Lire un texte argumentatif : Les Identités meurtrières d’Amin Maalouf
Secteur éducatif et linguistique
Ambassade de France en Russie 2013 Amin Maalouf est un écrivain franco-libanais né à Beyrouth en 1949. Il a été élu à l’Académie française en 2011. Dans Les Identités meurtrières, il s’interroge sur la notion d’identité et les conflits qui découlent des revendications identitaires. Depuis que j'ai quitté le Liban en 1976 pour m'installer en France, que de fois m'a-t-on demandé, avec les meilleures intentions du monde, si je me sentais « plutôt français » ou « plutôt libanais ». Je réponds invariablement : « L'un et l'autre ! » Non par quelque souci d'équité ou d'équilibre, mais parce qu'en répondant différemment, je mentirais. Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c'est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C'est précisément cela qui définit mon identité. Serais- je plus authentique si je m'amputais d'une partie de moi-même ? A ceux qui me posent la question, j'explique donc, patiemment, que je suis né au Liban, que j'y ai vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans, que l'arabe est ma langue maternelle, que c'est d'abord en traduction arabe que j'ai découvert Dumas et Dickens et Les Voyages de Gulliver, et que c'est dans mon village de la montagne, le village de mes ancêtres, que j'ai connu mes premières joies d'enfant et entendu certaines histoires dont j'allais m'inspirer plus tard dans mes romans. Comment pourrais-je l'oublier ? Comment pourrais-je jamais m'en détacher ? Mais, d'un autre côté, je vis depuis vingt-deux ans sur la terre de France, je bois son eau et son vin, mes mains caressent chaque jour ses vieilles pierres, j'écris mes livres dans sa langue, jamais plus pour moi elle ne sera une terre étrangère. Moitié français, donc, et moitié libanais ? Pas du tout ! L'identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit pas par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées. Je n'ai pas plusieurs identités, j'en ai une seule, faite de tous les éléments qui l'ont façonnée, selon un « dosage » particulier qui n'est jamais le même d'une personne à l'autre. [...] Lorsqu'on me demande ce que je suis « au fin fond de moi-même », cela suppose qu'il y a, « au fin fond » de chacun, une seule appartenance qui compte, sa « vérité profonde » en quelque sorte, son « essence », déterminée une fois pour toutes à la naissance et qui ne changera plus ; comme si le reste, tout le reste – sa trajectoire d'homme libre, ses convictions acquises, ses préférences, sa sensibilité propre, ses affinités, sa vie, en somme –, ne comptait pour rien. Et lorsqu'on incite nos contemporains à « affirmer leur identité » comme on le fait si souvent aujourd'hui, ce qu'on leur dit par là c'est qu'ils doivent retrouver au fond d'eux-mêmes cette prétendue appartenance fondamentale, qui est souvent religieuse ou nationale ou raciale ou ethnique, et la brandir fièrement à la face des autres. [...] [Les personnes qui ont une identité multiple] ont pour vocation d'être des traits d'union, des passerelles, des médiateurs entre les diverses communautés, les diverses cultures. Et c'est justement pour cela que le dilemme est lourd de signification : si ces personnes elles- mêmes ne peuvent assumer leurs appartenances multiples, si elles sont constamment mises en demeure de choisir leur camp, sommées de réintégrer les rangs de leur tribu, alors nous sommes en droit de nous inquiéter sur les fonctionnements du monde. « Mises en demeure de choisir », « sommées », disais-je. Sommées par qui ? Pas seulement par les fanatiques et les xénophobes de tous bords, mais par vous et moi, par chacun d'entre nous. A cause, justement, de ces habitudes de pensée et d'expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste qui réduit l'identité entière à une seule appartenance, proclamée avec rage. C'est ainsi que l'on « fabrique » des massacreurs, ai-je envie de crier ! Une affirmation un peu brusque, je l'admets, mais que je me propose d'expliciter dans les pages qui suivent. Amin Maalouf, Les Identités Meurtrières, 1998 Critique de l'interculturel L'horizon de la sociologie Jacques Demorgon Préface de Remi Hess Editions Economica-Anthropos. ISBN: 2-7178-5043-0 (2005) 23 € Dernière de couverture L'interculturel volontaire prolifère comme une gentille étiquette: artistique, scientifique, éthique, médiatique. En même temps, les sociétés sont soumises au défi de l'économie informationnelle mondiale. C'est là un tout autre interculturel qui n'est pas nommé comme tel. Pourtant, il s'est manifesté tout au long de l'histoire: entre arrangements et violences extrêmes. Nous croyons les sociétés semblables, ne s'opposant qu'à travers des questions géopolitiques. Nous négligeons les questions transpolitiques. Pourtant, c'est à partir d'elles que des empires devenus fascistes ou communistes se sont affrontés aux nations marchandes dans les deux plus violentes guerres que l'humanité ait connues. Comment va s'opérer, aujourd'hui, le devenir informationnel mondial des sociétés, à travers la dynamique conflictuelle de l'économique, du politique et du religieux? La sociologie doit constituer à son horizon une sociétologie. Cette étude de la complexité de chaque société est devenue la condition indispensable pour penser ce danger du géopolitique et du tronspolitique conjugués qui menace encore aujourd'hui l'humanité d'une guerre des mondes. Face à la globalisation de la finance, cette globalisation de la pensée doit se développer et s'inscrire dans notre éducatif démocratique. Faute de quoi, il n'y aura pas de renouveau de la démocratie en Europe et dans le monde! Jacques DEMORGON, philosophe et sociologue, a publié chez Economica, Anthropos: Complexité des cultures et de i'interculturel. Contre les pensées uniques (3' éd. 2004) ; Dynamiques interculturelles pour l'Europe (2003); L'histoire interculturelle des sociétés (2' éd. 2002) ; L'interculturation du monde (2000). L'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, le Japon, les États- Unis y font l'objet d'études culturelles et stratégiques. Jacques Demorgon a aussi publié trois autres ouvrages, en Allemagne, chez Campus. Table des matières LE TRAVAIL DU MOMENT INTERCULTUREL, — L'APPORT DE JACQUES DEMORGON INTRODUCTION – Activités, formes et singularité des sociétés PREMIERE PARTIF: L'IN'I'ERCULTUREL : SOUPÇONS ET QUESTIONS 1. L'interculturel volontaire Intentions et réceptions (Hall) Il. L'interculturel factuel Du quotidien au géopolitique (Élias) III. Une autre histoire Des identités à l'intérité (Couturat) DEUXIEME PARTIE INTERCULTURATION ET SOCIÉTOLOGIE L'histoire et la sociologie revisitées IV. De l'acculturation à l'interculturation L'analyse transductive (Simondon) V. Interculturation et histoire L'intérité des sociétés (Devereux) VI. Le religieux, le politique, l'économique Secteurs d'activités et transductions (Weber) Un passage <<L AFFICHAGE D'UNE CRITIQUE DE L'INTERCULTUREL nous a paru nécessaire pour marquer un point de non-retour. Il fallait absolument quitter cette exclusivité accordée à l'interculturel de « bonne volonté >>. Il fallait sortir de cette essentialisation des cultures, bien visible dans l'expression tellement idéalisante de dialogue des cultures En ne se préoccupant que de l'interculturel intentionnel d'aujourd'hui, on masquait que l'interculturel était une donnée coextensive à l'histoire humaine. On empêchait qu'il y soit recherché sous toutes ses formes, y compris la violence. Le véritable objet n'est pas tant l'interculturel que l'interculturation. Et celle-ci est profondément liée aux stratégies des acteurs humains. Avant le culturel, après le culturel, il y a toujours le stratégique. Mais la pensée fondamentale conjuguant stratégies et cultures ne pouvait pas s'exprimer, par manque du mot qui dit cela ensemble : l'intérité humaine, à la fois interstratégique et inter-culturelle. Tout cela conduit à rétablir clairement « les humains entre eux >> comme producteurs de leurs stratégies et de leurs cultures. Seule l'interculturation permet cette perspective de synthèse, en englobant ses acteurs, ses objectifs, ses processus, ses résultats.>> p.197 Commentaire Une vision complètement renouvelée de l'interculturel par le plus grand spécialiste de la question. Pas toujours facile à lire. Esprit du site Moteur de recherche Recherche d'article par auteur Pedagopsy.eu Recherche de livres par motsclefs Plan du site L'auteur
Violence Révolutionnaire Et Construction de L'imaginaire Politique Chez Frantz Fanon: Une Lecture Critique de L'approche Fanonienne de La Question Coloniale.