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Marie-Emma Boursier
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Marie-Emma Boursier
Doyen de la Faculté de droit et de science politique
de Versailles Saint-Quentin en Yvelines – Paris-Saclay,
Maître de conférences HDR,
Directrice du Master professionnel de Droit pénal de l’entreprise,
Laboratoire DANTE, équipe d’accueil no 4498
This study will aim at identifying and analyzing these overlapping contacts.
First, from the standpoint of the rules applicable to traditional criminal
violations that put the States and the international community in a major
systemic risky position such as money laundering, corruption, tax evasion,
tax fraud and environmental crimes.
Second, from the standpoint of the soft law rules and its attached sanctions
whose lack of predictability is paradoxically a source of possible insecurity
for the States as well as for the private sector.
(1) Colloque « L’Europe du droit face aux entreprises planétaires », 21 mars 2015, Les entretiens d’Amboise.
(2) Droit pénal et autres branches du droit, Actes du XXe congrès association française de droit pénal, 5-6-7 oct.
2011, éd. Cujas, coll. Actes et colloques, sous la direction de J. C. Saint- Pau, 2012, p. 465 à 472.
(3) M. Delmas-Marty, Le flou du droit. Du code pénal aux droits de l’homme, PUF, spéc. p. 17 et 18.
(4) J. Pradel, Droit pénal comparé, Dalloz, coll. Précis, 4e éd., 2016, spéc. no 39, 764.
(5) La compliance, ou conformité réglementaire, impose aux entreprises de se soumettre à l’ensemble des exigences
légales, réglementaires et à toute norme émanant d’un organisme doté d’un pouvoir réglementaire ou de tutelle
sous peine de sanction par un juge ou une autorité de tutelle.
(6) C’est aussi un outil de politique financière mondiale, V. en ce sens les déclarations du Comité de Bâle.
(7) Pour un exemple récent en matière de corruption de pénalisation de la non-compliance : la corporate offence
of failing to prevent corruption, UK Bribery act, Sect. 7. Sur l’analyse du mécanisme de mise en cause de la
responsabilité pénale de la personne morale, M.-E. Boursier, préc., spéc. no 212 s.
nationales, dont les processus pruden- relevé des défis liés aux mouvements
tiels issus des règles de compliance 8. de décentrement 12 et de concurrence
Cette approche élargie du droit pénal en démontrant sa faculté d’adaptation.
international ne constitue sans doute Aujourd’hui la dynamique d’un droit pénal
qu’une étape tant les interférences entre mondialisé impose de relever d’autres
les forces économiques et les droits de défis d’une ampleur sans précédent : défi
l’homme se multiplient 9. Dès lors, l’ana- de la hiérarchisation des valeurs et de la
lyse de la mondialisation du droit pénal, protection de l’intérêt général internatio-
au prisme des règles de compliance, nal, du respect des droits fondamentaux
bouscule la conception traditionnelle du et in fine de la préservation de la paix
droit pénal régalien et territorial d’un internationale. Le droit pénal des affaires
triple point de vue. Ses sources tout internationales, laboratoire du phéno-
d’abord : le principe constitutionnel de mène de mondialisation du droit pénal 13,
légalité pénale ne réserve-t-il pas l’ex- apporte des réponses nuancées. Malgré
clusivité de l’édiction de la norme pénale sa faiblesse en termes d’efficacité, il
à la compétence du législateur ? Son démontre une étonnante plasticité sans
champ d’application ensuite : comment renier ses fonctions irréductibles 14.
la territorialité du droit pénal, s’accom-
mode-t-elle de règles de compliance En définitive, le constat d’un droit pénal
mondialisées qui appellent un juge pénal bousculé par la mondialisation suscite
sans frontières ? Son effectivité enfin : des craintes liées à sa capacité d’assurer
comment, dans ces conditions, rendre la protection de la société et les garan-
effective la répression d’une délinquance ties fondamentales des citoyens (I). Ces
transnationale dans un monde globalisé, craintes sont finalement apaisées par la
mais composé d’États souverains ? 10 démonstration de son incroyable faculté
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(8) M.-E. Boursier, Commerce international, droit pénal et compétitivité des entreprises, JCP 207, 2016.
(9) Rapport intérimaire du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies chargé de la question des
droits de l’Homme et des sociétés transnationales et autres entreprises (DOC ONU E/CN. 4/2006/97).
(10) La répression dépendant dès lors de l’efficacité des délégations de souveraineté consenties dans les conventions
internationales de coopération pénale, sans compter le refus de super- puissances comme les États-Unis d’adhérer
à la Cour pénale internationale.
(11) La sanction est un élément définitoire essentiel du droit pénal, élément fondé sur sa nature et sa gravité. Or,
au-delà des mécanismes connus du droit interne, les formes internationales des sanctions infligées aux entre-
prises correspondent à cette qualification : déréférencement des marchés internationaux, retrait de licence,
atteinte à la réputation par l’opprobre de l’opinion publique internationale et in fine la fuite des investisseurs
ou des commanditaires étatiques sur les marchés.
(12) Ce décentrement est le fruit de l’émergence d’un droit européen des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe
avec la jurisprudence structurante de la Cour européenne des droits de l’Homme. V. G. Giudicelli-Delage, Le droit
pénal de l’Union européenne au lendemain du Traité de Lisbonne (colloque international organisé par l’Association
de recherches pénales européennes, 27 et 28 janv. 2011), éd. Société de législation comparée, DL 2012.
(13) M. Delmas-Marty, Le Relatif et l’Universel. Les Forces imaginantes du droit, t. 1, éd. Seuil, 2004.
(14) Expressivité, prévention, répression et protection sont les fonctions fondamentales du droit pénal dans un État
démocratique ; F. Desportes, F Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 17e éd., 2011, spéc. no 47 à 53.
(15) P.- M. Dupuy, Y. Kerbrat, Droit international public, Dalloz, coll. Précis, 13e éd., 2016, spéc. no 25 et 276-277. Sur
la notion de jus cogens et son caractère antinomique avec la logique du droit international public les auteurs
notent qu’il s’agit de « la plus grande incohérence du droit international mais aussi de la plus fertile du droit
international contemporain notamment sur l’évolution de ses modes de formation ».
(16) M. Delmas-Marty, Le Relatif et l’Universel. Les Forces imaginantes du droit, t. 1, éd. Seuil, 2004, spéc. p. 15,
à propos de l’Europe laboratoire de la mondialisation du droit.
(17) Au-delà du droit conventionnel classique, largement bilatéral en matière d’extradition puis de coopération
pénale internationale.
(18) C. pén., art. 113-2, 113-6 s. et C. pr. pén., art. 689 s..
(28) La compliance constitue également un substitut de la justice pénale internationale, les États-Unis refusant de
déléguer leur droit de punir à la Cour pénale internationale.
(29) Suivi notamment au Royaume-Uni par le Bribery Act adopté en 2010 et entré en vigueur le 1er juill. 2011.
(30) Loi Sarbanes-Oxley du 30 juill. 2002, dite loi SOX, sur la transparence et l’exactitude de l’information financière,
destinée à protéger le marché américain.
(31) Il comprend, outre les dispositions comptables imposées aux sociétés américaines pour la mise en place d’un
système de contrôle interne efficace pour détecter les actes de corruption, des dispositions anti-corruption qui
interdisent d’offrir ou de fournir un quelconque avantage à un agent public étranger afin d’obtenir, de conser-
ver ou de diriger vers quiconque une transaction ou tout autre avantage.
(32) Il s’applique ainsi à toute personne physique ou morale de nationalité américaine, à toute société étrangère cotée
sur le marché américain, à toute personne physique ou morale étrangère présente sur le territoire américain et
à toute filiale d’une société soumise au FCPA, quel que soit son lieu d’implantation. Elles concernent aussi toute
société souhaitant faire l’acquisition d’une société soumise au FCPA, l’acquéreur pouvant être tenu responsable des
violations des dispositions civiles et pénales du FCPA commises par la cible avant la date de réalisation de l’acquisition.
(33) Le cas BNP est emblématique de l’efficacité du modèle américain. La banque BNP Paribas poursuivie pour
avoir facilité des milliards de dollars de transactions avec le Soudan, mais aussi l’Iran et Cuba, enfreignant ainsi
l’International Emergency Economic Powers Act, loi fédérale américaine de 1977 qui autorise le président des
États-Unis à restreindre les relations commerciales avec certains pays, a accepté de plaider coupable avant d’être
sanctionnée par une amende de neuf milliards de dollars en 2014.
(34) M.-E. Boursier, préc., spéc. no 51 à 53.
(39) OCDE, « Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinatio-
nales et des administrations fiscales », 10 août 2010 ; OCDE, « Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales », 2011.
(40) OCDE (2013), Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices dit plan BEPS
(Base erosion an profit shifting), Éditions OCDE. Pour une analyse du projet : P. Saint-Amans, E. Robert, Le projet
BEPS et la longue marche en direction d’une fiscalité globale pour l’économie du xxie siècle, RD fisc. no 49, 3 déc.
2015, 709.
(41) Lamy fiscal, 2014, spéc. no 4490.
(42) Consid. 3 du Règl. (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accom-
pagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) no 1781/2006, JOUE no L 141/1 du 5 juin 2015.
(43) J.- F. Renucci, JCP 1369. 2015. L’auteur souligne la réduction corrélative de la marge nationale d’appréciation
des États membres.
(44) Sans compter les politiques prescriptives et préventives préconisées par les acteurs internationaux tel que le
Fonds monétaire international, la Banque mondiale, ou encore le G20. V. M- E. Boursier, préc., spéc. no 976 s.
(45) J.-M. Jacquet, Version révisée des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales,
RTD com. 2001. 296.
(46) Convention des Nations unies contre la corruption du 31 oct. 2003, art. 63.
(47) 3e Conférence de Doha, 9-13 nov. 2009.
(48) Rapp. de la phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention OCDE de lutte contre la corruption,
12 oct. 2012.
(49) 4e Conférence de Marrakech, 24-28 oct. 2011. Une 5e conférence a eu lieu à Panama du 25 au 29 nov. 2013.
(50) Guide pratique contre la corruption publié par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
(51) Résolutions 3/1, 4/1, 3/4 et 1/1, Mechanism for the Review of Implementation of the United Nations Convention
against Corruption.
(52) « Améliorer la conformité aux normes de LBC/FT dans le monde : un processus permanent », dans lequel le GAFI
encourage ses membres à tenir compte des défaillances stratégiques des pays recensés dans ce document.
(53) Cycle en cours depuis 2014. La prochaine évaluation de la France, après l’évaluation réalisée en 2012, est prévue
en 2020.
(54) Rapport de la phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention OCDE de lutte contre la corruption
du 12 oct. 2012.
(55) M.-E. Boursier, L’irrésistible ascension du whistleblowing en droit financier s’étend aux abus de marché, Bull. Joly
Bourse 2016. 382.
(56) M.-E. Boursier, op. cit., spéc. no 1083 et 1103.
(57) Loi no 830-2016 du 8 nov. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation
de la vie économique.
(58) Le Conseil d’État admet le recours pour excès de pouvoirs contre certains actes de droit souple des autorités
de régulation. CE, ass., 21 mars 2016, nos 368082, 368083 et 368084, Sté Fairversta international GmbH et a., et
CE 21 mars 2016, no 390023, Sté NC Numéricable, au Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 572 ; ibid. 717, chron.
L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2017. 881, obs. D. Ferrier ; AJCA 2016. 302 ; Rev. sociétés 2016. 608,
note O. Dexant - de Bailliencourt ; RFDA 2016. 506, concl. V. Daumas ; RTD civ. 2016. 571, obs. P. Deumier ; RTD
com. 2016. 711, obs. F. Lombard.
(59) CE 30 mars 2016, avis no 391262, sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et
à la modernisation de la vie économique.
(60) S. Savolainen, La responsabilité pénale de la personne morale pour le crime international de pillage : regard
sur les systèmes juridiques internes in Vingt ans de justice internationale pénale, D. Bernard, D. Scala (dir.), Les
dossiers de la revue de droit pénal et de criminologie, 21, La Charte, professionnal publishing, 2014, p. 133
à 150, spéc. p. 133-134. Les sources issues des règles de compliance sont par définition inefficientes en matière
de criminalité internationale liée à des crimes internationaux et à la criminalité organisée ex nihilo pour mener
à bien des activités criminelles.
(61) Le cas BNP, déjà évoqué, en témoigne avec une sanction pécuniaire de 9 milliards de dollars pour violation de
mesures d’embargos américaines.
(62) La cour d’appel de Paris, qui réévalue le plus souvent à la baisse les amendes prononcées, a confirmé le
27 octobre 2016 l’amende record de près d’un milliard d’euros – la ramenant cependant de 951, 1 à 948, 9 mil-
lions d’euros – prononcée par l’Autorité de la concurrence en 2014 à l’encontre de fabricants majeurs de produits
d’hygiène et d’entretien reconnus coupables.
(63) CEDH 17 sept. 2009, c/ Italie, aff. no 10249/03, AJDA 2010. 997, chron. J.-F. Flauss ; D. 2010. 2732, obs. G. Roujou
de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; RSC 2010. 234, obs. J.-P. Marguénaud.
(64) Y. Mayaud, Droit pénal général, PUF, coll. Droit fondamental, 5e éd., 2015, spéc. no 5. L’auteur souligne l’apport
méthodique des bouleversements connus par le droit pénal « retravaillé » sous l’influence du droit constitution-
nel et du droit européen
pénales appliquées par le juge pénal est corruption internationale au niveau d’exi-
nécessairement repensé. La dialectique gence des standards internationaux 69.
devient duale car les valeurs protégées Il s’agit notamment de concurrencer le
diffèrent selon qu’elles ressortissent du Department of Justice (DoJ) et la Secu-
champ national ou du champ internatio- rities and exchange commission (SEC)
nal 65. Les enjeux se cristallisent en effet américains, et demain le Serious fraud
sur l’application loyale et réciproque des office (SFO) britannique 70, par la création
accords de coopération afin d’assurer le d’une Agence française anticorruption
respect de nos intérêts fondamentaux 66. compétente pour sanctionner les opéra-
Ils s’accompagnent aussi de risques spé- teurs français et étrangers contrevenant
cifiques en matière de territorialité 67 en à la législation anti-corruption. La loi ins-
raison des assauts des lois américaines taure clairement une compétence du juge
anti-corruption ou encore des mesures pénal pour contrôler et apprécier, via la
d’embargos à l’origine de poursuites peine de mise en conformité, le respect
et de sanctions extrêmement sévères des règles de compliance liées aux pro-
contre les opérateurs français 68. Dès cessus internes que les entreprises rede-
lors, la place du juge pénal face aux vables devront mettre en place. Le juge
enjeux de la mondialisation du droit pénal a en effet vocation à la prononcer
pénal et à la mise en danger du principe à titre complémentaire d’une peine prin-
de légalité est cruciale pour assurer une cipale pour une infraction pénale d’at-
forme de contrôle national (1) à l’heure teinte à la probité, et à en suivre l’ap-
où les modes de règlements se contrac- plication avec l’aide de sachants et de
tualisent partiellement lui offrant de l’Agence française anticorruption.
nouvelles modalités d’intervention (2).
L’innovation est majeure : le juge pénal,
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(65) V. infra sur la distinction par le Conseil d’État entre l’invalidité des procédures transactionnelles en droit pénal
interne et leur validité en droit pénal des affaires internationales au regard du contexte particulier des relations
commerciales internationales.
(66) Les échanges avec la justice américaine suscitent des interrogations face à la faiblesse de la protection apportée
par la loi de blocage no 68-678 du 26 juill. 1968 relative à la communication de documents et renseignements
d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales
étrangères modifiée par la loi no 80-538 du 16 juill. 1980 dont les juridictions américaines font peu de cas. Leur
respect réel nécessite une volonté politique forte de rééquilibrage.
(67) La question de l’interprétation du principe de territorialité en tant que titre de compétence traditionnel est une
question fondamentale du droit international particulièrement en matière de crimes transfrontaliers.
(68) V. Les cas BNP, Technip etc…
(69) M.-E. Boursier, Loi no 2016-830 du 8 novembre 2016 : anticorruption et anti-blanchiment, les nouveaux risques
pesant sur les entreprises, JCP A 2016, Etudes 1622.
(70) Sur les modalités et les conséquences des deals de justice, notamment lorsqu’une procédure pénale est ouverte
en France ; M. Audit, R. Bismuth et A. Mignon-Colombet, Sanctions et extraterritorialité du droit américain :
quelles réponses pour les entreprises françaises ?, Etudes, JCP 2015. 37.
(71) Le juge français est déjà confronté à la soft law et aux règles de compliance en matière de RSE ou encore de
droit financier. V. par ex. Paris 19 déc. 2013, no 12/22644, Rev. sociétés 2014. 306, note A. Viandier, qui à propos
des obligations d’information des opérateurs cotés sur les marchés dispose : « Cette nouvelle dimension ne figure
pas dans la loi (hard law) mais s’agissant de sociétés cotées sur les marchés internationaux, elle a pénétré dans les
exigences des régulateurs de marché (soft law) et s’inscrit dorénavant de plus en plus dans les règles de bonne
conduite de l’AMF) ».
(72) La jurisprudence de la CEDH en matière de cumul des sanctions fondée sur le respect du principe non bis in idem
a pu en effet être interprétée comme manifestant une volonté de marginalisation du juge en faveur des AAI.
En ce sens, CEDH 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c/ Italie, aff. nos 18640/10, 18647/10, 1663/10, 18668/10
et 18698/10, D. 2015. 1506, obs. C. Mascala ; Rev. sociétés 2014. 675, note H. Matsopoulou ; RSC 2014. 110, obs.
F. Stasiak ; ibid. 2015. 169, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 2015. 235, obs. L. d’Ambrosio et D. Vozza.
(73) Les atteintes à la probité sont placées en haut de l’échelle répressive des peines et l’introduction de la transaction
aura sans doute des effets systémiques sur d’autres infractions graves.
(74) Nouveau C. pr. pén., art. 411-2.
(75) Il s’agit des infractions visées aux art. 433-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1, 434-9,
434-9-1 al. 2 C. pén.
(76) Le juge pourra proposer une amende pénale d’intérêt public proportionnée aux avantages tirés des man-
quements constatés et limitée à 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres
d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements (avec possibilité d’échelonner le paiement
sur une année). Il pourra également prononcer une peine d’exécution du programme de mise en conformité
pour une durée maximale de trois ans sous le contrôle d’un commissaire à l’exécution du programme de mise
en conformité désigné par la personne morale concernée avec l’accord de l’Agence française anticorruption,
à l’avenant du système américain de monitoring.
(77) CE, avis consultatif no 391262 du 30 mars 2016 sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la
corruption et à la modernisation de la vie économique.
(78) A. Supiot, M. Delmas-Marty (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015, spéc. p. 12-16.
(79) Le blanchiment est un exemple de cette globalisation des valeurs exprimées : le travail conventionnel entamé
sous l’égide des Nations unies et du Conseil de l’Europe puis du GAFI a progressivement permis d’étendre l’in-
crimination au-delà du trafic de stupéfiants à l’ensemble des infractions d’une certaine gravité.
(80) V. note 96.
(81) Le règl. (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avr. 2014 sur les abus de marché dit règle-
ment MAR et la dir. 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions
pénales applicables aux abus de marché dite directive MAD faisant du droit pénal un recours ultime et indispen-
sable pour sanctionner les délits les plus graves sont révélateurs de la place particulière du droit pénal.
(82) B. Bouloc, Droit pénal général, Dalloz, coll. Précis, 23e éd., 2013.
et in fine à celle d’une sanction revêtant le droit pénal retrouve donc une expres-
une forme d’automaticité. Voici, au fond, sivité forte. Il accompagne les prises de
le point essentiel : le caractère préventif position des organisations internatio-
des règles de compliance et la dissua- nales pour combattre les infractions
sion attendue de comportements qui les les plus attentatoires à la démocra-
omettraient ou y contreviendraient tient tie et aux droits de l’homme. Ainsi,
à la sévérité des sanctions effectivement le Pacte mondial des Nations unies 84
prononcées et à leurs effets collatéraux : invite les entreprises 85 à adopter, sou-
sanctions pécuniaires et/ou privatives de tenir et appliquer un ensemble de dix
droit – retrait de licences, interdiction principes 86 représentant des valeurs
d’accès à des marchés internationaux fondamentales parmi lesquels la lutte
prononcée par le juge ou le régulateur contre la corruption 87. De même, les
–, mais aussi d’atteinte à la réputation principes directeurs de l’OCDE à l’in-
sur les marchés financiers, à l’égard des tention des entreprises multinatio-
consommateurs et de l’opinion publique nales, réactualisés en 2011, soulignent
désormais internationale elle-aussi. En les liens entre progrès économiques,
définitive, la vocation préventive du droit sociaux et environnementaux, les acti-
pénal trouve un terrain d’élection renou- vités des entreprises multinationales et
velé en droit pénal international via les le développement durable. L’impact des
règles de compliance porteuses d’une règles de conformité, le développement
idée d’automaticité de la sanction lar- des règles de reporting extra-finan-
gement dissociée du pouvoir régalien 83. cier, l’adhésion aux normes de l’Orga-
nisation internationale de la normalisa-
tion 88 tendent à assurer la convergence
2 - L’irréductibilité du droit des règles nationales vers les référen-
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(83) P.-M. Dupuy, Y. Kerbrat, Droit international public, Dalloz, coll. Précis, 13e éd., 2016, spéc. no 40. Les auteurs
soulignent que la soft law représente la dissociation de la notion de système juridique de celle de la sanction.
(84) La phase opérationnelle du Pacte mondial, initié en 1999 au Forum économique mondial de Davos, a été lancée
le 26 juill. 2000. Il est financé par la Fondation pour le Pacte mondial, créée en 2006, organisme à but non lucratif
chargé de lever des fonds auprès du secteur privé afin de soutenir les ambitions du Pacte mondial. Il regroupe
des centaines de sociétés de toutes les régions du monde, des organisations internationales du travail et des
membres de la société civile.
(85) Les réseaux locaux soutiennent l’application des dix principes par les entreprises. Le réseau français, créé en 2003,
rassemble en 2015 plus de 1 080 entreprises et organisations participant au Global Compact en France.
(86) Les entreprises sont invitées à promouvoir les droits de l’homme (protection du droit international relatif aux
droits de l’Homme dans leur sphère d’influence, engagement des entreprises de ne pas se rendre complices de
violations des droits de l’homme), à promouvoir les normes du travail (liberté d’association, droit de négociation
collective, élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, abolition effective du travail des
enfants, et élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession), la protection de l’environne-
ment (approche de précaution face aux problèmes touchant l’environnement, initiatives tendant à promouvoir
une plus grande responsabilité en matière d’environnement, mise au point et diffusion de technologies respec-
tueuses de l’environnement).
(87) Principe 10 du Pacte mondial des Nations unies.
(88) Adhésion à la norme ISO 26000, publiée en 2010, relative à la responsabilité sociétale des organisations, définis-
sant les obligations et les modalités d’implication des entreprises pour favoriser le développement durable.
(89) L. Neyret (dir.), Des écocrimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2015.
(90) M. Delmas-Marty, Le Relatif et l’Universel. Les Forces imaginantes du droit, t. 1, éd. Seuil, 2004, spéc. p. 12 s.
L’auteur souligne la dualité qui s’est installée du fait des deux pactes distincts élaborés en 1966 scindant les
droits civils et politiques et les droits économiques sociaux et culturels, ces derniers étant laissés quasiment sans
contrôle jusqu’à la création de l’OMC en 1994 isolant les droits économiques.
(91) Les risques existent aussi pour l’entreprise qui dans ce marché mondialisé peut avoir du mal à connaître et
sécuriser ses chaînes d’approvisionnement par exemple.
(92) M.-A. Frison-Roche, préc. L’auteur souligne ce besoin de protection de « leur risque principal, dont on voit la
réalisation fréquente actuellement : des condamnations imprévues et aléatoires, alors que les dispositifs avaient
été pris de bonne foi ».
(93) E. Dreyer, préc., spéc. no 126.