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Échos d'Orient

Le serment antilatin du patriarche Joseph Ier (juin 1273)


V. Laurent

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Laurent V. Le serment antilatin du patriarche Joseph Ier (juin 1273). In: Échos d'Orient, tome 26, n°148, 1927. pp. 396-407;

doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1927.4633

https://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1927_num_26_148_4633

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Le serment antilatin du patriarche Joseph Γ

(Juin 1273)

II y a peu de figures, dans toute l'histoire religieuse de Byzancc,


qui aient à la fois tant souffert de l'admiration et de la rancune
excessives de la postérité que celle de Joseph Iei\ En effet, parce
que ce patriarche s'est entêté jusqu'à l'exil à rejeter l'union conclue
à Lyon, les schismatiques l'ont canonisé et l'ont égalé aux plus
énergiques défenseurs de la foi, tandis que des écrivains latins ont
censuré son ambition et lui ont reproché sinon d'avoir provoqué,
au moins d'avoir approuvé les mesures violentes prises contre les
catholiques à la mort de Michel VIII. Ainsi, Nicéphore Chumnos,
qui défend dans un acte officiel, contre la rancune des arsénites,
les titres de Joseph à la vénération publique (i), ne signale qu'une
caVactéristique de sa sainteté, telle cependant qu'elle lui
paraissait propre à rallier tous les orthodoxes : sa ferme résistance
aux projets d'union. Par ailleurs, Jean Carellius (2) en fait un
ambitieux en qui l'audace aurait tué la prétendue mansuétude
vantée par Pachymére. On comprend aussi qu'appelé
successivement par le mariage à gérer ses affaires domestiques, par le
choix des moines à diriger l'un des plus importants monastères
d'Asie Mineure, enfin, par la faveur, du prince, à gouverner toute
l'Église, on lui ait prêté les qualités de tout bon administrateur :
la volonté et la décision.

(1) La politique d'Andronic semble avoir voulu exploiter la mort de Joseph, en essayant
de réunir autour de son tombeau glorifié les deux grandes factions qui déchiraient alors
l'Eglise dissidente elle-même. Elle fit proclamer, sans doute par un synode (N. Chumnos
dit par l'Eglise), que le prélat défunt, pour les souffrances endurées au temps de
l'union, méritait le titre de confesseur du même droit que les patriarches, ses
prédécesseurs, qui avaient supporté les mêmes luttes pour l'orthodoxie. Mais cette manoeuvre
ne lit que grandir le ressentiment des moines arsénites contre celui qu'ils tenaient pour
un « intrus », et il fallut le syuode d'Adramytium (1284) pour y mettre un terme d'ailleurs
éphémère. Le chrysobulle d'Andronic, malgré ses appeis à l'union contre Beccos et ses
partisans déchus, semble donc être resté sans^effet. (Voir ce document dans Boissonadk,
Aneciota graeca, t. II, p. 70-77, ou la reproduction de Migne, P. G., t. CLXI, col. 107H-
1081). Le nom de Joseph est inscrit au calendrier grec au 3o octobre. Il semble qu'on
n'en ait jamais fait que mémoire à l'office de ce jour; nous n'avons, en effet, découvert
nulle part d'acolouthie à son nom.
(2) Lire la lettre-préface que cet auteur a mise à l'édition de la Confession autographe
de Joseph dont il sera question plus bas. (Cf. J. Carki.lius : Nuova Raccolta d'opuscoli
scientifici e fdologici, t. XXIII, 1755, 1-10. Cf. aussi L. Petit, Diet. Je Th. calh., art.
κ Joseph le Cialésiote ■*, fasc. LXV, col. i5.|i).
LE SERMENT ANTILATIN DU PATRIARCHE JOSEPH Ier

En fait, s'il laut en croire deux familiers du patriarche, le Méto-


chite et Pachymère, Joseph ne mériterait ni cet excès d'honneur,
ni cette indignité (i).
On nous le décrit, en effet, comme un esprit doux et paisible,
d'un caractère si joyeux que Beccos, déjà en charge, recherchait
sa société. Son amour de la tranquillité et son manque de culture
l'éloignaient naturellement de la chicane théologique. D'autre part,
il parut si conciliant qu'il prêta son autorité aux combinaisons les
plus frauduleuses de Michel Paléologue, à qui il devait le bâton
pastoral. Aussi, ce politique qui avait payé le trône patriarcal de
graves complaisances et de la haine de la nombreuse et .puissante
faction des arsénites, semblait, pour le conserver, devoir transiger
avec Rome. Et, de fait, il posait au début en partisan du
rapprochement des Églises, lorsqu'il admettait à la participation des saints
mystères, non seulement les catholiques de sa nationalité, mais
encore les religieux latins de résidence ou de passage à
Constantinople. Bien plus, il se forgeait à lui-même de bons arguments
aptes à rassurer sur ce point délicat sa conscience de moine
scrupuleux. Des confidences .faites à Georges le Métochite nous en
dévoilent un puissant : l'exemple des anciens, surtout de Nicéphore
d'Èphése, qui fut patriarche, et de Nicéphore Blemmyde, qui
refusa de l'être, tous deux protagonistes de l'union avec les latins.
Par ailleurs, Pachymère rapporte que Joseph ne crut pas à la
volonté efficace de l'empereur de soumettre l'Église nationale au
Pape, pas plus qu'il ne voulut un instant admettre que Michel,
absous par lui de l'excommunication portée par Arsène contre le
bourreau de Jean Lascaris, s'oublierait jusqu'à l'exiler. Sans quoi,
ajoute le chronographe, il eût consenti à tout ce qu'on voulait.
Ce détail traduit l'hésitation prudente de ce prélat opportuniste
qui n'osait se compromettre dans des négociations aussi vaines,
pensait-il, que dangereuses pour son orthodoxie et sa tranquillité.
Quand l'union fut consommée, il tint à garder contact avec les deux

- (i) La meilleure notice sur le patriarche Joseph est due à ΜεΓ Petit. Cf. Diet, de Th.
cath., art. « Joseph le Galésiote », fasc. LXV, 192.5, col. 1541, 1542, avec littérature. Les
sources qui ont servi à la présente note sont: Pachymère, De Mich. Palaeol., IV, 23
(son portrait moral) 2.5, 28 (hostilité des arsénites); V, 2, et surtout 14-16, 28, 29; De
Andren. Pal., I, 3-12. — G. le Métochtte, Historia dogmatica, 1. I, n. 27, 28, 67, 6&.
Cf. Mai, Nova Patrum Bibliolh, t. VIII, p. 37-48, 89-90. Nicéphore Chumnos : Λόγος
χρυσόβουλλος Ιπί τη ενώσει των δίαστάντων μονάχων... Ed. BoiSSONADE, loc. cit., p. 74,
7.5. — Cf. aussi la 'lettre des prélats grecs au concile de Lyon dans Mansi; Conçu.,
t. XXlVvcol. 76, 77, et Ephrem, Catalog. Pair. Constant., io3oo-io325; P. G., t. CXLI1I,
col. 376-377. Les polémistes de ce temps lui consacrent aussi de fréquentes mentions.
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partis opposés et admit dans sa familiarité les partisans et les


adversaires de Rome indistinctement, et n'eut la force ni d'écarter
les premiers pour plaire aux seconds, ni d'éloigner ceux-ci pour
obéir à l'empereur. Son testament, rédigé pendant l'exil de la mer
Noire, contient aussi une preuve de sa modération; à rencontre
d'Arsène, il n'y insère aucun mot désobligeant pour ses
persécuteurs. C'est la paix la plus complète qu'il souhaite à tous et le
pardon le plus large qu'il accorde à l'empereur et aux arsénites
eux-mêmes, dont les attaques troublaient sa lointaine retraite.
D'autre part, le Métochite nous est garant que si, en 1283, après
sa réinstallation au patriarcat, Joseph eût été autre chose qu'un
cadavre vivant, il se fût opposé à toutes les profanations et à tous
les sévices, dont furent alors l'objet les biens et les personnes des
catholiques. Il eut en tout cas la force de protester, du lit où il
agonisait, contre la violence, dont Beccos, déchu et condamné
à signer une profession de foi schismatique,, avait été la victime.
11 reste cependant que Joseph tint au schisme jusqu'au bout, et
que si, par condescendance ou faiblesse, il refusa de rompre avec
les partisans de l'union, il n'accepta jamais d'en sanctionner les
idées. Cette anomalie frappait le Métochite, et nous tenons de lui
comme de Pachymère le secret de cette fidélité de Joseph a une
ligne de conduite qui était à l'opposé de ses inclinations et de son
caractère : il s'était engagé par un pacte public, contresigné par de
nombreux évoques, à ne jamais adhérer i\ l'union décrétée par
l'empereur. Évidemment, l'initiative d'un acte si grave et si hardi ne
pouvait venir à cet esprit hésitant. Ce fut une habileté du clan
monacal, qui se proposa par cette manœuvre de fixer à son profit
l'irrésolution connue du patriarche. Deux personnages surtout sont
nommés comme les auteurs de cette pieuse conspiration : Eulogie,
la propre sœur de l'empereur, et Job le lasite, moine intelligent,
mais schismatique forcené. Ils persuadèrent sans trop de peine
à Joseph de convoquer un synode, à l'issue duquel il signerait
l'engagement solennel de ne jamais consentir à l'union. Job, la
proposition aussitôt agréée, reçut du patriarche le mandat de rédiger
la circulaire que l'on devait expédier à toutes les Églises de
l'obédience byzantine. Le document, soumis à l'approbation des
èvèques, fut souscrit par tous, à l'exception des plus prévoyants,
note Pachymère.
Joseph fit scrupuleusement honneur à sa signature; il regretta
cependant son acte, au point de déclarer souvent que s'il n'était pas
LE SERMENT ANTILATIN DU PATRIARCHE JOSEPH Ier

du côté des unionistes, c'est que seul son serment l'en empêchait.
C'est, en effet, de ce nom, nous dit le Métochite, qu'il désignait
lui-même le document signé à cette occasion.
Or, la tradition manuscrite de cette intéressante pièce semblait
éteinte. En effet, tandis que les uns assimilaient ce document à la
Confession autographe, qui lui est étroitement apparentée et qu'a
publiée Carellius après Dosithée, d'autres le disaient perdu. En
réalité, il nous a été conservé en deux bonnes copies : du Vatic. Reg.
grec 66, fol. 5a de i56o et du Paris, grec 1284, fol. 6a.
Mais, avant d'en examiner le contenu, il n'est pas superflu d'en
établir l'authenticité.

Authenticité.

La suscription, comme la signature, attribue la circulaire que


nous éditons à un patriarche Joseph. £omme il n'y a que deux
prélats de ce nom dans la liste episcopale de Constantinople, Joseph Ier
(1267-1275) et Joseph II (1416-1439), c'est évidemment à l'un des
deux qu'elle appartient.
L'époque de son émission (première indiction) permet de la
reporter à l'une des trois dates suivantes: 1273, 1423, 1438. Mais
la nature du texte, défavorable aux deux dernières, répond
parfaitement aux préoccupations qui agitaient l'Église byzantine à la
première de ces années. En juin 1438, en· effet, Joseph II, loin d'en
appeler au consentement de ses collègues d'Orient pour la
convocation d'un concile panorthodoxe, avait, à Ferrare, donné au Pape
le baiser de paix et d'union. D'autre part, il n'est trace en 1423
de la double revendication de Rome contenue dans le présent
document ; elle est au contraire expressément mentionnée à la veille
de Lyon (1274) par Pachymère, le Métochite et Grégoras. Job le
Iasite consacre même à en démontrer le mal fondé et la hardiesse
sacrilège un long traité toujours inédit; il en est également
question, cette même année, dans la lettre des Hagiorites à l'empereur,
écrite pour le dissuader de faire l'union. Surtout la comparaison
de ce document et de la Confession autographe est décisive. Il est
vrai que cette dernière a été attribuée par Dosithée au Père de
l'union florentine, mais ce fut à tort, comme l'a récemment rappelé
jVjgr petit (1); on peut lire chez le second éditeur de cette profes-

(1) L. Petit, lac. cit., col. 1542.


4ÛO ÉCHOS D ORIENT

sion de foi les raisons de l'attribuer au premier Joseph (1). Or,


notre lettre et cette Confession expriment la même doctrine et
contiennent le même serment en des formules parfois identiques. Les
relations de ces deux textes sont si étroites qu'on peut, croyons
nous, sans témérité les croire rédigés dans la même occasion et
pour le même besoin. On s'explique dès lors comment certains
auteurs ont pu prendre la seconde de ces pièces comme la lettre
circulaire dont parlent les historiens. Cependant, à lire ce qu'en
dit le Métochite, il ne saurait y avoir de doute sur l'identité de
celle-ci : c'est celle que nous publions à la suite.
En effet, après avoir décrit les débuts de la campagne unioniste
de l'empereur, le chronographe catholique dit au sujet de
l'attitude du patriarche : « Le patriarche, que l'on disait hostile à l'union
des Églises, fut confirmé dans la résistance par Eulogie qui lui
persuada de promettre par un serment écrit de ne jamais se séparer
de la résolution déjà prise, pas plus que du Christ (εως &.ν ούδ'απο
Χρήστου), pour me servir de ses propres paroles. » (2) Or, la formule
grecque empruntée de Joseph se trouve exactement dans notre
double copie, par exemple au feuillet 6 (ligne 16) du manuscrit
parisien (3). C'est donc bien notre lettre que visent les deux
historiens.
On peut certes s'étonner de ne pas lire en finale les signatures
des évêques mentionnées par Pachymère (4). Mais on connaît la
répugnance des copistes pour ces longues théories de nom, d'un
âge postérieur aux grands conciles, que rien, pas même la curiosité
scientifique, ne recommandait à leur attention ou à leur piété. Par
contre, le document, a gardé une trace non équivoque de sa
provenance synodale. La signature du patriarche, accompagnée de ces
mots όρίσας υπέγραψα, est, en effet, celle des actes solennels, comme
il s'en pose au sein des assemblées conciliaires.
Notons enfin que c'est pour n'avoir examiné que les premiers
mots du texte, tel qu'il se lit dans le manuscrit du Vatican, que
Stevenson (5) en a fait dans son catalogue du fonds Regina une
réponse à l'Église romaine touchant la concorde des Églises.

(1) J. Carellius, lue. cit., i-io; texte, p. ΐυ-23.


(2) G. le Mét'och., Hist, dogin., 1. I, n. 28; Ed. Mai, op. cit., p. 3o,.
(3) Voir plus bas, p. 40% 1. 28/29.
(4) De Michaele Palaeol, 1. V, n. 16; P. G., t. CXLIII, col. 836 A.
(5) H. Stevenson, Codices mss. graeci Reginae Suecorum et PU II, p. 54. josephi,
Patriarchae CPolitani (ad Ecclesiam Romanam de concordia responsio).
LE SERAIENT ANTILATIN DU PATRIARCHE JOSEPH Ier 4OI

Le texte.

La déclaration par laquelle débute notre circulaire se trouve


à l'envi dans tous les écrits polémiques de cette période. Il n'est
pas un auteur de quelque talent qui n'ait vanté les avantages de
la communauté chrétienne et pleuré sur les malheurs politiques
qui, à l'occasion du schisme, au temps si rapproché des Croisades,
avaient fondu sur l'empire byzantin. Or, c'est le retour de ces
maux imminents que le basileus proposait à ses sujets d'éviter en
acceptant l'union. En effet, Charles d'Anjou, qu'une fatalité avait
jusque-là contrecarré chaque fois qu'il avait mûri ses desseins sur
l'Orient, paraissait plus décidé que jamais à dompter la fortune.
La décision et la rapidité avec lesquelles il s'était débarrassé
successivement de Manfred, de Conradin et de l'émir de Tunis, lui avaient
fait sur le Bosphore une renommée d'homme de guerre (i), peu
propre à rassurer les Byzantins. S'il est trop simple et peu vrai de
dire, que la seule crainte du terrible Angevin ait précipité Michel
aux pieds du Pape, il faut cependant avouer que ce sentiment
a puissamment aidé une conviction, qui, pour être sincère, n'était
pas à l'abri des atermoiements et des lenteurs de la diplomatie,
dont les monarques orientaux ont plus que d'autres exploité les
ressources. Et précisément l'animosité de Grecs a Latins, à la fin
du xme siècle, permettait au basileus de multiplier au gré de sa
politique les raisons de différer l'accomplissement de conditions
rigoureuses auxquelles le peuple surtout, excité par ses moines,
n'était pas préparé. Il n'entre pas dans le plan de cette note de
montrer ni la complexité du rôle rempli par Michel, ni l'habileté
avec laquelle il le joua. L'étude des conditions psychologiques de
ce drame politico-religieux montrerait assez qu'on a tort
d'apprécier les âmes orientales sur le même plan et dans la même lumière
morale que leurs sœurs d'Occident. On verrait assez que l'échec
de l'union consentie à Lyon et ratifiée à Byzance par un concile
national est dû en partie notable à une erreur d'appréciation de
l'Occident. Il suffit de le noter ici.
Il est bien remarquable qu'aux raisons d'État invoquées par

(1) Cf. Pachym., De Mich. Pal., V, 8; P. G., t. CXLIII, col. 810, 811 ; la jeune mémoire
de Grégoras (né vers 1296) semble surtout avoir été impressionnée par le souvenir encore
récent de ce terrible homme de guerre. Il nous en a laissé un beau portrait. Cf. Byz.
Hist., IV, c. 1, 6, 8; Ed. P. G., t. CXLVIII, col. 261, texte et notes. Cf. aussi la
« Chronique de Primat » éd. Recueil des Histor. de la Gaule et de la France, t. XXIII,
p. 73.
402 ÉCHOS D'ORIENT

l'empereur, les partisans du fait accompli (en l'occurrence de la


séparation des Églises), et les adversaires acharnés de la primauté
romaine n'aient objecté que le grief touchant la procession du
Saint-Esprit, et encore ce différend se réduisait-il chez les classes
les plus influentes, l'épiscopat, l'aristocratie et le bas clergé, au seul
crime d'avoir introduit le Filioque dans le Symbole. Le présent
document range Joseph à part de sa hiérarchie aux côtés des
moines ses anciens confrères. On pourrait à la rigueur n'y voir que
la conviction de son interprète Job, intéressé à faire censurer par
un synode le dogme latin, si la Confession autographe et surtout
le Testament ne nous révélaient qu'elle ne lui était pas étrangère.
L'Occident, pour lui aussi, a à sa charge un double crime : celui
d'avoir corrompu par une addition le texte du Symbole
œcuménique et celui d'admettre deux principes dans la production du
Saint-Esprit. Cette dernière imputation, due chez d'autres à la
mauvaise foi, relevait chez Joseph de l'ignorance et de l'incapacité
où il était de saisir les hautes raisons développées par les scolas-
tiques de Péra. On posait deux personnes à l'origine du Saint-
Esprit; son bon sens concluait à un double principe. Il semble que
la controverse alors concentrée sur ce point ne lui ait rien appris;
car son Testament (i), écrit à la fin de son exil, renforce la
position dogmatique de cette lettre. Il y déclare soumis à l'anathème
porté par le concile d'Ëphèse tous les Grecs qui, admettant le
point de vue latin, croyaient que le Saint-Esprit reçut du Fils son
existence hypostatique. On sait cependant que Beccos, l'âme de la
littérature catholique à Byzance, évita jusqu'en 1283, par économie,
d'insister sur ce point et ne tirait l'unité de principe dans la spira-
tion divine que de l'identité de nature dans le Père et le Fils (2).
Si donc la doctrine latine fut alors aussi fréquemment affirmée
que le soutient Joseph, c'est que les Franciscains et les
Dominicains de Pèra, surtout Simon de Constantinople, l'avaient
répandue par leurs écrits.
Le cas que Joseph faisait déjà en 1273 des deux griefs relatés

(1) Vatic. Reg. gr., c. 66, f. 37-39. Pour avoir suivi les Latins, ces Grecs (οι νέοι
άρτι θεολόγοι τους Λατίνους επόμενοι) se sont révoltés contre le Fils de Dieu (κάντεΰθεν
ελέγχονται κατεπαιρόμενοι τοϋ Υίοΰ τοΰ Θεοϋ) et se sont jugés plus sages que les i5o Pères
d'Ephèse. Aussi tombent-ils sous leur anathème (f. 38). Ce passage est reproduit à la
lettre de la Confession autographe. Mais, plus haut, il précise la nouvelle position
dogmatique des Unionistes « επειδή μυριάκις κακώ; φρονοϋντας κ*! ού% ορθώς τους λέγοντας
το πνεΰμα εκ του Υίοΰ την ύ'παρξιν Ιχειν τη ν -υποστ ατ ι κή ν. » (F. 38'.)
(2) De Jibris suis. P. G., t. CXLI, col. 1024 A/B.
LE SERMENT ANTILATIN DU PATRIARCHE JOSEPH Ier

semble contredire ce que nous savons de son état d'âme conciliant


et enclin à l'union. Ceux-ci, en effet, à son avis, sont assez graves
pour motiver le rejet des réclamations de Rome, cependant toutes
disciplinaires et, comme le promettait l'empereur, destinées à rester
lettre morte. Il faut se rappeler que le rédacteur de cette pièce,
Job, est l'âme même du schisme, et il n'est pas superflu de noter
que le court manifeste dont nous nous occupons condense
admirablement ce que développe le long traité composé par le même,
au nom du patriarche, vers cette époque. Ce que vise ce fanatique,
c'est de lier le serment de son maître à une solide raison : les Latins
sont coupables d'avoir corrompu la parole du Christ; il ne saurait
avoir, lui, chef de toute l'Église, avec ces criminels, aucune société.
C'est assez pour refuser à ceux-ci et à l'État qui les recherche le
bénéfice de la loi d'économie appliquée en d'autres temps de façon
si arbitraire et si odieuse à tant de cas répugnants pour le dogme
et la morale chrétiennes; c'en est assez pour dénier à Rome des
privilèges séculaires qui étaient siens avant le schisme.
Il est à noter que cette lettre ne nomme expressément que deux
revendications faites au nom du Pape : le droit d'appel et la
primauté. On sait que l'empereur, dans ses-plaidoyers unionistes,
ajoutait une troisième à laquelle il n'est fait qu'une allusion :
l'inscription sur les dyptiques avec mémoire au Canon.
Les avis du clergé surtout étaient très partagés sur le point de
savoir dans quelle mesure on pouvait restituer au Pape ces anciens
privilèges. Certains les concédaient' tous trois, mais le grand
nombre excluait le dernier, et nous voyons Joseph, par la plume
de Job, se ranger à leur avis, quand il approuve ceci : surtout que
je sais que la concession plus grave de la commémoraison du nom
entraîne à un danger plus que manifeste. Inscrire le nom du Pape
au Canon- paraissait déjà aux moines de l'Athos signifier qu'on était
avec lui en communion de foi et d 'œuvres; ce que personne
n'admettait. C'était aussi l'avis des officiers du patriarcat, comme le note
Pachymère. Il y avait danger d'exposer aux regards des fidèles le
spectacle funeste d'uoe Église qui se disait orthodoxe, soumise
à un chef hérétique ; il y avait danger surtout que le Pape n'usât
du pouvoir imprudemment concédé pour changer ta tradition et
les coutumes des Grecs. C'est à cet argument que le peuple fut
sensible, et toutes tes éloquentes défenses des catholiques ne purent
jamais le rassurer complètement.
Cependant, notre document admet un expédient qu'il nous faut
404 ÉCHOS D'ORIENT

souligner : puisque l'on voulait user d'économie — ce qui


n'impliquait nullement la reconnaissance des Latins et ne les innocentait
en rien des crimes qu'on leur imputait, — la voie la plus sûre était
de consulter sur ce point d'intérêt commun toutes les Églises
d'Orient. Ceci peut paraître une réplique aux pressantes
sollicitations dont Joseph était assailli depuis l'indiction du concile général
par Grégoire X; il n'en répondait pas moins à un projet longtemps
caressé par l'empereur de rassembler sur ses Etats un synode
œcuménique dans le but de rétablir, à son profit évidemment, l'unité
chrétienne, contre les musulmans.
Le plan de Joseph n'était pas chimérique et le concile panortho-
doxe qu'il proposait eût pu assez commodément se tenir si
l'empereur l'eût voulu. Le patriarche d'Antioche, Euthyme, était
à Byzance depuis le sac de sa ville épiscopale : celui d'Alexandrie,
chassé par les mêmes malheurs, était en route : les Églises de
Serbie, de Bulgarie et de Russie se seraient prêtées à des
concessions satisfaisantes, comme elles se prêtèrent aux serments exigés
d'elles en 1274 par les légats romains. On ne comprendrait pas
que l'obstiné Job ait suggéré à l'empereur un conseil si pratique,
si on ne savait que le patriarche de Jérusalem, Grégoire, ne s'y
serait jamais rendu, détruisant ainsi l'unanimité réclamée par
l'habile rédacteur. En effet, alors que tous à divers titres
acceptaient l'union, on vit ce haut prélat entrer dans une conjuration
politique contre Michel Paléologue et négocier avec Bibars, un
païen, au nom d'Eulogie et dé sa fille, reine des Bulgares, une
alliance politique destinée à lui livrer le Bosphore. C'eût été fait,
si l'émir égyptien n'eût senti qu'à vouloir trop embrasser, il risquait
de tout perdre, à un moment où les troubadours célébrant les
premiers exploits des Angevins en Syrie engageaient Charles à s'y
rendre lui-même.
On sait que l'empereur, à la lecture de ce serment, désespéra
un moment de jamais faire aboutir l'Union. Mais l'adhésion de
Beccos, arrivée en ce temps, rétablit ses chances et lui rendit sa
confiance et ses audaces. Il pressa les négociations et put envoyer
au concile les apocrisiaires sollicités.
Nous aurons prochainement l'occasion de revenir sur ces
événements et de placer le présent document dans un cadre plus vaste
au cours d'une étude sur la politique orientale de Grégoire X. H
n'aura pas été inutile de fixer à l'avance quelques traits
authentiques de la physionomie du patriarche auquel ce Pape eut affaire.
LE SERMENT ANTILATIN DU PATRIARCHE JOSEPH Ier

Nous donnons le texte grec de la circulaire, d'après les deux


manuscrits qui nous l'ont conservée :

Ι. 'Ιωσήφ ταπεινός μ~σναχός, ελέω δε Θεού άρχ [επίσκοπος


Κωνσταντινουπόλεως νέας 'Ρώμης, και οικουμενικός πατριάρχης.

Ή περιφανέστατη 'Εκκλησία (ΐ) της πρεσβυτέρας 'Ρώμης την ε'ιρήνην


έζήτησε και την όμόνοιαν την μεθ' ημών τε και των λοιπών αγίων 'Εκκλησιών.
5. Έπΐ μεν τη προθεσει ταύτη επαινώ ταυτήν και ΰπεραποδέχομαι, και τουοντο^
εύχομαι, και ζητώ όλικωτάτη προθυμία ψυχής τήν τοιαύτην είρήνην άποτε-
λεσθήναι κατά Θεόν, ώστε και τήν άποστολικήν τολμήσαι φωνήν, τό" καΐ
.ανάθεμα εϊναι καταδέξασθαι άπο του Χρίστου υπέρ της τών
'Εκκλησιών ένίύσεως. Τοσούτον απέχω περί δόξης φιλονεικεΐν, ή τών απαιτουμένου
ΙΟ. παρά του μέρους της Παλαιάς 'Ρώμης προνομίων άνθίστασθαι, πλην εάν έκ
μέσου γένωνται τα της διαστάσειυς αίτια, και ή επί τω Άγίω (2) Συμβόλω
προσθήκη άφαίρεθη, και φυλαχθη ή του Σωτήρός μου θεολογία άπαραποίητος'
τούτου δε μή γεγονότος, αδύνατον μοι παντελώς εις ενωσιν συνελθεΐν, ή ένδοΰναι
προς τι τών ζητουμένων κεφαλαίων παρά της λαμπρότατης Έκκ'λησίας της
ΐ5. 'Ρώμης. Τας δε αιτίας εγώ μεν δια τήν μακρολογίαν έώ -κοίλους και πολλάκις
διαγορευθείσας πλατύτερον εν δε τούτο σύντομον έρώ και άπλουν, ό'τι ουδείς με
χωρίσει (3) άπο της καλής παρακαταθήκης, ην ελαβον παρά του Σωτήρός μου,
οΰτε άγγελος, ούτε άνθρωπος, ούτε τις κτίσις κατά τον μέγαν Άπόστολον, 'ίνα μή
κατακριθώ παρ ' αΰτοΰ του Χρίστου μου, ως δεξάμενος τους παραποιήσαντας
2Ο. τον λόγον αΰτοΰ.* ^Επει δε έζητήθη ει ενδέχεται και ούδένα ήμΐν προκριμα-
τισμον επάγει το δούναι ήμας τω ύψηλοτάτω θρόνω της Παλαιάς 'Ρώμης τήν
εκκλητον και το πρώτον τούτοι άνομολογεΐν 'Αρχιερέα εν τε λόγοις προφορικοΐς
και γράμμασι, και μηδέν έτερον, άλλα μόνα τα δύο ταΰτα, και ε'ιρήνην άντι-
λαβεΐν, ΐνα εκ ποδών γένο^νται τα κακά, άπερ ή αφορμή, ώς δοκεΐ, της διαστά-
25. σεο^ς προεςένησε, και ή έκ της ομονοίας άντεισαχθη ωφέλεια, εγώ μέν, αμετα-
θέτως έχούσης της εκκλησίας της παλαιάς 'Ρώμης τών γεγονυιών παρ 'αυτής
καινοτομιών, άμεταθέτως εχ«) και ΙπΊ τοις δυσι τούτοις, της ανωτέρω μοι
Ρηθείσης γνοίμης και άποφάσεοος" και ουκ αν ποτέ μεχασταίην εκ ταύτης έως
αν όύδ' άπο Χρίστου, έπεί και μείζονα ταΰτα της του ονόματος αναφοράς
3θ. οιδα και προς κίνδυνον φέροντα προφανέστεοον. "Αλλως τε και πώς δύναμαι
τούτο ποιήσαι εγώ δίχα γνώμης τών άγιωτάτων 'Εκκλησιών τών εν διαφόροις
έθνεσι μεθ' ημών ηνωμένων, και τών ετέρων άγιιυτάτων πατριαρχών, τοΰ
'Αλεξανδρείας, τοΰ 'Αντιοχείας, κ«Ί τοΰ Ίεροσολύμοον, και πρόφασιν δοΰναι
τούτοις σκανδάλου και διαστάσεως και τών συνόντων άπομερισθήναι και ταΰτα

(ι) Tîj περιφανέστατη Έκκλησί'ζ. Codex Vaticanus.


(2) 'Èni ώτία,ζ {sic)' cod. Vatic; nee aliter prima fronte interpretanda videntur quae
in codice parisino hoc loco exarala iacent. In textu en im continno littera ω sola inserta
est, supra quam successive proslant, ordine, quo lecta apparent a codicis vaticani scriba,
τ, iota adscriptum, cui proxime accedit solita vocis <? άγιος »forma abbrcviatoria.
(3) Χωρύσει cod. Vatic.
4θό échos d'orient

35. πλειόνων όντων, και πρασελθεΐν τώ évi και άχορραγέντι; 'Εάν μέντοι έκ πάντων
τών άγιωτάτων πατριαρχών και τών Ιν διαφόροις εθνεσιν αγίων 'Εκκλησιών
συνέλθωσιν ol προσήκοντες τοποτηρήται προμήθεια και κελεύσει του κρατίστου
και αγίου μου αΰτοκράτορος, κα\ θελήσωσι κοινώς πάντες οικονομία* ποιησαί
τίνα δια το της ειρήνης καλόν, όπερ αν απασι δόξη και κατά κοινήν συμφώνειάν
4Ο. τε και άρέσκειαν, τοΰτο και ό Θεός αποδέξεται πάντως, και ημείς στέρξωμεν
μετά πάσης χαράς, και μόνιμον εσται και άσκανδάλιστον .
Ταύτα απαραποίητα κατά πάντα στέρξαι και φυλάξαι τη άντιλήψει Χρίστου
κατασφαλισάμενος, και όρίσας υπέγραψα, μην! ίουνίω ινδ. α'.
'Ιωσήφ ταπεινός μοναχός, ελέω δε Θεού αρχιεπίσκοπος Κωνσταντινουπόλεως
45. νέας 'Ρώμης, και οικουμενικός πατριάρχης.
Desunt in duplici nostro apographo, quas Pachymeres
commendat, episcoporum subscriptiones.

Traduction

Joseph, humble moine, mais par la miséricorde de Dieu Archevêque de


Constantinople, la nouvelle Rome, et Patriarche œcuménique.
La très célèbre Église de l'ancienne Rome a demandé la paix et la
concorde avec nous et les autres saintes Églises. Certes, je la félicite de
ce projet et l'approuve pleinement, et j'appelle cette paix de telles prières,
et je poursuis tant sa réalisation selon Dieu de toute l'ardeur de mon âme,
que j'ose prendre à mon compte ce mot de l'Apôtre : « J'accepte d'être
anathème loin du Christ » (i) pour l'union des Églises. Je suis bien loin
de chercher querelle au sujet de la doctrine, ou de m'opposer aux
privilèges réclamés de la part de l'ancienne Rome, à la seule condition que
soient détruites les causes du schisme : que l'addition au Symbole soit
abolie et que l'on garde intact le divin enseignement de mon Sauveur.
Sans cela, il m'est absolument impossible d'accéder à l'union ou de céder
sur l'un des points demandés par la très illustre Église de Rome. Quant
aux caases, souvent exposées dans leur ampleur par de nombreux écrivains,
je les passe à cause de leur longueur. Je dirai cependant un mot court et
simple, ceci : personne ne me séparera du beau dépôt de la doctrine que
j'ai reçu de mon Sauveur, ni ange, ni homme, ni rien de créé, selon le
grand Apôtre (2), afin que je ne sois pas condamné par mon Christ pour
avoir accueilli les corrupteurs de sa parole.
Puisqu'on demande s'il nous agrée et si cela ne nous porte aucun
préjudice, que l'on donne au très eminent siège de Rome le droit d'appel
et à son archevêque le premier rang dans les discours et dans les lettres,

ι) Rom. ix, 3.
(2) Rom. vin, 3ç.
LE SERMENT ANTILATIN DU PATRIARCHE JOSEPH Ier 407

et rien autre, mais seulement ces deux choses en échange de la paix, afin
de faire cesser les maux que l'occasion de la séparation a, semble-t-il,
suscités, et de les remplacer par l'avantageuse concorde — en ce qui me
touche — puisque l'Église de l'ancienne Rome garde immuables les
nouveautés introduites par elle, je m'en tiens, moi aussi, inébranlablement,
à propos de ces deux points, à l'avis et à la décision que j'ai exprimés
plus haut, et on ne m'en séparerait jamais pas plus que du Christ, surtout
que je sais que la concession plus grande de la commémoraison du nom
entraîne à un danger plus que manifeste. Et puis, d'ailleurs, comment
puis-jele faire sans l'avis des très saintes Églises, qui, dans les diverses
nations, nous sont unies, et des autres saints patriarches d'Alexandrie,
d'Antioche et de Jérusalem? Comment puis-je leur donner occasion de
scandale et de schisme, me séparer de ceux de notre communion, et cela
pour aller de la majorité vers l'unique et le dissident? Cependant, si les
représentants autorisés de tous les saints patriarches et de toutes les
saintes Églises se rassemblent par les soins et sur l'ordre de mon
excellent et saint empereur, et que tous également veuillent que l'on fasse une
certaine économie pour le bien de la paix, ce qui paraîtra-convenir et plaire
à tous également, cela Dieu même l'agréera entièrement, et nous, nous
l'embrasserons de tout notre cœur; car ce procédé sera sûr et sans scandale.
Je m'engage, avec le secours du Christ, à vouloir et à garder ces
déclarations en tout intactes. En foi de quoi, définissant je signe (i), en ce mois
de juin de la première indiction :
Joseph, humble moine, mais par la miséricorde de Dieu
Archevêque de Constantinople, la nouvelle Rome, et
Patriarche œcuménique.
V. Laurent.

(1) II n'était pas d'usage que le clergé byzantin émît un serment corporel; leur
signature, par une pratique reçue, en'avait la valeur. Nicolas III, qui voulut, vers 127g, changer
cette coutume, semble n'avoir abouti qu'à froisser les Grecs et à justifier les craintes
émises par Joseph. Le concile de Lyon n'avait pas été si exigeant. Voir à ce sujet la
déclaration des légats de Michel Paléologue dans L. Delisle, Notices et extraits des
mss. de la Bibl. Nat., t. XXVIP, p. 161-163, n. 7.

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