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Bulletin de l'Association

Guillaume Budé : Lettres


d'humanité

La magie en Grèce
Christiane Dunant

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Dunant Christiane. La magie en Grèce. In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité, n°18, décembre
1959. pp. 477-482;

doi : https://doi.org/10.3406/bude.1959.4183

https://www.persee.fr/doc/bude_1247-6862_1959_num_18_4_4183

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La magie en Grèce l

On a souvent tendance à minimiser le rôle qu'a joué la magie


dans la Grèce antique, ou à l'attribuer surtout aux époques de
« décadence ». En fait, les témoignages littéraires aussi bien que
les découvertes archéologiques nous montrent qu'il n'en est
rien et qu'en pleine époque classique le phénomène magique
existait comme il a existé dans toutes les civilisations, en Egypte
par exemple, où la magie servait à toutes les nécessités de la vie.
C'est ainsi qu'un philosophe comme Platon, s'élevant contre les
pratiques de la sorcellerie, témoigna de la puissance que les
croyances populaires attribuaient aux magiciens et à leurs
sortilèges capables, pensait-on, de contraindre les divinités à
leur obéir.
Il peut paraître étrange d'envisager des rapports entre la magie
et la médecine ; or, si l'on se réfère à la conception qu'avaient les
anciens Grecs des maladies et de leur origine, le fait n'a rien de
surprenant. Il semble bien en effet que d'une façon générale les
Grecs aient attribué les maladies à des dieux ou à des démons
hostiles, ou bien à des forces mystérieuses, animés d'une volonté
de nuire ;;nx hommes ; c'est le rôle que jouent toutes ces divinités
sombres qui peuplent le panthéon grec, les Moires, Hécate,
Scylla, Lamia, Empousc et autres figures terrifiantes qui peuvent
infliger la maladie, la folie, toute;" sortes de maux à ceux qui
tombent en leur pouvoir. Et si ce sont des forces divines ou
démoniaques qui apportent aux hommes la souffrance et la
maladie, quel recours y aurait-il contre elles, sinon d'ordre
religieux ou magique ? Par la prière, l'invocation, le sacrifice, on
suppliera le dieu d'apaiser sa colère, de retirer son châtiment ;
parallèlement, par les incantations, les conjurations, les
exorcismes, on s'efforcera d'agir sur les puissances inconnues et
hostiles, sur le mal lui-même considéré comme une force
ennemie, et de les contraindre à abandonner le corps de leur
victime.
Mais deux problèmes se posent au départ : tout d'abord, à
quelle époque la médecine magique a-t-elîe pu apparaître ? Il
est très difficile de déterminer son origine et son ancienneté ;
cependant il est hors de doute que chez la plupart des peuples
qui nous ont laissé des documents d'ordre médical, la médecine
magique est la forme de médecine la plus attestée et la plus
i. Conférem-e faite par Mlu' Dcnant, professeur agrégé de lettres, à la Seetion
des jeunes de Mulhouse, décembre 1957.
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communément répandue : il en est ainsi chez les Egyptiens,


comme chez les Assyro-Babyloniens, ou les peuples de l'ancien
Iran. Il est infiniment probable que le même état de chose existait
en Grèce à date ancienne ; et si d'une façon générale la magie et
le merveilleux interviennent peu chez Homère, il faut tenir
compte du parti-pris de rationalisation de l'aède, et il n'y a pas
lieu de penser que la magie médicale soit apparue seulement aux
temps post-homériques. C'était au contraire un très vieil héritage
des temps préhelléniques, et d'ailleurs la Crète, qui a marqué
d'une empreinte spéciale la religiosité grecque, restait encore à
l'époque archaïque la patrie des exorcistes et des magiciens,
l'école des pratiques propitiatoires et mystiques.
L'autre problème, qui a reçu des réponses contradictoires, est
celui de la distinction entre l'acte religieux et l'acte magique.
Étant donné que la magie et la religion font souvent appel aux
mêmes procédés — les rites de purification par exemple —
qu'est-ce qui permet de les différencier ? On pourrait répondre
que l'esprit dans lequel ces rites sont exécutés n'est absolument
pas le même, et c'est là la différence essentielle. Si le magicien
s'adresse à des esprits, il les traite comme il traite des êtres
inanimés : il essaie de les contraindre et de les forcer, et non pas,
comme le ferait le prêtre, de se les concilier. La religion suppose
le monde gouverné par des êtres conscients dont, grâce à la
persuasion, on peut modifier les desseins, tandis que la magie part
de l'idée que le cours de la nature est déterminé par le jeu de
lois immuables, agissant de façon mécanique, et suppose que les
dieux et les hommes sont soumis à ces forces naturelles. L'acte
magique, qui se déduit de procédés élémentaires de
raisonnement, semble bien être antérieur à l'acte religieux :
L'homme a essayé de plier la nature à ses volontés par la simple
force de ses charmes et de ses enchantements, avant de tâcher de
flatter et d'apaiser la divinité par l'insinuation de la prière et du
scrifice (Frazer).
Quoi qu'il en soit, cette distinction est surtout théorique, et
dans les faits, en Grèce comme ailleurs, religion et magie sont
souvent restées plus ou moins confondues.
Mais si certains rites magiques évoquent parfois des rites
proprement religieux, les principales pratiques de la magie
médicale n'en sont pas moins très spéciales, et ce sont surtout la
prononciation de charmes et d'incantations, l'absorption de
potions ou de breuvages censés avoir une valeur magique. Ces
pratiques curatives comportent souvent l'intervention d'un
médium capable de commander aux esprits auteurs des maux ;
c'est le rôle du personnage appelé « chaman » chez certaines
peuplades de Sibérie et d'Amérique du Nord. L'existence de
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ces magiciens-exorcistes est bien attestée en Grèce, et en
particulier par un curieux document, le traité Sur la maladie
sacrée, d'autant plus intéressant qu'il émane d'un milieu
scientifique, celui de l'école d'Hippocrate. Il proteste contre le
traitement appliqué par les magiciens à l'épilepsie, exorcismes,
incantations, interdiction de porter des vêtements noirs, des
peaux de chèvre.... De même Plotin raconte des Gnostiques
qu'ils promettaient de guérir les malades par des charmes et
prétendaient contraindre les maladies à les quitter par la seule
puissance de la parole.
Or ces témoignages ne sont pas des faits isolés, mais
au contraire on les retrouve de façon presque constante dans
toute la littérature grecque. En ce qui concerne la magie médicale,
les exemples abondent ; toutefois le plus ancien semble être
celui que présente le chant XIX de l'Odyssée, où l'on voit
Ulysse, qui a été blessé par un sanglier au cours d'une chasse,
soigné par ses oncles à la fois par des moyens rationnels — sa
jambe est d'abord bandée — et par des moyens magiques : un
charme est prononcé sur sa blessure pour arrêter le sang — c'est
d'ailleurs un procédé bien connu et dont on retrouve la trace dans
la médecine pythagoricienne. Chez Eschyle, au contraire, qui
semble avoir été un esprit fort rationnel, il y a peu d'exemples de
magie médicale ; mais on rencontre souvent dans ses tragédies
ces étranges personnages que sont les guérisseurs-magiciens de
la légende. En revanche, Sophocle mentionne souvent le recours
aux incantations et autres pratiques magiques pour guérir
maladies et blessures, et évoque fréquemment des personnages
de magiciens, tel Tirésias, qui dans Œdipe Roi apparaît doué
d'une personnalité assez ambiguë ; de même dans les
Trachiniennes c'est un magicien qu'Héraklès victime d'un philtre
appelle à son secours ; mais comme son mal a été causé par la
magie, il est évident que la guérison ne peut être envisagée que
de façon magique. Chez Euripide encore, malgré son esprit
philosophique et sceptique, les charmes magiques jouent un
certain rôle ; ainsi dans Hippolyte le mal mystérieux dont Phèdre
est la proie est attribué par les servantes à une « possession »
divine, à la fureur de Pan, d'Hécate ou des Corybantes, et pour le
guérir on envisage l'emploi « des incantations et des mots qui
charment ». L'incantation apparaît comme le remède suprême,
le dernier recours des malades obsédés par la menace des démons
malfaisants, des magiciens et de leurs maléfices.
Mais en dehors de son rôle proprement médical, la magie,
chez Homère et les Tragiques, existe bien à l'état pur, si l'on
peut dire. Sans doute le merveilleux ne joue pas un grand rôle
dans Vlliade, car Homère néglige les superstitions populaires,
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mais il n'a pas été complètement éliminé, cl: certains thèmes
magiques font quelques apparitions : celui ou casque d'Hadès,
qui rend invisible quiconque Je revêt (cette coiilurc magique
jouait un rôle dans la légende merveilleuse de SVrsée), celui
de la ceinture d'Aphrodite « où résident tous les charmes », image
concrète du bien magique qui marque la prise de possession
d'un être. La croyance en la force, maléfique ou bénéfique, de
certains objets, se retrouve d'ailleurs chez Eschyle et chez
Euripide. Mais l'instrument véritable de la magie, le plus
puissant et le plus redouté, c'est le philtre, philtre de mort
ou d'amour, qui enchaîne infailliblement la victime du magicien.
Dans l'Odyssée il est fait plusieurs allusions à l'art des poisons :
c'est ainsi qu'on voit Ulysse en enduire la pointe de ses flèches
— comme le fait Héraklès, et les prétendants redouter que
Téiémaque ne leur administre un philtre empoisonné. D'ailleurs
le philtre n'apporte pas seulement la mort, mais aussi la folie et
les plus cruelles maladies comme dans les Trachiiiienii.es de
Sophocle, ou encore la stérilité, comme nous le voyons dans
Y Andromaque d'Euripide, où Hermione accuse Andromaque de
lui avoir administré un philtre de ce genre.
A deux reprises enfin, dans Y Odyssée et dans les Perses
d'Eschyle, se trouve mentionnée une pratique qui se rattache
étroitement à la magie : celle de l'évocation des morts. C'est une scène
très étrange que celle où l'on voit les vieillards perses chanter des
incantations destinées à faire apparaître l'ombre de Darios, leur
ancien roi. Mais cette croyance en l'évocation magique des âmes
grâce à la puissance de l'incantation était courante au Ve siècle,
et plusieurs tragédies mettaient en scène de belles apparitions.
On les trouve déjà évoquées en tout cas clans la fameuse
« Nekyia » de Y Odyssée, qui témoigne d'une connaissance
certaine des rites capables d'assurer l'évocation des trépassés.
Mais c'est surtout la littérature d'époque plus tardive qui fera une
large place à l'évocation magique des âmes.
Il est un domaine tout à fait à part, et qui mérite une étude
spéciale : c'est celui de la magie botanique. L'emploi des plantes,
ou des drogues tirées de plantes, paraît être l'une des parties
principales de l'ancienne magie. La terre d'origine de cette forme
de magie est peut-être la Crète, où les cultes agraires tenaient
une si grande place, et l'on peut voir dans les « scènes de
cueillette » minoennes des rites magiques annonçant les usages de
sorcellerie de Médée. Il s'agit en tout cas de croyances et de
pratiques extrêmement anciennes. D'après Homère, leur origine
serait égyptienne : c'est d'Egypte que vient le fameux népenthès
dont se sert Hélène pour endormir les chagrins de ses hôtes, et
qui ne serait autre que l'opium de Thèbes.
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Mais à côté de la croyance aux vertus médicinales et magiques


des plantes, il existe tout un art complexe de la récolte des
simples auquel il est fait de nombreuses allusions dans toute la
littérature grecque, depuis Y Hymne à Déméter jusqu'aux Idylles
de Théocrite, chez qui l'on voit une « vieille sorcière au crible »
ramassant des herbes dans la campagne. Mais le témoignage le
plus intéressant à ce sujet est celui d'une pièce de Sophocle, les
Herboristes, dont il ne reste que quelques fragments ; ils nous
montrent Médée en train de procéder à la cueillette des plantes
nécessaires à une opération magique, et cette récolte se fait de
façon rituelle. La Médée de Sophocle se sert d'une faucille
d'airain, pousse des cris rituels, invoque Hécate, détourne les
yeux de sa cueillette pour ne pas être atteinte des émanations des
sucs ; elle procède nue à cette opération, car la nudité garantit
un état de pureté parfaite et une sécurité beaucoup plus grande à
l'égard des forces naturelles. Enfin elle invoque le Soleil, car on
lui reconnaît la qualité de père des plantes, comme à la Terre celle
de mère.
Il faudrait encore évoquer les étranges et pittoresques figures
de magiciens — et surtout de magiciennes — qui nous
apparaissent à travers la littérature grecque : la « blonde Périmède »
d'Homère, magicienne versée dans la connaissance des plantes ;
Circé, déesse magicienne et prophétique par excellence, dont
les incantations et les philtres sont puissants et redoutables ; et
surtout Médée, la plus véritablement magicienne et sorcière.
Hécate, patronne de la magie, est son inspiratrice ; son art favori
est celui des poisons, mais elle sait se montrer aussi une
magicienne bienfaisante, et elle compose des philtres qui
remédient aux maladies et à la stérilité. Médée est une personnalité
multiple ; l'atmosphère de surnaturel et de merveilleux qui
l'entoure transparaît jusque dans la pièce d'Euripide, où son
apparition finale sur son char traîné par des dragons constitue
son dernier sortilège.
Mais il ne faudrait pas croire que tous ces thèmes de la magie
et de la sorcellerie ne sont que des inventions de littérateurs et de
poètes, car les témoignages archéologiques attestent la réalité de
telles pratiques : on a retrouvé en grand nombre à Athènes ces
tabellae defixionis dont parle Platon dans les Lois, ces tablettes de
plomb qui portaient des imprécations et qui étaient placées dans
les tombes pour vouer les morts aux dieux infernaux. Or bien
des noms qu'elles mentionnent sont ceux de personnages
historiques comme Démosthène, Lycurguc et d'autres orateurs et
politiciens. ! )e telles pratiques devaient être d'un usage courant,
même dans la meilleure société. Il faut donc bien établir que la
superstition, la croyance à la magie et à la sorcellerie étaient très
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communes, très répandues à l'apogée de l'époque classique. Cette


recrudescence de la magie est d'ailleurs en rapport avec le déclin
de l'ancienne religion :
Qu'un vide se crée dans le domaine religieux, et c'est l'occasion
propice de voir fleurir la superstition et la magie, de voir
s'introduire des dieux nouveaux (M. P. Nilsson).
Mlle DUNANT.

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