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La promotion de la démocratie dans le monde arabe : le rôle de l’Union


européenne avant et après le Printemps arabe

Working Paper · September 2012

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1 author:

Ángeles Jiménez-García-Carriazo
IMO International Maritime Law Institute
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LA PROMOTION DE LA DÉMOCRATIE DANS LE
MONDE ARABE : LE RÔLE DE L’UNION EUROPÉENNE
AVANT ET APRÈS LE PRINTEMPS ARABE

Ángeles JIMÉNEZ GARCÍA-CARRIAZO


Master Complémentaire en Droit Européen
TRAVAIL DE FIN D'ETUDES
Tuteur académique : Madame Jihane SFEIR
TABLE DE MATIÈRES

Introduction Page 6

PARTIE I. LA POLITIQUE EUROPÉENNE EN MÉDITERRANÉE

Introduction Page 10

Chapitre A : La dimension institutionnelle euro-méditerranéenne : du Processus


de Barcelone à l’implémentation de la Politique européenne de voisinage

Section 1. L’espace méditerranéen, un ensemble de problèmes communs


auxquels l’Europe souhaite remédier Page 11

Section 2. Le Partenariat Euro-méditerranéen et l’Union pour la Méditerranée:


vers une intégration régionale Page 12

Section 3. La Politique Européenne de Voisinage : une zone de prospérité


partagée dans les frontières extérieures de l'UE Page 15

Section 4. Les différentes politiques européennes, sont-elles complémentaires ?


i Page 18

Chapitre B : Bilan des quinze premières années : vers un changement


démocratique ?

Section 1. Les difficultés de la mise en œuvre : la persistance du schéma


Nord/Sud Page 19

Section 2. L’incidence des politiques européennes sur la démocratisation i

i Page 22

Section 3. L’analyse du bilan Page 26

2
PARTIE II. LES ÉVÈNEMENTS DE 2011 : LE PRINTEMPS
ARABE

Introduction Page 29

Chapitre A : Bouleversements dans le Monde Arabe et le rôle européen dans la


région

Section 1. Le Printemps arabe « entre ombre et lumière » Page 30

Section 2. Les premiers éléments de réponse de l’UE Page 33

Section 3. La consolidation de la réforme arabe comme un objectif clé :


repenser les politiques européennes Page 35

Chapitre B : Les défis pour l’Europe

Section 1. La transition démocratique d’autres États comme modèle à suivre


pour le Monde Arabe Page 38

Section 2. L’accompagnement vers la démocratie dans le contexte actuel i

i Page 40
Section 3. Qu'est-ce que les Arabes attendent de l’Europe? Page 44

Conclusions Page 46

Annexes Page 49

Bibliographie Page 54

3
LISTE DE FIGURES

Figure 1 États membres du Partenariat Euro-méditerranéen 1995

Figure 2 États membres de l'Union pour la Méditerranée


Figure 3 États membres de la PEV

Figure 4 Sondage sur le respect des droits fondamentaux

LISTE DE TABLES

Table 1 PIB par habitant

Table 2 Indicateurs États arabes 2011

ANNEXES

I Plan d’action PEV

II Situation pré-Printemps arabe

III Situation post-Printemps arabe

4
LISTE D’ABRÉVIATIONS

AA Accords d’association

ALE Accords de libre-échange

BEI Banque européenne d’investissement

BERD Banque européenne pour la reconstruction et le développement

CEDAW Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard


des femmes

CEE Communauté économique européenne

États ACP États d’Afrique, Caraïbes et Pacifique

IEVP Instrument européen de voisinage et de partenariat

MEDA Mesures d'accompagnement financières et techniques

P BCN Processus de Barcelone

PEV Politique européenne de voisinage

PIB Produit intérieur brut

PNUD Programme des Nations Unies pour le développement

SEAE Service européen pour l’action extérieure

TUE Traité sur l’Union européenne

UpM Union pour la Méditerranée

UE Union européenne

URSS Union des Républiques Socialistes Soviétiques

5
INTRODUCTION

Les relations entre les deux rives de la Méditerranée sont généralement définies
comme étant « d'interdépendance asymétrique »1. L'interdépendance est marquée par la
proximité géographique et le parcours historique. L'asymétrie est une caractéristique
importante visible dans tous les domaines et confirmée par l'inégalité sur le terrain
économique, social, politique et sécuritaire. Cette réalité transforme la zone euro-
méditerranéenne en une mosaïque ethnique, religieuse et culturelle destinée à maintenir
et approfondir les relations de voisinage.
Au fils des années, des efforts internationaux sont déployés dans la création de forums
pour la promotion du développement social, politique et économique de la région. A
l’origine de l’Union européenne, on trouve des accords commerciaux qui
progressivement fondent la Politique méditerranéenne globale (1972-1992) ; cette
dernière, se distingue des accords antérieurs par une dimension politique régionale. La
Politique méditerranéenne rénovée (1992-1996) « réitère sa conviction que la proximité
géographique et l'intensité des rapports de toute nature font de la stabilité et de la
prospérité des pays tiers méditerranéens des éléments essentiels pour la Communauté
elle-même »2. Enfin, le Partenariat Euro-méditerranéen, connu sous le nom de Processus
de Barcelone, lancé le 27 et 28 novembre 1995 lors de la réunion à Barcelone des
Ministres des affaires étrangères des 15 pays de l'Union et ceux de 12 pays
méditerranéens (les pays du Maghreb et du Machrek ainsi que l’Israël, la Turquie,
Malte, Chypre et l'Autorité palestinienne) représente le troisième volet de la politique
euro-méditerranéenne.
Cette vision de coopération est renforcée à partir du I siècle grâce à la « Stratégie
commune de l'Union européenne pour la Méditerranée », adoptée par le Conseil
européen de Santa Maria da Feira (juin 2000). Elle subit des changements suite à
l’élargissement de l'UE. Les nouveaux instruments de réponse sont la Politique
européenne de voisinage (PEV), qui confirme la volonté de l'UE de développer une
nouvelle politique de voisinage avec ses voisins de l'Est et du Sud et l’Union pour la
Méditerranée (UpM). Initiative lancée par le président français Nicolas Sarkozy, l’UpM
a fait l'objet d'un compromis franco-allemand, et a été intégrée finalement au Processus
de Barcelone3.
En 2011 un vent de révolution a balayé le nord de l’Afrique. C’est le phénomène connu
sous le nom de « Printemps arabe » et qui vise un ensemble d’évènements populaires
d'ampleur variable ayant touché de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre
20104. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi un marchand ambulant de fruits se
voit confisquer sa marchandise et son chariot par les autorités tunisiennes car il ne
disposait pas d'autorisation officielle. Il tente de récupérer sa marchandise auprès de la
municipalité de Ben Arous qui refuse et le chasse. Seul revenu de la famille et
complètement désespéré Bouazizi tente de s'immoler par le feu devant la sous-

1
J. Núñez Villaverde ; Cuadernos de estrategia, Ministerio de Defensa, Janvier 2010.
2
J-P. Chagnollaud ; Le PEM, en l’Europe et la Méditerranée: stratégies politiques et culturelles (XIXè et
XXè sicèle), sous la direction de G. Meynier et M. Russo, Les Cahiers de Confluences, L’Harmattan,
Paris 1996
3
Elaboré sur base de la chronologie de La documentation française,
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europemediterranee/chronologie.shtml (consultée le
03/12/2011)
4
http://www.printempsarabe-2.0.sitew.com/ (consulté le 17/07/2012)

6
préfecture, à Sidi Bouzid. Gravement brûlé il décédera le 4 Janvier 2011 et sera le point
de départ d'une vague de révolutions sans précédent dans le monde arabe 5. Des jeunes
diplômés confrontés au chômage, connaisseurs du monde occidental, se sont mobilisés,
notamment en utilisant les réseaux sociaux pour exiger un changement dans le monde
arabe.
Les événements du Printemps arabe reflètent un point de non retour dans la
Méditerranée du Sud et offrent à la population de ces pays une occasion unique
d'exprimer plus librement leur désir de mettre en place une véritable démocratie, de
réclamer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'accroître
l'efficacité et l'équité des institutions publiques et de revendiquer une utilisation plus
équitables des ressources publiques.
Les révoltes dans le monde arabe ont surpris l’Union, en particulier l'Italie et la France,
qui avaient établi des relations commerciales et stratégiques avec les anciens leaders
autoritaires. La complicité des États membres avec les régimes autoritaires montre
l’erreur stratégique de l’Union européenne d’avoir opté pour une politique
d’observation et d’attente en vue d’assurer la stabilité. Pendant des décennies,
l’approche essentiellement sécuritaire, économique et de contrôle du mouvement
islamiste a entamé la crédibilité de l’UE dans ses relations avec le monde arabe6.
L'Union européenne est consciente qu'elle doit jouer un rôle actif étant donné
l'importance de la région pour ses intérêts, mais la grande question est de savoir
comment va se développer l'intervention européenne. L’Union ne peut adopter ni une
position paternaliste qui entrave le libre développement de la société civile ni rester en
marge de l’évolution de ces sociétés. Une politique déclarative ne suffit plus, l'UE doit
participer et interagir, définir un plan d'action viable et donner un soutien politique réel
et tangible adapté à la nature de la transformation.
Dans sa Communication concernant la proposition pour le futur du sud de la
Méditerranée, la Commission a souligné que les pays européens ont acquis leur propre
expérience de la transition démocratique et que l'UE, tout en respectant des processus de
transformation essentiellement internes, peut offrir son savoir-faire, surtout en ce qui
concerne les gouvernements, les institutions, les autorités locales et régionales, les partis
politiques, les fondations, les syndicats et les organisations de la société civile7.
En outre, Štefan Füle, le commissaire européen pour l'Elargissement et la Politique
européen de voisinage, a admis les erreurs du passé. Le 18 mars 2011 il a reconnu
l’échec de l’Europe dans sa politique arabe en prononçant ces mots : « Certains d'entre
nous croyaient que le mot démocratie ne faisait pas partie du vocabulaire dans ces

5
Ibíd
6
Position du Réseau Euro-Méditerranéen des Droit de l’Homme en vue de la révision de la Politique
Européenne de Voisinage et suite à la Communication de l’Union européenne sur « Un partenariat pour
la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée » et les Conclusions suivantes du
Conseil européen. Accessible sur le site :
http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/dmag/dv/dmag20110524_03_/dmag201
10524_03_fr.pdf.
7
Communication conjointe au Conseil Européen, au Parlement Européen, au Conseil, au Comité
Économique et Social Européen et au Comité des Régions: Un partenariat pour la démocratie et une
prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée, 8 mars, 2011, COM (2011) 200 final.

7
pays. Dans le passé, l'UE pensait que le soutien à certains régimes autoritaires était la
seule façon d'assurer la stabilité dans la région »8.
Le chercheur Antonin Tisseron distingue trois temps dans la réponse des européens et
de l’UE aux révoltes et révolutions dans monde arabe9:
Dans les premiers stades de la révolte, l'Union européenne prend conscience qu'elle a
perdu la possibilité d'avoir facilité des réformes avant le déclenchement des
manifestations et des revendications. L'Union a accordé des aides sans se préoccuper de
la situation de la démocratie et de promouvoir des réformes politiques.
La réaction de l'UE se reflète ensuite dans une série de mesures répondant à l'évolution
des évènements: des mesures de soutien, la condamnation des actes perpétrés par des
régimes autoritaires, des sanctions et l’opération EPN Hermès Extension 201110, lancée
par l'agence Frontex pour limiter les flux irréguliers et mixtes de migrants.
Finalement, l’Union européenne a annoncé une réorientation de la politique de
voisinage. Dans le but de promouvoir la démocratie, la Commission européenne et la
Haute Représentante Catherine Ashton ont présenté une nouvelle stratégie avec une
approche plus globale, plus cohérente et plus efficace. De plus, lors de la session
plénière d'avril, le Parlement européen a annoncé la révision de la Politique européenne
de voisinage et a revendiqué son rôle clé dans la promotion de la stabilité dans les pays
du nord de l’Afrique, grâce à son droit de contrôle parlementaire de la mise en œuvre de
la PEV. Les parlementaires européens ont reconnu que celle-ci n’est pas parvenue à
atteindre ses objectifs en matière de démocratie et de droits de l'homme et qu'il y a lieu
de relancer l'Union pour la Méditerranée11.
Cette série d'événements peut être qualifiée d’«occasion historique» pour l'Union
européenne d’abandonner le dilemme infructueux entre régimes autoritaires et
islamisme, et de laisser de côté l’approche sécuritaire qui a marqué les relations entre
les deux rives du bassin méditerranéen12.

8
S. Füle, Visite officielle à Madrid, 18 mars 2011, Diario El País 19 mars 2011 ; accessible sur le site :
http://elpais.com/diario/2011/03/19/internacional/1300489205_850215.html (consulté le 16 novembre
2011).
9
A. Tisseron ; chercheur associé à l’Institut Thomas More, lors du colloque « Les conséquences
géopolitiques et stratégiques des révoltes arabes », 13 juillet 2011.
10
Opération développée entre le 20 février 2011 et le 31 mars 2012 pour mettre en œuvre des activités
coordonnées aux frontières maritimes afin de contrôler les flux migratoires illégaux en provenance de la
Tunisie vers le sud de l'Italie (principalement Lampedusa et la Sardaigne). Plus d’info dans le site :
http://frontex.europa.eu/operations/archive-of-accomplished-operations/178
11
Résolution du Parlement européen du 7 avril 2011 sur la révision de la politique européenne de
voisinage – dimension méridionale. Accessible sur le site :
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-
0154+0+DOC+XML+V0//FR
12
J. Delors, A. Vitorino et le Conseil d’administration de Notre Europe ; L’UE au défi du printemps
arabe : une vision pour nos voisins, Le Mot de Notre Europe, Juin 2011. Accessible sur le site :
http://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Declaration_CA_NE_juin_2011.pdf

8
Toutefois, malgré les réponses et les initiatives, les évènements révolutionnaires se sont
prolongés : l’ « Hiver islamiste » a succédé au Printemps arabe. Moins d’un mois s’est
écoulé entre le départ de Ben Ali et le renversement de Hosni Moubarak. Les
protestations se sont propagées rapidement dans les autres États. En Libye, les émeutes
ont conduit à une guerre civile qui a pris fin avec le lynchage à mort de Mouammar
Kadhafi. Le président Abdallah Saleh a mis longtemps à quitter le pouvoir au Yémen.
En Syrie, le régime de Bachar el-Asad continue un an après les premières
manifestations appelant à sa destitution, plongeant ainsi le pays dans une guerre civile
dont l’issue demeure incertaine. Les progrès n’ont donc pas été aussi rapides qu’ils
avaient été prévus quand les régimes autoritaires ont commencé à tomber. L’effet
domino est toujours en cours dans le monde arabe, mais sans pour autant être uniforme.
Ce travail abordera les causes des difficultés trouvées pour la promotion de la
démocratie et le respect de droits de l’homme dans les pays de la rive sud, ainsi que les
nouveaux défis qui se posent pour l'Europe et le désir de reformuler les institutions dans
le nouveau contexte. Une étude approfondie des erreurs passées peut aider à éviter de
les répéter dans le futur et à conformer une position uniforme et efficace à l’égard de la
Méditerranée du Sud.

9
PARTIE I
LA POLITIQUE EUROPÉENNE EN MÉDITERRANÉE

Dès sa fondation l’Union européenne s’est préoccupée de son voisinage géographique.


L’UE a toujours cherché à établir des rapports de bon voisinage afin d’avoir, à ses
frontières, des voisins pacifiques, prospères et dont les sociétés sont suffisamment
stables pour ne pas constituer un danger pour sa propre population.
Les successifs élargissements de l'Union ont mis en évidence l’importance de la
question du voisinage. La PEV est la réponse de l'UE à ce défi. Son objectif est de créer,
autour de l'UE, un cercle de voisins qui partagent les valeurs et les objectifs
fondamentaux de l'UE, et qui seront plus stables, plus sûrs et plus prospères. En ce qui
concerne les voisins du Sud, la PEV s'inscrit dans la continuité du partenariat Euro-
méditerranéen adopté en 1995.
La promotion démocratique est devenue un objectif clé des politiques extérieures de
l’Union européenne. Le but de constitutionnalisation est essentiellement poursuivi à
travers les politiques communautaires de coopération. Le Partenariat Euro-
méditerranéen (devenu depuis Union pour la Méditerranée) permet ainsi théoriquement
d’encourager la bonne gouvernance, les réformes démocratiques et le respect des droits
de l’homme en Méditerranée. La PEV, avec son caractère réformiste, vise au
renforcement de l’État de droit et des droits de l’homme13.
Dans ce chapitre, on expliquera le cadre institutionnel des rapports entre l’Europe et le
sud de la Méditerranée en mettant en évidence sa nature stratégique. Malgré le puissant
composant économique, les États ont compris que la pacification de la région est en jeu
à travers une coopération renforcée dans les domaines politique, économique et
culturel14. Il convient ensuite de s’interroger sur l’efficacité des actions européennes
plus de quinze ans après le démarrage des politiques pour la région euro-
méditerranéenne. Trois facteurs constituent le point de départ de cette analyse :
premièrement, la perception des « menaces méditerranéennes » ; deuxièmement, la
volonté politique des pays méditerranéens eux-mêmes d'affronter avec davantage de
détermination leurs difficultés pour le développement ; et troisièmement, la capacité de
l’UE à collaborer compte tenu de ses propres problèmes économiques et financières. Il
est important d'insister sur la dimension institutionnelle euro-méditerranéenne (A) avant
d’analyser les résultats obtenus jusqu’à présent (B).

13
D. Schmid, La politique européenne de promotion de la démocratie dans la région méditerranéenne,
Med.2006, p. 80-83.
14
Ibíd.

10
Chapitre A : La dimension institutionnelle euro méditerranée : du Processus de
Barcelone à l’implémentation de la Politique européenne de voisinage

Section 1. L’espace méditerranéen, un ensemble de problèmes communs auxquels


l’Europe souhaite remédier

La Méditerranée est à cheval sur trois continents, ses eaux baignent les côtes
européennes, africaines et asiatiques ; toutefois, elle est considérée comme une seule
entité géostratégique. C’est un lieu de rencontre pour les gens de différentes races,
traditions et idéologies, le berceau des trois grandes religions monothéistes et
historiquement, la source de civilisation et de la culture occidentale.
La Méditerranée a été témoin du pouvoir des grandes puissances tout au long de
l'histoire, du contrôle grec à l’hégémonie romaine, de la domination de l'Espagne du
VI siècle au pouvoir anglais du VIII siècle. Après la Seconde Guerre Mondiale et
la crise de Suez, l’espace méditerranéen est devenu le théâtre des rivalités de deux
superpuissances, les États-Unis et l’URSS. A la fin de la Guerre Froide, la dichotomie
Nord-Sud s’est substituée à la division Est-Ouest.
L’espace méditerranéen a toujours eu une signification géopolitique. Depuis ses
origines, il s’agit de la plus grande zone de conflit permanent en matière d’intérêts
opposés, de belligérance et de fréquence des crises. Samuel Huntington, auteur du
« Choc des civilisations »15, a condamné la région méditerranéenne à une instabilité et
une insécurité permanentes.
De l’ouest à l’est les conflits persistent, parmi lesquels ressortent : le conflit du Sahara
Occidentale, dans lequel l’ONU demande la décolonisation et le droit à
l'autodétermination de la population sahraouie ; la question de Gibraltar entre l’Espagne
et le Royaume-Uni ; les revendications marocaines sur Ceuta et Melilla, les deux
enclaves espagnoles au Maroc ; le terrorisme en Algérie, un refuge pour les militants
d'Al-Qaïda ; l’embargo à la Libye, accordé par des Résolutions de l’ONU et qui n'a été
levé qu'en 2003 ; les questions greco-chypro-turques ; et le conflit israélo-arabe et les
guerres successives qu’il a déclenché.
La fracture entre le Nord et le Sud de la Méditerranée est aussi à l’origine de l’instabilité
de la région et se reflète dans :

- la démographie : le Sud vit encore une explosion démographique tandis que les
pays du Nord vieillissent ;

- les flux migratoires : généralement dans le sens Sud-Nord, et la question de


l’immigration clandestine ;

- les différences économiques : reflétées dans l’écart de pauvreté entre les deux
rives ;

15
S. Huntington, The Clash of Civilizations, 1993, Foreign Affairs, pages 22-49.

11
- la crise hydrique : l’accès à l’eau est assuré pour les pays de la rive européenne
tandis qu’il a renforcé les inégalités dans les États de la rive sud du bassin
méditerranéen.

À cela s'ajoutent les crises sociales répétées, le fondamentalisme islamique, la question


des frontières, la criminalité organisée et d’autres situations de violence qui frappent les
pays de la rive sud de la Méditerranée.
Conformément à ce scénario, on peut distinguer deux zones clairement définies :
l’Union européenne, d’une part, économiquement développée et considérée comme une
entité soutenue par une culture et une identité communes ; et, d’autre part, la rive sud,
pont entre l'Europe et les autres pays et source d'approvisionnement en énergie. Israël, la
Turquie et le Moyen-Orient resteraient dans le fond oriental de la Méditerranée.
Dans ce contexte, et avant les évènements de 2011, l’intérêt de l’Union européenne pour
la stabilité de la Méditerranée est clair. Cet intérêt croissant est devenu une implication
européenne grâce aux projets de coopération et de co-développement. Depuis les années
1970, l’Europe a voulu renforcer les relations avec ses voisins et plusieurs instruments
sont le fruit de cette volonté. En 1972 la Communauté économique européenne (CEE) a
lancé la Politique méditerranéenne globale, limitée aux aspects de coopération
économique et financière. La Politique méditerranéenne rénovée a, par la suite, suivi la
même trace en augmentant l’enveloppe d'aide. Le souci de dépasser le prisme
commercial16 a ensuite donné lieu à une nouvelle orientation de la stratégie européenne
pour la Méditerranée, stratégie qui privilégie les réformes sociopolitiques et qui se
traduit dans des nouveaux instruments qui reflètent la nouvelle vision : le Partenariat
Euro-méditerranéen (ou Processus de Barcelone) et la Politique européenne de
voisinage (PEV).

Section 2. Le Partenariat Euro-méditerranéen et l’Union pour la Méditerranée : vers une


intégration régionale

Le Partenariat Euro-méditerranéen a été lancé sous la Présidence espagnole du Conseil


de l’UE en 1995. Les ministres d’Affaires étrangères de l'UE et de douze pays
méditerranéens (l’Algérie, Chypre, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, Malte, le
Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et l’Autorité palestinienne) se sont réunis pour
mettre en route un projet commun qui a été signé dans la Déclaration de Barcelone. La
Conférence de Barcelone a établi un cadre multilatéral essentiellement
intergouvernemental, basé sur un esprit de coopération afin de créer, à travers une
nouvelle vision des relations internationales, un « espace commun de paix, de stabilité
et de prospérité »17, fondé sur des valeurs partagées.

Du point de vue juridique, la Déclaration de Barcelone est une déclaration multilatérale


de nature politique. Elle établit un processus de coopération et de réformes. En prenant
pour modèle l’expérience de l’UE, elle rejette l'ingérence directe ou indirecte dans les
affaires intérieures des États et refuse l'utilisation de la « politique de puissance » dans
les relations euro-méditerranéennes.

16
G-F. Dumont, Gérard-François et P. Verluise, Géopolitique de l’Europe ; Sedes 2009, p.282.
17
Déclaration finale de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Barcelone, 28
novembre 1995 ; accessible sur le site : http://eeas.europa.eu/euromed/docs/bd_en.pdf

12
La Déclaration18 a défini trois volets très ambitieux:

- un partenariat politique et de sécurité pour la création d’une zone de paix et de


stabilité, fondée sur les principes des droits de l’homme, l’État de droit et la
démocratie

- un partenariat économique et financier qui prévoit la construction d’une zone de


prospérité partagée par l’instauration progressive d’une zone de libre-échange
entre UE et ses partenaires méditerranéens et entre ces même partenaires,
accompagnée d’un important soutien financier européen destiné à faciliter la
transition économique.

- un partenariat social, culturel et humain tendant à l’amélioration de la


compréhension entre les cultures et à la promotion de la participation de la
société civile, à travers l’organisation d’échanges culturels et du dialogue
interculturel.

Figure 1 États membres du Partenariat Euro-méditerranéen 1995

Source : propre illustration en utilisant l’éditeur de cartes accessible à l’adresse http://www.stepmap.de/

Le Partenariat est encadré par le champ des relations économiques extérieures de


l’Union et dans la mesure où le deuxième volet domine la pratique euro-
méditerranéenne, il tombe en grande partie dans la sphère communautaire. Toutefois, le
premier et le troisième volet tombent dans la sphère intergouvernementale19.
Pour atteindre ces objectifs deux mécanismes ont été prévus :

- les accords d'association, conclus entre l’UE et chaque pays partenaire, fixant les
conditions de la coopération dans les domaines économique, social et culturel et
instituant le dialogue politique.

18
Ibíd.
19
D. Schmid, Les institutions européennes dans le fonctionnement du PEM : de la répartition des
compétences à la gestion dynamique du quotidien, EuroMeSCo papers. nº 36 octobre 2004, p.7-8.

13
- le programme MEDA (mesures d'accompagnement financières et techniques),
qui sert d’appui à la mise en œuvre des réformes des structures économiques et
sociales.

Toutefois, dix ans après la Conférence de Barcelone, le processus n’a pas engendré les
bénéfices escomptés. Le Sommet euro-méditerranéen « Barcelone+10 », qui a réuni les
Chefs d'État en novembre 2005, n'a pas répondu aux attentes de ses organisateurs et a
été discrédité par l’absence des principaux dirigeants arabes.
Stéphanie Darbot-Trupiano a constaté que : « La région euro-méditerranéenne est
marquée par l’attractivité de l’UE, centre politique, économique de cette région, face
aux 12 pays partenaires méditerranéens réduits au rang de première couronne
périphérique. Les échanges économiques et financiers restent très asymétriques. Les
gradients de niveau de vie, de comportements démographiques, les oppositions de
systèmes politiques entre les rives nord et sud de la Méditerranée sont flagrants, ce que
soulignent les flux migratoires puisque les pays partenaires méditerranéens forment une
des principales zones d’origines des migrants résidant dans l’UE »20.
Après le Sommet de 2005, une période de réflexion a commencé pour améliorer le
Partenariat Euro-méditerranéen. En 2007, le candidat à la Présidence de la République
française, Nicolas Sarkozy, introduit pour la première fois son idée d’« Union
méditerranéenne » dans un discours de campagne prononcé à Toulon21. Ce discours
s’éloignait de l’idée du Partenariat, mais il s’est progressivement adapté en incorporant
l’acquis du Processus de Barcelone et en lui donnant un nouvel élan.
Dans l’Appel de Rome, lors du sommet tripartite entre la France, l’Espagne et l’Italie,
José Luis Rodriguez Zapatero et Romano Prodi ont donné leur appui à l’initiative
française, dont le nom a été modifié par « Union pour la Méditerranée ». Finalement,
sous le nom officiel de « Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée », le
projet initial de Nicolas Sarkozy voit la lumière au sommet de Paris du 13 Juillet 2008
sous la coprésidence du Président français et du Président d'Égypte.

Les 27 États membres de l’Union européenne sont engagés ainsi que 16 pays riverains
de la Méditerranée (Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Égypte, Israël et
l’Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Maroc, Mauritanie, Monaco, Monténégro,
Syrie, Tunisie et Turquie).

La Déclaration commune du sommet de Paris pour la Méditerranée22 établit six


objectifs :
Environnement (dépollution de la Méditerranée), transports (autoroutes de la mer et
autoroutes terrestres), protection civile (réponse aux catastrophes d’origine naturelle ou
humaine), énergies de substitution (plan solaire méditerranéen), éducation
(enseignement supérieur et recherche, université euro-méditerranéenne), et économie
(initiative méditerranéenne de développement des petites et moyennes entreprises).

20
S. Darbot-Trupiano, Le Partenariat euro-méditerranéen : une tentative d’intégration maladroite ;
http://espacepolitique.revues.org/index844.html?file=1
21
Discours de Toulon, 7 février 2007. L’ensemble des discours de campagne est disponible sur le site de
la Présidence de la République, www.elysee.fr.
22
Déclaration commune du sommet de Paris pour la Méditerranée, Paris, 13 juillet 2008, accessible sur le
site http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Declaration_commune_UPM_bis.pdf; p. 19-20.

14
Figure 2 États membres de l'Union pour la Méditerranée

Source : Ministère d’Affaires Etrangères espagnol, http://www.maec.es/ (consulté le 8 mars, 2012)

La valeur ajoutée par l’UpM se reflète dans deux aspects23 : l’égalité dans la
représentation des partenaires (dans le Processus de Barcelone aux partenaires du Sud
ne leur est concédé que le statut de « invités » ou des partenaires juniors) d’une part, et,
d'autre part, elle met l'accent sur quelques projets clé avec une importance stratégique
régionale, afin de renforcer la cohésion de la politique euro-méditerranéenne et
d’augmenter la visibilité de ses activités et de les rapprocher de la société, ce qui était
l'une des faiblesses du Partenariat.

Bichara Khader reconnaît un mérite à l'idée de Sarkozy: « la relance du débat sur le


caractère central de la Méditerranée dans la géopolitique de la France et de l'UE, et
sur l'adéquation des politiques européennes à tout type de défis auxquels sont exposés
les pays riverains et les plus éloignés »24.

Section 3. La Politique Européenne de Voisinage : une zone de prospérité partagée dans


les frontières extérieures de l'UE

En 2003, dans la perspective de l’élargissement à l’UE des vingt-cinq, l’Union


européenne a décidé d'actualiser sa politique de coopération avec les pays voisins. La
Politique européenne de voisinage (PEV) est fondée sur deux communications de la
Commission, portant sur l’Europe élargie25 et sur la Politique européenne de
voisinage26. La PEV vise à prévenir l'apparition de nouvelles lignes de fracture entre

23
R. Aliboni, Under the shadow of « Barcelona » : From the EMP to the Union for the Mediterranean,
Euromesco paper 77, janvier 2009 p.13.
24
B. Khader, L’Europe pour la Méditerranée : de Barcelone à Barcelone (1995-2008), L’Harmattan,
2009 ; p 170.
25
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen ; L’Europe élargie –
Voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisin de l’Est et du Sud. 11.03.2003,
COM(2003) 104 final
26
Communication de la Commission - Politique européenne de voisinage - Document d'orientation
COM(2004)0373 final

15
l'Union élargie et ses voisins, en évitant que la périphérie de l'UE ne devienne une
nouvelle ligne de démarcation, et à répondre aux défis démocratiques, économiques,
énergétiques et migratoires.
Sur la base des valeurs communes, la PEV prévoit le renforcement de l'association entre
l’UE et ses voisins pour promouvoir les réformes nécessaires qui permettent de créer
une zone de prospérité et de stabilité. L'idée de promouvoir le bon voisinage s'inscrit
dans la nécessité d'utiliser pleinement toutes les ressources du soft power européen27
afin de prévenir les crises et les conflits. La PEV a été lancée comme un instrument
s’inscrivant dans une nouvelle philosophie de l'action extérieure de l'Union européenne,
cherchant ainsi à réunifier la vision, les méthodes et les instruments concernant les pays
voisins.
Le rapprochement dépend de la réalisation des priorités suivantes28 : le renforcement de
la démocratie, de l’État de droit et du respect des droits de l’homme; le renforcement du
dialogue politique ; l’implication dans la prévention des conflits et la gestion des crises ;
le renforcement des relations commerciales préférentielles et l’ouverture du marché ;
l’extension du marché intérieur par le rapprochement des dispositions législatives et
réglementaires ; la coopération dans le champ de la pression migratoire et de la menace
terroriste ; la sécurité de l’approvisionnement, ainsi que la sûreté et la sécurité dans le
domaine de l’énergie ; et l’amélioration des réseaux transeuropéens de transports et de
communications.
A l’origine destinée aux pays voisins de l’Europe de l’Est, la PEV a été étendue aux
pays du sud de la Méditerranée. La PEV s’applique aux voisins immédiats, terrestres ou
maritimes, de l'Union européenne: Ukraine, Biélorussie et Moldavie – nouvelles
frontières suite à l’élargissement- Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye,
Maroc, Syrie, Tunisie et Territoires palestiniens occupés- voisins de la Méditerranée –
et Arménie, Azerbaïdjan et Georgia – voisins du Caucase méridional -. La PEV
n’englobe ni la Russie, avec laquelle il existe un partenariat stratégique, ni les pays
candidats à l’adhésion. Elle exclut aussi les autres pays des Balkans, qui font l’objet
d’une stratégie différente basée sur le Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-est.

Figure 3 États membres de la PEV

Source : « Questions internationales : L’Europe en zone de turbulences » (nº 45 sept.-oct. 2010)

27
F. Terpan, La politique étrangère, de sécurité et de défense de l’Union européenne ; La
Documentation française 2004 ; p.65.
28
COM(2004)0373 final, op. cit.

16
En ci qui concerne la relation euro-méditerranéenne on peut souligner cinq éléments clé
contenus dans la Communication pour l’Europe élargie:

- l’objectif d’évoluer vers un « cadre dans lequel l’Union et ses voisins finiront
pas entretenir des relations comparables aux liens politiques et économiques
étroits qui caractérisent aujourd'hui l'Espace économique européen »29 ;

- la conditionnalité positive : « à cet effet, les partenaires devront souscrire des


obligations nettement plus vastes et contraignantes »30 ;

- la PEV sert à compléter le cadre actuel des relations de l’UE avec les pays du
sud de la Méditerranée et s’inspire des politiques et mécanismes existants31 ;

- « une approche différenciée et progressive » 32;

- la possibilité de « conclure de nouveaux accords de voisinage s'appuyant sur


les relations contractuelles existantes » 33 ;

Malgré tous les efforts, le Partenariat Euro-méditerranéen n'a pas répondu aux attentes
suscitées en 1995 ; il constitue simplement le cadre pour les relations entre l'UE et les
pays voisins. La PEV repose sur une base juridique constituée par les accords existants
(accords de partenariat et de coopération et accords d'association) sur lesquels
s’appuient les plans d’action bilatéraux prévoyant un programme de réformes
économiques et politiques à engager. Les plans d’action constituent des feuilles de route
négociées par la Commission avec chaque partenaire.
L’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) a été créé pour le
financement de la PEV34. Ce nouvel instrument a remplacé les programmes TACIS et
MEDA et prévoyait un budget total pour la période 2007-2013 de 11,181 millions
d'euros.

La PEV a fait l’objet de diverses critiques. Thierry Balzacq reproche son ambiguïté en
constatant que « L’objectif de la PEV conserve une indétermination décisive ; elle est
perçue et vécue à la fois comme un accélérateur d’adhésion et comme un cadre pour le
partenariat renforcé, sans ouverture sur l’intégration. Cette ambiguïté est logée, c’est
là le point le plus important, au cœur même des idées et des mécanismes de la PEV
puisque le groupe d’États qui en constitue la cible est extrêmement hétérogène. Entre
les États comme l’Ukraine qui pourraient légitimement en vertu de l’article 49 TUE
prétendre à l’intégration, et le Maroc dont la candidature fut rejetée en 1987, il y a
finalement peu de choses en commun, excepté ce que l’Union décrit comme une absence
de prospérité »35.

29
COM(2003) 104 final, p. 16
30
Ibíd.
31
Ibíd.
32
Ibíd.
33
Ibíd. p. 18
34
Règlement CE nº 1638/2006 du 24 Octobre 2006.
35
T. Balzacq, « La politique européenne de voisinage, un complexe de sécurité à géométrie variable »,
Revue Cultures & Conflicts nº 66, été 2007 ; p. 29-30.

17
Section 4 Les différentes politiques européennes, sont-elles complémentaires ?

On peut se demander si la PEV et le Processus de Barcelone sont complémentaires ou


au contraire, s’ils constituent un double effort. Les deux outils sont soutenus par le
même noyau : les accords d'association. Bien qu'ils partagent un grand nombre de ses
objectifs, le Processus de Barcelone agit sur un niveau multilatéral, tandis que la PEV
privilégie une approche différenciée dans le cadre des relations bilatérales avec chaque
partenaire.

L’une des principales difficultés rencontrée est l’articulation des différentes initiatives.
On trouve un cadre essentiellement multilatéral (Partenariat Euro-méditerranéen et
UpM) qui coexiste avec une politique bilatérale (PEV). Cela a donné lieu à une
perception fragmentée de la conception globale de l’UE sur sa politique en
Méditerranée. Il y a une certaine inquiétude de voir l’acquis de Barcelone dilué dans
une politique de voisinage dominée par des objectifs de sécurité et développement.

Selon Khalifa Chater, « privilégiant la relation bilatérale, les accords d’association et


la politique de voisinage, dont on ne doit omettre leurs effets, limitaient le processus
régional, aux relations de l’Union européenne avec chaque pays de la zone cible. Nous
pouvons parler dans ce cas, d’un simple développement des relations de proximité de
l’Union européenne »36.
Il est à craindre que le Partenariat soit absorbé par la PEV et que celle-ci élimine toute
vocation de construction régionale et rende inutile les efforts déployés pendant plus de
quinze ans du processus. Soler i Lecha37 imagine cinq contextes différents : la complète
absorption du Partenariat par la PEV ; le maintien des deux initiatives avec une claire
prééminence de la PEV ; une répartition efficace des tâches entre les deux projets,
chacun se concentrant sur les points où ils peuvent offrir une valeur
ajoutée ; les deux initiatives sont maintenues, mais il y a des chevauchements et avec
parfois des objectifs contradictoires ; ou l’échec de la PEV, en raison de son
incapacité à fournir des véritables élans, et sa disparition conséquente.
Lors de la création de la PEV, la Commission a souligné sa complémentarité avec le
Processus de Barcelone, mais la réalité a démontré que plusieurs différences rendent
difficile l’aménagement. Schumacher et Del Sarto38 ont reconnu quelques disparités :

- la substitution de l’approche régionaliste du Partenariat par l’approche bilatérale


différenciée de la PEV, qui restreint la dimension régionale à la promotion du
commerce intrarégional et à la coopération subrégionale ;

- le Processus de Barcelone repose, au moins au niveau théorique, sur la


« conditionnalité négative » (une clause permet la suspension de l’accord si le
partenaire viole les droits de l’homme), tandis que la PEV utilise la
« conditionnalité positive » (l'engagement de l'UE sera subordonnée à la
réalisation des objectifs de réforme convenus) ;

36
K. Chater, L’Euromed à l’heure de la régionalisation », accessible sur le site http://www.luso-
arabe.org/pt/artigos/L-Euromed-a-l-heure-de-la-regionalisation.pdf ; p. 15.
37
E. Soler i Lecha, Las perspectivas de la Política Europea de Vecindad para el Mediterráno , 2007 ; 9-
10.
38
T. Schumacher, et R. Del Sarto, op.cit. ; p. 5-8.

18
- en ci qui concerne les intérêts en jeu, même si le Partenariat cherche aussi à
protéger la sécurité et les intérêts propres de l’UE, il s’appuie sur les « valeurs
partagées », tandis que la PEV est formulée sur la base des « valeurs de
l’Union ».

La mise en œuvre de la PEV a changé le profil du Partenariat qui est devenu un forum
essentiellement intergouvernemental concentré sur le dialogue politique et sécuritaire.
L’Union européenne a ajouté plus de confusion à son engagement avec la Méditerranée
avec l’adoption de la PEV, même si en principe elle devrait « renforcer et
compléter » le Processus de Barcelone.

Chapitre B : Bilan des quinze premières années : vers un changement


démocratique ?

Section 1. Les difficultés de la mise en œuvre : la persistance du schéma Nord/Sud

Au fil des ans, l’implémentation de la politique européenne en Méditerranée a rencontré


des difficultés. Le cadre instauré par la Conférence de Barcelone n’a pas rempli les
attentes rêvées en 1995. Les divergences entre les expectatives créées et la réalité
actuelle découlent dans une grande mesure de la fracture Nord/Sud. D’autres facteurs
sont également intervenus : la défense du statu quo, l’UE n’a pas prêté attention aux
conflits existants qui constituent un obstacle à l'avancement de l'agenda multilatéral ; et
la confiance dans l'économie comme une solution aux problèmes d'ordre social et
politique.
L'environnement géostratégique de la fin des années 90 diffère de la deuxième décennie
du XXIe siècle. L'optimisme dominait en 1995, la Guerre Froide était finie, l'économie
européenne était croissante et après des années de conflits, les négociations pour la paix
israélo-arabe avaient été entamées lors de la Conférence de Madrid de 1991.
Aujourd’hui, le monde connaît une crise sans précédent, l’Europe s’est élargie, il n’y a
pas de perspective de reprise du processus de paix israélo-arabe et le terrorisme
islamiste constitue une nouvelle menace depuis le 11 septembre 2001.
Dans ce contexte international, l’asymétrie définit les relations et les causes structurelles
de l'instabilité de la région continuent à exister :

- Le refus à l’héritage colonial :

Il existe une méfiance historique dans les sociétés musulmanes contre l'Occident,
principalement en raison des blessures profondes laissées par la colonisation. Les pays
du Sud craignent qu’il s’agisse d’une projection du Nord sur le Sud. Selon
Lacoste, « les tensions géopolitiques traduisent l'état d'esprit, le comportement politique
d'un certain nombre d'hommes qui à tort ou à raison persuadent leurs compatriotes
qu'ils sont victimes d'un sort injuste et que leurs mauvaises conditions d'existence sont
la conséquence de la domination des pays du nord de la Méditerranée sur ceux du
sud »39.

39
Y. Lacoste, La Méditerranée, Hérodote n°103, 2001.

19
- L’inégalité entre les deux rives de la Méditerranée :

La disparition de la fracture Est/Ouest a mis en évidence l’écart Nord/Sud40. La


situation interne des pays de la rive sud montre un niveau de développement
économique et social insuffisant, des taux de natalité élevés, l’incapacité du marché de
travail à répondre aux besoins des demandeurs d’emploi, et cela a donné lieu à des
vagues d'émigration vers la rive nord. Le déséquilibre commercial et la pénurie de l’eau
accentuent encore plus ces différences. La subordination du Sud au Nord se manifeste
aussi dans l’inégalité de leurs échanges avec une rive sud exportatrice des produits
primaires vers l’UE, qui reçoit des produits secondaires.

Table 1 PIB par habitant

1995 2004 2008 2010


Processus de PEV UpM Crise
Barcelone
UE 19 831$ 24 679$ 34 724$ 33 924$
Algérie 1 476$ 2 624$ 4 967$ 4 495$
Égypte 969$ 1 082$ 2 079$ 2 698$
Israël 17 325$ 18 629$ 27 652$ 28 504$
Jordanie 1 604$ 2 157$ 3 922$ 4 560$
Liban 3 384$ 5 450$ 7 219$ 9 227$
Maroc 1 213$ 1 867$ 2 793$ 2 796$
Syrie 804$ 1 393$ 2 678$ 2 893$
Tunisie 2 013$ 3 140$ 4 345$ 4 199$
Turquie 2 879$ 5 833$ 10 298$ 10 094$
T. palestiniens 1 460$ 1 150$

Source : élaborée sur les données de la Banque Mondiale

- La dépendance énergétique :

La dépendance de l'UE aux importations d'énergie est déjà de 50%. L’UE est
préoccupée par ses approvisionnements au détriment d’autres objectifs.

- Les aspirations d’autres acteurs :

Les États-Unis voient la Méditerranée comme un espace de projection de leurs intérêts,


spécialement ceux de type militaire et sécuritaire. Elle a été considérée comme un lien
entre deux océans, une zone pour montrer le pouvoir militaire américain et qui a
également ayant agi comme un garde-fou de l’URSS pendant la Guerre Froide. La
vision militaire s’est élargie à partir de 2003 grâce à l’Initiative de Partenariat au
Moyen-Orient (Middle East Partnership Initiative)41. Cette initiative vise la coopération

40
L. Jaidi, The cost of non-Maghreb is too high a price to pay, Europe’s World : the only Europe-wide
policy journal, Printemps 2011 ; p.118-120.
41
Middle East Partnership Initiative, accessible sur le site http://mepi.state.gov/mepi/

20
régionale en développant quatre piliers : le politique, l’économie, l’enseignement et les
droits de la femme. Cependant, ces objectifs ont été assombris par la politique de guerre
préventive entreprise par George W. Bush pendant ses années de présidence.

On ajoute à cela l’intérêt croissant chinois pour le bassin méditerranéen. La Chine a


commencé à montrer sa vocation d’influence dans une région qui lui ouvre la porte de
l’Europe et de l’Afrique42.

Une fois que les difficultés des rapports entre l’Union européenne et le sud de la
Méditerranée ont été replacées dans leur contexte, on procède à l’identification des
principaux problèmes dont la résolution présente de véritables intérêts pour l’UE. Ceux-
ci sont d’abord d’ordre politique (stabilisation de la région) et économique (organisation
du commerce régional). Ils sont également analysables en termes de valeurs : l’Europe
tente théoriquement d’assurer la promotion externe de ses propres institutions ainsi que
de ses valeurs politiques et morales (référence à l’État de droit et aux droits
fondamentaux).

Les textes fondateurs de la politique européenne en Méditerranée mentionnent le


nécessaire respect des valeurs démocratiques. La Communication pour l’Europe
élargie43 cite le maintien de la cohésion sociale et du dynamisme économique parmi les
objectifs. Toutefois, dans la pratique, l’Union s’est montrée très prudente dans
l’adoption de réformes, qui ont essentiellement une nature économique.

Le volet économique occupe une place d'autant plus primordiale qu'il est attaché à des
aspects sécuritaires, en effet, selon Khader Bichara, «du point de vue de l'Union
européenne, l'amélioration de la situation économique en Méditerranée répond d'abord
à une exigence de sécurité: elle permet d'atténuer la pression migratoire, la croissance
démographique, la montée de mouvements politiques extrémistes et d'écarter la menace
d'extériorisation des conflits internes»44

Sur le volet social et humain, dont l’une des têtes est le développement de la société
civile, diverses lectures ont été faites. Selon Thomas Lacroix « on peut considérer ce
troisième volet comme une excuse, un habillage commode pour effacer la forte
connotation sécuritaire du partenariat. Il peut être également interprété comme un
complément de la construction d’un marché méditerranéen et un amortissement de ses
conséquences sociales ».45

42
E. Bregolat Obiols, La influencia de China en el Mediterráneo, Instituto europeo del Mediterráneo; p.
3.
43
COM (2003) 104 final, p.1.
44
K. Bichara, Le partenariat Euro-méditerranéen après la conférence de Barcelone, Cahiers de
Confluences, L'Harmattan, 1997, p.87.
45
T. Lacroix, Dossier de recherche : L'espace euro-maghrébin : des hommes au péril des politiques,
2004, p.110.

21
Section 2. L’incidence des politiques européennes sur la démocratisation

Lors de la création des Communautés européennes, la promotion de la démocratie, le


respect des droits de l'homme et l’instauration de l'État de droit n'étaient pas mentionnés
dans les traités fondateurs. Elle fut graduellement introduite au sein du système 46 liant
ses institutions tant au niveau interne qu’externe47. En 2000, la Charte de droits
fondamentaux a été adoptée et a permis de renforcer le respect des droits de l’homme en
consacrant leur valeur fondamentale. Le traité de Lisbonne vient confirmer la volonté
protectrice de la Charte en affirmant que « l'action de l'Union européenne sur la scène
internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son
développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du
monde: la démocratie, l'État de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes
d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du
droit international »48.

Subséquemment, la promotion de la démocratie est l’un des objectifs fondamentaux


poursuivis par l’Union européenne et repris dans chaque document stratégique et
chaque communication relative à la zone méditerranéenne49. Cependant, l’emploi de ces
préceptes sur le terrain est plutôt compliqué à percevoir50.

Pour décrire l’état de la démocratie et des droits de l’homme on peut recourir à plusieurs
documents. La Communication COM (2003) 294 final51 reflétait la complexité et la
variation de la situation des droits de l'homme et de la démocratisation dans les pays de
la région méditerranéenne. Une analyse rapide pays par pays confirmait l'insuffisance
des progrès en ce qui concernait les cadres réglementaires (et leur application), les
capacités institutionnelles, les actions éducatives et le taux de participation de la société
civile à la promotion et à la défense des droits de l'homme.
La situation pourrait se résumer comme suit:

- Les déficits de gouvernance entravent le développement des valeurs


démocratiques ainsi que la promotion et la défense des droits de l'homme;

- la marginalisation des femmes sape leur représentation politique et freine le


développement économique et social;

- l'application des conventions internationales sur les droits de l'homme est


insuffisante;

46
Communication de la Commission sur L'Union européenne et les aspects extérieurs de la politique des
droits de l'homme: de Rome à Maastricht et au-delà (COM(95)0567 - C4-0568/95).
47
Art. 2.1 du traité sur l'Union Européenne: L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité
humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de
l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes
aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance,
la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes.
48
Article 21 de la version consolidée du traité sur l’Union européenne.
49
COM (2000) 497 final, COM (2001) 252 final, COM (2002) 159 final et COM (2003) 294 final.
50
T. Lacroix, op.cit.
51
COM (2003) 294 final (disponible sur le site :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2003:0294:FIN:FR:PDF)

22
- les systèmes juridique et judiciaire ne sont pas suffisamment indépendants;

- les ONG qui travaillent dans la sphère civile et politique n'ont guère de pouvoir;
leur marge de manœuvre est très faible et elles sont coupées des réseaux
internationaux;

- l'éducation est dispensée inégalement; elle ne sert pas à surmonter les formes
traditionnelles de discrimination et elle est mal adaptée aux exigences de
l'économie moderne.

La Communication comprenait certaines recommandations opérationnelles qui devaient


être appliquées dans le cadre de la PEV. Citons l’inclusion systématique par l’UE des
questions liées aux droits de l’homme et à la démocratie dans tous les dialogues qui se
déroulent sur une base institutionnelle52 ; le renforcement des connaissances
institutionnelles et de la documentation sur la situation et les questions clés dans chaque
pays partenaire53 ; l’établissement, dans le cadre des accords d’association, de groupes
de travail sur les droits de l’homme ; l’élaboration de plans d’action nationaux pour les
droits de l’homme avec chaque pays partenaire54 ; ou encore l’intégration plus étroite de
la promotion de la bonne gouvernance, des droits de l’homme et de la démocratie dans
les programmes MEDA.

Cinq ans après cette Communication on constate sur la base du « Rapport arabe sur le
développement arabe de PNUD-2009 »55 un manquement constitutionnel dans la
mesure où les constitutions ne sont généralement pas conformes aux normes
internationales prévues dans les conventions signées par les pays arabes. Bon nombre de
constitutions arabes délèguent la définition des droits aux systèmes étatiques. Ce faisant,
elles se donnent le droit de limiter les libertés et d’empiéter sur les droits de l’individu,
par le biais de restrictions légales introduites dans la loi ordinaire. Concernant la
formation de partis politiques il existe différents degrés de répression et de restriction,
notamment des partis d’opposition, pouvant aller jusqu’à leur interdiction. En somme, il
y a d'une situation d'autoritarisme et de violations des droits de l’homme56 dans les pays
du sud de la Méditerranée.

52
COM (2003) 104 final, recommandation nº1.
53
COM (2003) 104 final, recommandation nº2.
54
COM (2003) 104 final, recommandation nº5.
55
Rapport accessible sur le site http://www.arab-hdr.org/publications/other/ahdr/ahdr2009f.pdf
56
N. Pillay, Human Rights and development in the wake of the Arab Spring, New Europe, December
2011, 11-17.

23
Figure 4 Sondage sur le respect des droits fondamentaux

Source : Rapport arabe sur le développement arabe de PNUD-2009

L'Union européenne considère cette situation comme un risque pour sa sécurité et essaie
de favoriser la réforme politique. Les régimes arabes sont conscients des possibilités (en
termes économiques) offertes par les différentes initiatives européennes, mais ils
perçoivent les risques graves qu'elles entraînent pour leur survivance politique.

L’Union est tenue de soutenir la démocratie et les droits humains; cependant, on


constate qu’elle semble avoir été effarouchée par les vents démocratiques dans la rive
sud de la Méditerranée. Pendant des décennies il semble que l’UE ait décidé que
l’approche la plus prudente soit de soutenir les régimes dictatoriaux « amis »57 qui
pourraient graduellement introduire des réformes sans bouleversements majeurs. Le
déficit démocratique qui persiste dans les États de la région méditerranéenne est une
indication du problème d’efficacité de l'Union européenne comme promotrice de la
démocratie. Bien que plusieurs progrès aient été réalisés, le discours de démocratisation
européen donne l’impression d’être rhétorique.
Le manque d'engagement politique de l’Union européenne sur le terrain de la
démocratie et des droits de l’homme a été largement critiqué58. Si la Déclaration de
Barcelone exprimait le désir d’implémenter le respect des droits de l’homme tout au
long du texte, ne subsistait pour les pays membres du Partenariat que le principe
d’obligation morale. La Déclaration reconnait l’existence d’un lien entre le
renforcement de la démocratie et le respect des droits de l'homme et la mise en place
d'une zone de dialogue, d'échange et de coopération. Cela constituait un premier pas
pour la promotion des droits de l'homme, mais son influence a été très limitée en raison
du caractère non contraignant. Le Partenariat soutenait une « conditionnalité négative »

57
R. Khalidi, Las revoluciones tunecinas y egipcias, La Vanguardia Dossier, nº 39, p.17.
58
Rapport Sakellariou, relatif à la politique méditerranéenne: prolongement de la Conférence de
Barcelone (disponible sur le site : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-
//EP//TEXT+REPORT+A4-1997-0027+0+DOC+XML+V0//FR) ; O. Rodríguez, Yo muero hoy, Ed.
Debate 2012.

24
selon laquelle un accord serait suspendu si le partenaire viole les droits de l’homme. Les
bénéfices accordés dépendent donc de l’accomplissement de certaines conditions
relatives au respect des droits de l’homme et des valeurs démocratiques.
La conditionnalité négative fait référence à la capacité des puissances de persuader
d’autres États sans coercition59. Ces puissances proclament des valeurs universelles et
mobilisent des ressources « intangibles » telles que la réputation positive, l’attractivité
du modèle de développement ou l’exemplarité des institutions60. La conditionnalité dans
le contexte des relations euro-méditerranéennes a déclenché ce que certains auteurs
appellent « processus d’alignement normatif sans démocratisation »61, car son activité
est loin de donner lieu aux externalités politiques tangibles.
Les efforts de l'Union européenne pour promouvoir les réformes démocratiques ont
diminué suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001. Les attaques ont provoqué
une réévaluation des relations avec les régimes en vue des échecs politiques,
économiques et sociaux qui semblaient se trouver à la racine de ces attaques. Toutefois,
le soutien des régimes autoritaires a gagné dans la mise en balance des intérêts.

Les échecs du Processus de Barcelone dans le domaine de la démocratie et des droits de


l'homme ont fait l’objet d’aménagements par le biais de la PEV. Cette politique a
introduit la conditionnalité positive, mais d’une façon nuancée dès lors que les priorités
ont été établies par l’UE (les migrations, le libre-échange, la sécurité régionale et la
pêche), sans laisser une marge de manœuvre au pays de la rive Sud. Simma,
Aschenbrenner et Schulteye62 définissent la conditionnalité positive comme les
initiatives « visant à apporter une assistance aux pays dans le besoin en construisant la
société et en établissant les conditions de la démocratie, d’un développement durable et
du respect des droits de l’homme ».

Toutefois, l'effet potentiel de la conditionnalité positive a également été compromis par


la hiérarchisation de la question de la stabilité sur la promotion de la démocratie. L'UE a
fourni un soutien financier substantiel aux pays méditerranéens sans conditionner cette
aide aux progrès accomplis dans le domaine de la réforme politique63. Cette situation a
conduit Richard Youngs à considérer la politique européenne en Méditerranée comme
« la déviance la plus importante de la conditionnalité basée sur récompenses »64.
Selon Bichara Khader, « la PEV demeure une initiative unilatérale de l’UE : les voisins
n’étaient pas demandeurs. Ainsi les pays méditerranéens ont été pris au dépourvu, ne

59
J. S. Nye, The Means to Success in World Politics, New York, Public Affairs Press, 2004.
60
A. El Maslouhi, Une conditionnalité dépourvue d’effectivité : clause démocratique et gestion des
risques dans les relations Euromed, Papers IEMed 2011, p.9.
61
M. Camau, L’Union pour la Méditerranée : ‘‘rêve’’ méditerranéen et malaise européen, Outre-Terre,
23 (3), 2009, p. 96.
62
B. Simma, J.B. Aschenbrenner et C. Schulteye, Observations relatives aux droits de l’homme en ce qui
concerne les activités de coopération au développement de la communauté européenne, L’Union
européenne et les droits de l’Homme, p.602.
63
R. Youngs, The European Union and Democracy Promotion in the Mediterranean: A New or
Disingenuous Strategy?, Democratization, 2002 Vol. 9, No. 1, p.48.
64
R. Youngs, Democracy Promotion: The Case of European Union Strategy, CEPS Working Document
No. 167, Brussels: Centre for European Policy Studies 2001 et European Union Democracy Promotion
Policies: Ten Years On, European Foreign Affairs Review, 2001, Vol. 6, p.355-373.

25
comprennent ni la logique ni les modalités d’application de la nouvelle politique »65. La
PEV est donc « liée à l’intérêt propre de l’UE de consolider sa prospérité et sa sécurité
en faisant de ses voisins des alliés en leur prouvant que les intérêts de l'UE relèvent
aussi de leurs propres intérêts »66.

En conséquence, on peut critiquer le manque de cohérence dans l’impulsion


démocratique accomplie par l’UE, un manque qui se reflète dans la divergence entre la
théorie et la pratique et dans les opinions au sein de la propre Union. Dans ce sens, les
efforts de la Commission pour la démocratie sont considérés par beaucoup des États
membres comme complémentaires à leurs propres politiques de développement67, en
fournissant la couverture diplomatique nécessaire qu’ils sont incapables de déployer
bilatéralement.

Section 3. L’analyse du bilan

Plusieurs rapports et documents institutionnels nous permettent de connaître l'évaluation


globale de la mise en œuvre des politiques européennes depuis leur lancement 68. À
travers de l’analyse des résultats on va examiner l’efficacité des différentes initiatives
pour la région.
Dans le cadre du Partenariat Euro-méditerranéen, l’UE cherche à soutenir des initiatives
d’accompagnement de la réforme des systèmes politiques, financiers et sociaux ainsi
qu’à alléger les effets négatifs éventuels du processus d’adaptation. Si l'échelle
d'évaluation consiste à vérifier que le Processus de Barcelone a transformé les tendances
économiques et politiques dans la région, puis on pourrait en conclure qu’elle n'a pas été
couronnée de succès : la performance économique de la région est restée en suspens et
le rendement par rapport à l'Europe centrale et de l'Est et à l’Asie s'est détérioré. La
réforme politique a été pratiquement inexistante. Si l'échelle a pour but de voir si le
processus a conduit ou pas à la création de politiques et des infrastructures
institutionnelles d'association entre les deux rives du bassin méditerranéen, il semble
qu’un certain succès ait été atteint69.
Quid du rôle des droits de l’homme dans ce contexte ? La « clause droits de l’homme »
n’a jamais été invoquée par l’UE contre un pays tiers méditerranéen, alors même que le

65
B. Khader, L’anneau des amis, la nouvelle politique de voisinage de l’Union Européenne, Rivista di
studi politici internazionali, vol 74 nº4, 2007.
66
A. Goujon, L'Union européenne élargie et son voisinage : Vers une nouvelle politique étrangère ?,
Questions d’Europe nº 127, mars 2004.
67
K. Kausch, How serious is the EU about supporting democracy and human rights in Morocco ?,
accessible sur le site http://www.fride.org/publications; p. 4.
68
Commission progress reports on implementation of the ENP of 4 December 2006 SEC(2006) 1504/2 ;
Communication from the Commission to the Parliament and the Council ; Implementation of the
European Neighbourhood Policy in 2007 COM (2008) 164 ; Report on the Euro-mediterranean
partnership status & progress 2009 ; Dossier : Diez años del Proceso de Barcelona. Balance y
perspectivas ; Communication de la Commission au parlement et au Conseil ; Bilan de la politique
européenne de voisinage COM (2010) 207.
69
M. Emerson, Michael et G. Noutcheva, Dossier : Diez años del Proceso de Barcelona. Balance y
perspectivas, p.92-93.

26
cas s’est présenté à plusieurs reprises s’agissant des États ACP70. Avec cette donnée, on
voit la politisation de la pratique de la conditionnalité négative. Le poids politique et/ou
économique d’un État a de l'influence sur l'activation ou non de la conditionnalité
négative. En outre, en ce qui concerne les sanctions, il est possible qu'elles manquent
d'effet dissuasif afin d’être modulées de façon à ne pas compromettre l'accès au pétrole.
On peut citer l’exemple de Saad Eddine Ibrahim71 militant et intellectuel égyptien,
arrêté en 2000, pour avoir dénoncé le gouvernement égyptien pour son manque
d’engagement en faveur de la démocratie. Suite à son arrestation, l’UE n’a pas suspendu
le financement de l’Égypte.
Dix ans après, l’UpM inclut aussi la « clause droits de l’homme ». Le paragraphe 6 de la
Déclaration de Paris montre la volonté de « renforcer la démocratie et le pluralisme
politique par le développement de la participation à la vie politique et l’adhésion à
l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Mais jusqu’à quel
point cette obligation morale reste-t-elle lettre morte ? Théoriquement, l’Union
européenne subordonne son aide au respect de certains critères dont la prééminence du
libre-échange et de la sécurité.
La crainte de l'Europe quant à la tenue d’élections libres et démocratiques laissant le
pouvoir aux mains des radicaux a amené l'UE à reconnaître les « circonstances
atténuantes » pour les gouvernements qui ont empêché l'irruption de l'intégrisme
religieux. Les élites arabes au pouvoir invoquent souvent des « approches culturalistes
ou économicistes pour justifier leur refus persistant de toute ouverture politique. Par
cette stratégie, une partie d’entre elles est parvenue avec une étonnante facilité à faire
cautionner son autoritarisme par l’environnement international »72.
Après avoir analysé les titres des objectifs de l’UpM énoncés dans la Déclaration
commune du sommet de Paris pour la Méditerranée, on déduit qu’aucun des buts n’est
directement dédié à la promotion de la démocratie 73. Le lien entre ces objectifs et les
projets entrepris pour les accomplir d’une part, et la conditionnalité d’autre part est
difficile à établir. Les efforts entrepris dans le cadre de l’UpM symbolisent des «
embryons de politiques sectorielles euro-méditerranéennes »74, en introduisant une
européanisation modérée des politiques nationales des pays partenaires. Cela a conduit
l'UE à accorder la priorité à la réglementation des domaines directement liés à la
sécurité et la stabilité communes.
La PEV, née comme alternative à l’adhésion, est conçue comme un dialogue renforcé
en matière de sécurité entre l’UE et ses voisins pour aboutir à un partenariat global.
L’outil de mise en œuvre est matérialisé par des plans d’action proposés à chaque État
partenaire de façon individuelle pour tenir compte des spécificités propres à chaque
70
Il s’agit de cas de coups d’État/élections frauduleuses au Nigéria, Togo, Comores, Guinée Bissau, Côte
d’Ivoire, Niger, Fidgi, Haïti… A. El Maslouhi, op.cit. p. 14.
71
T. Schumacher, et R. Del Sarto, From EMP to ENP: What's at Stake with the European
Neighbourhood Policy towards the Southern Mediterranean?, European Foreign Affairs Review 10,
2005; 17-38.
72
F. Burgat, Les attentes du monde arabe à l’égard de l’Union européenne. L’espérance déçue d’une
alternative aux États-Unis, L’Année du Maghreb, 2007, Paris, CNRS Éditions, p. 619.
73
« Environnement, transports, protection civile, énergies de substitution, éducation et économie » ;
Déclaration commune du sommet de Paris pour la Méditerranée, op.cit.19-20.
74
L. Jaidi, Larabi et H. Abouyoub, Le Maroc entre le statut avancé et l’Union pour la Méditerranée,
Les cahiers bleus, nº 12, Centre d’analyse politique (FAB), 2008, p. 5.

27
pays (voir Annexe I). Le Conseil a rappelé que « les progrès de la relation avec chaque
voisin dépendront de son engagement à respecter les valeurs communes et de sa
capacité à mettre en œuvre les priorités conjointement agréées »75, mais il semble que
cette disposition n’ait produit d’effets matériels que dans les domaines de la sécurité et
des échanges commerciaux.
Par exemple, l'Égypte et la Tunisie, deux des plus grands bénéficiaires des fonds d'aide
au développement, ont reçu un flux constant d'aide financière, en dépit de la lenteur des
progrès dans le processus de démocratisation76.
Bien que le bilan présente de sérieuses carences, les Communications de la Commission
sur la mise en œuvre de la PEV reprennent certains avancements. Ainsi, des progrès
dans l’application des conventions et protocoles relatifs aux droits de l'homme et aux
libertés fondamentales ont été accomplis en ce qui concerne la protection des droits des
femmes, avec la pénalisation de la mutilation génitale féminine en Égypte, la
participation accrue des femmes à la vie politique au Maroc et en Jordanie et quelques
premières actions concernant les «crimes d'honneur», notamment au Liban et en
Jordanie77. Si ces progrès doivent être soulignés, ils restent cependant sporadiques.
La PEV n’a pas permis la mise en place de la démocratie dans la région sud-
méditerranéenne de part le fait que les instruments mis à la disposition des partenaires
de l’UE n'ont pas été utilisés de manière adéquate. En effet, parfois la conditionnalité
négative, du fait de sa dureté, aggrave les problèmes ou devient un chemin qui ne mène
nulle part. En ce qui concerne la conditionnalité positive, les États n'ont pas montré un
engagement suffisant. Par ailleurs, elle ne peut pas constituer le seul outil pour
promouvoir les réformes nécessaires parce qu’elle ne peut pas se substituer aux volontés
nationales de réforme.

75
Conclusions du Conseil des Affaires générales du 17 juin 2004.
76
T. Schumacher, et R. Del Sarto, op.cit. 17-38.
77
COM(2010) 207, p.3.

28
PARTIE II
LES ÉVÈNEMENTS DE 2011 : LE PRINTEMPS ARABE

La révolution sociale de 2011 s’est propagé dans le monde arabe et a renversé les
présidents tunisien et égyptien. Bien que les situations socio-économiques diffèrent d'un
pays à l'autre, ils partagent des caractéristiques similaires qui les rendent vulnérables à
un soulèvement révolutionnaire (voir Annexe II). Ces États souffrent d’un autoritarisme
politique et des régimes oppressifs, d’économies défaillantes et de mauvaises conditions
sociales. Plus que jamais, l’espace méditerranéen constitue pour l’Union européenne
une aire de soucis quasi-permanents.
La réponse de la diplomatie européenne a été timide, et ne semble toujours pas briller
par son implication dans la gestion des conflits dans la région. L’absence de perspective
politique et le fonctionnement technocratique de l’Union européenne rend plus difficile
l’identification du rôle de l’UE dans l'accompagnement des démocraties naissantes.
Le panorama postrévolutionnaire pose le défi de la réforme constitutionnelle. La
légitimation des nouveaux gouvernements doit être le résultat d'un processus inclusif et
pacifique, sensible aux aspirations démocratiques de tous les groupes sociaux, des
leaders politiques et religieux afin de faciliter la transition. Le processus sera long et
ardu, les anciens États autoritaires trouveront des obstacles comme la réticence des
gouvernants à quitter le pouvoir. Le succès des réformes dépendra de l’effectivité de la
réponse aux demandes politiques, économiques et sociales. Les retards ou absences
d’un des trois composants « conspirent contre la qualité des démocraties »78. Cependant,
la fonction de l'Union ne peut pas être l '« européanisation » mais une nouvelle approche
des relations UE- Afrique du Nord. Après les soulèvements on ne peut pas remettre à
zéro le pendule politique. Les formes politiques traditionnelles n’ont pas disparu et
doivent être intégrées dans la recherche du nouvel ordre politique. L’Europe doit
soutenir les processus ouverts pour assurer la consolidation de la démocratie et à cette
fin elle est tenue de reformuler les outils dont elle dispose.

Ce chapitre sera consacré, d’une part, aux transformations sociales, aux changements
démocratiques et aux réformes qui ont eu lieu sur la rive sud de la Méditerranée (A) et,
d’autre part, aux défis que cette situation présente pour l'UE (B). La conception de la
voie de la modernisation politique et la libéralisation sociale constituent un challenge et
une occasion de dessiner l’avenir de la région euro-méditerranéenne ensemble.

78
S. Gratius, et B. Mikail, La reforma del Estado en los países árabes; FRIDE noviembre 2011.

29
Chapitre A : Bouleversements dans le Monde Arabe et le rôle européen dans la
région

Section 1. Le Printemps arabe « entre ombre et lumière »

Le 14 janvier 2011 la Tunisie a allumé la flamme du changement dans l’ensemble du


monde arabe. Après 23 ans de règne sans partage et 23 jours d'un soulèvement dont la
mort de Mohamed Bouazizi a été le catalyseur, le dictateur Ben Ali a été renversé.
Hosni Moubarak sera le deuxième leader arabe à être chassé et la vague de contestation
se répandra dans le monde arabe. Le jeu de dominos a ainsi atteint le Maroc, le
Bahreïn, le Yémen, la Libye et la Syrie. Cette région a connu des bouleversements sans
précédent qui ont surpris par leur soudaineté et leur ampleur.
Le processus des révolutions arabes est encore inachevé. Entre l’optimisme
démocratique et la grande inquiétude devant le risque d'un islamisme trop radical, le
monde arabe avance vers une ère naissante et incertaine.
Parmi les aspects positifs de ces revendications, on retrouve79 :

- Le fait que des centaines de milliers de gens aient eu le courage et la volonté,


malgré la répression ambiante régnant, de rompre avec le statu quo, et d’envahir
les rues pour exprimer leur indignation contre tous ces régimes autoritaires et
despotiques et pour exiger des réformes.

- Le fait que la plupart des jeunes ayant investi les rues a rejeté le système de
dictature islamiste radicale à l’Iranienne.

- Quatre pays se sont déjà débarrassés de leurs leaders autoritaires : la Tunisie,


l’Égypte, le Yémen et la Libye. Ben Ali s’est exilé. Moubarak est condamné à la
prison à perpétuité. Ali Saleh s’est soumis au projet de transition préparé par les
États du Golfe et est parti aux États-Unis, mais le peuple exige son jugement.
Quant à Kadhafi, il a été lynché à mort.

- La fin probable ou, au minimum, le dépérissement du régime syrien.

Par contre, le côté « ombres » montre :

- L’absence de traditions et de leadership démocratiques capables de prendre


efficacement la relève.

- Les troubles sociaux qui accompagnent ces révoltes ont un impact sur la
situation économique. Des entreprises ont été forcées de freiner leurs activités,
voire de fermer. Les projets d’investissement sont suspendus et les ressources
liées au tourisme baissent. Le chômage est par ailleurs en hausse en raison de ce
ralentissement économique.

79
R. Darmon, Ombres et lumières des bouleversements en cours dans le monde arabe…, Hebdomadaire
Hamodia, 21 décembre 2011, Proche Orient.

30
- La répression brutale contre les masses populaires en effervescence, même de la
part des nouveaux régimes ou des gouvernements de transition en place.

- L’illusion de l’utilisation possible d’Internet et des réseaux sociaux comme arme


invincible de mobilisation des masses musulmanes.

Table 2 Indicateurs États arabes 2011

État Espérance Population Population Population Liberté Violations


de vie urbaine % -15 ans dessous presse DH
2011 2011 2005 seuil (plus bas, (1 = moins
plus de de violations,
pauvreté 5 = plus de
(-1.25$/ jour) liberté)
violations)
Maroc 72.2 58.8 30.3 2.5 41.0 3
Algérie 73.1 67.1 29.6 - 49.6 3
Tunisie 74.5 67.7 26.0 2.6 61.5 3
Libye 74.8 78.1 30.3 - 64.5 3
Égypte 73.2 43.5 33.0 2.0 51.4 4
Syrie 75.9 56.2 36.6 1.7 78.0 4
Bahreïn 75.1 88.7 26.3 - 36.5 2
Yémen 65.5 32.4 45.9 17.5 83.4 1

Sources : UNDP (2009b); UNDP (2010); UNDP (2011); Arab Knowledge Report 2009: Towards
Productive Intercommunication for Knowledge (2009).

Les résultats du soulèvement démocratique arabe sont encore incertains. Certains pays
sont engagés dans un processus de démocratisation. Il y a eu au cours des douze
derniers mois une série de consultations électorales. Lors des premières élections libres
tenues en Tunisie, en Égypte et au Maroc, les partis islamistes sont sortis vainqueurs 80.
Malgré le caractère légitime des monarchies marocaine et jordanienne, on trouve, dans
ces pays, des tentatives de réforme. En Libye, au Yémen, en Syrie, aux manifestations
pacifiques a répondu une répression brutale, de nature à faire basculer ces pays dans la
guerre civile.
Plus d’un an après le déclenchement des révoltes démocratiques, on est encore dans une
période de transition vers un futur non encore identifiable et il est trop tôt pour dresser
un premier bilan. Il est difficile de savoir si cette situation conduira à la mise en place
graduelle de régimes démocratiques, au chaos ou au retour à un système despotique.
L’ONG Amnisty International a publié un rapport sur la situation des droits humains au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord81. Voici un résumé de la situation actuelle des
pays du Printemps arabe :

- Tunisie : Amnesty International reconnaît des améliorations significatives en


Tunisie. Le gouvernement provisoire a manifesté l’intention de la nouvelle
80
B. Khader, Le « printemps arabe » : un premier bilan, Éd. Syllepse, 2012.
81
Amnisty International ; Une année de rébellion: la situation des droits humaines au Moyen-Orient et
en Afrique du Nord, 2012 (accessible sur le site :
http://www.amnesty.org/es/library/asset/MDE01/001/2012/es/24d2cb6c-d739-46da-ab72-
9b1e68fefe5d/mde010012012fr.pdf).

31
Tunisie de respecter les droits humains en ratifiant d’importants traités
internationaux dans ce domaine comme le Statut de Rome, grâce auquel elle
devient membre de la Cour pénale internationale. Il y a eu des réformes du
système judiciaire, une amélioration dans le domaine des droits des femmes
(avec la levée de la plupart des réserves sur la Convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes), l’adoption d’un code
de la presse et les premières élections démocratiques depuis l’indépendance se
sont tenues en octobre. Toutefois, les Tunisiens trouvent que le rythme du
changement a été trop lent.

- Égypte : la contestation dans tout le pays et la détermination des manifestants


ont abouti au renversement d’Hosni Moubarak. Cependant, pendant ces 18 jours
historiques, le régime sortant a commis des violations massives des droits
humains. En février 2011, l’armée a pris le pouvoir et a fixé les étapes du
transfert du pouvoir à un gouvernement civil, avec pour commencer des
élections législatives. Le nouveau régime est loin d’avoir répondu aux espoirs et
aux attentes qui étaient au cœur du soulèvement. Dans l’ensemble il n’y a eu
aucun progrès en matière de garanties de protection des droits de l’homme.
Malgré sa promesse de mettre fin à l’état d’urgence, le Conseil suprême des
forces armées a maintenu et élargi la Loi relative à l’état d’urgence de façon
préjudiciable pour les droits humains. En dépit des promesses de liberté
d’expression, d’association et de réunion, force est de constater que la critique
des nouvelles autorités n’est pas tolérée, que des militants sont pris pour cible et
que des ONG sont menacées d’instructions pénales inquisitrices.

- Libye : l’année 2011 a été décisive pour la Libye. Après environ huit mois de
conflit marqués par des crimes de guerre et des violations flagrantes des droits
humains, les forces d’opposition ont pris le contrôle de l’ensemble du pays. Les
nouvelles autorités sont aujourd’hui confrontées à un énorme défi en cette
période de transition pour le pays, mais elles ont aussi l’occasion unique de
corriger les nombreuses erreurs du passé. Ils doivent construire un pays fondé
sur l’État de droit après quarante-deux ans de dictature, tout en empêchant les
représailles et en impulsant la réconciliation nationale. Parmi les aspects positifs
mérite d'être mentionnée la déclaration constitutionnelle publiée par le Conseil
national de transition consacrant le droit international humanitaire, les droits de
l'homme et d'autres principes comme le respect des libertés fondamentales et le
droit à un procès équitable.

- Maroc : comme réponse aux manifestations demandant des réformes


démocratiques, le roi Mohammed VI a annoncé des amendements
constitutionnels contenant des garanties en matière de droits de l’homme. Ils
interdisent notamment la torture et les traitements inhumains et dégradants. Le
Maroc a également levé ses réserves aux articles 9 alinéa 282 et 1683 de la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes, tout en maintenant d’autres réserves.

82
CEDAW : Les États parties accordent à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui
concerne la nationalité de leurs enfants.
83
CEDAW : Les États parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination
à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux […].

32
- Syrie, Bahreïn, Yémen, Arabie saoudite et Iran : ces pays connaissent encore
des protestations et des soulèvements. Amnesty International met en évidence
l'incapacité de la communauté internationale à s’accorder sur une position
commune contre la répression qui existe dans ces États.

Pour Amnesty International, le rôle de l'Occident dans les révolutions arabes a été
déséquilibré. Cette vague de changement dans les pays arabes est arrivée grâce à des
actions de leurs citoyens qui sont descendus dans les rues et non par l'influence des
puissances étrangères.

Section 2. Les premiers éléments de réponse de l’UE

La mise en œuvre du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), corps


diplomatique visant à accroître la cohérence et l’efficacité de la politique étrangère
européenne, a coïncidé avec le déclenchement des évènements du Printemps arabe, ce
dernier ayant constitué un véritable test pour l’organe.
La première réaction de l’UE a été la déclaration de Mme Ashton, Haute Représentante
de l'Union européenne, et de M. Štefan Füle, le commissaire européen pour
l'Elargissement et la Politique européen de voisinage, à la suite des premiers
soulèvements en Tunisie84. Ces deux représentants de l’Union européenne ont exprimé
leurs préoccupations concernant les événements qui se sont déroulés en Tunisie et ont
fait appel au respect des libertés fondamentales et à la retenue dans l'usage de la force.
Toutefois, les autorités européennes n’avaient pas encore pris un positionnement
commun. Par la suite, « l’incendie tunisien » s’est toutefois propagé à l’Égypte et la
réponse européenne a été inspirée par le souci relatif à l’escalade de la violence85. Par la
suite, l’UE a exprimé « sa détermination à apporter un appui sans réserve aux
processus de transition » et s’est montré « favorable à un nouveau partenariat avec les
pays qui poursuivent des réformes politiques et économiques »86. Dans le cadre de ce
partenariat, le Conseil européen a invité la Haute Représentante à préparer un ensemble
de mesures visant à apporter le soutien des réformes.
Subséquemment, la situation d'agitation en Libye a soulevé la réaction de M. Van
Rompuy, qui condamne « la violence, l'agression et l'intimidation contre les
manifestants libyens » et a appelé l’Union à prendre « sa responsabilité politique et
morale »87.

84
Déclaration de Mme Ashton, Haute Représentante de l'Union, et de M. Štefan Füle, membre de la
Commission européenne chargé de l'élargissement, sur la situation en Tunisie, Bruxelles, 10 janvier 2011.
Accessible sur le site : https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/FR/foraff/
118763.pdf
85
Statement by Herman Van Rompuy, President of the European Council, on the situation in Egypt,
Brussels, 29 January 2011. Accessible sur le site : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_
Data/docs/pressdata/en/ec/118993.pdf.
86
Conseil européen : Déclaration sur l'Égypte et la région, Bruxelles, le 4 février 2011. Accessible sur le
site : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/ec/119171.pdf.
87
Statement by Herman Van Rompuy, President of the European Council, on the developments in the
EU's Southern neighbourhood, Prague, 23 February 2011. Accessible sur le site :
http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ec/119450.pdf.

33
Comme nous l’avons évoqué, l'Union européenne s’est bornée, dans les premiers stades
de la révolte, à condamner l’ampleur de la violence et les actes perpétrés par des
régimes autoritaires comme réaction aux contestations de masse. Elle a, par la suite,
adopté des mesures de soutien en matière d’aide humanitaire, en fournissant une aide
médicale et alimentaire, des abris et autres biens de première nécessité aux réfugiés
libyens qui arrivent en Tunisie ou en Égypte ainsi qu’en déployant des experts aux
frontières séparant la Libye de la Tunisie et de l'Égypte afin d'analyser la crise
humanitaire88.
Devant l’afflux d’immigrés sur le territoire italien en provenance d’Afrique du Nord,
l’agence Frontex a déclenché l’opération conjointe Hermès 2011 pour aider l’Italie à
faire face aux flux migratoires réels et potentiels 89. Cette opération a suscité des débats
concernant l’espace Schengen et le rétablissement du contrôle des frontières suite à la
demande des autorités françaises et italiennes.
Dans la Communication de la Commission européenne et de la Haute Représentante du
8 mars 2011 : « Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le
sud de la Méditerranée », l’Union considère que sa « réaction à la mutation qui
s’opère dans la région doit être plus ciblée, innovante et ambitieuse, et répondre aux
besoins des populations et aux réalités sur le terrain »90. La Communication va
permettre de surmonter le niveau de la réaction immédiate pour jeter les bases d’une
nouvelle stratégie.
La violation flagrante et systématique des droits de l’homme en Libye a conduit à
l’adoption des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de Nations unies. La
réponse de l’UE à l’interdiction du survol de l'espace aérien libyen et au renforcement
de l'application de l'embargo sur les armes a été exprimée dans le cadre d’une
déclaration commune, dans laquelle l’Union européenne s’engage « à mettre en œuvre
cette résolution, dans le cadre de son mandat et de ses compétences »91.

Finalement, l’Union a annoncé une réorientation de la PEV dans la Communication de


la Commission européenne et de la Haute Représentante : « Une stratégie nouvelle à
l’égard d’un voisinage en mutation » dans laquelle l’Union ébauche une nouvelle
approche « définie sur la base d'une responsabilité mutuelle et d'un attachement
commun aux valeurs universelles des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de
droit »92.

88
European Commission Humanitarian Aid and Civil Protection, Libyan crisis. Facts & figures (as of 11
January 2012). Accessible sur le site: http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/libya_factsheet.pdf
89
Commission européenne, Événements en Libye : un aperçu de la réaction de l’UE, 10 mars 2011,
Accessible sur le site : http://www.european-council.europa.eu/home-page/highlights/developments-in-
libya-an-overview-of-the-eus-response-(updated-23-may)?lang=fr.
90
COM (2011) 200 final, p.5.
91
Déclaration commune de Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et de Catherine
Ashton, Haute Représentante de l'UE, relative à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies
sur la Libye, Bruxelles, le 17 mars 2011. Accessible sur le site : http://www.consilium.europa.eu/
uedocs/cms_data/docs/pressdata/FR/foraff/120053.pdf.
92
COM (2011) 303 final, p.2.

34
Section 3 La consolidation de la réforme arabe comme un objectif clé : repenser les
politiques européennes

La discussion sur les réformes dans les États du nord de l’Afrique n'est pas nouvelle.
Les pays du monde arabe ont connu le constitutionnalisme sous la domination
ottomane, suivie du parlementarisme pendant le colonialisme, et le point culminant a été
la vague de libéralisation politique dans les années 1980. Mais les réformes entreprises
pendant ces périodes sont restées dans la décennie 2000 au point mort. Le vent de
liberté du Printemps arabe a soufflé sur ces pays, en octroyant l’opportunité de relancer
le chantier des réformes. La détermination de la nature du nouvel État et du rôle de
l’islam dans la politique constituera une priorité pour avancer vers la démocratie.

On part du fait qu’il existe un consensus sur la nécessité d’une réforme ; mais de quoi
s’agit-il exactement ? Le terme démocratie fait l’objet des débats en tant que c’est un
concept dynamique qui peut varier selon le contexte historique. Pris au sens de la
démocratisation, la réforme sera définie comme le processus de transition de régimes
autoritaires vers des régimes représentatifs. Il s'agit d'une action par laquelle des acteurs
politiques (oppositions, partis, syndicats, etc.) tentent d'accroître, d'élargir ou même
d'implanter des pratiques qui relèvent de la démocratie. Ces processus peuvent réussir
ou échouer93.

Dans une telle ambiance déclenchée par des soulèvements spontanés, quel rôle l’Europe
devrait-elle assumer ? Après les révoltes, certains pays sont entrés dans une phase de
transition politique dont le jeu reste ouvert. Le démantèlement des systèmes despotiques
et la matérialisation des désirs démocratiques sont exclusivement l'affaire des citoyens
de ces États. Si l'Europe prétend se montrer solidaire, elle ne doit pas se borner à
proposer des aides, fût-ce pour la tenue d'élections. C'est toute la stratégie de partenariat
et voisinage qui devra être reconsidérée94. Seul un programme d’accompagnement
paraît donc réaliste. Il convient d’en concrétiser le contenu.
En vertu du principe de non-ingérence les puissances occidentales ne peuvent pas
intervenir dans les situations purement nationales. Les résolutions 1970 et 1973 du
Conseil de sécurité sur la Libye se fondent sur l’exception de la « responsabilité de
protéger »95, mais cela a provoqué la méfiance de nombreux pays qui considèrent telle
exception comme une atteinte à la souveraineté des États. Pour restaurer la confiance
des partenaires les conditions de mise en œuvre de l’exception de la « responsabilité de
protéger » devraient être reformulées conformément à l’esprit du principe de non-
ingérence.
La tâche principale de l’Union européenne serait de redéfinir ses politiques euro-
méditerranéennes. La PEV et l’UpM n'ont pas produit les résultats escomptés. De plus,
les révoltes sociales ont modifié les circonstances : les mesures urgentes ayant des effets
rapides constituent la priorité des gouvernements arabes et la réalisation de nouveaux

93
Perspective Monde, Université de Sherbrooke ; http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BM
Dictionnaire?iddictionnaire=1490.
94
M. Camau, Le Monde, 19 janvier 2011.
95
H. Meghlaoui, Intervention militaire en Libye, entre légalité et légitimité, L'Expression du 28 mars
2011.

35
projets n’est plus considérée un besoin. Un changement majeur dans le paradigme de
l'engagement européen est la reconnaissance que les politiques reposaient, dans le passé,
sur le présupposé que l'autoritarisme était le rempart contre le terrorisme, le
fondamentalisme islamique et l’immigration96. Il faut repenser les politiques existants
pour qu’elles puissent servir de cadre aux actions de coopération.
Devant cette situation confuse, l'UE a avancé avec précaution et ses réponses ont eu peu
d’impact. La révision de la PEV, actuellement en cours, a mis en évidence la nécessité
« d’approfondir la démocratie » et d'assurer un « développement durable »97. La
Commission européenne et la Haute Représentante ont présenté deux communications :
« Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la
Méditerranée »98 et « Une stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation »99, la
dernière étant une révision prévue de la PEV démarrée avant le début du soulèvement.
Les deux communications sont l'épine dorsale de la réponse de l'UE au Printemps arabe.
Elles décrivent un ensemble détaillé d'instruments et de programmes visant à soutenir la
transition démocratique (moyennant le Fond européen pour la démocratie)100, à
renforcer la société civile (avec la facilité dédiée à la société civile)101, à encourager le
développement économique durable et la croissance (moyennant la mise en place de
zones de libre-échange complet et approfondi)102 et à faciliter la mobilité humaine (avec
le développement des partenariats pour la mobilité existants et l’assouplissement des
formalités d'octroi des visas)103.
La substance de la nouvelle approche de la PEV repose sur une définition plus détaillée
de la conditionnalité politique et des attentes démocratiques. De même, la nouvelle
approche soutient104 :

- La différenciation : la nouvelle stratégie souligne le besoin des stratégies sur


mesure et des relations bilatérales car le niveau d’intégration avec l’Union
européenne ne sera pas égal pour tous les États partenaires.

- La conditionnalité positive : la proposition d'aide, par la suite, dépendra de


l’amélioration de la situation des droits de l’homme et de la gouvernance par
rapport à un modèle de référence à définir. La tenue des élections dûment
contrôlées, libres et justes constituera une condition préalable pour l’obtention
de l’aide. Ce principe consistera à « donner plus pour recevoir plus ».

- La conditionnalité négative : la nouvelle approche prévoit une utilisation plus


large de sanctions ciblées et de mesures de restrictions pour lutter contre les
violations des droits de l’homme et des principes démocratiques.

96
R. Balfour, The Arab Spring, the changing Mediterranean, and the EU: tools as a substitute for
strategy, European Policy Centre, juin 2011, p.2.
97
COM(2011) 303, p.1.
98
COM(2011) 200 final (accessible sur le site :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0200:FIN:fr:PDF).
99
COM(2011) 303 (accessible sur le site : http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/com_11_303_fr.pdf).
100
COM(2011) 303, p.4.
101
Ibíd, p.5.
102
Ibíd, p.9.
103
Ibíd, p.13.
104
T. Behr, Après la révolution : l’UE et la transition arabe, Notre Europe, Policy paper nº 54, p.9.

36
- La coordination : l’UE envisage une meilleure coordination de l’aide avec les
États membres de l’Union européenne et surtout avec la Banque européenne
d’investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le
développement (BERD).

Le slogan de ces initiatives comprend une « démocratie profonde » comme la nouvelle


aspiration à la suite des demandes de ceux qui ont changé les perspectives de l'Afrique
du Nord et du Moyen-Orient. Le moyen d'y parvenir est d'offrir un ensemble
d'incitations plus attrayantes en termes d'argent, d’accès aux marchés et de mobilité («
Trois M » de Catherine Ashton : money, market access et mobility). Ensemble, ces trois
éléments sont censés apporter les ressources nécessaires pour permettre un changement
durable105.

Concernant l'UpM, elle a introduit une nouvelle logique dans les relations euro-
méditerranéennes qui constitue un cadre institutionnel ambitieux pour la coopération
régionale. Toutefois, l’UpM a brillé par son absence et son silence pendant le
Printemps arabe, et pour cause l’un de ses deux coprésidents Hosni Moubarak était l’un
des principaux dirigeants visés par le soulèvement.

Des réformes institutionnelles sont nécessaires pour aider l'UpM à réaliser son potentiel
en tant que cadre multilatéral de co-développement106 : la levée de la règle du consensus
dans la prise de décision ; l'attribution de la co-présidence du Nord à l'UE en conformité
avec les dispositions du traité de Lisbonne ; favoriser la participation des pays arabes
méditerranéens dans le budget du Secrétariat et étendre son mandat à la gestion des
subventions des mécanismes de financement mixtes ; la création d'un cadre pour
intégrer les organisations de la société civile dans le partenariat et la coordination avec
la politique communautaire de coopération régionale. Ce sont toutes les étapes de la
procédure tendant à insuffler une nouvelle dynamique aux relations euro-
méditerranéennes.

Une autre question à résoudre est l’intégration de l’Islam, qui pourrait configurer une
démocratie musulmane, comme il y a une démocratie chrétienne. Il faut oublier la
l’alternative entre l’Islam et la démocratie, montrant leur compatibilité compte tenu de
la tradition religieuse, historique et culturelle de ces États. Rached Ghannouchi, leader
du mouvement tunisien Ennahdha, a rappelé lors de son intervention au congrès
« Printemps arabe. Vers un nouveau pacte national »107, que l'Europe a vécu au XXe
siècle l'expérience de cruelles dictatures « laïques », dont elle a vaincu grâce aux partis
de forte inspiration religieuse, lesquels ont donné un élan décisif à la renaissance de la
démocratie. « Le Printemps arabe a définitivement inauguré la saison de l'union entre
Islam et démocratie », a-t-il affirmé, rappelant notamment que « construire une
démocratie est une œuvre plus difficile et plus complexe que détruire une dictature ». Il
donne l’exemple de la Tunisie, où les divergences entre musulmans et laïques ne sont
plus insurmontables.

105
R. Balfour, EU Conditionality after the Arab Spring, Papers IEMed. 16, juin 2012.
106
R. Ayadi et S. Gadi, The Future of Euro-Mediterranean Regional Cooperation: The Role of the Union
for the Mediterranean, Papers IEMed nº7, novembre 2011, p.23.
107
Primavera Araba. Verso un nuovo patto nazionale : Rashid Ghannushi. Roma, 29 février 2012. Sant
Egidio Web TV :
http://www.santegidio.org/pageID/3/langID/fr/itemID/4637/Andrea_Riccardi_Rached_Ghannouchi.html

37
Chapitre B : Les défis pour l’Europe

Section 1. La transition démocratique d’autres États comme modèle à suivre pour le


Monde Arabe

L’année 2011 restera inoubliable pour les pays du sud de la Méditerranée. Les
soulèvements du Printemps arabe ont ouvert une nouvelle porte sur l’espérance des
peuples qui ne tolèrent plus la corruption généralisée, les détournements de fonds
publics, le népotisme, les pouvoirs assis sur la répression policière, et qui aspirent à une
nouvelle ère démocratique, fondée sur l’État de droit et les droits de l’homme.

L’Afrique du Nord était un scénario de profondes inégalités et d’exclusion sociale,


politique et économique, où les gens réclamaient une transformation permettant
l’ouverture de nouveaux espaces et mécanismes d’expression. Le chômage des jeunes
diplômés, la hausse des prix des produits de base et les réseaux sociales et médias sont
le fil conducteur de ces protestations. Mirjam van Reisen, conseillère en politique
extérieure européenne, voit un parallélisme entre ces évènements et la chute du mur de
Berlin en 1989. Tout comme dans la Méditerranée, les contestations de masse dans les
pays de l’Est européen ont été causées par l'exclusion politique et sociale de la majorité
de la population, non comme une réaction à la réalité géopolitique de l'époque. Elle
estime qu’il s’agit de la « chute du Mur du Sud »108.
Cet ensemble de manifestations populaires est connu sous l'expression de
« Printemps arabe », qui fait référence au « Printemps des peuples » de 1848 qui a agité
l’Europe. En 1848, une série de révoltes populaires éclatent en Europe et la France vit
une période marquée par des convulsions qui donnera naissance à la Deuxième
République. Dans l’Europe de 1848 comme dans le monde arabe du XXIe siècle, des
peuples se soulèvent contre un régime.
Au cours de l’histoire, des autres expériences de transition démocratique ont été
examinées. L’Union européenne n’a jamais tenté d’orchestrer le revirement des
gouvernements autoritaires dans aucun pays, mais elle est intervenue dans les processus
de démocratisation moyennant l’aide, les échanges et la négociation diplomatique. Ces
outils pourraient être utilisés pour établir les ciments de la démocratie, mais n’ont pas
comme résultat la chute de leaders dictatoriaux. On va prendre comme exemple ces
pays où les transitions ont été un succès en tant qu’ils bénéficient aujourd’hui d’une
démocratie consolidée.
Dans les États ex-communistes d’Europe centrale et orientale, la chute du Mur de Berlin
en octobre 1989 et l’effet domino ont entraîné l’effondrement du bloc communiste en
Europe. Les pays ex-communistes appartenaient à un même bloc qui a dû faire face aux
révoltes qui ont ouvert une voie pour des changements historiques. Evidemment, les
circonstances des pays de la rive sud sont différentes, dans la mesure où ils ont leurs
propres spécificités. Cependant, ce qui définit l’ensemble de ces États est l’existence
d’une mouvance islamiste avec un rôle à jouer dans la transition.

108
M. Van Reisen, Vies parallèles : Le Caire-Berlin , Nouvelles de Social Watch, 4 février 2011.

38
Pendant la Guerre Froide, on a parlé de « l’insurrection de Budapest », lorsque des
étudiants hongrois ont lancé en octobre 1956 une révolte contre la République populaire
de Hongrie et ses politiques imposées par l’Union Soviétique. De même, « le Printemps
de Prague » en 1968 introduit un « socialisme à visage humain » sous la forme de
certaines libertés individuelles en Tchécoslovaquie. Mais, dans quelle mesure les États
méditerranéens peuvent-ils tirer leçon des expériences de ceux de l’Europe centrale et
orientale ?
Il y a des parallélismes entre les soulèvements de 1989 et 2011 qui nous permettent faire
une comparaison : l’ampleur des événements qui ont touchés plusieurs pays d’une
même « aire politico-culturelle » et la rapidité et l’issue des effondrements des régimes
(le passage possible à la démocratie)109.
Dans les pays ex-communistes, l’aide hétérogène de l’UE et leur adhésion à l’Union ont
tracé la voie vers la démocratisation. L’UE a imposé une politique de conditionnalité
considérant la démocratie comme une condition préalable à l’adhésion. Ce système a
réussi parce que les incitations étaient attrayantes et il existait un lien direct entre
l’accomplissement de la condition et l’adhésion à l’Union européenne. C’est la raison
pour laquelle la politique d’élargissement européenne peut être considérée comme un
succès.
Toutefois, il faut préciser que le contexte international était singulier : la fin de la
Guerre Froide. Les États-Unis et l’Europe occidentale entrevoyaient une transformation
du régime et y voyaient un affaiblissement de leur ennemi. Contrairement à l’Europe de
l’Est où l’issue semblait prévisible, les puissances occidentales craignent l’incertitude
islamiste.
Si la plupart des pays d’Europe de l’Est ont suivi la voie démocratique, peut-on
envisager un scénario analogue pour les pays du monde arabe? Cela semble être le désir
de certains nouveaux dirigeants des pays arabes. On peut citer comme exemple le fait
que des délégués des pays méditerranéens du sud se sont rendus en Pologne, invités par
le ministère des Affaires Etrangères, afin de suivre le déroulement des élections
législatives. Les quinze responsables tunisiens, libyens et égyptiens espéraient pouvoir
comparer, apprendre les bonnes méthodes et appliquer des mécanismes similaires pour
garantir la tenue d’élections libres et justes110. Par ailleurs, le chef historique du syndicat
polonais Solidarité111 Lech Walesa s’est rendu en Tunisie au mois d’avril 2011 pour
soutenir les transformations démocratiques et apporter son savoir-faire à ce pays.
L’Espagne c’est un autre exemple de transition démocratique, où le franquisme a été
progressivement remplacé par un régime démocratique. À la mort de Franco, le 20
novembre 1975, différentes forces politiques étaient prêtes à lui succéder : ceux qui
109
J. Heurtaux, compte rendu de la Conférence de la Chaire Géopolitique du 10 avril 2012 Le
« printemps arabe » de 2011 est-il comparable à « l’automne des peuples » européens de 1989 ?,
Fondation Dauphine. Accesible dans le site : http://chairegeopolitique.fondation.dauphine.fr/wp-
content/uploads/2012/04/Compte-rendu-conf%C3%A9rence-J-Heurtaux.pdf
110
N. Gentaz, How to share experiences of transformations : from the fall of the Iron Curtain to the Arab
Spring ; Ideas for developpement. Blog. Accessible sur le site :
http://www.ideas4development.org/en/post/article/how-to-share-experiences-of-transformations-from-
the-fall-of-the-iron-curtain-to-the-arab-spring.html (consulté le 5 mai 2012)
111
Solidarność est une fédération de syndicats polonais fondée le 31 août 1980. Solidarność fut un
mouvement pacifiste qui renonçait par principe au recours à la violence dans la solution des conflits
collectifs. Il menait son activité faisant appel aux principes de solidarité sociale et aux valeurs morales
dans la vie publique.

39
souhaitaient la continuité du modèle franquiste et s’appuyaient sur les anciennes
institutions franquistes et l’armée ; ceux qui défendaient un projet réformiste, mais une
démocratie limitée ; et le modèle rupturiste des partis d’opposition au franquisme. Deux
jours après la mort de Franco, Juan Carlos est proclamé roi d’Espagne et est devenu le
chef de l’État. Le roi voulait suivre une ligne politique réformiste et a nommé Adolfo
Suárez Président du Gouvernement en 1976. Adolfo Suárez a adopté des réformes
essentielles qui ont préparé le chemin vers les élections démocratiques en 1982.
La transition espagnole est exemplaire parce qu’elle est une transition négociée, rapide
et pacifique112. Elle se fonde sur des négociations entre les élites du franquisme et
l’opposition politique, sur le consensus et sur la volonté de réconciliation nationale.
En outre, l’Europe n'avait pas attendu la mort de Franco pour aider à la démocratisation
de l'Espagne. Il y avait eu des efforts considérables vis-à-vis des militants espagnols,
plus ou moins persécutés, pour les préparer à prendre en charge des responsabilités
étatiques après la mort de Franco113.
La transition espagnole a été une référence pour d'autres processus de transition
politique114 ; mais il est important de souligner qu’il s’agit d’une référence, non d’un
modèle à suivre. Chaque pays dispose de traditions historiques, culturelles et politiques
particulières, spécificités auxquelles doivent être adaptés la politique et les changements
institutionnels. Néanmoins, les changements doivent se produire avec une certaine
rapidité, en particulier le renouvellement des élites politiques, la réforme des forces
armées, la tenue des élections et l’adoption d'une nouvelle constitution. Cela configure
le cadre pour éviter les résistances des secteurs plus conservateurs.

Section 2. L’accompagnement vers la démocratie dans le contexte actuel

Après cette analyse, la question qui se pose est de savoir comment l’Union européenne
pourrait-elle accompagner les pays touchés par le Printemps arabe dans le chemin vers
la démocratie dans ce paysage complexe et varié.
Pour faire face à ce défi, l’UE est confrontée à plusieurs risques parmi lesquels on peut
retenir :

- L'immobilisme politique. Il existe le risque que la situation reste identique,


qu’une élite soit remplacée par une autre. Donc, il faut non seulement soutenir
les réformateurs, mais aussi aider à élaborer des règles institutionnelles pour
empêcher la sphère politique de « recoloniser » les institutions de l'État.

- La facilitation de l'arrivée au pouvoir de formations islamistes radicales. Cette


question a fait l’objet de nombreux débats. Pour certains analystes « ces
formations constituent la principale force d’opposition aux régimes autoritaires,

112
C. Demange, La Transition espagnole : grands récits et état de la question historiographique, ILCEA.
Accessible sur le site : http://ilcea.revues.org/index874.html. (consulté le 5 mai 2012)
113
M. Belkaïd, intervention lors de la conférence L’Union européenne et les « révoltes arabes » : quel
rôle ? quel(s) impact(s) , 28 avril 2011, Maison de l’Europe de Paris.
114
A. Segura, The Spanish Transition and the Arab Spring, Papers IEMed/EuroMeSCo 2012; p. 26.
Accessible sur le site : http://www.iemed.org/publicacions-en/historic-de-publicacions/papersiemed-
euromesco/the-spanish-transition-and-the-arab-spring

40
la mieux organisée et la mieux implantée »115. Contrairement, des autres auteurs
soutiennent que « malgré leur rhétorique favorable au pluralisme, les partis
islamistes ne peuvent pas jouer le jeu de la démocratie »116

- L'afflux d'immigrés vers l'Italie a fait naître la crainte d'une vague d'immigration
massive. La réponse européenne a été le déclenchement de l’opération Hermès,
citée précédemment.

- Les problèmes potentiels d'approvisionnement de gaz et pétrole provenant des


États de l’arc arabo-persique. Les pays importateurs risquent d’être confrontés à
une augmentation éventuelle des prix du pétrole pouvant découler d’un choc
régional de l’offre. Ce choc et l’intensification de la crise de la zone euro
auraient de profondes répercussions sur l’activité sur les soldes extérieurs des
pays importateurs de pétrole117.

Une fois que les risques ont été exposés, quels sont les grands domaines dans lesquels
l’UE peut et/ou doit aider ? Tout d'abord, l’Union doit reconnaître que les processus de
démocratisation dans les pays arabes seront développés principalement par les
politiciens et les citoyens arabes. Les transitions démocratiques antérieures dans d'autres
pays montrent que, bien que les actions de certains acteurs internationales jouent un rôle
important, celles-ci ne sont pas des facteurs déterminants dans ces processus. Cela ne
signifie pas pour autant que l’UE ne puisse pas fournir des contributions positives à la
démocratisation.

Il y a un équilibre fragile entre l'encouragement au processus démocratique et les


pressions de caractère théocratique lors de la construction de nouveaux modèles d'État
dans les pays du Printemps arabe. L’Union européenne a dû accepter qu’aujourd’hui les
partis islamistes modérés n’aient pas de rival dans leurs capacités organisationnelles et
la mobilisation politique. Devant ce panorama l’UE peut opérer dans divers domaines :

- Mission d’assistance et d’observation électorale :

Le développement durable et la démocratie réelle sont fondés sur des élections libres et
équitables. Le soutien des processus électoraux, y compris une assistance technique aux
autorités électorales et aux observateurs nationaux impartiaux, ainsi que le déploiement
de missions d’observation électorale de l’Union européenne, est un élément clé de la
politique extérieure de l’UE118.

L’exercice de l’observation électorale est régi par la Communication de la Commission


sur les missions d'assistance et d'observation électorales de l’UE119 qui définit

115
J-F, Lépine, Jean-François et V. Romani, « Islam et démocratie : entre la crainte et l'espoir »,
Magazine Inter-, Printemps 2012, volume 10, p.29.
116
D. Benhabib, « Islam et démocratie : entre la crainte et l'espoir », Magazine Inter-, Printemps 2012,
volume 10, p.30.
117
Fonds Monétaire International ; Perspectives économiques régionales, Département Moyen-Orient et
Asie Centrale, avril 2012, p.5-6. Accessible sur le site : http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/
reo/2012/mcd/mena-update0412f.pdf.
118
A. Eriksson, Manuel des missions d’observation électorale de l’UE, The Swedish International
Development Cooperation Agency, p.1.
119
COM(2000) 191 final. Accessible sur le site : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?
uri=COM:2000:0191:FIN:FR:PDF.

41
l’assistance électorale comme « l'aide technique ou matérielle apportée lors du
processus électoral. Il peut s'agir d'un soutien professionnel pour aider à définir un
cadre juridique pour les élections, d'un coup de pouce général donné à la commission
nationale des élections […] ou en l'aidant à effectuer l'inscription des partis politiques
et des électeurs »120. L'observation électorale est considérée comme un complément de
l'assistance électorale sur le plan politique. Elle est définie comme « le recueil
d'informations concernant le processus électoral et le fait de rendre des avis autorisés
sur la conduite de ce processus sur la base des informations recueillies par des
personnes qui n'ont pas qualité pour intervenir dans ce processus »121.

La politique d'observation entraîne un certain niveau de légitimation, contribue à


instaurer la confiance et décourage toujours la fraude122. L’Union doit aider les autorités
des États d'accueil à établir et à maintenir des structures nationales indépendantes pour
la tenue d'élections, fondées sur la démocratie, l'État de droit et le respect des droits
humains ; encourageant le pluralisme et apportant un soutien, le cas échéant, aux
commissions électorales nationales ainsi qu'aux ONG et aux organisations de la société
civile concernées par l'éducation civique et des électeurs123.

Dans ce domaine, l’Union européenne a déployé une mission d’observation électorale


en Tunisie en vue des élections de l'Assemblée Constituante du 23 octobre 2011. Les
130 observateurs ont analysé les préparatifs pré-électoraux et la campagne électorale,
ainsi que le scrutin, le dépouillement, la publication des résultats et le suivi des
élections. Les observateurs ont évalué positivement les opérations électorales124.

- Consolidation de la démocratie et de l’État de droit :

Le rôle de l'Europe est d'aider, d’accompagner et de coopérer, et non d’imposer des


rythmes et des modèles. L’existence d’une démocratie repose sur toute une série
d’éléments indispensables, mais le système doit être adapté à la réalité, l'histoire et les
traditions des peuples. Parmi ces éléments essentiels, on trouve les principes de liberté,
de pluralisme, d’égalité devant la loi, le respect et la garantie des droits de l’homme et
des libertés fondamentales et la séparation effective des pouvoirs.

Les processus démocratiques n'auront aucune crédibilité si des réformes politiques et


institutionnelles ne sont pas mises en œuvre. Ces réformes devraient constituer le corps
des nouvelles constitutions qui garantissent les principes auparavant mentionnés. Dans
ce domaine le droit comparé pourrait jouer un rôle important. Des experts en droit
constitutionnel pourraient aider à la rédaction de constitutions et répondre aux questions
de caractère académique.

- Renforcement des institutions :

La transformation des anciens régimes en démocraties est un processus complexe qui


implique un renforcement institutionnel. Un tel renforcement est coûteux et les États

120
COM (2000) 191 final, p.6.
121
Ibíd
122
Ibíd, p.15
123
Ibíd,
124
Conclusions préliminaires de la Mission d’observation électorale en Tunisie 2011. Accessible sur le
site : http://eeas.europa.eu/eueom/pdf/missions/declaration-preliminaire-moe-ue-251011_fr.pdf.

42
concernés ne peuvent pas toujours faire face aux investissements. L’une des réponses de
la communauté internationale a été le « Partenariat de Deauville »125, par lequel les pays
membres du G8 s’engagent à accroître les facilités de prêts au profit des pays du
partenariat méridional ayant amorcé une transition démocratique 126.

Lancé par la présidence française du G8 en 2011, le Partenariat est considéré comme un


« Plan Marshall » pour les pays du Sud. Ce plan d’aide offre un soutien politique et
économique fort et réunit les pays du G8, l’Union européenne, cinq puissances
régionales : Turquie, Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabes Unis et Koweït ; ainsi que
cinq pays partenaires : le Maroc, la Jordanie, la Tunisie, l’Égypte et, depuis le 20
septembre 2011, la Libye.

On trouve déjà des exemples de la réaction de l’Union européenne pays par pays127 :

- En Tunisie, le soutien de l’Union s’est manifesté dans les visites de haut niveau
et la mise à disposition des instruments financiers. En outre, une mission
électorale a été envoyée lors des élections.

- En Égypte, l’UE a revendiqué le respect du droit de manifester des égyptiens et


a proposé l’envoi d’une mission d’observation pour les élections, mais le
gouvernement de transition a décliné l’offre.

- En Libye, la violente répression des protestations par le régime du colonel


Kadhafi a conduit l’UE à suspendre la coopération technique ainsi que les
négociations sur l’accord-cadre UE-Libye. Elle a fermement condamné les
violations flagrantes des droits de l’homme et a déployé des experts dans le
domaine de la sécurité, des communications, des passations de marchés, de la
société civile et de la gestion des frontières.

- Au Bahreïn, l’Union européenne a revendiqué le rôle fondamental du dialogue


dans le processus de démocratisation. Après la brutale répression, un envoyé
européen a été dépêché à Manama et a agi comme l’interlocuteur de l’Union
avec le régime bahreïnien. La pression exercée par l’UE et d’autres
organisations internationales a donné des résultats concrets tels que la révision
de procès des tribunaux militaires.

- Au Yémen, Mme Catherine Ashton a été en contact avec les principaux


membres du régime et ses opposants afin de faciliter une passation pacifique de
pouvoir.

- En Syrie, l’Union européenne a condamné la brutale répression du régime de


Bashar al-Assad et a décrété l’embargo sur les armes, le gel de des avoirs et la
suspension des programmes de coopération bilatérale.

125
Déclaration du G8 sur les Printemps Arabes, Sommet du G8 de Deauville, 26-27 Mai 2011.
Accessible sur le site : http://www.g8-g20.com/g8-g20/g8/francais/en-direct/actualites/declaration-du-g8-
sur-les-printemps-arabes.1315.html.
126
Rapport sur la révision de la politique européenne de voisinage (2011/2157(INI), Commission des
affaires étrangères, 24 novembre 2011.
127
La réaction de l’UE au printemps arabe, Press release RAPID, 16 décembre 2011. Accessible dans le
site : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/11/918&format=HTML&aged
=1&language=FR&guiLanguage=en (consultée le 11 août 2012).

43
- Au Maroc, l’Union a applaudi les réformes proposées dans la nouvelle
constitution et a déployé une mission d’experts lors des élections législatives.

- En Jordanie, l’UE a salué l’adoption d’amendements à la constitution adoptés


par le parlement jordanien et Mme Ashton a déclaré que l’Union était prête à
aider ce pays sur la voie des réformes.

Il serait également intéressant de connaître l’avis du Conseil de l'Europe128. Cette


organisation propose une révision profonde des relations et des politiques existantes du
Conseil de l'Europe avec ses voisins et la définition des priorités stratégiques sur le
développement de ces relations à l'avenir. Le « Projet pour renforcer la démocratie
dans la région du sud de la Méditerranée » a été conclu en janvier 2012, dont les
principaux objectifs sont :

- Le renforcement de l'indépendance et l'efficacité de la justice : il faut reformer


les performances des tribunaux et faciliter la réforme judiciaire. Plusieurs efforts
ont été déjà envisagés comme c’est le cas du Maroc, où le projet cherche à
soutenir les tentatives de réforme judiciaire après l’adoption de la nouvelle
constitution en juillet 2011.

- La promotion de la bonne gouvernance, spécialement en matière de prévention


de la corruption et du blanchiment de capitaux : le Conseil de l’Europe offre son
aide pour identifier les domaines prioritaires pour une réforme en matière de
prévention et de répression et le renforcement des capacités institutionnelles.

- Le renforcement et la protection des droits de l'homme : le programme envisage


la lutte contre la traite des êtres humains conformément aux dispositions de la
Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
et d'autres instruments internationaux.

- La promotion des valeurs démocratiques dans la région : le projet entend


impulser les valeurs démocratiques auprès des mandataires des gouvernements,
des futurs décideurs, des jeunes et de la société civile.

Le projet fait partie d’un accord signé par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne,
qui ont joint leurs forces dans ce programme de 4,8 millions d’euros. Il sera en premier
lieu déployé au Maroc et en Tunisie, et certaines initiatives seront mises en œuvre
dans toute la région pour une période de trois ans129. Cette signature marque une
nouvelle étape dans le partenariat stratégique entre les deux organisations.
Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, considère que « le
partenariat avec l’Union européenne nous permet de joindre nos forces dans cette

128
Conseil de l’Europe, Fiche d’information « La politique de voisinage du Conseil de l'Europe et le
printemps arabe ». Accessible dans le site :
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=FS+50&Language=lanFrench&Ver=original&BackColorInternet=
C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383
129
Council of Europe, Press release, DC006(2012), Secretary General Jagland and Commissioner Füle
sign the Programme for strengthening democratic reform in the Southern Mediterranean. Accessible dans
le site :
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=DCPR006(2012)&Language=lanEnglish&Ver=original&BackColo
rInternet=F5CA75&BackColorIntranet=F5CA75&BackColorLogged=A9BACE

44
mission capitale et il fera profiter les pays du voisinage de l’expertise du Conseil de
l’Europe en matière de soutien à la transformation politique et démocratique »130.
Le commissaire Štefan Füle a déclaré que « ce programme vient compléter la réponse
globale de l’UE au Printemps arabe en soutenant les pays qui souhaitent apporter des
transformations et réformes en réponse aux aspirations de leurs citoyens, lesquels
réclament davantage de droits démocratiques, de dignité et de prospérité. Nous
souhaitons nous baser sur la longue expérience du Conseil de l’Europepour guider ces
nouvelles démocraties vulnérables dans des sujets sensibles de politique et de
gouvernance »131.

Section 3. Qu'est-ce que les Arabes attendent de l’Europe?

Le monde arabo-musulman a été confronté à des tensions politiques et sociales depuis la


modernisation a débuté dans la région. Toutefois, cette modernisation partielle n’a pas
permis aux États arabes de rattraper l'Occident. Cela a conduit à des aspirations élevées
et à une pression accrue sur les jeunes pour réussir dans l'éducation, lancer leurs
carrières et devenir riches. Cependant, elle n'a pas fourni d'occasions pour que ces
aspirations puissent être réalisées.

Ces contradictions ont créé une réaction violente contre la modernisation et


« l'occidentalisation ». L'émergence du fondamentalisme islamique en est d’ailleurs la
manifestation la plus visible. Mais seule une minorité a rejoint la vague
fondamentaliste, la grande majorité attend encore un changement. Ce sont les jeunes
ayant des aspirations progressistes qui ont commencé les révoltes pour éloigner
l’immutabilité.
Pour ancrer le développement démocratique, des Arabes attendent de la part de l’Europe
une seule offre claire sur le statut futur, avec des mesures progressives permettant
d’atteindre celui-ci. Dans la situation actuelle, il y a des propositions de partenariats
dans différents domaines, mais il manque une vision globale à long terme132.
En outre, les nouvelles initiatives reproduisent le déséquilibre inhérent aux relations
entre l’UE et les pays arabes. Ainsi, en dépit de leur caractère positif et de l’accent mis
sur la nécessité d'un « partenariat renforcé avec les populations »133, les nouvelles
initiatives sont des mesures purement européennes implémentées dans la région sans un
dialogue préalable et qui perpétuent la même erreur : l’unilatéralité.
Certains auteurs134demandent à l’UE de partager les meilleures pratiques et de fournir la
formation et l’assistance technique et financière aux nouveaux gouvernements, ainsi
qu’à la société civile. Cependant, une critique fréquente est que malgré les promesses de

130
Ibíd.
131
Ibíd.
132
A. Khakee, Tunisia’s democratization : is Europe rising to the occasion?, Policy Brief FRIDE, nº 80,
Juin 2011, p.5.
133
COM (2011) 200 final, p.3.
134
P. Frisch et A. Kandil, The Arab Spring one year later: voices from North Africa, Middle East and
Europe, EPC ISSUE PAPER nº69, juillet 2012.

45
l’Union, il n’y a pas eu de changements significatifs. Le chercheur Ahmed Kandil135 fait
appel à la collaboration de l’UE dans plusieurs domaines :

- Formation et assistance : la police et les agents de sécurité pourraient participer à


des programmes de formation dans l'UE, y compris sur la sécurité électorale et la
promotion de la transparence et de la responsabilité dans le développement des
institutions de sécurité. En outre, des experts en sécurité européens pourraient
également visiter les pays qui ont souffert des révoltes afin d'expliquer à leurs
homologues du Sud comment ils pourraient faire face à des défis communs à
l'ordre public.

- Soutien à la société civile : l'Union européenne pourrait jouer un rôle crucial en


soutenant et en aidant la société civile en général et les ONG en particulier avec
plusieurs projets, tels que l'établissement d'un système de prisons standardisés, la
réinsertion des prisonniers ou la sensibilisation du public aux questions
sécuritaires.

- Savoir-faire : l’UE pourrait donner des conseils utiles sur la façon de traiter avec
les membres de l'élite de la sécurité qui sont encore fidèles à l'ancien régime et la
manière de les remplacer progressivement par une nouvelle génération de
fonctionnaires, sans avoir un impact négatif sur la situation de la sécurité.

D’autres auteurs136 sont au contraire plus critiques face au rôle de l’Europe et


préconisent la nécessité d'un nouveau paradigme. L'UE met l'accent sur la façon dont
elle devrait faire pour promouvoir davantage un véritable partenariat, être plus généreux
et moins intéressée, écouter les voix locales et mieux comprendre les diverses formes
d'organisation politique. Le politologue Richard Young, très drastique, considère que les
Arabes cherchent « l'argent européen » et la « liberté de travailler sur le continent
voisin », mais qu’ils « ne sont plus impressionnés par des discours ambigus sur les
partenariats culturels et communautés partagées »137.

135
A. Kandil, op.cit. p.17-18.
136
F. Gerges, G. Bahgat et R. Khalidi, La Vanguardia Dossier, nº 39, 2011 La revuelta árabe.
137
R. Young, La UE y la primavera árabe: de la generosidad a la geoestrategia, Policy Brief FRIDE nº
64, Octobre 2011p.2.

46
CONCLUSIONS

La stabilité en Méditerranée a été, est et sera, un intérêt partagé pour nombreux acteurs
qui interagissent dans cette vaste région géographique. La recherche permanente de
solutions aux déséquilibres a donné lieu à différentes approches dans le traitement de ce
sujet avec un point commun : la question sécuritaire.
Pendant des décennies la sécurité a été la cible privilégiée par les politiques
européennes dans la région, en laissant de côté les questions de l’État de droit, la bonne
gouvernance et la protection des droits humains. La démocratisation de la rive sud ne
constituait pas une priorité pour l’UE, qui préférait la stabilité forcée par l’autoritarisme
politique au déclenchement des vagues révolutionnaires.
Depuis 1995, l’UE a élargi son esprit de coopération et la création d’un « espace de
paix, de stabilité et de prospérité » constitue le fondement du cadre dans lequel
s’inscrivent les rapports entre les deux rives de la Méditerranée : la « politique
européenne de voisinage » et la « Union pour la Méditerranée ».
Le Printemps arabe a été le phénomène le plus prometteur des dernières années et a
montré à l’Union européenne certains défis à relever dans ses politiques euro-
méditerranéennes. Les transformations politiques et économiques en cours dans la
région suite au Printemps arabe marquent un tournant incontestable dans l'histoire de la
région. Néanmoins, de nombreux défis importants restent à relever, parmi lesquels la
réforme démocratique, l’acceptation du pluralisme politique et le développement
inclusif semblent particulièrement exigeants.
Devant ce panorama changeant certains risques existent, mais il n’y a pas lieu de les
exagérer, car ces menaces deviendront difficilement une réalité. Il y a un double enjeu :
politique et socio-économique. Pour l’enjeu politique, la démocratisation doit être située
à la tête des intérêts et des préoccupations de l'Union, ce qui passe nécessairement par
un processus d’apprentissage et la recherche d’un idéal d’évolution démocratique, car il
n’existe pas de modèle transposable mais il doit s’adapter aux spécificités de chaque
État. L’enjeu socio-économique envisage la création d’une zone de prospérité partagée,
condition préalable au développement durable de la région.
L’UpM et la PEV doivent se faire l’écho et inclure dans leurs textes des réformes et des
mesures visant à soutenir le processus de constitutionnalisation.
L’UpM a été confrontée à de graves difficultés dès l'instant où elle est née. Afin de
surmonter les désaccords inhérents à la région, la Déclaration de Paris a établi six
objectifs prioritaires (environnement, transports, protection civile, énergies de
substitution, éducation, et économie) et l’idée était de faire progresser la coopération à
travers des projets concrets dans ces domaines. Cependant, ce forum a été submergé par
des problèmes découlant du manque de financement et de la nouvelle réalité imposée
par les évènements du Printemps arabe.

Dans le contexte actuel, il faudrait une reformulation des structures et des projets de
l’UpM, sans oublier les priorités de la Déclaration de Paris, en privilégiant toutefois les
questions liées à la démocratie afin d’impliquer à la société civile. Le programme
d'action doit être adapté à la nouvelle situation régionale à travers la promotion de
projets de coopération dans le domaine de la démocratie.

47
Par rapport à la PEV, bien que sa révision ait constitué un bon fondement à partir
duquel l’Union européenne a pu faire face à certains de ses défis et recentrer son
engagement, il y a encore une tension sous-jacente entre les politiques de sécurité à
court terme et le soutien de la démocratisation à long terme susceptible de continuer à
influencer la future politique européenne dans la région, en créant des contradictions et
des dilemmes.
Trois facteurs principaux ont conduit le processus de révision de la PEV: l'adaptation au
cadre institutionnel après Lisbonne, la nécessité de combler les lacunes qui sont
apparues dans la mise en œuvre de la PEV et le besoin urgent de réagir aux réalités
changeantes de la région sud-méditerranéenne. Le titre de la communication conjointe
de la Commission et la Haute Représentante « Une stratégie nouvelle à l'égard d'un
voisinage en mutation » suggère une nouvelle approche, mais le texte est basé sur des
« retouches techniques » plutôt que sur des avancements politiques138.

À ce jour, plus d’un an et demi après le début des soulèvements de la société arabe, on
doit se demander dans quelle mesure le réexamen de la PEV a apporté un cadre adapté
pour l’action de l’Union dans cette région en rapide évolution.

La propre Commission européenne a publié une Communication pour présenter le bilan


du premier an139 dans laquelle elle rappelle les engagements contenus dans le principe
« donner plus pour recevoir plus ». La Communication montre que la conditionnalité a
été mise au centre de la nouvelle approche : « seuls les partenaires souhaitant
s’engager dans des réformes politiques et respecter les valeurs universellement
reconnues des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit peuvent
bénéficier des aspects les plus avantageux de la politique de l’Union »140et expose
quelques mises en pratique de tel principe :

- En Tunisie, l'UE a doublé son aide financière, la faisant passer de 80 000 000
euros en 2010 à 160 000 000 euros en 2011, et fourni une assistance technique
visant à faciliter l'organisation de l'élection de l'Assemblée constituante.

- Inversement et en réaction à la détérioration de la situation en Syrie, l'UE a


décidé de suspendre son aide financière au gouvernement et d'imposer des
sanctions.

Malgré les difficultés rencontrées, l’UE considère que le « bilan est prometteur » et que
« le voisinage de l’UE est aujourd’hui plus démocratique et plus ouvert au changement
qu’il y a un an »141.

Le mot-clé devant cette incertitude est « l’accompagnement ». Une définition correcte


de ce terme nous permettra de découvrir le vrai rôle de l’Union européenne. Celle-ci
s'efforce de coopérer, ou même d’influencer, mais il faut garder à l'esprit que, dans une
relation bilatérale l’instabilité du voisin affecte l’autre partenaire. Donc elle est

138
E. Soler i Lecha et E. Viilup, Révision de la politique européenne de voisinage : réponse faible aux
changements, CIDOB, juin 2011, p.2.
139
Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social
européen et au Comité des régions « Tenir les engagements de la nouvelle politique européenne de
voisinage », 15 mai 2012, JOIN(2012) 14 final
140
Ibíd, p.4.
141
Ibíd, p.24.

48
complètement compréhensible que l'UE désire la consolidation des États démocratiques
dans son voisinage.

L’Union européenne a besoin d’une vision stratégique commune pour l’avenir, un plan
d’action réalisable et les moyens suffisants pour la mise en œuvre. Elle a déjà assisté
aux processus de transition démocratique de ses membres du sud dans les années 1970
(la Grèce, l’Espagne et le Portugal) et des États ex-communistes dans les années 1990.
De ces expériences il faut retenir que le soutien politique, qui comprend la séparation
effective des pouvoirs, les réformes législatives et administratives, le renforcement des
institutions et le respect du pluralisme politique n’est pas suffisant. L’ébauche d’une
démocratie forte et participative exige également des aides économiques et l’assistance
des experts. Une combinaison des aspects politiques, économiques et du savoir-faire
européen nous permettrait de désigner la mission d’accompagnement de l’Union.

49
Annexes
I Plans d’action PEV

Partenaires Entrée en Rapport Plan Adoption Adoption


vigueur des PEV par d’action par l’UE par
relations pays PEV partenaire
contractuelles
avec l’UE
Algérie AA Sept-2005 - - - -
Égypte AA Juin-2004 Mars 2005 Largement 06/03/2007 -
adopté
automne
2006
Israël AA Juin-2000 Mai 2004 Adopté fin 21/02/2005 11/04/2005
2004
Jordanie AA Mai-2002 Mai 2004 Adopté fin 21/02/2005 11/01/2005
2004
Liban AA Avril- Mars 2005 Adopté 17/10/2006 En attente
2006 automne
2006
Libye - - - - -
Maroc AA Mars- Mai 2004 Adopté fin 21/02/2005 27/07/2005
2000 2004
Aut. AA Mai 2004 Adopté fin 21/02/2005 04/05/2007
palestinienne intérimaire 2004
Juillet-2007
Syrie - - - - -
Tunisie AA Mars- Mai 2004 Adopté fin 21/02/2005 04/07/2005
1998 2004

AA : Accord d’association
Source : Commission Européenne

50
II Situation pré-Printemps arabe

État Superficie Population Indépendance Régime Chef


km2 millions d’État

Maroc 446 550 36 2 mars 1956 (pour Monarchie Mohammed


la zone française)
7 avril 1956 (pour constitutionnelle VI
le protectorat
espagnol)
30 juin 1969 pour
l'enclave d’Ifni
14 novembre 1975
pour les deux tiers
nord du Sahara
Occidental

Algérie 2 381 741 36.3 5 juillet 1962 République Abdelaziz


France Bouteflika

Tunisie 163 610 10.6 20 mars 1956 République Zine el-Abi


France dine Ben-Ali

Libye 1 759 540 6.2 24 déc 1951 République Mouammar


France et Kadhafi
Roaume Uni

Égypte 1 001 449 84.5 28 fév 1922 République Hosni


Royaume Uni Moubarak

Syrie 185 180 22.2 17 avril 1946 République à Bachar el-


France parti unique Assad

Bahreïn 665 1.2 14 août 1971 Monarchie Hamad bin


Royaume Uni Isa Khalifa

Yémen 527 968 23.6 22 mai 1990 République Ali Abda-


(réunification) llah Saleh

51
III Situation post-Printemps arabe

Catégorie États Caractérisation de la


situation actuelle
« Bonne voie » Tunisie - Les premières élections
libres pour l’Assemblée
constituante ont eu lieu le
23 octobre 2011.
- Les principaux partis de
l’opposition ont été
légalisés.
- Le 10 décembre 2011,
l'Assemblée a adopté une
constitution provisoire.
- Moncef Marzouki a été
élu Président de la
République.
« Transition » Égypte - Après quelques mois de
situation chaotique,
l’Égypte a vécu les
premières élections
démocratiques à la suite de
la chute de Moubarak.
- Les nouvelles élections
législatives et
présidentielles ont été
remportées par les Frères
Musulmans, e t à sa tête
Mohamed Morsi.
- Nonobstant, en Égypte la
situation d’insécurité est
endémique. Récemment,
16 gardes-frontière ont été
tués dans une attaque par
des hommes armés
soupçonnés d'être des
islamistes « djihadistes ».

Libye - Après une guerre civile,


les Libyens essaient de
reconstruire un pays où
l'identité nationale est
faible et les différents
sentiments tribaux rendent
le processus plus difficile.

Yémen - Au Yémen, la pression


extérieure et la promesse
de l'immunité, ont poussé
52
le président Saleh à
accepter formellement la
cession du pouvoir.
- Le 21 février 2012, Abd
al-Rab al-Mansour al-Hadi,
seul candidat lors de la
première élection
présidentielle au suffrage
universel est élu Président.
« Solution momentanée » Bahreïn - La situation au Bahreïn
est compliquée à cause de
la division sectaire entre la
famille royale sunnite et
une population à majorité
chiite.
- Ni les mesures de
conciliation ni le
dédommagement pour les
victimes annoncées par les
autorités de Bahreïn n’ont
convaincu les émeutiers
qui sont descendus dans les
rues pour réclamer des
droits civils. Les
protestations populaires se
poursuivent.

Arabie saoudite - Dans la province orientale


de l'Arabie saoudite les
autorités ont réagi avec des
mesures policières.
- Les protestations se
poursuivent tous les jours
et des affrontements
éclatent quotidiennement
entre les manifestants civils
et les forces armés.
« En cours » Syrie - La Syrie est confrontée à
la situation la plus
compliquée en raison d’une
vraie guerre civile.
- La crainte d’une fracture
ethnique et confessionnelle
a divisés le peuple syrien.
- L'Observatoire syrien des
droits de l'Homme estime
que plus de 19.000
personnes ont été tuées
en Syrie depuis le début de
la contestation, en mars

53
2011.

« Réponses rapides » Maroc, Jordanie - Le cinquième groupe est


formé par les pays dont les
dirigeants ont répondu
rapidement aux demandes
de leurs ressortissants et
ont réussi relativement, à
l'heure actuelle, à contenir
les protestations.

- Cela comprend aussi les


États qui ont prévu une
telle éventualité et ont
annoncé des améliorations
économiques et des
promesses politiques,
comme la propre Arabie
Saoudite, le Koweït, les
Emirats Arabes Unis, voire
le Qatar.
Source : Journal El País

54
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European Foreign Affairs Review

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