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Le diminutif dans le parler de Marrakech

Fouad Elmdari
elmdari@libertysurf.fr

Nice 1991

Table des matières


1. Introduction 2
1.1. Cadre théorique 3
1.2. L'arabe marocain: caractéristiques 4
2. Le diminutif dans le parler de Marrakech 11
2.1. Radical à CCC 11
2.2. Radical à CVC 15
2.2.1. Hypothèse 1 15
2.2.2. Hypothèse 2 27
2.3. Radical à CCC(V)C 29
3. Conclusion 34
Références 35
Le diminutif dans le parler de Marrakech

1. Introduction
Le travail que je propose dans ces pages consiste à rendre compte d'une classe morphologique
très productive dans le parler de Marrakech désormais PM), la classe des diminutifs. Mon but,
à travers cet effort, est de proposer une ou des explications aux processus mis en œuvre dans
la dérivation de ces formes à partir de radicaux trilitères et quadrilitères.

a. Une approche se situant dans le cadre d'une phonologie linéaire comme celle de SPE
(Chomsky & Halle 1968), se heurterait inévitablement à des difficultés évidentes vu que le
parler en question fait partie des langues dites non-concaténatives. Tout appareil théorique se
basant sur un système de règles de la forme A B/X Y aurait du mal à traiter, avec
simplicité et élégance, un ensemble de données aussi complexe que celui des formes
diminutives en PM.
La voie qui s'est avérée fructueuse depuis quelques années est celle qui pose l'existence d'une
Phonologie Universelle (PU), valable pour toutes les langues humaines. Dans ce cadre, le
traitement des comportements phonologies recourt à un corps de principes universels et à des
valeurs paramétriques propres à chaque langue. Le travail que je propose s'inscrit dans ce
programme de recherche, et plus précisément celui élaboré par Kaye, Lowenstamm &
Vergnaud (désormais KLV) (1985) qui est la Théorie du Gouvernement et du Charme.

b. Mon objectif est donc double. D'une côté, mettre en œuvre le fonctionnement d'un modèle
comme celui de KLV et, d'un autre, présenter une contribution à la compréhension d'un
certain nombre de phénomènes relatifs à la dérivation des formes diminutives en PM.
Cependant, je préviens le lecteur que les résultats de cet effort ne sont pas définitifs et qu'on
ne peut les taxer ni de faux ni de vrais. Je pense tout simplement qu'ils sont très probables.
Cette incertitudes m'a conduit à présenter, pour expliquer des cas précis, des hypothèses me
semblant assez convaincantes mais concurrentes et à discuter leurs chances de probabilité
sans courir le risque de trancher pour l'une ou pour l'autre.

c. J'ai articulé mon travail de la façon suivante: dans le premier chapitre, j'expose le cadre
théorique dans lequel se situe mon travail, celui de KLV, ainsi que les caractéristiques de
l'arabe marocain (AM) en général: ses systèmes syllabique et vocalique. Le deuxième chapitre
est consacré à l'analyse proprement dite des formes diminutives en PM. Dans un premier
temps, j'explique la dérivation des diminutifs à partir de radicaux trilitères. D'abord des
trilitères aux trois segments consonantiques dits "salim"; ensuite des radicaux à semi-
consonne en position médiane dits "". A ce propos, je présente deux hypothèses
concurrentes pour expliquer l'absence de  de ce dernier type de radicaux ainsi qu'une
explication au dédoublement de  dans les formes diminutives dérivées de ce radical.
Dans le deuxième chapitre, je discute également la dérivation du diminutif à partir de radicaux
quadrilitères.

d. Si mon travail ne propose pas de résultats assez solides et difficilement irréfutables, il


m'aura permis au moins de prendre conscience des problèmes qu'une classe morphologique
comme celle des diminutifs peut poser, et de raisonner dans le cadre d'un modèle théorique
précis pour essayer d'expliquer et de résoudre les difficultés au cours d'une approche
phonologique.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

1.1. Cadre théorique


L'analyse proposée ici pour le diminutif en PM s'inscrit dans le cadre de la Théorie du
Gouvernement et du Charme élaborée par KLV. Ce modèle adopte comme objectif de
proposer une nouvelle version des représentations phonologiques "qui soit intégrée à un cadre
paramétrique" [1]. Le composant phonologique d'une théorie linguistique n'est plus un
système de règles mais un certain nombre de principes universels et de valeurs paramétriques
propres à chaque langue: seule l'interaction entre les deux permet d'expliquer les phénomènes
phonologiques observables dans les langues humaines.
Deux raisons justifient ce choix:
i. le modèle KLV pose comme hypothèse l'existence d'une PU et il est toujours intéressant de
travailler avec des modèles ambitieux surtout lorsque l'on vise à rendre compte de la Faculté
de Langage;
ii. le traitement des différents phénomènes phonologiques dans ce cadre se caractérise pas sa
simplicité et son élégance. Mon travail sur le diminutif en PM aura parmi ses objectifs de
souligner ces deux qualifications.
Dans KLV (1987), les constituants syllabiques proposés sont l'Attaque, le Noyau et la Rime.

a. Chacun des constituants syllabiques forme un domaine de gouvernement. Cette relation est
caractérisée comme étant (i) strictement locale: elle implique deux positions squelettales
adjacentes, et (ii) strictement directionnelle: sa directionnalité (tête initiale) est universelle et
n'est l'objet d'aucune variation paramétrique. Deux principes découlent de ces caractéristiques:

(1) Principe 1
Tous les constituants syllabiques sont maximalement binaires
(2) Principe 2
Les positions de gauche gouvernent celles de droite à l'intérieur d'un constituant

Parallèlement, les segments associés aux positions de gauche gouvernent ceux de droite.
Ainsi, deux classes de segments sont distinguées: les segments gouverneurs et les segments
gouvernés. Cette distinction est fondée sur la notion de Charme. Les segments charmés
positivement ou négativement gouvernent alors que les segments neutres ou sans charme sont
gouvernés.

b. Ce type de considération caractérise les relations de gouvernement à l'intérieur des


constituants syllabiques. Mais, comme le note Kaye (1987:136), "the word is not merely a
sequence of syllables". Celles-ci, ou plus exactement les séquences Attaques-Rimes, sont
hiérarchiquement organiées. Cette hiérarchie définit un autre type de gouvernement: le
gouvernement inter-constituant.
Comme pour les constituants syllabiques, le gouvernement inter-constituant est lui aussi
strictement local et strictement directionnel, sauf que pour la directionnalité, il est tête-finale,
i.e. de droite à gauche. Il existe deux domaines de gouvernement inter-constituant: le premier
implique des positions nucléaires et le second des positions non-nucléaires. Les
représentations de ces deux domaines (empruntées à Kaye 1987) sont données respectivement
en (3a) et (3b) (avec A = Attaque, N = Noyau et R = Rime):

[1] Traduction de KLV 1988.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

(3) a. R

N A

X x x domaine de gouvernement

b. N A N

x x domaine de gouvernement

c. Ces types de gouvernement, le gouvernement qui opère à l'intérieur d'un constituant


syllabique et le gouvernement inter-constituant, obéissent à des principes universels en
interaction avec les représentations phonologiques:

(4) Principe de projection


Les relations de gouvernement établies au niveau de la représentation lexicale
sont maintenues à tous les niveaux de représentation

(5) Principe de la catégorie vide


Les positions vides sont sujettes à une forme spéciale de gouvernement (elles
doivent être proprement gouvernées [2])

(4) impose de sévères contraintes sur la relation entre représentation lexicale et représentation
phonétique (il assure en quelque sorte la préservation de structure au sens de Emonds). Alors
que (5) ajoute une contrainte supplémentaire aux relations de gouvernement présentées ci-
dessus et permet également la prédiction de la réalisation ou non de la voyelle brève  [3].
Pour plus de détails concernant la Théorie du Gouvernement et du Charme, ainsi que son
application à l'AM, je renvoie à KLV (1987, 1988), Kaye, Echchadli & El Ayachi (KEE)
(1987) entre autres.

1.2. AM: caractéristiques


1.2.1. Le parler marrakchi, qui se distingue des autres parlers de l'AM par certaines
caractéristiques [4], fait un usage quasi abusif des formes diminutives. Ces formes sont
dérivées selon des mécanismes que je crois être identiques pour toutes les formes nominales,
qu'elles soient trilitères ou quadrilitères. Bien entendu, comme on le verra plus loin, ces
mécanismes sont flexibles en fonction des schèmes, des principes de PU et des paramètres qui
caractérisent les structures syllabiques de l'AM.

[2] Le gouvernement propre définit la relation entre une position gouverneur a et une autre vide gouvernée b
dans un domaine D. Cette relation obéit aux contraintes suivantes:
i. a gouverne b
ii. a a un contenu lexical et b est une position vide
iii. le domaine D du gouvernement propre ne contient pas un autre domaine de gouvernement (emprunté à
Nikiema 1989).
[3] Voir le principe formulé en (11).
[4] Notamment la réduction vocalique, ce qui a conduit certains chercheurs à admettre, pour le PM, la possibilité
de séquences de trois consonnes comme dans  "j'écris".

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

Tout d'abord, je pose que les schèmes des nominaux trilitères et quadrilitères en AM, et ce en
accord avec les postulats du modèle KLV [5], se présentent respectivement comme en (6) et
(7):
(6) Schème nominal trilitère

N N

x x x x x

(7) Schème nominal quadrilitère [6]

N N

x x x x x x

1.2.2. Structure syllabique de l'AM


La dérivation des formes phonétiques à partir du radical et des schèmes proposés se fait selon
les paramètres suivants [7]:
i. l'association autosegmentale des segments du radical aux positions du
squelette se fait de gauche à droite
ii. la construction des structures syllabiques conformes aux contraintes de l'AM
se fait de droite à gauche.
Concernant ce dernier point, l'AM se caractérise par:

a. système syllabique: l'AM permet un branchement des rimes et des noyaux et exclut celui
des attaques. Pour brancher dans une syllabe, la rime et le noyau doivent obéir au paramètre
suivant:

(8) Si N branche alors R ne branche pas

Ainsi, la structure syllabique de l'AM peut être représentée comme en (9):

(9) R

A N

x x (x) (x)
1 2
si 1 alors non 2

[5] A la différence du schème de McCarthy qui contient des C et V et de celui de Angoujard qui est représenté
par une succession de positions "interprétées comme une suite de creux (x) et de sommets (X)" (Angoujard
1988:99), le schème de KLV contient le constituant syllabique Noyau et les points terminaux du schème sont des
positions sans contenu phonologique.
Dans ce cadre, "les propriétés consonantiques ou vocaliques sont une conséquence de leur position syllabique"
(KLV 1988:66).
[6] Ce schème est inspiré, en ce qui concerne le nombre de positions, de celui de Angoujard (1988) pour les
quadrilitères en Tigrinia.
[7] La formulation de ces paramètres ainsi que la procédure de dérivation sont inspirées de KEE.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

b. système vocalique: l'AM a un système de quatre voyelle .


i. les voyelles pleines  sont phonologiquement longues [8]: elles sont associées à deux
positions squelettales et n'apparaissent pas en syllabe fermée:

(10) a. R b. R c. R

N N N

x x x x x x

  

ii. la voyelle  est associée à un noyau simple et n'apparaît pas en fin de syllabe. Elle est
dérivable directement, dans le cadre du gouvernement inter-constituant, selon le principe
suivant:

(11) Un noyau simple non proprement gouverné se réalise phonétiquement 

Ainsi, une forme nominale comme  "chameau" sera dérivée comme en (12):

(12) a. structure syllabique N N

squelette x x x x x

mélodie 

b. association des consonnes N N

x x x x x

  

c. mise en syllabe: dernière R


syllabe
N A N

x x x x x

  

[8] Il ne s'agit bien évidemment pas d'une longueur "phonétique" mais au niveau de la représentation lexicale.
Cette hypothèse, ainsi que celle qui considère la voyelle  comme une voyelle brève, permet d'expliquer, selon
KEE, "le rapport entre la gémination et la qualité vocalique" (p. 65) dans des formes comme  "chat" et 
"porte. Ces deux hypothèses se justifient par la suite, au cours de l'analyse des formes diminutives.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

d. mise en syllabe: première * R R


syllabe
N A N

x x x x x

  

La dernière syllabe (12c) respecte les contraintes propres à l'AM alors que la première (12d)
n'est pas une syllabe possible en AM: un noyau simple n'apparaît pas en fin de syllabe.
Au bout de la mise en syllabe, on se trouve en présence de deux segments consonantiques à
l'initiale de la forme nominale . Comment syllabifier des segments sachant que l'AM ne
permet pas de branchement d'attaques?
Pour résoudre ce genre de problèmes, Charrette (1983) a postulé pour certains systèmes
syllabiques, l'existence d'un constituant extra-syllabique au début et/ou à la fin d'un mot:
l'Appendice [9].
Ainsi, la dérivation en (12) sera poursuivie comme suit:

(13) a. structure finale R

App. A N

x x x x x

  

b. forme phonétique dérivée: 

1.2.3. Les faits


Voici maintenant quelques faits à propos du diminutif en PM présentés sous forme de listes
suivies de quelques remarques et de la représentation du morphème du diminutif (le signe [ ]
représente l'emphase) .

(14) Liste 1: nominal trilitère à CCC et diminutif

a.   "chameau"


  "fou"
  "brun"
  "cheveux"
  "lion"
  "mulet"

[9] Je pense que le constituant Appendice pose plus de problème qu'il ne permet d'en résoudre. En effet,
comment le définir en termes de gouvernement? Un autre problème de représentation sera posé par ce
constituant au cours de l'analyse de formes comme .

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

a'.   "serpent"


  "froid"
  "monnaie"
  "oiseau"
  "fil électrique"
  "sceau"

b. Nom fém. Diminutif


  "beurre"
  "femelle du singe"
  "filet"
  "foie"
  "chatte"

Avant d'essayer d'expliquer la dérivation des formes diminutives présentées ci-dessus dans le
cadre du gouvernement et du charme, je commencerai par ces remarques préliminaires
concernant la liste 1.

i. La forme du diminutif est régulière pour le nominal en (14a-a'): CCiyC bien que le
placement de la voyelle brève  soit différent dans les deux paradigmes du nominal:
CCC/CCC [10]. La régularité constatée de la forme diminutive m'incite à poser un seul
schème pour (14a-a'), en ayant l'intuition que la dérivation des formes nominales de types
CCC peut trouver une explication satisfaisante en termes de gouvernement et de charme.

ii. Le schème du diminutif dans les formes (14b) est réduit à CCC. Cette réduction est la
conséquence naturelle de la présence du morphème du féminin + dans les formes nominales.

1.2.4. Le morphème du diminutif


Il découle de la considération des faits présentés en (14) que le morphème du diminutif se
réalise tantôt ++ tantôt ++ selon le genre du nominal, et qu'il est enchâssé entre le
deuxième segment du radical et le dernier noyau, ou plutôt entre la troisième et la quatrième
positions du schème trilitère. Se pose alors le problème de la représentation de ce morphème.
Deux hypothèses se présentent:

[10] La dérivation des formes nominales de type CCC constitue un défi à la théorie KLV. Dans Kaye (1987),
Kaye défend le schème proposé par Echchadli (1986) pour des formes comme  "fille" ou  "chien":
N
|
x x x x
Toutefois, si ce schème permet de résoudre le problème de la dérivation d'une forme comme  dans le cadre
KLV (la dernière position gouverne la pénultième et les segments sont associés aux positions qui correspondent
à leur charme), si c'est le cas, ce schème pose problème à la dérivation du diminutif . Je laisse cette
question suspendue ici.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

(15) Hypothèse 1 (H1) [11] Hypothèse 2 (H2)

N N

+ x x x + + x x x +

 

H1 et H2 peuvent toutes les deux être justifiées et défendues:


H1: i. pour le masculin à CCC, le morphème reste intact
ii. pour le féminin, le  de la troisième position se perd:  Ø [12];
H2: i. pour le masculin, la position vide copie le segment  directement à gauche
ii. pour le féminin, la position vide n'a pas besoin de copier .
Pour la suite de mon travail, j'opterai pour H1 pour la raison suivant: les deux  du morphème
sont présents dans la majorité des représentations phonétiques des diminutifs trilitères et dans
toutes celles des quadrilitères. J'estime qu'il est plus simple et économique de perdre un
segment dans un seul cas, celui du féminin, plutôt que d'être obligé de copier le segment à
côté dans l'écrasante majorité des cas sinon toutes (les quadrilitères).
Ainsi, le schème du diminutif correspondant aux radicaux trilitères peut être représenté
comme suit:

(16) Schème du diminutif trilitère

N N N

x x x + x x x + x x

(17) Liste 2: nominal trilitère à CVC et diminutif

a.   "bûchette"


  "verre"
  "oiseau"

a'.   "planche"


  "marmite"
  "Aïcha"

[11] L'association de  aux trois positions permet d'éviter la violation du Principe du Contour Obligatoire (PCO)
qui interdit l'adjacence d'éléments identiques sur une même ligne de représentation.
[12] Cet effacement n'est le résultat d'aucune règle phonologique. Il est la conséquence naturelle des principes de
PU et des paramètres de l'AM (voir deuxième chapitre).

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

b.   "souris"


  "chambre"
  "couteau"

b'.   "fève"


  "ampoule"
  "table"

Parallèlement à la liste 1 en (14), la forme du diminutif de la liste 2 varie selon que le nominal
est masculin ou féminin: ++/Ø. En revanche, ce qui caractérise les formes de (17) est:
i. la présence d'une semi-consonne en deuxième position du radical
ii. l'indifférence de la forme du diminutif à la nature de ce segment 
iii. le comportement de formes avec  en première position du radical. Ces trois segments
apparemment incompatibles avec un  juxtaposé qui n'est, je le rappelle, qu'un  non dominé
par N.
Il s'agit de proposer une explication à ces phénomènes, essentiellement la présence de  et le
dédoublement des segments  dans les formes de (17) [13].

(18) Liste 3: nominal quadrilitère et diminutif

a.   "fenêtre"


  "brasero"
  "pince à cheveux"

b.   "portefeuille"


  "mendiant"
  "pantalon"
  "assiette"
  "robinet"

Pour les nominaux quadrilitères, on remarque que la forme diminutive correspondante est
invariable, elle est toujours de type CCCC. Apparemment, cette forme confirme mon
hypothèse H1 concernant le morphème du diminutif représenté en (15). Je discuterai cette
question plus loin.

[13] Je parle de dédoublement parce qu'une géminée en position d'attaque n'existe pas en AM. Voir aussi le
problème de représentation que pose ce phénomène p.26.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

2. Le diminutif en PM
Il s'agit maintenant de rendre compte et d'expliquer la dérivation des formes diminutives en
termes de gouvernement et de charme. Je signale encore une fois que les résultats ne seront
pas définitifs mais très probables. En effet, face à la complexité des données, je me
contenterai de présenter des hypothèses qui me paraissent défendables bien qu'elles soient
concurrentes, en espérant pouvoir étudier plus en détail, dans un travail ultérieur, le
comportement phonologique des formes en question.

2.1. Radical à CCC


Considérons les faits présentés en (14) et repris partiellement en (19):

(19) Nominal Diminutif

a.  
 
 

a'  


 
 

b.  
 
 

La dérivation des formes diminutives en (19) se fait de façon naturelle à partir des principes
universels proposés par le modèle KLV, du schème approprié et des paramètres propres à
l'AM. Je rappelle le schème du trilitère incorporant le morphème du diminutif:

(20) N N N

x x x + x x x + x x


Une forme comme  sera dérivée comme en (21):

(21) a. Structure syllabique N N N

Squelette x x x + x x x + x x


Radical 

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

b. Association du radical N N N

x x x + x x x + x x

   

c. Mise en syllabe: dernière R


syllabe
N N A N

x x x + x x x + x x

    

d. Mise en syllabe: syllabe R R


pénultième
N A N A N

x x x + x x x + x x

    

e. Mise en syllabe: première * R R R


syllabe
N A N A N

x x x + x x x + x x

    

f. Structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x

    

g. Forme phonétique finale: 

En (21a), nous avons le schème du diminutif avec la mélodie consonantique. Le segment  est
incorporé au schème parce qu'il est invariable pour cette classe de diminutifs, à la différence
des segments du radical qui sont variables et occupent, par conséquent, une autre couche de la
représentation phonologique. Ces segments sont associés aux positions du squelette qui leur
sont destinées comme en (21b), à savoir les positions qui ne sont pas dominées par des N.

12
Le diminutif dans le parler de Marrakech

En (21c), commence la syllabification de droite à gauche. Les trois dernières positions


constituent une syllabe bien formée en AM. Le noyau se réalise phonétiquement  selon le
principe formulé en (11) puisqu'il n'est pas proprement gouverné, alors que le segment  se
réalise  étant associé à une position dominée par le nœud attaque.
La syllabe pénultième en (21d) est constituée d'une attaque et d'un noyau branchant. Cette
structure est tout à fait permise en AM.
Quant aux deux premières positions du schème, elles ne peuvent former une syllabe possible
en AM. En effet, selon les paramètres de la structure syllabique de l'AM, un noyau simple
n'apparaît pas en fin de syllabe. Ainsi, la première position à laquelle est associé le segment 
est interprétée comme un appendice étant donné que l'AM permet ce constituant au début et à
la fin d'un mot.
Cette procédure de dérivation est aussi valable pour les formes de (19a') bien que nous ayons
une distribution autre de la voyelle brève  au niveau de la forme nominale. Je pense que cette
question ne concerne pas directement la dérivation de la forme diminutive tant que celle-ci est
identique pour les nominaux en (19a-a').
Considérons maintenant une forme de (19b) comme . Je rappelle que c'est une forme au
féminin et que le morphème qui marque le féminin est le segment final +.

(22) a. Schème et association des segments

N N N N

x x x + x x x + x x + x x

 b   

b. Mise en syllabe: dernière syllabe


R

N N N A N

x x x + x x x + x x + x x

 b   

c. Mise en syllabe: syllabe pénultième et désassociation de 


* R R

N N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 b    

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

d. Mise en syllabe: syllabe antépénultième


R * R R

N A N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 b    

e. Mise en syllabe: première syllabe


* R R * R R

N A N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 b    

f. structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 b   

g. Forme phonétique dérivée: 

A partir de (22a) où est représenté le schème du diminutif auquel sont associés les segments
du radical, la syllabification est entreprise.
En (22b), la dernière syllabe est construite. Elle est constituée du morphème du féminin +
comme noyau branchant et du dernier segment du radical qui est associé à une position
interprétée comme attaque. Cette structure respecte les contraintes et paramètres caractérisant
la structure syllabique en AM.
Avec (22c), la syllabification de l'avant-dernier noyau et de la position directement à gauche
échoue. En effet, une rime dominant un noyau simple n'est pas permise en AM. De ce fait:
i. le noyau en question ne peut se réaliser phonétiquement
ii. le  s'efface étant associé à une position n'ayant aucune "identité syllabique" ou, plus
proprement, n'étant pas étiquetée. C'est la seule possibilité qui s'offre puisque ce segment ne
peut ni être un appendice: il n'est ni au début ni à la fin du mot, ni être une consonne rimale de
la syllabe à gauche à cause du noyau branchant.
En (22d), la construction de la syllabe antépénultième ne pose aucun problème: une attaque
simple et un noyau branchant. Alors que celle de la première syllabe en (22e) échoue pour la
raison maintenant familière de l'exclusion d'une syllabe ouverte avec un noyau simple. Par
conséquent, le premier segment  ne peut qu'être interprété comme appendice en (22f).

14
Le diminutif dans le parler de Marrakech

Ainsi, la dérivation des formes diminutives de (19a-b) se fait, dans le cadre KLV, de façon
naturelle, simple et élégante à partir d'une série très limitée de principes universels et des
paramètres régissant les structures syllabiques en AM.

2.2. Radical à CVC [14]


Toutefois, les choses se compliquent (et de ce fait présentent plus d'intérêt) avec les faits
présentés en (17) et repris en (23) [15]:

(23) a.   "bûchette"


  "verre"
  "oiseau"

a'.   "planche"


  "marmite"
  "Aïcha"

b.   "souris"


  "chambre"
  "couteau"

b'.   "fève"


  "ampoule"
  "table"

Les faits présentés ci-dessus sont complexes d'un double point de vue:
i. une même forme de diminutif pour des nominaux ayant des semi-consonnes différentes
(23a-a')
ii. une autre forme de diminutif pour des nominaux commençant par  ou .
Face à cette complexité, deux hypothèses me semblent concurrentes pour expliquer la
dérivation des formes diminutives de (23). Je discuterai leurs chances d'adéquation sans
trancher pour l'une ou pour l'autre.

2.2.1. Hypothèse 1
L'explication proposée ici est en quelque sorte fragmentaire. Elle procède par le compte rendu
de la dérivation de chaque type de forme diminutive correspondant à chacune des classes
nominales résumées en (24):

[14] Je représente les semi-consonnes  du radical par V.


[15] Je n'aborderai pas ici la question de la labiovélarisation des segments , elle ne concerne pas
directement, je pense, le sujet de mon travail. Cependant, je crois qu'il est aisé de l'expliquer dans le cadre KLV
(voir note 20).

15
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(24) a. A
C b. U C ()
c. I


d.  V C ()

a. Considérons une forme représentative de la classe CUC comme . Le diminutif


correspondant  est dérivé, dans le cadre de cette première hypothèse, comme suit:

(25) a. Schème et association N N N


des segments du radical
x x x + x x x + x x

 u  

b. Mise en syllabe: dernière R


syllabe
N N A N

x x x + x x x + x x

    

c. Mise en syllabe: syllabe R R


pénultième
N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

d. Mise en syllabe: première * R R R


syllabe
A N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

16
Le diminutif dans le parler de Marrakech

e. Structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

f. Forme phonétique dérivée: 

La forme diminutive  est ainsi dérivée grâce aux principes et paramètres déjà mis en
œuvre dans les dérivations précédentes.

b. Toutefois, la dérivation d'une forme de la classe CAC de (24) comme  nécessite le
recours à certains ajustements de la structure syllabique. Dans le cadre de cette première
hypothèse, je propose la dérivation de  à partir du radical .

(26) a. Schème et association N N N


des segments du radical
x x x + x x x + x x

 a  

b. Mise en syllabe: dernière R


syllabe
N N A N

x x x + x x x + x x

    

c. Mise en syllabe: syllabe R R


pénultième et désassociation
de  N A N A N

x x x + x x x + x x

    

Je suspends à cet endroit la dérivation ci-dessus pour expliquer la représentation de l'attaque


de la syllabe pénultième reprise en (27):

17
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(27) R

A N A

x + x x x +

  

Deux raisons me semblent pouvoir expliquer la désassociation et la perte de  de la position


d'attaque:
i.  a un charme positif, et les segments qui peuvent être associés à la position A doivent être
de charme négatif.  n'est donc pas prédestiné à occuper cette position à la différence de  et 
qui ont des correspondants en charme négatif:  et .
ii.  est une voyelle pleine, et les voyelles pleines en AM sont phonologiquement longues et
doivent être associées à un noyau branchant. Or, dans le cas de (27),  ne peut s'associer à
deux positions car on aurait dans ce cas-là soit une attaque branchante (28a), ce qui exclu en
AM, soit deux noyaux juxtaposés (28b), chose exclue par le PCO:

(28) a. * N A N A * N A N A

x x + x x x x x + x x x

     

Avec la désassociation de  de la position d'attaque, il reste deux solutions:  ou , segments


pouvant occuper la dite position. Or, on sait que c'est la deuxième possibilité qui est permise:
.
En effet, le segment  donnerait lieu à une représentation comme (29):

(29) (?) N N A

x x + x x x

i  

Une telle représentation a toutes les chances d'être exclue par le PCO [16].

[16] Au cours des dérivations des formes diminutives, on trouve des représentations de type:
N A
/\ |
x x x
\/ |

On se demandera sûrement pourquoi cette représentation est permise par le PCO alors que celle de (29) ne l'est
pas? Je pense que les deux représentations ne sont pas de même nature ou de même niveau, et c'est ce qui
pourrait expliquer la permission dans un cas et l'exclusion dans l'autre. En effet, le représentation en (29) est une
représentation lexicale tandis que celle ci-dessus est déjà une représentation phonétique.

18
Le diminutif dans le parler de Marrakech

Ainsi, la dérivation entamée en (26) peut être poursuivie en (30):

(30) a. Syllabe pénultième: R R


désassociation de 
N A N A N

x x x + x x x + x x

    

b. Association de  R R

N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

c. Mise en syllabe: première * R R R


syllabe
A N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

d. Structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

f. Forme phonétique dérivée: 

La question qu'on peut se poser est: pourquoi le choix se limite-t-il uniquement aux segments
? La raison en est que  constituent une classe naturelle de segments par opposition aux
consonnes, et la voyelle brève  est exclue car elle doit être dominée par un N simple dans une
R branchante.

c. Considérons maintenant une forme représentative de la classe CIC de (24) comme . Le
diminutif correspondant  est dérivé comme suit:

19
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(31) a. Schème et association N N N


des segments du radical
x x x + x x x + x x

 i  

b. Mise en syllabe: dernière R


syllabe
N N A N

x x x + x x x + x x

    

c. Mise en syllabe: syllabe R R


pénultième
N A N A N

x x x + x x x + x x

    

d. Désassociation de  R R

N A N A N

x x x + x x x + x x

    

e. Association de  R R

N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

f. Mise en syllabe: première * R R R


syllabe
A N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

20
Le diminutif dans le parler de Marrakech

g. Structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

f. Forme phonétique dérivée: 

Pour les raisons citées ci-dessus à propos de la dérivation de , on ne peut avoir ni  ni 
comme attaque de la syllabe pénultième. La seule alternative reste , ce qui est conforme aux
faits: .
Quant à la dérivation du féminin correspondant à ces trois classes, elle ne pose aucun
problème à partir du moment où le raisonnement mené ci-dessus s'avère convaincant. En
effet, considérons une forme comme , diminutif correspondant au nominal :

(32) a. Schème et association des segments

N N N N

x x x + x x x + x x + x x

 a   

b. Mise en syllabe: dernière syllabe R

N N N A N

x x x + x x x + x x + x x

 a   

c. Mise en syllabe: syllabe pénultième et désassociation de 


* R R

N N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 a    

d. Mise en syllabe: syllabe antépénultième et désassociation de 

21
Le diminutif dans le parler de Marrakech

R * R R

N A N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 a    

e. Association de  R * R R

N A N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 u    

f. Mise en syllabe: première syllabe


* R R * R R

N A N A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 u    

g. structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x + x x

 u   

g. Forme phonétique dérivée: 

En (32b), la dernière syllabe est bien construite: une R simple dominant un N branchant , et
une A simple . Ce segment est interprété phonétiquement  étant associé à une position non-
nucléaire. La construction de la syllabe pénultième (32c) est bloquée car l'AM exclut toute
configuration de type C. La conséquence en est que le N de cette syllabe ne se réalise pas et
l'attaque perd son contenu segmental .
En termes de gouvernement, la non-réalisation du noyau s'explique par le fait qu'il est
proprement gouverné par le noyau à sa droite : il existe déjà une relation de gouvernement
entre le premier N et , ce dernier N a un contenu lexical alors que le premier n'en a pas et il
n'y a pas d'autre domaine de gouvernement qui puisse bloquer cette relation de gouvernement
propre (voir (11)).

22
Le diminutif dans le parler de Marrakech

Quant à la syllabe antépénultième (32d), elle est bien formée: CV. En plus des raisons déjà
citées à propos de (27), la désassociation de  peut s'expliquer par l'incompatibilité du charme
de ce segment (charme positif) et le charme des segments destinés à occuper la position
d'attaque (charme négatif).
Le même sort que celui de la syllabe pénultième est réservé à la première syllabe (32f) sauf
que le contenu segmental de l'attaque de celle-ci ne se perd pas et est interprété comme
appendice. En fait, la perte de l'étiquette et du contenu segmental de l'attaque de la syllabe
pénultième peut s'expliquer par le fait que, en cette position du schème, on ne peut avoir ni
attaque ni position rimale, les seules possibilités qui existent. Alors que le segment  de la
première syllabe, s'il ne peut constituer une attaque, peut très bien être étiqueté autrement,
comme appendice, d'où son maintien. Et d'où la forme grammaticale .

d. Considérons à présent la classe de diminutifs à initiale  ou  présentée en (24).


Concrètement, il s'agit d'expliquer deux phénomènes phonologiques à savoir l'absence de  et
le dédoublement du premier segment dans ces formes. Je pense que le premier phénomène
conditionne le second.
L'explication que je propose fait référence à la Théorie des Eléments élaborées par KLV dans
le cadre de leur modèle. En effet, dans ce cadre théorique, les constituants ultimes ne sont pas
les traits phonologiques, "qui ne sauraient être accessibles directement ni manipulés de
quelque façon que ce soit à l'intérieur de [cette] approche" (KLV 1988:110), mais plutôt les
Eléments qui sont universels. Ceux-ci sont des matrices de traits entièrement spécifiées et
interprétables phonétiquement. Les segments phonologiques sont soit des éléments soit des
combinaisons d'éléments.
Voici les représentations de [17]. Par simplicité, je représente ces trois derniers
segments en une seule figure qui respecte le PCO.

(33) Arrière / Arrondi U

Haut v

[17] La représentation de  m'a été suggérée par Angoujard.

23
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(34) Nasal N

Constrictif 

Arri / Arrondi U

Continu o

Voisé L-

x x x

  

On remarque que l'élément U est présent dans la composition des trois segment . Dans
Angoujard (1991), il est posé, à propos du Gueze, que "le partage d'un seul élément n'interdit
pas l'adjacence des segments" (p. 9). Si cet état de chose est valable pour le Gueze, je crois
qu'il ne l'est pas pour l'AM qui est plus contraignant et interdit cette adjacence. Cette
caractéristique peut être exprimée par le paramètre suivant:

(35) L'adjacence de segments partageant un élément et associés à des positions


squelettales non-nucléaires est interdite en AM [18]

Tentons maintenant la dérivation d'une forme diminutive correspondant à :

(36) a. Schème, association des segments R


et mise en syllabe: dernière syllabe
N N A N

x x x + x x x + x x

    

b. Mise en syllabe: syllabe pénultième R R


et désassociation de 
N A N A N

x x x + x x x + x x

    

[18] La précision de la nature de l'étiquette est cruciale. L'adjacence de deux segments partageant un élément
mais associés l'un à une position nucléaire et l'autre à une position non-nucléaire est tout à fait permise, exemple
les formes nominales de (16b-b'). L'interdiction d'adjacence concerne aussi des séquences de type
 ou . (Des mots comme + "avec rien" + "dans une porte" + "cuit à la
vapeur"… sont grammaticaux mais il s'agit en fait à chaque fois de deux morphèmes).

24
Le diminutif dans le parler de Marrakech

c. Association de  R R

N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

d. Mise en syllabe: première * R R R


syllabe
A N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

e. Structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

f. Forme phonétique dérivée: * 

Avec l'échec de la construction de la première syllabe en (36d), on se trouve en présence de


deux segments adjacents  et  [19].
Selon le paramètre présenté en (35), la structure finale en (36e) doit être ajustée de façon à ce
que la forme phonétique dérivée soit  et non *, i.e. exclure une représentation
comme:

[19] Je pense que la position squelettale intermédiaire n'interdit pas de parler d'adjacence des segments  et .
Dans le cadre KLV, les positions vides et sans étiquette ne sont pas perdues. Je pense qu'elles sont maintenues
pour assurer la préservation des relations de gouvernement à l'intérieur des structures syllabiques (voir le
Principe de Projection en (4)).

25
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(37) * Constrictif 

Arri / Arro U

Haut v

Continu o

x x

 

Etant donné que l'adjacence de  et  est interdite, comment expliquer le fait que c'est le
second segment qui est perdu et non le premier? Pour répondre à cette interrogation, je me
réfère à la théorie de la marque développée par KLV dans le cadre de la Théorie des Elément.
Ainsi, "plus le nombre d'éléments qui composent un segment est grand, plus grand est son
degré de marque" (KLV 1988:118).
Si l'on considère les représentations de  et , on remarque que  est plus marqué que  étant
composé de trois éléments alors que  n'en compte que deux. Je pense que cette explication
est suffisante pour justifier la perte de  plutôt que . Je propose de formuler ce phénomène
comme suit:

(38) En cas d'adjacence de deux segments non-nucléaires partageant un élément, le


segment le moins marqué se perd [20]

Il découle de la désassociation de  que le segment le plus marqué, en l'occurrence , récupère


la position vide à sa droite comme représenté en (39):

(39) Constrictif 

Arri / Arro U

Continu o

x x

 

Ainsi ajustée, la structure syllabique présentée en (36) donnera lieu à  et non plus à
*. Se pose alors un problème crucial défiant le modèle KLV: comment représenter le
segment double ?

[20] En fait, les choses sont plus compliquées que ne le laisse croire la simplicité de formulation de (38). Le
segment  ne se perd pas définitivement puisqu'on le retrouve au niveau de la labiovélarisation des segments
.

26
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(44) a. * A b. (?) App. A

x x x x x x

  

Ni (40a) ni (40b) ne résolvent le problème. En effet, (40a) est déjà exclu étant donné que
l'AM ne permet pas de branchement d'attaques, alors que (40b) viole le PCO. Je laisse cette
question suspendue ici en gardant l'espoir d'y répondre ultérieurement dans un autre travail.
La dérivation du diminutif dans le cadre de cette première hypothèse pour les trilitères à semi-
consonne en position médiane aboutit aux formes avec , en présentant des arguments pour
expliquer la désassociation de  et . Ce qui a été dit à propos des formes avec  à l'initiale et
de l'incompatibilité de ce segment avec  est aussi valable pour les formes avec  ou  à
l'initiale comme  ou . Quant aux féminins, leur dérivation est identique à
celle des diminutifs des trilitères à CCC, sauf qu'elle respecte la contrainte de l'adjacence de
segments partageant un élément en (35).

2.2.2. Hypothèse 2
A la différence de la première, de caractère analytique, cette deuxième hypothèse se veut
synthétique. Je rappelle que les faits analysés ici et auxquels il s'agit de trouver une
explication sont la présence de  , la perte des semi-consonnes du radical et le dédoublement
de  dans les formes diminutives dérivées de radicaux de type CVC. L'hypothèse 2 se
limitera aux deux premiers phénomènes et n'abordera pas le dernier car l'explication qui en est
donnée me semble suffisamment convaincante et dépasse le cadre de ces deux hypothèse.
Dans le cadre de cette deuxième proposition, je pose que le schème du diminutif incorpore le
segment  à la troisième position comme présenté en (41):

(41) N N N

x x x + x x x + x x

 

Le problème qui se pose alors est le suivant: le nombre de segments du radical ne correspond
plus à celui des positions libres du schème, et une association autosegmentale de gauche à
droite d'un radical comme  donnerait lieu à une représentation de type (42):

(42) N N N

x x x + x x x + x x

    

27
Le diminutif dans le parler de Marrakech

Il faut donc une contrainte qui exclut toute semi-consonne du radical des formes diminutives.
Plus loin, on verra que cette contrainte est aussi valable pour les quadrilitères. Je propose de
formuler cette contrainte comme suit:

(43) Le PM exclut les semi-consonnes du radical dans les formes diminutives

Cette contrainte est justifiée par l'absence régulière des segments en question dans toute forme
diminutive, trilitère ou quadrilitère. Elle ne concerne pas les segments  et  du schème car ils
sont déjà incorporés au schème et ne constituent pas des segments du radical. Ils échappent
donc à la contrainte (43).
Considérons maintenant la dérivation d'une forme comme  (cette dérivation est aussi
valable pour des formes de type CC comme  ou CC comme ):

(44) a. Schème et association N N N


des segments du radical
avec exclusion de  x x x + x x x + x x

 u  

b. Mise en syllabe: dernière R


syllabe
N N A N

x x x + x x x + x x

    

c. Mise en syllabe: syllabe R R


pénultième
N A N A N

x x x + x x x + x x

    

d. Mise en syllabe: première * R R R


syllabe
A N A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

28
Le diminutif dans le parler de Marrakech

g. Structure finale R R

App. A N A N

x x x + x x x + x x

 u   

f. Forme phonétique dérivée: 

L'avantage de cette deuxième hypothèse, comme on l'a remarqué à partir de la dérivation ci-
dessus, est qu'elle est plus économique que sa concurrente. Aucun recours à la désassociation
de  ou  n'est nécessaire. Toutefois, la question cruciale reste posée, à savoir comment
expliquer l'exclusion des semi-consonnes du radical dans les formes diminutives, formes qui
tolèrent très bien  et ?
Quant aux formes à  à l'initiale, ce qui en a été dit dans le cadre de la première
hypothèse est aussi valable ici. Le dédoublement des trois segments est conditionné par la
présence de  en troisième position du schème. Le deuxième hypothèse permet seulement
d'économiser quelques étapes de la dérivation, à savoir la désassociation des semi-consonnes
et l'association de  à leur position.

2.3.. Radical quadrilitère [21]


Considérons maintenant un autre type de formes présenté en (18) et repris en (45):

(45) Nominal Diminutif

a.  
 
 

b.  
 
 
 

Apparemment, la régularité des formes diminutives de (45a-b), à savoir CCCC, confirme


mon hypothèse concernant la représentation du morphème du diminutif en (15 H1). je
rappelle que, en (1.2.0.), j'ai posé que les processus de dérivation des diminutifs sont
identiques et qu'ils sont flexibles en fonction, entre autre, des schèmes proposés pour chaque
classe de radicaux.

[21] Tout au long de ce travail, j'ai parlé de radicaux quadrilitères. En fait, ce terme recouvre à la fois des
quadrilitères à CCCC et des quintilitères à CCCVC.

29
Le diminutif dans le parler de Marrakech

Je continue donc à penser que les  des formes diminutives sont incorporés au schème. Pour
les trilitères, le segment en question était associé à trois positions dont deux d'entre elles sont
dominées par N. cette représentation permet de prévoir les réalisations phonétiques de ce
morphème dans les formes diminutives: ++/++.
Les radicaux quadrilitères, quant à eux, provoquent une discontinuité du morphème du
diminutif. Le N de celui-ci s'intercale entre la troisième et la quatrième positions du schème
nominal, alors que sa troisième position à laquelle est associé , elle sera insérée directement à
gauche de la quatrième position du nominal.
Cette adaptation du morphème au schème nominal quadrilitère n'est pas suffisante. En effet,
elle donnerait lieu à une représentation de type (46):

(46) N N N

x x x x x x x x x

 

auquel cas, le dernier N sera interprété phonétiquement , n'étant pas proprement gouverné, et
le dernier  constituera une attaque. Cet état de chose n'est attesté dans aucune forme
diminutive de (45): aucun diminutif ne se termine par une séquence de la configuration -C.
Cette insuffisance dont je parlais impose un ajustement de la structure syllabique du schème
diminutif quadrilitère. Etant donné que dans toutes les formes diminutives de (45) le dernier
N se réalise toujours , je propose de représenter ce schème comme suit:

(47) Schème du diminutif quadrilitère

N N N

x x x x x x x x x

 

Reste à expliquer pourquoi le dernier N qui dominait une position vide dans le nominal
s'étend à la position à gauche ? Je pense qu'on ne peut avoir un branchement de ce N au cours
d'aucune dérivation et qu'il faut le postuler déjà au niveau du schème.
La régularité des formes diminutives en (45) confirme également mon autre hypothèse (43)
selon laquelle les semi-consonnes du radical sont exclues des formes diminutives.
Procédons maintenant à la dérivation d'une forme diminutive de (45) comme :

30
Le diminutif dans le parler de Marrakech

(48) a. Schème et association des segments

N N N

x x x x x x x x x

     

b. Mise en syllabe: dernière syllabe


R

N N A N

x x x x x x x x x

     

c. Mise en syllabe: syllabe pénultième

R R

N N A N

x x x x x x x x x

     

d. Mise en syllabe: première syllabe

* R R R

N A N A N

x x x x x x x x x

     

e. Structure finale
R R

App. A N A N App.

x x x x x x x x x

     

31
Le diminutif dans le parler de Marrakech

f. Forme phonétique dérivée: 

Après l'association des segments du radical aux positions non-nucléaires, la syllabification est
entamée à partir de (48b). Le dernier segment ne peut constituer une consonne rimale car cela
violerait le principe universel proposé par le modèle KLV et formulé en (1) selon lequel un
constituant syllabique est maximalement binaire. La dernière syllabe en (48b) est donc
construite sans ce segment. Celui-ci ne se perd pas car il est possible de le considérer comme
appendice, structure tout à fait permise en AM. Quant à la première syllabe en (48d), son N ne
se réalise pas phonétiquement car il est proprement gouverné par le N à sa droite, et le
segment  sera étiqueté comme appendice. Je rappelle que l'AM tolère des appendices à
l'initiale et à la finale de mot.
La dérivation des formes diminutives à partir d'un radical comptant une semi-consonne parmi
ses segments comme en (45b) sera obtenue selon le même schéma sauf que pour ce type de
formes, la contrainte formulée en (43) doit nécessairement intervenir.
Considérons une forme diminutive à partir du radical :

(49) a. Schème et association des segments sans 

N N N

x x x x x x x x x

     

b. Mise en syllabe: dernière syllabe


R

N N A N

x x x x x x x x x

     

c. Mise en syllabe: syllabe pénultième

R R

N N A N

x x x x x x x x x

     

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

d. Mise en syllabe: première syllabe

* R R R

N A N A N

x x x x x x x x x

     

e. Structure finale
R R

App. A N A N App.

x x x x x x x x x

     

f. Forme phonétique dérivée: 

33
Le diminutif dans le parler de Marrakech

3. Conclusion
Plutôt qu'une conclusion, ces dernières lignes ne peuvent être qu'un rappel de ce qui a marqué
ce travail. Mon projet était de rendre compte de la classe morphologique des diminutifs en
PM en termes de gouvernement et de charme. J'ai essayé de proposer des explications
satisfaisante et assez défendables à la dérivation des formes diminutives sans éviter de
signaler, chaque fois que l'occasion l'a imposé, les difficultés que ce type de formes pose au
traitement phonologique.
Ainsi, grâce à un nombre très limité de principes universels proposés par le modèle KLV, en
interaction avec les paramètres caractérisant les structures syllabiques de l'AM, j'ai tenté
d'expliquer la dérivation des formes diminutives à partir de radicaux trilitères et quadrilitères,
avec ou sans semi-consonnes.
Pour les radicaux à CCC, j'ai posé que le schème de leur diminutif incorpore le segment . Ce
segment est associé à deux positions dominées par N et à une position non-étiquetée. Cette
représentation m'a permis de prévoir les réalisations phonétiques ++ pour le masculin et ++
pour le féminin.
Le radical trilitère avec une semi-consonne en deuxième position a nécessité un traitement
supplémentaire. J'ai proposé deux hypothèses pour expliquer l'exclusion des semi-consonnes
du radical et la présence de  dans les formes diminutives. La première présente des
arguments pour la désassociation et la perte des segments en question au cours de la
dérivation et le choix de . Alors que la seconde postule ce segment déjà au niveau du schème
diminutif.
Je me suis référé à la Théorie des Eléments pour expliquer le dédoublement des labiales 
dans les diminutifs dérivés de radicaux CVC. J'ai proposé que ce dédoublement est
conditionné par la présence de  qui est incompatible avec les trois segments consonantiques.
L'analyse des quadrilitères m'a conduit à ajuster le morphème du diminutif et à le représenter
de manière discontinue. Cette représentation a été justifiée par la réalisation phonétique de
deux  dans les formes diminutives correspondantes à ce type de radicaux.
Les difficultés n'ont pas manqué au cours de cet effort. Et j'ai dû laisser certaines questions en
suspens. Notamment le problème de la représentation de segments dédoublés  ou la
raison de l'exclusion des semi-consonnes du radical, trilitère ou quadrilitère, dans les formes
diminutives.
Au delà des explications proposées ici, qui restent à affiner et à approfondir, j'ai l'espoir
d'avoir également démontré la simplicité et l'élégance de traitement qu'offre le modèle KLV.

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Le diminutif dans le parler de Marrakech

Références :
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Eléments, Communication à la XIème Conférence des Etudes Ethiopiennes, Addis-
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CHARRETTE M. (1983), The appendix in parametric phonology, ms., University McGill
DENIZEAU C. (1954), Le diminutif dans le dialecte arabe des Marazig (Nefzaoua), in
GLECS tome VII, Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne, Paris V
KAYE J. (1987), Government in phonolgy, the case of moroccan arabic, in The Inguistic
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KAYE J., M. ECHCHADLI & S. ELAYACHI (1987), Les formes verbales de l'arabe
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KAYE J., J. LOWENSTAMM & J.-R. VERGNAUD (1985), The internal structure of
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