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Conduction électrique

dans les liquides


par Robert TOBAZÉON
Ingénieur de l’Institut électrotechnique de Grenoble
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

1. Généralités sur les liquides................................................................... D 2 430 - 4


1.1 Traits caractéristiques du comportement sous tension électrique ......... — 4
1.2 Classification et utilisation des liquides..................................................... — 4
2. Nature, origine et comportement des charges électriques ......... — 4
2.1 Nature des porteurs de charge................................................................... — 4
2.2 Origine des porteurs de charge.................................................................. — 5
2.2.1 Production et recombinaison de charges en volume ..................... — 5
2.2.2 Génération de charges aux interfaces .............................................. — 7
3. Conduction volumique due à la dissociation d’espèces neutres — 10
3.1 Équations générales de la conduction....................................................... — 10
3.2 Modèle de J.J. Thomson transposé aux liquides ..................................... — 11
3.3 Régime transitoire de conduction .............................................................. — 12
3.3.1 Cas d’un électrolyte totalement dissocié.......................................... — 12
3.3.2 Cas d’un électrolyte faiblement dissocié .......................................... — 12
3.4 Régime alternatif sinusoïdal ....................................................................... — 13
3.5 Conduction renforcée par le champ électrique......................................... — 13
3.5.1 Théorie d’Onsager .............................................................................. — 13
3.5.2 Conséquences de la théorie d’Onsager sur les courants continus
et les pertes ......................................................................................... — 13
4. Conduction due à l’injection de charges par les électrodes ....... — 14
4.1 Injection unipolaire stationnaire dans un liquide isolant
parfait immobile .......................................................................................... — 14
4.2 Intervention des phénomènes électrohydrodynamiques ........................ — 14
4.3 Régime transitoire sous créneau de tension............................................. — 15
4.3.1 Calcul du courant et du champ.......................................................... — 15
4.3.2 Influence du mouvement du liquide ................................................. — 16
4.4 Régime alternatif sinusoïdal ....................................................................... — 16
5. Influence de l’eau sur la conduction des liquides .......................... — 17
5.1 Cas des liquides purs .................................................................................. — 17
5.2 Cas des liquides impurs .............................................................................. — 17
6. Discussion générale ................................................................................ — 17
7. Cas des parois isolantes ........................................................................ — 19
7.1 Généralités ................................................................................................... — 19
7.2 Classification des effets électrocinétiques................................................. — 19
7.3 Équation fondamentale de l’électro-osmose
11 - 1996

et des phénomènes associés...................................................................... — 21


7.4 Parois isolantes perpendiculaires à la direction du champ électrique.... — 21
7.5 Parois isolantes parallèles à la direction du champ ;
conduction superficielle .............................................................................. — 22
7.6 Électrisation des liquides en écoulement .................................................. — 22
7.7 Fluides électrorhéologiques ....................................................................... — 22
D 2 430

7.8 Conclusion.................................................................................................... — 23
8. Mesures de caractérisation du comportement des liquides ....... — 23
8.1 Mesure de la résistivité ρ et du facteur de dissipation tan δ .................... — 23
8.2 Mesure de la mobilité des ions .................................................................. — 23
8.3 Mesure de la distribution du champ électrique dans le liquide .............. — 24
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. D 2 430

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 430 − 1
CONDUCTION ÉLECTRIQUE DANS LES LIQUIDES ______________________________________________________________________________________________

’étude des propriétés électriques des liquides diélectriques concerne essen-


L tiellement l’Électrotechnique. Cependant, il s’agit d’un domaine qui se carac-
térise par sa pluridisciplinarité, puisqu’il touche à la Chimie, l’Électrochimie,
l’Électronique, la Mécanique des fluides, la Physique des décharges dans les gaz.
Les liquides utilisés dans les isolations des matériels électrotechniques, en
dehors de l’huile minérale, sont pour la plupart des matériaux de synthèse, éla-
borés pour une étude ou une application spécifique. Il s’agit de fluides, donc
de matériaux déformables : les forces électriques peuvent y créer des mouve-
ments (électrohydrodynamiques) modifiant considérablement le transport des
charges électriques.
Les liquides sont très rarement employés seuls, mais généralement en asso-
ciation avec des solides isolants (isolations imprégnées). Outre le rôle de
contribuer à l’isolation électrique, ces liquides permettent de réduire, voire d’éli-
miner les décharges partielles. Enfin leur rôle caloporteur dans de nombreux
appareils est très important. Dans certains cas spécifiques, ils ont pour fonction
également de ralentir l’oxydation.
Dans tous les cas, le passage du courant électrique implique qu’il y ait un
échange de charges aux interfaces métalliques ou isolantes avec une certaine
cinétique : des charges peuvent disparaître, être créées (injectées) ou bloquées.
L’examen de tels mécanismes est également abordé en Électrochimie, ou dans
le domaine de la Physique des semiconducteurs.
Pour l’ingénieur électricien, le problème majeur est celui des pertes par
conduction et de la tenue diélectrique aux temps longs (vieillissement) ou lors
de surtensions ; en général, la tension appliquée est alternative, de basse fré-
quence (50 à 400 Hz). Les isolants liquides et solides sont utilisés en association
dans des géométries complexes, souvent sous contraintes conjuguées élec-
triques, thermiques, mécaniques, etc.
La compréhension des mécanismes de génération et de transport de charge,
des phénomènes électrochimiques et électrohydrodynamiques, constitue une
étape importante pour l’interprétation du claquage à court et à long termes des
liquides. Ainsi, la formation de bulles de gaz, très souvent à l’origine du claquage
d’un liquide, peut-elle résulter d’une réaction électrochimique, de la cavitation
produite par le mouvement électrohydrodynamique (EHD) dû à la force de
Coulomb, de la vaporisation du fluide par échauffement local, de l’existence loca-
lisée d’un streamer (décharge qui précède le plus souvent le claquage) et d’autres
mécanismes encore.
Une isolation est soumise à une tension (alternative, continue, impulsionnelle),
mais la distribution du champ électrique au sein des matériaux et en fonction
du temps, peut être fortement modifiée par la présence de charges spatiales.
Celles-ci peuvent créer des renforcements locaux du champ électrique suscep-
tibles de conduire au claquage de l’isolation. Ces effets, dominants en général
sous champ élevé (et souvent présents sous tension de service), donnent lieu
à une conduction non-linéaire (le comportement du liquide n’est plus ohmique).
Dans cet article, nous analysons les divers mécanismes de conduction en
examinant des situations bien définies : géométrie plane, liquide de formule
chimique simple dont on contrôle la conductivité par adjonction d’électrolytes
connus, électrodes choisies pour leurs propriétés de collecteurs ou d’injecteurs
de charges. Nous examinons également le comportement de liquides dans
les situations où ils sont utilisés dans la pratique industrielle.
L’emploi simultané de techniques expérimentales élaborées (effet électro-
optique de Kerr, strioscopie, cinématographie rapide, spectroscopie), associées
aux mesures électriques est, en général, indispensable pour faire la part de la
conduction intrinsèque (due aux propriétés volumiques du liquide) et celle de
la conduction extrinsèque (due aux effets d’interface).
Ainsi, l’ingénieur notera que la résistivité d’un liquide caractérise ses propriétés
de conduction volumique à l’équilibre thermodynamique, c’est-à-dire dans des
conditions où le champ électrique ne modifie pas le nombre de porteurs de
charges par déplacement de cet équilibre ou par échange avec les parois solides.

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Notations et symboles principaux Notations et symboles principaux

Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

a m Rayon ionique p Pa Pression


a m Épaisseur de la double couche
électrique P W Puissance
A J· m–2 Tension superficielle P C· m–2 Polarisation
b Constante introduite par Onsager q C · m–3 Densité de charge volumique
b Nombre adimensionnel qi C · m–3 Densité de charge volumique
caractérisant l’extraction de injectée
charges qs C · m–2 Densité de charge superficielle
B m · V–2 Constante de Kerr dans la double couche
c mol · L–1 Concentration molaire R Ω Résistance
C F Capacité Re e Nombre de Reynolds électrique
C0 Nombre adimensionnel t s Temps
caractérisant le régime t0
de conduction s Temps de vol
Ci Nombre adimensionnel T K Température absolue
caractérisant le régime d’injection T s Période de la tension alternative
D m2 · s–1 Coefficient de diffusion t Nombre adimensionnel
caractérisant l’instabilité EHD
 C · m–2 Induction électrique
e C Charge électronique U V Tension (valeur efficace si tension
alternative)
(1,602 × 10–19C)
v m · s–1 Vitesse
E V · m–1 Champ électrique
x m Abscisse
f Hz Fréquence
xa m Abscisse du plan minimal
F N Force d’approche des ions d’une
j A· m–2 Densité de courant électrode
I, I0 W · sr–1 Intensité lumineuse xp m Abscisse pour laquelle le potentiel
d’image est égal au potentiel
k J · K–1 Constante de Boltzmann appliqué
(1,38 × 1023 J · K–1)
W J Énergie
ke m · s–1 Constante cinétique d’extraction
d’un ion libre Wi J Énergie d’interaction
k g , kr m · s–1 Constantes cinétiques de β Coefficient de forme des barrières
génération et de recombinaison de potentiel
d’un ion lié δ rad. Angle de perte
Kd s–1 Constante de vitesse de ε0 F · m–1 Permittivité du vide
dissociation (8,854 × 10–12 F · m–1)
Kr m3 · s–1 Constante de vitesse εr Permittivité relative
de recombinaison
ε F · m–1 Permittivité absolue : ε = ε0 εr
K1 L–1 · mol Constante de vitesse d’ionisation
ζ V Potentiel électrocinétique
Ka L · mol–1 Constante de vitesse d’association
η Pa · s Viscosité dynamique
I m Longueur optique soumise
au champ électrique λ m Épaisseur de couches chargées
unipolaires
L m Écartement des électrodes
λ m Longueur d’onde de la lumière
LD m Longueur de Debye
Λ S · L · m–1 · mol–1 Conductivité équivalente
LB m Longueur de Bjerrum
µ m2 · V–1 · s–1 Mobilité
Lim Distance ion-métal
m ν m–3 Nombre volumique de molécules
M Nombre adimensionnel ρ Ω·m Résistivité
caractérisant la mobilité EHD ρν kg · m–3 Masse volumique
NA mol –1 Constante d’Avogradro σ S · m–1 Conductivité
(6,023 × 1023 mol–1)
τ s Temps
Nue Nombre de Nusselt électrique
ϕ rad Déphasage entre vibrations
n± m–3 Nombre volumique d’ions ± optiques
ne Indice de réfraction extraordinaire Ψi V Potentiel par rapport au vide
n0 Indice de réfraction ordinaire d’un isolant
nN molécules · m–3 Concentration d’une espèce Ψm V Potentiel par rapport au vide
neutre N d’un métal
nN– molécules · m–3 Concentration en ion N– ω rad · s–1 Pulsation

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1. Généralités sur les liquides — les liquides polaires, dont les permittivités peuvent être très
élevées (ε r > 100), divisés en deux groupes :
• les liquides autodissociés (ou autoionisés), dont une partie des
1.1 Traits caractéristiques molécules est spontanément dissociée sous forme d’ions qui,
simultanément, se recombinent partiellement, ce qui confère à ces
du comportement sous tension liquides une résistivité intrinsèque : l’eau pure (ε r = 80), possède,
électrique à la température ambiante, une résistivité de 2 × 107 Ω · cm ;
l’éthanol (ε r = 23), une résistivité de 4 × 1010 Ω · cm,
Les liquides, comme la plupart des matériaux (exception faite des • les liquides non-autodissociés : dont la permittivité peut être
métaux, alliages et sels fondus), sont des diélectriques : les molé- assez faible (ε r = 5,6 pour le chlorobenzène ; ε r ≈ 4 pour certains
cules ou atomes, qui les constituent, renferment en quantités égales, liquides non inflammables pour transformateurs) ou très grande
des charges positives et négatives, retenues par des forces de rappel au contraire, comme celle du nitrobenzène (ε r = 35) ou du carbo-
élastiques. Les barycentres de ces charges liées peuvent, selon le nate de propylène (ε r = 65).
liquide, être confondus ou naturellement séparés : dans ce dernier Tous les liquides peuvent dissoudre et dissocier des substances
cas, ils constituent des dipôles permanents. L’application d’un champ étrangères, mais à des degrés extrêmement divers, la dissociation
électrique provoque un très faible déplacement des charges posi- étant considérablement plus forte lorsque la permittivité est élevée.
tives par rapport aux charges négatives (créant des dipôles induits) L’eau de mer, qui renferme en abondance du chlorure de sodium
et une certaine orientation des dipôles permanents. Aux champs fai- pratiquement dissocié en totalité, est conductrice (résistivité de
bles ou modérés, les phénomènes sont réversibles : ils donnent lieu quelques Ω · cm). Au contraire, la résistivité de liquides non polaires
au courant de déplacement (correspondant à la charge et à la n’est que très exceptionnellement inférieure à 1011 Ω · cm, et l’on
décharge d’un condensateur) proportionnels à la permittivité considère comme isolants, les liquides capables de soutenir la
ε = ε0 εr tension appliquée sans échauffement excessif pendant une durée
suffisante.
avec ε0 permittivité du vide, C’est bien entendu en raison de leurs propriétés isolantes que les
ε r permittivité relative. liquides non polaires ou faiblement polaires sont employés
D’une manière générale, préexistent dans le volume du liquide, dans la pratique industrielle. On attend également d’eux d’autres
des charges libres positives et négatives (des ions dans la plupart qualités : bon comportement au feu, bonnes qualités thermiques
des cas) en quantités égales, de façon à respecter, hors tension, le (essentiellement le pouvoir caloporteur), bonne tenue aux sur-
principe d’électroneutralité. Sous l’action du champ, ces charges se tensions, stabilité dans le temps, bonne compatibilité avec l’envi-
déplacent de façon irréversible, provoquant un courant de ronnement... et faible prix de revient.
conduction. C’est uniquement dans des conditions bien précises Les liquides utilisés sont d’origines naturelles (huiles minérales
que la conduction d’un liquide sera décrite par la loi d’Ohm. Le liquide ou végétales) ou synthétiques (cf. dans ce traité Huiles et liquides
sera dit ohmique et il sera possible de le caractériser par une isolants [D 230]).
résistivité ρ. La mesure de la résistivité des liquides est d’une grande impor-
Ainsi, le comportement d’un liquide soumis à une certaine forme tance pour les essais de réception et de mise en œuvre des liquides ;
de tension (alternative, continue, impulsionnelle) peut être appré- elle fait l’objet de normes françaises AFNOR ou internationales CEI
hendé en considérant le temps caractéristique τ = ρε, temps de et ASTM (cf. [Doc. D 2 430]). Actuellement, s’accentue la tendance
relaxation de conduction, qui permet de séparer le comportement à effectuer une surveillance régulière des grands appareils tels que
« capacitif » du comportement résistif, le liquide admettant comme les transformateurs : la résistivité de l’huile est l’un des critères pris
schéma électrique représentatif un condensateur de capacité C en compte dans de nombreux pays.
shunté par une résistance R, de constante de temps τ = RC = ρε. Un Les plus utilisés pour les investigations fondamentales sur la
liquide relativement conducteur présente un comportement essen- conduction sont des liquides non polaires de structure
tiellement capacitif sous un créneau de tension de durée T, ou sous chimique simple (hexane, cyclohexane, benzène). Certains
tension alternative de période T, pourvu que T  τ . Au contraire, liquides polaires, en particulier le nitrobenzène dont la résistivité
sous tension continue (donc de même polarité, appliquée pendant peut être contrôlée et dépasser 1012 Ω · cm en utilisant l’électro-
très longtemps), le comportement capacitif ne s’observe pratique- dialyse (purification électrique appropriée décrite paragraphe 7.2),
ment jamais. ont permis une étude détaillée des effets de charge spatiale, grâce à
Cela illustre dès à présent les différences de comportement d’un leur constante électro-optique de Kerr très élevée donnant accès à la
liquide ohmique selon la forme de l’onde de tension qui lui est distribution spatio-temporelle du champ électrique.
appliquée. Ajoutons, et c’est un point essentiel, qu’une fois la tension
appliquée, la distribution du champ électrique dans l’espace et dans
le temps est susceptible d’évoluer parce que des porteurs de charges
nouveaux peuvent être générés en volume dans le liquide ou aux
interfaces entre liquides et solides (conducteurs ou isolants), en par-
2. Nature, origine
ticulier sous forte contrainte électrique ou thermique. La présence et comportement
de charges spatiales donne lieu à des phénomènes de conduction
non linéaire très différents du simple comportement ohmique. des charges électriques
2.1 Nature des porteurs de charge
1.2 Classification et utilisation
des liquides ■ Dans la plupart des liquides, ces porteurs sont des ions qui
préexistent, ou se créent (en volume ou aux interfaces) par suite de
Il existe deux classes de liquides diélectriques : l’action du champ électrique ; il peut aussi s’agir d’associations
— les liquides non polaires, qui ne possèdent pas de moment ioniques de plus grande taille (appelées multipôles) ou d’agrégats
dipolaire permanent et pour lesquels : 1,5  ε r  2,5 (gaz liquéfiés, (ions micellaires). Les ions attirent à eux des molécules neutres,
hexane, cyclohexane, benzène, huiles minérales et siliconées, surtout les ions de petite taille : c’est le phénomène de solvata-
certains imprégnants de transformateurs) ; tion [1].

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L’ion solvaté est assimilable à une sphère de rayon a qui acquiert, 2.2 Origine des porteurs de charge
dans le champ électrique E , une vitesse v proportionnelle à E :
2.2.1 Production et recombinaison
v = µE
de charges en volume
La mobilité µ d’un ion porteur d’une charge élémentaire e dans
un liquide de viscosité dynamique η peut être appréciée en égalant Nous ne considérons que le cas de porteurs ioniques résultant
la force de Coulomb (force motrice) à la force résistante (due à la de mécanismes de dissociation (nous excluons le cas où ions ou
viscosité) : électrons sont engendrés par rayonnement extérieur).

6π η a v = e E 2.2.1.1 Mécanismes et caractéristiques du liquide


d’où l’on tire : Qu’il s’agisse de la dissociation du liquide lui-même (auto-
µ = e /6 π η a (1) dissociation) ou de celle d’impuretés se comportant comme un élec-
trolyte en solution, il existe une réaction globale d’équilibre entre
La mobilité varie en raison inverse de la viscosité, fait connu sous les molécules neutres d’un corps AB, et les ions (supposés mono-
le nom de règle (ou loi) de Walden ; η décroît dans les liquides quand valents) A+ et B –, qui s’écrit :
la température augmente, d’où une augmentation de la mobilité (et,
par conséquent de la conductivité).
Kd
L’expression (1) permet d’évaluer les mobilités ioniques dans la → A+ + B–
AB ← (3)
plupart des liquides de façon acceptable : l’ordre de grandeur des Kr
rayons ioniques étant 0,5 nm [1], on obtient des valeurs en assez bon
accord avec les résultats expérimentaux rassemblés dans la mono- avec K d constante de vitesse de dissociation,
graphie d’Adamczewski.
K r constante de vitesse de recombinaison.
À titre d’exemple, pour une huile minérale pour transformateur à
Soit ν le nombre volumique de molécules non dissociées ou
température ambiante :
concentration molaire, n ± le nombre volumique d’ions positifs et
η = 2 × 10–2 Pa · s et µ = 8,5 × 10–10 m2 · V –1 · s–1 négatifs, µ ± leur mobilité, q ± la densité de charge volumique
(q ± = n ± e ) ; à l’équilibre, il y a égalité entre le nombre d’ions qui
C’est à cause du phénomène de solvatation que les ions de petite apparaissent et le nombre d’ions qui se recombinent :
taille (fortement solvatés) ont une mobilité voisine des ions de
grande taille (peu solvatés). K d ν = K r n+ n –
En raison de mécanismes spécifiques (comme le transfert de d’où :
protons de molécule à molécule dans l’eau pure et d’autres liquides Kd ν 1/2
 ----------
K 
1/2
polaires), la mobilité de certains ions peut être vingt fois supérieure n+ = n– = - = (K iν)
à celle de ces mêmes ions solvatés. r

Dans un liquide immobile, les mesures les plus récentes prouvent avec K i = K d /K r constante d’ionisation.
que la mobilité demeure constante jusqu’à des champs de l’ordre C’est la loi d’action de masse, relative à l’équilibre dissocia-
de 50 kV/ mm. Peut-être faudra-t-il, à des champs plus intenses, tion/recombinaison.
envisager qu’elle augmente avec le champ, comme dans le cas des
solides. La conductivité σ d’un milieu qui renferme p porteurs de mobi-
lité µj et de densité qj exprime le rapport constant de la densité de
La mobilité des ions positifs ou négatifs µ± est liée au coefficient
de diffusion ionique D par la formule d’Einstein : courant J au champ E , selon :
D± = µ± kT /e (2)
p
avec k
T
constante de Boltzmann,
température absolue.
J =
 ∑ µ j qj
j=1
 E

[kT /e ≈ 1/40 V pour T = Ta ≈ 300K] et l’on obtient dans le cas simple de deux types d’ions :
1/2
Kd ν
 
■ Il est possible d’injecter, par des procédés appropriés (photo-
injection, par exemple), des électrons dans des liquides très haute- σ = µ+q+ + µ–q– = (µ+ + µ–)e ----------- (4)
Kr
ment purifiés (hydrocarbures, gaz liquéfiés). Leur mobilité est bien
supérieure à celle des ions (de 10–1 à 500 cm2/ V · s, alors qu’elle La résistivité ρ est définie comme l’inverse de la conductivité σ
demeure inférieure à 10–3 cm2/ V · s pour les ions). Leur durée de vie
dépend de la section efficace de capture par des molécules ayant une ρ = 1/σ
certaine affinité électronique : elle n’excède pas quelques Si le champ électrique est assez faible pour ne perturber que très
millisecondes [2]. faiblement la réaction d’équilibre (3), σ est une constante qui carac-
■ Pour des liquides filtrés, avec des filtres dont la porosité est infé- térise la pureté ionique du liquide (on peut alors parler de conduc-
rieure à 1 µm, il est exclu que des particules solides chargées contri- tivité intrinsèque).
buent de façon significative au transport du courant et aux pertes Le milieu obéit donc à la loi d’Ohm ; il peut être représenté par
diélectriques. un schéma équivalent comportant une résistance R et une capacité
C en parallèle.

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Sous tension alternative sinusoïdale de fréquence f et de pulsation Si L a désigne la distance minimale d’approche de deux ions, deux
ω = 2πf, les pertes par conduction sont caractérisées par la tan- cas extrêmes se présentent :
gente de l’angle de pertes δ, ou facteur de dissipation (le déphasage • L B < L a : il n’y a pas d’association ionique ; l’électrolyte est tota-
π lement dissocié (théorie de Debye et Hückel) ; c’est le cas de très
entre courant et tension étant : ----- – δ ) tel que :
2 nombreux électrolytes dissous dans des liquides fortement polaires ;
• L B > L a : le nombre d’ions libres est considérablement réduit ;
tan δ = 1/RCω = σ/εω = 1/ρεω (5) il se forme des paires d’ions, et la réaction (3) possède une étape
La puissance dissipée par effet Joule est donc : intermédiaire où se forment les paires d’ions :
+ – + –
P = Cω U 2 tan δ (U valeur efficace de la tension) AB £ ( A , B ) £ A B (9)
La constante de recombinaison est liée à la permittivité et aux L’équilibre ions-paires d’ions est régi par une constante d’asso-
mobilités par la formule de la Langevin, établie pour les gaz [3] et ciation K a (inverse de la constante d’ionisation K i ) ; on doit à Fuoss
bien vérifiée pour les liquides : l’expression suivante de K a , que l’on exprime usuellement en litres
par mole, avec L a en m, par la formule :
( µ + + µ – )e
K r = --------------------------
- (6)
ε 3 4
3
3
 e2
K a = 10 ----- πN A L a exp -------------------------------------
4 π ε 0 ε r L a kT
 (10)
Ainsi, d’après les expressions (1), (4) et (6), il doit être possible
d’évaluer σ pour des liquides de permittivité ε et de viscosité dyna- avec NA constante d’Avogadro ; le nombre volumique de molécules
mique η connue renfermant tel ou tel électrolyte. dissociables s’obtient à partir de la concentration c d’un électrolyte
dissous et de la constante d’Avogadro NA :
2.2.1.2 Comportement des électrolytes
103 NAc = ν + n+
Les électrolytes se classent, selon leur état avant dissolution dans
le liquide, en ionophores et ionogènes. La figure 1 montre qu’il y a un bon accord entre les valeurs expé-
rimentales de K a obtenues pour un même sel (TBAP), dans des
■ Les ionophores sont des substances ioniques à l’état solide ; la solvants tels que le benzène ( ε r = 2,28), le diphényléther ( ε r = 3,65)
séparation des ions dépend des propriétés du liquide (surtout et le chlorobenzène ( ε r = 5,62) et la valeur calculée d’après (10) avec
permittivité) ; les plus étudiés sont du type (R 4 N) + — B – (par L a ≈ 0,63 nm. Ces solvants ont des viscosités comparables de façon
exemple, picrate de tétrabutylammonium TBAP) ou (R3 NH)+ — B – que les mobilités ioniques soient voisines.
(picrate de triisoamylammonium TIAP), qui se dissolvent aisément
dans de nombreux solvants organiques. En font également partie
certains surfactants ioniques, très solubles dans les hydrocarbures 2.2.1.3 Étude des conductivités de solutions
dont ils accroissent fortement la conductivité (d’où une réduction des Il est usuel, en électrochimie, de tracer les variations de Λ,
risques d’explosion engendrés par la production de charges élec- conductivité équivalente, en fonction de la concentration c en élec-
triques lors de l’écoulement forcé de ces hydrocarbures) ; ce sont des trolyte (exprimée en mol/L) ; la conductivité équivalente Λ (expri-
molécules amphiphiles, dont la partie ionique est hydrophile alors mée en Ω–1 · cm–1) est liée à σ par :
que la partie hydrocarbonée est lipophile ; ces molécules se
rassemblent sous forme d’agrégats [exemple : l’aérosol OT Λ = 103 σ /c (11)
(ou AOT) : di-2-éthylhexyl sulfosuccinate de sodium].
■ Les ionogènes sont des substances à liaisons covalentes,
capables d’engendrer des ions par interaction avec le liquide ou avec
une autre substance dissoute (par exemple, CH3COOH est ionogène).
Il est possible de prévoir le comportement d’un ionophore en
faisant intervenir les interactions coulombiennes, sans tenir compte
des interactions spécifiques ions/ions et ions/solvant. Une remarque
simple concerne le rôle de la permittivité relative du liquide ; d’après
la loi de Coulomb, plus ε r est petit, plus les forces d’interaction entre
deux charges sont grandes, donc plus le nombre d’ions libres est
faible. De manière plus précise, un ion a tendance à attirer à lui les
ions de signe opposé, créant autour de lui une atmosphère ionique
dont l’épaisseur équivalente est la longueur de Debye L D liée à la
conductivité σ par :

ε 0 ε r kT 2 µ ε 0 ε r kT

1/2

  ----------------------------
-
1/2
L D = ------------------- = (7)
n± e 2 σe

Il existe une distance caractéristique L B , dite distance de Bjerrum,


pour laquelle l’énergie électrique entre deux ions de signe opposé
vaut deux fois l’énergie thermique :

e2
L B = ----------------------------- (8)
8π ε 0 ε r kT

soit L B = 2,8 · 10–8/ε r m à la température ambiante.

Figure 1 – Influence de la permittivité  r sur la constante


d’association Ka pour un même sel (TBAP) à la température ordinaire

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Comme nous l’avons vu précédemment [relation (4)], pour un


mécanisme dissociation/recombinaison, σ est proportionnelle à
ν ; ν, nombre volumique de molécules non dissociées, est pro-
1/2
portionnel à c ; donc, dans une certaine gamme de concentration
(figure 2, II), on a :
Λ ∝ c –1/2
et :
σ ∝ c +1/2
Aux très faibles concentrations (figure 2, I), la recombinaison
devient de plus en plus difficile et Λ tend vers une constante Λ 0
(conductivité équivalente limite) :
Λ → Λ0
et :
σ∝c
Aux fortes concentrations, Λ croît avec c, après être passé par un Figure 2 – Conductivité équivalente  du sel TBAP dans le benzène
minimum ; Fuoss et Kraus ont interprété cette variation par la (  r = 2,28) en fonction de la concentration c
formation successive de multipôles, les groupements pairs étant non
chargés, les groupements impairs étant porteurs de charge : aux
paires d’ions (figure 2, II), succèdent les triples ions (figure 2, III),
les quadrupoles (figure 2, IV), etc. Ainsi, la formation de triples ions
est régie par les équilibres :
+ +
AB + A $ ABA
+ –
AB + B $ BAB

pour lesquels Fuoss et Kraus ont montré que Λ ∝ c1/2 ; le nombre


de porteurs ioniques augmente quand la concentration croît : à
chaque apparition de multipôles chargés, la conductivité s’accroît :
σ ∝ c 3/2 (triples ions), puis σ ∝ c 5/2, etc.
La figure 3, extraite d’une étude de Denat [4], montre la très grande
différence de comportement que peuvent présenter les électrolytes
dans un liquide non polaire (le benzène) :
— le TBAP (courbe I) se comporte selon le modèle de Fuoss et
Kraus ;
— le TIAP (courbe II), au contraire, s’en écarte : cela est dû au fait
que l’association est renforcée par un mécanisme spécifique à ce
type de sel (présence d’un pont hydrogène entre l’anion et le cation) ;
— l’AOT (courbe III) se comporte encore différemment ; Λ(c ) est
pratiquement constante, ce qui résulte du fait que toutes les
molécules de surfactant sont incluses dans des agrégats.
On notera l’écart énorme sur la résistivité de divers liquides ren- Figure 3 – Illustration de la grande variété de comportements
fermant un même électrolyte : pour une concentration de divers électrolytes (TBAB, TIAP, AOT) dans un même liquide
c = 10–5 mol/L de TBAP : ρ = 1012 Ω · cm pour le benzène, (le benzène) : variation de la conductivité équivalente  en fonction
109 Ω · cm pour le diphényléther et 7 × 107 Ω · cm pour le de la concentration c
chlorobenzène ; on aurait ρ = 2 × 106 Ω · cm si la dissociation était
totale pour un liquide de viscosité comparable. — si σ ∝ c 3/2 ou c 5/2 : avec un liquide de ε r faible, formation d’asso-
On notera également l’écart considérable sur la résistivité d’un ciations ioniques d’ordre égal ou supérieur à 3.
même liquide (le benzène) renfermant des électrolytes différents
■ L’étude de σ (c ) sur des échantillons impurs peut se faire en les
pour une concentration c = 10–5 mol/L, on a ρ = 1012 Ω · cm pour
diluant dans un échantillon pur, ou par mélange à un autre liquide
TBAP, 5 × 1012 Ω · cm pour AOT ; > ou 1014 Ω ⋅ cm pour TIAP.
de permittivité supérieure.
Ainsi, il est possible, dans certains cas, de procéder à l’identifi-
2.2.1.4 Conclusion
cation de polluants qui apparaissent par action chimique et/ou ther-
Il existe une très grande variété de mécanismes de conduction mique dans les huiles de transformateurs ou les imprégnants de
sous champ électrique faible pour un couple électrolyte-diélectrique condensateurs.
liquide.
■ Un liquide pur pouvant renfermer des traces de différents életro- 2.2.2 Génération de charges aux interfaces
lytes, son étude est souvent très délicate. On a, en résumé :
— si σ ∝ c, trois possibilités : Examinons maintenant ce qui se passe si le liquide, au lieu d’être
• liquide de faible ε r : électrolyte très dilué, soumis à un champ électrique de faible amplitude et de fréquence
• liquide de grand ε r : la plupart des électrolytes, élevée (§ 2.2.1) est soumis à un champ intense continu ou alternatif
• liquide quelconque dans lequel on a un surfactant ionique ; de fréquence industrielle.
— si σ ∝ c1/2 : avec un liquide ε r faible ou moyen ( ε r  6 ), for-
mation de paires d’ions ; c’est aussi le cas des liquides autodissociés
(selon le liquide, le nombre de molécules ionisables varie) ;

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2.2.2.1 Généralités sur les différents types de contact La présence de ces ions au voisinage d’une électrode métallique
peut contribuer à l’abaissement de la barrière de potentiel
Tout d’abord, il faut préciser la nature des parois solides ; elles
métal/liquide : cependant, l’état d’équilibre hors tension que l’on
peuvent être conductrices ou isolantes et, bien entendu, l’échange
vient de décrire est perturbé par l’application d’une tension, cela en
de charges entre le solide et le liquide s’y fera de façon très différente.
fonction du temps d’application de cette tension : l’échange d’un
Ainsi, les courants transitoires et stationnaires ou bien tan δ peuvent-
électron entre métal et liquide se fait avec une certaine cinétique.
ils croître ou décroître en fonction du champ électrique, pour diverses
En définitive, se produisent à l’électrode des réactions
raisons dont voici les principales :
électrochimiques :
— des ions peuvent disparaître du liquide, en se déchargeant
— de réduction :
sur une paroi conductrice ou en pénétrant dans un isolant ;
— les équilibres dissociation/recombinaison sont déplacés par le A+ + e – → A (l’ion A+ se décharge)
champ soit dans un sens (appauvrissement en ions qui sont
N + e – → N – (la substance neutre est réduite)
neutralisés aux électrodes sans qu’une quantité équivalente n’ait le
temps de se reformer), soit dans l’autre [génération en volume d’ions — d’oxydation :
supplémentaires, le champ accroissant la constante de dissociation : B– → B + e –
c’est l’effet de dissociation renforcée (§ 3.5) ;
N → N+ + e –
— des porteurs de charge sont introduits dans le liquide par des
mécanismes très divers. L’oxydoréduction de substances neutres constitue une injection
Nous considérons essentiellement, dans ce paragraphe, les méca- de porteurs nouveaux, tandis que celle des ions correspond à leur
nismes d’apparition d’ions nouveaux entre électrodes métalliques. élimination (collection). Comme indiqué au paragraphe 2.2.2.1, les
deux mécanismes coexistent sur une même électrode et peuvent
La création de porteurs de charge de même signe que l’électrode interagir, en donnant lieu à une succession de réactions dont la ciné-
(homocharges) résulte de phénomènes interfaciaux qui se tique est plus ou moins rapide ; l’ingénieur y sera très attentif : le
produisent au contact métal/liquide ; selon la terminologie de la vieillissement en dépend.
physique du solide, on l’appelle injection de porteurs ; bien
entendu, il s’agit de charges aussi positives que négatives (ions ou On peut donner de la double couche une image simple : elle
radicaux-ions) ; une électrode injectrice (ou injecteur) est éga- correspond en quelque sorte à un condensateur chargé, la diffé-
lement collectrice, puisque le liquide possède toujours une certaine rence de potentiel (ddp) entre l’électrode et le cœur (neutre) du
conductivité due aux ions résiduels (hétérocharges). liquide – appelée polarisation de l’électrode – pouvant atteindre
quelques volts selon la nature et la densité des ions ; elle est déter-
Poursuivant l’analogie avec la physique du solide, les contacts minante pour fixer si l’échange de charge liquide/métal se fait ou
électriques métal/liquide sont, suivant les valeurs du potentiel par non avec facilité.
rapport au vide du métal Ψm comparées à celles de l’isolant Ψi , de
trois types : Sous l’impulsion de Brière et de ses collaborateurs [5], des travaux
ont permis de montrer l’analogie entre les mécanismes électrochi-
— contact ohmique (ou injectant) : Ψm < Ψi ;
miques dans les liquides polaires renfermant un électrolyte support,
— contact bloquant : Ψm > Ψi ;
soumis à des champs faibles, et dans ces mêmes liquides purifiés
— contact neutre : Ψm = Ψi .
et soumis à des champs intenses. L’extension de ces études aux liqui-
des non polaires, effectuée par Denat et ses collaborateurs [4] [6]
2.2.2.2 Cas d’un liquide isolant parfait [7], montre l’influence considérable sur l’injection en champ fort de
Dans ce cas, où la conductivité volumique est nulle, la nature du la nature de l’électrolyte dissous au préalable.
contact est déterminante pour contrôler le courant. Si l’injecteur
métallique est ohmique, il fournit tous les porteurs requis quelle que 2.2.2.3 Réactions aux électrodes dans les liquides polaires
soit la tension appliquée, et seule la présence de charge spatiale
Les liquides polaires donnant lieu à des densités de courant
limite le courant (cf. loi de limitation par charge d’espace, § 4.1) ;
élevées ont permis d’explorer, en l’espace d’une décennie, une
au contraire, si l’injecteur n’est pas ohmique, le courant est limité
grande variété de mécanismes ; ils ont ainsi servi à élaborer des
par le processus d’injection de porteurs par le contact. C’est surtout
modèles de différents types de réactions que l’on peut classer en
ce type de comportement que l’on rencontre dans le cas des liquides
réactions réversibles et réactions irréversibles (pour plus de détails
(injection faible par opposition à l’injection forte ), mais le modèle
cf. [8]).
employé pour rendre compte des phénomènes d’échange de char-
ges aux électrodes diffère sensiblement de celui du modèle classique ■ Réactions réversibles
de bandes d’énergie en physique du solide ; c’est celui de la double
Une molécule (ou un atome) perd ou gagne un électron, traverse
couche (§ 7.1).
le liquide et échange son électron à l’électrode opposée ; il n’y a
En effet, lorsqu’un fluide initialement neutre est mis au contact donc pas d’altération du milieu.
d’un solide (neutre également), il se produit spontanément une redis-
tribution des espèces chargées et même des espèces neutres à Exemples :
l’interface, et jusqu’à une certaine distance dans chacun des milieux : ● Réduction du nitrobenzène C6H5NO2 (ε r ≈ 35) : sous champ
— la paroi solide attire à elle des ions du liquide, qui ne se continu intense ( E  10 kV/cm ) une injection négative par la cathode
déchargent pas ; elle peut aussi attirer des espèces neutres possé- se produit selon la réaction :
dant une affinité spécifique pour le solide : le tout constitue la
couche compacte (dont l’épaisseur ne dépasse pas quelques C 6 H 5 NO 2 + e – $ C 6 H 5 NO–2
dixièmes de nanomètre) ;
— en s’éloignant de la paroi, la densité ionique unipolaire décroît ; Le radical-anion formé restitue son électron à l’anode, et redonne
c’est la couche diffuse, son épaisseur équivalente est donnée par l’espèce initiale.
la longueur de Debye [relation (7)] qui peut atteindre plusieurs ● Oxydation de l’argent : dans divers liquides, on a observé une injec-
dizaines de micromètres (liquides fluides de résistivité voisine de tion positive par une anode en argent :
1013 Ω · cm).
Bien entendu, la charge totale contenue dans les deux couches Ag $ Ag + + e –
est compensée par une charge égale et opposée dans le solide (prin- Le cation argent produit un dépôt pulvérulent sur la cathode.
cipe d’électroneutralité).

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■ Réactions irréversibles
On peut considérer deux sortes de réactions.
– Réactions ne dégradant pas les qualités électriques du milieu.
Exemple : oxydation de l’eau (injection positive de protons H+) :
+
H 2 O → H + e – + OH (à l’anode)

+ 1
H + e – → --- H 2 3 (à la cathode)
2
Il y a décomposition de matière, puisque des molécules d’eau dispa-
raissent, mais les ions injectés sont neutralisés sur l’autre électrode.
– Réactions dégradant les qualités électriques du milieu : en plus
de l’ion injecté, il y a création d’une espèce neutre qui possède un
caractère ionogène (d’où une augmentation de la densité ionique,
donc de la conductivité).
Exemple : l’injection de protons dans certains cristaux liquides
( εr ≈ 6) catalyse la réaction d’hydrolyse de ces produits, puis donne lieu
à la formation d’ionogènes qui accroissent la conductivité et altèrent
la transparence du milieu (les rendant inutilisables à long terme).
Figure 4 – Diagramme des potentiels à l’interface métal/liquide isolant
2.2.2.4 Réactions aux électrodes dans les liquides
non polaires
Considérons l’énergie d’interaction d’un ion et de son image Par ailleurs, q a est liée à la densité en volume q ± par :
électrostatique dans le métal, soit : qa = q ± exp (– W/kT ) (15)
Wi = e 2/16 π ε 0 ε rL im (12) W est le travail à fournir pour amener une charge du cœur du liquide
isolant jusqu’à xa .
avec L im distance ion-métal.
On note que l’abscisse x p pour laquelle le potentiel d’image est
On constante que la distance Li pour laquelle l’énergie électrique égal au potentiel appliqué est :
égale l’énergie thermique (l’analogue de la distance de Bjerrum L B) :
1/2
16
-------------------------------- 
e
L i = e 2/16 π ε 0 ε r kT = L B /2 (13) xp = (16)
πε ε E 0 r
est comparable à l’épaisseur de la couche compacte pour un liquide
fortement polaire (L i = 0,4 nm pour ε r = 36) alors qu’elle lui est très Pour ε r = 2, on trouve x p < L i dès que E > 40 kV/cm.
supérieure pour les liquides non polaires ( L i  6 nm dès que Le nombre adimensionnel :
ε r  2,5 ).
L’association de l’ion à l’électrode (qui peut être considérée comme L ( eE/4π ε 0 ε r )1/2
b = ------i = -----------------------------------------
- (17)
un ion de rayon de courbure infini) est donc d’autant plus importante xp 2kT/e
que ε r est faible. En fait, d’une part, il peut y avoir absorption
spécifique d’espèces chargées ou non (modifiant l’évaluation de la est donc caractéristique du phénomène d’extraction de charges ;
force-image ), et d’autre part, la tension appliquée provoque un ainsi b > 1 représente en général le cas des liquides non polaires ;
déplacement des espèces chargées, et l’appréciation quantitative de xp ne s’approche de xa qu’aux champs extrêmement intenses, inac-
la densité de courant injecté est difficile. cessibles à l’expérience car le claquage intervient (xp ≈ 0,4 nm pour
Nota : on rappelle que la force-image d’une charge e dans un plan, est celle qui résulte E = 10 MV/cm).
de l’attraction coulombienne entre cette charge et son image de signe opposé, comme
dans un miroir plan. Plusieurs résultats expérimentaux très significatifs ont été obtenus
tout récemment, plus particulièrement sur le cyclohexane :
En utilisant le diagramme des potentiels représentés par la
figure 4, Félici et Gosse [9] ont pu donner une explication satis- — le courant d’injection trouvé expérimentalement (figure 5,
faisante des phénomènes d’injection dans un liquide de faible per- courbe II) est toujours limité par la loi d’injection ;
mittivité relative (cyclohexane, ε r = 2) renfermant un ionophore tel — les valeurs de q i (reliées aux densités de courant par j = µ q i E ),
que le TIAP : dans ce cas, en effet, l’injection unipolaire (par une seule pour un champ donné sont proportionnelles à la conductivité initiale
électrode) mise en évidence expérimentalement, s’effectue à partir σ0 de la solution ;
d’une couche chargée formée au voisinage de l’électrode par l’action — l’ensemble des résultats obtenus sur le cyclohexane pur (résis-
14
de la force-image. Il y a séparation des porteurs de charge au tivité initiale 5 ⋅ 10 Ω ⋅ cm ), par comparaison avec ceux que l’on
voisinage de l’interface. obtient lorsqu’il contient divers types de sels, permet de conclure
La densité volumique de charge q i suffisamment loin de l’élec- qu’il existe, en général, une injection unipolaire régie par le méca-
trode injectrice (là où la force-image est négligeable) est reliée à qa nisme précédemment décrit (courant limité par la barrière de poten-
densité volumique de charge sur le plan d’abscisse xa (plan minimal tiel créée par la force-image) ; ainsi, aux champs intenses, les
d’approche des ions de l’électrode) par une expression complexe. densités de courant sont fortes (20 µA/cm2 pour 7 · 105 V/cm), ce qui
5
Aux champs intenses ( E  10 V/cm ) , la variation de q i avec E est comparable à certains résultats anciens de Plumley ; l’inter-
tend vers la forme asymptotique : prétation des résultats est cependant toute différente comme nous
le verrons au paragraphe 6 ; nous discuterons alors également d’un
e3E 1/2

4 π ε k 2T 2 
q i = Cte exp ----------------------
- (14) point fondamental : celui de la cinétique de la génération des
charges, point capital en régime transitoire ou variable.

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Si le liquide renferme plusieurs porteurs de charges (en nombre


p ), l’expression la plus générale de la densité du courant total que
l’on mesure dans le circuit extérieur) est une fonction du temps t
seul ; elle est la somme des densités de courant de conduction, de
déplacement, de convection et de diffusion :

p
j (t ) =
∑µm=1
mq m ( x, 
t ) E (x, t ) +
∂ D (x, t )
--------------------------
∂t



















j déplacement
j conduction
(18)
p p
+ ∑ q m ( x , t ) vm ( x , t ) + ∑ – D m grad qm ( x , t )
m=1 m=1






















j convection j diffusion
avec div j ( t ) = 0
 = ε0 E + P ( E ) = ε E

p p

∑ q m+ – ∑ qm–
dE m=1 m=1
---------- = ------------------------------------------------------- (équation de Poisson) (19)
dx ε

0
L
E dx = U L – U 0 = U (20)

 désigne l’induction électrique, P la polarisation.


On suppose que ε ne dépend pas de E (ce qui est vrai jusqu’à plu-
sieurs mégavolts par centimètre) et que l’on est en géométrie plane
Figure 5 – Densité de courant j en fonction de la tension appliquée (les électrodes étant distantes de L ) : dans le cas général, on a affaire
dans du cyclohexane renfermant 7 × 10–4 mol/L de TIAP à deux types de porteurs seulement, de mobilités voisines :
distance entre électrodes : L = 0,25 mm ;
résistivité initiale du liquide :  = 3 × 10 13  ⋅ cm
µ+ ≈ µ – = µ
Dans la plupart des cas, la tension appliquée U est très supérieure
à la tension thermique :
2.2.2.5 Conclusion
U th = kT /e
Les phénomènes d’interface sont, de même que les phénomènes
volumiques, d’une extrême variété, et sans doute d’une complexité avec U th ≈ 25 mV à la température ambiante (T ≈ 300 K), et l’on
plus grande encore. Après avoir donné de nombreux exemples de néglige le terme de diffusion (Dm désigne le coefficient de diffusion
mécanismes de génération de charges, nous allons étudier les lois du me porteur). Les équations hydrodynamiques sont :
de conduction, puis examiner les méthodes de mesure de la
conductivité et de la mobilité des porteurs de charge. dv
ρ v ---------- = – gradp + η ∆ ⋅ v + f (équation de Navier-Stokes)
dt
avec ρv masse volumique,
3. Conduction volumique p pression,
f somme des forces exercées par unité de volume de fluide
due à la dissociation (force de Coulomb et force diélectrophorétique).
d’espèces neutres La résolution du système complet d’équations, compte tenu des
conditions aux limites, est un problème extrêmement difficile ;
cependant, l’ingénieur doit avoir présent à l’esprit que, sous tension
3.1 Équations générales de la conduction modérée (quelques centaines de volts), c’est l’instabilité qui est la
règle et que la contribution du mouvement du liquide au trans-
Les liquides sont des milieux déformables et des travaux récents port des charges peut être dominante, même entre plans paral-
ont montré l’extrême importance des phénomènes électrohydro- lèles. Dès 1929, Gemant avait envisagé la possibilité de tels
dynamiques. Sous l’action de la force de Coulomb, un liquide por- mouvements dans cette géométrie, mais il fallut attendre plusieurs
teur de charges ne peut généralement pas rester immobile ; il en dizaines d’années pour que l’étude soit conduite de façon systéma-
résulte une instabilité hydrodynamique (le liquide se met en mou- tique en géométrie plane. En effet, il n’est pas évident de transposer
vement, le plus souvent turbulent), et le transport de charges se le cas connu – un peu comme une curiosité d’ailleurs – du vent élec-
fait par convection (électroconversion). Aussi, les équations géné- trique, flux gazeux que l’on observe aisément dans le cas de l’effet
rales de la conduction doivent-elles prendre en compte les phéno- couronne en géométrie très dissymétrique (entre une pointe ioni-
mènes électriques et les phénomènes hydrodynamiques. sante et un plan), au cas qui nous intéresse. Nous nous bornerons
à indiquer dans quels cas ces phénomènes jouent un rôle important
et à montrer comment les apprécier.

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3.2 Modèle de J.J. Thomson transposé On définit la tension de saturation Us en combinant les relations
(21) et (25) avec j 0 = j s et si les mobilités sont égales (µ+ ≈ µ – = µ ) :
aux liquides
2 
Dès la fin du siècle, J.J. Thomson [10] proposa un modèle de U s = σ 0 L /2 εµ 
conduction pour les gaz ionisés, qui s’applique à un milieu isolant  (26)
quelconque, moyennant les hypothèses suivantes :
2
j s = σ 0 L/ εµ 

— les électrodes sont telles que la décharge des porteurs s’y
effectue instantanément ; Notons que l’on a également :
— il n’y a pas d’injection ;
— le milieu demeure immobile ; C 0 = j s /j 0
— il n’existe qu’un seul type de porteurs de chaque signe, créés — Pour U = U s , C 0 = 1
en volume par un processus de dissociation/recombinaison.
— Le régime de saturation bien établi ( U  U s ) correspond à
En régime stationnaire, avec les mêmes notations qu’au para- C0  1 .
graphe 2.2.1, la relation (18) s’écrit :
Enfin, on peut montrer que la courbe de répartition du champ
j = (µ+q+ + µ–q– )E électrique entre les électrodes est parabolique, sa concavité étant
tournée vers les E positifs. La distorsion relative du champ ∆E /E est
si q+ = n+ e, maximale pour U = U s ; elle décroît très vite quand U croît, en effet :
q– = n– e
∆E /E ≈ j sL3/4ε µ U 2
et avec n ±, densité volumique de porteurs.
On a par ailleurs : La figure 6 montre schématiquement l’allure théorique, suivant le
modèle de Thomson, de la densité du courant en fonction de la
d d tension et celle du champ en fonction de l’abscisse pour les différents
-------- ( µ+n+ E ) = – -------- ( µ – n – E ) = K d ν – K rn+n –
dx dx régimes de conduction volumique stationnaire.
En utilisant l’équation de Poisson [relation (19)], Thomson aboutit
à une équation différentielle non linéaire, reliant la densité de courant
au champ électrique et aux autres paramètres caractéristiques. Il
existe deux régimes caractéristiques.
■ Régime quasi ohmique
Si le champ électrique est suffisamment faible pour ne perturber
que très peu l’équilibre thermodynamique de dissociation/recom-
binaison, le milieu possède une conductivité que nous appellerons
σ0 [relation (4)] et la densité de courant obéit à la loi d’Ohm :

 
Kd ν 1/2
j0 ≈ σ0 U
---- ≈ ( µ + + µ – )e ---------- E (21)
L Kr

Le champ est pratiquement uniforme dans tout le volume, sauf


dans deux couches d’épaisseurs λ + au voisinage de l’anode et λ – au
voisinage de la cathode, où il est un peu plus fort (par suite de la
présence d’hétérocharges).
Le temps de relaxation de conduction ou temps de Maxwell
τ = ε /σ0 (22)
est alors bien plus petit que le temps t 0 dit temps de vol (transit time
en anglais) que met une charge à migrer d’une électrode à l’autre
en champ uniforme :
t 0 = L /µ E = L 2 / µ U (23)
Le nombre adimensionnel

C 0 = t 0 /2τ = q±L2/ εU (24)


caractérise le régime de conduction.
C 0  1 correspond au régime ohmique ; quand le champ croît,
les deux couches λ ± s’élargissent progressivement ; Thomson sup-
pose que, dans ces couches, la recombinaison des ions est négli-
geable, et que, lorsqu’elles se rejoignent, il y a transition au régime
de saturation.
■ Régime de saturation
Il est pratiquement atteint quand les couches d’épaisseur λ ± occu-
Figure 6 – Régime stationnaire de conduction selon le modèle
pent tout le volume du diélectrique ; si la recombinaison est négligée,
de Thomson : densité de courant j en fonction de la tension U, allure
tous les ions créés sont aussitôt entraînés par le champ et le courant
du champ réduit E ’ en fonction de l’abscisse réduite x ’
atteint une valeur limite, correspondant au courant de saturation de
densité :
j s = K dνeL (25)

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3.3 Régime transitoire de conduction 3.3.2 Cas d’un électrolyte faiblement dissocié

C’est le cas le plus fréquent dans la pratique où il s’agit de liquides


Nous nous intéresserons dans ce paragraphe à évolution dans le non polaires, donc peu dissociants. Même sous forte tension, l’agi-
temps du courant lorsque l’on applique un créneau de tension tation EHD est modérée et ne modifie par de façon importante la
continue U à front de montée rapide à un liquide renfermant un élec- cinétique des phénomènes.
trolyte. La densité de courant à l’instant initial est, quel que soit le
Considérons le cas où la conduction s’effectue par paires d’ions,
mécanisme de conduction :
selon le modèle de Thomson. Deux cas extrêmes peuvent se pré-
j (t =0) = σ 0U/L (27) senter selon que U < U s ou U > U s .

Bien entendu, nous supposons qu’il n’y a pas d’injection, ni de ■ Temps court (inférieur ou égal au temps de vol t 0 )
génération de porteurs nouveaux en volume en un temps plus court — Si U < U s il y a un faible écart entre le courant initial j t = 0 et
que le front de montée de U, ni même par la suite : ce cas fait l’objet le courant stationnaire j 0 (figure 7).
du paragraphe 3.5.
— Avec U > U s contrairement au cas précédent ; j(t ) décroît
Cependant, l’évolution de j (t ) est singulièrement différente selon linéairement pour atteindre la valeur j s en un temps voisin de t 0 .
les régimes de conduction et les conditions expérimentales.
■ Temps long
— Les courants stationnaires évoluent en fait plus ou moins len-
3.3.1 Cas d’un électrolyte totalement dissocié tement dans le temps (selon la nature du sel et du liquide) ; toujours
avec l’hypothèse du champ uniforme, on peut montrer que, si l’on
3.3.1.1 Tensions faibles (de plusieurs volts demeure sur la partie ohmique de j(U ), on élimine lentement l’élec-
à quelques dizaines de volts) trolyte et :
Le liquide n’est pas le siège de mouvements électrohydro- j (t ) = j 0 [1 – (2Kd τrt /t 0 )] pour U < U s (31)
dynamiques.
avec τr = (KdνKr )–1/2 temps de relaxation chimique de l’électro-
■ Si C 0 < 1, le champ reste pratiquement uniforme ; on montre lyte.
aisément que pour C 0  1 : — Si, au contraire, le courant se fixe à la valeur j s(t =0) corres-
j (t ) # (σ0U/L )[1 – t /t 0 ] (28) pondant à une concentration initiale c 0 , celle-ci baisse progressive-
ment dans le temps et :
Tous les ions disparaissent du liquide en un temps de l’ordre de
t 0 [relation (23)]. j (t ) = j s(t = 0) exp (– Kd t ) pour U > U s (32)

■ Si C 0 > 1, les hétérocharges collectées par les électrodes La vérification expérimentale des lois que l’on vient de présenter
renforcent fortement le champ dans de fines couches près des élec- a été faite aux temps courts ou aux temps longs en utilisant des
trodes ; le champ uniforme dans le volume du liquide est considéra- électrodes collectrices appropriées (membranes échangeuses
blement abaissé. La zone centrale du liquide constitue un réservoir d’ions recouvrant des électrodes métalliques) [11]. Entre électrodes
d’ions qui sont transportés dans les couches latérales où le courant métalliques, les courants transitoires obéissent aux lois prévues,
est limité par charge spatiale. On montre, par calcul numérique [11], lorsque l’on a affaire à des solutions de surfactant tel que l’AOT
que le courant décroît très rapidement dans une première phase (en dans des liquides de faible permittivité relative [15] [16].
un temps t i < t 0 ) puis lentement par la suite suivant une loi donnée
par :
j (t ) = Cte t –3/4 (29)
Le temps t e nécessaire à l’achèvement de l’électrolyse est bien
supérieur à t 0 .

3.3.1.2 Tensions fortes (plusieurs kilovolts


ou dizaines de kilovolts)
L’état transitoire d’électrolyse est un cas typique où une insta-
bilité électrohydrodynamique EHD peut intervenir puisqu’il y a une
introduction d’ions par une surface non rigide (zone centrale) et col-
lection par des parois rigides (cf. l’aspect théorique dans [12]). Une
violente agitation du liquide se manifeste [13] : le brassage du liquide
uniformise la charge spatiale et rend donc le champ électrique
presque uniforme. Le passage du courant est fortement favorisé. Si
l’on suppose que le champ est uniforme et les mobilités égales :
j (t ) = 2µ q (t )E
dq (t )/dt = – j (t )/L
et l’on obtient :
j (t ) = (σ0U/L ) exp (– 2t /t 0 ) (30) Figure 7 – Régime transitoire de conduction, aux temps courts, selon
le modèle de Thomson : cas d’un électrolyte faiblement dissocié
Le temps nécessaire à l’achèvement de l’électrolyse est bien supé-
rieur à t 0 , mais bien plus court qu’il le serait sans agitation du liquide
[11].
L’état stationnaire de conduction volumique, au contraire, est
hydrodynamiquement stable [14].

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3.4 Régime alternatif sinusoïdal avec :

F (b) = 1 + b + (b2/3) + (b3/18) + (b4/180) + (b5/2 700) + ... (36)


Les considérations précédentes peuvent se transposer, dans une
large mesure, au cas du régime alternatif. Les temps caractéristiques où :
sont alors : b = e 3E /8π ε 0 ε rk 2T 2 (37)
— le temps de transfert t1 d’une charge d’une électrode à l’autre
J 1 étant la fonction de Bessel d’ordre 1.
en champ sinusoïdal uniforme, soit, si Uˆ = 2U
La conduction croît appréciablement à des champs d’autant plus
faibles que la permittivité du milieu est basse. En effet, on peut
t 1 = ( 2L2 / µ ω Uˆ )1/2 (33) écrire : b = E /E d , avec :
— la durée de la demi-période : E d = 8 π ε k 2T 2 / e3 = (8 π ε /e )(kT /e )2 (38)
T /2 = π/ ω E d est donc proportionnel à ε ; il est de l’ordre de 20 kV/cm pour
• Si t 1  T/2, on demeure dans le régime ohmique et : ε r = 2,2 à T = 300 K.
tan δ = σ 0 / εω ■ Aux champs faibles, d’après (36) et (38) :

• Si t 1  T /2 , en supposant que le courant atteigne très vite sa K d (E ) ≈ K d (0)(1 + E /E d ) (39)


valeur à saturation, on peut évaluer une valeur de tan δ généra-
lisée, définie comme le rapport de l’énergie perdue par cycle à Dans le cas où la conduction est assurée par un mécanisme
l’énergie réactive ; on obtient [11] : dissociation/recombinaison, σ varie comme K d [expression (21)]
et son accroissement, pour E = 10 kV/cm est, si ε r = 2,2, de l’ordre
tan δ = (4/ π)KdνeL2/ εω Uˆ (34) de 20 %.

Il y a donc possibilité d’une diminution de tan δ quand U croît, ■ Aux champs forts, F (b) admet pour forme asymptotique :
comme c’est le cas pour l’effet de barrière (ou effet Garton) bien
connu des électriciens dans le cas des isolations imprégnées (§ 7.4), F (b) = (2/ π)1/2 (8 b)–3/4 exp (8 b)1/2 (40)
mais les mécanismes sont très différents, puisque, dans l’effet de On s’attend donc à un accroissement important de la conductivité
barrière, on suppose les parois bloquantes. pour les liquides de faible permittivité au-delà de 100 kV/cm.
Si le champ électrique est appliqué de façon soudaine, il faut un
certain temps pour atteindre le nouvel état d’équilibre. Onsager a
3.5 Conduction renforcée par le champ montré que, lorsque le degré de dissociation est faible, le temps de
électrique réajustement de l’équilibre est :
τ L = ε /2σ (E ) (41)
3.5.1 Théorie d’Onsager
Ce temps, dénommé temps de Langevin, vaut la moitié du temps
Cette théorie a été élaborée pour rendre compte de l’accroisse- de relaxation de conduction ohmique ou temps de Maxwell [relation
ment de la conduction dû au champ électrique pour des milieux (22)], et il dépend du champ E.
soumis à une tension continue.
À l’équilibre thermodynamique, l’énergie électrique entre deux
3.5.2 Conséquences de la théorie d’Onsager
ions portant une même charge e, séparés de r, est :
sur les courants continus et les pertes
e2
W = ---------------------- ■ Sous tension continue :
4π ε 0 ε r r
— le comportement ohmique est modifié, puisque d’après la
En présence d’un champ électrique E, cette énergie devient : relation (21) σ0 ∝ (K d )1/2 :

σ (E ) = σ (0)[F (b)]1/2 (42)


e2
W = ---------------------- – eEr cos θ
4π ε 0 ε r r — le courant de saturation est également affecté, puisque d’après
la relation (25) j s ∝ K d :
avec θ angle entre le champ électrique et le dipôle. Dans le cas favo-
j s (E ) = j s (0)F (b) (43)
rable, le dipôle est aligné avec le champ et θ = 0. La réduction de
l’énergie de séparation des ions est donc : On n’observe en général qu’une amorce du plateau de saturation
[15] [16], celui-ci peut même complètement disparaître, comme le
∆W = (e 3E / π ε 0 ε r )1/2
montre la figure 8.
Le champ électrique appliqué modifie les énergies d’interaction — la constante de temps devient :
entre les ions dans le liquide ; en conséquence, le nombre d’ions
libres est augmenté proportionnellement à exp(∆W /kT ). τ (E ) = τ (0)/[F (b)]1/2
L’accroissement de conductivité dû au champ a été mis en évi- ■ Sous tension alternative de même que précédemment (§ 3.4) :
dence dès 1928, par Wien [1]. Onsager proposa, en 1934 [17], une — si t 1  T/2 , on a :
théorie cinétique, montrant qu’il y avait un renforcement de la dis-
sociation par le champ ; ainsi, la constante de vitesse de dissociation tan δ ≈ σ (E )/ εω
K d croît avec la valeur de E, alors que la constante de vitesse de
recombinaison K r n’est pas affectée : — si t 1 T/2 , le courant de saturation suit une loi du type de la
relation (43), tan δ est une fonction très rapidement croissante de E
K d (E ) = K d (0) J1 [(– 8b)1/2]/(– 2b)1/2 = K d (0) F (b) (35) [6].

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De même que nous avons caractérisé le régime de conduction par


le nombre sans dimension C 0 [relation (24)], nous caractérisons la
force de l’injection par le nombre sans dimension :

C i = q iL 2 / ε U (46)
Ce nombre apparaît lorsqu’on écrit les équations électriques sous
forme réduite, en utilisant les notations :
x ’ = x /L
E ’ = E /(U /L )

j ’ = j /(εµU 2 /L 3 )

q ’ = q /(εU/L 2 )
t ’ = t /t 0
La figure 9 montre l’allure de j ’ et E ’ en fonction de C i :
— pratiquement, dès que C i > 5, l’injection est forte, et l’on est en
régime SCLC ;
— au contraire, si C i < 10–1 :

Figure 8 – Régime stationnaire de conduction : influence j ’ ≈ Ci


de la dissociation de l’électrolyte renforcée par le champ (d’après [16])
et E′i – E′c ≈ Ci
avec E′i valeur réduite du champ sur l’injecteur,
4. Conduction due E′c valeur réduite du champ sur le collecteur.
On remarque que, si q i est constant (en particulier indépendant
à l’injection de charges de U ), la densité réelle de courant :
par les électrodes j = f (C 1)(εµU 2/L 3 )
varie sensiblement comme (U 2/L 3 ) si U est faible (car C i est grand),
mais en revanche, si U est grand, (donc C i faible), j ’ ≈ C i corres-
4.1 Injection unipolaire stationnaire pond à :
dans un liquide isolant parfait j = µ q iU/L (47)
immobile Ainsi, l’injection unipolaire faible donne lieu à un courant station-
naire qui varie de la même façon qu’un courant ohmique.

Supposons que la conductivité résiduelle soit nulle (σ 0 = 0) et que


l’une des électrodes soit injectrice, l’autre collectrice (elle n’injecte
pas). Les équations (18), (19) et (20), qui correspondent au régime 4.2 Intervention des phénomènes
stationnaire, se réduisent à : électrohydrodynamiques
j = µq (x )E (x )
dE (x )/dx = q (x )/ ε Les phénomènes d’instabilités et d’électroconvection ont été
étudiés de façon très détaillée dans le cas de l’injection forte, en

L
régime stationnaire [12] [18] [19] [20]. L’article Mouvement d’un
E ( x )dx = U fluide en présence d’un champ électrique [D 2 850], dans ce traité,
0
est consacré principalement à ce sujet. Les points essentiels sont
La courbe de répartition du champ électrique selon l’abscisse x les suivants.
est parabolique et sa concavité est tournée vers les E négatifs : Lorsque la tension U dépasse une tension critique U c , ou seuil
E 2 (x ) = 2jx / εµ + Cte (44) d’instabilité électrohydrodynamique, le liquide se met en mouve-
ment laminaire sous forme de cellules électroconvectives (de façon
■ Si le contact est ohmique (§ 2.2.2), il fournit tous les porteurs analogue aux cellules thermoconvectives observées quand un
souhaitables : sur l’injecteur, à x = 0, la densité de charge est très liquide placé entre plaques horizontales parallèles est chauffé par
grande (q i → ∞), et le champ électrique pratiquement nul (E i ≈ 0). en dessous) ; la tension critique est d’autant plus faible que l’injec-
La densité de courant prend alors la forme très simple : tion est forte (C i grand) ; le nombre adimensionnel t :

j = (9/8) εµU 2 /L 3 (45) t = ε U/ ηµ (48)

C’est la loi du courant limité par charge d’espace (space charge est caractéristique du problème de stabilité hydrodynamique du
limited current ou SCLC) : celle-ci s’oppose au passage du courant liquide. Au-dessus de la valeur critique t c (à laquelle correspond
(même si q i est très grand). U c ) le liquide se met en mouvement.
La force de l’injection est régie par q i . Entre parois métalliques solides, t c tend vers une valeur cons-
tante ( t c = 161) pour les C i grands (en pratique C i > 10), alors qu’il
■ L’injection sera dite faible si le contact n’est pas ohmique ; le varie comme C i–2 pour les faibles C i ( t c ≈ 2 × 104 pour C i = 0,1).
courant ne sera plus alors limité par la charge spatiale, mais régi par
Ainsi, pour ε r = 2,2, la tension critique en injection forte (C i > 10)
la loi d’injection.
serait voisine de 150 V et environ cent fois plus élevée pour C i = 0,1.

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Figure 9 – Régime stationnaire d’injection unipolaire dans un isolant


parfait immobile : valeurs réduites de la densité de courant j ’
du champ sur l’injecteur E ′i et sur le collecteur E c′ en fonction de C i

■ Le mouvement du liquide favorise le transport du courant et l’on


peut définir un nombre de Nüsselt électrique Nue égal au rapport de
la densité du courant convectif j c à la densité du courant j i qui pas- Figure 10 – Variation du nombre de Nüsselt électrique Nue
serait si le fluide demeurait immobile : en régime stationnaire en fonction de t / t c pour le régime
Nue = j c /j i (49) d’injection forte d’ions (H+ ou Cl –) dans divers liquides (d’après [20])

La loi de variation de la densité de courant en (U 2/L3 ) est alors


remplacée par une loi en (U 5/2/L3 ).
4.3 Régime transitoire sous créneau
■ Aux tensions suffisamment fortes, le régime devient ensuite tur-
bulent ; pour un nombre de Reynolds électrique :
de tension
Re e = µ U/ ( η / ρ v )  30 4.3.1 Calcul du courant et du champ
Nue atteint une valeur limite Nu emax ≈ M/3 Le calcul du courant transitoire s’effectue assez facilement
Le nombre Ree est formé à partir de la vitesse des ions v = µ E jusqu’au temps t t où les premiers porteurs arrivent sur le collec-
et de la longueur caractéristique L écartement des électrodes teur, si l’on suppose que le champ sur l’injecteur reste nul (cas où
(E = U/L ). C i = ∞) [21] :
E(0, t ) = 0
Le nombre M est défini comme :
On obtient, pour t  t t :
M = µ H /µ (50)
t t = 0,787 t 0 (52)
où :
µ H = (ε / ρv )1/2 (51) où t 0 = L 2 /µ U est le temps de vol en champ uniforme [relation (23)] :

est la mobilité électrohydrodynamique, obtenue en identifiant la den- j (t ) = (εµ U 2/2L3 )/[1 – (t/2t 0 )]2
1
sité d’énergie électrostatique ----- ε E 2 à la densité d’énergie cinétique En coordonnées réduites, avec t ’ = t/t 0 il vient :
1 2
----- ρ v v .
2
2 j ’ = (1/2)/[1 – (t ’/2)]2 (53)
■ La densité de charge est alors sensiblement uniforme au sein du C’est le cas de la courbe en tireté de la figure 11.
liquide et le champ électrique croît linéairement de l’injecteur au
collecteur. L’allure des courants transitoires pour des valeurs de C i comprises
entre 0,3 et 15, calculée numériquement [22] est représentée sur la
La figure 10 donne les variations de Nue en fonction de t / t c pour même figure.
différents liquides.
On note que, tant que C i > 2, il existe un pic de courant pour
On retiendra que les tensions critiques observées expérimenta- t ′t = t t /t 0 ; ce pic de courant disparaît dès que C i  2, et si C i  0,3 ,
lement sont environ deux fois plus faibles que les valeurs théoriques on a :
(pour plusieurs raisons incomplètement élucidées encore : diffusion, j ’(t ) ≈ C it ’
intervention des ions résiduels, etc.). En outre, Nue est d’autant plus
élevé que le liquide est visqueux puisque, d’après la loi de Walden, soit :
ηµ = Cte [relation (1)], µ H variant relativement peu pour les liquides j (t ) ≈ µ q i (U 2/L3 )t (54)
les plus répandus (2 < ε r < 6).
Remarque. Injection bipolaire : lorsque les deux électrodes sont injectrices, les insta- Le courant croît linéairement jusqu’à t t ≈ t 0 et demeure constant
bilités EHD se manifestent à des tensions plus basses qu’en injection unipolaire : les par la suite.
phénomènes d’électroconvection sont plus vigoureux.

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Figure 11 – Régime transitoire d’injection unipolaire dans un isolant Figure 12 – Régime transitoire d’injection unipolaire forte
parfait immobile : densité réduite de courant j ’ en fonction du temps dans un liquide visqueux pour U  U c : densité de courant
réduit t ’ pour différentes valeurs de C i (d’après [22]) en fonction du temps

4.3.2 Influence du mouvement du liquide

Si l’on admet que l’instabilité se déclenche lorsque la ddp entre


l’injecteur et le premier front de charges atteint la valeur critique U c ,
on montre [23] que le régime transitoire dont il vient d’être question
ne dure que pendant une période t r (temps de retard) en injection
forte :
t r ≈ [2U c /(U + U c )]t 0 (55)
que l’on peut aussi écrire en tension forte, compte tenu de la rela-
tion (48) :
t r = Cte η / εE 2 (56)
avec E = U/L.
■ Pour t > t r , il y a mise en mouvement progressive du fluide qui
entraîne les ions beaucoup plus vite (vitesse jusqu’à 100 fois supé-
rieure pour un liquide de forte viscosité) ; les premiers porteurs attei-
gnent donc le collecteur au bout d’un temps t h qui peut être très Figure 13 – Rapport de la mobilité apparente  a (déduite de t h)
inférieur à t t . Aux fortes tensions, t r devient négligeable et t h varie à la mobilité vraie  des ions injectés (liquide immobile)
sensiblement comme 1/E. La mobilité apparente transitoire µ a (élec- fonction de U /U c en injection forte
trohydrodynamique) déduite du temps t h (µ a = L2/Ut h ) tend vers la
valeur :
µ Ht ≈ 0,4 (ε /ρv )1/2 (57)
faible, chaque électrode étant tour à tour injectrice puis collectrice
Elle peut avoir plusieurs dizaines de fois la valeur µ, et le courant à chaque alternance. La densité du courant instantané de conduc-
à l’instant t h est multiplié par un facteur comparable, qui est le tion en fonction de la tension instantanée est [11] :
nombre de Nüsselt électrique transitoire :
j = f (C i) ε µ U 2/L3
Nu′e ≈ 0,4M et :
■ Pour t > t h , le courant décroît jusqu’à la valeur fixée par le nombre tan δ ≈ [4 2f ( C i )/3π ] µ Û/ ω L
2
(58)
de Nüsselt Nu e [relation (49)].
avec Û valeur maximale de U.
La figure 12 représente qualitativement l’allure de la densité de
courant transitoire, la figure 13 celle de la variation du rapport La vérification expérimentale de la variation de tan δ en fonction
µ a /µ en fonction de U/U c . de la tension selon l’expression (58) a été faite pour un liquide polaire
placé entre électrodes-membranes injectrices [11]. Pour un liquide
non polaire entre électrodes métalliques, l’accroissement de tan δ
lorsque la tension est accrue, est dû à une injection unipolaire faible :
4.4 Régime alternatif sinusoïdal il est plus fort lorsque le liquide (cyclohexane) est additionné de
TIAP [6]. Pour une huile minérale pure entre électrodes métalliques,
l’allure de la courbe tan δ, en fonction de la tension, permet de
Comme au paragraphe 3.4, on peut faire les deux hypothèses conclure que l’injection unipolaire est le mécanisme dominant au-
extrêmes où t 1  T/2 (ou t h  T/2 ) et t 1  T /2 . Le calcul le plus delà de 50 kV/cm (en valeur maximale) ; l’injection demeure faible
simple s’effectue lorsque la distorsion du champ est relativement jusqu’à 200 kV/cm (en valeur maximale) [7]. L’influence des effets

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EHD sur le facteur de dissipation est négligeable dans cet exemple 5.1 Cas des liquides purs
où l’écartement des électrodes est faible (0,9 mm). Plus l’écartement
augmente, plus l’influence de l’électroconvection (c’est-à-dire du
transfert convectif de charges par écoulement EHD) est importante En règle générale, ils ne renferment que de l’eau libre. Celle-ci ne
entre électrodes planes sous créneau de tension et sous tension cause aucun accroissement notable de la conductivité des liquides
alternative ; une analyse détaillée de ces phénomènes est faite en en champ faible, en particulier dans les liquides de faible permittivité
bibliographie [24]. L’accroissement de tan δ en fonction de la tension (voir F.M. Clark) ; en effet, l’eau n’y est pratiquement pas dissociée
appliquée à une huile de transformateur peut être bien plus impor- et elle l’est très peu dans les liquides polaires [25]. La tendance à
tant que celui prévu par l’expression (58), en raison de la contribution la dissociation des molécules d’eau est d’autant plus élevée que le
EHD au transport des charges dont la mobilité apparente croît avec milieu possède une permittivité plus grande ; cependant, l’effet n’est
la tension ; les mouvements de liquide ont été visualisés ; ils sont important qu’en champ très intense.
semblables à ceux observés sous créneau de tension [24].
Au-delà de la saturation l’eau libre donne lieu en revanche à un
accroissement de la conduction sous champ continu modéré.
Stannett [26] a mis en évidence le fait que les gouttelettes d’eau en
suspension se chargent par contact avec les électrodes entre les-
5. Influence de l’eau sur quelles elles oscillent, d’où un accroissement de la conductivité
la conduction des liquides apparente quand augmentent la tension et la teneur en eau ; en
accroissant la température, l’eau se dissout progressivement, le
nombre de gouttelettes décroît et la conductivité apparente éga-
L’air ambiant renferme en quantité variable une certaine humidité. lement. Sous tension alternative, pour une température donnée,
Dans la pratique industrielle, on prend un soin tout particulier à dés- tan δ croît dès que la teneur en eau dépasse une concentration limite,
hydrater solides et liquides isolants. La présence d’eau en excès est proche de la saturation [27]. Il a été également montré qu’il existe
connue pour avoir un effet délétère sur l’isolation, dont elle peut une discontinuité de tan δ au voisinage de 0 oC due à la présence
abaisser considérablement la rigidité diélectrique, même à court d’eau dans une huile neuve.
terme. Dans le cas du liquide lui-même, la rigidité diélectrique décroît L’eau peut également donner lieu, sous tension continue, à une
sensiblement quand la teneur en eau dépasse la moitié de la valeur injection d’ions : il s’agit d’ions positifs dans un liquide polaire
à saturation ; la rigidité peut être divisée par 3 ou plus, au-delà de comme le nitrobenzène, ce que montre la distribution du champ élec-
la saturation (voir l’article Préclaquage et claquage des liquides trique [28]. Dans un liquide non polaire tel que l’hexane, la présence
diélectriques [D 2 450]). La teneur à saturation, qui s’exprime en par- d’eau favorise le déclenchement de l’électroconvection, ce qui est
ties par million (ppm) en masse est, pour fixer les idées, de quelques la preuve de l’existence d’une injection [29]. L’étude de l’électro-
dizaines de ppm pour les huiles de transformateurs à température convection en géométrie divergente (entre une lame acérée et un
ambiante, de quelques centaines de ppm dans les hydrocarbures plan) a permis de mettre en évidence le rôle de faibles teneurs en
aromatiques, plus grande encore dans certains liquides polaires. De eau qui favorisent l’injection unipolaire dans le benzène [30].
plus, elle augmente très fortement quand la température s’élève
(plusieurs centaines de ppm dans les huiles au-delà de 70 oC). On
retiendra dès à présent deux faits importants :
■ la cinétique d’hydratation du liquide est plus ou moins rapide (de
5.2 Cas des liquides impurs
quelques minutes à plusieurs jours) selon la façon dont se produit le
phénomène ;
La majorité des études de l’influcence de l’eau sur la conduction
■ un abaissement de la température peut conduire à la formation des liquides impurs a été consacrée aux huiles de transformateur,
d’une émulsion (suspension de goutelettes) : par exemple, une en particulier dans le but de caractériser la présence d’eau qui produit
huile qui contiendrait 100 ppm d’eau à 70 oC se trouverait bien au- un abaissement considérable de la rigidité diélectrique lorsque
dessous de la saturation ; à 20 o C, si la teneur à saturation est l’huile est polluée par des particules, des fibres cellulosiques ou des
40 ppm, il y a 60 ppm qui forment une émulsion. boues dues à sa dégradation.
L’eau que renferme un liquide peut se trouver sous deux Du fait de son fort caractère polaire, l’eau tend à s’associer à toute
formes : impureté de permittivité suppérieure à celle du liquide. Elle favorise
— l’eau libre, en solution jusqu’à la concentration de saturation, donc la dissociation d’impuretés telles que les produits d’oxydation
concentration au-delà de laquelle se forment des gouttelettes ; polaires (acides, alcools) ; l’oxydation de l’huile produisant
— l’eau liée, fixée à certaines molécules du liquide par des liaisons également de l’eau, l’accroissement de la conductivité et de tan δ
chimiques. permet de détecter sa présence. Au contraire, l’eau libre dissoute
dans une huile neuve peut se fixer progressivement à l’huile en cours
L’eau libre est plus aisément extraite du liquide que l’eau liée, par d’oxydation, par un processus radicalaire, en donnant lieu à des insa-
un chauffage approprié sous un vide modéré. Selon l’application turations et des radicaux polaires, provoquant une diminution de
considérée, les problèmes dus à la présence d’eau sont tout à fait tan δ [31].
différents : par exemple, ils sont quasiment inexistants pour les
condensateurs, appareils scellés après imprégnation, dont l’isola-
tion, n’est pas – ou très peu – en contact avec l’atmosphère ; au
contraire, l’huile dans un transformateur est en contact avec divers
matériaux cellulosiques très avides d’eau et susceptibles d’en former 6. Discussion générale
lors de leur dégradation. Ils cèdent cette eau à l’huile lorsque la
température s’élève suivant des règles bien établies.
L’examen des monographies sur la conduction des liquides
L’huile, par ailleurs, a tendance à s’oxyder au cours du temps et montre que les auteurs ont souvent eu tendance à proposer des
divers produits s’y dissolvent : acides organiques, composés saturés mécanismes analogues à ceux connus dans les gaz ou les solides.
et insaturés ainsi que de l’eau ; d’autres produits apparaissent en En ce qui concerne les champs faibles ou moyens (régime ohmique,
suspension (boues). pseudo-palier de saturation), nous avons vu que l’analogie avec les
Selon la forme sous laquelle elle se trouve, l’eau joue un rôle gaz conduit à une interprétation correcte des phénomènes comme
important ou non sur la conduction et les pertes de liquides, soit l’ont confirmé des travaux récents sur des liquides non polaires
en provoquant l’accroissement de la densité ionique en volume, soit renfermant certains types d’électrolytes ou sur des liquides polaires
en facilitant les phénomènes d’injection par les électrodes. autodissociés, ou enfin sur des liquides non autodissociés.

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Aux champs très forts, en revanche, l’analogie avec les gaz pro- Félici [32] a montré, par analogie avec une étude cinétique pro-
posés par Nikuradse, c’est-à-dire une ionisation par choc produisant posée par Bockris et Reddy [1], que l’on pouvait obtenir une expres-
une multiplication des ions initialement présents dans le liquide sion du courant global injecté. En effet, le champ électrique appliqué
(comme les électrons dans un gaz se multiplient par chocs avec les abaisse les hauteurs des barrières de potentiel respectivement de
molécules), n’est pas valable, même à des champs dépassant (figure 14) :
1 MV/cm (le libre parcours moyen dans un liquide est bien trop petit). – (1 – β )(ε / εa )aT
L’analogie avec les solides ne tient pas plus en ce qui concerne des
et :
mécanismes d’émission électronique par effet Schottky ou effet
β (ε / εa )aT
tunnel ; en effet, ils conduisent à des densités de courants inférieures
de plusieurs ordres de grandeur aux valeurs observées. β étant le coefficient de forme des barrières (compris entre 0 et 1).
→ ←
Il semble que la nature du métal ait une influence significative : Puisque j = j – j = µ n N eE
dans la ligne des hypothèses les plus récemment proposées et
étayées expérimentalement (comme nous l’avons montré au para- On obtient en prenant une valeur moyenne β = 0,5
graphe 2.2.2), selon lesquelles l’injection de porteurs est contrôlée j = j sE exp (E/E c )/ [E + Es exp (– E/E c )] (59)
par les caractéristiques de la double couche, il est tout à fait plausible
que l’état de surface du métal joue un rôle considérable ; les phé- avec j s = k g n Ne exp (– Ug /kT ),
nomènes d’oxydation, d’adsorption d’espèces neutres ou chargées, Ec = 2kT/ea(ε /εa ),
etc., peuvent modifier la structure de la double couche et la force-
image d’un cas à l’autre. En outre, l’état de surface peut évoluer pro- Es = (k r /µ ) exp (– U r /kT ),
gressivement en fonction du temps d’application de la tension ; il a épaisseur de la double couche,
en résulte une évolution du courant sous tension continue (ou des ε a permittivité à l’intérieur de celle-ci.
pertes sous tension alternative), appelée conditionnement, qui
intègre la plupart des phénomènes, et confère souvent aux mesures La courbe j(E ), représentative de la relation (59) possède trois
sur des liquides purs un caractère erratique très déroutant. Ajoutons régions (figure 15) :
que, sous tension forte, des phénomènes électrohydrodynamiques • I ; E < Es : variation ohmique du courant,
complexes et mal connus se manifestent.
j ≈ (j s /Es)E
Le renforcement de la conduction par le champ, c’est-à-dire
l’aspect cinétique des mécanismes de conduction, revêt une impor- • II ; Es < E < Ec : zone de saturation du courant,
tance capitale. Nous avons vu que le champ pouvait agir en volume
sur le temps de réajustement de l’équilibre de dissociation [théorie j ≈ js
d’Onsager (§ 3.5)]. Qu’en est-il à l’interface ? Pour un liquide non • III ; E > Ec : variation exponentielle du courant avec le champ :
polaire renfermant un électrolyte, l’interprétation proposée
(§ 2.2.2.4) est telle que les ions injectés préexistent (puisque l’injec- j ≈ j s exp (E/E c)
tion se déclenche sans délai dès la mise sous tension) et appar-
tiennent à la double couche chargée ; le prélèvement des ions Une telle variation est très souvent observée expérimentale-
injectés ou un autre mécanisme lié à l’application du champ, ne doit ment.
pas modifier q a [relation (15)] ; aussi la cinétique de production Ainsi, dans un liquide de forte permittivité, par exemple le
d’ions doit-elle être suffisamment rapide. carbonate de propylène (ε r ≈ 65), le courant d’injection (dû à des
D’une façon générale, les porteurs issus d’une réaction chimique porteurs négatifs provenant vraisemblablement de la réduction du
d’une espèce neutre N à l’interface se forment selon le mécanisme : liquide) est contrôlé par la cinétique électrochimique et obéit à une
loi du type de la relation (59) [33].
kg
± ke ±
N ± e– £ N → N
k r ion lié ion libre

avec kg , kr respectivement constantes de vitesse de génération


et de recombinaison d’un ion lié,
ke constante de vitesse d’extraction de l’ion libre,
lorsqu’il a échappé à l’influence de la force-image [4].
Si k e  k r , le courant injecté est limité par la cinétique d’extraction
des charges de l’interface. Au contraire, si k e  k r , c’est le processus
de génération de charges à l’interface qui limite le courant.
Dans le cas d’une réaction réversible telle que :

N + e– £ N–
à partir des densités de courant de conversion :
— de N en N – :
j = k g n Ne exp (– eUg /kT )
— et de N – et N :
j = k rn N– e exp (– eU r /kT )
avec Ug et Ur barrières de potentiel pour le passage des espèces
dans un sens ou dans l’autre,
Figure 14 – Diagramme schématique des barrières de potentiel
n N , n N– concentrations de N et N – sur l’injecteur. selon le modèle de Félici

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On notera que, dans l’immense majorité des cas, il s’agit de


tensions alternatives (fréquence de 50 ou 60 Hz), et qu’il existe,
selon les utilisations, des différences très importantes entre les
valeurs efficaces des champs utiles.
■ Dans les transformateurs , celui-ci n’excède pas en général
50 kV/cm (5 V/µm), ce qui est très faible, mais les isolants solides sont
utilisés en forte épaisseur (plusieurs millimètres) et, par endroits, le
renforcement du champ peut atteindre un facteur 6 (arêtes,
aspérités).
■ Les condensateurs tout-film (au polypropylène), qui sont déve-
loppés depuis peu, fonctionnent à 50 V/µm ; on emploie deux à trois
couches de film isolant de 10 à 15 µm ; les électrodes sont des films
d’aluminium de 5 à 7 µm et le coefficient de renforcement du champ
sur les bords d’électrodes (dans le liquide) peut atteindre 2 à 3.
Le premier problème est de reconnaître, dans des structures aussi
complexes, le type d’association liquide/solide : association série ou
Figure 15 – Allure de la densité de courant en fonction du champ parallèle. La mesure de la capacité complexe :
selon l’expression (59)
C = C ’ – jC ’’
avec C ’, C ’’ parties réelles et imaginaires mesurées sous faible ten-
En régime transitoire, la densité de charge sur l’injecteur dépend
sion et dans une large gamme de fréquence, permet d’obtenir des
du temps, alors qu’aux champs forts (100 à 500 kV/cm) elle est
éléments de réponse ; en effet, si le champ électrique est suffisam-
indépendante du temps, le courant d’injection s’établissant sans
ment bas, il ne déplace pas, dans chacun des milieux, l’équilibre
délai mesurable (< 50 µs).
génération-recombinaison de porteurs et l’échange de charges
Il existe donc un certain nombre de différences importantes d’un milieu à l’autre est négligeable.
entre l’injection dans des liquides de faible permittivité et l’injec-
En général, l’isolation ne peut être décrite par un schéma simple
tion dans des liquides de forte permittivité :
et il faut, au moins, avoir recours à un schéma série-parallèle ; cela
— dans le cas des liquides de forte permittivité, la densité ionique ne suffit d’ailleurs pas, car la présence de charges aux interfaces peut
résiduelle a peu d’effet aux champs intenses ; le champ électrique donner naissance à une conductivité et à des pertes supplé-
est susceptible de jouer un rôle important en modifiant la structure mentaires. En effet, il existe toujours, à la séparation entre deux
de la double couche ; phases, une double couche : le solide attire à lui préférentiellement
— dans le cas des liquides de faible permittivité, le champ n’a pour certaines espèces neutres ou chargées du liquide ; le solide acquiert
effet que d’abaisser la barrière du potentiel que doit franchir l’ion une charge d’un signe en surface ou à son voisinage et le liquide
injecté (il n’a pas ou peu d’influence sur la structure de la double une charge égale et opposée, qui décroît de la surface jusqu’au cœur
couche) ; la densité et la nature des ions résiduels fixent le niveau du liquide. L’importance de ce processus d’une très grande généralité
de l’injection. (il ne se limite pas au cas du couple liquide/solide métallique
En conclusion, c’est l’injection de charges par les électrodes méta- considéré au § 2.2.2.2) est fondamentale pour la compréhension
lliques qui est la cause principale de l’accroissement de la conduction d’une multitude de phénomènes, particulièrement en chimie des col-
sous champ intense (> 50 kV/cm). Pour la réduire, il faut s’attacher loïdes, en électrochimie et dans le domaine de la conduction des
à minimiser la concentration en électrolytes dans le liquide et, dans matériaux diélectriques.
le cas de liquides polaires, modifier l’interface par des revêtements Ainsi, on a pu mettre en évidence ces phénomènes liés à la pré-
d’électrodes appropriés [36]. sence de la double couche solide isolant/liquide dans les deux cas
extrêmes (représentatifs d’un milieu imprégné) où le champ élec-
trique est perpendiculaire aux parois et où il est parallèle aux parois.
C’est également dans ces cas simplifiés que nous pourrons présenter
7. Cas des parois isolantes quelques résultats significatifs relatifs aux champs forts et à la
conductivité superficielle d’un solide mouillé par un liquide isolant.
Quand l’une des phases solide ou liquide est en mouvement par
7.1 Généralités rapport à l’autre, de nombreux effets ont été observés, que l’on
regroupe sous l’appellation effets électrocinétiques. Ils diffèrent
Dans la pratique des isolations à haute tension, les liquides sont selon la façon dont le mouvement est provoqué et se distinguent
utilisés presque exclusivement en association avec des solides iso- de l’EHD qui concerne l’étude des mouvements de liquides soumis
lants (condensateurs imprégnés, transformateurs, etc.). En effet, au champ électrique.
l’isolation doit absolument être dénuée d’inclusions gazeuses, dans
lesquelles les décharges partielles sont susceptibles d’apparaître dès
que la tension qu’elles supportent dépasse le minimum de Paschen
(environ 400 V), entraînant à plus ou moins brève échéance la dégra- 7.2 Classification des effets
dation puis le claquage de l’isolation. électrocinétiques
Les solides utilisés sont les papiers et les cartons ainsi que, de plus
en plus, des polymères de synthèse (polypropylène par exemple), On distingue essentiellement deux classes complémentaires (pour
qui sont imprégnés d’un liquide convenablement choisi. Ce dernier plus de détails, on consultera le livre de R.J. Hunter).
doit s’insinuer au mieux dans tous les interstices et anfractuosités qui
existent aussi bien entre parois métalliques (électrodes, boîtier, cuve, ■ Dans la première classe, les effets électrocinétiques mettent en
etc.) et parois isolantes (films, feuilles) qu’entre feuilles isolantes, et jeu un matériau poreux ; citons :
également à l’intérieur même de l’isolant solide ; celui-ci possède — l’électro-osmose, mouvement de liquide, sous l’action d’un
soit une certaine porosité et une rugosité de surface (papier), soit la champ électrique appliqué, à travers un diaphragme poreux
faculté d’absorber l’imprégnant liquide ; le polypropylène absorbe (figure 16) ;
10 à 15 % (en masse) dans le cas des condensateurs industriels (une — son inverse, le potentiel d’écoulement, potentiel apparais-
partie de la phase amorphe du polymère peut se dissoudre dans le sant entre l’amont et l’aval dans un écoulement forcé à travers un
liquide adjacent). matériau poreux (figure 17).

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Figure 18 – Électrophorèse : schéma de principe


Figure 16 – Électro-osmose : schéma de principe

Figure 17 – Potentiel d’écoulement : schéma de principe

■ Dans la seconde classe, les effets électrocinétiques mettent en Figure 19 – Potentiel de sédimentation : schéma de principe
jeu des particules colloïdales ; citons :
— l’électrophorèse, mouvement de particules colloïdales dans
un champ électrique (figure 18) ;
— son inverse, le potentiel de sédimentation ou effet Dorn,
gradient de potentiel s’établissant au sein d’un liquide dans lequel
des particules tombent par gravité (figure 19).
D’autres effets, plus ou moins étroitement liés à l’électro-
osmose, ont acquis une certaine importance technologique. Il
s’agit :
— d’une part, de l’électrocapillarité, variation de tension super-
ficielle résultant d’un champ électrique (figure 20) dont le principe
est utilisé aujourd’hui pour la peinture par projection électrostatique; Figure 20 – Électrocapillarité : schéma de principe
l’électrocapillarité intervient également dans les systèmes à élec-
trodes poreuses, électrodes de piles à combustibles ;
— d’autre part, de l’électrodialyse, purification ionique d’un
liquide entre deux membranes semi-perméables en présence d’un
champ électrique (figure 21) ; elle permet d’obtenir des liquides
polaires très isolants, utilisables pour des applications spécifiques
(cellules électro-optiques de Kerr, condensateurs spéciaux).
Réciproquement, des membranes électrodialytiques sélectives
polarisées en sens opposé, peuvent émettre des ions dans le
liquide, et cette propriété a été utilisée pour étudier, en particulier,
la mobilité des charges dans les liquides et les phénomènes
électrohydrodynamiques [36].
Tous les phénomènes que nous venons de décrire sont liés au
fait que lorsqu’un fluide neutre est en contact avec une surface
solide neutre, cette surface capte des ions du fluide, ou au
contraire y injecte des ions. Cet échange de charges à l’interface a
pour effet de polariser cette interface, la transformant en une
double couche dipolaire. Selon le cas, le solide acquiert une charge Figure 21 – Électrodialyse : schéma de principe
superficielle négative ou positive (une charge égale et opposée
existe dans le liquide).
Dans les deux cas, le potentiel subit une discontinuité à l’inter- le fluide. La figure 22 représente schématiquement la répartition
face (en supposant que les ions au contact du solide sont infini- du potentiel à l’interface métal/liquide dans la double couche, dont
ment petits), puis il varie graduellement avec la distance à elle complète la description déjà faite au § 2.2.2 ; il varie très rapi-
l’interface, grâce aux réorganisations qui peuvent se produire dans dement dans l’épaisseur correspondant au diamètre ionique, à

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laquelle correspond la couche de Stern (couche compacte), 7.3 Équation fondamentale


puis il varie beaucoup plus lentement à l’extérieur de cette couche,
dans une zone étendue appelée couche de Gouy (couche dif- de l’électro-osmose
fuse). Cette figure montre par ailleurs la distinction entre le poten- et des phénomènes associés
tiel thermodynamique, ou potentiel réversible ψ 0 , qui ne
dépend que des natures respectives de l’électrode et des ions, et
pratiquement pas de la concentration des ions, et le potentiel Le potentiel électrocinétique ζ est lié à la densité de charge super-
électrochimique, encore appelé potentiel électrocinétique ζ ficielle q s (C · cm–2 ) dans la double couche d’épaisseur d par la
qui, lui, dépend essentiellement de la concentration ionique. formule du condensateur plan :
Un liquide dans un tube capillaire n’est pas électriquement ε
neutre si le potentiel électrochimique de l’interface n’est pas nul. q s = ----- ζ
d
Ce processus est à la base des effets complémentaires d’électro-
osmose, mouvement d’un fluide dans un capillaire en présence En régime stationnaire, la force surfacique q sE exercée par le
d’un champ électrique longitudinal et d’un potentiel d’écoule- champ E sur les charges superficielles compense exactement la force
ment, potentiel résultant de la circulation forcée du fluide dans un de viscosité η v /d ( où v /d est le gradient moyen de vitesse). Il
capillaire (figure 23). résulte de cet équilibre que :

v
q s E = η -----
d
En combinant ces deux relations, on obtient la formule
d’Helmholtz :
εζ
v = ------ E
η
Notons que la vitesse v est dans le sens du champ si ζ est négatif
et vice versa. Cette formule, qui repose sur un grand nombre d’hypo-
thèses simplificatrices, est un bon accord qualitatif avec les résultats
expérimentaux relatifs au mouvement d’un liquide au voisinage
d’une interface.

7.4 Parois isolantes perpendiculaires


à la direction du champ électrique

Comme on peut l’imaginer, les ions provenant du liquide peuvent


être bloqués à l’interface (qui agit comme une barrière) ou au
contraire pénétrer à l’intérieur du solide (absorption forcée par le
champ) où leur vitesse est ralentie. Selon la nature du solide et celle
du liquide, l’un ou l’autre de ces mécanismes sera dominant.
■ Effet de barrière ou effet de Garton
Le lecteur pourra se reporter à la référence [37] de la bibliographie.
Si les parois solides constituent un obstacle infranchissable pour
les ions du liquide ; ceux-ci demeurent, sous tension alternative
bloqués aux parois jusqu’à ce que le champ se retourne. Si les ions
ne sont retenus par des forces d’aucune sorte (force-image, etc.),
Figure 22 – Répartition schématique du potentiel au voisinage si les effets de charge spatiale sont négligeables, si le nombre total
de l’interface d’ions dans le liquide reste sensiblement constant dans le temps,
dès que [relation (33)] :
2 1/2
t 1 = ( 2L / µ ω Uˆ )  T /2

la tangente de l’angle de pertes due au liquide tend vers :

tan δ = Cte q±ω1/2L3/ εµ1/2 Û 3/2 (60)


La diminution avec la tension de l’angle de pertes de papiers
imprégnés de liquides imparfaitement isolants est connue depuis
les années trente. Quantitativement, la variation est toujours moins
rapide que Û –3/2 , en particulier parce que le nombre d’ions n’est
pas constant et que les effets de charge spatiale sont non négli-
geables.
L’influence des divers facteurs [densité ionique initiale q ± ,
fréquence, viscosité (influant sur la mobilité des ions)] a été étudiée
en détail, avec différents couples liquide/solide et diverses formes
Figure 23 – Électro-osmose et potentiel d’écoulement
d’onde de tension ; les résultats expérimentaux obtenus avec des

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solides minéraux et certains papiers [11] [38] sont en bon accord avec phénomènes d’interface contribue à modifier l’allure des courants
le modèle que nous venons de présenter. Cependant, dans le cas transitoires. L’ensemble de ces phénomènes résulte de la présence
du papier, l’effet de blocage n’est pas purement mécanique, mais d’un excès d’ions, au voisinage des parois, dû à l’existence de la
correspond à une interaction spécifique ions/papier : le papier se double couche.
comporte comme un matériau semi-perméable laissant passer Dans le cas des champs modérés (< 100 kV/cm), compte tenu de
certains ions et en bloquant d’autres [39]. Dans une bien moindre nos connaissances sur les phénomènes électrocinétiques, la
mesure, il se produit également une pénétration renforcée par le conductivité superficielle est donnée par :
champ électrique des ions du liquide dans le papier, effet que nous
allons détailler ci-après. σ  = ( µ + εζ / η )4q ± L D sh ( e ζ /2 kT )
■ Absorption d’ions renforcée par le champ électrique avec les notations habituelles, q ± étant la densité volumique de
Ce phénomène a été mis en évidence et étudié assez récemment charges, L D la longueur de Debye et ζ le potentiel électrocinétique ;
[11] [38], essentiellement sur des polymères semi-cristallins. On ce dernier joue un rôle dominant ; sa valeur, appréciée par des
sait que le liquide peut pénétrer plus ou moins aisément la phase mesures d’électro-osmose ou d’électro-phorèse, est de quelques
amorphe (surtout à température suffisamment élevée, c’est-à-dire centaines de millivolts dans les liquides isolants. L’ordre de grandeur
70 à 100 oC), qu’il dissout quelquefois partiellement. Le champ de σ  ainsi calculé conduit à des valeurs des pertes additionnelles
électrique alternatif ou continu, accélère très notablement la péné- en accord avec l’expérience [41].
tration des ions du liquide libre dans le polymère (ainsi que celle
du liquide solvaté). Cela entraîne, sous tension alternative, une
baisse de tan δ d’autant plus rapide que la tension est élevée et la
densité d’ions réduite, de façon analogue à l’effet Garton, avec
7.6 Électrisation des liquides
lequel cet effet d’absorption est souvent confondu. En fait, les en écoulement
mécanismes sont très différents : les ions, après avoir pénétré dans
le polymère, sont considérablement ralentis (leur mobilité diminue Une manifestation particulièrement redoutée des effets électro-
de plusieurs ordres de grandeur) ; il ne retournent pas immédiate- cinétiques est l’électrisation des liquides en particulier de l’huile en
ment (à chaque alternance) dans le liquide libre, en raison des circulation forcée pour assurer le refroidissement des transfor-
effets de charge spatiale (les ions de chaque signe sont absorbés mateurs de grande puissance, mais également, par exemple, lors
tour à tour). Contrairement à l’effet Garton, le régime stationnaire du remplissage des réservoirs de véhicules terrestres ou d’aéronefs.
(tan δ = Cte ) est long à s’établir (plusieurs minutes au moins), et, La génération d’une charge d’espace unipolaire par frottement du
après suppression de la tension, les ions retournent lentement liquide sur les parois (conductrices et isolantes), puis son transport
dans le liquide libre adjacent au film (par diffusion, le coefficient de par l’écoulement, engendrent un champ électrique élevé dans le
diffusion étant très faible dans le polymère). liquide, entraînant des claquages dans les transformateurs (et leur
mise hors service), des explosions et des incendies lors de pompage
■ Déplacement de couches chargées de divers liquides. Aussi, l’étude des mécanismes de charges des
Si l’on recouvre chacune des deux électrodes métalliques d’un film huiles de transformateur fait-elle, depuis quelques années, l’objet
mince d’isolant d’un même matériau, il doit se constituer auprès de travaux pour établir des méthodes capables d’évaluer la tendance
d’eux, dans le liquide, une couche unipolaire d’ions de même signe des huiles à se charger (electrostatic charging tendency : ECT) afin
(compte tenu de la présence de la double couche) ; l’application d’un de les utiliser pour la surveillance des grands appareils. Un récent
créneau de tension doit avoir pour effet de plaquer les ions du liquide article de revue [42] fait le point sur ce sujet, en particulier sur l’avan-
sur l’un des films, et de provoquer la migration de l’autre couche cement des travaux des groupes de travail de la CIGRE.
chargée vers l’électrode opposée. C’est en effet ce que l’on observe : L’étude de l’électrophorèse de particules conductrices et isolantes
tout se passe comme si l’on réalisait une injection unipolaire de durée dans les liquides non polaires, associée à des mesures de conduc-
brève à partir d’un réservoir contenant une quantité limitée de tivité, a permis de progresser dans la compréhension des phéno-
charges ; il existe également des phénomènes électrohydro- mènes d’interface, en particulier de mesurer les potentiels zéta [43].
dynamiques analogues à ceux décrits au paragraphe 4.3 en régime
transitoire [40].
Un point important et étonnant est que les couches formées au voi-
sinage des isolants renferment des densités de charge supérieures
7.7 Fluides électrorhéologiques
à celles qui se forment au voisinage des métaux. Les mécanismes
spécifiques de constitution de ces couches, permettant de prévoir la Les fluides électrorhéologiques sont des suspensions de fines
densité et le signe des charges, sont encore inconnus. particules solides dans un liquide diélectrique isolant. Leur compor-
tement rhéologique est fortement influencé par le champ électrique
appliqué qui produit un alignement des particules et la formation
de chaînes [44]. On a pu ainsi observer une très forte augmentation
7.5 Parois isolantes parallèles de la viscosité apparente (jusqu’à un facteur de plusieurs centaines).
à la direction du champ ; Les applications potentielles sont nombreuses, mais leur grande
conduction superficielle sensibilité à la température restreint leur utilisation. Il n’y a pas de
théorie bien établie rendant compte de l’effet électrorhéologique,
mais des travaux récents [45] montrent qu’en tension continue les
Cette configuration constitue très souvent un point faible d’une propriétés de conduction des matériaux constitutifs du fluide
isolation liquide/solide. Ainsi, la tension de claquage aux fréquences régissent la distribution du champ électrique et des charges super-
industrielles peut être réduite par un facteur 2 à 3 par rapport à ficielles aux interfaces et déterminent donc la force d’attraction entre
chacun des éléments solide ou liquide pris séparément ; c’est le cas, particules. L’effet électrorhéologique ne se manifeste que si la
par exemple, des canaux d’huile dans les grands transformateurs conductivité des particules solides est supérieure à celle du liquide.
de puissance. Il existe également un autre domaine où les effets Le comportement non-linéaire de la conduction dans la phase liquide
d’interface jouent un rôle important : il s’agit des pertes addition- aux champs forts a été mis en évidence : il résulte de la combinaison
nelles qui se manifestent aux interfaces liquide/solide, pertes dues de l’effet de saturation de la conduction volumique à celui d’injec-
à une certaine conductivité superficielle. Ainsi, les pertes globales tions aux interfaces solide/liquide. L’importance des effets inter-
de petites unités de condensateurs sont souvent supérieures à celles faciaux varie de façon notable selon le couple solide/liquide
des grosses unités à cause des effets de bord, les marges de film considéré.
non recouvertes par les électrodes prenant une importance relative
supérieure. Enfin, dans le cas de matériaux poreux, l’importance des

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7.8 Conclusion lorsque le liquide ne possède aux fréquences mesurées que des
pertes par conduction ; cela est le cas pour la plupart des liquides
Au voisinage d’une paroi isolante solide, existe une densité isolants utilisés en électrotechnique qui sont dénués de pertes dipo-
ionique excédentaire dont l’importance a été longtemps insoup- laires en basse fréquence ( f  10 4 Hz ) .
çonnée. Les lois régissant sa formation sont encore imparfaitement
Ainsi, la valeur de ρ déduite de la valeur de tan δ mesurée (à
connues, mais son influence sur la conduction et les pertes diélec-
diverses fréquences, par exemple entre 10 Hz et 10 kHz) coïncide
triques est sans conteste très importante, de même que son rôle
avec les mesures obtenues sous créneaux de tension. Cependant,
dans le claquage des isolations imprégnées.
la sensibilité insuffisante des ponts de mesure limite souvent leur
emploi, en particulier pour la caractérisation des liquides à tempé-
rature ambiante sous faible tension (< 100 V).
8. Mesures de caractérisation Bien entendu, la caractérisation du comportement sous champ
intense d’un liquide doit se faire en tenant compte de l’utilisation
du comportement projetée : tension continue ou alternative ; nature et écartement
des électrodes ; température ; temps d’application de la tension ;
des liquides réponse aux surtensions, etc. Sous tension continue, on relèvera
l’allure des courants transitoires, en général avec un oscilloscope.
Sous tension alternative, on mesure l’évolution de la capacité et
8.1 Mesure de la résistivité  des pertes avec un pont de mesure à haute tension tel que le pont
et du facteur de dissipation tan  de Schering.
Selon les normes françaises, étrangères ou internationales, la
résistivité est obtenue à partir de la valeur du courant mesuré au
bout d’une minute après application d’une tension continue 8.2 Mesure de la mobilité des ions
constante produisant entre électrodes planes et parallèles distantes
de 1 à 2,5 mm un champ de 2 000 à 12 000 V/cm (norme ASTM) ou Quoique la mobilité µ des ions puisse être appréciée à l’aide de
de 2 500 V/cm (norme AFNOR et CEI). l’expression (1), il est quelquefois nécessaire de la mesurer avec pré-
La résistivité ainsi mesurée est désignée dans les normes par cision. Il peut s’agir d’ions connus (que l’on introduit dans le liquide
« résistivité sous tension continue ». En fait, il ne s’agit pas de la véri- par des moyens appropriés) ou d’ions inconnus, qui préexistent dans
table résistivité parce que dans les conditions préconisées par les le liquide, ce qui constitue le cas le plus fréquent dans la pratique.
normes, l’équilibre thermodynamique de dissociation/recombinai- Les méthodes de mesure sont fondées, pour la plupart, sur le
son (§ 2.2) est perturbé par l’action d’un champ trop élevé et parce comportement des ions dans les différents régimes de conduction
que la mesure du courant est effectuée au bout d’un temps trop long que nous avons examinés précédemment, sous tension impulsion-
(et fixé arbitrairement sans justification physique ou pratique). nelle, continue ou alternative. Les techniques de mesures électriques
On peut mesurer la véritable résistivité, caractérisant la pureté consistent le plus fréquemment à relever les courants transitoires
ionique initiale du liquide, en utilisant diverses formes d’onde de et/ou stationnaires en fonction du temps sous créneau de tension
tension (créneaux alternés, sinusoïde), à condition de satisfaire les ou tension continue croissante pour différents écartements d’élec-
critères suivants : trodes. On peut obtenir µ :
— opérer sous champ faible (  1 000 V/cm) pour minimiser les — soit à partir du temps de vol t t ;
phénomènes de génération d’ions en volume et/ou aux électrodes ; — soit à partir des lois de variation des courants stationnaires ;
— utiliser de faibles tensions (dizaines de volts) pour éviter les — soit à partir des mesures de conductivité.
phénomènes d’électroconvection ;
■ À partir du temps de vol
— choisir une distance L entre électrodes suffisante pour mini-
miser les effets interfaciaux et augmenter les temps de vol t 0 des L’application d’un créneau de tension provoque des courants tran-
ions ( L  1 mm ) ; sitoires dont l’allure diffère notablement selon les mécanismes mis
— utiliser une tension de polarité périodiquement alternée pour en jeu.
minimiser la collection d’ions et les effets de polarisation des S’il s’agit d’un processus dissociation-recombinaison, l’applica-
électrodes ; tion de créneaux de quelques dizaines à quelques centaines de volts,
— mesurer le courant à un instant de mesure t m bien inférieur provoque le balayage des ions et le courant décroît dans le temps.
au temps de vol t 0 . Si la décroissance est linéaire, les mobilités des ions étant voisines,
Certains appareils récents, utilisant des créneaux de tension le courant atteint une valeur sensiblement constante (cf. figure 7),
rectangulaires alternés de faible amplitude (10 V) et de basse fré- en un temps de l’ordre de :
quence (1 Hz), permettent de satisfaire toutes ces conditions et de
mesurer convenablement la résistivité des liquides [46]. De plus, une t 0 = L 2 / µU
très grande sensibilité, qui est une caractéristique nouvelle de ces S’il s’agit d’un processus d’injection unipolaire, l’allure des
appareils, leur permet de mesurer des résistivités très élevées courants transitoires (figure 11) permet de reconnaître s’il s’agit bien
(1017 Ω · cm). Il n’est alors plus nécessaire de chauffer les liquides d’injection forte (il y a un pic de courant) ou d’injection faible (courant
très isolants pour abaisser leur résistivité, afin de pouvoir la mesurer. croissant suivi d’un plateau), et d’apprécier le temps de vol t t .
Aussi, une norme nouvelle (CEI) relative à la mesure de la résis- On peut provoquer une sorte d’injection temporaire de charges en
tivité des liquides, qui prend en compte les récents progrès réalisés appliquant une tension modérée pendant un temps assez court
dans les techniques de mesure est-elle en cours de préparation (quelques secondes ou dizaines de secondes) : une partie des ions
(parution prévue en 1996 ou 1997). initialement présents n’est pas déchargée, et constitue, au voisinage
En utilisant un pont de mesure (pont de Schering, pont de des électrodes, des couches unipolaires ; si l’on applique soudaine-
comparaison) opérant sous tension alternative sinusoïdale de faible ment une tension de polarité opposée, ces couches se déplacent et
amplitude (dizaine de volts), on obtient le facteur de dissipation donnent naissance à des courants transitoires similaires à ceux de
tan δ ; il est relié à la résistivité ρ par l’expression (5) : l’injection unipolaire, ce qui permet d’apprécier la mobilité des ions.
tan δ = 1/ ρεω

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CONDUCTION ÉLECTRIQUE DANS LES LIQUIDES ______________________________________________________________________________________________

L’injection de porteurs de charge peut être obtenue par irradiation les propriétés optiques du liquide sont celles d’un cristal uniaxe, dont
brève ou permanente d’une électrode ou du liquide. Diverses l’axe optique est la direction du champ électrique.
méthodes, décrites dans les monographies citées en références, Lorsqu’un faisceau lumineux, parallèle aux électrodes d’un
permettent de mesurer les mobilités des porteurs de charge ainsi condensateur plan rempli d’un liquide, traverse le condensateur sui-
créées : ce sont en général des ions, mais on ne connaît pas préci- vant sa longueur  , l’expérience montre que, pour la radiation de
sément leur nature. longueur d’onde λ (loi de Kerr), on a :
■ À partir des lois des courants stationnaires
n e – n0 = B λ E 2
La variation du courant en fonction de la tension U et de la distance
L des électrodes permet de différencier avec certitude les régimes avec n0 indice ordinaire, correspondant aux vibrations perpen-
de dissociation des régimes d’injection. Dans le premier cas, la diculaires au champ,
mesure de j 0 et j s permettra d’obtenir la mobilité d’après les expres- ne indice extraordinaire, relatif aux vibrations parallèles au
sions (26) et (27). Dans le second cas, si l’injection est forte, on obtient champ,
µ à partir de l’expression (45).
B constante de Kerr du liquide pour la longueur d’onde λ.
La théorie du courant limité par charge d’espace entre électrodes
Le signe de (ne – n0) est indépendant du sens du champ ; les
planes a été étendue au cas où injecteur et collecteur sont des
liquides acquièrent en général les propriétés d’un cristal uniaxe
cylindres coaxiaux ou des sphères concentriques. On peut obtenir,
positif, et B > 0.
en utilisant comme injecteur une pointe de faible rayon de cour-
bure et comme collecteur un plan (cet ensemble d’électrodes étant Si l’on utilise un faisceau lumineux polarisé rectilignement, après
assimilé à des sphères concentriques), une estimation satisfaisante traversée du condensateur, on montre que le déphasage entre les
de la mobilité des ions injectés (de même polarité que la pointe) deux vibrations est :
[47] [48]. ϕ = 2πB E 2
■ À partir des mesures de conductivité
Si l’on opère entre polariseur et analyseur « croisés », et dont les
Nous avons vu, au § 2.2.1.3 qu’aux très faibles concentrations la axes sont disposés à 45o de la direction du champ électrique, l’inten-
conductivité de certains électrolytes était proportionnelle à leur sité lumineuse I de la vibration transmise par l’analyseur est reliée
concentration : la conductivité équivalente tend alors vers une à l’intensité incidente I0 par :
constante Λ0 , conductivité équivalente limite (cf. figure 2) qui est
proportionnelle à la somme des mobilités des ions de l’électrolyte. I = I0 sin2(ϕ /2)
De nombreux exemples sont donnés dans le livre de Bockris [1].
La radiation de longueur d’onde λ est éteinte lorsque sin2(ϕ /2) = 0,
soit lorsque :

8.3 Mesure de la distribution BE 2 = m


du champ électrique dans le liquide m : entier positif.
Si le champ est uniforme dans le liquide, l’espace entre électrodes
Il est d’une grande importance pratique, dans les problèmes d’iso- est uniformément éclairé, ou obscur. Au contraire, à un champ
lation, de connaître la distribution dans l’espace et l’évolution dans hétérogène, correspondra un éclairement variable ; on peut ainsi
le temps, du champ dans l’épaisseur du matériau. Une méthode observer des zones claires et des franges sombres correspondant
optique d’une grande fiabilité permet d’atteindre ce but lorsqu’il à un champ bien défini, tracer une « carte » précise du champ et
s’agit d’un isolant transparent : elle consiste à mettre à profit l’effet évaluer les charges d’espaces.
électro-optique de Kerr ; cette méthode offre en outre l’avantage de
Des dispositifs électro-optiques plus complexes permettent
n’introduire aucune perturbation sur le phénomène étudié (contrai-
d’obtenir d’autres informations sur la distribution spatio-temporelle
rement, par exemple, à celle qui consiste à introduire des sondes
du champ [49].
dans un liquide). Nous ne donnerons dans ce qui suit que des infor-
mations d’ordre général sur l’effet Kerr et sa mise en œuvre pour À l’inverse, lorsque l’uniformité du champ est très grande, des
les mesures de champ électrique. cellules remplies de liquides à grande constante de Kerr
(nitrobenzène désionisé par exemple) ont permis de réaliser des
Certains milieux anisotropes sont biréfringents : ils possèdent une
obturateurs rapides et des modulateurs de lumière.
certaine anisotropie due à leur structure propre. On peut observer
des phénomènes optiques analogues dans des milieux naturel- On notera que la constante de Kerr, très grande pour certains
lement isotropes, lorsqu’on y fait apparaître une dissymétrie par une liquides polaires (B = 4,44 × 10–12 m · V –2 pour le nitrobenzène) est
action extérieure : cette biréfringence est dite accidentelle. En grande bien plus faible pour les liquides non polaires (B ≈ 4 × 10–15 m · V –2
majorité, les liquides deviennent biréfringents quand on les soumet pour le benzène, comparable pour les huiles de transformateurs) ;
à un champ électrique ; la biréfringence électrique est nommée effet les mesures dans ces liquides ne sont aisément mises en œuvre
Kerr. La direction du champ électrique E est une direction privilégiée, qu’aux champs intenses [4] ; aux champs faibles, l’emploi de
autour de laquelle le phénomène présente la symétrie de révolution : dispositifs élaborés est nécessaire [50] [51].

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Conduction électrique R
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par Robert TOBAZÉON
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appareil de précision).
American Society for Testing and Materials (ASTM)
D 1979. Standard method of test for specific resistance (resistivity) of
electrical insulating liquids (Méthode standard de test de la
Japanese Industrial Standard (JIS)
C 2 101 1988. Testing methods of electrical insulating oils (Méthodes de
O
test d’huiles électriquement isolantes).
I
Constructeurs - Fournisseurs
R
(liste non exhaustive)

Barras-Provence
Baur
Keithley
Ninas P
British Petroleum Company Philips
Elf-Atochem, Prodelec
Esso
Rhône-Poulenc
Shell
L
Haefely
Irlab
Tektronix
Tettex
U
S
Organismes
Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Union technique de l’électricité (UTE)
Laboratoire central des industries électriques (LCIE) Commission électrotechnique internationale (CEI)
Société française des électriciens et des électroniciens (SEE) Association française de normalisation (AFNOR)

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est strictement interdite. − © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique Doc. D 2 430 − 3

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