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Fouad Elmdari
elmdari@libertysurf.fr
Nice 1991
1. Introduction
Le travail que je propose dans ces pages consiste à rendre compte d'une classe morphologique
très productive dans le parler de Marrakech désormais PM), la classe des diminutifs. Mon but,
à travers cet effort, est de proposer une ou des explications aux processus mis en œuvre dans
la dérivation de ces formes à partir de radicaux trilitères et quadrilitères.
a. Une approche se situant dans le cadre d'une phonologie linéaire comme celle de SPE
(Chomsky & Halle 1968), se heurterait inévitablement à des difficultés évidentes vu que le
parler en question fait partie des langues dites non-concaténatives. Tout appareil théorique se
basant sur un système de règles de la forme A B/X Y aurait du mal à traiter, avec
simplicité et élégance, un ensemble de données aussi complexe que celui des formes
diminutives en PM.
La voie qui s'est avérée fructueuse depuis quelques années est celle qui pose l'existence d'une
Phonologie Universelle (PU), valable pour toutes les langues humaines. Dans ce cadre, le
traitement des comportements phonologies recourt à un corps de principes universels et à des
valeurs paramétriques propres à chaque langue. Le travail que je propose s'inscrit dans ce
programme de recherche, et plus précisément celui élaboré par Kaye, Lowenstamm &
Vergnaud (désormais KLV) (1985) qui est la Théorie du Gouvernement et du Charme.
b. Mon objectif est donc double. D'une côté, mettre en œuvre le fonctionnement d'un modèle
comme celui de KLV et, d'un autre, présenter une contribution à la compréhension d'un
certain nombre de phénomènes relatifs à la dérivation des formes diminutives en PM.
Cependant, je préviens le lecteur que les résultats de cet effort ne sont pas définitifs et qu'on
ne peut les taxer ni de faux ni de vrais. Je pense tout simplement qu'ils sont très probables.
Cette incertitudes m'a conduit à présenter, pour expliquer des cas précis, des hypothèses me
semblant assez convaincantes mais concurrentes et à discuter leurs chances de probabilité
sans courir le risque de trancher pour l'une ou pour l'autre.
c. J'ai articulé mon travail de la façon suivante: dans le premier chapitre, j'expose le cadre
théorique dans lequel se situe mon travail, celui de KLV, ainsi que les caractéristiques de
l'arabe marocain (AM) en général: ses systèmes syllabique et vocalique. Le deuxième chapitre
est consacré à l'analyse proprement dite des formes diminutives en PM. Dans un premier
temps, j'explique la dérivation des diminutifs à partir de radicaux trilitères. D'abord des
trilitères aux trois segments consonantiques dits "salim"; ensuite des radicaux à semi-
consonne en position médiane dits "". A ce propos, je présente deux hypothèses
concurrentes pour expliquer l'absence de de ce dernier type de radicaux ainsi qu'une
explication au dédoublement de dans les formes diminutives dérivées de ce radical.
Dans le deuxième chapitre, je discute également la dérivation du diminutif à partir de radicaux
quadrilitères.
2
Le diminutif dans le parler de Marrakech
a. Chacun des constituants syllabiques forme un domaine de gouvernement. Cette relation est
caractérisée comme étant (i) strictement locale: elle implique deux positions squelettales
adjacentes, et (ii) strictement directionnelle: sa directionnalité (tête initiale) est universelle et
n'est l'objet d'aucune variation paramétrique. Deux principes découlent de ces caractéristiques:
(1) Principe 1
Tous les constituants syllabiques sont maximalement binaires
(2) Principe 2
Les positions de gauche gouvernent celles de droite à l'intérieur d'un constituant
Parallèlement, les segments associés aux positions de gauche gouvernent ceux de droite.
Ainsi, deux classes de segments sont distinguées: les segments gouverneurs et les segments
gouvernés. Cette distinction est fondée sur la notion de Charme. Les segments charmés
positivement ou négativement gouvernent alors que les segments neutres ou sans charme sont
gouvernés.
3
Le diminutif dans le parler de Marrakech
(3) a. R
N A
X x x domaine de gouvernement
b. N A N
x x domaine de gouvernement
(4) impose de sévères contraintes sur la relation entre représentation lexicale et représentation
phonétique (il assure en quelque sorte la préservation de structure au sens de Emonds). Alors
que (5) ajoute une contrainte supplémentaire aux relations de gouvernement présentées ci-
dessus et permet également la prédiction de la réalisation ou non de la voyelle brève [3].
Pour plus de détails concernant la Théorie du Gouvernement et du Charme, ainsi que son
application à l'AM, je renvoie à KLV (1987, 1988), Kaye, Echchadli & El Ayachi (KEE)
(1987) entre autres.
[2] Le gouvernement propre définit la relation entre une position gouverneur a et une autre vide gouvernée b
dans un domaine D. Cette relation obéit aux contraintes suivantes:
i. a gouverne b
ii. a a un contenu lexical et b est une position vide
iii. le domaine D du gouvernement propre ne contient pas un autre domaine de gouvernement (emprunté à
Nikiema 1989).
[3] Voir le principe formulé en (11).
[4] Notamment la réduction vocalique, ce qui a conduit certains chercheurs à admettre, pour le PM, la possibilité
de séquences de trois consonnes comme dans "j'écris".
4
Le diminutif dans le parler de Marrakech
Tout d'abord, je pose que les schèmes des nominaux trilitères et quadrilitères en AM, et ce en
accord avec les postulats du modèle KLV [5], se présentent respectivement comme en (6) et
(7):
(6) Schème nominal trilitère
N N
x x x x x
N N
x x x x x x
a. système syllabique: l'AM permet un branchement des rimes et des noyaux et exclut celui
des attaques. Pour brancher dans une syllabe, la rime et le noyau doivent obéir au paramètre
suivant:
(9) R
A N
x x (x) (x)
1 2
si 1 alors non 2
[5] A la différence du schème de McCarthy qui contient des C et V et de celui de Angoujard qui est représenté
par une succession de positions "interprétées comme une suite de creux (x) et de sommets (X)" (Angoujard
1988:99), le schème de KLV contient le constituant syllabique Noyau et les points terminaux du schème sont des
positions sans contenu phonologique.
Dans ce cadre, "les propriétés consonantiques ou vocaliques sont une conséquence de leur position syllabique"
(KLV 1988:66).
[6] Ce schème est inspiré, en ce qui concerne le nombre de positions, de celui de Angoujard (1988) pour les
quadrilitères en Tigrinia.
[7] La formulation de ces paramètres ainsi que la procédure de dérivation sont inspirées de KEE.
5
Le diminutif dans le parler de Marrakech
(10) a. R b. R c. R
N N N
x x x x x x
ii. la voyelle est associée à un noyau simple et n'apparaît pas en fin de syllabe. Elle est
dérivable directement, dans le cadre du gouvernement inter-constituant, selon le principe
suivant:
Ainsi, une forme nominale comme "chameau" sera dérivée comme en (12):
squelette x x x x x
mélodie
x x x x x
x x x x x
[8] Il ne s'agit bien évidemment pas d'une longueur "phonétique" mais au niveau de la représentation lexicale.
Cette hypothèse, ainsi que celle qui considère la voyelle comme une voyelle brève, permet d'expliquer, selon
KEE, "le rapport entre la gémination et la qualité vocalique" (p. 65) dans des formes comme "chat" et
"porte. Ces deux hypothèses se justifient par la suite, au cours de l'analyse des formes diminutives.
6
Le diminutif dans le parler de Marrakech
x x x x x
La dernière syllabe (12c) respecte les contraintes propres à l'AM alors que la première (12d)
n'est pas une syllabe possible en AM: un noyau simple n'apparaît pas en fin de syllabe.
Au bout de la mise en syllabe, on se trouve en présence de deux segments consonantiques à
l'initiale de la forme nominale . Comment syllabifier des segments sachant que l'AM ne
permet pas de branchement d'attaques?
Pour résoudre ce genre de problèmes, Charrette (1983) a postulé pour certains systèmes
syllabiques, l'existence d'un constituant extra-syllabique au début et/ou à la fin d'un mot:
l'Appendice [9].
Ainsi, la dérivation en (12) sera poursuivie comme suit:
App. A N
x x x x x
[9] Je pense que le constituant Appendice pose plus de problème qu'il ne permet d'en résoudre. En effet,
comment le définir en termes de gouvernement? Un autre problème de représentation sera posé par ce
constituant au cours de l'analyse de formes comme .
7
Le diminutif dans le parler de Marrakech
Avant d'essayer d'expliquer la dérivation des formes diminutives présentées ci-dessus dans le
cadre du gouvernement et du charme, je commencerai par ces remarques préliminaires
concernant la liste 1.
i. La forme du diminutif est régulière pour le nominal en (14a-a'): CCiyC bien que le
placement de la voyelle brève soit différent dans les deux paradigmes du nominal:
CCC/CCC [10]. La régularité constatée de la forme diminutive m'incite à poser un seul
schème pour (14a-a'), en ayant l'intuition que la dérivation des formes nominales de types
CCC peut trouver une explication satisfaisante en termes de gouvernement et de charme.
ii. Le schème du diminutif dans les formes (14b) est réduit à CCC. Cette réduction est la
conséquence naturelle de la présence du morphème du féminin + dans les formes nominales.
[10] La dérivation des formes nominales de type CCC constitue un défi à la théorie KLV. Dans Kaye (1987),
Kaye défend le schème proposé par Echchadli (1986) pour des formes comme "fille" ou "chien":
N
|
x x x x
Toutefois, si ce schème permet de résoudre le problème de la dérivation d'une forme comme dans le cadre
KLV (la dernière position gouverne la pénultième et les segments sont associés aux positions qui correspondent
à leur charme), si c'est le cas, ce schème pose problème à la dérivation du diminutif . Je laisse cette
question suspendue ici.
8
Le diminutif dans le parler de Marrakech
N N
+ x x x + + x x x +
N N N
x x x + x x x + x x
[11] L'association de aux trois positions permet d'éviter la violation du Principe du Contour Obligatoire (PCO)
qui interdit l'adjacence d'éléments identiques sur une même ligne de représentation.
[12] Cet effacement n'est le résultat d'aucune règle phonologique. Il est la conséquence naturelle des principes de
PU et des paramètres de l'AM (voir deuxième chapitre).
9
Le diminutif dans le parler de Marrakech
Parallèlement à la liste 1 en (14), la forme du diminutif de la liste 2 varie selon que le nominal
est masculin ou féminin: ++/Ø. En revanche, ce qui caractérise les formes de (17) est:
i. la présence d'une semi-consonne en deuxième position du radical
ii. l'indifférence de la forme du diminutif à la nature de ce segment
iii. le comportement de formes avec en première position du radical. Ces trois segments
apparemment incompatibles avec un juxtaposé qui n'est, je le rappelle, qu'un non dominé
par N.
Il s'agit de proposer une explication à ces phénomènes, essentiellement la présence de et le
dédoublement des segments dans les formes de (17) [13].
Pour les nominaux quadrilitères, on remarque que la forme diminutive correspondante est
invariable, elle est toujours de type CCCC. Apparemment, cette forme confirme mon
hypothèse H1 concernant le morphème du diminutif représenté en (15). Je discuterai cette
question plus loin.
[13] Je parle de dédoublement parce qu'une géminée en position d'attaque n'existe pas en AM. Voir aussi le
problème de représentation que pose ce phénomène p.26.
10
Le diminutif dans le parler de Marrakech
2. Le diminutif en PM
Il s'agit maintenant de rendre compte et d'expliquer la dérivation des formes diminutives en
termes de gouvernement et de charme. Je signale encore une fois que les résultats ne seront
pas définitifs mais très probables. En effet, face à la complexité des données, je me
contenterai de présenter des hypothèses qui me paraissent défendables bien qu'elles soient
concurrentes, en espérant pouvoir étudier plus en détail, dans un travail ultérieur, le
comportement phonologique des formes en question.
a.
b.
La dérivation des formes diminutives en (19) se fait de façon naturelle à partir des principes
universels proposés par le modèle KLV, du schème approprié et des paramètres propres à
l'AM. Je rappelle le schème du trilitère incorporant le morphème du diminutif:
(20) N N N
x x x + x x x + x x
Une forme comme sera dérivée comme en (21):
Squelette x x x + x x x + x x
Radical
11
Le diminutif dans le parler de Marrakech
b. Association du radical N N N
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
f. Structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x
En (21a), nous avons le schème du diminutif avec la mélodie consonantique. Le segment est
incorporé au schème parce qu'il est invariable pour cette classe de diminutifs, à la différence
des segments du radical qui sont variables et occupent, par conséquent, une autre couche de la
représentation phonologique. Ces segments sont associés aux positions du squelette qui leur
sont destinées comme en (21b), à savoir les positions qui ne sont pas dominées par des N.
12
Le diminutif dans le parler de Marrakech
N N N N
x x x + x x x + x x + x x
b
N N N A N
x x x + x x x + x x + x x
b
N N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
b
13
Le diminutif dans le parler de Marrakech
N A N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
b
N A N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
b
f. structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x + x x
b
A partir de (22a) où est représenté le schème du diminutif auquel sont associés les segments
du radical, la syllabification est entreprise.
En (22b), la dernière syllabe est construite. Elle est constituée du morphème du féminin +
comme noyau branchant et du dernier segment du radical qui est associé à une position
interprétée comme attaque. Cette structure respecte les contraintes et paramètres caractérisant
la structure syllabique en AM.
Avec (22c), la syllabification de l'avant-dernier noyau et de la position directement à gauche
échoue. En effet, une rime dominant un noyau simple n'est pas permise en AM. De ce fait:
i. le noyau en question ne peut se réaliser phonétiquement
ii. le s'efface étant associé à une position n'ayant aucune "identité syllabique" ou, plus
proprement, n'étant pas étiquetée. C'est la seule possibilité qui s'offre puisque ce segment ne
peut ni être un appendice: il n'est ni au début ni à la fin du mot, ni être une consonne rimale de
la syllabe à gauche à cause du noyau branchant.
En (22d), la construction de la syllabe antépénultième ne pose aucun problème: une attaque
simple et un noyau branchant. Alors que celle de la première syllabe en (22e) échoue pour la
raison maintenant familière de l'exclusion d'une syllabe ouverte avec un noyau simple. Par
conséquent, le premier segment ne peut qu'être interprété comme appendice en (22f).
14
Le diminutif dans le parler de Marrakech
Ainsi, la dérivation des formes diminutives de (19a-b) se fait, dans le cadre KLV, de façon
naturelle, simple et élégante à partir d'une série très limitée de principes universels et des
paramètres régissant les structures syllabiques en AM.
Les faits présentés ci-dessus sont complexes d'un double point de vue:
i. une même forme de diminutif pour des nominaux ayant des semi-consonnes différentes
(23a-a')
ii. une autre forme de diminutif pour des nominaux commençant par ou .
Face à cette complexité, deux hypothèses me semblent concurrentes pour expliquer la
dérivation des formes diminutives de (23). Je discuterai leurs chances d'adéquation sans
trancher pour l'une ou pour l'autre.
2.2.1. Hypothèse 1
L'explication proposée ici est en quelque sorte fragmentaire. Elle procède par le compte rendu
de la dérivation de chaque type de forme diminutive correspondant à chacune des classes
nominales résumées en (24):
15
Le diminutif dans le parler de Marrakech
(24) a. A
C b. U C ()
c. I
d. V C ()
u
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
u
x x x + x x x + x x
u
16
Le diminutif dans le parler de Marrakech
e. Structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x
u
La forme diminutive est ainsi dérivée grâce aux principes et paramètres déjà mis en
œuvre dans les dérivations précédentes.
b. Toutefois, la dérivation d'une forme de la classe CAC de (24) comme nécessite le
recours à certains ajustements de la structure syllabique. Dans le cadre de cette première
hypothèse, je propose la dérivation de à partir du radical .
a
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
17
Le diminutif dans le parler de Marrakech
(27) R
A N A
x + x x x +
(28) a. * N A N A * N A N A
x x + x x x x x + x x x
(29) (?) N N A
x x + x x x
i
Une telle représentation a toutes les chances d'être exclue par le PCO [16].
[16] Au cours des dérivations des formes diminutives, on trouve des représentations de type:
N A
/\ |
x x x
\/ |
On se demandera sûrement pourquoi cette représentation est permise par le PCO alors que celle de (29) ne l'est
pas? Je pense que les deux représentations ne sont pas de même nature ou de même niveau, et c'est ce qui
pourrait expliquer la permission dans un cas et l'exclusion dans l'autre. En effet, le représentation en (29) est une
représentation lexicale tandis que celle ci-dessus est déjà une représentation phonétique.
18
Le diminutif dans le parler de Marrakech
x x x + x x x + x x
b. Association de R R
N A N A N
x x x + x x x + x x
u
x x x + x x x + x x
u
d. Structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x
u
La question qu'on peut se poser est: pourquoi le choix se limite-t-il uniquement aux segments
? La raison en est que constituent une classe naturelle de segments par opposition aux
consonnes, et la voyelle brève est exclue car elle doit être dominée par un N simple dans une
R branchante.
c. Considérons maintenant une forme représentative de la classe CIC de (24) comme . Le
diminutif correspondant est dérivé comme suit:
19
Le diminutif dans le parler de Marrakech
i
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
d. Désassociation de R R
N A N A N
x x x + x x x + x x
e. Association de R R
N A N A N
x x x + x x x + x x
u
x x x + x x x + x x
u
20
Le diminutif dans le parler de Marrakech
g. Structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x
u
Pour les raisons citées ci-dessus à propos de la dérivation de , on ne peut avoir ni ni
comme attaque de la syllabe pénultième. La seule alternative reste , ce qui est conforme aux
faits: .
Quant à la dérivation du féminin correspondant à ces trois classes, elle ne pose aucun
problème à partir du moment où le raisonnement mené ci-dessus s'avère convaincant. En
effet, considérons une forme comme , diminutif correspondant au nominal :
N N N N
x x x + x x x + x x + x x
a
N N N A N
x x x + x x x + x x + x x
a
N N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
a
21
Le diminutif dans le parler de Marrakech
R * R R
N A N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
a
e. Association de R * R R
N A N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
u
N A N A N A N
x x x + x x x + x x + x x
u
g. structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x + x x
u
En (32b), la dernière syllabe est bien construite: une R simple dominant un N branchant , et
une A simple . Ce segment est interprété phonétiquement étant associé à une position non-
nucléaire. La construction de la syllabe pénultième (32c) est bloquée car l'AM exclut toute
configuration de type C. La conséquence en est que le N de cette syllabe ne se réalise pas et
l'attaque perd son contenu segmental .
En termes de gouvernement, la non-réalisation du noyau s'explique par le fait qu'il est
proprement gouverné par le noyau à sa droite : il existe déjà une relation de gouvernement
entre le premier N et , ce dernier N a un contenu lexical alors que le premier n'en a pas et il
n'y a pas d'autre domaine de gouvernement qui puisse bloquer cette relation de gouvernement
propre (voir (11)).
22
Le diminutif dans le parler de Marrakech
Quant à la syllabe antépénultième (32d), elle est bien formée: CV. En plus des raisons déjà
citées à propos de (27), la désassociation de peut s'expliquer par l'incompatibilité du charme
de ce segment (charme positif) et le charme des segments destinés à occuper la position
d'attaque (charme négatif).
Le même sort que celui de la syllabe pénultième est réservé à la première syllabe (32f) sauf
que le contenu segmental de l'attaque de celle-ci ne se perd pas et est interprété comme
appendice. En fait, la perte de l'étiquette et du contenu segmental de l'attaque de la syllabe
pénultième peut s'expliquer par le fait que, en cette position du schème, on ne peut avoir ni
attaque ni position rimale, les seules possibilités qui existent. Alors que le segment de la
première syllabe, s'il ne peut constituer une attaque, peut très bien être étiqueté autrement,
comme appendice, d'où son maintien. Et d'où la forme grammaticale .
Haut v
23
Le diminutif dans le parler de Marrakech
(34) Nasal N
Constrictif
Arri / Arrondi U
Continu o
Voisé L-
x x x
On remarque que l'élément U est présent dans la composition des trois segment . Dans
Angoujard (1991), il est posé, à propos du Gueze, que "le partage d'un seul élément n'interdit
pas l'adjacence des segments" (p. 9). Si cet état de chose est valable pour le Gueze, je crois
qu'il ne l'est pas pour l'AM qui est plus contraignant et interdit cette adjacence. Cette
caractéristique peut être exprimée par le paramètre suivant:
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
[18] La précision de la nature de l'étiquette est cruciale. L'adjacence de deux segments partageant un élément
mais associés l'un à une position nucléaire et l'autre à une position non-nucléaire est tout à fait permise, exemple
les formes nominales de (16b-b'). L'interdiction d'adjacence concerne aussi des séquences de type
ou . (Des mots comme + "avec rien" + "dans une porte" + "cuit à la
vapeur"… sont grammaticaux mais il s'agit en fait à chaque fois de deux morphèmes).
24
Le diminutif dans le parler de Marrakech
c. Association de R R
N A N A N
x x x + x x x + x x
u
x x x + x x x + x x
u
e. Structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x
u
[19] Je pense que la position squelettale intermédiaire n'interdit pas de parler d'adjacence des segments et .
Dans le cadre KLV, les positions vides et sans étiquette ne sont pas perdues. Je pense qu'elles sont maintenues
pour assurer la préservation des relations de gouvernement à l'intérieur des structures syllabiques (voir le
Principe de Projection en (4)).
25
Le diminutif dans le parler de Marrakech
(37) * Constrictif
Arri / Arro U
Haut v
Continu o
x x
Etant donné que l'adjacence de et est interdite, comment expliquer le fait que c'est le
second segment qui est perdu et non le premier? Pour répondre à cette interrogation, je me
réfère à la théorie de la marque développée par KLV dans le cadre de la Théorie des Elément.
Ainsi, "plus le nombre d'éléments qui composent un segment est grand, plus grand est son
degré de marque" (KLV 1988:118).
Si l'on considère les représentations de et , on remarque que est plus marqué que étant
composé de trois éléments alors que n'en compte que deux. Je pense que cette explication
est suffisante pour justifier la perte de plutôt que . Je propose de formuler ce phénomène
comme suit:
(39) Constrictif
Arri / Arro U
Continu o
x x
Ainsi ajustée, la structure syllabique présentée en (36) donnera lieu à et non plus à
*. Se pose alors un problème crucial défiant le modèle KLV: comment représenter le
segment double ?
[20] En fait, les choses sont plus compliquées que ne le laisse croire la simplicité de formulation de (38). Le
segment ne se perd pas définitivement puisqu'on le retrouve au niveau de la labiovélarisation des segments
.
26
Le diminutif dans le parler de Marrakech
x x x x x x
Ni (40a) ni (40b) ne résolvent le problème. En effet, (40a) est déjà exclu étant donné que
l'AM ne permet pas de branchement d'attaques, alors que (40b) viole le PCO. Je laisse cette
question suspendue ici en gardant l'espoir d'y répondre ultérieurement dans un autre travail.
La dérivation du diminutif dans le cadre de cette première hypothèse pour les trilitères à semi-
consonne en position médiane aboutit aux formes avec , en présentant des arguments pour
expliquer la désassociation de et . Ce qui a été dit à propos des formes avec à l'initiale et
de l'incompatibilité de ce segment avec est aussi valable pour les formes avec ou à
l'initiale comme ou . Quant aux féminins, leur dérivation est identique à
celle des diminutifs des trilitères à CCC, sauf qu'elle respecte la contrainte de l'adjacence de
segments partageant un élément en (35).
2.2.2. Hypothèse 2
A la différence de la première, de caractère analytique, cette deuxième hypothèse se veut
synthétique. Je rappelle que les faits analysés ici et auxquels il s'agit de trouver une
explication sont la présence de , la perte des semi-consonnes du radical et le dédoublement
de dans les formes diminutives dérivées de radicaux de type CVC. L'hypothèse 2 se
limitera aux deux premiers phénomènes et n'abordera pas le dernier car l'explication qui en est
donnée me semble suffisamment convaincante et dépasse le cadre de ces deux hypothèse.
Dans le cadre de cette deuxième proposition, je pose que le schème du diminutif incorpore le
segment à la troisième position comme présenté en (41):
(41) N N N
x x x + x x x + x x
Le problème qui se pose alors est le suivant: le nombre de segments du radical ne correspond
plus à celui des positions libres du schème, et une association autosegmentale de gauche à
droite d'un radical comme donnerait lieu à une représentation de type (42):
(42) N N N
x x x + x x x + x x
27
Le diminutif dans le parler de Marrakech
Il faut donc une contrainte qui exclut toute semi-consonne du radical des formes diminutives.
Plus loin, on verra que cette contrainte est aussi valable pour les quadrilitères. Je propose de
formuler cette contrainte comme suit:
Cette contrainte est justifiée par l'absence régulière des segments en question dans toute forme
diminutive, trilitère ou quadrilitère. Elle ne concerne pas les segments et du schème car ils
sont déjà incorporés au schème et ne constituent pas des segments du radical. Ils échappent
donc à la contrainte (43).
Considérons maintenant la dérivation d'une forme comme (cette dérivation est aussi
valable pour des formes de type CC comme ou CC comme ):
u
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
x x x + x x x + x x
u
28
Le diminutif dans le parler de Marrakech
g. Structure finale R R
App. A N A N
x x x + x x x + x x
u
L'avantage de cette deuxième hypothèse, comme on l'a remarqué à partir de la dérivation ci-
dessus, est qu'elle est plus économique que sa concurrente. Aucun recours à la désassociation
de ou n'est nécessaire. Toutefois, la question cruciale reste posée, à savoir comment
expliquer l'exclusion des semi-consonnes du radical dans les formes diminutives, formes qui
tolèrent très bien et ?
Quant aux formes à à l'initiale, ce qui en a été dit dans le cadre de la première
hypothèse est aussi valable ici. Le dédoublement des trois segments est conditionné par la
présence de en troisième position du schème. Le deuxième hypothèse permet seulement
d'économiser quelques étapes de la dérivation, à savoir la désassociation des semi-consonnes
et l'association de à leur position.
a.
b.
[21] Tout au long de ce travail, j'ai parlé de radicaux quadrilitères. En fait, ce terme recouvre à la fois des
quadrilitères à CCCC et des quintilitères à CCCVC.
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Le diminutif dans le parler de Marrakech
Je continue donc à penser que les des formes diminutives sont incorporés au schème. Pour
les trilitères, le segment en question était associé à trois positions dont deux d'entre elles sont
dominées par N. cette représentation permet de prévoir les réalisations phonétiques de ce
morphème dans les formes diminutives: ++/++.
Les radicaux quadrilitères, quant à eux, provoquent une discontinuité du morphème du
diminutif. Le N de celui-ci s'intercale entre la troisième et la quatrième positions du schème
nominal, alors que sa troisième position à laquelle est associé , elle sera insérée directement à
gauche de la quatrième position du nominal.
Cette adaptation du morphème au schème nominal quadrilitère n'est pas suffisante. En effet,
elle donnerait lieu à une représentation de type (46):
(46) N N N
x x x x x x x x x
auquel cas, le dernier N sera interprété phonétiquement , n'étant pas proprement gouverné, et
le dernier constituera une attaque. Cet état de chose n'est attesté dans aucune forme
diminutive de (45): aucun diminutif ne se termine par une séquence de la configuration -C.
Cette insuffisance dont je parlais impose un ajustement de la structure syllabique du schème
diminutif quadrilitère. Etant donné que dans toutes les formes diminutives de (45) le dernier
N se réalise toujours , je propose de représenter ce schème comme suit:
N N N
x x x x x x x x x
Reste à expliquer pourquoi le dernier N qui dominait une position vide dans le nominal
s'étend à la position à gauche ? Je pense qu'on ne peut avoir un branchement de ce N au cours
d'aucune dérivation et qu'il faut le postuler déjà au niveau du schème.
La régularité des formes diminutives en (45) confirme également mon autre hypothèse (43)
selon laquelle les semi-consonnes du radical sont exclues des formes diminutives.
Procédons maintenant à la dérivation d'une forme diminutive de (45) comme :
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Le diminutif dans le parler de Marrakech
N N N
x x x x x x x x x
N N A N
x x x x x x x x x
R R
N N A N
x x x x x x x x x
* R R R
N A N A N
x x x x x x x x x
e. Structure finale
R R
App. A N A N App.
x x x x x x x x x
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Le diminutif dans le parler de Marrakech
Après l'association des segments du radical aux positions non-nucléaires, la syllabification est
entamée à partir de (48b). Le dernier segment ne peut constituer une consonne rimale car cela
violerait le principe universel proposé par le modèle KLV et formulé en (1) selon lequel un
constituant syllabique est maximalement binaire. La dernière syllabe en (48b) est donc
construite sans ce segment. Celui-ci ne se perd pas car il est possible de le considérer comme
appendice, structure tout à fait permise en AM. Quant à la première syllabe en (48d), son N ne
se réalise pas phonétiquement car il est proprement gouverné par le N à sa droite, et le
segment sera étiqueté comme appendice. Je rappelle que l'AM tolère des appendices à
l'initiale et à la finale de mot.
La dérivation des formes diminutives à partir d'un radical comptant une semi-consonne parmi
ses segments comme en (45b) sera obtenue selon le même schéma sauf que pour ce type de
formes, la contrainte formulée en (43) doit nécessairement intervenir.
Considérons une forme diminutive à partir du radical :
N N N
x x x x x x x x x
N N A N
x x x x x x x x x
R R
N N A N
x x x x x x x x x
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Le diminutif dans le parler de Marrakech
* R R R
N A N A N
x x x x x x x x x
e. Structure finale
R R
App. A N A N App.
x x x x x x x x x
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Le diminutif dans le parler de Marrakech
3. Conclusion
Plutôt qu'une conclusion, ces dernières lignes ne peuvent être qu'un rappel de ce qui a marqué
ce travail. Mon projet était de rendre compte de la classe morphologique des diminutifs en
PM en termes de gouvernement et de charme. J'ai essayé de proposer des explications
satisfaisante et assez défendables à la dérivation des formes diminutives sans éviter de
signaler, chaque fois que l'occasion l'a imposé, les difficultés que ce type de formes pose au
traitement phonologique.
Ainsi, grâce à un nombre très limité de principes universels proposés par le modèle KLV, en
interaction avec les paramètres caractérisant les structures syllabiques de l'AM, j'ai tenté
d'expliquer la dérivation des formes diminutives à partir de radicaux trilitères et quadrilitères,
avec ou sans semi-consonnes.
Pour les radicaux à CCC, j'ai posé que le schème de leur diminutif incorpore le segment . Ce
segment est associé à deux positions dominées par N et à une position non-étiquetée. Cette
représentation m'a permis de prévoir les réalisations phonétiques ++ pour le masculin et ++
pour le féminin.
Le radical trilitère avec une semi-consonne en deuxième position a nécessité un traitement
supplémentaire. J'ai proposé deux hypothèses pour expliquer l'exclusion des semi-consonnes
du radical et la présence de dans les formes diminutives. La première présente des
arguments pour la désassociation et la perte des segments en question au cours de la
dérivation et le choix de . Alors que la seconde postule ce segment déjà au niveau du schème
diminutif.
Je me suis référé à la Théorie des Eléments pour expliquer le dédoublement des labiales
dans les diminutifs dérivés de radicaux CVC. J'ai proposé que ce dédoublement est
conditionné par la présence de qui est incompatible avec les trois segments consonantiques.
L'analyse des quadrilitères m'a conduit à ajuster le morphème du diminutif et à le représenter
de manière discontinue. Cette représentation a été justifiée par la réalisation phonétique de
deux dans les formes diminutives correspondantes à ce type de radicaux.
Les difficultés n'ont pas manqué au cours de cet effort. Et j'ai dû laisser certaines questions en
suspens. Notamment le problème de la représentation de segments dédoublés ou la
raison de l'exclusion des semi-consonnes du radical, trilitère ou quadrilitère, dans les formes
diminutives.
Au delà des explications proposées ici, qui restent à affiner et à approfondir, j'ai l'espoir
d'avoir également démontré la simplicité et l'élégance de traitement qu'offre le modèle KLV.
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Le diminutif dans le parler de Marrakech
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