la librairie
python fondamentale pour le calcul scientifique. Elle permet de traiter efficacement des tableaux de
données de grande taille et propose déjà un grand nombre de fonctions de traitement, d’algèbre linéaire,
de traitement du signal et autres.
Les objets conteneurs mis à disposition dans Antares permettent ainsi d’effectuer efficacement des
opérations globales sur des bases de données volumineuses pouvant contenir un grand nombre de
zones à plusieurs instants. Un certain nombre d’opérations avancées sont déjà mises à disposition dans
Antares : ce sont les traitements.

50
Objet Antares Calcul à analyser

Base Calcul A

Zone Block0000 Block0001

Instant T0 T1 T0 T1

x, y, v x, y, v x, y, v x, y, v

F IGURE III.5 – Antares : Interface de programmation

Les traitements Les traitements sont des opérations haut-niveau déjà implantées et directement dis-
ponibles dans Antares via l’objet Treatment. Ces traitements prennent en général en entrée une Base et
renvoient la nouvelle Base contenant le résultat. Antares propose par exemple des traitements de type
géométrique (création de coupes, isosurfaces, masquage, interpolation, duplication...), de type topolo-
gique (extractions de ligne et nappe de maillage structuré, de condition limite, de famille...), d’analyse
du signal (transformée de Fourier, densité spectrale de puissance, décomposition dynamique de mode,
filtrage) et de post-traitement pour les simulations de type Harmonic Balance Technique.

Les entrées-sorties (I/O) Les entrées-sorties sont gérées par deux objets : Reader et Writer.
L’objet Reader permet de générer automatiquement des Base à partir d’informations contenues dans
un ou plusieurs fichiers (maillages, solutions de calculs, fichiers d’informations topologiques, sondes).
Au contraire, le Writer traduit les données d’une Base dans le format de sortie choisi afin de réutiliser
ces données avec un code de calcul, un outil de visualisation ou un autre outil de post-traitement.
Divers formats sont disponibles à la lecture et à l’écriture afin de pouvoir utiliser des résultats issus
de différents codes et de permettre de visualiser les résultats avec différents outils de visualisations.
Comme énoncé précédemment, une attention particulière a été apportée au différents objets d’API
pour les rendre facile d’utilisation pour un utilisateur novice. De surcroît, Antares a aussi été développé
de façon à rendre aisément accessible l’implantation de nouvelles fonctionnalités (tel qu’un nouveau
Reader, Writer ou Treatment) afin d’assurer une pérennité de la librairie.

5 Analyse des résultats


5.1 Mesures expérimentales
Les mesures expérimentales ont été effectuées lors des thèses de Rochuon [85], Bulot [10] et enfin
Buffaz [9]. Trois types de mesure sont disponibles :
– des mesures de pression statique moyenne au niveau du carter et du moyeu fixe : en amont du
rouet et en sortie du diffuseur radial
– des mesures de pression statique haute fréquence : dans le diffuseur lisse (entre le bord de fuite
du rouet et le bord d’attaque du diffuseur radial) et dans le passage inter-aubes du diffuseur radial
– des mesures de vitesse par anémométrie laser-Doppler (LDA) : aux plans représentés sur la fi-
gure III.6 (mesures de vitesses normale un et tangentielle aux plans uθ )
Les différentes méthodes de mesures sont décrites en détail dans les trois mémoires de thèse. Pour
la validation des simulations, des extractions similaires sont effectuées dans les différentes simulations
et comparés aux résultats expérimentaux.

51
F IGURE III.6 – Positions des plans de mesure par anémométrie laser-Doppler (LDA)

5.2 Calcul des grandeurs caractéristiques

Les principaux critères de comparaison entre simulations et expériences sont les évolutions des
grandeurs caractéristiques en fonction du débit des composants isolés ou de l’étage complet. Pour cela,
trois plans de mesure sont utilisés. Ceux-ci sont représentés sur la figure III.7 :
– le plan 1 est situé 23 millimètres en amont du bord d’attaque de la pale principale du rouet,
– le plan 2 est à mi-distance entre le bord de fuite des pales du rouet et le bord d’attaque des pales
du diffuseur radial,
– le plan 3 est placé un peu en aval du bord de fuite de l’aube du diffuseur radial.

F IGURE III.7 – Positions des plans pour le calcul des grandeurs caractéristiques

52
Les grandeurs caractéristiques couramment mesurées sur un compresseur sont le taux de pression
et le rendement calculés à partir des grandeurs statique et totale. Ceux-ci peuvent être calculés aux
différentes stations décrites précédemment. Les performances globales du module complet sont le plus
souvent évaluées à travers la capacité qu’a l’étage d’augmenter le niveau de pression statique grâce
aux grandeurs πs13 et ηs13 . L’objectif du rouet mobile est d’apporter de l’énergie au fluide sous forme
d’énergie cinétique et de pression, par conséquent les grandeurs totales πt12 et ηt12 sont le plus souvent
étudiées. Le diffuseur aubé permet quant à lui de transformer l’énergie cinétique disponible à la sortie
du rotor en pression, il est alors intéressant d’étudier le coefficient de récupération de pression statique
de celui-ci.
Ces grandeurs caractéristiques sont définies par les équations suivantes :
– le taux de pression et rendement totale-à-statique de l’ensemble rouet/diffuseur :
h γ−1
i
P s3 T t1 (π s13 ) γ
− 1
πs13 = ηs13 = (III.2)
P t1 T t3 − T t1
– le taux de pression et rendement isentropique total-à-total du rouet :
h γ−1
i
P t2 T t1 (πt12 ) γ − 1
πt12 = ηt12 = (III.3)
P t1 T t2 − T t1
– le coefficient de récupération de pression statique du diffuseur :
P s3 − P s2
C23 = (III.4)
P t2 − P s 2
où ces différentes pressions et températures sont des valeurs moyennées temporellement et spatiale-
ment sur les plans respectifs.
Il est important de noter que les expériences donnent uniquement accès, dans les plans 1, 2 et 3, à
des mesures pariétales au moyeu et au carter. Les différentes grandeurs caractéristiques sont alors cal-
culables en faisant la moyenne des mesures de pression statique pariétale sur le moyeu et le carter dans
les plans respectifs (il est alors fait l’hypothèse que ces grandeurs évoluent linéairement entre moyeu
et carter), et à l’aide de mesure de température et débit en sortie du composant (pour reconstruire les
pressions totales entre autre). Afin de pouvoir comparer de façon la plus juste possible les performances
de la machine mesurées avec celles prévues par les simulations, un post-traitement semblable n’utilisant
que les valeurs pariétales est appliqué sur les résultats de simulations pour le calcul des différentes gran-
deurs caractéristiques d’intérêt présentées tout au long du manuscrit. Le détail de ce post-traitement est
précisé dans l’annexe C.

5.3 Surfaces d’analyse de l’écoulement


La complexité de ce type de géométrie nécessite l’introduction de surfaces de référence pour faciliter
l’analyse de l’écoulement. La figure III.8 présente ces surfaces :
– Les surfaces méridiennes sont des surfaces parallèles aux aubes. Elles sont généralement repré-
sentées dans le repère (x, R), x étant la position axiale et R le rayon.
– Les surfaces aube-à-aube sont des surfaces parallèles au moyeu et carter. Celles-ci peuvent être
extraites à différentes hauteurs de veine et sont représentées dans le repère (σ, θ), σ étant une
coordonnée curviligne (cf. annexe A.1) et θ la position angulaire.
– Les surfaces orthogonales sont les surfaces orthogonales au moyeu, au carter et aux aubes. Ces
dernières sont représentées dans un plan de projection conique (cf. annexe A.2).

53
surface aube- -aube

surface orthogonale

surface m ridienne

F IGURE III.8 – Surfaces de référence dans un compresseur centrifuge : surface méridienne, plan aube-
à-aube et coupe orthogonale

54
Chapitre IV

Simulation RANS

Contents
1 Analyse globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
1.1 Convergence en maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
1.1.1 Modèle de Smith . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
1.1.2 Modèle de Spalart–Allmaras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
1.1.3 Synthèse sur l’effet du raffinement de maillage . . . . . . . . . . . . . . 58
1.2 Effet du modèle et validation expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
1.2.1 Comparaison des modèles de Spalart–Allmaras et de Smith . . . . . . . 60
1.2.2 Comparaison des modèles de Smith et EARSM . . . . . . . . . . . . . . 61
2 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.1 Point nominal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.1.1 Rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
2.1.2 Diffuseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
2.2 Point de blocage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.2.1 Rouet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.2.2 Diffuseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3 Simulation du rouet isolé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.1 Analyse globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.2 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
3.3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
4 Bilan des simulations RANS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

Si l’objectif global de la thèse est d’étudier des modélisations avancées de la turbulence, l’approche
RANS reste à l’heure actuelle représentative de l’état de l’art chez l’industriel et dans l’essentiel de la
littérature. Ce chapitre a donc un double objectif : qualifier finement l’approche RANS pour la confi-
guration étudiée et fournir une référence pour évaluer l’apport des méthodes avancées de type LES et
DES.
Dans un premier temps, l’influence du maillage est évaluée. Les maillages communément utilisés
pour les simulations RANS dans le contexte industriel sont de l’ordre du million de nœuds. Ainsi, les
études numériques réalisées par le LMFA et l’ONERA (cf. partie 3.2 du chapitre 1) sur ce compresseur
utilisent des maillages allant de 0, 1 à 4, 8 millions de nœuds par canal. Si cette augmentation de nombre
de points a naturellement permis d’obtenir des résolutions de plus en plus fines des différentes structures
d’écoulement, la question de la convergence en maillage n’a jamais été explicitement abordée sur cette
configuration. La présente étude a donc pour objectif dans un premier temps d’aborder cette question
en s’appuyant sur des maillages conséquemment plus denses que ceux exploités jusqu’à présent. En
effet, les maillages M1 et M2 décrits précédemment sont composés respectivement d’environ 8 et 26
millions de nœuds.
Dans un second temps, une validation des simulations RANS à l’aide des données expérimentales
est proposée, en insistant sur l’influence du modèle de turbulence. Pour cela, en plus du modèle de

55
référence de l’industriel (le k-l de Smith), le modèle de Spalart–Allmaras a été retenu, car il sert de
base à la DES étudiée plus loin. Enfin, le modèle EARSM de Wallin et Johanson [113] a été sélectionné
comme représentatif d’une modélisation avancée dans le cadre RANS.
On pourra noter que le choix a été fait de ne pas traiter des simulations instationnaires URANS.
D’une part cet aspect a été abordé dans le cadre de la thèse de N. Buffaz [9], et d’autre part, le parti
pris a été de pousser la méthodologie industrielle RANS dans certains de ses retranchements (densité
de maillage, modélisation RANS avancée) pour essayer d’en identifier les limites.
Enfin, dans un dernier temps, les simulations de l’étage sont comparées aux simulations du rouet
isolé, afin d’évaluer l’impact de cette simplification géométrique de la configuration retenue pour les
simulations DES et LES sur l’écoulement dans le rotor.
Tout au long du chapitre, l’analyse proposée est déclinée des quantités globales vers les grandeurs
locales.

1 Analyse globale
L’erreur associée à une simulation numérique (c’est-à-dire l’écart sur une grandeur physique d’intérêt
entre le résultat de la simulation et la réalité) est la somme des différentes sources d’erreurs présentes
dans le calcul. Ces erreurs peuvent être décomposées en trois groupes :
– les erreurs de définition du problème,
– les erreurs de modélisation,
– les erreurs numériques.
Les erreurs de définition du problème sont toutes les erreurs dues aux hypothèses simplificatrices
nécessaires au calcul telles que des simplifications géométriques (suppression de certains détails géo-
métriques, hypothèse de géométrie rigide non déformée par les efforts reçus, non prise en compte de
la rugosité des matériaux, etc... ), ou des hypothèses faites sur les conditions d’écoulement (conditions
limites partiellement connues).
Les erreurs de modélisation sont quant à elles les erreurs liées aux différents modèles utilisés pour
reproduire la réalité. D’une part, les équations résolues numériquement sont issues de différents mo-
dèles (loi des gaz parfaits, loi de Sutherland, etc ...). D’autre part, dans le cadre du formalisme RANS,
tous les effets de la turbulence sont modélisés au niveau statistique. Enfin, dans le cas d’un étage de
turbomachine, l’obtention d’une solution stationnaire est une approximation importante, qui repose
notamment sur l’utilisation de la condition de plan de mélange à l’interface rouet/diffuseur.
Enfin, les erreurs numériques regroupent les erreurs dues au processus itératif, aux erreurs de dis-
crétisation spatiale (issue de la combinaison des schémas numériques et du maillage), et enfin l’erreur
de discrétisation temporelle (pour un calcul instationnaire).
Afin de dissocier les deux dernières sources d’erreurs, les simulations ont été réalisées en ne mo-
difiant dans un premier temps que le maillage (erreur numérique), puis que le modèle de turbulence
(erreur de modélisation).

1.1 Convergence en maillage


1.1.1 Modèle de Smith
L’intégralité de la plage de fonctionnement de l’étage est simulée avec chacun des maillages pour
le modèle de Smith. Les grandeurs caractéristiques usuelles ainsi obtenues sont représentées sur la
figure IV.1 pour l’étage et sur la figure IV.2 pour le rotor et le stator.
On observe tout d’abord que le raffinement du maillage a un fort impact sur le point de fonction-
nement obtenu numériquement. Ceci implique que la convergence en maillage n’est pas atteinte (au
moins pour le maillage M1 à 8 millions de points), alors que la densité de maillage est déjà significati-
vement plus importante que pour des simulations RANS conventionnelles (qui sont de l’ordre de 3 à 4
millions de points).
En particulier, le débit de blocage prévu par les simulations sur le maillage M2 est supérieur de
1, 26% à celui trouvé avec le maillage M1. D’autre part, les courbes caractéristiques des maillages M1
et M2 ne présentent pas de croisement : c’est-à-dire que le taux de pression totale-à-statique et le
rendement de l’étage atteints avec le maillage M2 sont supérieurs à ceux obtenus avec le maillage M1
sur l’intégralité de la plage de débit décrite (le croisement des courbes visible n’étant dû qu’au manque

56
2.25

0.80
2.00

1.75 0.70

ηs13
πs13

1.50
0.60

1.25 experiences experiences


M1E Smith M1E Smith
M2E Smith 0.50 M2E Smith
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.1 – Évolutions du taux de pression total-à-statique (a) et rendement isentropique (b) de
l’ensemble rouet/diffuseur en fonction du débit

2.70
0.20

2.60
0.15
πt12

2.50
C23

0.10

2.40
0.05
experiences
M1E Smith M1E Smith
2.30 M2E Smith M2E Smith
0.00
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.2 – Évolutions du taux de pression total-à-total du rouet (a) et du coefficient de récupération
de pression du diffuseur (b) en fonction du débit dans la configuration étage

de points simulés pour décrire la caractéristique avec le maillage M2). De plus, l’écart de rendement
entre les simulations sur les deux maillages au point de rendement maximal est de l’ordre de 0, 8%.
On peut enfin remarquer que la limite de stabilité à faible débit est quasiment identique sur les
deux maillages. Cependant cette limite est définie par l’apparition d’une instabilité numérique dans le
calcul due au modèle et/ou au schéma numérique. Elle ne peut donc pas être associée à une instabi-
lité de pompage : en effet, ce phénomène est généralement lié à l’apparition de structures fortement
instationnaires décorrélées de la vitesse de rotation et de périodicité supérieure à la largeur de canal
inter-aube, et dépend fortement des effets d’installation (volumes amont et aval). Par conséquent, ce
phénomène ne peut être reproduit avec une simulation RANS stationnaire mono-canal. Pour cette rai-
son, les points de fonctionnement à faible débit dits "proche pompage" ne seront pas analysés dans
cette étude. Comme évoqué précédemment, l’analyse du déclenchement du pompage a déjà fait l’objet
d’études approfondies (voir les travaux de Buffaz [9]).

1.1.2 Modèle de Spalart–Allmaras


Comme pour le modèle de Smith, des points allant du blocage de l’étage jusqu’à la limite de stabilité
numérique sont simulés avec le modèle de turbulence de Spalart–Allmaras sur les maillages M1 et M2.
ceux-ci sont présentés sur les figures IV.3 et IV.4.
Les calculs sur les deux maillages font ici encore apparaître des différences notables. Le débit de blo-
cage obtenu avec le maillage M2 est 1, 3% plus élevé que pour le maillage M1. D’autre part, le maillage
M1 prévoit un rendement maximal supérieur de 1, 8% par rapport à celui obtenu sur le maillage M2 et

57
2.25

0.80
2.00

1.75 0.70

ηs13
πs13

1.50
0.60

1.25 experiences experiences


M1E Spalart M1E Spalart
M2E Spalart 0.50 M2E Spalart
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.3 – Évolutions du taux de pression totale-à-statique (a) et rendement isentropique (b) de
l’ensemble rouet/diffuseur en fonction du débit

un taux de 2.66% supérieur. On observe donc un croisement des courbes caractéristiques : la caractéris-
tique pour le maillage M1 donne un débit de blocage plus proche de celui mesuré expérimentalement,
mais le point de rendement maximal semble mieux prévu par la simulation sur le maillage M2.

2.70
0.20

2.60
0.15
πt12

2.50
C23

0.10

2.40
0.05
experiences
M1E Spalart M1E Spalart
2.30 M2E Spalart M2E Spalart
0.00
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.4 – Évolutions du taux de pression total-à-total du rouet (a) et du coefficient de récupération
de pression du diffuseur (b) en fonction du débit dans la configuration étage

Ceci peut être expliqué en analysant les grandeurs caractéristiques du rouet et du diffuseur repré-
sentées sur la figure IV.4. En effet, le taux de compression total-à-total du rouet obtenu avec les deux
maillages présente un écart quasiment constant sur toute la plage de fonctionnement, la simulation
sur le maillage M2 donnant le taux le plus fort. Cependant, le taux de récupération de pression du
diffuseur obtenu au rendement maximum avec le maillage M1 est supérieur de 10, 3% expliquant ainsi
que le taux de compression statique-à-total du compresseur complet est malgré tout supérieur pour le
maillage M1. Ainsi, on peut conclure que l’influence du maillage sur le point de fonctionnement semble
plus importante dans le diffuseur que dans le rouet.
Il peut enfin être observé que le blocage de l’étage s’effectue dans le diffuseur et que donc cet écart
de débit de blocage est probablement dû à une résolution différente des structures d’écoulement dans
le diffuseur menant à une section de blocage plus petite sur le maillage M1, ou à un effet induit par la
pression totale en sortie du rouet ; ce point sera approfondi plus loin.

1.1.3 Synthèse sur l’effet du raffinement de maillage


Malgré la densité relativement élevée des maillages utilisés, un écart important sur les grandeurs
globales calculées est observé avec les deux modèles de turbulence. La convergence en maillage n’est

58
donc toujours pas atteinte. Une extrapolation de Richardson nous permet d’estimer le nombre de points
nécessaires afin de parvenir à cette convergence.
Cette méthode est couramment utilisée pour estimer l’erreur due au maillage sur une grandeur phy-
sique φ dans une simulation numérique. Elle stipule que l’erreur de discrétisation δMi sur un maillage
Mi peut s’écrire sous la forme d’une série fonction de la taille de maille hMi et de l’ordre du schéma n
observé pour cette grandeur physique.
Notons qu’en pratique l’ordre varie en fonction du niveau de raffinement du maillage et de la gran-
deur examinée. La zone asymptotique est alors définie comme la gamme de taille de maille où le terme
dominant l’erreur est le terme de plus haut degré. Pour une solution dans la zone asymptotique on peut
alors écrire :
δMi = φexact − φMi = αhnMi (IV.1)
où φexact est la solution exacte et α est un coefficient inconnu du problème. Il est donc nécessaire
d’avoir des solutions sur 3 maillages dans la région asymptotique afin de déterminer les 3 inconnues du
problème φexact , α et n. N’ayant à notre disposition que les solutions sur les maillages M1 et M2, il a
été choisi d’imposer un ordre n supposé afin de se ramener à un problème à 2 inconnues. On obtient
alors :
r n φM 2 − φM 1
φexact (n) = 12 n (IV.2)
r12 − 1
où r12 = hM 1 /hM 2 . Les maillages M1 et M2 étant particulièrement denses par rapport aux maillages
usuellement utilisés en RANS, l’hypothèse d’être dans la zone de convergence asymptotique est proba-
blement respectée. Par conséquent, une estimation de l’ordre n = 2 semble raisonnable. A priori, cette
estimation de l’ordre est optimiste et il serait intéressant de réaliser une simulation sur un troisième
maillage afin de connaître l’ordre effectif.
La taille de maille de référence hMi choisie pour un maillage Mi est donnée par la relation :
1
hM i = 1 (IV.3)
(nombre de cellules) 3
Deux grandeurs physique de référence sont utilisées : le débit de blocage et le taux de compression
statique-à-total de l’étage au point nominal. Les résultats pour les deux modèles sont présentés sur la
figure IV.5.
10.0 10.0
ǫπs13 ǫπs13
ǫdebit ǫdebit
ǫ = 1% ǫ = 1%
erreur ǫ (%)

erreur ǫ (%)

1.0 1.0

0.1 0.1
10−03 10−02 10−03 10−02
h h
(a) Spalart–Allmaras (b) Smith

F IGURE IV.5 – Évaluation des erreurs sur le taux de pression totale-à-statique nominal et le débit de
blocage grâce à une extrapolation de Richardson en supposant le schéma d’ordre 2

Pour le modèle de Spalart–Allmaras, l’erreur relative sur le taux de compression nominal est plus
forte que sur le débit de blocage et sera donc la condition la plus contraignante sur la taille de maille.
Au contraire, pour le modèle de Smith, c’est la prévision du débit de blocage qui va nécessiter une taille
de maille de référence plus faible. Ainsi, afin d’atteindre une erreur relative inférieure à 1% sur ces deux
critères (lignes en pointillés rouges sur la figure IV.5), l’extrapolation de Richardson permet d’estimer
qu’un maillage de 33 millions de nœuds serait nécessaire pour le modèle de Smith, alors qu’il faudrait
un maillage d’environ 77 millions de nœuds pour atteindre le même niveau de convergence avec le
modèle de Spalart.

59
Ces estimations sont toutefois soumises à de fortes hypothèses préalablement mentionnées qui né-
cessiteraient d’être vérifiées grâce à des simulations sur un maillage plus dense. Un troisième maillage
permettrait d’autre part d’écarter la possibilité d’une convergence oscillatoire pour laquelle une extra-
polation de Richardson n’est pas adaptée.
De plus, l’extrapolation de Richardson se base sur un indicateur global pour évaluer le nombre de
points nécessaires pour atteindre la convergence. Or une mauvaise prévision de cette grandeur globale
peut être liée à une mauvaise résolution spatiale locale (au niveau du choc par exemple) et ne requiert
pas nécessairement d’augmenter le nombre de point dans tout le maillage.
Il peut être noté d’autre part sur les figures IV.2 et IV.4 que, dans le rouet, la sensibilité des résultats
au maillage semble équivalente sur toute la plage de fonctionnement décrite pour les deux modèles,
alors que l’effet de la discrétisation spatiale dans le diffuseur aux différents points de fonctionnement
est moins évidente, particulièrement avec le modèle de Spalart.
Bien que l’objectif de ce paragraphe ne soit pas encore la discussion de la validation des simulations,
on peut observer que, d’une part l’effet du maillage peut être plus significatif que l’écart aux données
expérimentales et, d’autre part, que le raffinement tend à éloigner les résultats numériques des points
expérimentaux au voisinage du blocage. Si on écarte la possibilité d’une convergence oscillatoire, force
est de conclure que le bon accord du modèle de Smith sur le maillage M1 (voir figure IV.1) est en fait
dû à une compensation des erreurs numériques et de modélisation.

1.2 Effet du modèle et validation expérimentale


1.2.1 Comparaison des modèles de Spalart–Allmaras et de Smith
La figure IV.6 compare les caractéristiques obtenues sur le maillage M2 pour les modèles de Spalart
et Smith avec les données expérimentales.
2.25

0.80
2.00

1.75 0.70
ηs13
πs13

1.50
0.60

1.25 experiences experiences


M2E Spalart M2E Spalart
M2E Smith 0.50 M2E Smith
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.6 – Taux de pression total-à-statique (a) et rendement isentropique (b) de l’ensemble
rouet/diffuseur

Autour du point nominal et vers les faibles débits, le modèle de Spalart–Allmaras est en meilleur
accord avec les données expérimentales que le modèle de Smith. En effet, l’écart sur le taux est de
0, 02% pour Spalart–Allmaras contre 0, 58% pour Smith, et pour le rendement les écarts sont de 0, 22%
pour Spalart–Allmaras contre 1, 48% pour Smith.
La limite de stabilité aux faibles débits est quasiment identique pour les deux modèles, à des débits
significativement plus élevés que les essais. Cependant, comme évoqué plus haut, l’approche RANS
stationnaire ne peut prévoir cette limite de manière quantitative.
Au blocage, c’est le modèle de Smith qui apporte le meilleur accord (4, 6% d’écart de débit contre
5, 6% pour le Spalart). Comme évoqué plus haut pour l’effet du maillage, l’erreur est forte au blocage.
Ceci pourrait être dû aux erreurs générées par la condition de plan de mélange imposée à l’interface
rouet/diffuseur. En effet, cette condition empêche la traversée de disparités azimutales dans le plan
d’interface (en particulier les chocs de bord d’attaque du diffuseur et les sillages du rouet) et ainsi leur
interaction avec les aubes de la roue opposée. Étant donné la faible distance entre le bord de fuite

60
des aubes de rouet et le bord d’attaque des aubes de diffuseur, il est probable que ces interactions
instationnaires ont un effet notable sur le fonctionnement des deux composants. Ceci est d’ailleurs
confirmé par les simulations URANS chorochroniques sur des maillages plus grossiers réalisées lors de
précédentes études, qui ont mis en évidence ces interactions et l’amélioration de la prévision du blocage
quand elles sont prises en compte [9, 11, 107].

2.70
0.20

2.60
0.15
πt12

2.50

C23
0.10

2.40
0.05
experiences
M2E Spalart M2E Spalart
2.30 M2E Smith M2E Smith
0.00
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.7 – Taux de pression total-à-total du rouet (a) et coefficient de récupération de pression du
diffuseur (b) dans la configuration étage

La figure IV.7 permet de préciser les effets des modèles séparément pour chaque composant.
Le taux de pression total-à-total du rouet n’est pas mesuré directement dans les expériences puisque
seules des sondes de pression statique sont disponibles dans la zone entre le bord de fuite du rouet et
le bord d’attaque des aubes de diffuseur. Par conséquent, celui-ci est reconstruit à partir des mesures de
pression statique pariétale et de température totale dans la cuve aval (cf. annexe C.3.2). La dispersion
des données expérimentales proche du blocage peut alors s’expliquer par des erreurs de mesure sur
cette pression totale. En effet, les points de fonctionnement au blocage sont enregistrés lors des phases
initiales des campagnes de mesure et l’inertie des sondes thermiques utilisées tend alors à sous-estimer
la température [9].
Pour le taux de compression dans le rouet, les résultats des deux modèles ont un écart quasiment
constant sur toute la plage simulée, avec un niveau de perte plus important pour le modèle de Spalart–
Allmaras. D’autre part, pour la récupération de pression statique dans le diffuseur, les tendances en
fonction des points de fonctionnement sont différentes pour les deux modèles.

1.2.2 Comparaison des modèles de Smith et EARSM


Problème de stabilité des simulations avec le modèle EARSM
Un problème majeur rencontré avec le modèle EARSM est l’instabilité des calculs. En effet, malgré
l’initialisation des simulations avec des champs issus des calculs avec le modèle de Smith, les calculs
sont particulièrement sensibles et la convergence n’a pu être obtenue qu’en utilisant des valeurs très
faibles du nombre de CFL (de l’ordre de 0, 01). Ceci implique que les simulations nécessitent un plus
grand nombre d’itérations pour converger, ce qui se traduit par un coût de calcul environ dix fois plus
important que pour les simulations avec le modèle de Smith. Pour cette raison, les calculs EARSM
n’ont pas été réalisés sur le maillage M2. Pour assurer de comparer des modèles à iso-maillage, les
comparaisons de ce paragraphe sont faites uniquement pour le maillage M1.
D’autre part, un état convergé n’a pas pu être atteint pour des débits inférieurs à 0,345.

Comparaison des résultats sur le maillage M1


Les figures IV.8 et IV.9 comparent les caractéristiques obtenues sur le maillage M1 pour les modèles
de Smith et EARSM avec les données expérimentales.
Par rapport aux résultats du paragraphe précédent, les écarts entre le modèle de Smith et le modèle
EARSM sont moins importants que les écarts avec le modèle de Spalart. Ainsi, entre les deux modèles,
le débit de blocage ne diffère que de 0, 17%, le taux de compression autour du point nominal de 4, 0%

61
2.25

0.80
2.00

1.75 0.70

ηs13
πs13

1.50
0.60

1.25 experiences experiences


M1E Smith M1E Smith
M1E EARSM 0.50 M1E EARSM
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.8 – Taux de pression total-à-statique (a) et rendement isentropique (b) de l’ensemble
rouet/diffuseur

2.70
0.20

2.60
πt12

2.50
C23

2.40

experiences
M1E Smith M1E Smith
2.30 M1E EARSM M1E EARSM
0.00
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.9 – Taux de pression total-à-total du rouet (a) et coefficient de récupération de pression du
diffuseur (b) dans la configuration étage

et le rendement isentropique de 1, 86%, le meilleur accord étant obtenu pour le modèle de Smith. On
rappellera toutefois que les résultats pour le maillage M2 sont moins bons pour le modèle de Smith. Il
serait par contre spéculatif d’assurer qu’une tendance identique serait observée si un résultat pour le
modèle EARSM avait été obtenu sur le maillage M2.

62
2 Analyse locale
Dans cette partie est présentée une caractérisation locale de l’écoulement. L’objectif est de décrire
les différentes structures d’écoulement présentes dans le rouet et le diffuseur à deux points de fonction-
nement caractéristiques : le point nominal et le blocage. Comme il a été mis en évidence précédemment,
des différences notables sont visibles sur les grandeurs globales lorsque la discrétisation spatiale ou le
modèle de turbulence sont modifiés. Par conséquent, cette description locale de la topologie d’écoule-
ment a aussi pour objectif de chercher à expliquer ces différences sur les grandeurs globales.

2.1 Point nominal


La topologie d’écoulement est d’abord présentée pour le point nominal dans un premier temps dans
le rouet, puis dans le diffuseur.

2.1.1 Rouet

La figure IV.11 présente des champs d’entropie sur une surface aube-à-aube proche de la tête des
~ V
pales avec des isolignes de ∇ρ. ~ qui permettent d’identifier les principales structures de chocs forts.

Description de l’écoulement

Pour les trois modèles de turbulence utilisés, la topologie globale de l’écoulement est très similaire.
La figure IV.10 présente une schématisation des différentes structures présentes dans le rouet.
Du fait du fort cisaillement présent dans le jet de jeu entre la tête des pales et le carter, diverses
structures tourbillonnaires sont générées. En effet, une partie de l’écoulement de fuite issu du jeu s’en-
roule sur lui-même au voisinage du bord d’attaque pour former un tourbillon de jeu principal (cf.
figure IV.12).

onde de choc

schéma partie axiale pale


principale tourbillon
rotation de jeu

fluide entraîné
par l’écoulement de fuite

zone de mélange
fusion avec le tourbillon secondaire
tourbillon de jeu de
pale secondaire

pale
intercalaire

schéma partie radiale

tourbillon
de grattage

F IGURE IV.10 – Schéma des structures d’écoulement dans le rouet sur une vue aube-à-aube en tête de
pale

L’écoulement en amont étant supersonique, une onde de choc en lambda se forme dès le bord
d’attaque de la pale. Le pied de ce choc vient alors interagir de manière complexe avec le tourbillon de
jeu. Cette interaction va provoquer l’éclatement de ce dernier.

63
Smith

Spalart

entropie
0.0 0.4
EARSM
rotation

M1 M2

~ V
F IGURE IV.11 – Champ d’entropie et iso-lignes de ∇ρ. ~ sur une surface aube-à-aube à 98% de hauteur
de pale dans le rouet au point nominal pour les différentes simulations

Le tourbillon de jeu est ensuite transporté par l’écoulement principal dans la veine en direction de
l’aval vers la face en pression de l’aube adjacente. Durant cette convection du tourbillon, celui-ci croît
en taille tout en s’enfonçant dans la veine vers le moyeu. En aval, il fusionne ensuite avec le tourbillon
de jeu issu du bord d’attaque de l’aube intercalaire.
D’autre part, la poche supersonique au bord d’attaque de la pale principale étant hétérogène suivant
la hauteur de veine, un fort gradient de pression adverse apparaît à la traversée de l’onde de choc.
Celui-ci va alors provoquer une migration de fluide à faible énergie le long de la face en dépression
de l’aube en direction du carter. Lorsque cet écoulement secondaire rencontre le jet issu du jeu, une

64
zone de mélange
tourbillon secondaire

tourbillon écoulement
de jeu de fuite

extrados intrados

F IGURE IV.12 – Schéma des structures d’écoulement dans la partie axiale du rouet

tourbillons tourbillon tourbillon


de jeu fusionnés de grattage secondaire

demi-canal gauche demi-canal droit


pale pale pale
principale G intercalaire D principale

F IGURE IV.13 – Schéma des structures d’écoulement dans la partie radiale du rouet

zone de mélange se forme avec la génération d’un tourbillon secondaire (cf. figure IV.12). Une partie
de ce fluide fortement entropique est entraînée par l’écoulement de fuite pour aller fusionner avec le
tourbillon de jeu principal.
Sur la face en pression de l’aube intercalaire, une autre structure tourbillonnaire est visible : le
tourbillon dit de grattage (cf. figure IV.13). En effet, l’écoulement de fuite issu de la pale principale est
transporté jusqu’au coin de la face en pression de la pale intercalaire et va alors interagir avec celui-ci
pour s’enrouler et former ce tourbillon.
Les différentes simulations reproduisent toutes cette topologie d’écoulement. Cependant, il peut
être noté que les niveaux d’entropie des tourbillons de jeu principal, secondaire et de grattage sont
sensiblement plus importants pour le modèle de Spalart–Allmaras et EARSM ce qui est signe de plus
fortes pertes visqueuses. Or, l’analyse globale a montré que les performances du rouet au point nominal
sont moins bonnes pour le modèle de Smith que pour les modèles de Spalart–Allmaras (figure IV.7(a))
et EARSM (figure IV.9(a)). Par conséquent, cette augmentation des pertes visqueuses n’est pas l’effet
prédominant.
Il peut aussi être remarqué sur la figure IV.11 qu’une meilleure discrétisation spatiale tend à dimi-
nuer les sources de pertes visqueuses autant avec le modèle de Spalart–Allmaras qu’avec le modèle de
Smith.

Coupes orthogonales et validation expérimentale (LDA)

Une campagne de mesure LDA a été effectuée au cours de la thèse de Buffaz [9] pour le point
de fonctionnement nominal. Ces données expérimentales sur les différentes sections disponibles (cf.
figure III.6) sont présentées dans cette partie afin de servir de référence pour les résultats de simulation
numérique. Cependant, lors de cette campagne d’essais, des pavés de mesures ont été positionnés au
carter. Ceux-ci ont pour effet de dégrader les performances du compresseur par rapport aux mesures
avec une surface lisse réalisées préalablement comme il est visible sur la figure IV.14.
Dans les simulations, la géométrie de la veine est considérée comme lisse au carter. Par conséquent,
ce sont les grandeurs caractéristiques globales de la campagne d’essais sans les pavés LDA qui ont
été utilisées dans la partie précédente. Cependant, pour la comparaison des visualisations 2D obtenues
grâce à la LDA, la machine est légèrement modifiée et ceci peut être une source potentielle de différences
sur les structures d’écoulement observées.

65
2.25

0.80
2.00

1.75 0.70

ηs13
πs13

1.50
0.60

1.25
experiences veine lisse experiences veine lisse
experiences LDA 0.50 experiences LDA
0.32 0.34 0.36 0.38 0.32 0.34 0.36 0.38
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.14 – Comparaison des deux jeux de données expérimentales sur le taux de pression total-à-
statique (a) et rendement isentropique (b) de l’ensemble rouet/diffuseur

Section A : figure IV.15


La section A se trouve directement après le bord d’attaque des aubes principales.
Les mesures expérimentales et les données numériques mettent en évidence des topologies d’écoule-
ment en accord. Une zone de faible vitesse méridienne et forte vitesse tangentielle se forme à proximité
du carter du côté extrados de la pale principale. Celle-ci correspond au tourbillon de jeu principal qui
se sépare de l’aube dès le bord d’attaque et est entraîné dans la veine.
Cette zone de faible vitesse méridienne semble toutefois plus grande et pénètre plus profondément
dans la veine sur les données expérimentales. Ceci pourrait être expliqué par une légère fuite d’huile
de lubrification au moyeu, qui serait centrifugée jusqu’au carter et viendrait alors se confondre avec les
particules d’ensemencement [10].
D’autre part, la vitesse méridienne dans la région de mesure expérimentale côté extrados est plus
importante que les prévisions numériques. Cette différence peut être due à l’interaction de l’onde de
choc présente en amont avec les particules d’ensemencement. En effet, celles-ci ayant une plus forte
inertie que le fluide ne ralentissent pas aussi rapidement que ce dernier au passage du choc [9].
Une zone de faible vitesse méridienne et forte vitesse tangentielle se forme sur la paroi extrados de
l’aube pour les simulations avec les modèles de Spalart–Allmaras et EARSM mais n’est pas présente avec
le modèle de Smith. Celle-ci est malheureusement trop proche des parois pour pouvoir être mesurée
avec la méthode LDA.
La figure IV.16 présente une vue tridimensionnelle du choc de bord d’attaque pour les simulations
avec les modèles de Smith et de Spalart–Allmaras ainsi que des champs d’entropie sur différentes coupes
orthogonales consécutives.
La zone de faible vitesse mentionnée précédement est bien visible sur les coupes orthogonales du
fait de son niveau élevé d’entropie et peut être attribuée à un décollement de la couche limite. En effet,
avec le modèle de Spalart–Allmaras, le choc de bord d’attaque est plus intense en tête de pale qu’avec
le modèle de Smith. Il en résulte une plus forte vitesse d’écoulement sur la partie basse de la pale
provoquant le décollement de la couche limite.

Section B : figure IV.17


La bulle de décollement observée pour les modèles de Spalart–Allmaras et EARSM est convectée du
fait des écoulements secondaires vers la tête de pale jusqu’à la région de mélange avec le jet de jeu. Il
en résulte une région de forte vitesse tangentielle dans le coin en tête de la face en dépression de la
pale.
D’autre part, le tourbillon de jeu principal est convecté dans la veine en direction de la pale adja-
cente. Sur les données expérimentales, celui-ci est plus dissipé et plonge plus profondément dans la
veine que dans les simulations. Les résultats avec le modèle de Smith donnent les niveaux de vitesse
tangentielle les plus faibles et le tourbillon de jeu pénètre moins dans le canal.
On peut aussi noter une différence notable de la répartition pied/tête de la vitesse azimutale entre

66
Smith M2

Spalart M2

EARSM M1

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.15 0.44
rotation

F IGURE IV.15 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section A pour le point de fonctionnement nominal

les données numériques et expérimentales du profil de vitesse proche de la face en pression de l’aube.

Section C : figure IV.18


La section C présente la caractéristique de couper le bord d’attaque de l’aube intercalaire légèrement
au dessus de la mi-hauteur de veine.
Là encore, la pénétration du tourbillon de jeu principal est plus importante pour les modèles de
Spalart–Allmaras et EARSM et l’est encore plus sur les mesures LDA.
La différence de répartition de vitesse proche de l’intrados de la pale principale observée sur la sec-
tion B est encore visible ici dans le demi-canal gauche. La comparaison avec les données expérimentales
dans le demi-canal droit est quant à elle plus satisfaisante.

67
Spalart Smith
entropie
0.1 0.75

~ V
F IGURE IV.16 – Vue tridimensionnelle du choc de bord d’attaque (iso-surface de ∇ρ. ~ en rouge) et
coupes orthogonales d’entropie à différentes positions méridiennes pour les simulations avec les mo-
dèles de Spalart–Allmaras et de Smith sur le maillage M2

Sections E et F : figures IV.19 et IV.20


Les sections E et F sont particulièrement importantes étant donné qu’elles sont dans le coude du
rouet, c’est-à-dire dans la zone de transition entre la partie axiale présentant un fort rapport hau-
teur/largeur et la partie radiale où la hauteur de veine va décroître rapidement alors que le canal
s’élargit. C’est aussi dans cette zone que le moyeu présente une définition non-axisymétrique (cf. fi-
gure I.15).
Les structures d’écoulement visibles sur ces deux coupes sont très similaires. On voit notamment
apparaître la topologie de sillages décrite sur la figure I.16 autant sur les données de mesures que sur
les résultats de simulations avec les différents modèles. Les résultats avec les différents modèles sont
très semblables et semblent s’uniformiser malgré les disparités observées en amont.
Les différences les plus notables des simulations avec les expériences sont une plus forte vitesse
débitante dans le demi-canal gauche et une zone de sillage moins large.

Section I et K : figures IV.21 et IV.22


Les sections I et K se trouvent proches de la sortie du rouet dans la partie radiale. La hauteur de
veine étant très faible, la proportion de la veine exploitable avec la LDA est très limitée à cause des
réflections sur la paroi moyeu. Néanmoins même si l’intensité des structures mesurées n’est pas bonne,
leur position semble globalement cohérente entre les simulations et les expériences.

Bilan LDA
Les comparaisons avec les mesures LDA permettent donc de valider la topologie globale d’écou-
lement proposée sur la figure IV.10. Un accord satisfaisant est d’ailleurs obtenu entre simulations et
mesures et cela sur l’ensemble des coupes tout le long du rouet. Toutefois, les mesures ne permettent
pas de départager les différentes simulations sur les structures d’écoulement proche des parois telles
que le possible décollement de la couche limite au voisinage du bord d’attaque en pied de pale.
Le modèle de Smith prévoit un tourbillon de jeu de moins grande envergure qui pénètre moins
dans la veine que ceux obtenus avec les modèles de Spalart–Allmaras et EARSM. Le tourbillon génère
alors moins de pertes visqueuses. Cependant, l’écoulement de jeu se mélange moins avec l’écoulement
principal, ceci résultant en une plus faible vitesse tangentielle moyenne et donc une baisse du travail
fournit au fluide, d’où les moins bonnes performances observées.

68
Smith M2

Spalart M2

EARSM M1

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.29 0.44
rotation

F IGURE IV.17 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section B pour le point de fonctionnement nominal

69
Smith M2

Spalart M2

EARSM M1

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.44 0.59
rotation

F IGURE IV.18 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section C pour le point de fonctionnement nominal

70
Smith M2

Spalart M2

EARSM M1

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.76 1.09
rotation

F IGURE IV.19 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section E pour le point de fonctionnement nominal

Smith M2

Spalart M2

EARSM M1

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.76 1.09
rotation

F IGURE IV.20 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section F pour le point de fonctionnement nominal

71
Smith M2

Spalart M2

EARSM M1

LDA
Vm Vθ
0.18 0.50 0.94 1.32
rotation

F IGURE IV.21 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section I pour le point de fonctionnement nominal

Smith M2

Spalart M2

EARSM M1
LDA
Vm Vθ
0.18 0.50 0.94 1.32
rotation

F IGURE IV.22 – Comparaison des cartographies numériques et expérimentales des vitesses méridiennes
et azimutales en section K pour le point de fonctionnement nominal

72
2.1.2 Diffuseur

Les conditions d’alimentation du diffuseur en termes de nombre de Mach et d’angle d’écoulement


absolus sont primordiales pour le fonctionnement du diffuseur. Ces conditions sont données sur les
figures IV.23 et IV.24.

1.0 1.0
carter carter

0.8 0.8

Hauteur de veine
Hauteur de veine

0.6 0.6
M2E Spalart M2E Spalart
M2E Smith M2E Smith
0.4 0.4

0.2 0.2

moyeu moyeu
0.0 0.0
0.0 0.5 1.0 1.5 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7
Mach absolu angle absolu

F IGURE IV.23 – Profil moyen de nombre de Mach et d’angle d’écoulement absolus en entrée du diffuseur
pour les simulations avec les modèles de Spalart–Allmaras et Smith sur le maillage M2

1.0 1.0
carter carter

0.8 0.8
Hauteur de veine
Hauteur de veine

0.6 0.6
M1E Smith M1E Smith
M1E EARSM M1E EARSM
0.4 0.4

0.2 0.2

moyeu moyeu
0.0 0.0
0.0 0.5 1.0 1.5 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7
Mach absolu angle absolu

F IGURE IV.24 – Profil moyen de nombre de Mach et d’angle d’écoulement absolus en entrée du diffuseur
pour les simulations avec les modèles de Smith et EARSM sur le maillage M1

La plus forte vitesse méridienne due à la moindre pénétration des écoulements de jeu dans la veine
observée dans le rotor avec le modèle de Smith se traduit par un angle d’écoulement plus faible en
entrée du diffuseur sur 80% de la hauteur de veine.
Toutefois, comme on peut le voir sur la figure IV.25, les trois modèles de turbulence employés
donnent des topologies d’écoulement similaires dans le diffuseur à mi-hauteur de veine. La condition
de plan de mélange utilisée pour l’interface rotor/stator implique une opération de moyenne azimutale
qui impose une forte contrainte sur le développement de l’onde de choc détachée au bord d’attaque des
aubes de diffuseur. En effet, celle-ci reste confinée dans le domaine de calcul du diffuseur.
Sur la face en dépression des pales, le choc de la pale adjacente vient interagir avec la couche limite
provoquant un épaississement de celle-ci. Cet épaississement peut conduire à de petits décollements de
coin au moyeu et carter comme le montre la figure IV.26.
D’autre part, sur l’intrados, des décollements de plus grande envergure apparaissent. En effet, un
décollement de coin en pied se forme vers 20% de corde et persiste jusqu’au bord de fuite. Un petit
décollement de coin se forme aussi en tête proche du bord d’attaque et un second plus en aval. Dans
les simulations sur le maillage le plus dense, ces trois décollements sont notablement plus importants

73
Smith

Spalart

Mach
EARSM
0.0 1.3

M1 M2

F IGURE IV.25 – Champs de nombre de Mach et iso-lignes de ∇ρ. ~ V~ sur une coupe à 50% de hauteur de
pale dans le diffuseur au point nominal pour les différentes simulations

Smith

Spalart

EARSM

M1 M2

F IGURE IV.26 – Vue tridimensionnelle des décollements sur l’intrados des aubes de diffuseur au régime
nominal grâce à une iso-surface de vitesse débitante nulle

et vont même jusqu’à fusionner et persister sur toute l’envergure de la pale. La position et la taille de
ces différents décollements sont donc très sensibles au modèle de turbulence et au maillage utilisés.

74
Smith

Spalart

entropie
0.0 0.4
EARSM
rotation

M1 M2

~ V
F IGURE IV.27 – Champ d’entropie et iso-lignes de ∇ρ. ~ sur une surface aube-à-aube à 98% de hauteur
de pale dans le rouet au point de blocage pour les différentes simulations

75
2.2 Point de blocage
L’objectif de la thèse de Buffaz [9] étant de mieux comprendre les phénomènes précurseurs de
l’entrée en pompage, les campagnes de mesures LDA se sont focalisées sur les points de fonctionnement
nominal et proche pompage. Par conséquent, nous n’avons pas de données LDA disponibles pour le point
de blocage. Cette partie va donc consister à décrire les écoulements obtenus avec les différents modèles
RANS sans pouvoir apporter de validation expérimentale. Le point utilisé pour les comparaisons pour
chaque modèle est le point de débit maximum atteint.

2.2.1 Rouet
La figure IV.27 présente les résultats de simulations avec les différents maillages et modèles dans
le rouet au blocage. La structure d’écoulement est la même que celle décrite au point nominal (cf.
figure IV.11). On peut toutefois noter que les niveaux d’entropie sont moins élevés, particulièrement
dans le tourbillon de jeu principal après le passage du choc. D’autre part, du fait du débit plus important,
l’angle d’incidence de l’écoulement au bord d’attaque de la pale est moins grand et les écoulements de
jeu pénètrent moins dans le canal. L’augmentation de la vitesse débitante provoque aussi des chocs de
bord d’attaque plus forts qu’au point nominal.

2.2.2 Diffuseur

Smith

Spalart

Mach
EARSM
0.0 1.3

M1 M2

F IGURE IV.28 – Champs de nombre de Mach et lignes soniques sur une coupe à 50% de hauteur de pale
dans le diffuseur au point de blocage pour les différentes simulations

Les cartes de nombre de Mach à mi-hauteur de veine dans le diffuseur au régime de blocage sont
présentées sur la figure IV.28. Comme souligné dans l’analyse globale, le blocage s’effectue dans le
diffuseur radial.
Outre le choc détaché de bord d’attaque, une structure complexe de chocs se forme dans la veine.
La figure IV.29 représente les champ de Laplacien de la divergence de la vitesse sur cette même coupe.
L’opérateur laplacien permet de faire ressortir les hétérogénéités sur la divergence de la vitesse afin,
entre autre, de pouvoir mieux visualiser les chocs.
Les structures de chocs sont très différentes pour les modèles de Spalart–Allmaras et Smith. Celles-ci
vont de plus interagir avec les couches limites de la pale et générer divers décollements. La figure IV.30
reprend les structures principales visibles pour chaque modèle. La structure de choc apparaissant avec
le modèle de Spalart–Allmaras provoque une remontée vers l’amont des décollements sur l’intrados et
l’extrados. Les décollements sur l’extrados sont présents uniquement dans les coins au moyeu et carter
comme au point nominal. Par contre, le décollement sur la face en pression est beaucoup plus gros
qu’au nominal et occupe une importante part de la veine et ce sur toute la hauteur de pale. La taille et

76
Spalart Smith
 
~ U
∆ ∇. ~
-0.02 0.02
 
F IGURE IV.29 – Champs de ∆ ∇. ~ U~ et lignes soniques sur une coupe à 50% de hauteur de pale dans
le diffuseur au point de blocage pour les simulations sur le maillage M2 avec les modèles de Spalart–
Allmaras et Smith

défilement rouet défilement rouet


choc détaché choc détaché
interface rouet interface rouet
Mach > 1 diffuseur Mach > 1 diffuseur

déc déc
ollem ollem
en t en t
intra intra
dos dos

Mach < 1 Mach < 1


décollement extrados col sonique décollement extrados col sonique

Spalart Smith

F IGURE IV.30 – Schéma de principe du blocage dans le diffuseur pour les modèles de Spalart–Allmaras
et Smith

la position de ce décollement sont particulièrement importantes puisqu’elles vont déterminer la taille


de la section sonique et donc le débit de blocage, ce qui explique la sensibilité au modèle et au maillage
observée sur la prévision de cette grandeur.

2.3 Bilan
Au blocage comme au nominal, l’écoulement dans le diffuseur est donc très sensible au modèle de
turbulence utilisé mais aussi à la discrétisation spatiale. Ces différences sont plus importantes que celles
observées dans le rouet, ce qui inciterait à conclure que le maillage dans le diffuseur est probablement
plus loin de la convergence en maillage que celui du rouet. Il faut toutefois rappeler que la condition
d’interface plan de mélange utilisée dans les simulations induit d’importantes erreurs sur l’écoulement
d’entrée perçu par le diffuseur. En effet, les études RANS instationnaires effectuées au cours des pré-
cédentes thèses ont montré l’importance des interactions rotor/stator pour une bonne prévision de
l’écoulement dans le diffuseur.
Cependant, l’objectif de la thèse étant l’étude des différentes approches de modélisation de la turbu-
lence telle que la LES et les méthodes hybrides RANS/LES, on s’intéresse principalement à l’écoulement
dans le rouet. En effet, au moment de la réalisation de ces travaux, aucune condition d’interface n’est
disponible dans elsA en LES pour prendre en compte des configurations avec des nombres de canaux
non-proportionnels entre le rotor et le stator en utilisant une condition de péridicité. La seule solution
pour simuler ce type de configurations est donc de faire une simulation de l’intégralité (360°) du rotor
et stator, ce qui serait beaucoup trop coûteux et n’est pas encore envisageable.
C’est pourquoi des simulations RANS avec le rouet isolé ont été effectuées afin d’être utilisées pour
la comparaison avec les autres méthodes de modélisation de la turbulence. La prochaine partie va
donc permettre de s’assurer que cette modification géométrique ne va pas impacter dramatiquement
l’écoulement dans le rotor.

77
Smith

Spalart

EARSM

M1 M2

F IGURE IV.31 – Vue tridimensionnelle des décollements sur l’intrados des aubes de diffuseur au régime
de blocage grâce à une iso-surface de vitesse débitante nulle

3 Simulation du rouet isolé


Cette partie a pour objectif de qualifier et quantifier les différences d’écoulement dans le rouet
lorsque le diffuseur est pris ou non en compte dans les simulations RANS. En effet, il est important
de s’assurer que cette simplification géométrique n’impacte pas trop l’écoulement dans la roue mobile
puisque le diffuseur n’est pas simulé dans les simulations avec les approches LES et hybrides RANS/LES.
Les méthodes hybrides RANS/LES qui seront étudiées dans le dernier chapitre étant basées sur le
modèle de Spalart–Allmaras, il a été choisi d’utiliser celui-ci pour toutes les comparaisons des résultats
RANS avec ceux obtenus avec les méthodes LES et hybrides. C’est pourquoi dans cette partie la compa-
raison des configurations géométriques avec et sans diffuseur est faite uniquement pour le modèle de
Spalart–Allmaras sur le maillage le plus dense (M2).

3.1 Analyse globale


Les grandeurs caractéristiques globales usuelles pour le rotor obtenues sur les deux configurations
géométriques sont représentées sur la figure IV.32. Tout d’abord, le blocage s’effectuant dans le diffuseur
radial dans la configuration étage, on peut remarquer que le fait de ne prendre en compte que le rouet
centrifuge étend la plage de fonctionnement simulable jusqu’à de plus hauts débits. En effet, il est
possible de simuler des points de fonctionnement jusqu’au blocage du rotor. Cependant ces régimes de
fonctionnement du rouet ne sont pas atteignables dans la machine réelle et ne seront donc pas analysés.
Pour un point proche du régime nominal de la configuration étage, les grandeurs caractéristiques
du rouet prévues par la simulation sont très proches de celles obtenues avec la configuration étage avec
des écarts de 0, 73% sur le taux de pression totale-à-totale et de 0, 39% sur le rendement total.
Ces écarts sont notament plus faibles que ceux induits par le changement de discrétisation spatiale.
Bien que ces résultats ne soient pas présentés ici par souci de synthèse, des simulations avec les
différents modèles et maillages ont montré que les tendances observées sur la configuration étage sur

78
2.70 1.00

2.55 0.98

2.40 0.96
πt12

ηt12
2.25 0.94

2.10 0.92

1.95 experiences 0.90


M2E Spalart M2E Spalart
M2R Spalart M2R Spalart
0.32 0.34 0.36 0.38 0.40 0.32 0.34 0.36 0.38 0.40
debit debit
(a) (b)

F IGURE IV.32 – Évolutions du taux de pression totale-à-totale (a) et rendement isentropique total-à-total
(b) du rouet en fonction du débit pour les configurations avec (M2E) et sans diffuseur aubé (M2R)

l’impact de ces paramètres sont retrouvées sur la configuration rouet isolé avec des écarts relatifs du
même ordre de grandeur.

3.2 Analyse locale

1.0
pale intercalaire
bord d’attaque

0.8

0.6
δπt (%)

0.4

0.2

0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE IV.33 – Évolution méridienne de l’écart de taux de pression totale-à-totale dans le rotor entre
les deux configurations géométriques

La figure IV.33 présente l’évolution des écarts de taux de pression totale-à-totale entre les deux confi-
gurations géométriques suivant la position méridienne dans le rouet. On voit que l’erreur de 1, 35% ob-
servée précédement n’est pas atteinte. Ceci est dû au fait que le taux de compression du rouet est calculé
à partir de données pariétales uniquement (de la même manière que pour les données expérimentales)
et sur un plan plus en aval où l’effet du diffuseur est donc d’autant plus fort.
Dans tout le rouet, l’écart est inférieur à 1%, les plus grandes différences apparaissant dans les 25
derniers pour-cents de corde où l’effet du stator est évidement plus important.
La topologie de l’écoulement dans le rouet décrite dans l’analyse locale de la configuration étage est
elle aussi très bien reproduite comme le montre la figure IV.34. En effet, les seules différences visibles
apparaissent dans la région proche du bord de fuite des pales.
Les coupes correspondant au dernier plan de mesure LDA disponible sont présentés sur la figure IV.35.
La répartition des zones de sillage est semblable entre les deux simulations. Seul un niveau plus faible
de vitesse débitante est observable dans le demi-canal gauche.

79
configuration étage configuration rouet isolé
Mach rotation
0.0 1.3

F IGURE IV.34 – Champ de nombre de Mach et iso-lignes de ∇ρ.~ V~ sur une surface aube-à-aube à 98%
de hauteur de pale dans le rouet au point nominal pour les deux configurations géométriques

étage

rouet isolé
LDA
Vm Vθ
0.18 0.50 0.94 1.32
rotation

F IGURE IV.35 – Comparaison des vitesses méridiennes et azimutales en section K pour le point de
fonctionnement nominal sur la configuration étage et rouet isolé

3.3 Bilan
Les résultats des simulations sur la configuration rouet isolé donnent des résultats très proches de
celles où le diffuseur radial est simulé. Les grandeurs caractéristiques globales du rouet sont en effet
très bien reproduites. Les seules différences notables apparaissent au voisinage de la sortie du rouet où
l’effet du diffuseur est évidement plus important. En effet, des écarts locaux sur les niveaux de vitesse
sont visibles près du bord de fuite des pales.
Cependant le modèle d’interface rotor/stator de plan de mélange utilisé pour la simulation RANS
de l’étage ne permet de faire remonter dans le rouet qu’un effet moyen du diffuseur, contraignant ainsi
fortement l’écoulement dans cette région. Par conséquent, l’écoulement moyen observé localement dans
les simulations sur la configuration étage dans ces régions est probablement déjà différent de celui pré-
sent dans la machine réelle où des interactions rotor/stator instationnaires hétérogènes azimutalement
se développent [9].
En conclusion, l’effet moyen du diffuseur n’implique pas de modification drastique de l’écoulement
dans le rouet et la configuration sans diffuseur semble suffisante pour reproduire la topologie d’écoule-
ment de celui-ci.

4 Bilan des simulations RANS


Ce chapitre a permis de proposer et valider une caractérisation de la topologie de l’écoulement
pour les points de fonctionnement nominal et de blocage. L’influence du raffinement de maillage et du

80
modèle de turbulence sur les différentes structures décrites a été étudiée en détail.
Bien que les maillages utilisés soient conséquemment plus denses que ceux employés usuellement
pour les simulations RANS, la convergence en maillage n’est pas encore atteinte. On voit notamment
des différences importantes sur les structures de décollement et de choc dans le diffuseur. Toutefois la
topologie d’écoulement dans le rouet centrifuge semble moins influencée par le niveau de discrétisation
spatiale.
D’autre part, un écart notable sur les résultats a été observé lorsque l’on change de modèle de turbu-
lence. Outre les différences dans le diffuseur radial, les structures tourbillonnaires dues aux écoulements
de jeu dans le rouet et leurs interactions avec l’écoulement principal présentent des différences. De plus,
il a été observé que ces différences ont un effet non négligeable sur les performances de la machine.
Ces structures tourbillonnaires étant donc particulièrement dépendantes de la modélisation de la
turbulence, les approches impliquant une part moins importante de modélisation de la turbulence telles
que la simulation aux grandes échelles sont des candidats intéressants pour étudier plus en détail l’effet
de la turbulence et de son développement sur ces structures complexes.

81
Chapitre V

Simulation LES

Contents
1 Évaluation de la qualité du maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
2 Analyse du champ moyen et comparaison avec les calculs RANS . . . . . . . . . . . 86
2.1 Évaluation de la convergence statistique des moyennes . . . . . . . . . . . . . . 86
2.2 Grandeurs globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.3 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
3 Analyse de l’écoulement instantané . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
4 Caractérisation de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
5 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

Comme évoqué dans le chapitre précédent, les structures tourbillonnaires apparaissant du fait des
écoulements de jeu et des écoulements secondaires ont un impact important sur le fonctionnement du
compresseur. De plus, ces écoulements sont particulièrement sensibles au modèle de turbulence adopté.
L’approche RANS est la méthode communément employée pour la conception des turbomachines
(et dans l’industrie en général). Cependant, la qualité des résultats dépend largement du modèle de
turbulence utilisé, ce qui est problématique pour prévoir l’écoulement dans des machines dont la phy-
sique est complexe et ne respecte pas les hypothèses de la plupart des modèles (turbulence à l’équilibre,
couches limites pleinement turbulentes, etc.). En effet, les calculs sont généralement faits en suivant
des règles mises en place sur des configurations de même type en comptant sur une reproductibilité
des erreurs : en connaissant les défauts du modèle sur une configuration, on suppose qu’ils seront les
mêmes sur une autre. Cependant, le chapitre précédent a montré que les effets combinés entre erreurs
numériques et erreurs de modélisation sur une même configuration conduisent à des écoulements dif-
férents localement (état des couches limites, interactions des structures turbulentes avec l’écoulement
moyen), ce qui peut se traduire par des erreurs globales (prévision des performances de la machine).
L’augmentation permanente de la puissance des calculateurs rend désormais envisageable dans le
domaine de la recherche (et à long terme dans le domaine industriel), l’utilisation d’approches de
modélisation de la turbulence plus précises que les méthodes RANS. La simulation aux grandes échelles
permet d’augmenter la part de l’écoulement qui est résolue (grandes structures de la turbulence), tout
en réduisant l’influence de la part qui est modélisée (petites structures). Cependant, pour cela, il faut
que les structures turbulentes puissent être calculées jusque dans la zone inertielle du spectre. Par
conséquent, les besoins en termes de discrétisation spatiale et temporelle sont fondamentalement plus
importants, ce qui se traduit par des coûts de calculs bien plus élevés.
Ce chapitre présente les résultats d’une simulation aux grandes échelles de la configuration sans
diffuseur du compresseur industriel. Il a été choisi pour cette simulation de ne pas utiliser de modèle
de paroi et donc de chercher à résoudre l’écoulement de couche limite. Dans un premier temps, un
intérêt particulier est donc porté sur la quantification de la qualité de la simulation et sur l’estimation
des besoins pour une "bonne LES" au sens académique, c’est-à-dire une LES qui répond aux critères
académiques de discrétisation proche proche pour résoudre correctement les couches limites. L’écoule-
ment moyen dans le rouet est ensuite comparé avec les simulations RANS. Enfin, ce chapitre présente
une analyse des champs instantanés ainsi qu’une caractérisation de la turbulence dans la machine.

82
La simulation analysée dans ce chapitre a été réalisé en utilisant le modèle de sous-maille de Sma-
gorinsky (sans traitement pariétal particulier). Ce modèle est connu pour fournir un niveau de viscosité
trop important proche des parois. Cependant, le modèle de sous-maille de WALE [76] qui est souvent
utilisé dans les configurations confinées telle que celle-ci étant donné qu’il permet de remédier à ce
problème ne fonctionnait pas dans notre cas. En effet, en utilisant ce modèle la simulation devenait
instable rapidement (en général dans des régions proches paroi des pales ou au bord de fuite).

1 Évaluation de la qualité du maillage


L’approche LES employée utilisant un filtrage de la turbulence basé sur la résolution spatiale locale
du maillage, il est primordial de quantifier la qualité du maillage utilisé pour les simulations. En effet,
les modèles de sous-maille utilisés en LES sont calibrés pour simuler l’effet des petites structures de
la zone inertielle du spectre turbulent. Ce point est déjà problématique car il n’existe pas de preuve
évidente de l’existence de cette zone dans les turbomachines centrifuges [110].
Dans tous les cas, il est important d’avoir un maillage suffisamment raffiné pour simuler les struc-
tures turbulentes les plus énergétiques (a priori les plus grosses) et ne filtrer que les petites structures.
Comme évoqué précédemment (voir section II.2.3.3), dans le cadre applicatif retenu dans ce mémoire,
raffiner le maillage revient à réduire la part modélisée tout en réduisant les erreurs numériques. En pra-
tique, il y a donc ici une différence entre les notions de convergence en maillage en RANS (réduction
de l’erreur numérique) et en LES (réduction de l’erreur numérique mais aussi de l’effet du modèle).
Cependant, on définit ici une convergence en maillage de premier ordre en analysant les grandeurs
conservatives moyennes. L’enrichissement du spectre turbulent, passé un certain niveau, ne devrait pas
modifier les grandeurs conservatives moyennées, mais uniquement les statistiques du second ordre liées
à la turbulence (qui vont elles aussi finir par converger).
Les simulations LES présentent un coût de calcul extrêmement fort à des nombres de Reynolds aussi
élevés que ceux rencontrés ici (de quelques centaines de milliers à plusieurs millions d’heures CPU par
point de fonctionnement). C’est pourquoi la convergence en maillage au premier ordre de la simulation
présentée dans ce chapitre n’a pas pu être vérifié au cours de cette thèse. En effet, pour cela, il faudrait
réaliser une simulation sur un maillage encore plus dense que celui utilisé (M3).
Il existe néanmoins des critères de qualité conseillés pour la réalisation de maillage LES. De plus,
l’analyse des grandeurs statistiques de la turbulence permet d’obtenir une quantification de la qualité de
la solution. Cette partie cherche donc à estimer a posteriori la qualité de la simulation en se basant sur
ces critères. Des résultats de simulation LES sur un maillage plus grossier (maillage M2) seront analysés
dans le prochain chapitre (section VI.1).
Les critères les plus communément vérifiés sont les critères de raffinement de maillage pariétal. En
effet, la résolution des couches limites est un point critique de la LES étant donné que des structures de
petites tailles et fortement anisotropes s’y développent. Celles-ci sont donc particulièrement coûteuses à
résoudre correctement et le modèle de sous-maille utilisé n’a pas de traitement spécifique à la paroi pour
en tenir compte. Comme il a été expliqué dans les parties III.2.1.2 et II.2.4, ces structures requièrent
un raffinement pariétal très fin : ∆S + = 100, ∆N + = 1, ∆T + = 20 pour la première maille de paroi
et un taux d’expansion de taille de maille dans la direction normale à la paroi de l’ordre de 1,05. Cette
dernière contrainte a été directement imposée dans le mailleur et devrait donc être respectée sur tout le
maillage (les algorithmes d’optimisation de forme des mailles ayant toutefois pu un peu modifier cette
valeur).
De plus, pour les modèles de sous-maille disponibles dans elsA, le filtrage étant effectué directement
par le maillage sans fonction de filtrage explicite (cf. section II.2.3.3), il faut aussi s’assurer d’avoir des
cellules aussi cubiques que possible dans la veine.
La figure V.1 représente les valeurs des tailles caractéristiques de maille sur les parois pour le
maillage M3 utilisé pour la simulation LES présentée dans ce chapitre. La figure V.2 précise quant à
elle les valeurs de ces tailles caractéristiques de mailles sur la peau des pales à mi-hauteur de veine en
fonction de l’abscisse méridienne.
Pour des raisons de coût de calcul, il avait été choisi d’avoir environ 150 millions de nœuds dans
le maillage, les tailles de maille ont donc été choisies en fonction. La condition ∆N + ≤ 1 requise est
globalement respectée sur l’intégralité des parois du rouet de même que sur le carter (non représenté
ici). Les tailles de mailles ∆S + et ∆T + sont quant à elles plus grossières.

83
F IGURE V.1 – Tailles caractéristiques ∆S + , ∆N + , ∆T + des premières cellules de paroi pour le maillage
M3
1.5 1000
extrados intrados extrados intrados

750
pale principale
1.0 pale secondaire
N+

S+

500

0.5
250

0.0 0
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ abscisse curviligne σ
1000
extrados intrados

750
T+

500

250

0
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ

F IGURE V.2 – Évolution méridienne des tailles caractéristiques ∆N + , ∆S + et ∆T + des premières cel-
lules de paroi à mi-hauteur de pale

84
Dans la direction de l’écoulement ont atteint des valeurs maximales de ∆S + = 700, à proximité
du bord de fuite des aubes principales. Il faut toutefois noter que dans les régions proches des bords
d’attaque des pales, une résolution longitudinale relativement fine a été imposée afin de bien capturer
les fortes hétérogénéités de l’écoulement telles que le choc de bord d’attaque et le détachement du
tourbillon de jeu. Ainsi, les valeurs faibles (∆S + ≈ 1), à proximité de l’abscisse curviligne σ = 0, 5,
sont dues à la présence du bord d’attaque des aubes intercalaires qui a été raffiné (une limitation de
l’approche structurée est qu’il a fallu aussi raffiner les aubes principales à mi-envergure).
La discrétisation spatiale dans la direction tangentielle T + est très grossière par rapport au critère
académique conseillé. En effet, ∆T + prend des valeurs d’environ 400 sur la quasi-intégralité de la
longueur de pale. Des valeurs plus faibles sont atteintes sur les derniers 25% de la pale du fait de la
réduction significative de hauteur de veine. D’autre part, des valeurs importantes de ∆T + sont atteintes
au moyeu et carter proche de la sortie du rouet. Ceci est dû à l’élargissement de la veine à cause de
l’augmentation de rayon. Par conséquent, la direction T + est particulièrement contraignante pour la
réalisation du maillage puisque le passage de la partie inductrice du rouet avec une grande hauteur et
une faible largeur de veine à la partie radiale avec une faible hauteur mais une grande largeur impose
de raffiner le maillage dans les deux directions.
Le maillage est donc sous-raffiné dans les directions S + et T + proche des parois par rapport aux
critères recommandés dans la littérature pour un calcul LES. D’autre part, les simulations RANS ont
montré l’importance de la bonne résolution des écoulements de jeu et de leur développement dans la
veine. Il est donc aussi important d’estimer la qualité du maillage dans la veine. Pour cela, des grandeurs
représentatives de la qualité du calcul doivent être calculées dans le domaine en séparant la zone de
proche paroi du cœur de la veine. On a choisi de délimiter ces régions par la surface située à une
distance de dw = 2mm des parois. Comme le montre la figure V.3 qui présente l’évolution méridienne
de l’iso-ligne N + = 1000 à mi-hauteur de pale, cette distance semble être une estimation convenable de
l’épaisseur maximale de couche limite sur l’intégralité de la pale.

extrados intrados
2.50
pale principale
pale intercalaire
2.00
distance paroi

1.50

1.00

0.50

−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0


abscisse curviligne σ

F IGURE V.3 – Évolution méridienne de la distance à la paroi pour N + = 1000 à 50% de hauteur de
veine sur les pales

Une quantité couramment employée pour quantifier la qualité d’une simulation LES est le rapport
entre la viscosité turbulente de sous-maille et la viscosité laminaire. Les évolutions de ce rapport dans
les couches limites et dans la veine en fonction de l’abscisse curviligne sont présentées sur la figure V.4.
Il est nécessaire d’avoir un rapport inférieur à 10 pour considérer que la simulation est de bonne qualité
(en particulier dans les couches limites). En effet, la viscosité de sous-maille étant directement liée à
la taille du filtre spatial, cela signifie que le maillage est suffisamment fin pour que la contribution du
modèle de sous-maille ne soit pas trop importante. On voit que autant dans la zone proche paroi que
dans la veine ce rapport de viscosité reste inférieur à 10 sur toute la corde du compresseur, avec des
valeurs ne dépassant pas 4 dans les couches limites.
Il serait intéressant de calculer d’autres critères pour obtenir une meilleure estimation de la qualité
du calcul, tel que le rapport d’énergie cinétique turbulente modélisée et résolue où des tailles caracté-
ristiques de la turbulences comme il a été fait par exemple dans [57] (l’évaluation de telles grandeurs
nécessite d’extraire le tenseur de Reynolds moyennés ce qui n’avait pas été anticipé dans nos calculs).

85
6
dw < 2.

pale intercalaire
bord d’attaque
dw > 2.

Rapport de viscosite
4

0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE V.4 – Évolution méridienne du rapport entre viscosité de sous-maille et viscosité laminaire dans
les couches limites et dans la veine

Bilan et estimation du coût d’une bonne LES au sens académique

En conclusion, bien que les critères de raffinement de maillage pariétal suggérés dans la littérature
ne soient pas atteints dans les deux directions tangentielles aux parois (S + et T + ), particulièrement
sur les aubes et au moyeu en sortie de domaine, les résultats de simulations montrent qu’une part
importante de la turbulence est bien résolue, tant dans la veine que dans les régions proche paroi.
Il est possible d’estimer le nombre de points de maillage nécessaire si l’on voulait respecter les
critères académiques de raffinement de maillage pariétal. Compte tenu des valeurs de ∆S + et ∆T +
observées sur le maillage M3 sur les aubes, il faudrait multiplier par 7 le nombre de points dans la
direction longitudinale et par 40 suivant l’envergure. Étant donné que le maillage est structuré, une
telle résolution pariétale se propage jusque dans la veine, augmentant drastiquement le nombre global
de points. Ceci impliquerait alors de générer un maillage d’environ 40 milliards de points. Les coûts de
calcul associés à un tel maillage (outre le nombre de points, cela implique aussi de diminuer le pas de
temps pour garder une condition CFL de l’ordre de l’unité) sont hors de portée dans cette étude avec
les moyens informatiques à disposition.

2 Analyse du champ moyen et comparaison avec les calculs RANS


Les résultats de simulation LES sur le maillage M3 sont comparés avec les résultats RANS et expé-
rimentaux, en termes de grandeurs globales puis d’écoulement moyen. Pour les calculs RANS, il a été
choisi de faire la comparaison avec les calculs utilisant le modèle de Spalart–Allmaras sur le maillage
M2 de la configuration sans diffuseur (ce choix est justifié dans la partie IV.3 du chapitre précédent).

2.1 Évaluation de la convergence statistique des moyennes


Le calcul a été initialisé avec les résultats de simulations RANS. En partant de cet état, le calcul a
été amené au point de fonctionnement voulu en ajustant progressivement la valeur de pression de la
condition limite en sortie.
Un point sensible de la simulation aux grandes échelles, et rarement quantifié, est le problème de
détection de la fin du régime transitoire. En effet, il faut absolument s’assurer d’avoir évacué le transi-
toire avant d’effectuer les moyennes temporelles. De plus, il est indispensable de quantifier les erreurs
de convergence des statistiques effectuées. Pour cela, l’algorithme présenté dans l’annexe D permet
d’estimer la fin du transitoire et de fournir une estimation de l’erreur de convergence des moyennes
pendant le calcul.
L’algorithme a été appliqué sur les signaux de pression de 19 sondes réparties à différentes hauteurs
de veine aux bords d’attaques et bords de fuite de la pale principale et de la pale intercalaire et dans la
veine en amont et en aval du rouet. Les résultats montrent que l’évacuation du transitoire nécessite un
peu moins de 3 tours de roue. Pour assurer une marge de sécurité, et ne pas contaminer les statistiques,

86
les moyennes ont été calculées à partir de signaux enregistrés après la fin de la troisième rotation du
rouet. Les moyennes ont ensuite été calculées sur la base de signaux enregistrés pendant 6 tours de
roue. Avec un tel temps pour effectuer les moyennes, l’algorithme a estimé l’erreur de moyenne à 0, 1%
au premier ordre (calcul de la moyenne) et 3, 5% sur les quantités du second ordre (calcul de l’écart
type).

2.2 Grandeurs globales

1.00

0.98
2.50
0.96
πt12

ηt12
2.25 0.94

0.92
2.00
experiences 0.90
M2R Spalart M2R Spalart
M3R LES M3R LES
0.32 0.34 0.36 0.38 0.40 0.32 0.34 0.36 0.38 0.40
debit debit
(a) (b)

F IGURE V.5 – Taux de pression totale-à-totale (a) et rendement isentropique total (b) du rouet

Les grandeurs caractéristiques globales usuelles du rouet sont représentées sur la figure V.5. La
condition aux limites en sortie imposée en LES a permis de caler le point de fonctionnement pour avoir
un régime proche du point nominal trouvé en RANS. Le rendement isentropique du rouet est identique
à celui obtenu en RANS. En revanche, la simulation LES prévoit un taux de compression inférieur de
1, 95% par rapport aux résultats RANS, ce qui signifie une diminution du travail fourni par le rouet
(puisque le rendement est le même).
1

0
0
δ(Tt − Tt1 ) (%)
δ(Pt /Pt1 ) (%)

−3
−1
pale intercalaire
bord d’attaque
pale intercalaire
bord d’attaque

−6
−2

−3 −9
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ Abscisse curviligne σ
(a) (b)

F IGURE V.6 – Évolution méridienne de l’écart de taux de pression totale-à-totale (a) et de la différence
de température totale (b) entre la simulation LES et la simulation RANS

La figure V.6 donne l’évolution méridienne de la différence entre le calcul LES et le calcul RANS sur
le taux de pression totale-à-totale et la température totale. On voit que la différence de taux de pression
apparaît dès l’entrée dans le rouet, après le choc, et reste entre 1% et 2% jusqu’à la sortie. D’autre part
cette baisse du taux de pression dans la simulation LES s’accompagne d’une baisse d’environ 2, 5% du
travail jusqu’à 60% de corde. Sur les derniers 40% de corde, les niveaux se rejoignent, suggérant que le

87
travail échangé dans le calcul LES est plus important que pour le RANS de 60 à 80%, puis à peu près
identique.

2.3 Analyse locale


Topologie d’écoulement aube-à-aube

Afin de comprendre l’origine de ces différences de travail, il est nécessaire de procéder à une ana-
lyse plus fine de l’écoulement. Les champs aube-à-aube d’entropie moyenne pour le calcul LES et la
simulation RANS avec le modèle de Spalart–Allmaras sont présentés sur la figure V.7.

(a) Spalart (b) LES


entropie rotation
0.0 0.4

F IGURE V.7 – Coupe à 99% de hauteur de pale dans le rouet au point nominal pour les simulations
~ V
RANS et LES : entropie et iso-lignes de ∇ρ. ~

On remarque tout d’abord que le niveau d’entropie en amont n’est pas le même en RANS et en
LES. Ceci est dû à un état différent de la couche limite au carter comme il sera discuté dans la section
suivante (section 3).
D’autre part, le choc de bord d’attaque est à la même position dans les deux simulations ; cependant
la structure du pied de choc est différente. En effet, dans la simulation RANS, le pied de choc en lambda
est à peine visible et les deux branches ont fusionné pour former un pied de choc épais. Le maillage
M3 étant plus fin, le choc en lambda est mieux reproduit. En effet, les deux branches du lambda sont
parfaitement reproduites, bien que sur cette figure, l’isoligne de ∇ρ. ~ V ~ ne permet de voir qu’une des
branches, l’autre étant oblique et donc filtrée par le produit scalaire avec la vitesse. Cette différence de
résolution des chocs est responsable des différences sur le taux de pression au bord d’attaque, observée
sur la figure V.6(a).
Ce choc en lambda dans le calcul LES va aussi provoquer l’apparition d’une nappe turbulente générée
au point triple et convectée jusque dans la veine adjacente (et qui va donc passer à travers le choc de
bord d’attaque de la pale adjacente) dont la trace est visible sur le champ aube-à-aube d’entropie.
On peut aussi voir un développement différent du tourbillon de jeu primaire au passage du choc.
En effet, la LES montre que ce tourbillon se déstabilise et éclate au passage du choc pour former un
sillage turbulent et le front du tourbillon n’est plus distinguable (contrairement à ce qui est visible sur le
champ RANS). Cette transformation du tourbillon de jeu génère des pertes importantes à proximité de
l’extrados, dues au mélange de l’écoulement de jeu avec l’écoulement moyen. Une partie de l’entropie
issue de la zone de mélange est alors entraînée par l’écoulement en amont du bord d’attaque de la pale
intercalaire (phénomène visible aussi sur les champs RANS).
Dans la deuxième moitié du rouet, les niveaux d’entropie dans le tourbillon de jeu de la pale in-
tercalaire (demi-canal gauche) sont sensiblement plus faibles en LES qu’en RANS, alors que dans le

88
demi-canal droit, la structure de sillage formée par l’interaction entre le tourbillon de grattage et le
tourbillon secondaire occupe une part plus importante de la veine et génère nettement plus d’entropie.
Ces différences sont probablement la cause de l’augmentation du travail fourni observée dans cette
région sur la figure V.6(b).

Coupes orthogonales et validation expérimentale (LDA)

Les résultats RANS et LES sont maintenant comparés avec les résultats expérimentaux LDA sur les
coupes orthogonales A, C, E et I (cf. figure III.6).
Section A : figure V.8
La section A proche du bord d’attaque de la pale principale en aval permet de bien visualiser la
structure différente qu’adopte le tourbillon de jeu primaire après le passage du choc dans le calcul LES.
En effet, contrairement au RANS où le cœur du tourbillon est toujours clairement visible, le tourbillon
a complètement éclaté dans la simulation LES. Une zone fortement entropique avec une importante
vitesse tangentielle et une faible vitesse méridienne est formée, allant de l’extrados de la pale au front
de l’écoulement de jeu. Ce front se rapproche moins de l’intrados de la pale adjacente que dans la
simulation RANS, mais ce fluide fortement entropique s’enfonce bien plus profondément dans la veine.
On voit donc ici une structure d’écoulement de jeu très différente entre le calcul RANS et le calcul
LES. Les données LDA semblent décrire une topologie d’écoulement à mi-chemin entre les résultats
RANS et LES, notamment en ce qui concerne l’extension de l’écoulement de jeu (faibles valeurs de Vm
et fortes valeurs de Vθ ). Le calcul RANS sous-estime la zone d’influence de l’écoulement de jeu (qui
reste très localisée en tête de la machine) alors que la LES surestime son extension radiale. Ceci est
compatible avec l’existence d’un tourbillon de jeu cohérent dans le calcul RANS alors que la simulation
LES montre que ce tourbillon de jeu éclate pour former un sillage turbulent qui va fusionner avec la
zone de mélange secondaire.
Une zone de faible vitesse méridienne sur l’extrados de la pale est présente dans les deux calculs
mais avec une topologie différente (non visible sur les mesures LDA car trop proche de la paroi). Celle
observée sur la simulation RANS est attribuée à un décollement de la couche limite sur la partie basse
de la pale du fait du choc de bord d’attaque concentré en tête. Dans le calcul LES, cette région de faible
vitesse est présente sur toute la moitié supérieure de la pale et fusionne avec la zone à faible vitesse
débitante liée à l’écoulement de jeu.
La figure V.9 donne une vue tridimensionnelle du choc et des zones d’écoulement de forte entropie.
Comme il a été mentionné sur la vue aube-à-aube, bien que le choc soit positionné au même endroit
dans les deux simulations, le pied de choc adopte une topologie très différente. En effet, les deux
branches ont quasiment fusionné dans le calcul RANS alors qu’elles sont bien distinctes dans la simula-
tion LES (rappel : la branche oblique du choc allant du bord d’attaque au point triple n’est pas visible
sur la figure pour le calcul LES car le produit scalaire avec la vitesse utilisé pour générer l’iso-surface
représentée ne permet de visualiser que les chocs forts). Néanmoins, celle-ci est présente sur toute la
hauteur de pale contrairement au calcul RANS où le choc n’est présent qu’en tête.
La figure V.10 donne une représentation schématique du choc dans le calcul LES. Du fait du fort
gradient de pression induit par le choc, un décollement de la couche limite apparaît juste après le bord
d’attaque sur toute la hauteur de pale. La couche limite va ensuite se rattacher derrière le choc. C’est
ce bulbe de décollement qui est visible sur les coupes orthogonales. Cette topologie d’écoulement est
cohérente avec les observations expérimentales de Seddon [89] (cf. figure V.11) sur l’interaction d’un
choc en lambda avec une couche limite turbulente.
En effet, Seddon observe bien l’apparition d’une bulle de décollement comme sur le calcul LES
derrière la branche oblique du choc et un rattachement en aval. De plus, Seddon a observé une nappe
de vorticité générée au point triple, qui se déstabilise et génère la turbulence observée en tête de pale
dans le calcul LES (cf. figure V.7).

Section C : figure V.12


Plus en aval, sur la section C qui est au niveau du bord d’attaque de la pale secondaire, on remarque
là encore que le tourbillon de jeu est toujours cohérent sur le champ RANS. Comme pour la coupe
précédente, les résultats LES montrent un tourbillon de jeu primaire ayant éclaté et fusionné avec le
tourbillon secondaire. Ce mélange forme une zone de forte vitesse tangentielle continue de la pale à
la zone d’écoulement de jeu, ce dernier étant plus loin de l’intrados de la pale adjacente que dans la

89
Spalart M2

LES M3

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.15 0.44
rotation

F IGURE V.8 – Comparaison des résultats de simulations RANS et LES avec les données expérimentales
LDA de vitesses méridiennes et azimutales en section A

Spalart LES

~ V
F IGURE V.9 – Vue tridimensionnelle du choc de bord d’attaque (iso-surface de ∇ρ. ~ en rouge) et diffé-
rentes coupes orthogonale d’entropie à différentes positions méridiennes pour la simulation RANS avec
le modèle de Spalart–Allmaras et la simulation LES

simulation RANS. On voit aussi apparaître un tourbillon dans le coin en tête de l’intrados de la pale qui
n’est visible ni dans la simulation RANS, ni sur les résultats expérimentaux. En revanche, la LES montre
un déficit de vitesse méridienne réduit dans le coin moyeu / intrados de la pale principale, qui est plus

90
zone décollée

nappe turbulente
issue du point triple

chocs en lambda

sens de rotation

16.

F IGURE V.10 – Schéma de principe du choc en lambda et du décollement associé dans la simulation LES

15 50

17.

F IGURE V.11 – Schéma de principe de l’interaction entre un choc en lambda et une couche limite turbu-
27
lente observé par Seddon [89]

en accord avec les mesures expérimentales.


Également, le calcul RANS n’arrive pas à prévoir la répartition de vitesse tangentielle pied/tête dans
la veine du demi-canal gauche, alors que la LES montre une répartition de Vθ très proche des données
LDA.

Section E et I : figures V.13 et V.14


Les résultats sur les sections E et I confirment les observations effectuées sur la vue aube-à-aube
en rapport avec la différence de structure d’écoulement dans le demi-canal droit. En effet, bien que
l’écoulement semble adopter une topologie comparable dans le demi-canal gauche, des différences
notables sont présentes dans le demi-canal droit. La zone de faible vitesse méridienne et forte vitesse
tangentielle occupe quasiment toute la largeur de veine en LES alors qu’elle reste concentrée proche de
l’intrados de la pale secondaire en RANS comme sur les mesures LDA.
La figure V.15 donne les profils de vitesse méridienne et tangentielle moyennées azimutalement au
bord de fuite dans les deux demi-canaux.
Au global, alors que le débit du calcul LES est très proche de celui du calcul RANS (−0, 15%) (cf.
figure V.5), on peut observer une répartition différente des débits locaux entre les deux demi-canaux.
En effet, les écoulements de jeu dans le canal gauche plus intenses en RANS impliquent une plus faible
vitesse méridienne et donc un plus faible débit que dans le calcul LES. Alors que dans le canal droit, les
profils de vitesse sont différents sur toute la hauteur de veine entre les deux simulations et résultent en
moyenne en un débit plus élevé en RANS qu’en LES.
La vitesse tangentielle (et donc le travail) est globalement plus élevée en RANS qu’en LES dans le
canal gauche. Les conclusions s’inversent dans le canal droit, pour lequel la LES prévoit des valeurs de Vθ
plus importantes qu’en RANS. En moyenne sur les deux canaux, la vitesse tangentielle est légèrement
plus faible en LES qu’en RANS, ce qui explique que les rendements des deux simulations soient si
proches malgré l’écart de taux de pression principalement dû aux différences sur les chocs de bord

91
Spalart M2

LES M3

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.44 0.59
rotation

F IGURE V.12 – Comparaison des résultats de simulations RANS et LES avec les données expérimentales
LDA de vitesses méridiennes et azimutales en section C

Spalart M2

LES M3

LDA

Vm Vθ
0.18 0.50 0.76 1.09
rotation

F IGURE V.13 – Comparaison des résultats de simulations RANS et LES avec les données expérimentales
LDA de vitesses méridiennes et azimutales en section E

d’attaque.

92
Spalart M2

LES M3

LDA
Vm Vθ
0.18 0.50 0.94 1.32
rotation

F IGURE V.14 – Comparaison des résultats de simulations RANS et LES avec les données expérimentales
LDA de vitesses méridiennes et azimutales en section I

1.0 1.0
carter carter

0.8 0.8
Hauteur de veine

0.6 RANS (D) Hauteur de veine 0.6 RANS (D)


RANS (G) RANS (G)
LES (D) LES (D)
0.4 LES (G) 0.4 LES (G)

0.2 0.2

moyeu moyeu
0.0 0.0
0.00 0.15 0.30 0.45 0.90 1.05 1.20 1.35
Vm Vθ

F IGURE V.15 – Comparaison des évolutions du moyeu au carter de la vitesse méridienne et tangentielle
à la sortie de la roue mobile dans les demi-canaux droite (D) et gauche (G) pour les simulations RANS
et LES

3 Analyse de l’écoulement instantané


Cette partie s’attache à comparer les champs instantanés des calculs LES avec les champs RANS.
L’une des interrogations avec le calcul LES concerne la structure de l’écoulement en entrée de la machine
et notamment l’état des couches limites car aucune méthode d’injection de turbulence n’a été utilisée.
Comme on peut le voir sur la figure V.16, la couche limite au moyeu devient bien turbulente en
amont du rouet (ceci est vrai aussi au carter). En effet, de fines structures turbulentes apparaissent peu
après l’entrée du domaine sur la partie fixe du moyeu et sont convectées jusque dans la partie tournante.
Le profil de vitesse moyenne en amont du rouet au moyeu est tracé sur la figure V.17. La principale
différence entre les simulations RANS et LES concerne le déficit de vitesse dans la couche limite, qui
est plus important en RANS qu’en LES. Ceci peut s’expliquer par la nature pleinement turbulente de
la couche limite en RANS dès l’entrée du domaine de calcul, alors que la couche limite en LES rentre
laminaire dans le domaine.
Au carter, le déficit de vitesse est plus marqué sur le profil LES que sur le profil RANS. Ce déficit plus
important explique partiellement les différences de comportement du tourbillon de jeu dans les deux
calculs. Le choc, mieux résolu en LES, se propage plus en amont et vient affecter le développent de la
couche limite au carter : le fort gradient de pression adverse provoque un épaississement brutal de la
couche limite (non capté en RANS en raison de la diffusion trop importante du choc) qui vient à son
tour modifier les conditions d’entrée dans la roue en tête de la machine.
Comme décrit sur le champ moyen un choc en lambda se forme dès le bord d’attaque de la pale
principale (cf. figure V.18). Une nappe turbulente se forme au point triple proche du carter et est
convectée jusque dans la veine de la pale adjacente. Celle-ci est en fait due à une instabilité de Kelvin-
Helmholtz qui se développe sur la couche de mélange qui se forme du fait de la différence de vitesse

93
∇ρ/ρ
0.0 0.1
rotation

F IGURE V.16 – Champ de ∇ρ/ρ sur une surface aube-à-aube à 1% de hauteur de pale et une coupe
orthogonale en amont du rouet (à la position de la ligne en pointillés noirs)

15 100
Hauteur de veine (%)

10 Hauteur de veine (%) 95

RANS RANS
LES LES

5 90

0 85
0.00 0.15 0.30 0.45 0.00 0.15 0.30 0.45 0.60
Vitesse Vitesse

moyeu carter

F IGURE V.17 – Profils de vitesse moyenne dans les deux simulations moyennés azimutalement en amont
du bord d’attaque de la pale principale

choc

éclatement
point triple
nappe turbulente du tourbillon
de jeu
entropie
0.0 0.4

rotation

F IGURE V.18 – Champ d’entropie sur une surface aube-à-aube à 99% de hauteur de pale

entre l’écoulement ayant traversé le pied du choc (donc un choc faible puis un choc fort consécutifs)
et le fluide n’ayant traversé que le choc fort. Le choc va aussi provoquer un décollement de la couche
limite sur toute la hauteur de pale côté extrados.

94
~ V
F IGURE V.19 – Vue tridimensionnelle instantanée du choc de bord d’attaque (iso-surface de ∇ρ. ~ en
rouge), du frottement pariétal (en noir et blanc) et du champ de ∇ρ/ρ à différentes positions méri-
diennes

La figure V.19 permet de visualiser ce décollement et son évolution aux différentes positions méri-
diennes grâce aux champs de ∇ρ/ρ. Celui-ci est présent dès le bord d’attaque de la pale et la ligne de
rattachement en aval du pied du choc est bien visible sur le frottement pariétal.
En effet, le tourbillon de jeu primaire généré au bord d’attaque de la pale éclate au passage du choc
et forme une région fortement turbulente et entropique qui est convectée dans la veine en direction de
l’intrados de la pale adjacente
On voit de plus sur la figure V.20 que cet écoulement issu du jeu va interagir avec le décollement de
la couche limite en tête et former un tourbillon secondaire.
L’écoulement de jeu et la zone de mélange secondaire, sièges d’une forte turbulence, sont ensuite
convectés dans la veine en direction de l’intrados de la pale adjacente jusqu’à occuper toute la largeur
de canal au niveau du bord d’attaque de la pale intercalaire (cf. figure V.21). On voit aussi se développer
des structures turbulentes sur l’extrados de la pale principale. Du fait des écoulements secondaires, ces
structures sont transportées le long de la paroi de la pale en direction du carter jusqu’à la zone de
mélange avec les écoulements de jeu.

∇ρ/ρ
0.0 0.6

rotation

F IGURE V.20 – Champ de ∇ρ/ρ sur une coupe orthogonale proche du bord d’attaque de la pale principale
(section A)

Le sillage turbulent composé par les écoulements de jeu et les structures de la zone de mélange
occupe une part plus importante de la hauteur de veine quand on se rapproche de la sortie du rouet
(figures V.22 et V.23)
Comme on peut le voir sur la figure V.24, ces écoulements induits par le jet de l’écoulement de jeu
sont la principale source de turbulence dans le rouet. En effet, lorsque le canal n’est pas encore occupé
sur toute sa hauteur par ce sillage turbulent, aucune structure tourbillonnaire n’est visible dans la veine.

95
∇ρ/ρ
0.0 0.1

rotation

F IGURE V.21 – Champ de ∇ρ/ρ sur une coupe orthogonale au bord d’attaque de la pale intercalaire
(section C)

∇ρ/ρ
0.0 0.1

rotation

F IGURE V.22 – Champ de ∇ρ/ρ sur une coupe orthogonale au niveau du virage axial/radial (section E)

∇ρ/ρ
0.0 0.1

rotation

F IGURE V.23 – Champ de ∇ρ/ρ sur une coupe orthogonale dans la partie radiale du rouet (section I)

bord de fuite

bord d’attaque
pale intercalaire front d’écoulement
bord d’attaque
pale principale nappe turbulente de jeu
choc
choc

(a) (b)
∇ρ/ρ
0.0 0.1

F IGURE V.24 – Vues méridiennes du champ de ∇ρ/ρ au milieu du demi-canal droit (a) et gauche (b)

Toutefois, de légères hétérogénéités sont perceptibles sur le champ de ∇ρ/ρ. Ce sont des ondes de
pression générées par l’interaction de la turbulence avec les parois qui remontent l’écoulement jusqu’au
choc de bord d’attaque.  
En effet, comme on peut le voir sur le champ de ∆ ∇. ~ U~ sur la figure V.25 (l’opérateur Laplacien
permettant de faire ressortir les hétérogénéités sur la divergence de la vitesse), de nombreuses ondes

96
(a) (b)

F IGURE V.25 – Vue instantanée


  (a) d’une surface aube-à-aube à 98% de hauteur de pale et (b) d’une
~ ~
coupe orthogonale de ∆ ∇.U (noir et blanc) et ∇ρ/ρ (couleur)

coexistent dans la veine du rouet. Celles-ci sont générées lors de la création d’un tourbillon au niveau
du coin extrados en tête de pale (cf. figure V.25(b)) et lorsque les tourbillons de l’écoulement de jeu
impactent la pale adjacente. Ces ondes se propagent dans les différentes directions, se réfléchissent sur
les parois et notamment remontent l’écoulement jusqu’au choc de bord d’attaque (cf. figure V.25(a)). De
nombreuses ondes sont générées en raison de cette interaction choc/turbulence, sans qu’une fréquence
caractéristique de ces structures ne puisse toutefois être mise en évidence.

4 Caractérisation de la turbulence
Comme l’a montré l’analyse des champs instantanés, la turbulence dans ce compresseur est principa-
lement générée par l’écoulement de jeu. Notamment, comme on peut le voir sur la figure V.26, lorsque
le tourbillon de jeu principal traverse le choc il éclate et engendre un écoulement fortement turbulent
qui est convecté dans la veine en aval. Ce sillage va croître en envergure jusqu’à occuper quasiment l’in-
tégralité de la veine en sortie de rouet. Le développement de la turbulence dans celui-ci a donc un effet
fondamental sur l’écoulement moyen dans le rouet et donc sur les performances globales de la machine.
On a d’ailleurs vu que la LES prévoit une topologie des écoulements de jeu sensiblement différente de
celle qui a été observée en RANS avec les différents modèles de turbulence.
Outre le développement de la turbulence dans la veine, l’état des couches limites est primordial pour
expliquer les pertes dans la machine. En effet, le formalisme RANS impose a priori un état turbulent
des couches limites. C’est pourquoi il existe différents modèles permettant de capter la transition des
couches limites en RANS. En LES, aucune hypothèse sur l’état de la couche limite n’est faite et la transi-
tion d’un état laminaire à un état turbulent se déclenche naturellement dans le calcul. Cette transition
peut toutefois être fortement dépendante de la turbulence amont. Il peut aussi arriver dans certain cas
critique que la transition turbulente de la couche limite soit provoquée par des artifices numériques
("wiggles") provoquant un déclenchement prématuré de celle-ci.
Pour analyser l’état moyen des couches limites, l’évolution du niveau d’énergie cinétique turbulente
est tracé à différentes hauteurs de veine sur toute la longueur de la pale à une distance caractéristique
N + = 100 sur la figure V.27. Cette valeur iso-valeur de N + a été choisie car il semble raisonnable de
considérer qu’à une telle position dans la couche limite, si le niveau d’énergie turbulente est nul, la
couche limite est dans un état laminaire.
On peut voir que, sur l’extrados de la pale principale, la couche limite est turbulente dès le bord
d’attaque et le reste sur toute la longueur de la pale. Un pic d’énergie cinétique turbulente marque le
point de rattachement de la couche limite décollée.
Par contre, sur l’intrados de la pale principale la couche limite est laminaire et transitionne vers un

97
0.015

Energie cinetique turbulente resolue

pale intercalaire
bord d’attaque
0.010

0.005

0.000
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE V.26 – Évolution méridienne de l’énergie cinétique turbulente résolue moyennée sur des plans
d’abscisse curviligne constante entre le bord d’attaque (σ = 0) et le bord de fuite (σ = 1) de la pale
principale

0.018 0.018
extrados intrados extrados intrados
0.016 0.016
Energie cinetique turbulente k

pale principale Energie cinetique turbulente k pale principale


0.014 0.014
pale intercalaire pale intercalaire
0.012 0.012
0.010 0.010
0.008 0.008
0.006 0.006
0.004 0.004
0.002 0.002
0.000 0.000
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ abscisse curviligne σ
25% de hauteur de veine 50% de hauteur de veine
0.018
extrados intrados
0.016
Energie cinetique turbulente k

0.014 pale principale


pale intercalaire
0.012
0.010
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ
75% de hauteur de veine

F IGURE V.27 – Évolution du niveau d’énergie cinétique turbulente dans la couche limite à N + = 100 en
fonction de l’abscisse curviligne (les valeurs négatives et positives de σ correspondant respectivement à
la face en dépression et en pression de la pale)

état turbulent au niveau du bord d’attaque de la pale intercalaire. En pied, elle transitionne plus tôt,
probablement en raison de l’interaction avec la couche limite au moyeu qui est pleinement turbulente
dès l’entrée dans le rouet. Sur la pale intercalaire, l’écoulement au bord d’attaque étant déjà fortement

98
turbulent du fait de l’écoulement de jeu de la pale principale, les couches limites autant sur l’intrados
que sur l’extrados sont turbulentes dès le bord d’attaque.
20 20
LES LES
RANS RANS
U+ = N+ U+ = N+
15 loi log 15 loi log
U+

U+
10 10

5 5

0 0
10−1 10+0 10+1 10+2 10+3 10−1 10+0 10+1 10+2 10+3
N+ N+
σ = 0.2 σ = 0.75

F IGURE V.28 – Profils de vitesse dans la couche limite intrados de la pale principale à 50% de hauteur
de veine à deux positions méridiennes

Les profils de vitesse adimensionnée dans la couche limite sont représentés sur la figure V.28 sur
l’intrados de la pale principale à mi-hauteur de veine à 20% et 60% de corde.
On voit qu’aux deux positions σ = 0, 2 et σ = 0, 75 le calcul RANS prévoit un profil de couche limite
turbulente, qui est proche de la loi logarithmique. Ceci n’est pas surprenant puisque le modèle a été
conçu pour reproduire une couche limite turbulente respectant la loi logarithmique. Au contraire, dans
la simulation LES à 20% de corde (σ = 0, 2), la couche limite adopte un profil laminaire alors que à
σ = 0, 75 elle a transitionée vers un état turbulent.
Une des raisons permettant d’expliquer les différences d’état des couches limites entre RANS et LES
est que le niveau de turbulence imposé en amont est nul. Il a déjà été mis en évidence dans la littérature
que le niveau de turbulence dans la veine peut avoir un effet important sur la transition de la couche
limite des pales [88]. Cependant, n’ayant pas de statistiques précises sur la turbulence amont dans la
machine et pour limiter les coûts de calcul (en effet, il faudrait avoir un maillage suffisamment fin dans
le domaine amont pour pouvoir convecter la turbulence injectée) il a été choisi de ne pas injecter de
turbulence dans le calcul. Il serait donc intéressant d’étudier la sensibilité de la couche limite (intrados
en particulier) au niveau de turbulence imposé en amont.
1.0 1.0
carter carter

0.8 0.8
Hauteur de veine

Hauteur de veine

0.6 k 0.6 k
kxx kxx
kθθ kθθ
0.4 krr 0.4 krr

0.2 0.2

moyeu moyeu
0.0 0.0
0.00 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.000 0.001 0.002 0.003 0.004 0.005
Energie cinetique turbulente resolue Energie cinetique turbulente resolue

F IGURE V.29 – Profil d’énergie cinétique turbulente et des composantes diagonales du tenseur de Rey-
nolds dans les trois directions dans le sillage de la pale intercalaire (la figure de droite représente le
même profil avec une échelle différente pour mieux visualiser les valeurs entre 10% et 60% de hauteur
de veine)

La figure V.29 permet de mettre en évidence l’anisotropie de la turbulence dans le sillage du rouet.

99
En effet, les composantes diagonales du tenseur de Reynolds dans les trois directions (x, r, θ) sont
représentées. Dans la veine entre 10% et 60% de hauteur de veine, l’énergie cinétique turbulente est
faible. Entre 10% et 90% de hauteur de veine, les niveaux de turbulence sont proches pour les compo-
santes kxx et kθθ alors que le niveau de krr (aligné avec la direction moyenne de l’écoulement) est deux
fois plus élevé. Proche des parois moyeu et carter (moins de 10% de la hauteur de veine et plus de 95%
de hauteur de veine), on observe kxx < krr < kθθ .

5 Bilan
Cette analyse des résultats de simulation aux grandes échelles sur le rouet centrifuge nous a permis
d’obtenir des informations intéressantes sur les atouts et les faiblesses de la LES.
En effet, la qualité du maillage a tout d’abord été quantifiée à l’aide de critères issus de la littérature.
On a vu que le maillage, bien que de taille conséquente, est loin de respecter les critères de raffinement
pariétal pour une LES résolue en paroi, au sens académique. En effet, pour respecter ces critères il
faudrait un maillage d’environ 40 milliards de points (soit plus de 200 fois la taille du maillage le plus
fin utilisé dans ce travail), hors de porté avec les moyens de calculs disponibles. Toutefois, les critères
de qualité volumique dans la veine et dans la région proche paroi se sont avérés bien respectés pour
ce calcul. Malgré un maillage pariétal grossier, ce maillage est adapté à la capture des plus grandes
échelles de la turbulence, en particulier dans la veine.
L’analyse globale a d’ailleurs montré que les grandeurs caractéristiques du rouet prévues par la
LES sont relativement proches de celles obtenues en RANS. L’analyse locale des champs moyens a
toutefois permis de mettre en évidence des différences de topologie d’écoulement importantes entre les
approches RANS et LES. En effet, l’interaction du choc avec l’écoulement de jeu et la couche limite de
la pale provoque un développement assez différent de l’écoulement dans la veine, en particulier proche
du carter. D’autre part, il a été observé sur les champs instantanés que les écoulements secondaires sont
la principale source de turbulence dans le rouet et ont une influence cruciale sur l’écoulement principal.
La LES a finalement fourni des diagnostics sur le développement de la turbulence dans le compres-
seur, autant dans la veine, dans les sillages mais aussi dans les couches limites des pales et du moyeu.
En conclusion, cette simulation aux grandes échelles a permis d’évaluer les capacités de la méthode
dans une configuration industrielle de compresseur centrifuge à fort taux de pression. En effet, les
cas de compresseurs centrifuges simulés en LES dans la littérature sont uniquement des compresseurs
à faibles taux et faibles vitesses qui ne présentent pas les mêmes contraintes physiques (nombre de
Reynolds notamment). Ceci se traduit par des besoins en maillage moins importants et donc des coûts
de calcul bien plus faibles.

Le coût de calcul associé à cette simulation est de 490 000 heures CPU. La simulation ayant tourné
sur 512 processeurs (de type Intel Sandy Bridge E5-4650 de la machine Ada à l’Idris) cela correspond
à un temps de retour de 40 jours (sans tenir compte des temps d’attente entre les calculs). À titre de
comparaison, le coût de calcul de la simulation RANS qui a servi de référence est approximativement
120 fois moins élevé (4000 heures de calcul en moyenne pour un point de fonctionnement avec le
modèle de Spalart–Allmaras sur le maillage M2). Une telle différence de coût s’explique par plusieurs
facteurs :
– le maillage M3 comporte six fois plus de nœuds que celui utilisé pour le RANS,
– c’est un calcul instationnaire, cela signifie qu’il faut faire des moyennes sur des temps longs pour
obtenir un champ moyen convergé statistiquement (6 tours de roue),
– le caractère instationnaire implique aussi qu’avant de pouvoir commencer à réaliser les statistiques
il faut passer un régime transitoire qui est particulièrement long bien que le calcul ait été initialisé
avec les résultats RANS (de l’ordre de 3 tours de roue),
– le maillage ayant des cellules très fines aux parois, le pas de temps imposé (via la condition CFL)
est petit ce qui implique un grand nombre d’itérations pour effectuer un tour de roue (y compris
avec une approche implicite).
Bien que les critères de qualité volumiques donnent une certaine confiance dans les résultats de
simulation, le maillage doit être considéré comme sous-résolu pour de la LES (notamment en région de
proche paroi). On voit donc que, outre le nombre de points, les différentes contraintes sus-cités rendent
encore inaccessible un calcul respectant les critères académiques de raffinement spatial et ceci d’autant

100
plus dans un contexte de conception industrielle où de nombreuses simulations doivent être effectuées
avec un temps de retour court.
C’est pourquoi le chapitre suivant va chercher à évaluer des approches moins coûteuses et donc plus
envisageables dans un futur proche dans l’industrie.

101
Chapitre VI

Application dans un contexte


industriel

Contents
1 Simulation LES sur un maillage grossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
1.1 Évaluation de la qualité du maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
1.2 Grandeurs globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
1.3 Analyse du champ moyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
1.4 Analyse du champ instantané . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
1.5 Analyse de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
1.6 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
2 Simulations hybrides RANS/LES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
2.1 Qualité du maillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
2.2 Grandeurs globales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
2.3 Analyse locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
2.4 Modification de la dimension caractéristique LDDES . . . . . . . . . . . . . . . . 117
3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

On a vu qu’une simulation LES résolue au sens académique n’est pas encore envisageable pour une
telle configuration industrielle. Cependant, bien que le maillage M3 soit trop grossier sur les parois,
les critères de qualité volumiques sont bons et assurent une résolution suffisante de la turbulence, au
moins dans la veine. La simulation sur ce maillage a d’ailleurs permis de mieux comprendre le rôle de
la turbulence dans le rouet centrifuge et en particulier dans le développement des écoulements de jeu.
Néanmoins le coût d’une telle simulation est toujours trop élevé pour qu’elle puisse être intégrée à
court terme dans un contexte de conception industrielle des machines. En effet, le nombre d’heures CPU
nécessaire et le temps de restitution ne permettent pas de faire de multiples calculs de façon générique,
ce qui est indispensable pour les équipes de conception.
L’objectif de ce chapitre est donc d’explorer des approches moins coûteuses en vue d’une application
dans le cadre de l’industrie. Deux approches vont être étudiées. D’abord, une simulation aux grandes
échelles est menée sur un maillage grossier pour de la LES -le maillage M2- afin d’étudier la sensibilité de
l’approche à la résolution spatiale. Ensuite, des simulations utilisant une approche hybride RANS/LES,
théoriquement moins contraignante en terme de résolution proche paroi, sont mises en œuvre.

102
1 Simulation LES sur un maillage grossier
Le chapitre V a permis de mettre en évidence la faisabilité et l’intérêt de la simulation aux grandes
échelles sur une telle configuration industrielle. Le maillage M3 utilisé pour la simulation, bien que ne
respectant pas tous les critères académiques de discrétisation spatiale pour la résolution de la turbulence
dans les couches limites, présente une résolution spatiale suffisante pour la turbulence de veine, comme
en témoigne l’analyse de la qualité du calcul (partie V.1 du chapitre précédent).
Dans l’optique de réduction des coûts de calcul, l’objectif de cette partie est alors d’évaluer les
résultats d’une simulation LES sur un maillage grossier (maillage M2). Le coût de cette simulation est
de 45000 heures CPU, ce qui est dix fois moins cher que le calcul sur le maillage M3, mais toujours 10
fois plus cher qu’une simulation RANS à un niveau de résolution plus élevé que le standard industriel.
Il est important de noter que la même procédure de calcul a été utilisée pour les deux simulations.
C’est-à-dire entre autres que le calcul utilise les mêmes schémas numériques (AUSMP et Gear), le même
modèle de sous-maille (modèle de Smagorinsky) et est lui aussi initialisé en partant d’une solution
RANS.

1.1 Évaluation de la qualité du maillage


Le niveau de discrétisation pariétale au moyeu et sur les pales en termes de ∆N + , ∆S + , ∆T +
est présenté sur la figure VI.1. Ces tailles caractéristiques de maille sont aussi tracées pour les deux
maillages M2 et M3 le long de la peau de la pale à mi-hauteur de veine sur la figure VI.2.

F IGURE VI.1 – Tailles caractéristiques S + , N + , T + des premières cellules de paroi pour le maillage M2

103
2.0 2000
intrados extrados intrados extrados

pale principale M2 1500


pale secondaire M2
pale principale M3
pale secondaire M3
N+

S+
1.0 1000

500

0.0 0
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ abscisse curviligne σ
2500
intrados extrados

2000

1500
T+

1000

500

0
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ

F IGURE VI.2 – Évolution méridienne des tailles caractéristiques N + , S + et T + des premières cellules de
paroi à mi-hauteur de pale sur les maillages 2 et 3

Dans le maillage M2, la condition ∆N + ≤ 1 requise est globalement respectée sur l’intégralité des
parois. Cependant, en ce qui concerne les tailles de maille dans les directions S + et T + , le maillage M2
est très grossier par rapport aux critères conseillés dans la littérature. En effet, le maillage atteint des
valeurs de ∆S + autour de 700 à peu près partout avec des maxima locaux à 1600 et des valeurs de
∆T + de l’ordre de 1500 sur les pales et de 80 au moyeu.

15
M2 dw < 2.
M2 dw > 2.
M3 dw < 2.
M3 dw > 2.
Rapport de viscosite

10

0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE VI.3 – Évolution méridienne du rapport entre viscosité de sous-maille et viscosité laminaire dans
les couches limites et dans la veine pour les maillages M2 et M3

Pour compléter cette analyse, le rapport νsgs /ν est présenté sur la figure VI.3. Ce rapport sur le
maillage M2 est évidemment plus fort que pour le maillage M3 puisqu’il est directement lié à la taille

104
de maille, mais il reste toutefois inférieur à 10 sur la quasi intégralité de la corde. Comparé au maillage
M3, les différences les plus significatives apparaissent dans la région σ < 0, 5 (entre le bord d’attaque
de la pale principale et le bord d’attaque de la pale intercalaire).
Ceci est particulièrement critique puisqu’on a vu dans la simulation sur le maillage M3 que c’est la
région où est générée la majeure partie de la turbulence. Une mauvaise résolution de l’écoulement de
jeu dans cette région va donc se propager et peut potentiellement modifier l’écoulement dans tout le
compresseur.

1.2 Grandeurs globales

1.00

0.98
2.50
0.96
πt12

ηt12
2.25 0.94

0.92
2.00 experiences
M2R Spalart 0.90 M2R Spalart
M2R LES M2R LES
M3R LES M3R LES
0.32 0.34 0.36 0.38 0.40 0.32 0.34 0.36 0.38 0.40
debit debit
(a) (b)

F IGURE VI.4 – Taux de pression totale-à-totale (a) et rendement isentropique total (b) du rouet

Les performances du rouet prévues par les simulations LES sur les deux maillages et la simulation
RANS avec le modèle de Spalart–Allmaras sur le maillage M2 sont représentées sur la figure VI.4. Le
taux de pression totale-à-totale du rouet obtenu avec la simulation aux grandes échelles sur le maillage
M2 est très inférieur à celui prévu sur le maillage M3 (5, 26% d’écart). De même, la simulation sur le
maillage grossier (M2) prévoit un rendement plus faible de 1, 24 points qu’avec le maillage fin (M3).

0
0
δ(Tt − Tt1 ) (%)
δ(Pt /Pt1 ) (%)

−2

M2 LES −3
M3 LES
pale intercalaire

−4
bord d’attaque

−6
−6
M2 LES
M3 LES
−8 −9
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ Abscisse curviligne σ
(a) (b)

F IGURE VI.5 – Évolution méridienne de l’écart de taux de pression totale-à-totale (a) et de différence
de température totale (b) avec la simulation RANS de référence et les simulation LES sur les deux
maillages

L’évolution des écarts de taux de pression et de température totale avec la simulation RANS est
présentée sur la figure VI.5. Ce graphe montre que dès le bord d’attaque le maillage M2 prévoit un
taux de pression plus faible et l’écart entre les deux simulations LES se creuse surtout dans la deuxième

105
moitié du rouet. Le travail fourni au fluide (température totale) dans le cas du maillage M2 est quant
à lui proche du calcul sur le maillage M3. La différence sur le taux de pression doit alors s’expliquer
essentiellement par une différence sur la prévision des pertes dans la machine.

1.3 Analyse du champ moyen

LES M2 LES M3
entropie rotation
0.0 0.4

~ V
F IGURE VI.6 – Champ d’entropie et iso-lignes de ∇ρ. ~ sur une surface aube-à-aube à 99% de hauteur
de pale dans le rouet au point nominal pour les simulations LES sur les deux maillages

Le champ aube-à-aube d’entropie en tête de pale est représenté pour les deux simulations LES sur la
figure VI.6. Le choc de bord d’attaque sur le maillage M2 est très semblable à celui prévu par le RANS.
En effet, on ne peut pas distinguer les deux branches du pied de choc. Ceci confirme que le maillage
M2 est trop lâche dans cette région pour bien reproduire le choc en lambda.
D’autre part, le niveau moyen d’entropie global est nettement plus élevé dans la simulation sur le
maillage grossier, ce qui est synonyme de pertes visqueuses plus élevées. On peut aussi remarquer que,
étant donné que le pied de choc n’est pas bien résolu, le tourbillon de jeu semble rester cohérent après
avoir traversé le choc et n’éclate pas comme il a pu être observé dans la simulation sur le maillage fin
(M3).
Ceci est confirmé sur la vue orthogonale en section A (figure VI.7) : le tourbillon de jeu primaire est
toujours bien visible comme dans les simulations RANS avec le modèle de Spalart.
La coupe en section C (figure VI.8) met en évidence une différence importante de topologie d’écou-
lement. Outre le tourbillon dans le coin en tête sur la face en pression de l’aube principale qui est aussi
visible dans la simulation LES sur le maillage M3, un tourbillon secondaire cohérent est généré dans le
coin en tête sur la face en dépression dans la zone de mélange pour le calcul avec le maillage M2 alors
que dans la simulation utilisant le maillage M3, ce tourbillon secondaire éclate en plus petites structures
turbulentes.
En revanche, la comparaison des champs moyens sur les sections E et I (figures VI.9 et VI.10) montre
qu’il y a peu de différences lorsqu’on se rapproche de la sortie de la machine. On notera tout de même
un déficit de vitesse plus faible le long de l’intrados de l’aube principale avec le maillage M2, comparé au
maillage M3. En conclusion, comme le laissait présager l’analyse du maillage au paragraphe précédent,
les différences les plus importantes sur le champ moyen se concentrent dans la région du bord d’attaque
et sur la première moitié de la corde de l’aube principale.

106
LES M2

LES M3

Vm Vθ
0.18 0.50 0.15 0.44
rotation

F IGURE VI.7 – Comparaison des résultats des champs de vitesses méridiennes et azimutales en section
A pour les simulations LES

LES M2

LES M3

Vm Vθ
0.18 0.50 0.44 0.59
rotation

F IGURE VI.8 – Comparaison des résultats des champs de vitesses méridiennes et azimutales en section
C pour les simulations LES

1.4 Analyse du champ instantané


Les différences entre les maillages M2 et M3 sont bien mises en évidence sur les champs instantanés
de gradient de masse volumique, au niveau de la section A (figure VI.11). En effet, le tourbillon de jeu
primaire n’a pas éclaté sur le maillage M2. Il reste confiné au carter et se retrouve convecté plus loin en
direction de l’intrados de la pale adjacente. Ainsi, on voit une interaction moins forte avec la zone de

107
LES M2

LES M3

Vm Vθ
0.18 0.50 0.76 1.09
rotation

F IGURE VI.9 – Comparaison des résultats des champs de vitesses méridiennes et azimutales en section
E pour les simulations LES

LES M2

LES M3
Vm Vθ
0.18 0.50 0.94 1.32
rotation

F IGURE VI.10 – Comparaison des résultats des champs de vitesses méridiennes et azimutales en section
I pour les simulations LES

∇ρ/ρ rotation
0.0 0.6

F IGURE VI.11 – Champ de ∇ρ/ρ sur une coupe orthogonale proche du bord d’attaque de la pale princi-
pale (section A) pour les simulations sur le maillage M2 à gauche et le maillage M3 à droite

mélange et le tourbillon secondaire garde alors sa structure cohérente.


On peut voir sur les section C, E et I (figure VI.12) que la sous-résolution du maillage M2 dans
la veine permet aux structures turbulentes de grande taille de subsister alors que dans la simulation
avec le maillage plus fin celles-ci éclatent pour former de plus petites structures. Le fait que seules les
grosses structures turbulentes persistent dans le maillage M2 se traduit par une mauvaise estimation de
la dissipation visqueuse des structures turbulentes de l’écoulement. Le résultat n’est pas facile à prévoir :
dans ce cas il se traduit par une surestimation de la dissipation totale (résolue + contribution du modèle
de sous-maille) qui conduit à une augmentation du niveau de perte et donc à une dégradation du taux
de pression. Ceci n’est toutefois pas une généralité. Il faudrait pouvoir analyser des résultats LES sur
d’autres machines pour confirmer qu’une dégradation du maillage conduit (ou pas) à une augmentation

108
Section C

Section E

Section I
∇ρ/ρ rotation
0.0 0.1

F IGURE VI.12 – Champ de ∇ρ/ρ sur les coupes orthogonales C, E et I pour les simulations sur le maillage
M2 à gauche et le maillage M3 à droite

des pertes visqueuses.

1.5 Analyse de la turbulence


L’évolution de l’énergie cinétique turbulente moyenne dans la veine (figure VI.13) permet de bien
mettre en évidence la différence sur le développement du tourbillon de jeu primaire. En effet, le fait
que celui-ci n’éclate pas pour former de petites structures turbulentes se traduit par un niveau d’énergie
cinétique turbulente nettement moins élevé derrière le choc. De plus le niveau d’énergie cinétique
turbulente reste inférieur dans la simulation sur le maillage M2 sur toute la longueur du rouet.
0.015
Energie cinetique turbulente resolue

M2 LES
pale intercalaire
bord d’attaque

M3 LES

0.010

0.005

0.000
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE VI.13 – Évolution méridienne de l’énergie cinétique turbulente résolue pour les simulations LES
sur les deux maillages

L’énergie cinétique dans les couches limites est représentée sur la figure VI.14. Sur toute la longueur
des pales, le niveau d’énergie cinétique turbulente maximal dans la couche limite est nettement inférieur
pour le maillage M2. La couche limite sur l’extrados de la pale principale est clairement turbulente dans
la simulation avec le maillage M3, alors que les niveaux de turbulence très faibles avec le maillage M2
correspondent à une couche limite laminaire. La transition vers un état turbulent n’intervient qu’en aval
du bord d’attaque de la pale intercalaire. Les deux simulations LES prévoient donc des états différents
des couches limites. Une couche limite turbulente (maillage M3) induit un frottement pariétal plus
important qu’une couche limite laminaire (maillage M2), ce qui vient contrebalancer les observations
faites sur les performances du rouet. Toutefois, la diminution du frottement pariétal sur une partie des

109
aubes ne suffit pas à compenser la surestimation de la dissipation dans le domaine par le modèle de
sous-maille.
0.018
extrados intrados
0.016 M2 pale principale

Energie cinetique turbulente k


M2 pale intercalaire
0.014 M3 pale principale
M3 pale intercalaire
0.012
0.010
0.008
0.006
0.004
0.002
0.000
−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0
abscisse curviligne σ

F IGURE VI.14 – Profil d’énergie cinétique turbulente en fonction de l’abscisse curviligne à N + = 100 à
mi-hauteur de pale pour les simulations sur les deux maillages

Le profil d’énergie cinétique turbulente en sortie, et des composantes diagonales du tenseur de


Reynolds suivant les trois directions (x, r, θ), sont représentés sur la figure VI.15. Cela permet de
comparer le niveau d’anisotropie de la turbulence dans le sillage du rouet pour les deux simulations.
Les profils de k sont très similaires pour les deux maillages, pour toutes les composantes. Même dans
la région proche de la paroi carter, les différences sont inférieures à 10%. La seule différence notable se
situe au niveau du moyeu, en particulier sur la composante kθθ (qui est plus faible d’un facteur 3 avec le
maillage M2). Comme pour les couches limites sur les aubes, la transition de la couche limite au moyeu
intervient plus tard avec le maillage M2, ce qui se traduit en sortie par des niveaux de turbulence plus
faibles.
La densité spectrale de puissance est représentée sur la figure VI.16, à mi-hauteur de veine en sortie
des demi-canaux gauche et droit. Les différences sur le spectre sont essentiellement dues au maillage
(le pas de temps est imposé tel que CF L < 1 et les schémas numériques sont les mêmes). Ce graphe
permet de bien voir que la fréquence de coupure imposée par le maillage M2 est plus faible qu’avec le
maillage M3. Alors que le niveau des spectres est semblable pour les basses fréquences, le maillage M2
filtre les fréquences supérieures à 100 kHz, ce qui correspond à environ dix fois la fréquence de passage
des pales. Comme montré précédemment, ceci a toutefois une influence faible sur la valeur de k à cet
endroit.

1.6 Bilan
En conclusion, une discrétisation trop grossière en LES peut avoir un effet très important sur la
prévision des performances de la machine, ainsi que sur les écoulements locaux. On a vu que d’une part
le choc en lambda au bord d’attaque est mal reproduit par rapport à la simulation sur le maillage plus
fin, ce qui entraîne une modification de la topologie des écoulements secondaires. En effet, le tourbillon
de jeu n’éclate pas comme dans la simulation sur le maillage M3 et de ce fait ne va pas interagir avec
la zone de mélange, modifiant légèrement le développement de celle-ci en aval. D’autre part, la sous-
résolution spatiale dans la veine a pour effet de faire persister des structures tourbillonnaires de grande
taille qui vont générer plus de pertes. L’état des couches limites est lui aussi fortement impacté autant
sur les pales qu’au moyeu, ce qui se traduit par une transition laminaire-turbulent retardée. Tous ces
effets combinés vont finalement dégrader significativement les performances du rouet prévues par la
simulation.
Dans ce cas, la simulations LES sur un maillage grossier n’apporte que peu d’informations utiles par
rapport à un calcul RANS. Pire encore, cette approche conduit à une estimation moins bonne des per-
formances de la machine qu’un calcul RANS. Cette approche semble donc peu adaptée à la conception
industrielle. De plus, cette étude permet de mieux prendre conscience de la sensibilité au maillage de
la simulation aux grandes échelle et de la nécessité d’avoir des maillages suffisamment raffinés. Il est

110
1.0 1.0

0.8 0.8
Hauteur de veine

Hauteur de veine
0.6 0.6
M2 M2
M3 M3
0.4 0.4

0.2 0.2

0.0 0.0
0.00 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.000 0.002 0.004 0.006 0.008 0.010
Energie cinetique turbulente resolue kxx
1.0 1.0

0.8 0.8
Hauteur de veine

Hauteur de veine
0.6 0.6
M2 M2
M3 M3
0.4 0.4

0.2 0.2

0.0 0.0
0.00 0.01 0.02 0.03 0.00 0.01 0.02
kθθ krr

F IGURE VI.15 – Profils d’énergie cinétique turbulente et des composantes diagonales du tenseur de
Reynolds dans les trois direction dans le sillage de la pale intercalaire pour les simulations LES sur les
maillages M2 et M3
40 40

20 20
puissance (dB)

puissance (dB)

0 0

−20 −20

−40 −40

−60 −60
M2R LES M2R LES
M3R LES M3R LES
−80 −80
1 10 100 1000 10000 1 10 100 1000 10000
frequence (kHz) frequence (kHz)
demi-canal gauche demi-canal droite

F IGURE VI.16 – Spectres à 50% de hauteur de veine dans les deux demi-canaux

donc absolument indispensable de vérifier a priori (maillage) et a posteriori (spectres, échelles de la


turbulence) la qualité des résultats de calculs obtenus en LES.

111
2 Simulations hybrides RANS/LES
Si la LES sur maillage dégradé ne représente pas une solution, il existe cependant d’autres méthodes
prometteuses telles que les approches hybrides RANS/LES, dont il existe une grande variété.
Le choix de la méthode hybride doit se faire en considérant deux contraintes. D’une part, la méthode
doit être disponible : au moment où cette thèse a démarrée, seules les approches de type DES et ZDES
étaient validées dans elsA. D’autre part, l’objectif est de pouvoir appliquer la méthode dans un contexte
industriel, avec des contraintes de coût CPU mais aussi de délai (réalisation des maillages par exemple).
À ce titre, une approche unifiée est préférable : cette approche consiste à utiliser le même jeu d’équa-
tions dans tout le domaine, le modèle déterminant lui-même les régions à traiter en RANS ou en LES
(l’utilisateur n’a donc pas à choisir lui-même les zones RANS et LES). En effet, dans une configuration
telle qu’un compresseur centrifuge où la géométrie est particulièrement compliquée, de même que la
physique associée, il est indispensable que le choix de modélisation soit fait automatiquement plutôt
qu’imposé manuellement par l’utilisateur (ce qui nécessite une expertise et rend difficile la transposi-
tion de la méthode à toutes les machines). Cette détection automatique des zones permet aussi d’éviter
à l’utilisateur de faire des hypothèses a priori sur la physique de l’écoulement, ce qui pourrait laisser
un doute sur les résultats obtenus (si l’on change la position de l’interface RANS/LES par exemple,
l’écoulement résolu pourrait être différent).
Ainsi ces contraintes ont conduit à retenir l’approche DDES. Ces simulations ont été effectuées sur
les maillages M2 et M3. Cependant il a été choisi de ne présenter que les résultats sur le maillage M3
par souci de synthèse afin d’analyser notre meilleure simulation DDES (i.e. sur notre maillage le plus
raffiné).

2.1 Qualité du maillage


La qualité du maillage M3 pour la LES dans la veine a déjà été commentée précédemment. La DDES
adoptant un formalisme RANS proche des parois, les contraintes de maillage pariétal sont quant à elles
beaucoup moins fortes que pour la LES. En effet, les valeurs de ∆S + , ∆T + atteintes sur le maillage M3
qui sont problématiques pour une simulation aux grandes échelles sont acceptables pour une simulation
hybride.
Comme il a été présenté dans la partie 2.4.4, l’approche DDES consiste en une redéfinition de la
longueur caractéristique utilisée dans le modèle de Spalart–Allmaras :

LDDES = fd LDES + (1 − fd )LRAN S (VI.1)

avec :
LDES = min (dw , CDES ∆) (VI.2)
Le senseur fd a pour objectif de déterminer la position des couches limites pour y forcer un traitement
RANS en annulant la valeur de fd . Hors de ces couches limites, le paramètre fd prend la valeur de 1 et
la simulation adopte un comportement DES classique. Ce paramètre de détection des couches limites se
base sur les grandeurs physiques locales de l’écoulement et la transition entre la zone RANS et la zone
DES se fait de façon continue. La longueur caractéristique de la DES imposée dans la veine ne dépend
que de paramètres géométriques : la distance à la paroi et la taille de maille. Il faut donc s’assurer dans
un premier temps que le maillage est suffisamment raffiné pour que la longueur LDES ne puisse pas
imposer un fonctionnement RANS hors des couches limites. La figure VI.17 permet de visualiser cette
longueur caractéristique calculée pour le maillage M3 sur trois coupes orthogonales (les zones bleues
correspondent aux zones où LDES est égal à la longueur caractéristique de la LES et où une approche
équivalente à de la LES est imposée alors que les zones rouges sont les zones où LDES est égal à la
distance à la paroi et qui sont donc traitées avec un formalisme RANS).
On voit que le maillage M3 est suffisamment raffiné pour que partout où une approche DES sera
utilisée, le fonctionnement RANS soit a priori imposé uniquement proche des parois.

2.2 Grandeurs globales


Les performances du rouet prévues par la simulation DDES sur le maillage M3 sont comparées aux
résultats de simulations LES sur le maillage M3 et RANS avec le modèle de Spalart–Allmaras sur le

112
10%
LDES
LES RANS

rotation

50%

90%

F IGURE VI.17 – Grandeur caractéristique LDES calculée sur le maillage M3 sur trois coupes orthogonales
à 10%, 50% et 90% de corde de la pale principale

1.00

0.98
2.50
0.96
πt12

ηt12

2.25 0.94

0.92
2.00 experiences
M2 Spalart 0.90 M2 Spalart
M3 LES M3 LES
M3 DDES M3 DDES
0.32 0.34 0.36 0.38 0.40 0.32 0.34 0.36 0.38 0.40
debit debit
(a) (b)

F IGURE VI.18 – Taux de pression totale-à-totale (a) et rendement isentropique total (b) du rouet

maillage M2 sur la figure VI.18. Le point de fonctionnement atteint en DDES est à un débit 1, 7% plus
élevé que pour les deux autres approches. Cependant, on peut quand même voir que la DDES prévoit
un taux de pression inférieur au RANS et à la LES et un rendement isentropique bien supérieur.

2.3 Analyse locale


Le champ aube-à-aube (figure VI.19) permet de mieux comprendre ces écarts sur le point de fonc-
tionnement de la machine. Jusqu’à 60% du rouet, l’écoulement adopte une topologie proche de celle
prévue par le modèle de Spalart–Allmaras. Le tourbillon de jeu primaire n’éclate pas au passage du
choc contrairement à ce qui est observé dans le calcul LES. La figure VI.20 met bien en évidence un
tourbillon de jeu cohérent. Le point de fonctionnement simulé étant à plus haut débit, l’écoulement a
une incidence moindre et l’écoulement de jeu ne pénètre pas autant dans la veine en direction de la
pale adjacente. Comme dans les simulations RANS avec le modèle de Spalart–Allmaras, le décollement
sur l’extrados de la pale principale n’est pas présent sur toute la hauteur de pale.

113
Spalart M2

LES M3 DDES M3
entropie rotation
0.0 0.4

~ V
F IGURE VI.19 – Champ d’entropie et iso-lignes de ∇ρ. ~ sur une surface aube-à-aube à 99% de hauteur
de pale dans le rouet au point nominal pour les simulations LES et DDES

En aval du bord d’attaque de la pale intercalaire, dans les derniers 40% du rouet, l’écoulement de
jeu dans le demi-canal gauche de la pale secondaire adopte une topologie différente de celle prévue par
le RANS et la LES. L’écoulement dans le demi-canal droit est quant à lui similaire à ce qui est trouvé
avec le RANS et la LES.
De manière générale, les résultats du calcul DDES se rapprochent nettement plus des résultats RANS,
alors qu’on souhaite justement reproduire les caractéristiques du calcul LES dans la veine, sans avoir
à payer le prix de la résolution des couches limites. Pour expliquer ce comportement, il faut regarder
la répartition des zones RANS et LES dans le calcul, qui sont bien mises en évidence par la longueur
caractéristique LDDES .
Cette longueur LDDES est calculée en utilisant les grandeurs physiques de l’écoulement à chaque
instant dans le calcul. La moyenne temporelle de cette grandeur est donnée à trois positions de corde,
sur la figure VI.22. Ceci permet de visualiser où le paramètre fd détecte une couche limite et force
un formalisme RANS. On voit que, bien que le maillage soit suffisamment raffiné pour supporter un
fonctionnement LES, la fonction fd protège des zones de l’écoulement loin des parois qui ne corres-
pondent pas à des couches limites. Notamment, dans la zone d’écoulement de jeu, le senseur s’active
(en considérant qu’il s’agit d’une couche limite) et va donc forcer un formalisme RANS.
Ceci a un effet majeur sur les résultats du calcul. En effet, en l’absence d’injection de turbulence à

114
Spalart M2

LES M3

DDES M3

Vm Vθ
0.18 0.50 0.15 0.44
rotation

F IGURE VI.20 – Comparaison des résultats des champs de vitesses méridiennes et azimutales en section
A pour les simulations DDES et LES

Spalart M2

LES M3

DDES M3
Vm Vθ
0.18 0.50 0.94 1.32
rotation

F IGURE VI.21 – Comparaison des résultats des champs de vitesses méridiennes et azimutales en section
I pour les simulations DDES et LES

l’amont, la simulation LES sur le maillage M3 a montré que l’écoulement de jeu est la source principale
de turbulence. Or celui-ci n’est pas traité en mode LES, donc la forte viscosité turbulente empêche le dé-
veloppement de structures turbulentes. Le profil moyen d’énergie cinétique turbulente moyennée dans
la veine (figure VI.23) montre bien que la production d’énergie cinétique turbulente résolue est nulle
dans les premiers 60% de corde. Les premières structures turbulentes apparaissent uniquement à partir
de ce point. Ceci est lié à l’enfoncement progressif de l’écoulement de jeu dans la veine : plus on avance

115
10%
LDDES
LES RANS

rotation

50%

90%

F IGURE VI.22 – Grandeur caractéristique LDDES moyenne calculée sur le maillage M3 sur trois coupes
orthogonales à 10%, 50% et 90% de corde de la pale principale

0.015
Energie cinetique turbulente resolue

M3 DDES
pale intercalaire
bord d’attaque

M3 LES

0.010

0.005

0.000
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE VI.23 – Évolution méridienne de l’énergie cinétique turbulente résolue pour les simulations
DDES et LES sur le maillage M3

dans le rouet, plus une part importante de cet écoulement est traitée en mode LES (permettant l’ap-
parition de structures turbulentes). En outre, les champs instantanés de gradient de masse volumique
(figure VI.24) montrent que les structures résolues sont de grande taille et n’éclatent pas pour former
des structures de petite taille bien que le maillage soit suffisamment fin pour les résoudre.

Le niveau d’instationnarité du calcul est très faible, ce qui se traduit par une convergence des
moyennes rapide (moins d’un tour). Par contre, le régime transitoire du calcul est assez long (envi-
ron 10 tours). La répartition des zones RANS met un moment à se stabiliser, mais une fois le transitoire
passé, cette répartition n’évolue plus. Plusieurs méthodes d’initialisation ont été testées, afin de vérifier
que la solution ne dépend pas du champ initial comme il a déja été montré dans la littérature pour
certaines simulations [77]. Dans tous les cas, le calcul aboutit à cette répartition des zones RANS et
LES.

116
Section C

Section E

Section I
∇ρ/ρ rotation
0.0 0.1

F IGURE VI.24 – Champ de ∇ρ/ρ sur les coupes orthogonales C, E et I pour la LES à gauche et la DDES
à droite

2.4 Modification de la dimension caractéristique LDDES


Face à ces résultats décevants, une étude a été conduite afin de voir si il était possible d’améliorer
les résultats en utilisant une approche DDES modifiée. La principale difficulté avec la DDES dans cette
configuration provient du calcul de la dimension caractéristique LDDES et plus particulièrement de
l’effet de la fonction de détection des couches limites fd sur cette longueur. Or dans elsA il existe un
modèle de type DDES où le paramètre ∆ est calibré différemment en fonction du paramètre fd dans le
calcul de LDDES . En DDES classique, le paramètre ∆ utilisé dans le calcul de dimension caractéristique
LDES (équation VI.2) est ∆max = max(∆x , ∆y , ∆z ). La modification envisagée consiste alors à prendre
un ∆ différent en fonction de la valeur de la fonction fd . En effet, le ∆max est toujours utilisé pour
fd < 0, 8, par contre pour fd > 0, 8 on impose ∆vol = (∆x ∗ ∆y ∗ ∆z )1/3 . Ce changement a priori minime
du modèle a pour but de diminuer la viscosité plus vite hors des zones RANS et de permettre ainsi une
génération de turbulence plus rapide.
Cette modification du calcul de la longueur caractéristique est disponible dans elsA comme un mode
imposable lorsque l’on utilise la ZDES (référencé comme mode 2 [33]). La simulation ZDES effectué
par [81] pour la simulation d’un compresseur axial, a été faite en imposant ce mode dans la région
proche de la pale. Avec cette approche, le tourbillon de jeu en tête de pale est bien capturé en LES
et ceci permet de mettre en évidence un éclatement de celui-ci. Ce mode là semble donc un candidat
intéressant pour remédier aux problèmes rencontrés dans notre cas.
Comme l’on voulait utiliser une approche hybride unifiée dans nos simulations, le calcul a été effec-
tué en utilisant le modèle ZDES de elsA mais en définissant tout le domaine de calcul comme une seule
zone où ce mode 2 est imposé. Ce n’est donc pas une approche zonale étant donné que l’on a qu’une
seule zone et donc qu’un seul modèle employé dans tout le domaine simulé.
Une simulation conduite avec cette approche montre que le point de fonctionnement (débit, taux
de pression et rendement) n’est pas modifié par rapport à l’approche DDES. Toutefois, la production
d’énergie cinétique turbulente est différente (figure VI.25) et se rapproche considérablement des résul-
tats LES sur le maillage M2. On remarque que k est non-nul dès le bord d’attaque des aubes principales
et suit un taux de croissance proche du calcul LES. Si on s’intéresse aux champs instantanés à différentes
coupes de la machine (figure VI.26), on remarque que de la turbulence est bien générée dans le canal
et que la taille des structures est proche de celle observée sur le calcul LES avec le maillage M2. Il faut
tout de même rappeler que la ZDES est effectuée sur le maillage M3 et que l’on aurait voulu retrouver,
idéalement, des résultats proches de la simulation LES sur le maillage M3.

117
0.015

Energie cinetique turbulente resolue


M3 ZDES

pale intercalaire
bord d’attaque
M3 LES

0.010

0.005

0.000
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Abscisse curviligne σ

F IGURE VI.25 – Évolution méridienne de l’énergie cinétique turbulente résolue pour les simulations
ZDES et LES sur le maillage M3

Section C

Section E

Section I
∇ρ/ρ
0.0 0.1
rotation

F IGURE VI.26 – Champ de ∇ρ/ρ sur les coupes orthogonales C, E et I pour la simulation ZDES

118
3 Bilan
Ce chapitre a permis d’évaluer des approches nécessitant un coût de calcul plus faible qu’une LES
résolue et donc qui seraient plus envisageables dans un contexte de conception industrielle.
Dans un premier temps, une simulation aux grandes échelles sur un maillage grossier (maillage M2)
a été analysée. On a vu que cette stratégie pour réduire le coût de calcul n’était pas pertinente dans ce
cas, tout du moins pour évaluer les performances globales de la machine. D’une part, le choc de bord
d’attaque est mal résolu, ce qui entraîne un développement de l’écoulement de jeu différent de celui
observé avec le maillage M3. De plus, le maillage est trop grossier et seules les structures turbulentes de
grande taille persistent dans la veine tout le long du rouet, ce qui induit des erreurs sur la dissipation.
Enfin la transition des couches limites sur les pales et le moyeu est retardée. La combinaison de ces
différents effets conduit à sous-estimer les performances par rapport au calcul sur le maillage M3 (5%
sur le taux de pression et 1% sur le rendement).
Dans un deuxième temps, un calcul a été effectué afin de tester une méthode hybride RANS/LES,
reposant sur une approche DDES. Les méthodes hybrides représentent des alternatives intéressantes
car elles permettent de lever une partie des contraintes de maillage pariétal de la LES, en simulant les
couches limites par le biais d’un formalisme RANS, tout en représentant les régions hors des couches
limites dans un formalisme LES. Dans le cas où les phénomènes de transition de la couche limite ne
sont pas ceux qui dominent, cette approche paraît très prometteuse. Malheureusement, la simulation
a montré que le paramètre de détection des couches limites utilisé dans la méthodes DDES n’est pas
adapté à la physique rencontrée dans le compresseur utilisé pour cette étude. Ce critère va forcer un
traitement avec un formalisme RANS des écoulements de jeu, qui représentent la principale source de
turbulence. Il faut alors attendre que l’écoulement de jeu s’éloigne de la paroi carter pour observer un
passage en LES. Au final, le calcul DDES montre des résultats proches du calcul RANS.
Une approche modifiée de la DDES consistant en une redéfinition de la distance caractéristique uti-
lisée LDDES a été testée. Bien que mineure, cette modification a entrainé des changements importants
dans l’écoulement, en permettant notamment le développement de la turbulence dans la zone de jeu,
près du bord d’attaque. Ces résultats, très encourageants, posent toutefois la question de la sensibilité
des méthodes hybrides à la valeur de ce paramètre. Alors que l’un des intérêts principaux de simuler
la turbulence (plutôt que de la modéliser) est de réduire la dépendance de la solution aux modèles, il
semble qu’il reste du chemin à parcourir pour y parvenir.

119
Conclusion

Ce travail de thèse s’est attaché à mettre en œuvre un ensemble de simulations numériques afin de
prendre en compte les effets de la turbulence dans un compresseur centrifuge. La machine présente un
fort taux de compression, une vitesse de rotation élevée (l’écoulement y est transsonique) et un nombre
de Reynolds important O(106 ). Ces caractéristiques en font un cas test très difficile pour la simulation
numérique, en particulier lorsque l’on cherche à simuler la turbulence qui se développe dans ce type
de machine. Compte tenu du coût des simulations, la première étape a consisté à réduire le domaine
d’étude à un canal principal du rouet (le diffuseur n’est pas pris en compte). Une comparaison entre les
résultats de calculs RANS du rouet isolé avec la configuration étage (rouet + diffuseur) ont montré que
l’écoulement dans le rouet au point nominal est peu modifié, excepté près du bord de fuite des aubes,
ce qui permet d’utiliser les données expérimentales pour valider les calculs sur la configuration sans
diffuseur.
Une première campagne de calculs RANS a permis d’étudier trois modèles de turbulence : un modèle
à une équation (Spalart–Allmaras), un modèle à deux équations (Smith) tous deux utilisant à l’hypo-
thèse de Boussinesq, ainsi qu’un modèle algébrique aux tensions de Reynolds (EARSM). Il faut noter
que le calcul avec le modèle EARSM ne converge qu’au prix d’un effort important sur la valeur du CFL,
ce qui rend son utilisation coûteuse. De plus, il est difficile de converger un calcul avec ce modèle aux
faibles débits. Au final, l’effet du modèle sur les performances de la machine est important (au point
nominal, l’écart est de 2, 5% sur le taux de pression et 1, 5% sur le rendement). Également, un travail a
été effectué afin d’étudier l’influence du raffinement du maillage. La conclusion est que la plupart des
maillages actuellement utilisés pour simuler l’écoulement dans ce type de machine (moins de 5 millions
de points par canal) sont sous-résolus et il faudrait atteindre des maillages d’une taille d’un ordre de
grandeur supérieur (environ 50 millions de points).
Une seconde campagne de calcul a été effectuée en utilisant la simulation aux grandes échelles sur
un maillage s’approchant au mieux des recommandations académiques (composé de plus de 165 mil-
lions de points). Il faut noter que, d’une part ces recommandations académiques imposent des critères
a minima, qui ne tiennent pas compte de la complexité géométrique et du fort gradient de pression
de la machine. D’autre part, le respect de ces critères, même a minima, est hors de portée avec les
moyens de calcul actuels. En effet, il faudrait pouvoir atteindre un maillage de l’ordre de 40 milliards
de points pour respecter ces critères sur cette configuration. Les critères volumiques pour estimer la
qualité du maillage, ont cependant montré que les tailles de mailles étaient suffisantes pour capturer
les plus grosses structures turbulentes. Il a été vu que les calculs sur ce maillage captent bien le déve-
loppement de la turbulence dans la veine. On a pu observer aussi que le calcul prévoit une transition
laminaire-turbulent des couches limites, toutefois ce point n’a pas pu être validé en raison du manque
d’informations dans la base de donnée expérimentale. En effet, celle-ci pourrait être fortement influen-
cée par les conditions d’alimentation du rouet (injection de turbulence) et n’être qu’un effet purement
numérique. Des phénomènes physiques, non observés sur les calculs RANS, ont été mis en évidence
comme l’interaction choc / couche limite turbulente au niveau du bord d’attaque du rouet. Cette inter-
action induit en outre une modification de l’écoulement de jeu qui se propage ensuite dans l’ensemble
de la machine.
Compte tenu du coût de l’approche LES en termes d’heures CPU (environ 500 000h), il s’est avéré
pertinent de rechercher une approche compatible avec les temps de restitution acceptables pour un
bureau d’étude industriel (de quelques heures à quelques jours). Pour cela, deux approches ont été
testées : un calcul LES sur un maillage dégradé (environ 26 millions de points) et une approche hybride
RANS/LES. Les résultats du calcul LES dégradé montrent que le maillage est incapable de reproduire
correctement les caractéristiques moyennes de la turbulence. Alors que le calcul LES sur le maillage fin

120
montrait des performances proches d’un calcul RANS, le calcul sur maillage dégradé prévoit un taux de
pression inférieur de 5%. L’approche consistant à réaliser un calcul LES sur un maillage dégradé n’est
donc a priori pas pertinente si une estimation des performances de la machine est l’objectif.
Enfin, la méthode hybride repose sur une approche DDES, qui permet de sélectionner automati-
quement sur la base de critères physiques les zones RANS et LES, ce qui limite l’intervention humaine.
Malheureusement le critère utilisé pour choisir le formalisme de calcul s’est révélé peu adapté, car celui-
ci force un mode RANS dans la zone de jeu, qui est la principale source de turbulence dans la machine.
Une modification mineure de ce critère a permis d’améliorer considérablement les résultats en terme de
génération de turbulence. Toutefois, cette étude pose la question de la pertinence d’une approche très
sensible à un paramètre de sélection des zones RANS et LES. En effet, l’intérêt de simuler la turbulence,
plutôt que de la modéliser, est justement de pouvoir réduire la dépendance aux paramètres du modèle
de turbulence.
Ce travail a aussi fait apparaître la problématique des opérations de post-traitement. La façon de
réaliser les opérations peut ainsi modifier les résultats (calculs des moyennes, des gradients, etc.), no-
tamment lorsqu’on cherche à comparer des bases de données d’essai et de calcul. Ensuite, il est apparu
avec les méthodes LES et hybrides, que la taille de la base de donnée rend complexes toutes les opéra-
tions de post-traitement. Ainsi, on se rapproche du concept de soufflerie numérique, dans le sens qu’il
n’est plus possible de stocker l’information partout, à tous les instants. On doit donc mettre en place
des extractions de données adaptées (telles que sondes et plans de coupe) et anticiper les besoins pour
l’analyse avant de réaliser la simulation. La conséquence est qu’il faut formuler un certain nombre de
questions a priori et que ces questions vont orienter l’analyse : le calcul agit alors comme une base de
donnée que l’on vient interroger. Il faut, de plus, construire des outils de post-traitement performants
pour être capable d’effectuer des opérations (calculs de gradients, moyennes, extractions par zones, ...)
sur ces données numériques simplement et rapidement.
Enfin, une perspective de ce travail serait de pouvoir répondre à la question : peut-on espérer amé-
liorer la capacité à prévoir la limite de stabilité d’un compresseur centrifuge grâce à une méthode
permettant de simuler la turbulence ? En effet, les phénomènes déclencheurs de telles instabilités sont
fortement dépendants de la turbulence. Il n’est pas encore possible de répondre à cette question du
fait des obstacles qu’il reste a surmonter pour pouvoir réaliser une telle simulation (coûts de calcul de
la LES, simulation 360°, gestion de l’interface rotor/stator, transport de la turbulence des sillages). Ce
travail permet toutefois de clarifier quelques idées reçues sur le potentiel des méthodes LES et hybrides
RANS/LES. Également, ce travail constitue une première pierre dont le principal intérêt est de tracer
une feuille de route pour parvenir à déployer, à terme, des méthodes à fort potentiel pour concevoir
des machines plus performantes. Pour cela, il faut encore travailler sur la modélisation de paroi (l’un
des points clefs mis en évidence dans ce document). La possibilité d’utiliser une loi de paroi avec la
LES est une voie qu’il faudrait explorer. Cela nécessite cependant de disposer d’une formulation prenant
en compte les efforts centrifuges et les effets de courbure. Enfin, mesures et calculs sont deux facettes
complémentaires : il demeure donc important de pouvoir disposer de bases de données expérimen-
tales complètes, intégrant des données instationaires, ainsi que des informations sur l’état des couches
limites, afin de valider les calculs.

121
Annexes

122
Annexe A

Définition des repères de projection


géométrique

1 Les surfaces aube-à-aube et projection (σ, θ)

σi
dmi
Ri
x
(axe de rotation)

F IGURE A.1 – Projection (sigma, theta)

Les coupes aube-à-aube effectuées à différentes hauteurs de veine suivent des surfaces 3D complexes
en fonction de la courbure moyenne du moyeu et carter (en réalité elles correspondent à un plan de
maillage). Pour simplifier la visualisation de ces surfaces une projection dans un nouveau repère est
réalisée. Ce repère défini par les coordonnées (σ, θ) a pour but de conserver les angles (il ne conserve
donc pas les longueurs). La coordonnée θ est la coordonnée angulaire dans le repère cylindrique clas-
sique, alors que la coordonnée σ est une abscisse curviligne calculée sur la courbe (x, R) génératrice de
la surface aube-à-aube (figure A.1) suivant la relation :
i
X dmτ
σi = dτ (A.1)
0

où dmτ est la longueur du segment élémentaire et Rτ son rayon moyen.

2 Coupes transverses et projection conique (xc , yc )


Les coupes transverses effectuées à différentes positions méridiennes dans le rotor sont réalisées
en suivant des cônes d’angle au sommet et de position axiale variable afin de s’aligner au mieux avec

123
la direction moyeu/carter. En entrée de rouet, ces cônes dégénèrent vers des disques plans alors qu’en
sortie, ils dégénèrent en cylindres à base circulaire. Afin d’uniformiser la visualisation 2D de ces surfaces
3D, une projection conique est réalisée comme représenté sur la figure A.2.
yc

l
R θ
h x
α x xc
(axe de rotation)
θc

Rc

F IGURE A.2 – Projection conique

Cette projection conique est définie par les relations :


 √
Rc = R 2 + h2
(A.2)
Rc θc = Rθ
On obtient alors les grandeurs cylindriques projetées (Rc , θc ) définies par :
 q

Rc = R 1 + tan12 α
(A.3)
 θc = Rθ
Rc

où α est l’angle au sommet du cône de coupe et (R, θ) les coordonnées cylindriques classiques.
Les coordonnées (xc , yc ) dans le plan projeté sont alors calculées à partir de celles-ci en utilisant les
relations :

xc = Rc cos(θc )
(A.4)
yc = Rc sin(θc )
L’avantage d’un telle projection est qu’elle conserve les longueurs dans les directions moyeu/carter
(l) et azimutales (Rθ).

124
Annexe B

Modélisation de la turbulence

1 Équation de transport du tenseur de Reynolds


La détermination des équations de transport du tenseur de Reynolds se base sur la définition :

< ρui uj >=< ρ > u ej + < ρu′′i u′′j >


ei u (B.1)

La dérivée temporelle de la tension de Reynolds < ρu′′i u′′j > s’écrit alors :

∂ < ρu′′i u′′j > ∂ < ρui uj > ∂ < ρ > u


ei u
ej
= − (B.2)
∂t ∂t ∂t

En utilisant cette formulation et à partir des équations instantanées et moyennées, l’équation de


transport des tensions de Reynolds dans le repère entraîné s’écrit :

∂ < ρu′′i u′′j > ∂e


uk < ρu′′i u′′j > ∂e
uj ∂e
ui
+ = − < ρu′′i u′′k > − < ρu′′k u′′j > (B.3)
∂t ∂xk ∂xk ∂xk
| {z } | {z }
Convection Aij Production Pij
!

∂u′j ∂u′i
+ <p + >
∂xi ∂xj
| {z }
Corrélation pression-déformation Πij
   
∂ < τjk > ∂ < p > ∂ < τik > ∂ < p >
+ < u′′i > − + < u′′j > −
∂xk ∂xj ∂xk ∂xi
| {z }
Effets directs des fluctuations de masse volumique Mij
 
′ ′ ′
∂u′j ∂u′i ∂ < τik uj > + < τjk u′i >
′ ′
− < τik + τjk >+
∂xk ∂xk ∂xk
| {z } | {z }
Taux de dissipation <ρ>ǫij V
Diffusion visqueuse <ρ>Dij
   
∂ − < ρu′′i u′′j u′′k > − < p′ u′i δik + u′j δik >
+
∂xk
| {z }
T
Diffusion turbulente <ρ>Dij
 
+ −2 < ρ > ǫilm Ωl < u′′j u′′m > −2 < ρ > ǫjlm Ωl < u′′i u′′m >
| {z }
Terme de Coriolis Θij

125
2 Modèle de Spalart–Allmaras
Le modèle de Spalart–Allmaras [99] est un modèle à une équation de transport de la viscosité
turbulente. Celle-ci s’écrit dans le cadre d’un écoulement compressible :

   2
D hρi νe 1 ∂(µ + hρi νe) ∂e
ν ν ∂ hρi νe
∂e νe
= cb1 Se hρi νe + + cb2 − cw1 fw hρi (B.4)
Dt σ ∂xj ∂xj ∂xj ∂xj dw
| {z } | {z } | {z } | {z }
convection production diffusion destruction

où :
cb1 = 0, 1355 cb2 = 0, 622 σ = 2/3 cw1 = 3, 239 (B.5)
Dans ces expressions, µ est la viscosité dynamique du fluide et dw la distance à la paroi la plus
proche. Loin des parois, νe est équivalent à la viscosité cinématique turbulente.
La viscosité turbulente µt est reconstruite à partir des équations suivantes (où ν est la viscosité
cinématique du fluide) :
χ3 νe
µt = ρνt = ρe
ν fv1 fv1 = χ= cv1 = 7, 1 (B.6)
χ3 + c3v1 ν
La relation νe = uτ κdw (uτ étant la vitesse de frottement), vérifiée dans la zone logarithmique de la
couche limite, est étendue jusqu’à la paroi pour avoir un meilleur comportement numérique du modèle.
La fonction fv1 est alors introduite afin d’obtenir le bon niveau de µt .
Le terme source Se s’écrit :
νe χ
Se = S + fv2 fv2 = 1 − κ = 0, 41 (B.7)
κ2 d2w 1 + χfv1
où S est le module de la vorticité. fv2 est alors déduite de fv1 en supposant que la région proche paroi
est une région à cisaillement constant.
Afin de reproduire le comportement de la turbulence dans la région externe et dans la zone loga-
rithmique de la couche limite, le terme de destruction a été ajouté. La fonction d’amortissement fw a
été calibrée pour confiner l’action du terme de destruction dans la partie inférieure de la région externe.
Cette fonction est adaptée pour être de l’ordre de 1 dans la région logarithmique d’une couche limite à
gradient de pression nul et décroître dans la région externe. Elle est donnée par les équations :
  61
1 + c6w3 νe
fw (g) = g g = r + cw2 (r6 − r) r= cw2 = 0, 3 cw3 = 2 (B.8)
g 6 + c6w3 e 2 d2w

3 Modèle k − l de Smith
Ce modèle est un modèle à deux équations de transport, l’une pour l’énergie cinétique turbulente k
et l’autre portant sur une échelle de longueur caractéristique de la turbulence l :

   
ρk ρku − (µ + µt /σk )∇k
∂   + ∇.  
∂t
ρl ρlu − (µ + µt /σl )∇l
  2 
ρ(2k)1/2
τ t .∇u − B1 l − 2µ ∇k 1/2
 
 
=   2    2  
 3/2 
(2 + E2 ) ρ(2k)
B1 1− l
κdw + ρl∇.u − µ
σ1 k ∇l. 2∇k − l
κ
1
dw ∇l
(B.9)
La viscosité turbulente est alors déduite de ces variables k et l par les relations :

µt = µχfµ (B.10)

126
Avec : "
  14  2 # √
c41 f1 + c22 χ2 + χ4 l ρl 2k
fµ = f1 = exp −50 χ= (B.11)
c41 + c22 χ2 + χ4 κdw 1
µB13
Les coefficients utilisés dans le modèles sont :
σl = 1, 43 σk = 1, 43 κ = 0, 41 B1 = 18 E2 = 1, 2 c1 = 25, 5 c2 = 2 (B.12)

4 Modèle EARSM (Explicit Algebraic Reynolds Stress Model)


Les deux modèles présentés précédemment se basent sur l’hypothèse de Boussinesq qui lie le ten-
seur de Reynolds au tenseur du taux de déformation. Pour un écoulement cisaillé plan, l’hypothèse de
Boussinesq ne nous permet de déterminer que le terme < u′ v ′ >, les termes < u′2 >, < v ′2 > et < w′2 >
sont tous fixés à 32 k. Or ceci empêche la formation de tourbillons de seconde espèce.
Le modèle EARSM de Wallin et Johanson [113] remplace l’hypothèse de Boussinesq par une relation
algébrique entre les tensions de Reynolds et le gradient de vitesse moyenne issue d’un modèle aux
tensions de Reynolds afin de prendre en compte l’anisotropie de la turbulence. Les modèles aux tensions
de Reynolds sont basés sur la résolution les équations de transport des tensions de Reynolds décrites
dans la section 1.
<u′i u′j >
En turbulence homogène, l’énergie cinétique turbulente k varie, alors que le rapport k tend
vers un état asymptotique ([86]). Ceci conduit à l’équation :
< u′i u′j >
Pij − Πij − ǫij = (Pk − ǫ) (B.13)
k
Cette équation (B.13) peut être généralisée à la turbulence inhomogène en supposant la rela-
tion (B.14) entre la diffusion de < u′i u′j > et la diffusion de k.
< u′i u′j >
[< u′i u′j >]dif f usion = [k]dif f usion (B.14)
k
Dans l’équation (B.13) le terme Pij est un terme exact alors que les termes ǫij et Πij doivent être mo-
délisés. Typiquement, ǫij est modélisé par le terme 32 ǫδij . Le terme Πij , quant à lui, peut être écrit sous
différentes formes. Une modélisation linéaire de ce terme permet d’obtenir une solution de l’équation
tensorielle issue de l’équation (B.13) sous la forme :
 
Pk ∗ ∗
b=F ,S ,Ω (B.15)
ǫ
Avec :
k k
S∗ =S Ω∗ = Ω (B.16)
ǫ ǫ
Cette relation correspond alors à une modélisation algébrique du tenseur d’anisotropie b. Ce tenseur
peut être exprimé à l’aide d’une combinaison linéaire de la base formée à partir des tenseurs S ∗ et Ω∗
(base composée de 3 tenseurs en 2D et 10 en 3D) où les coefficients dépendent entre autre du rapport
Pk
ǫ .
Wallin et Johanson [113] indiquent que ce rapport peut s’exprimer à l’aide du tenseur d’anisotropie
et du tenseur des déformations (équation (B.17)), ce qui permet d’obtenir une formulation explicite et
ainsi un modèle explicite algébrique aux tensions de Reynolds.
Pk  
= −2tr b . S ∗ (B.17)
ǫ
Pour les écoulements bidimensionnels, l’équation obtenue est alors d’ordre 3 dont une seule solution
est admissible. Par contre pour les écoulements tridimensionnels, comme l’équation est d’ordre 6, il n’y
a pas de solution exacte, mais en pratique, la formulation bidimensionnelle est directement utilisée.
Ce modèle reste un modèle local, mais il permet contrairement aux modèles basés sur l’hypothèse
de Boussinesq, tel que les modèles de Spalart–Allmaras et Smith, de prendre en compte l’anisotropie de
la turbulence. Dans elsA, il est couplé avec un modèle de turbulence à deux équations de transport de
type k − kL.
Ce modèle EARSM ne prend pas en compte les effets de courbure des lignes de courant, ni de
rotation. Là encore, des corrections du modèle existe pour tenir compte de ces effets [114].

127
5 Modèle DES basé sur le modèle de Spalart–Allmaras
Nous nous plaçons dans le cas particulier de la DES basée sur le modèle RANS de Spalart–Allmaras
présenté précédemment. En supposant l’équilibre entre les termes de destruction et de production de
viscosité turbulente, l’équation (B.5) donne :
e 2w
νe ≈ Sd (B.18)

Dans la formulation de la DES, Spalart et al. [101] remplacent l’échelle de longueur dw par de :

de = min(dw , CDES ∆) (B.19)

Ainsi lorsque la distance à la paroi est inférieure à CDES ∆, on retrouve la formulation RANS usuelle.
Dans la zone LES, en supposant un équilibre local entre la production et la dissipation aux grands
nombres de Reynolds, on obtient :
 2
e t = cw1 fwDES νt
cb1 Sν (B.20)
CDES ∆

Ce qui donne pour la viscosité turbulente νt :


cb1
νt = C 2 ∆2 Se (B.21)
cw1 fwDES DES

Par analogie avec les équations (B.8), le paramètre fwDES peut être déterminé par :
  61
DES νt cb1 1 + c6w3
r = = DES fwDES = g(fwDES ) (B.22)
e 2 2
Sκ CDES ∆ 2 f w cw1 κ2 g(fwDES )6 + c6w3

La fonction g étant donnée par l’équation (B.8). La seule racine de cette équation correspondant à
une solution physique est fwDES = 0, 424.
La valeur de la constante CDES a été évaluée par Shur et al. [90] sur la base de simulations de
turbulence isotrope en décroissance. Ces simulations ont été comparées aux données expérimentales de
Comte-Bellot et Corssin [20] et la valeur de CDES a été ajustée pour faire correspondre la décroissance
turbulente à celle obtenue expérimentalement. La valeur préconisée par les auteurs est :

CDES = 0, 65 (B.23)

Enfin, l’équation (B.21) permet d’écrire :

e22 ∆2 Se e22 = C
eDES
2 cb1
νt = C C = 0, 22 (B.24)
cw1 fw∗DES

128
Annexe C

Détails sur le calcul des performances


du compresseur centrifuge

Les données accessibles expérimentalement sont limitées à des mesures de pression pariétale ainsi
que des mesures de température totale dans les cuves amont et aval, complétées par des mesures de
débit massique et de vitesse de rotation du module. Par conséquent, il est nécessaire d’effectuer des
hypothèses simplificatrices pour calculer les grandeurs nécessaires au calcul des performances de la
machine.
D’un autre côté, dans les simulations numériques, l’ensemble des grandeurs aérodynamiques est dis-
ponible en n’importe quelle position du domaine simulé. Les performances du module peuvent alors être
calculées sans utiliser les hypothèses nécessaires pour le post-traitement des données expérimentales.
Cependant, pour obtenir une comparaison plus juste avec les performances obtenues expérimentale-
ment, il est important de réaliser un post-traitement aussi proche que possible de celui appliqué sur les
données expérimentales. Toutefois, les valeurs dans les volumes amont et aval n’étant pas disponibles
dans les simulations (étant donné que ceux-ci ne sont pas pris en compte dans le domaine simulé), il
faut adapter ces post-traitements.
Cette partie va donc spécifier les hypothèses effectuées expérimentalement pour le calcul des per-
formances et comment celles-ci sont transposées au post-traitement numérique.

1 Hypothèses nécessaires
Pour calculer les performances du module à partir des données expérimentales accessibles, trois
hypothèses sont nécessaires :
– l’écoulement est axisymétrique
– les parois sont adiabatiques
– les profils de pression statique sont linéaires du moyeu au carter dans les sections de mesures 1,2
et 3 (cf. figure III.7).
La troisième hypothèse, bien qu’indispensable puisque aucune mesure dans la veine n’est disponible,
est la plus pénalisante, particulièrement dans la section 2 qui se situe entre le rotor et le stator où
l’écoulement présente de fortes hétérogénéités.

2 Standardisation des données


Afin de pouvoir comparer les données, les grandeurs expérimentales et numériques sont standardi-
sées par les valeurs de la cuve amont. En effet, les expériences ne sont pas réalisées avec la pression
atmosphérique dans la cuve amont, il est donc indispensable de ramener les grandeurs mesurées aux
conditions standards. Pour cela les différentes grandeurs sont standardisées suivant les relations :
Pref erence
– pressions : Pstandardisee = P Pcuve amont
T
ref erence
– températures : Tstandardisee = T Tcuve amont

129
q
Pref erence Tcuve amont
– débit : ṁstandardise = ṁ Pcuve amont Tref erence
q
Tcuve amont
– vitesse de rotation : ωstandardisee = ω Tref erence
Où les valeurs Pcuve amont et Tcuve amont sont les valeurs mesurées dans la cuve dans les expériences et
les grandeurs totales imposées en entrée dans les simulations (on fait donc l’hypothèse qu’il n’y a pas
de perte de charge entre la cuve amont et le plan d’entrée de la simulation). Les grandeurs Pref erence
et Tref erence sont respectivement la pression atmosphérique et 288, 15 Kelvin. Il est intéressant de noter
que la simulation est en réalité déjà faite dans les conditions standard et donc la standardisation ne
changera pas les valeurs. Pour la suite de la description de la procédure de post-traitement, toutes les
grandeurs utilisées sont standardisées mais on utilisera la notation P au lieu de Pstandardisee par souci
de clarté.

3 Calcul des grandeurs thermodynamiques


3.1 Section 1 : amont du rouet
Entre la cuve amont et la section 1, aucune pièce mobile n’est présente donc, compte tenu de la
deuxième hypothèse, l’enthalpie totale est conservée et on a donc :

Tt1 = Tt cuve amont (C.1)

Dans les simulations numériques, la valeur Tt cuve amont n’étant pas accessible, on va utiliser la valeur de
température imposée en entrée du domaine de calcul Tt inlet .
La pression statique est estimée à partir des valeurs de pression pariétale au moyeu et carter en
utilisant la troisième hypothèse :
R R1carter
p (r)r dr
R1moyeu 1
p1 = R R1carter
R1moyeu
r dr
R R1carter  r−R1moyeu

R1moyeu
p1moyeu + (p1carter − p1moyeu ) ∗ R1carter −R1moyeu
r dr
= R R1carter
R moyeu
r dr
1

1 carter 1 R1carter − R1moyeu carter



d où p1 = (p1 + p1moyeu ) + (p − p1moyeu ) (C.2)
2 6 R1carter + R1moyeu 1
Le nombre de Mach au sein de la veine en amont étant inférieur à 0, 3, l’écoulement est considéré
comme incompressible, ce qui permet de calculer la pression totale avec la relation :
1
Pt1 = p1 + ρ1 V12 (C.3)
2
où la masse volumique ρ1 est supposée égale à la masse volumique dans la cuve amont et est donc
calculée grâce aux valeurs totales imposées en entrée de domaine de calcul :

P cuve amont Pt inlet


ρ1 = = (C.4)
RT cuve amont RTt inlet
La vitesse V1 est quant à elle supposée axiale, elle peut donc être directement calculée à partir du débit
ṁ et de la surface S1 de la section 1 :

V1 = (C.5)
ρ1 S 1

3.2 Section 2 : mi-diffuseur lisse


Entre la section 2 et la cuve aval, il n’y a pas de partie mobile donc, compte tenu de la deuxième
hypothèse, l’enthalpie totale est conservée et on obtient alors :

Tt2 = Tt cuve aval (C.6)

130
En supposant que la vitesse axiale est nulle dans le diffuseur radial on a :
q
V2 = Vm2 2 +V 2 (C.7)
θ2

La température statique est alors liée à la température totale par la relation :

V2 2 V 2 V 2
T2 = Tt2 − = Tt2 − m2 − θ2 (C.8)
2Cp 2Cp 2Cp

L’équation d’Euler (avec Vθ1 = 0 étant donné que l’écoulement est axial en entrée) nous permet de
définir Vθ2 :
∆h0 = Cp (Tt2 − Tt1 ) = ∆(U.Vθ ) = U2 .Vθ2 (C.9)
soit :
Cp (Tt2 − Tt1 )
Vθ2 = (C.10)
U2
Vm2 est quant à lui défini à l’aide d’un polynôme du second ordre obtenu en combinant les équa-
tions C.8 et C.10 avec l’équation de conservation de la masse :
p2
ṁ = ρ2 Vm2 S2 = Vm2 S2 (C.11)
RT2
soit :
p2 S 2
T2 = Vm2 (C.12)
Rṁ

2 2
Vm2 + 2Cp T2 + Vθ2 − 2Cp Tt2 = 0
2 2C p S
p 2 2 2
Vm2 + Vm2 + Vθ2 − 2Cp Tt2 = 0 (C.13)
Rṁ
| {z } | {z }
A B

Donc Vm2 peut être calculé comme :



−A + A2 − 4B
Vm2 = (C.14)
2
Une fois les deux composantes de V2 connues, on peut calculer T2 avec la relation C.8, ce qui nous
permet de déterminer la pression totale Pt2 avec la relation :
 γ/(γ−1)
Tt2
Pt2 = p2 (C.15)
T2

où l’hypothèse d’évolution linéaire de la pression statique entre le moyeu et le carter nous donne cette
fois-ci :
p carter + p2moyeu
p2 = 2 (C.16)
2

3.3 Section 3 : aval du diffuseur


De même que pour la section 2, aucune pièce mobile n’est présente jusqu’à la cuve aval, l’enthalpie
totale est donc conservée du fait des parois adiabatiques, par conséquent :

Tt3 = Tt cuve aval (C.17)

La pression statique est quant à elle calculée à partir des valeurs pariétales grâce à la troisième
hypothèse :
p carter + p3moyeu
p3 = 3 (C.18)
2

131
4 Performances des composants
L’analyse thermodynamique nous permet donc de déduire les grandeurs :
– dans la section 1 : Pt1 , Tt1
– dans la section 2 : p2 , Pt2
– dans la section 3 : p3 , Tt3
On peut alors calculer les grandeurs caractéristiques :
– pour le rouet : πs12 , πt12
– pour l’étage : πs13 , ηs13
Celles-ci seront utilisées pour comparer les résultats numériques aux données expérimentales.

5 Quantification des erreurs induites par les hypothèses faites


Dans les simulations numériques, l’ensemble des grandeurs aérodynamiques est disponible en n’im-
porte quelle position du domaine simulé. Par conséquent, en effectuant des moyennes spatiales dans
les trois sections des valeurs de température et pression (statiques et totales), on peut calculer ces
grandeurs caractéristiques effectives du composant dans le calcul. Ceci nous permet donc de quantifier
l’écart induit par les approximations imposées pour suivre la procédure expérimentale (non seulement
les hypothèses de reconstruction des grandeurs, mais aussi le fait de ne faire que des sondages pariétaux
au lieu de prendre une moyenne spatiale).

2.25

2.00 0.80
ηs13
πs13

1.75

0.70
1.50
Experiences Experiences
Post-traitement experimental Post-traitement experimental
1.25 Post-traitement numerique Post-traitement numerique
0.60
0.32 0.33 0.34 0.35 0.36 0.37 0.38 0.39 0.32 0.33 0.34 0.35 0.36 0.37 0.38 0.39
debit debit
taux de pression total-à-statique de l’étage rendement total-à-statique de l’étage
2.70

2.60
πt12

2.50

2.40

Experiences
Post-traitement experimental
2.30 Post-traitement numerique
0.32 0.33 0.34 0.35 0.36 0.37 0.38 0.39
debit
taux de pression total-à-total du rouet

F IGURE C.1 – Performances de l’étage et du rouet sur un calcul RANS avec le modèle de Smith sur le
maillage M1 en utilisant la méthode expérimentale et en utilisant un post-traitement dit "numérique"

132
La figure C.1 présente les des performances de l’étage et du rouet sur un calcul RANS avec le modèle
de Spalart sur le maillage M1 en utilisant la méthode expérimentale et en utilisant un post-traitement
dit "numérique" (c’est-à-dire des moyennes spatiales sur les plans de section). On peut voir que l’effet
sur le calcul des performances de l’étage est relativement faible (1, 90% et 0, 91% respectivement sur
le taux de pression et le rendement totale-à-statique au point nominal). Par contre, l’effet sur le taux
de pression total-à-total du rouet est plus forte (4, 03% au point nominal). Ceci vient probablement de
l’hypothèse faite sur l’évolution du profil de pression entre le moyeu et le carter. En effet, en sortie de
rouet (section 2) l’écoulement entre le pied et la tête de pale est très hétérogène particulièrement à
cause de l’effet des écoulements de jeu. Par conséquent la perte d’information due au fait que l’on se
limite à un sondage pariétal est plus notable que sur les autres sections.

133
Annexe D

Détection du transitoire et estimation


des erreurs sur les statistiques

Il est nécessaire pour les calculs instationnaires de réaliser des statistiques sur les résultats pour
pouvoir les étudier et les comparer à des calculs stationnaires. Cependant, avant d’atteindre un état
statistiquement convergé, les simulations sont soumises à un état transitoire de durée indéterminée et
fortement variable suivant les cas. De plus, les signaux étant capturés sur des durées limitées, il en
résulte une erreur sur le calcul des grandeurs statistiques difficilement évaluable a priori. Cette partie
cherche à répondre à ces problématiques en utilisant une méthode proposée par [75] et implantée dans
Antares.
Dans un premier temps une méthode d’estimation de l’erreur sur un signal convergé (débarrassé du
transitoire) est présentée, puis cette méthode est adaptée pour obtenir une méthodologie de détection
du régime transitoire d’un signal.

1 Estimation de l’erreur sur les statistiques


Une quantité statistique donnée φ ne peut en réalité qu’être approximée par sa valeur φ̂ calculée sur
un nombre fini d’échantillons. L’erreur commise lors de cette approximation est alors définie sous sa
forme normalisée par la relation :
q
E[φ̂2 ] − E[φ]2
ε[φ̂] = (D.1)
φ
où E[.] représente la valeur calculée de la quantité statistique entre crochets. Cependant, la valeur de φ
n’étant pas accessible, l’erreur doit être estimée avec le signal disponible.

1.1 Estimation par fenêtrage du signal


Une première approche pour estimer l’erreur consiste à découper le signal source de longueur T en
fenêtres de longueur Tw . On peut alors obtenir l’erreur en fonction de la taille de la fenêtre grâce à la
relation :
q
h(φ̂Tw − φ̂T )2 i
ε1 [φ̂](Tw ) = (D.2)
φ̂T
où h.i représente la moyenne sur le nombre de fenêtres disponibles. Ainsi, en faisant varier la taille des
fenêtres Tw , une courbe de tendance de l’erreur en fonction de la longueur du signal peut être obtenue.
Cependant, la précision de cette approximation diminue lorsque la taille de fenêtre Tw s’approche
de la valeur T étant donné que le nombre de fenêtres disponibles est de plus en plus faible.
Par conséquent, cette approche n’est pas adaptée à l’évaluation de l’erreur commise lors du calcul
de φ sur le signal complet.

134
1.2 Estimation grâce à des formulations analytiques
Une autre approche consiste à utiliser des expressions analytiques issues du cas particulier du bruit
blanc gaussien de bande passante B.
Cette approche permet non seulement de déterminer l’erreur sur le signal disponible, mais aussi de
pronostiquer l’évolution de celle-ci pour des longueurs de signal plus importantes.
D’après [3], les erreurs pour la moyenne µ et l’écart type σ sont données par les relations :
1 σ
ε2 [µ̂](T ) ≈ √ (D.3)
2BT µ
1
ε2 [σ̂](T ) ≈ √ (D.4)
4BT
µ et σ n’étant pas connus, on les approxime par µ̂ et σ̂. La seule inconnue restante est alors B
qui peut être vu comme un paramètre de calage de la courbe d’erreur. Sa valeur est fixée à la valeur
minimale d’intersection des courbes d’erreurs calculées avec les relations (D.3-D.4) et D.2 :
" 2 #
σ̂ 1
Bµ̂ = minTw √ (D.5)
µ̂ 2Tw ε1 [µ̂](Tw )
" 2 #
1 1
Bσ̂ = minTw √ (D.6)
4Tw ε1 [σ̂](Tw )

La valeur minimale est choisie afin d’avoir une estimation maximale de l’erreur. Comme l’équation
D.2 est plus précise pour la moyenne que l’écart type, B est choisi tel que B = Bµ̂ et appliqué dans les
relations D.3 et D.4.

1.3 Validation
Les formules analytiques utilisées étant calibrées pour du bruit blanc, celles-ci fonctionnent particu-
lièrement bien pour ce type de signal comme il a été démontré dans [75].

Signal sinusoïdal
Pour estimer la performance de la méthode sur un signal non équivalent à du bruit blanc, celle-ci est
appliquée sur le cas d’un signal sinusoïdal de fréquence f = 20Hz, de moyenne µ = 1, d’écart type
σ = 0, 1 et de durée T = 1 discrétisé en 10000 pas de temps iso-répartis :

X(t) = σ 2 × sin(2πf × t) + µ (D.7)

1.20 10+1

1.15 10+0
1.10
10−1
1.05
10−2
1.00
X

10−3
0.95 ε1 [µ̂]
ε2 [µ̂]
10−4
0.90 εexact [µ̂]
ε1 [σ̂]
0.85 10−5 ε2 [σ̂]
εexact [σ̂]
0.80 10−6
0.00 0.20 0.40 0.60 0.80 1.00 10−3 10−2 10−1 10+0
t Tw , T

F IGURE D.1 – Comparaison pour un signal sinusoïdal (gauche) des erreurs estimées par les différentes
approches avec l’erreur exacte (droite)

135
La figure D.1 représente les erreurs calculées avec les deux approches pour la moyenne et l’écart
type comparés aux erreurs exactes. La valeur de B obtenue dans ce cas est 43, 1.
On voit que pour ce cas la décroissance de l’erreur est plus rapide que pronostiqué avec les formules
analytiques entraînant une globale surestimation de l’erreur.
Ce cas test montre les limitations de la méthode lorsqu’elle est appliquée à des signaux périodiques.
Cependant, l’objectif est d’utiliser cette méthode sur des signaux turbulents ayant un contenu plus
chaotique et donc plus proche du bruit blanc.

Signal turbulent
Pour vérifier l’appliquabilité de la méthode pour notre étude, celle-ci est utilisée sur un signal de
pression issu d’une sonde placée en bord de fuite de la pale principale à mi-hauteur de veine dans un
calcul LES.
Le signal utilisé est mesuré après s’être assuré d’avoir dépassé le transitoire. Il est extrait sur 17ms
physique correspondant à plus de 30000 pas de temps de calcul. Le signal et les courbes d’évolution de
l’erreur sont représentés sur la figure D.2.

2.60 10+1

2.50
10+0
2.40

2.30 10−1
2.20
p

2.10 10−2

2.00 ε1 [µ̂]
10−3 ε2 [µ̂]
1.90 ε1 [σ̂]
ε2 [σ̂]
1.80 10−4
0.010 0.015 0.020 0.025 0.030 10−5 10−4 10−3 10−2 10−1
t Tw , T

F IGURE D.2 – Comparaison pour un signal LES (gauche) des erreurs estimées par les différentes ap-
proches(droite)

La baisse d’erreur ε1 détectée pour les grandes valeurs de Tw est due au fait que le nombre de
fenêtres disponibles pour l’estimation de l’erreur est très faible.
L’analogie avec le bruit blanc ε2 semble donner de très bons résultats dans ce cas. La valeur choisie
pour le paramètre B = Bµ̂ semble être satisfaisante pour le calcul de l’erreur sur l’écart type bien qu’elle
donne un niveau d’erreur un peu inférieur à celui prévu par ε1 [σ̂].

2 Détection du régime transitoire


Les méthodes d’approximation de l’erreur statistique décrites précédemment et testées sur des si-
gnaux convergés peuvent être utilisées sur des signaux contenant un régime transitoire pour déterminer
la position de fin de ce transitoire Tt .
Pour cela, l’erreur statistique est estimée sur des portions de signal obtenues en tronquant petit à
petit le début du signal. Plus on enlève une part importante du régime transitoire du signal, plus l’erreur
décroît. Puis, une fois le transitoire évacué, l’erreur va se mettre à croître étant donné que la longueur de
signal disponible pour le calcul des statistiques devient plus courte. Par conséquent, la fin de transitoire
peut être interprétée comme un minimum d’erreur.
Afin de rentre la méthode sensible aux modulations de moyennes et d’écart type, le minimum du
produit des erreurs ε2 [µ̂] ∗ ε2 [σ̂] va être recherché (en choisissant pour cela la valeur du paramètre B
indépendamment pour la moyenne et l’écart type).
Notez que plus la partie tronquée devient importante, plus la longueur de signal exploitée pour le
calcul de l’erreur est courte, rendant l’estimation de l’erreur moins fiable. Ceci peut parfois entraîner des

136
minima parasites qui ne doivent pas être pris en compte, par conséquent il a été choisi de ne tronquer
le signal que jusqu’à 80% de sa longueur totale.

Signal sinusoïdal
Cet algorithme est appliqué sur le signal sinusoïdal précédemment utilisé mais modulé par une fonc-
tion tangente hyperbolique pour simuler un régime transitoire :

X(t) = σ 2 × sin(2πf × t) + µ + tanh(2t) − 1 (D.8)

1.20 10+0 p
ε2 [µ̂] × ε2 [σ̂]
1.00 ε2 [µ̂]
ε2 [σ̂]
0.80
10−1
0.60
X

ε
0.40
10−2
0.20

0.00

-0.20 10−3
0.00 0.50 1.00 1.50 2.00 2.50 3.00 3.50 4.00 0.00 0.50 1.00 1.50 2.00 2.50 3.00 3.50 4.00
t t0

F IGURE D.3 – Représentation pour un signal sinuïsodal avec transitoire (gauche) des erreurs estimées
en fonction du temps initial de début de calcul des statistiques (droite)

Le signal et l’erreur en fonction du temps initial choisi sont représenté sur la figure D.3. Le temps
de fin de transitoire obtenu est Tt = 0, 75 (marqué en pointillés rouges sur la figure). Cette valeur de
Tt est très satisfaisante étant donné qu’à t = Tt la tangente hyperbolique a atteint 90, 5% de la valeur
asymptotique.
La moyenne trouvée sur la partie restante du signal est de µ̂ = 0, 993 et donne une erreur estimée
de ε2 [µ̂] = 0, 57% pour une erreur réelle de εexact [µ̂] = 0, 75%. De même, pour l’écart type σ̂ = 0, 101,
la méthode prévoit une erreur de ε2 [σ̂] = 2, 79% contre εexact [σ̂] = 1, 17%. Cette méthode semble donc
donner des résultats tout à fait acceptables sur l’estimation de l’ordre de grandeur de l’erreur.

Signal turbulent
La méthode est cette fois-ci appliquée sur le signal issu d’une sonde de calcul LES contenant le régime
transitoire (la même sonde que précédemment).
Le signal et l’erreur en fonction du temps initial choisi sont représentés sur la figure D.4. Le temps
de fin de transitoire trouvé est Tt = 0, 008 (marqué en pointillés rouges sur la figure).
La moyenne calculée sur la partie restante du signal est de µ̂ = 2, 285 et donne une erreur estimée de
ε2 [µ̂] = 0, 06%. De même, pour l’écart type σ̂ = 0, 091 , la méthode prévoit une erreur de ε2 [σ̂] = 1, 69%.

2.1 Détection à la volée

Il est possible d’appliquer cette méthode au cours de l’avancement de la simulation afin de détermi-
ner si le transitoire est passé et à quelle erreur près les statistiques sont convergées.
La figure D.5 représente l’évolution du temps de fin de transitoire Tt détecté par l’algorithme en
fonction de la longueur du signal disponible pour les deux cas étudiés précédemment. On voit que les
deux signaux Tt se stabilisent assez rapidement, en effet au bout d’un temps de simulation de T = 2Tt ,
la méthode est déjà capable de prévoir correctement le temps de fin de transitoire. Il est aussi important
de noter que ce temps Tt reste quasi invariable une fois sa valeur finale atteinte.

137
2.60 10+0 p
ε2 [µ̂] × ε2 [σ̂]
ε2 [µ̂]
2.40 ε2 [σ̂]
10−1

2.20
10−2
p

ε
2.00

10−3
1.80

1.60 10−4
0.000 0.005 0.010 0.015 0.020 0.025 0.030 0.000 0.005 0.010 0.015 0.020 0.025
t t0

F IGURE D.4 – Représentation pour un signal avec transitoire issu d’un calcul LES (gauche) des erreurs
estimées en fonction du temps initial de début de calcul des statistiques (droite)

1.00 0.010

0.008
0.75

0.006
0.50
Tt

Tt

0.004

0.25
Evolution de Tt 0.002 Evolution de Tt
Tt = T Tt = T
Tt final Tt final
0.00 0.000
0.00 0.50 1.00 1.50 2.00 2.50 3.00 3.50 4.00 0.000 0.005 0.010 0.015 0.020 0.025
T T

F IGURE D.5 – Détection du transitoire au cours du calcul pour le signal sinusoïdal (gauche) et pour la
sonde LES (droite)

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144
Doctorat de l’Université de Toulouse
Délivré par
l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace
École doctorale MEGeP
Spécialité énergétique et dynamique des fluides

Soutenue le 24 Septembre 2014

Thomas Léonard

Étude des approches de modélisation de la turbulence pour la simulation nu-


mérique d’un compresseur centrifuge à fort taux de pression
Cette étude a pour objectif d’étudier différentes approches de modélisation de la turbulence sur un
compresseur centrifuge industriel à fort taux de pression afin d’essayer d’élargir notre compréhension
des différents phénomènes physiques mis en jeu et leur interaction avec la turbulence.
D’abord, la sensibilité au maillage et au modèle turbulence est évalué sur des calculs RANS. Une
analyse de simulations LES est ensuite effectuée. En particulier, une étude de l’effet de la turbulence
sur l’écoulement et une comparaison aux résultats RANS et expérimentaux est réalisée. Enfin, deux
approches hybrides DES sont étudiées afin d’exposer les problèmes rencontrés par ces modèles sur cette
configuration.
Il en résulte une évaluation des différentes méthodes et de leur applicabilité future dans un contexte
industriel.

Mots clés : compresseur centrifuge, modélisation de la turbulence, RANS, LES, hybrides RANS/LES

Study of turbulence modelling for the numerical simulation of a high pressure


centrifugal compressor
This study aims to assess the abilities of existing numerical simulation methods to predict the com-
plex physical phenomena occurring in an industrial centrifugal compressor and especialy the effect of
turbulence on the different flow features.
RANS simulations are first performed using various turbulence model, then LES simulations and
finally, two simulations using RANS/LES hybrid models of DES type are carried out. The whole com-
pressor operating range is simulated using RANS, but because of LES and DES high computational costs,
attention is focussed on the nominal operating point.
Particular care is devoted to determine the impact of grid refinement on the simulation results. To
this end, simulations are performed on three grids, respectively composed of over 8, 26 and 165 million
cells.
Even though the grids used do not fulfill the mesh refinement criteria recommended in the litterature
for an accurate wall-resolved LES simulation, the simulation performed on the denser grid provides
interesting conclusions on the turbulence generation and its interaction with the mean flow.
The hybrid DES approches used involve a shield function to prevent the boundary layers to be
computed in LES. However, this function is found to be unsuited to this centrifugal compressor flow.
Indeed, the RANS and LES regions are not correctly located and most of the tip leakage flow is resolved
using a RANS approach, preventing the development of turbulence.
This work allowed us to evalute the various approches and highlight some of the problems and ad-
vantages of each for the simulation of this centrifugal compressor.

Key words : centrifugal compressor, turbulence modelling, RANS, LES, hybrids RANS/LES

Laboratories : CERFACS, 42 avenue Gaspard Coriolis, 31057 Toulouse, France


ONERA, 2 avenue Édouard Belin, 31000 Toulouse, France

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