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SÉLECTION DE JURISPRUDENCE

PROCÉDURE PÉNALE
Jurisprudence

La garde à vue, entre inconstitutionnalité virtuelle et inconventionnalité réelle


Question prioritaire de constitutionnalité - Garde à vue - Droit à l’assistance d’un avocat - Droit au silence -
Droit à la dignité - Droit à l’intervention d’un magistrat de l’autorité judiciaire - Abrogation différée
Les articles 62, 63, 63-1 et 77 du Code de procédure pénale et les alinéas 1er à 6 de son article 63-4 sont contraires
à la Constitution. La déclaration d’inconstitutionnalité prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées
au considérant 30. Il n’y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur l’article 706-73 du Code de
procédure pénale et le septième alinéa de son article 63-4.
ÉDITION GÉ NÉRALISTE

Cons. const., 30 juill. 2010, no 2010-14/22 QPC : M. Daniel W. et a. – M. Debré, prés., MM. Barrot, Canivet,
Charasse, Denoix de Saint Marc, Mme de Guillenchmidt, MM. Haenel et Steinmetz – JO 31 juill. 2010,
p. 14198 I2572

Présentée comme un
véritable « coup de ton-
nerre » (1), la décision du
1. Pour parvenir à cette solution, le Conseil devait, en pre-
mier lieu, apprécier la recevabilité de la question prioritaire
de constitutionnalité qui lui était soumise au regard de l’arti-
Conseil constitutionnel cle 23-2, 2o, de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958,
no 2010-14/22 QPC du 30 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qui dis-
juillet 2010, relative au régime pose qu’il ne peut être saisi d’une telle question lorsque
de la garde à vue, constitue, il celle-ci est relative à une disposition législative qui a « déjà
est vrai, un élément d’impul- été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le
sion déterminant dans l’évo- dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel sauf chan-
Par Olivier lution à venir de l’une des gement des circonstances ». À ce propos, le Conseil adopte
BACHELET mesures les plus décriées de une solution nuancée.
Collaborateur de la SCP notre procédure pénale. Sans
Célice, Blancpain et mettre en cause son existence D’abord, pour ce qui concerne le régime de la garde à vue
Soltner, avocats aux même (2), les Sages de la rue propre à la criminalité et à la délinquance organisées, les
conseils Montpensier considèrent, en Sages rappellent que les articles 706-73 et 63-4 du Code de
Membre du procédure pénale, relatifs à cette matière, ont déjà été exa-
CREDHO-Paris-Sud effet, que certaines des moda-
lités de la garde à vue heur- minés et déclarés conformes à la Constitution dans la déci-
tent les exigences constitutionnelles, en particulier l’article sion du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004 (6). Par consé-
16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen quent, estimant qu’aucun « changement de circonstances »
(DDHC) de 1789, relatif à la « garantie des droits », duquel ne justifie, en matière de lutte contre la criminalité et la
sont traditionnellement déduits les droits de la défense (3). Si délinquance organisées, le réexamen des dispositions liti-
la décision du 30 juillet 2010 doit être saluée en ce qu’elle gieuses, le Conseil considère qu’il n’y a pas lieu de sta-
va susciter une avancée significative des droits du suspect tuer (7).
placé en garde à vue, dont l’extrême vulnérabilité a été sou-
Ensuite, s’agissant du régime de la garde à vue de droit
lignée notamment par la Cour européenne des droits de
commun, le Conseil constitutionnel indique que, s’il a fait
l’homme (4), la virtualité de ses implications (I) doit être cri-
l’objet d’une validation dans la décision du 11 août
tiquée face à la réalité des exigences conventionnelles (II).
1993 (8), depuis lors, « certaines modifications des règles de
I. LA VIRTUALITÉ DE L’INCONSTITUTIONNALITÉ la procédure pénale ainsi que des changements dans les condi-
tions de sa mise en œuvre ont conduit à un recours de plus en
Estimant que « la conciliation entre, d’une part, la prévention plus fréquent de la garde à vue et modifié l’équilibre des pou-
des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs voirs et des droits fixés par le Code de procédure pénale » (9). En
d’infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitu- particulier, le Conseil insiste sur une évolution profonde de
tionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équi- notre procédure pénale qui a considérablement renforcé le
librée », le Conseil constitutionnel affirme que les articles
poids de la phase policière, et donc celui de la garde à vue,
62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du Code de pro-
dans la constitution du dossier sur le fondement duquel le
cédure pénale, relatifs au régime de la garde à vue, « mécon-
suspect sera ensuite jugé. Dès lors, selon le Conseil, parce
naissent les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et doivent
que « la garde à vue est [...] souvent devenue la phase prin-
être déclarés contraires à la Constitution » (5).
cipale de constitution du dossier de la procédure en vue du
jugement de la personne mise en cause » (10), les garanties
encadrant le recours à cette mesure, ainsi que son dérou-
(1) Lemonde.fr, 30 juill. 2010.
(2) « La garde à vue demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines
opérations de police judiciaire » : considérant no 25 de la décision com-
mentée. (6) Cons. const., 2 mars 2004, no 2004-492 DC, loi portant adaptation de la
(3) V., not. : Cons. const., 30 mars 2006, no 2006-535 DC, loi pour l’égalité justice aux évolutions de la criminalité.
des chances et Cons. const., no 2006-540 DC, 27 juill. 2006, loi relative (7) Considérant no 13.
au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. (8) Cons. const., 11 août 1993, no 93-326 DC, loi modifiant la loi no 93-2
(4) V., en particulier : CEDH, gde ch., 27 nov. 2008, no 36391/02, Salduz du 4 janv. 1993 portant réforme du Code de procédure pénale.
c/ Turquie, § 54. (9) Considérant no 15.
(5) Considérant no 29. (10) Considérant no 16.

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lement et la protection des droits de la défense doivent être la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
réexaminées (11). l’homme (18). Il n’en demeure pas moins que les consé-

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De la sorte, tout en réaffirmant le caractère concret du quences de cette décision demeurent virtuelles puisque,
contrôle de constitutionnalité (12), les Sages rejoignent la considérant qu’il n’a pas le pouvoir général d’appréciation
jurisprudence de la Cour européenne qui a déjà souligné à dont dispose le Parlement et qu’il ne peut indiquer les règles
plusieurs reprises que la phase d’enquête policière a « des à appliquer pour remédier à l’inconstitutionnalité pronon-
conséquences déterminantes pour les perspectives de la cée, le Conseil décide de reporter l’abrogation des dispo-
défense lors de toute procédure pénale ultérieure » (13) et celle sitions litigieuses au 1er juillet 2011 afin de laisser le temps
de la Cour de cassation qui affirme qu’au regard de son au législateur de réformer la matière et de prévenir tout
caractère « déterminant du sort ultérieurement réservé aux vide juridique préjudiciable à l’ordre public (19). En d’autres
poursuites par la formation de jugement », la mise en état du termes, pendant près d’une année, les personnes placées
dossier doit respecter les standards du droit à un procès en garde à vue le seront conformément à des dispositions

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équitable (14). législatives dont la contrariété manifeste avec les droits cons-
titutionnellement garantis est désormais clairement éta-
blie. L’aval, même temporaire, donné par le Conseil à des

‘‘ Pendant près d’une année,


les personnes placées en garde à vue le
seront conformément à des dispositions
pratiques déclarées contraires aux exigences constitution-
nelles doit être critiqué en ce qu’il méconnaît l’une des mis-
sions essentielles assignées au contrôle de constitution-
nalité, à savoir la protection effective des droits et libertés
de l’homme.
législatives dont la contrariété
D’autant plus que, dans d’autres hypothèses, le Conseil cons-
manifeste avec les droits titutionnel n’a pas hésité à ignorer son absence de légitimité
constitutionnellement garantis est à se substituer au législateur le temps que celui-ci vote une
désormais clairement établie

loi nouvelle conforme à sa décision. C’est ainsi qu’après
avoir prononcé l’abrogation, sur le fondement de l’article 16
2. En second lieu, sur le fond, le Conseil constitutionnel de la DDHC, de l’article 90 du Code disciplinaire et pénal de
insiste, d’une part, sur le fait qu’en vertu des dispositions la marine marchande en ce qu’il ne garantissait pas une
du Code de procédure pénale, « toute personne suspectée composition du tribunal maritime commercial conforme au
d’avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue principe d’indépendance, le Conseil a estimé que cette abro-
par un officier de police judiciaire pendant une durée de vingt- gation est applicable « à toutes les infractions non jugées défi-
quatre heures quelle que soit la gravité des faits qui motivent nitivement au jour de la publication de la présente décision »
une telle mesure » et que « toute garde à vue peut faire l’objet et qu’à compter de cette date, pour exercer leurs compé-
d’une prolongation de vingt-quatre heures sans que cette faculté tences, les tribunaux maritimes commerciaux « siégeront
soit réservée à des infractions présentant une certaine gra- dans la composition des juridictions pénales de droit com-
vité » (15). D’autre part, le Conseil souligne que le Code de mun » (20). Allant plus loin, le Conseil constitutionnel s’est
procédure pénale ne permet pas à la personne gardée à vue même autorisé à réécrire, sans l’abroger, la loi en énon-
interrogée, « alors qu’elle est retenue contre sa volonté, de çant, dans le cadre d’une réserve d’interprétation, que l’arti-
bénéficier de l’assistance effective d’un avocat », « qu’une telle cle L. 452-3 du Code de la sécurité sociale doit permettre
restriction aux droits de la défense est imposée de façon géné- une réparation intégrale du préjudice subi par un salarié du
rale, sans considération des circonstances particulières sus- fait de la faute inexcusable de l’employeur alors que cette
ceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preu- disposition prévoit une liste limitative de préjudices répa-
ves ou assurer la protection des personnes » et « qu’au demeu- rables (21). S’il est vrai que la modulation dans le temps des
rant, la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification de effets des abrogations prononcées par le Conseil constitu-
son droit de garder le silence » (16). Par conséquent, estimant tionnel est essentielle afin de garantir la sécurité juridique,
que les dispositions du Code de procédure pénale « n’ins- la jurisprudence contradictoire des Sages en la matière appa-
tituent pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite raît peu respectueuse de ce principe...
de la garde à vue compte tenu des évolutions précédemment
rappelées » (17), le Conseil les déclare contraires à la Cons-
titution. (18) V., en la matière, les nombreux arrêts récents de la Cour européenne ayant
déclaré contraires à l’article 6 de la Convention les régimes de garde à vue
3. À première vue, en ce qu’elle implique pour le gardé à
ne permettant pas au suspect d’être assisté par un avocat lors des inter-
vue la notification de son droit à conserver le silence et le rogatoires et d’être informé de son droit au silence : CEDH, gde ch., 27
droit d’être assisté par un avocat lors des interrogatoires de nov. 2008, Salduz c/ Turquie, préc. ; CEDH, 24 sept. 2009, no 7025/04,
police, la décision du 30 juillet 2010 donne raison à ceux, en Pishchalnikov c/ Russie ; CEDH, 13 oct. 2009, no 7377/03, Dayanan c/
particulier les avocats, qui considèrent que le régime actuel Turquie ; CEDH, 19 nov. 2009, no 17551/02, Oleg Kolesnic c/ Ukraine,
de notre garde à vue méconnaît les droits de la défense et et CEDH, 2 mars 2010, no 54729/00, Adamkiewicz c/ Pologne.
(19) Considérant no 30. À cet égard, il est à noter que le Premier ministre,
François Fillon, a annoncé quelques heures après que la décision du 30
juillet 2010 ait été rendue publique que « le gouvernement prépare, en
(11) Considérant no 18. conséquence, les mesures législatives qui s’imposent. Elles s’inscriront dans le
(12) V., par exemple, à propos de la « taxe carbone » : Cons. const., 29 déc. cadre de la réforme d’ensemble de la procédure pénale. Le texte de cette
2009, no 2009-599 DC, loi de finances pour 2010, considérant no 82. réforme sera transmis dans les prochaines semaines au Conseil d’État ». S’il
(13) V., not. : CEDH, gde ch., 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, précité, § s’agit des dispositions issues de l’avant-projet de futur Code de procédure
52. pénale qui instituent, notamment, une « audition libre » du suspect hors
(14) V., en matière de discipline des avocats : Cass. 1re civ., 2 avr. 2009, no 08- la présence d’un avocat, il n’est pas certain que cette réforme soit conforme
12246 : Bull. civ. 2009, I, no 71. aux exigences tant constitutionnelles que conventionnelles ...
(15) Considérant no 27. (20) Cons. const., 2 juill. 2010, no 2010-10 QPC, Consorts Cousin et a.,
(16) Considérant no 28. considérant no 5.
(17) Considérant no 29. (21) Cons. const., 18 juin 2010, no 2010-8 QPC, Époux L., considérant no 18.

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SÉLECTION DE JURISPRUDENCE

Mais, au-delà de la virtualité des conséquences de la déci- en garde à vue, telles que la généralisation de l’enregis-
sion du 30 juillet 2010, c’est également l’ignorance de la trement audiovisuel, aujourd’hui cantonné à la matière cri-
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réalité de plusieurs exigences conventionnelles qui doit être minelle (26).


soulignée. 5. Par ailleurs, au soutien de leur argumentation, les requé-
rants invoquaient une méconnaissance de l’article 66 de la
II. LA RÉALITÉ DE L’INCONVENTIONNALITÉ Constitution de 1958 – qui fait de l’autorité judiciaire, la gar-
4. En plus de la méconnaissance des droits de la défense, dienne des libertés individuelles – en ce que le procureur
les requérants invoquaient la violation du principe de dignité de la République, sous le contrôle duquel sont décidées et
de la personne en raison des conditions matérielles dans menées les gardes à vue, ne serait pas une « autorité judi-
lesquelles la garde à vue se déroule. Cet argument se vou- ciaire indépendante ». Cet argument s’inspirait directement
lait l’écho de récents constats accablants pour les autorités de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg relative au
publiques françaises. C’est ainsi que dans son premier rap- droit pour la personne arrêtée ou détenue d’être « aussitôt
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port d’activité, rendu public le 8 avril 2009, le Contrôleur traduite devant un juge », conformément à l’article 5 de la
général des lieux de privation de liberté n’a pas hésité à Convention européenne. En effet, dans la célèbre affaire Med-
qualifier d’« indigne » l’état des locaux de gardes à vue, les vedyev c/ France, la Cour a considéré que cette exigence
cellules étant présentées comme « les lieux les plus médio- conventionnelle implique pour le magistrat qu’il présente
cres des locaux administratifs les plus médiocres ». Selon ce « les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif
rapport, la conception des lieux et leur entretien sont déplo- et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par
rables et « il est raisonnable de penser que ces conditions ne la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar
facilitent pas la préparation de sa défense par la personne inter- du ministère public » (27).
pellée » (22). Plus récemment encore, à la suite de l’examen Malgré tout, rappelant que « l’autorité judiciaire comprend à
des conditions de privation de liberté en France, le Comité la fois les magistrats du siège et du parquet » et que « l’inter-
contre la torture des Nations-Unies a rendu ses observa- vention d’un magistrat du siège est requise pour la prolon-
tions finales le 20 mai 2010 et s’est montré particulièrement gation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures », le
préoccupé face à la persistance d’allégations qu’il a reçues Conseil considère le régime de la garde à vue conforme, sur
au sujet de cas de « mauvais traitements qui auraient été ce point, à la Constitution (28). La première affirmation, pure-
infligés par des agents » à des détenus et à d’autres per- ment formelle, traduit l’entêtement du Conseil constitu-
sonnes entre leurs mains (23). tionnel qui, en méconnaissance des standards les plus élé-
mentaires du droit à un procès équitable, refuse de se ral-

‘‘
lier à la jurisprudence strasbourgeoise exigeant que la per-
La décision traduit l’entêtement sonne privée de liberté soit présentée à un juge indépendant
du Conseil constitutionnel qui refuse et impartial. Certes, il est vrai que le Conseil constitutionnel
n’est pas en principe compétent pour opérer un contrôle de
de se rallier à la jurisprudence conventionnalité des lois. Néanmoins, au regard de la grande
strasbourgeoise exigeant que la similitude, voire de l’identité, des termes employés par les
personne privée de liberté soit présentée textes constitutionnels et conventionnels protégeant les
droits et libertés fondamentaux, rien n’empêchait le Conseil
à un juge indépendant et impartial
Néanmoins, le Conseil constitutionnel écarte cet argument
en estimant que la loi ne porte pas en elle-même atteinte
à la dignité et qu’il appartient à l’autorité judiciaire de concrè-
” d’épouser la position adoptée par la Cour de Strasbourg.
Pourtant, les Sages s’en tiennent à une solution purement
formelle − fondée sur l’application mécanique de l’arti-
cle 1er, I, de l’ordonnance no 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature,
tement faire respecter ce principe. Si cette solution apparaît
selon lequel le corps judiciaire comprend à la fois les magis-
fondée en droit, elle demeure abstraite et contraste net-
trats du siège et du parquet − gravement préjudiciable à la
tement avec la méthode très concrète – développée au regard
protection effective des droits de l’homme. Quant à la seconde
de l’évolution des circonstances – adoptée par le Conseil
affirmation, elle renvoie implicitement aux arrêts de la Cour
pour admettre le possible réexamen du régime de la garde
européenne qui admettent que l’exigence de traduire « aus-
à vue de droit commun. Elle contraste également avec la
sitôt » devant un juge une personne privée de liberté ne
jurisprudence de la Cour européenne qui considère tradi-
signifie pas que cette présentation doit avoir lieu immédia-
tionnellement que « la Convention a pour but de protéger des
tement (29), ce qui justifierait que les quarante-huit premiè-
droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effec-
res heures de garde à vue soient placées sous le contrôle
tifs » (24), a fortiori lorsqu’il s’agit de la protection de la dignité
du procureur de la République. L’argument est évidemment
de la personne qui ne saurait souffrir d’aucune dérogation,
contradictoire avec la première affirmation : si le ministère
en quelque circonstance que ce soit (25). Il convient, dès lors,
public est une autorité judiciaire, pourquoi se soucier de
de regretter que le Conseil n’ait pas saisi l’occasion donnée
l’intervention ultérieure d’un magistrat du siège ? Surtout,
par cette question prioritaire de constitutionnalité pour déga-
ger certaines lignes directrices à l’attention du législateur
destinées à garantir la prévention des mauvais traitements
(26) C. pr. pén., art. 64-1. Cette règle de l’enregistrement audiovisuel des gardes
à vue en matière criminelle fait, en outre, l’objet de plusieurs exceptions,
notamment lorsque l’enquête porte sur des faits de criminalité ou de la
(22) Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport annuel, Année délinquance organisées, au sens de l’art. 706-73 du C. proc. pén., ou
2008, p. 16 et 17. portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, ainsi que pour
(23) Comité contre la torture, 44e session, 26 avril, 14 mai 2010, observations les actes de terrorisme.
finales, not. § 22, 23 et 31. (27) CEDH, gde ch., 29 mars 2010, no 3394/03, Medvedyev et a. c/ France
(24) V., notamment : CEDH, 9 oct. 1979, no 6289/73, Airey c/ Irlande, § 124.
§ 24. (28) Considérant no 26.
(25) V., encore dernièrement : CEDH, gde ch., 1er juin 2010, no 22978/05, (29) V., en particulier : CEDH, 29 nov. 1988, nos 11209/84, 1123/84, 11266/84
Gäfgen c/ Allemagne, § 87. et 11386/85, Brogan et a. c/ Royaume Uni.

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il occulte, là aussi, les exigences conventionnelles en admet- La lecture de la décision du 30 juillet 2010 laisse donc un
tant un retard systématique de l’intervention du juge en garde sentiment mitigé : à l’espoir de voir enfin consacré le droit

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à vue, alors que la Cour européenne affirme qu’un tel retard pour le gardé à vue d’être assisté par un avocat, comme
doit être justifié concrètement, notamment au regard de « cir- c’est le cas dans la plupart des États européens, se mêlent
constances tout à fait exceptionnelles » (30). des regrets, en particulier pour ce qui concerne l’applica-
6. Cette exigence d’un contrôle concret des conditions de tion différée de l’abrogation prononcée par le Conseil. Un tel
garde à vue mène, enfin, à regretter que le Conseil cons- report, au-delà du défaut d’effectivité des droits de la défense
titutionnel ait refusé de se prononcer à nouveau sur la confor- qu’il induit, créé une situation d’insécurité juridique pré-
mité aux exigences constitutionnelles des régimes déro- occupante. En effet, si l’article 62, alinéa 3, de la Consti-
gatoires de garde à vue. En effet, comme l’indiquaient les tution de 1958 impose aux juges répressifs de maintenir
requérants, le dispositif actuel méconnaît frontalement la appliqué le régime actuel de garde à vue, l’inconvention-
jurisprudence européenne selon laquelle une « restriction nalité des dispositions litigieuses est désormais encore plus

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systématique » du droit pour le gardé à vue d’être assisté par patente, ce qui ne manquera pas de convaincre, si c’est
un avocat « suffit à conclure à un manquement aux exigences encore nécessaire, la Cour de Strasbourg de « censurer »
de l’article 6 de la Convention » (31). Par ailleurs, ces régimes la pratique française. Dès lors, par le jeu du « pourvoi dans
dérogatoires – qui se fondent sur une appréciation a priori l’intérêt des droits de l’homme » (32), ce qui aura été fait
et abstraite de la gravité des faits – se concilient mal avec aujourd’hui sera nécessairement défait demain. Ce n’est pas
l’approche concrète développée par le Conseil constitution- le moindre des paradoxes de la décision du 30 juillet 2010... +
nel lui-même, notamment dans la prise en compte de l’évo-
lution des circonstances.

***

(30) CEDH, gde ch., 29 mars 2010, Medvedyev et a. c/ France, pré., § 130 (32) C. pr. pén., art. 626-1 et s. relatifs au réexamen d’une décision pénale
à 134. consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de
(31) V. CEDH, 13 oct. 2009, Dayanan c/ Turquie, préc., § 33. l’homme.

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