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Élisabeth Delahaye
Le Seuil | « Communications »
2010/1 n° 86 | pages 57 à 64
ISSN 0588-8018
ISBN 9782021022551
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-communications-2010-1-page-57.htm
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tout il aurait pu exister une série de cinq tapisseries consacrées aux cinq
sens, et une autre série dont il ne resterait qu’une seule pièce (la sixième).
Cette hypothèse s’appuie sur une description de George Sand 8 dans le
texte où elle décrit les tapisseries et mentionne huit pièces au total, l’une
d’entre elles étant intitulée « Le choix des bijoux ». Alain Erlande-
Brandenburg a fait remarquer que le geste de la dame est davantage celui
de remettre des bijoux dans un coffret où il y en a déjà tant d’autres, ce
qui est alors un geste de renoncement. Il s’appuie aussi sur l’inscription
« À mon seul désir », placée sur le pavillon devant lequel se déroule la
scène, qui peut se rapprocher d’une autre inscription : « Liberum arbi-
trium », figurant sur une tapisserie d’une autre série décrite au début du
XVIe siècle. Dans ce sens, on peut lire libre arbitre, choix délibéré et non
pas choix des bijoux ; mais indépendance par rapport aux cinq sens, et
donc une sorte de renoncement aux sens. C’est là que les autres interpréta-
tions trouvent aussi leur force, sans mettre de côté cette question de renon-
cement, mais en y voyant un sixième sens qui peut être celui du cœur,
cœur moral et spirituel ; et donc effectivement une progression conduisant
vers ce sixième sens qui « mène les autres », et qui élève encore davantage
l’âme vers ce monde de l’intellect ou du spirituel.
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la même chose : vous voyez ces dames et personnages avec ces coiffures de
fous qui emportent des plantes odoriférantes. Viennent enfin le goût avec
les tablées au centre de la nef, puis le toucher. Dans cette série, la progres-
sion va du plus spirituel au plus matériel, mais la logique reste la même
que celle des tapisseries de La Dame à la licorne. Il y a bien ici aussi six
illustrations. Ce ne sont pas six sens, mais cinq sens et un prologue. Cette
représentation des sens sous une forme allégorique existe tout au long du
Moyen Âge, mais, jusqu’à la fin du XVe siècle, les images que l’on en connaît
représentent chacun des sens par une figure masculine.
L’apparition de la figure féminine se fait aux alentours de 1500 dans
ces six gravures et dans les tapisseries de La Dame à la licorne. Il n’est pas
sûr que ce recours aux figures allégoriques soit très fréquent par la suite.
On assiste ici à une transition entre le Moyen Âge et la Renaissance, avec
un regain pour l’allégorie dans le domaine de la représentation des sens.
O. S. : Est-ce que cela veut dire qu’il y aurait une positivisation du corps
à ce moment-là par le biais du langage des sens, en passant des allégories
gravées aux tapisseries ?
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E. D. : Michel Serres 14, lorsqu’il commente ces tapisseries, parle lui aussi
d’un sixième sens nécessaire. La pensée contemporaine va donc également
dans cette direction-là.
NOTES
RÉSUMÉ
Au XVe siècle, l’œuvre de La Dame à la licorne met en scène six tapisseries proposant une
allégorie des sens. Outre le toucher, l’ouïe, l’odorat, le goût et la vue, la sixième tapisserie représente
le sens du cœur venant couronner les cinq autres. L’impact de cette hiérarchie sensorielle connaît
un regain d’intérêt aux XIXe et XXe siècles dans nombre d’œuvres littéraires, de G. Sand à R.M. Rilke,
et reste sujette aux interprétations des historiens.
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SUMMARY
At the end of the 15th century, the work of the Dame with Unicorn is composed by six
tapestries representing an allegory of the senses. In addition to sound, feeling, sight, taste, and
smell, the sixth tapestry represents the heart which crowns the other senses. The order of the
senses is rediscovered in 19th and 20th centuries by writers like G. Sand or R.M. Rilke, and
focalized the sensorial turn in historical debates.
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