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Résumé du livre de L. Mfouakouet, 2020 : L’Occident désorienté.

Comment se saisir d’une


hantologie comparée, Editions Universitaires Européennes, 80 pages.

Alors que les continents (cinq [ ?] : Afrique / Amérique / Asie / Europe / Océanie) sont liés à la
terre et ont une histoire qui remonte à ce qu’on appelle la dérive des continents (cf. théorie de
la tectonique des plaques d’Alfred Wegener), l’orient et l’occident sont des notions qui nous
élèvent au plus haut des cieux, et se réfèrent au Soleil dans sa course d’Est en Ouest.

Mais la continentalisation du monde est aussi un construit historique, surtout avec l’assignation
des noms 1, qui est l’œuvre d’un des continents : l’Europe (cf. C. Grataloup, 2009 : L’invention
des continents. Comment l’Europe a découpé le monde, Paris, Larousse). Cette Europe que
Hérodote (Histoires, IV, 45) disait pourtant « originaire d’Asie », et que Paul Valéry qualifiait
de « sorte de cap du vieux continent, un appendice occidental de l’Asie ». « Elle regarde
naturellement vers l’Ouest », continuait-il alors (La crise de l’esprit. Note ou l’Européen (texte
intégral) & Divers essais quasi-politiques [extraits] ; cf. R. Debray, 2018 : Civilisation.
Comment nous sommes devenus américains, Paris, Gallimard, p. 35 sq.).

Cette proximité d’avec l’Asie semble rejouer une certaine inimitié archaïque entre Abel et Caïn,
et dont la structure se retrouve dans : – la moderne invention de l’incompatibilité entre Aryens
et Sémites, au XIXe siècle (cf. E. Renan : lire M. Olender, 1989 : Les langues du Paradis.
Aryens et sémites : un couple providentiel, Paris, Seuil, p. 103-156) ; – l’élaboration des
théories racistes du nazisme qui marqueront toute la seconde moitié du XXe siècle ; –
l’opposition entre Russes (ou Slavophiles) et Occidentaux après la seconde Guerre mondiale
(cf. Al. Zinoviev, 1990 : Nous et l’Occident, Lausanne, L’Age d’Homme ; Id., 1995 :
L’occidentisme. Essai sur le triomphe d’une idéologie, Paris, Plon, p. 211) ; – le « choc des
civilisations » d’essence culturelle et religieuse, où l’ennemi oriental prendra une figure arabo-
musulmane, vers les années 1990. Autant l’Europe regarde vers l’Ouest, autant elle continue à
fixer l’Orient alors perçu, selon un mythe aujourd’hui encore persistant, comme le lieu d’où
viendrait une menace : le « péril jaune » ; comme si elle [l’Europe] ressentait le besoin
d’invention (mythologique) d’un ennemi massif, à satisfaire !

1
« Tous les continents ont progressivement été universellement désignés selon leur dénomination européennes
initiale : les noms ‘Asie’ et ‘Europe’ ont été réemployés par référence à Hérodote, le nom ‘Afrique’ a été réemployé
par référence à la province romaine, le nom ‘Amérique’ a été choisi par référence au navigateur italien Amerigo
Vespucci et le nom ‘Océanie’ a été formé en 1812 par Conrad Malte-Brun, géographe français d’ascendance
danoise » (Salim Abdelmadjid, « Un concept africain d’Europe », in Id. [dir.], 2018 : Europe, Revue Noesis,
Automne 2017 – Printemps 2018, n° 30-31, p. 160, note 16).
Regarder vers l’Ouest c’est d’abord surmonter le « coucher » du soleil en le conjurant, pour lui
survivre. C’est aussi satisfaire son besoin quasi-naturel d’orientation, et surtout organiser celui-
ci en fonction de son désir non moins quasi-naturel de faire face à cette menace « jaune » –
réelle et/ou fantasmée –, en guise de survie que l’on dira occidentale pour le coup. Par ailleurs
et enfin, l’Europe oriente son regard vers l’Ouest parce qu’elle est le plus petit de tous les
continents. C’est sans doute pour mieux affronter cette petitesse naturelle qu’elle élargit son
regard et sa proportion géographique vers l’Ouest. Les Guerres mondiales lui ont permis de
prendre toujours plus conscience – pour le meilleur comme pour le pire – du devenir-Occident
de l’Europe (cf. R. Debray, 2019 : L’Europe fantôme, Paris, Gallimard, Tracts n° 1, p. 29 sq.).

Comment ne pas y voir un mythe et un fantasme (cf. G. Corm, 2012 : L’Europe et le mythe de
l’Occident. La construction d’une histoire, Paris, La Découverte) qui se sont construits sur la
longue durée ? Il en aurait été ainsi à l’occasion de ces événements : le schisme qui donne lieu
aux Eglises d’Orient et d’Occident (1054) ; la découverte-invention de l’Amérique (1492) qui
se donne au travers d’une ruse où la recherche des Indes orientales débouche sur les Indes dites
occidentales ; la Réforme protestante (1517), qui ouvre la voie à la Guerre de Trente ans, sa
résolution [i.e. la naissance des Etats-nations modernes] étant advenue avec la conférence de
Westphalie (1648) ; la Conférence de Berlin (novembre 1884 – février 1885) qui tiendra lieu
de régulation unifiée de la rivalité conflictuelle des Etats ouest-européens, l’extériorisation de
la guerre européenne vers les autres parties du monde étant le prix lourd à payer pour celles-ci.

Mais plus tôt déjà, au fondement de cette polarisation Orient / Occident, il y a l’invention par
l’empereur Théodose, en 395 ap. J.-C., d’un Empire romain d’Occident et d’un Empire romain
d’Orient. Les effets de cette invention se répandront jusque dans le long règne du Saint-Empire
romain germanique, dont Voltaire disait quelque part dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des
nations qu’il n’était en aucune manière ni saint, ni romain, ni empire. L’Allemagne sera ainsi
au cœur de cette polarisation mythologique du monde, son drame étant de manquer d’unité et
de force identificatoire, et même des moyens d’y parvenir.

Aussi Oswald Spengler fera-t-il de l’Occident le nom de majesté qu’endossera l’Allemagne lors
de sa défaite militaire, y voyant une crise de civilisation plutôt qu’un événement guerrier.
Comme si le défaut identitaire de l’espèce [l’Allemagne] se résolvait dans l’appel à un genus
proximum, à une aire culturelle plus large [l’Occident] ; comme si le recours à la notion
d’Occident pouvait répondre à un besoin conceptuel et vital. Tout compte fait, Oswald Spengler
choisit, pour dire la crise que traversent l’Allemagne et le monde, le terme « Abendland »
(plutôt qu’Okzident et que Westen), considéré sous le prisme de l’« Untergang » (cf. Der
Untergang des Abendlandes [1918 pour le Tome 1 ; 1922 pour le Tome 2]). Ce choix permettra
aux traducteurs de jouer sur l’ambivalence de ces mots, mieux perceptible dans certaines
langues (surtout l’italienne), pour montrer qu’il y a encore et toujours « pour l’Occident la
possibilité d’une nouvelle aube ou d’un avenir dans d’autres espaces » (Cl. Prudhomme,
« Occident », in O. Christin [dir.], 2010 : Dictionnaire des concepts nomades en sciences
humaines, Paris, Métaillé, version numérique, emplc. 7108). Tout se joue ainsi entre une
décadence insurmontable et une fin provisoire (cf. G. Merlio, 2019 : Le début de la fin ? Penser
la décadence avec Oswald Spengler, Paris, PUF). L’interprétation du coucher du soleil en
termes de fin provisoire, et donc de fin annonciatrice d’un nouveau commencement, se paie
sans doute d’un soupçon, certainement d’une hantise de décadence insurmontable qui ne pourra
lui venir que d’ailleurs : d’Orient.

Raison donc à Tz. Todorov qui, dans la préface à la première édition française [1980] du livre
d’Edward W. Saïd sur l’orientalisme, pose bien la question dans ce sens, en des termes qui
rappellent le lien que Foucault établissait entre savoir et pouvoir : « Est-ce un hasard si, d’une
part, il y a un discours orientaliste en Occident mais aucun discours ‘occidentaliste’ en Orient,
et si, de l’autre, c’est justement l’Occident qui a dominé l’Orient ? » (in Ed. W. Saïd, 2003 :
L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, p. 8-9). Cette préoccupation était
aussi celle d’un Aimé Césaire : « C’est l’Occident qui fait l’ethnographie des autres, non les
autres qui font l’ethnographie de l’Occident » (2014 : Discours sur le colonialisme, Paris,
République des Lettres, version numérique, emplc. 549).

Notre ouvrage entreprend d’interroger cette hantise occidentale, et de montrer en quoi une
certaine philosophie y contribue. Nul doute qu’on doive, sur cette voie, croiser les analyses d’un
Jean-Luc Nancy qui écrit « l’histoire de l’Occident ou de la philosophie en tant qu’histoire
d’une supposition » ; pour lui la supposition, le geste même de supposer, est le geste occidental
philosophique par excellence, son geste principiel : « L’Occident, c’est ce qui commence en
disant ‘je me présuppose comme ayant déjà été’ ». C’est ce que montre l’exemple de la cité :
on dit que l’Occident commence avec la cité, or la cité dit « je suis déjà la cité ». Ce disant, elle
ne raconte pas sa genèse, mais dit qu’elle s’est fondée elle-même (ce que les Etats-Nations
modernes rééditent). La cité se refuse de dire comment elle est passée de village ou empire ou
nomade, à cité : « je m’institue moi-même, ce qui est justement le propre d’une cité » (J.-L.
Nancy, « Un sujet ? », in D. Weil [dir.], 1992 : Homme et sujet. La subjectivité en question dans
les sciences humaines, Conférences du Centre d’Etudes Pluridisciplinaires sur la Subjectivité,
Université de Strasbourg I, Paris, L’Harmattan, p. 47-114 ; cf. aussi P. Manent, 2012 : Les
Métamorphoses de la cité. Essai sur la dynamique de l’Occident, Paris, Flammarion). Cette
croisée de chemin est aussi celle d’un Philippe Lacoue-Labarthe alors fondé d’établir lui aussi
le lien entre Occident et philosophie : « l’Occident comme la philosophie est une invention
urbaine, ordonnée au politique, au civique et au civilisé » (2012 : La réponse d’Ulysse & autres
textes sur l’Occident, Paris, NEL/Imec, p. 32).

Véritable nom-commun-devenu-nom-propre, l’Occident n’y est parvenu qu’en se supposant


tel, qu’en s’opposant à un Orient, dans un geste spectralisé et spectralisant de polarisation,
d’appropriation. La philosophie qui se veut et se dit occidentale, en raison de son universalité
imposée et revendiquée, contribue à la légitimation de ce geste. Par-delà le devenir-Occident
de l’Europe, il y a le devenir-monde de l’Occident et le devenir-Occident du monde. Ces
devenirs procèdent par comparaison, et par soustraction, au Reste-du-monde, des « valeurs »
dites « propres » à l’Occident. Hegel : « la philosophie proprement dite commence seulement
en Occident » (G. W. F. Hegel, 1954 : Leçons sur 1’histoire de la philosophie. Introduction :
Système et histoire de la philosophie, Paris, Gallimard, p. 264). Les expressions « proprement
dite » et « seulement » disent la mise en rapport, appellent la comparaison, retirent au reste-du-
monde la philosophie. Voilà l’ambiance dans laquelle s’est mise en place la scène primitive de
la philosophie dite comparée, avec la controverse qui opposera Hegel à Schopenhauer.

Nous montrons que cette philosophie comparée se transforme d’autant plus facilement en
hantologie comparée qu’elle considère la polarité Occident / Orient comme une de ses données
essentielles, laquelle donnée ne relève pas moins d’une certaine spectrologie fantastique et
idéologique (cf. S. P. Huntington, 1997 : Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, version
numérique, emplc. 294-295, 298 ; cf. P. Legendre 2000 : La fabrique de l’homme occidental,
Paris, Mille et une nuits, version numérique, emplc. 121 sq. ; Id. 2004 : Ce que l’Occident ne
voit pas de l’Occident : Conférences au Japon, Paris, Mille et une nuits). (NB : Nous
empruntons le terme « hantologie » à J. Derrida, 1993 : Spectres de Marx. L’État de la dette, le
travail du deuil et la nouvelle Internationale, Paris, Galilée, p. 31, cité en exergue dans notre
livre.)

Quand revenance du fantôme il y a, nul doute que l’on sache où orienter le regard, et qui
accuser : l’autre, et/ou quelque Orient. La question devient alors celle de savoir si une certaine
désorientalisation y a quelque effet exorcisant, selon un geste posé par l’égyptologie qui
s’emploie à démontrer l’africanité de l’Egypte (cf. Cheikh Anta Diop pour qui « l’Antiquité
égyptienne est à la culture africaine ce que l’antiquité gréco-romaine est à la culture
occidentale » [cité par J. Iliffe, 2009 : Les Africains : Histoire d’un continent, Paris,
Flammarion, p. 58]).

Notre réponse se veut philosophique, et s’élabore en deux temps :

1/ Tant qu’elle n’a pas commencé par s’interroger sur ce qu’« Occidental » et qu’« Occident »
veulent dire, une certaine pratique (de philosophie aztèque ou maya ou amérindienne, ou
chinoise, ou japonaise ou hindou ou africaine, etc.) ne manquera pas de se muer en
« philosophie fantôme » à force de vouloir assumer autrement (ou remplacer) l’épithétisation
occidentale. C’est ce que fait bien Heidegger (cf. M. Heidegger, 2017 : Le commencement de
la philosophie occidentale. Interprétation d’Anaximandre et de Parménide, Paris, Gallimard,
p. 13 sq.), en cela différent de Hegel, et ce en dépit de la lecture que G. Deleuze fait du
philosophe de la forêt noire (cf. G. Deleuze, F. Guattari, 2013 : Qu’est-ce que la philosophie ?,
Paris, Minuit, version numérique, emplc. 1549 sq.).

2/ Par ailleurs, nous avons privilégié la course à trois de l’Europe-Asie-Afrique (cf. J. Hale,
2003 : La civilisation de l’Europe à la Renaissance, Paris, Poche, p. 46), pour montrer que
l’Afrique est la seule à ne pas se doubler d’une désignation mythologisée et spectrale (Europe-
Occident / Asie-Orient), la seule à se prévaloir d’un dépassement de l’interchangeabilité
Europe-Occident / Asie-Orient. Théoriquement parlant, elle est la mieux placée pour se saisir
de cette hantologie comparée avec une certaine lucidité : celle à laquelle l’auteur de The
invention of Africa (Yves Valentin Mudimbe, 1988) 2 s’approchait le plus et mieux qu’Edward
Saïd ; celle par rapport à laquelle Souleymane Bachir Diagne s’indécide tout en restant prudent
et donc exemplaire (S. B. Diagne, 2013 : L’encre des savants : Réflexions sur la philosophie en
Afrique, Paris, Présence Africaine ; Id. et J.-L. Amselle, 2018 : En quête d’Afrique(s).
Universalisme et pensée décoloniale, Paris, Albin Michel, version numérique, emplc. 3518
sq.) ; celle au regard de laquelle nous semble plus avisé l’auteur de L’Affaire de la philosophie
africaine. Au-delà des querelles (F. Eboussi Boulaga, 2011 : Paris, Terroirs & Karthala, p. 219
sq. ; cf. déjà Id., « Pour une catholicité africaine », in AA.VV., 1978 : Civilisation noire et
Eglise catholique (Colloque d’Abidjan, 12-17 septembre 1977), Paris, Présence Africaine, p.
339 sq., cité par Y. V. Mudimbe, 1988 : p. 60).

2
On comprend alors la raison de cette citation de V.Y. Mudimbe en exergue de ce livre : « Je mettrai donc Occident
là où il [M. Foucault] désigne Hegel : pour l’Afrique, échapper réellement à l’Occident suppose d’apprécier
exactement ce qu’il en coûte de se détacher de lui ; cela suppose de savoir jusqu’où l’Occident, insidieusement
peut-être, s’est approché de nous ; cela suppose de savoir, dans ce qui nous permet de penser contre l’Occident, ce
qui est encore occidental ; et de mesurer en quoi notre recours contre lui est encore peut-être une ruse qu’il nous
oppose et au terme de laquelle il nous attend, immobile et ailleurs » (V.Y. Mudimbe, 2000 : L’Odeur du Père.
Essai sur les limites de la science et de la vie en Afrique Noire, Paris, Présence Africaine, p. 12-13).

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