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Poésies
Arthur Rimbaud
Livret pédagogique
correspondant au livre de l’élève n° 75
SOMMAIRE
B I L A N D E L E C T U R E ................................................................................................. 3
R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S ........................................................................................ 5
La dénonciation de la guerre (p. 83, v. 1 à 14) .......................................................................................................................................... 5
S U J E T S D ’ É C R I T ................................................................................................... 1 3
Sujet 1 (pp. 220 à 224) ........................................................................................................................................................................... 13
C O R P U S S U P P L É M E N T A I R E ....................................................................................... 2 0
P I S T E S P É D A G O G I Q U E S ........................................................................................... 2 4
B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E .............................................................................. 2 5
BILAN DE LECTURE
1. Pourquoi le recueil Les Cahiers de Douai s’appelle-t-il ainsi ? Dans quelles circonstances a-t-il été écrit ?
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5. Quelle image de l’empereur se dessine dans « Rages de Césars » et dans « L’Éclatante Victoire de
Sarrebrück » ?
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10. Dans le poème « Le Forgeron », à qui ce forgeron s’adresse-t-il ? Pourquoi peut-on dire qu’il s’agit là d’un poème
engagé ?
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Bilan de lecture – 4
L a d é n o n c i a t i o n d e l a g u e r r e
( p . 8 3 , v . 1 à 1 4 )
UN CADRE IDYLLIQUE
u Dans ce sonnet, Rimbaud décrit un lieu agréable (v. 1 : « verdure »), où un jeune homme semble dormir (v. 7 : « est
étendu dans l’herbe »). La nature paraît accueillante : c’est « un petit val » (v. 4) charmant, « où chante une rivière »
(v. 1) et « où le soleil […] luit » (v. 2-3). Le poème dresse donc, en apparence, une image de la nature où l’on peut se
détendre : « le frais cresson bleu » (v. 6), « la nue » (v. 7). La nature est présentée comme une figure maternelle (v. 11 :
« berce-le chaudement »).
v De nombreux sens sont convoqués dans le poème : l’odorat (v. 12 : « Les parfums ») ; le toucher rafraîchissant et
bienfaisant (v. 6 : « le frais cresson bleu », v. 8 : « où la lumière pleut ») ; l’ouïe (v. 1 : « chante ») ; et enfin la vue, grâce
au champ lexical des couleurs – le vert (v. 1 : « verdure », v. 2 : « herbes », v. 4 : « val », v. 7 : « herbe », v. 8 : « lit
vert »), l’« argent » (v. 3), le jaune (v. 3 : « soleil », v. 5 : « rayons »), le bleu (v. 6 : « frais cresson bleu »), le rouge
(v. 14 : « deux trous rouges »), ainsi que les couleurs des « glaïeuls » (v. 9).
w Le champ lexical de la lumière est très présent : « haillons d’argent » (v. 2-3), « soleil » (v. 3 et 13), « luit » (v. 4),
« qui mousse de rayons » (v. 4) , « lumière » (v. 8). Ainsi, la nature apparaît lumineuse et vivante. La lumière est, ici,
symbole de vie, de paix, de calme, de beauté.
LA DESCRIPTION DU « DORMEUR »
x Le poème se présente comme un tableau avec différents plans. Chaque strophe est consacrée à une description
précise.
Le premier quatrain est consacré à la nature. Rimbaud utilise un plan large sur la vallée encaissée entre deux
montagnes (« soleil », « montagne », « val »…).
Le second quatrain fait apparaître le personnage du soldat. Le regard s’attarde sur sa position (couchée) et sur son
visage. Le poète insiste aussi sur les détails du décor (« cresson », « herbe »…). Peu à peu, par un procédé de
grossissement, on passe à un plan rapproché.
Le premier tercet propose une description fragmentaire des extrémités du jeune homme. Aux « pieds » du vers 9
s’oppose le visage (v. 9-10 : « souriant comme sourirait un enfant malade »). La description du soldat est fragmentaire,
morcelée.
Le second tercet décrit encore le visage mais en s’arrêtant sur un détail, passant de la « narine » (v. 12) à la « poitrine »
(v. 13).
Rimbaud utilise donc un effet de zoom. Le poème passe d’une description générale de la vallée et du soldat à une
description plus précise, mouvement qui va d’un plan large à un plan rapproché.
y Le personnage apparaît dans le second quatrain. Il semble dormir. Cf. le champ lexical du sommeil/repos : « Dort »
(v. 7), « il dort » (v. 9), « il est étendu » (v. 7), « fait un somme » (v. 10), « berce-le » (v. 11), « tranquille » (v. 14).
U Cette description n’est pas vraiment précise mais plutôt schématique : Rimbaud décrit une silhouette allongée, un
visage, des pieds et, en dernier lieu, la poitrine, qui révèle le destin tragique du jeune homme. La description reste
assez sommaire. Le soldat est un jeune homme parmi d’autres. En gardant cette description volontairement vague,
Rimbaud donne une portée universelle à ce soldat qui représente tous les jeunes hommes morts de façon prématurée
et tragique au front.
L’HORREUR DE LA GUERRE
V Le dernier vers nous apprend qu’il s’agit, en fait, d’un soldat mort à la guerre : « Il a deux trous rouges au côté droit »
(v. 14). Ce final crée un effet de surprise horrifiée pour le lecteur face aux conséquences de la guerre. Il s’agit donc d’un
sonnet à chute car le dernier vers bouleverse le sens général du poème.
W Lors d’une relecture attentive, certains indices suggèrent que la nature n’est pas aussi positive et paisible que la
lecture initiale le laissait penser. En premier lieu, on remarque que le sonnet opère une sorte de boucle funeste, puisque
le terme « trou » introduit d’emblée (« trou de verdure ») le thème de la mort tragique et prématurée et vient également
clore le poème. De même, l’adverbe « follement » (v. 2) suggère la folie meurtrière de la guerre. Au vers 4, « le petit val
Réponses aux questions – 6
qui mousse » rappelle le sang sur la blessure. Enfin, la présence des « glaïeuls » (v. 9), fleurs traditionnellement
utilisées lors des enterrements, est, ici aussi, signifiante.
A posteriori, on se rend compte, en outre, que la description du soldat n’a rien de paisible mais annonce plutôt un sort
funeste : il a la « bouche ouverte » (v. 5) et la « tête nue » (v. 5 – la perte de sa coiffe militaire représente la chute du
jeune homme), il est « pâle » (v. 8), il ressemble à « un enfant malade » (v. 10) et « il a froid » (v. 11) ; ses sens sont
anesthésiés, puisque « les parfums ne font pas frissonner sa narine » (v. 12).
Rimbaud a donc parsemé son texte d’indices discordants suggérant la mort.
X Ce sonnet provoque l’effroi du lecteur ainsi qu’un sentiment de compassion pour le jeune homme. Rimbaud veut
aussi susciter un sentiment de révolte face à l’absurdité et à l’abomination que représente une guerre, notamment grâce
à l’utilisation de termes réalistes et abrupts, dont les sonorités désagréables agressent l’oreille (« deux trous rouges »).
« Le Dormeur du Val » est donc un poème engagé, dans lequel Rimbaud dénonce la violence de la guerre.
at Le tableau représente un jeune homme grièvement blessé, voire en train de mourir. Comme dans le poème de
Rimbaud, il est étendu au cœur d’un cadre verdoyant et porte un trou rouge à la poitrine, et, si l’on ne prête pas
attention au titre et aux détails, on pourrait penser qu’il s’agit d’un homme endormi. On pourra faire remarquer que,
dans cet exemple, l’écrivain parvient, grâce à un usage habile des mots, à ménager un suspense avec lequel le peintre
ne peut pas rivaliser.
ak Suggestions pour l’organisation du commentaire :
Problématique : « En quoi ce sonnet permet-il à Rimbaud de dénoncer la violence et l’absurdité de la guerre ? »
I. Un tableau bucolique
A. Un décor agréable et lumineux (questions 1 et 3)
B. Une nature sensuelle (question 2)
C. Un jeune homme endormi (question 5)
II. Un sonnet engagé contre la guerre
A. Le dévoilement progressif de la vérité (questions 4 et 7)
B. La contamination de la nature (question 8)
C. La visée argumentative / les effets sur le lecteur (questions 6 et 9)
U n é l a n v e r s l a l i b e r t é
( p . 9 1 , v . 1 à 1 4 )
LE LYRISME DE LA PAUVRETÉ
u Définitions des termes :
– « Bohème » : vie d’artiste marquée par l’insouciance et une certaine précarité financière ;
– « Fantaisie » : qui n’est pas sérieux ; doit aussi être pris au sens d’« œuvre soustraite à des règles fixes où
l’imagination se donne libre cours ».
Il s’agit donc d’un poème traitant de la pauvreté et de l’insouciance des artistes, dont la vie sera en partie idéalisée.
v Présence massive du « je » qui renvoie au poète (v. 1, 3, 4, 6, 9, 10 et 13), complétée par des déterminants
re
possessifs de la 1 personne (v. 1, 2, 5, 6, 7, 8, 11 et 14). Cette présence très forte du « je » poétique place d’emblée le
poème dans le registre lyrique. Le poète exprime des sentiments personnels.
w Le champ lexical de la pauvreté est très présent : le poète est à pied (verbe aller) ; les « poches crevées » (v. 1) ; ses
vêtements sont usés (v. 2 en entier : voir note explicative sur « idéal » ; v. 5, en particulier « unique culotte » et « large
trou » ; v. 14 : « souliers blessés ») ; il vit dehors (v. 7 : « mon auberge était à la Grande-Ourse » + champ lexical de
l’errance).
La pauvreté, en tant que libération des contraintes matérielles, est associée à la liberté. Le poète est un marginal, mais
cette marginalité et cette pauvreté sont assumées, comme l’indique le terme « Petit Poucet » au vers 7.
x La nature est, ici, protectrice et maternelle. Le poète semble vivre en communion avec elle, il se l’approprie (v. 8 :
« mes étoiles »). La nature est accueillante : elle est son auberge (v. 7) ; les étoiles produisent un « doux frou-frou »
(v. 8), donc un son agréable qui peut rappeler les jupes maternelles ; Rimbaud évoque « Ces bons soirs de
septembre » (v. 8) ; la nature permet de se ressourcer et de récupérer de l’énergie (v. 9 : « rosée […] comme un vin de
vigueur »). La nature est donc associée à une figure maternelle : ses principales caractéristiques sont la douceur, la
chaleur ; elle est agréable, accueillante, positive…
Poésies d’Arthur Rimbaud – 7
UN ÉLOGE DE LA LIBERTÉ
W Les écarts de langage sont nombreux : ainsi, au vers 4, « Oh ! là ! là ! » est une marque d’oralité ; au vers 3, le poète
s’adresse directement à la Muse en l’apostrophant.
L’alexandrin est malmené. On note la présence d’enjambements et de rejets : le rejet du vers 7 (« Des rimes »)
notamment crée un effet d’insistance et un effet de surprise, car il associe un terme concret (« égrenait ») avec un
élément abstrait (« Des rimes ») ; on observe aussi un rejet au vers 11 (« De rosée ») et un enjambement aux vers 13-
14. Le poète prend donc des libertés avec les règles de l’alexandrin.
Le rythme du sonnet est capricieux : Rimbaud s’ingénie à briser la régularité de l’alexandrin, évitant de placer la coupe
principale à l’hémistiche dans plusieurs vers comme le veut pourtant la tradition (cf. v. 1, 3, 4, 7, 12 et 13).
X Le champ lexical du voyage est très présent dans ce sonnet. On relève la répétition du verbe aller (v. 1 et 3 : noter la
valeur de l’imparfait qui exprime la durée). D’autres termes évoquent aussi le voyage et l’errance : « course » (v. 6),
« auberge » (v. 7), « au bord des routes » (v. 9), « souliers » (v. 14). Le poète est un voyageur prêt à conquérir le
monde (« le ciel », « Mes étoiles », « ombres fantastiques »).
at « Ma Bohême » est une fantaisie d’abord par son thème : l’errance insouciante et inspirée d’un jeune poète, la
métamorphose « fantastique » (v. 12) que son imagination impose au paysage.
Rimbaud refuse les contraintes poétiques traditionnelles :
– Il s’amuse avec des rimes insolites et des jeux phonétiques : par exemple, dans la rime « fantastique »/« élastique »
ou dans la multiplication des rimes en [ou] (« trou »/« frou-frou », « course »/« ourse », « gouttes »/« routes ») ; le
froissement soyeux des étoiles est rendu par le triple [ou] de « doux frou-frou » ; et que dire du pluriel « des lyres »
(délires) ?
– Il mélange les niveaux de langue : familier (« culotte », « élastique », « paletot »…) et soutenu (« féal », « amours
splendides », « Muse », « lyre »…).
– Il crée des images insolites : pour les images hardies qui associent des registres différents (comparaison des
« élastiques » avec des « lyres ») ou le concret à l’abstrait (« égrenait / Des rimes », « paletot idéal »).
ak Suggestion pour l’organisation du commentaire :
Problématique : « En quoi ce texte est-il un autoportrait d’un jeune poète révolté, en quête de sa muse poétique ? »
I. Le portrait d’un poète jeune et révolté
A. Un sonnet qui exalte l’énergie de la jeunesse (questions 5 et 6)
Réponses aux questions – 8
U n v o y a g e p o é t i q u e
( p p . 1 1 0 - 1 1 1 , v . 1 à 3 6 )
L’IVRESSE DU VOYAGE
u Le poème commence par une libération, car les « haleurs » sont des marins qui guident et donc entravent le bateau
à l’aide de cordages, comme le suggère Rimbaud au vers 2. Or ces marins ont été faits prisonniers (v. 3-4). Par
conséquent, le bateau n’est plus entravé, il est libre de ses mouvements.
v Le champ lexical du voyage est très présent dans cet extrait du poème : « Fleuves », « équipages », « marées »,
« Péninsules », « la Mer », « les cieux »… On relève aussi de nombreux verbes de mouvement : « je descendais » ;
« guidé » ; « descendre » ; « Je courus » ; « j’ai dansé » ; « Me lava, dispersant » ; « je me suis baigné ». Tous ces
termes insufflent un climat de joie et de liberté.
w Le locuteur semble ravi d’être libéré de ses entraves et impatient (« Je courus ») à l’idée de découvrir le monde.
Cette course souligne l’ivresse de joie du bateau qui se présente comme « insoucieux de tous les équipages », donc
délivré de ses problèmes. Cette insouciance et ce sentiment de liberté sont très marqués au vers 14 : « Plus léger qu’un
bouchon, j’ai dansé sur les flots ».
mots rares ou des néologismes tels que « bleuités » (v. 25). Le monde auquel le bateau accède est tellement inédit qu’il
en devient indicible et ne peut être dépeint qu’avec des comparaisons. C’est ainsi que les « rousseurs amères de
l’amour » ne sont pas décrites ; nous apprenons juste qu’elles sont « Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos
lyres » (v. 27). Ce langage et ces images inédits ouvrent un univers poétique nouveau, très moderne, parfois obscur,
mais résolument poétique par ses rythmes et ses sonorités.
X À partir du vers 21, le poème s’attarde sur les visions du navire. Le bateau accède à un monde composé d’éléments
naturels exceptionnels par leur esthétique et leurs « couleurs ». Le terme « couleurs » est déjà présent au vers 1. On
observe « l’eau verte » et les « azurs verts », mais aussi les « taches de vins bleus », le « Poème / De la mer […]
lactescent », « les rousseurs amères », les « figements violets »… L’expérience poétique se déroule en une succession
de visions hallucinatoires : « les flots » (v. 14) ; « les cieux crevant en éclairs, et les trombes » (v. 29) ; « le soleil bas,
taché d’horreurs mystiques » (v. 33). Ces visions s’enchaînent rapidement, comme en témoigne l’usage répété de la
conjonction « et » (v. 19, 21, 24, 26, 29, 30 et 32). Le poète insiste sur la puissance de ces visions avec l’anaphore « j’ai
vu » aux vers 32 et 33. Ces visions se transforment en connaissance avec la présence du « je sais » au vers 29.
at Suggestion pour l’organisation du commentaire :
Problématique : « En quoi le voyage apporte-t-il au poète une connaissance d’un ordre supérieur ? »
I. Une aventure exaltante et dangereuse
A. Le récit d’un voyage extraordinaire (questions 2 et 5)
B. L’euphorie du départ (questions 1 et 3)
C. Un océan dangereux (question 4)
II. Le voyage comme métaphore de l’aventure poétique
A. Une expérience initiatique (question 6)
B. L’ambiguïté du « je » (question 7)
C. Le renouveau de la langue et des images poétiques (questions 8 et 9)
U n e a u t o b i o g r a p h i e i n t e l l e c t u e l l e
( p . 1 4 0 , l . 1 à 2 0 )
U Rimbaud n’a pas honte d’avouer sa préférence pour la culture populaire, voire la culture de masse. Il préfère « les
peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature
démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de
l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rhythmes naïfs ». Il confesse aussi son absence d’intérêt pour « les célébrités de
la peinture et de la poésie modernes ». Disant cela, il insiste sur sa singularité et sa différence. On peut également
interpréter cette « profession de foi » comme une provocation, le petit génie de la poésie française reniant toute culture
classique. Ceci est une posture de la part de Rimbaud qui avait lu ses classiques et fait ses humanités.
V Rimbaud aborde, ici, l’expérience du voyant déjà évoquée dans les deux lettres dites « du voyant ». Il rappelle la
théorie des correspondances baudelairiennes mises en œuvre dans le poème « Voyelles » : « J’inventai la couleur des
voyelles ! – A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. »
Il rappelle aussi son rêve d’un langage poétique neuf : « Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et,
avec des rhythmes instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible. » Ce langage poétique ne serait plus
seulement une représentation du réel mais une vérité brute, « instinctive » comme les rythmes qu’il évoque, capable
d’exprimer la quintessence de l’être dans sa globalité en mêlant sensations réelles et sensations rêvées.
Il s’agit d’une expérimentation poétique mais aussi d’une folie, car Rimbaud mentionnait, dans ses lettres, la nécessité
du « dérèglement de tous les sens » pour devenir voyant.
La suite d’« Alchimie du verbe » (non reproduite dans notre ouvrage) présente cette expérience de la voyance comme
caduque et en souligne, la percevant comme une descente aux enfers : « la vieillerie poétique avait une bonne part
dans mon alchimie du verbe. Je m’habituai à l’hallucination simple ».
W Sur la sculpture, Rimbaud tient négligemment la lettre A dans sa main et d’autres voyelles s’égrènent. Le fait qu’il ne
cherche pas à retenir ces lettres rejoint le sens de ce poème qui, dans un récit rétrospectif qui s’apparente à une
autocritique, dégage les limites de l’expérience du voyant pour, finalement, se contenter de « saluer la beauté »
(derniers mots du poème « Alchimie du verbe »).
X Suggestion pour l’organisation du commentaire :
Problématique : « En quoi cet extrait constitue-t-il le début d’une autobiographie intellectuelle ? »
I. Un poème autobiographique
A. Une confession poétique (questions 1 et 2)
B. Un univers étrange et fascinant (question 4)
C. Le récit d’une trajectoire intellectuelle et artistique (question 3)
II. Un manifeste poétique
A. L’affirmation radicale de goûts peu orthodoxes (question 6)
B. Le retour sur les expériences poétiques passées (question 7)
C. Les fonctions du langage poétique (questions 5 et 8)
L e r é c i t d ’ u n e i l l u m i n a t i o n
( p . 1 6 6 , l . 1 à 1 7 )
(sens étymologique du verbe dénoncer). « L’aube et l’enfant tomb[ent] » (l. 16) ensemble comme deux personnes
enlacées.
L’eau aussi est personnifiée par l’adjectif « morte » (l. 2), ainsi que les « pierreries » dotées de la vue (l. 4). D’autres
éléments de la nature le sont également, notamment parce que le poète leur confère le don de parler : c’est « la fleur
qui [lui] dit son nom » (l. 7) et le « coq » à qui il a « dénonc[é] » (l. 11) la déesse.
Ce poème met également en scène une expérience poétique selon un schéma onirique (de rêve). Il s’agit bien d’une
illumination, car le poète et le lecteur s’ouvrent à un univers esthétique fait de visions et d’images qui mêlent rêve et
réalité, un univers de visions lumineuses. L’aube comme la poésie ne se laissent pas attraper : elles échappent
indéfiniment et transforment le poète en « mendiant » (v. 13) ; elles l’invitent à une course permanente, car le langage
et les images poétiques se dérobent.
am Suggestion pour l’organisation du commentaire :
Problématique : « En quoi ce poème est-il le récit d’une illumination ? »
I. L’aube comme illumination du jour
A. Un moment de transition entre nuit et jour (questions 1 et 3)
B. Un symbole de renouveau (question 2)
C. La fugacité de l’instant : illumination (questions 4 et 5)
II. Le récit d’une illumination poétique
A. La personnification de l’aube (question 6)
B. Une expérience poétique (questions 7 à 9)
C. L’accession au monde merveilleux de la poésie et du langage (questions 10 à 12)
Poésies d’Arthur Rimbaud – 13
SUJETS D’ÉCRIT
S u j e t 1
( p p . 2 2 0 à 2 2 4 )
◆ Question préliminaire
Remarques liminaires : la question comporte une sous-question qui sert à la préciser mais qui, à cause justement de
cette précision, peut nuire à l’esprit de synthèse propre à l’exercice. En outre, chaque auteur évoque des expériences
différentes. Le risque, pour le candidat, est de traiter les textes séparément sans les confronter.
Arthur Rimbaud, Blaise Cendrars et René Char sont trois poètes français qui écrivent respectivement entre 1870 et
1950. Ces 3 textes ont pour thèmes communs l’adolescence et les émotions exacerbées qui accompagnent les
premières expériences de liberté et d’autonomie. Les 3 poèmes évoquent des expériences adolescentes diverses,
allant de l’expérience de la liberté heureuse et insouciante chez Rimbaud à la douloureuse expérience de la
maltraitance physique chez René Char.
Arthur Rimbaud et Blaise Cendrars mettent en évidence le thème du voyage ou de l’errance, que celle-ci soit proche
géographiquement pour Rimbaud (« sous les tilleuls verts de la promenade ») ou très éloignée pour Cendrars (« à
16 000 lieues du lieu de ma naissance », « à Moscou »). Cette appréhension du monde « en solitaire », en tout cas en
tant qu’individu sans la présence étouffante de la famille, est vécue par Rimbaud sous le signe de la joie, celui de l’éveil
à de multiples sensations (l’odeur des tilleuls, la douceur de l’air…) et permet la découverte de l’amour (« Vous êtes
amoureux »). Cette thématique de l’errance ou du voyage prend un aspect plus sérieux chez Cendrars, qui lui accorde
le pouvoir de comprendre le monde. Pour Rimbaud et Cendrars, les voyages contribuent à forger la jeunesse.
Le champ lexical de la violence est très présent dans les 3 textes, qui racontent des expériences paroxystiques et
extrêmes propres à l’adolescence : Rimbaud découvre la sensualité et le désir (« on sent aux lèvres un baiser qui
palpite »), ainsi que la liberté et le plaisir de l’errance (« Le cœur fou Robinsonne ») ; Blaise Cendrars, lui, expérimente
la révolte adolescente lors de ses voyages, révolte qui le pousse à un désir de destruction et d’anéantissement (« et
tous les vers / J’aurais voulu les boire et les casser » ; « et j’aurais voulu broyer tous les os / Et arracher toutes les
langues »). Dans le poème de René Char, le jeune poète n’éprouve pas le désir de violence mais subit cette dernière.
Le texte raconte un déferlement de violence et « d’iniquité » envers un adolescent (est-ce lui plus jeune ?) « souffleté »
et roué de « coups ». Cette découverte de la brutalité et de l’injustice permet, paradoxalement, au jeune homme du
poème de mûrir, de se préparer « au moment où […] il se tiendrait droit et attentif parmi les hommes, à la fois plus
vulnérable et plus fort ».
Ces expériences ont en commun leur valeur d’événement fondateur, de passage initiatique à l’âge adulte, et leur
intensité ; elles ont marqué les poètes et sont à l’origine de l’écriture.
◆ Commentaire
Introduction
e
Rimbaud est un poète majeur de la fin du XIX siècle qui a marqué son époque et la postérité par le génie et la brièveté
de son œuvre. C’est un poète enfant qui a cessé d’écrire à l’âge de 20 ans. Le poème « Roman » est issu des Cahiers
de Douai. Arthur Rimbaud brosse, dans ce recueil, le portrait d’un adolescent de 17 ans à la découverte du monde et du
désir amoureux. Dans le poème étudié, les sentiments de joie, de liberté et d’insouciance dominent. Dans quelle
mesure l’aventure amoureuse racontée est-elle liée à l’évocation des sensations du poète ? Nous analyserons d’abord
l’importance des sensations dans ce poème, puis les caractéristiques des premiers émois amoureux.
Conclusion
En écrivant « Roman », Rimbaud renouvelle le topos de la rencontre amoureuse et joue d’une double énonciation pour
décrire à la fois les émois sincères mais fugaces d’un adolescent, aussi prompt à tomber amoureux qu’à oublier l’objet
de son émoi, et la distance ironique d’un adulte qui observe et dépeint ces « romances » avec une bienveillance un peu
amusée.
◆ Dissertation
Introduction
La poésie lyrique, en particulier sous l’impulsion d’Orphée, consiste à exprimer les sentiments du « je » poétique. Les
poèmes lyriques se portent aussi bien sur les joies que les peines du poète et évoquent de vastes sujets comme
l’amour, la mort, le deuil impossible.
Toutefois, la poésie ne consiste-t-elle qu’à écrire sur soi ? Nous analyserons d’abord que la poésie s’attache souvent
aux sentiments du « je » poétique, puis nous verrons que c’est bien à travers l’expression de sentiments intimes que se
dessine un lyrisme universel. Enfin, nous montrerons que la poésie ne se limite pas à l’expression de sentiments.
Poésies d’Arthur Rimbaud – 15
2. L’universalité du lyrisme
A. Dimension universelle des sentiments et des expériences
Victor Hugo, préface des Contemplations : « Ah ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le
sentez-vous pas ? Ah ! Insensé qui croit que je ne suis pas toi ! »
B. Possibilité de s’identifier
• Dans le sonnet « À une passante », Charles Baudelaire raconte une rencontre bouleversante avec une inconnue.
• Dans « L’Adolescent souffleté », René Char évoque la maltraitance entre jeunes, malheureusement universelle et
intemporelle.
C. Les poèmes s’adressent à autrui et « parlent » d’autrui
Sonnets pour Hélène de Ronsard où il imagine le dépit et les regrets de la belle Hélène dans quelques décennies.
Conclusion
La poésie, si elle tend à exprimer les sentiments du poète, est aussi et avant tout un moyen de rendre universels les
sentiments les plus intimes ; elle permet à la fois l’épanchement du locuteur et l’identification du lecteur. Certains poètes
refusent cette fonction de la poésie et préfèrent les jeux poétiques. La poésie n’est-elle pas, en premier lieu, pour tout
écrivain, une autre manière de signifier le monde ?
◆ Sujet d’invention
2 textes de natures très différentes sont attendus : un texte poétique, qui laisse une certaine liberté formelle, et un texte
argumentatif plus académique, avec des arguments et des connecteurs logiques.
Pour le premier d’entre eux, il faut veiller à ne pas trop s’inspirer des poèmes du corpus mais bien à raconter une
expérience caractéristique de l’adolescence sous une forme poétique (vers, vers libres, poème en prose). On attend un
effort sur les rythmes, les sonorités, les images poétiques (figures de style) et – pourquoi pas ? – sur la mise en pages.
Le second texte doit justifier le premier tant sur la forme que sur le fond. On attend une argumentation rigoureuse avec
des paragraphes, des connecteurs logiques, des arguments et des exemples.
Sujets d’écrit – 16
S u j e t 2
( p p . 2 2 5 à 2 3 0 )
◆ Question préliminaire
e e
Remarques liminaires : le corpus comporte 4 textes poétiques, du XVI siècle à la fin du XIX . Du Bellay critique
l’hypocrisie et la lâcheté des courtisans ; un siècle plus tard, La Fontaine dénonce les abus du pouvoir en place ;
Verlaine s’essaie, quant à lui, à l’éloge paradoxal ; et Rimbaud dresse un portrait féroce des bêtises bourgeoises.
En quoi ces textes relèvent-ils de la poésie satirique ? Nous étudierons d’abord en détail les cibles de leur critique et ce
que les auteurs leur reprochent, puis nous analyserons par quels procédés la satire s’exprime ici.
e e
Du Bellay et La Fontaine, qui écrivent respectivement au XVI et au XVII siècle, visent les « grands » de ce monde, ceux
qui ont le pouvoir ou qui gravitent autour. La fable de La Fontaine, à travers la figure du Lion brutal et autoritaire,
dénonce l’absolutisme royal de Louis XIV. Le Lion, « Seigneur du voisinage » (v. 2), est présenté comme un souverain
inique et cruel qui règne par la terreur (v. 18 : « je l’étranglerai tout d’abord »). Déjà au siècle précédent, la crainte de
déplaire au souverain – et donc de s’attirer des ennuis – était mise en évidence dans le sonnet de Du Bellay qui
présentait des courtisans serviles et flatteurs (v. 2 : « Ces vieux singes de cour »), vidés de leur substance dans
l’unique dessein de s’attirer les faveurs du monarque. Chez Du Bellay, ils se montrent capables des pires bassesses,
jusqu’au déni de la réalité (v. 8 : « la lune en plein midi, à minuit le soleil »), et imitent mécaniquement les attitudes des
gouvernants (v. 3 : « Sinon en leur marcher les princes contrefaire »).
Verlaine et Rimbaud, contemporains et intimes, préfèrent diriger leur plume acérée vers les bourgeois « poussifs »
(v. 3) et les gens du peuple (v. 11 : « Les croque-morts au nez rougis par les pourboires »). Ils dressent une galerie de
portraits satiriques qui rassemble des « héritiers resplendissants », des « épiciers », des « notaires pendus à leurs
breloques », des « bureaux bouffis »… La critique est souvent virulente et s’exprime à l’aide de traits cinglants
(cf. « officieux cornacs » dans le poème de Rimbaud pour désigner les épouses obèses par la métaphore de
l’éléphant). Rimbaud insiste sur le physique et les allures ridicules et grotesques des personnages qu’il croise tout au
long de son poème/promenade, mais il critique également le caractère grotesque et vide des bourgeois aussi arrogants
qu’inintéressants (v. 16 : « En somme »). Cette ironie grinçante pour souligner la vacuité des discours bourgeois était
déjà présente dans le poème de Verlaine avec « les beaux discours concis » du vers 12.
Maintenant que les cibles de la satire et les reproches des auteurs sont bien identifiés, observons attentivement les
procédés d’écriture qui rendent leur plume si vive et leur critique si pertinente et si cruelle à la fois.
Du Bellay, La Fontaine et même Rimbaud utilisent la déshumanisation et l’animalisation pour mieux rabaisser leurs
cibles. Chez Du Bellay, les courtisans sont comparés à des « singes » ; il file la métaphore en insistant sur l’attitude
mimétique et insensée de ces courtisans. La Fontaine se sert des animaux pour éviter la censure, mais les rôles sont
clairs : le Lion représente le roi, et les autres animaux, ses sujets. Il peut ainsi dénoncer la spoliation des biens du
peuple par le pouvoir et la menace continue envers ceux qui tenteraient de se rebeller. Rimbaud, comme nous l’avons
déjà mentionné, insiste sur l’obésité des bourgeois avec la référence aux éléphants.
Les quatre auteurs ont aussi recours aux figures de style, notamment celles d’insistance et d’opposition, pour nourrir
leur satire. Ils recourent à des hyperboles pour qualifier les cibles qu’ils y exposent, tel Du Bellay qui déclare que les
courtisans ne savent « rien faire » (v. 2), hormis flatter et plaire, comme en témoigne l’anaphore en « si » (v. 5, 6, 9 et
11). Verlaine use aussi de l’anaphore (v. 10, 12 et 13 : « et puis ») pour créer un effet de gradation burlesque jusqu’aux
« héritiers resplendissants » (v. 14) que la cupidité fait rayonner. Les poètes du corpus utilisent également des figures
d’opposition pour souligner le comportement peu adapté de ceux qu’ils caricaturent. Ainsi, Du Bellay emploie un
chiasme au vers 8 et une antithèse au vers 10 pour souligner le mensonge et la duplicité des courtisans. La
monopolisation de la parole au style direct par le Lion de la fable révèle son arrogance et le peu de cas qu’il fait de son
peuple.
Grâce à leur ironie et à la virulence de leurs critiques qui cherchent à ridiculiser leurs cibles, les 4 textes présentés
relèvent alors de la satire et démontrent que la poésie est un art susceptible de dénoncer les travers de la société.
◆ Commentaire
Introduction
e
Verlaine est un écrivain de la seconde moitié du XIX siècle plus connu pour ses poèmes mélancoliques et son
obsession de la musicalité que pour sa verve satirique. Toutefois, le sonnet de « L’Enterrement » constitue une
exception réussie, prouvant que le « poète saturnien » est aussi capable d’exceller dans la poésie satirique. En effet,
dans cette œuvre, Verlaine dépeint un enterrement à la fois pittoresque, réaliste, paradoxal et grinçant pour dénoncer
Poésies d’Arthur Rimbaud – 17
les travers des bourgeois et faire rire son lecteur. En quoi le récit décalé de cette scène permet-il à la satire de
s’exercer ? Nous montrerons d’abord que ce sonnet fait la description atypique d’un enterrement, puis nous montrerons
qu’il constitue une scène satirique à part entière.
Conclusion
Dans ce poème en apparence léger et joyeux, Verlaine s’essaie à un éloge paradoxal. Au-delà de la provocation et
sous la satire pointent les véritables sentiments de l’auteur, à la fois choqué et en colère contre l’hypocrisie et la cupidité
de ses contemporains, mais aussi angoissé par la mort, révélant ainsi sa sensibilité de poète face aux grands thèmes
existentiels. Ces mêmes thématiques étaient déjà présentes chez Balzac, notamment dans son roman Le Père Goriot
(1835) qui se clôt sur l’enterrement du personnage éponyme dans la solitude et l’indifférence les plus extrêmes puisque
même les filles du défunt n’ont pas daigné s’y montrer.
◆ Dissertation
Introduction
La poésie, du grec poien qui signifie « faire, créer », permet donc étymologiquement de produire un discours différent
sur le monde et/ou le langage. Certains auteurs considèrent qu’elle est une arme unique et exceptionnelle pour critiquer
la société et ses travers. Pour autant, la poésie, si elle peut s’avérer un outil efficace de contestation sociale, n’a-t-elle
pas d’autres visées plus spécifiques ? Nous verrons, dans un premier temps, dans quelle mesure la poésie peut
constituer une arme redoutablement efficace pour critiquer la société, puis nous montrerons que, si la poésie engagée
existe, elle ne constitue toutefois qu’une part infime des rôles que peut endosser le langage poétique.
Conclusion
Si, depuis toujours, les poètes utilisent leur art pour dénoncer les situations qui les révoltent ou pour s’engager
politiquement ou socialement, la critique n’est cependant pas la fonction première de la poésie qui est aussi et d’abord
un art du langage et un moyen, pour un poète, d’exprimer ses sentiments et sa vision du monde.
D’autres genres comme le théâtre social, le roman, le conte philosophique et l’apologue sont plus à même de critiquer
la société.
◆ Sujet d’invention
Il s’agit d’écrire un dialogue argumentatif entre deux critiques littéraires. Le dialogue doit clairement présenter une
divergence de point de vue et d’opinion. L’un des protagonistes doit soutenir que la fonction première de la poésie est
son utilité sociale, alors que son contradicteur doit prouver que la poésie possède de nombreuses autres fonctions.
On attend une certaine cohérence dans les propos et les postures des deux interlocuteurs. Celui qui défend l’utilité de la
poésie doit se caractériser par son engagement social et politique, un certain dogmatisme dans les propos et un
manque de souplesse dans le dialogue (donc des verbes de parole assertifs et catégoriques : affirmer, trancher,
couper, asséner…). L’autre interlocuteur doit être plus conciliant dans son ton et ses propos et chercher un consensus
par des arguments logiques.
Corpus supplémentaire – 20
CORPUS SUPPLÉMENTAIRE
CORPUS
Texte A : Aloysius Bertrand, « La Ronde sous la cloche » (Gaspard de la Nuit)
Texte B : Arthur Rimbaud, « Les Ponts » (Illuminations)
Texte C : Arthur Rimbaud, « Aube » (Illuminations)
1. Saint-Jean : nom de la cathédrale de Dijon. Par ailleurs, saint Jean est l’auteur de L’Apocalypse, dernier livre de la Bible, qui décrit la
fin du monde. 2. processionnellement : à la façon d’un cortège. 3. chanterelle : corde la plus fine et la plus aiguë d’un instrument à
cordes et à manche.
1
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route du bois.
J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
2
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
3
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Poésies d’Arthur Rimbaud – 21
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq. À la
grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la
chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son
immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
1. au front : au fronton, sur la façade. 2. La première entreprise : la première à qui je m’adressai. 3. wasserfall : chute d’eau (en
allemand).
I. Après avoir lu tous les textes du corpus, vous répondrez à la question suivante (4 points) :
Comment justifiez-vous que ces textes appartiennent à la poésie ? Montrez qu’ils sont tous construits selon une
progression comparable.
II. Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants (16 points) :
Commentaire
Vous commenterez le texte « Aube » d’Arthur Rimbaud (texte C).
Dissertation
Dans « Les Ponts » (texte B), Arthur Rimbaud met un terme à sa vision par cette phrase : « – Un rayon blanc, tombant
du haut du ciel, anéantit cette comédie. »
En vous appuyant sur les textes du corpus et les poèmes que vous avez lus ou étudiés en classe, vous vous
demanderez si la poésie nous éloigne du réel ou nous fait mieux percevoir la réalité.
Sujet d’invention
Vous avez composé un recueil de poèmes, en prose ou en vers, faisant une large part au rêve et à l’imaginaire, à la
manière d’Aloysius Bertrand. Vous écrivez à un éditeur pour le convaincre de publier cet ouvrage et défendre votre
démarche poétique.
◆ Question préliminaire
e
Le corpus se compose de 3 poèmes en prose écrits par deux auteurs du XIX siècle : le premier, « La Ronde sous la
cloche », est un poème d’Aloysius Bertrand qui raconte une scène apocalyptique de déluge où se mêlent fantasme et
réalité. Les 2 courts poèmes en prose d’Arthur Rimbaud appartiennent au recueil Illuminations : « Les Ponts » décrit un
paysage urbain hallucinatoire et dynamique où les ponts semblent doués de vie et « Aube » narre la course effrénée du
« je » poétique après l’aube personnifiée. Malgré une absence de rimes et de vers, ces 3 extraits appartiennent bien au
genre poétique. D’abord, nous étudierons la structure de ces textes, puis nous analyserons en quoi le travail sur le
langage « poétise » ces extraits et, enfin, nous verrons comment la transfiguration du réel, propre au genre poétique,
est à l’œuvre dans chaque texte.
Si les textes du corpus n’apparaissent pas sous la forme de poèmes traditionnels, avec des rimes, des vers et des
retours à la ligne, il faut noter que la présentation en paragraphes plus ou moins morcelés n’appartient pas à la prose
ordinaire. Le texte A présente de nombreux paragraphes plutôt équilibrés. Chez Rimbaud, l’usage du paragraphe n’est
pas figé : dans « Les Ponts », le poète choisit le bloc unique, invitant ainsi à lire le poème d’une traite, alors que le
poème « Aube » multiplie les paragraphes et les blancs de séparation. La structure originale du poème en prose prend
son sens grâce à la liberté formelle du paragraphe et à sa disposition, en elle-même déjà matériau poétique.
Ce qui rend ces extraits poétiques, c’est aussi le travail sur la langue. Les deux auteurs font la part belle aux figures de
style et aux effets de sonorité qui contribuent au caractère poétique de leurs œuvres : c’est le cas de la personnification
de la lune dans le texte A, comme celle de l’aube dans le texte C. Le langage est, ici, particulièrement soigné, comme
en témoigne l’antéposition de l’adjectif dans le texte A (« gothique église ») ou dans le texte C (« de frais et blêmes
éclats »). On observe aussi des comparaisons (texte A : « brûler comme une torche dans le noir clocher » ; texte B :
« comme un bras de mer »).
Enfin, l’ensemble du corpus présente des univers imaginaires (presque) autonomes grâce à la transfiguration du réel
qu’ils opèrent (la cathédrale de Dijon pour Aloysius Bertrand, les ponts pour Rimbaud). Chaque poème procède, peu ou
prou, de la même façon avec une description initiale ou un ensemble d’éléments descriptifs, qui précède cette
Corpus supplémentaire – 22
transfiguration. Le lexique des sensations et des perceptions présent dans le corpus crée la transformation et indique le
passage à l’état de rêve. Les poèmes s’achèvent brusquement, avec un retour au réel dans tous les cas.
Bien que l’ensemble du corpus soit surprenant au premier abord, tous les textes appartiennent bien au genre poétique,
tant par leur forme que par leur travail sur la langue ou la création d’un univers singulier.
◆ Commentaire
Voir le corrigé du poème (plan du commentaire suggéré dans la question 13).
◆ Dissertation
Introduction
La poésie est un genre ancien et complexe, comprenant de multiples formes dont les plus connues, telles que le sonnet
ou l’ode, sont étroitement liées au lyrisme, c’est-à-dire à l’expression de sentiments personnels. Ainsi, on associe
souvent la poésie à l’épanchement et à la confession, l’éloignant de la réalité pour la concevoir comme la construction
de l’univers intime du poète. Toutefois, la poésie peut aussi devenir discours sur le réel, la transfiguration poétique
jouant le rôle de révélateur, au sens chimique du terme, de ce réel.
La poésie nous éloigne-t-elle de la réalité ou nous permet-elle de mieux la percevoir, la comprendre, l’appréhender ?
Nous montrerons que, si la poésie semble nous éloigner du réel par la transfiguration qu’elle opère sur lui, elle permet
surtout la création de nouvelles visions et, en cela, nous rapproche de la réalité par l’attention qu’elle lui accorde et le
regard neuf qu’elle nous invite à poser sur elle.
Conclusion
La poésie est, avant tout, un changement de perspective. Grâce à la musicalité, aux figures de rhétorique, elle crée une
autre réalité ou nous permet d’appréhender autrement ce que nous connaissons. La relation de la poésie au réel n’est
pas aussi binaire que le sujet le laissait entendre, puisque ce ne sont pas forcément deux entités distinctes. La poésie
est une forme de réel qui s’attache à rendre immortelle « la petite seconde d’éternité » (Jacques Prévert, « Le Jardin »,
Paroles, 1946) de réel que le poète veut exprimer.
Poésies d’Arthur Rimbaud – 23
◆ Sujet d’invention
La forme générale de cette production écrite devra garder les codes de la lettre officielle. Le vouvoiement sera de
rigueur.
Pour ce sujet d’invention, il faut absolument utiliser toutes les ressources de l’argumentation (convaincre et persuader).
Il est donc indispensable d’employer des connecteurs logiques et des arguments pour convaincre l’éditeur de vous
publier. Il faut également utiliser des arguments d’autorité et se placer dans la lignée d’Aloysius Bertrand en prouvant à
l’éditeur en quoi vous en êtes l’héritier ou l’héritière (thèmes, figures de style, construction du poème, etc.). Il faut aussi
user de persuasion grâce aux figures de style et à la ponctuation expressive destinées à toucher votre correspondant.
Il faudra justifier le choix des poèmes en prose ou en vers à l’aide d’arguments solides. Vous devrez justifier le choix de
la prose par un désir de renouvellement poétique, une aspiration à une liberté formelle absolue, mais aussi l’intention de
toucher un public plus large qui, ainsi, ne sera pas rebuté par l’artifice de la rime et du vers. Inversement, vous
défendrez le choix du recueil en vers en vous plaçant dans la lignée d’une prestigieuse tradition littéraire versifiée, en
insistant sur la dimension esthétique (visuelle et sonore) du poème en vers, en montrant (par exemple) à quel point le
sonnet permet une exactitude absolue dans la description des sentiments du fait de sa concision…
Pistes pédagogiques – 24
PISTES PÉDAGOGIQUES
• Il serait intéressant de comparer le poème « Ophélie » de Rimbaud avec l’extrait de Hamlet (acte IV, fin de la scène 7,
disponible sur Internet dans sa traduction française) et le tableau d’Eugène Delacroix intitulé La Mort d’Ophélie (1844)
que l’on peut voir au Louvre ou sur Internet.
• Il est également possible de comparer les visions de l’amour dans un corpus de poèmes amoureux.
Texte A : Théophile Gautier, « À deux beaux yeux » (La Comédie de la mort, 1838)
Vous avez un regard singulier et charmant ;
Comme la lune au fond du lac qui la reflète,
Votre prunelle, où brille une humide paillette,
Au coin de vos doux yeux roule languissamment ;
Texte D : Robert Desnos, « Non, l’amour n’est pas mort » (Corps et Biens, Gallimard, 1930 – reproduit page 363
nde
du manuel L’Écume des lettres, classe de 2 , Hachette)
Poésies d’Arthur Rimbaud – 25
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
– René Étiemble, Le Mythe de Rimbaud : genèse du mythe (1869-1949), Gallimard, 1954.
– Marcelin Pleynet, Rimbaud en son temps, Gallimard, 2005.
– Collectif, Rimbaud ailleurs, Fayard, 2004.