Biotechnologie
DE BIOTECHNOLOGIE
Environnementale
• Bioremédiation
• Prévention
• Détection et surveillance
• Génie génétique
Par biotechnologie, on entend «l’intégration des
sciences naturelles et du savoir faire de
l’ingénieur dans l’utilisation d’organismes, de
cellules, ou de leurs parties et analogues
moléculaires, en vue d’obtenir des produits ou
des services» (Assemblée générale de l’EFB,
1989). Dans la présente mise au point, avec la
biotechnologie de l’environnement, nous
abordons l’application de ces procédés à la
protection de la qualité de notre environnement
ou à l’assainissement de celui-ci.
Le présent article passe en revue les divers
domaines de la biotechnologie environ-
nementale, en relation avec les problèmes
qu’elle soulève et avec ses répercussions. Son
but général est de proposer une information
objective et de promouvoir un débat public.
Cet article réunit les contributions de
scientifiques, d’industriels et d’organisations
gouvernementales ou écologistes de toute
l’Europe. Il est destiné à fournir des
informations et ne représente pas les opinions
ou la politique de la Fédération européenne de
biotechnologie ni d’aucun autre organisme.
INTRODUCTION
Les procédés biotechnologiques ont déjà été
utilisés dans la protection de l’environnement
depuis presque un siècle, bien avant l’invention
du terme biotechnologie. On a mis au point des
installations municipales d’épuration des eaux
usées et des filtres pour purifier le gaz de ville au
tournant du siècle. Ils se sont montrés très
efficaces, alors qu’on en savait peu à cette époque
sur les principes biologiques expliquant leur
fonctionnement. Depuis ce temps-là, notre savoir
a beaucoup augmenté. La présente mise au point
décrit l’état actuel des connaissances dans le
domaine de la biotechnologie environnementale
et les possibilités de cette dernière. Elle aborde
également les aspects sociaux de la
biotechnologie environnementale.
Les techniques biologiques de traitement des
déchets, avant ou après leur arrivée dans
l’environnement, sont décrites et illustrées par
des exemples dans la section sur la
bioremédiation. La biotechnologie peut aussi
servir à développer des produits et des procédés
qui produisent moins de déchets et utilisent moins
de ressources non renouvelables et moins
d’énergie. De ce point de vue, la biotechnologie
se trouve en bonne position pour favoriser le
développement d’une société durable, selon le
FÉDÉRATION EUROPÉENNE
principe recommandé en 1987 dans le rapport
Brundtland et mis au point 21 de l’ordre du jour
du second Sommet de la terre de Rio Janeiro en
1992 - principe qui a fait son chemin depuis et qui
est largement admis. Ce sujet est abordé dans la
section sur la prévention. Les méthodes
biotechnologiques servant à détecter les polluants
et à surveiller la qualité de l’environnement sont
présentées dans la section sur la détection et la
surveillance. Les techniques de l’ADN
recombinant ont amélioré les possibilités de
prévenir la pollution et sont riches de promesses
pour le développement ultérieur de la
bioremédiation. Ces sujets sont traités dans la
section portant sur la transformation génétique.
Parallèlement au développement de la
biotechnologie moderne, on a établi des
réglementations nouvelles qui s’appliquent aux
organismes génétiquement modifiés, ou on en a
adapté d’anciennes. Leur portée pour la
biotechnologie environnementale est évoquée
dans la section traitant de la législation. La
section abordant l’opinion publique, le dialogue
et les débats met en relief les sentiments du public
sur la biotechnologie environnementale, et la
manière dont se forme son opinion.
BIOREMÉDIATION
La bioremédiation consiste à utiliser des systèmes
biologiques pour réduire le niveau de pollution de
systèmes présents dans l’air, l’eau ou le sol. Ce
sont des micro-organismes ou des plantes qui
sont normalement utilisés comme systèmes
biologiques. Le plus souvent, on choisit de mener
les opérations de bioremédiation en laissant faire
les biodégradations à des micro-organismes. Pour
assurer leur croissance et/ou leurs besoins en
énergie, les micro-organismes peuvent utiliser, en
les dégradant, la plupart des composés chimiques.
Ces processus de dégradation biologique peuvent
exiger la présence d’air, ou non. Dans certains
cas, les voies métaboliques que les organismes
utilisent pour s’accroître ou pour obtenir de
l’énergie peuvent aussi être utilisées pour
décomposer des molécules de substances
polluantes. Dans ce cas (nommé co-
métabolisme), le micro-organisme ne retire aucun
bénéfice direct. Les chercheurs tirent avantage de
ce phénomène pour l’appliquer dans le domaine
de la bioremédiation. Complète, une
biodégradation parvient a dètoxifier des polluants
minéraux jusqu’au stade du dioxyde de carbone
(gaz carbonique), de l’eau et de sels minéraux
inoffensifs. Une biodégradation incomplète peut
fournir des produits de dégradation moins
GROUPE DE TRAVAIL
SUR LA PERCEPTION
DES BIOTECHNOLOGIES
PAR LE PUBLIC
RENSEIGNEMENTS
Pour toute information complémentaire,
s’adresser à la European Federation of
Biotechnology, Task Group on Public
Perceptions of Biotechnology.
Prof John Durant (président)
Research and Information Services
National Museum of Sciences & Industry
GB-SW7 2DD London
Tél: +44 171 9388201
Fax: +44 171 9388213
E-mail: j.durant@nmsi.ac.uk
Dr D. J. Bennett (secrétaire)
Secrétariat, EFB, Task Group on Public
Perceptions of Biotechnology
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NL 2611 CD Delft
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http://www.kluyver.stm.tudelft.nl/efb/home.htm
© copyright EFB Task Group on Public
Perception of Biotechnology, 1999
Ce bulletin est destiné à l’information et ne
représente pas les opinions de la Fédération
européenne de Biotechnologie ni d’aucune
autre personne. La reproduction de ce texte
n’est autorisée qu’à des fins de recherche et
d’étude, à condition que soit mentionné le
détenteur du copyright dans une notice
semblable à la présente. En dehors de ce cas,
toute reproduction, même partielle, est interdite
sans l’autorisation du détenteur du copyright.
Le Groupe de travail sur la perception
des biotechnologies par le public est
très reconnaissant envers la Commis-
sion européenne, Direction Générale
XII, pour son soutien et son appui
financier prolongés dans la pub-
lication de cette série de bulletins.
Mise au point
4
Deuxième édition, janvier 1999
traduction du texte original en
anglais
2 Mise au point no 4
toxiques que le polluant initial, mais pas
forcément. Par exemple, la biodégradation du
trichloro- ou du tétrachloro-éthylène peut libérer
du chlorure de vinyle, qui est plus toxique et plus
cancérogène que les composés initiaux.
Le phénomène de biodégradation peut apparaître
spontanément; on utilise alors souvent les termes
de bioremédiation intrinsèque ou d’atténuation
naturelle. Très souvent cependant, les conditions
naturelles ne sont pas suffisamment favorables,
par manque d’éléments nutritifs, d’oxygène ou de
bactéries appropriées. On peut améliorer ce genre
de situations en complétant l’un ou l’autre des
facteurs nécessaires, ou même plusieurs. Par
exemple, en 1989, lors de la marée noire due au
pétrolier géant Exxon Valdez, on a dispersé des
éléments nutritifs supplémentaires pour hâter la
dégradation des hydrocarbures qui avaient été
répandus sur 1 000 milles le long de la côte de
l’Alaska. Dans le domaine de la bioremédiation,
on aura de plus en plus tendance à observer en
premier lieu la vitesse de la biodégradation
naturelle et à intervenir seulement si l’activité
naturelle ne suffit pas à éliminer assez rapidement
le polluant pour écarter ainsi tout risque
prévisible dû à ce polluant donné.
On peut utiliser les techniques de bioremédiation
pour réduire les déchets dangereux ou pour
éliminer ceux qui ont déjà pollué un milieu. Elles
peuvent aussi être employées pour traiter des
effluents chargés de déchets avant qu’ils ne
quittent les installations de production: en phase
finale. Quelques applications de la
bioremédiation sont présentées ci-dessous.
Eaux usées et effluents industriels. Dans les
stations d’épuration, ce sont des micro-
organismes qui retirent des eaux usées les
polluants les plus courants, avant qu’elles ne
rejoignent la rivière, le lac ou la mer. Les
pollutions croissantes, dues à l’industrie et à
l’agriculture, suscitent un plus grand besoin de
procédés capables d’éliminer des polluants
spécifiques, tels que l’azote, le phosphore, les
métaux lourds et les composés chlorés. Les
méthodes nouvelles comprennent des processus
aérobies, anaérobies et physico-chimiques se
déroulant soit sur des filtres à lit fixé soit dans des
bioréacteurs où les matériaux et les micro-
organismes sont maintenus en suspension dans le
liquide. Le recyclage des déchets en produits
utiles peut réduire les coûts du traitement des
eaux usées. Par exemple, grâce à des bactéries
utilisant le soufre dans leur métabolisme, les
métaux lourds et les composés soufrés, présents
dans les eaux usées qui proviennent de l’industrie
de la galvanoplastie, peuvent être retirés, puis
réutilisés. La production d’aliments pour animaux
à partir de la biomasse de champignons qui
demeure après l’extraction de la pénicilline est un
autre exemple. Enfin, la plupart des systèmes de
traitement des eaux usées produisent un gaz
utilisable (biogaz).
Eau potable et traitement de l’eau. Pour le
développement urbain et industriel moderne, il
est vital de disposer d’eau en grande quantité. On
estime qu’au début du siècle prochain, les deux
tiers des pays du monde seront à court d’eau –
utilisant l’eau claire plus vite qu’elle ne se
renouvellera dans les nappes aquifères ou les
rivières. Un des aspects importants de la
biotechnologie est par conséquent sa capacité de
recycler et d’épurer les eaux usées en vue de leur
réutilisation. Par ailleurs le public se soucie
davantage actuellement de la qualité de l’eau
potable. Non seulement il faut recycler l’eau -
dans le contexte d’une exploitation durable des
ressources - mais il faut encore améliorer sa
qualité globale pour satisfaire les consommateurs.
Dans de nombreuses régions agricoles du monde,
les déchets d’origine animale et les excès
d’engrais font apparaître un taux élevé de nitrates
dans l’eau potable. La biotechnologie fournit des
méthodes efficaces qui permettent d’éliminer ces
composés de l’eau avant qu’elle ne soit distribuée
aux consommateurs.
Air et déchets gazeux. À l’origine, les systèmes
de traitement des déchets industriels gazeux
reposaient sur l’utilisation de filtres bon marché,
remplis de compost, qui supprimaient les odeurs.
Ces systèmes existent encore. La lenteur de ces
procédés et la brève durée de vie de ces filtres ont
toutefois stimulé la recherche de solutions
meilleures, telles que des biofiltres dans lesquels
les polluants sont éliminés par lavage au contact
d’une suspension de cellules, ou telles que les
filtres à ruissellement, où les polluants sont
dégradés par des micro-organismes immobilisés
sur une matrice inerte et nourris par une solution
nutritive aqueuse, coulant goutte-à-goutte à
travers le dispositif. En sélectionnant des micro-
organismes dont le métabolisme utilise plus
efficacement certains polluants, on a aussi pu
améliorer les biofiltres destinés à la purification
de l’air et des gaz. En voici deux exemples: un
système de biofiltres sert à éliminer les oxydes, à
la fois d’azote et de soufre, au niveau des gaz
s’échappant de la cheminée des hauts fourneaux
(ce système a été développé pour remplacer le
procédé classique au gypse); et c’est à l’aide d’un
biofiltre contenant des champignons qu’on retire
le styrène présent dans les déchets gazeux
résultant du traitement du polystyrène.
Traitement des sols et de la terre agricole. On
trouve sur le marché des méthodes pour dépolluer
le sol et les eaux de la nappe phréatique qui lui
sont associées, aussi bien in situ (à leur place
originelle) que ex situ (ailleurs). Les traitements
in situ peuvent comprendre l’introduction de
micro-organismes (bio-enrichissement),
l’aération et/ou l’addition de solutions nutritives
(biostimulation). Le traitement ex situ suppose
qu’on excave la terre et qu’on retire l’eau de la
nappe phréatique pour les traiter en surface. Le
sol peut être traité sous forme de compost, amassé
en surface dans des tertres, ou traité dans des
bioréacteurs à boues spéciaux. L’eau de la nappe
phréatique est traitée dans des bioréacteurs, puis
soit repompée vers le sol soit drainée et conduite
vers les eaux superficielles. La bioremédiation de
la terre agricole (bioréhabilitation) coûte souvent
moins cher que les méthodes physiques, et les
produits qu’elle laisse sont inoffensifs, si la
minéralisation est complète. Son action nécessite
toutefois du temps, et immobilise les capitaux et
la terre. La bioremédiation in situ du sol situé
sous les exploitations de pétrole est déjà une
pratique courante, mais la bioremédiation in situ
est aussi possible pour les solvants chlorés
comme le trichloro- ou le tétrachloro-éthylène. La
faisabilité de cette méthode de bioremédiation in
situ dépend des paramètres physiques du sol (et
continuera certainement à en dépendre), surtout
de ses propriétés de transport. La bioremédiation
peut utiliser des plantes: on la nomme alors
phytoremédiation ou phyto-assainissement. Cette
technique est déjà utilisée pour éliminer les
métaux contaminant les sols et l’eau de la nappe
phréatique; on cherche à la développer dans la
décontamination biologique d’autres polluants.
L’utilisation combinée de plantes et de bactéries
pourrait aussi être possible. Des bactéries vivent
en étroite association avec les racines de certaines
plantes et dépendent de substances excrétées par
les racines. Ces rhizobactéries, qui dépassent en
nombre les autres bactéries du sol, pourraient être
génétiquement transformées de manière à dé-
grader des substances polluantes. Des recherches
sont en cours pour examiner cette voie.
Déchets solides. Les déchets domestiques solides
représentent un énorme problème dans notre
société de consommation. Leur élimination est
non seulement coûteuse, mais elle exige une
surveillance constante au niveau de la pollution
de la nappe phréatique et de l’air. Pourtant, ils
sont en grande partie formés de substances
organiques facilement décomposables. Triés à la
source, les déchets d’origine organique peuvent
ainsi être valorisés par compostage ou par
digestion anaérobie. Ces dernières années, ces
deux procédés ont subi des développements
remarquables sur le plan tant de la conception du
processus que de son contrôle. La digestion
anaérobie des déchets solides, qui s’effectue dans
de grands digesteurs anaérobies, a notamment les
faveurs croissantes du public; elle permet en effet
la récupération de quantités substantielles de
biogaz utilisable et d’un résidu organique stable
d’excellente qualité, tout en ne produisant aucun
effet nocif sur l’environnement. En outre, on
étudie intensivement le développement de la
digestion anaérobie des déchets solides mélangés,
car dans un proche avenir, ce procédé pourrait
devenir une étape importante du recyclage des
déchets solides et constituer une bonne solution
pour remplacer l’incinération.
PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
Progressivement, sous la pression internationale
en faveur d’un développement durable de la
société, des firmes de plus en plus nombreuses
mettent au point des procédés dont l’impact sur
l’environnement soit moindre. On a de plus en
plus tendance à utiliser des produits et des
procédés moins nocifs; en renonçant au
traitement en phase finale des flux de déchets. La
biotechnologie a le bon profil pour apporter sa
contribution à cette tendance et elle l’a déjà fait
dans de nombreux cas, aussi bien par
l’amélioration de procédés existants que par le
développement de nouveaux procédés(6,7).
Amélioration des procédés. L’emploi
d’enzymes a rendu de nombreux procédés
industriels moins nocifs pour l’environnement.
Les enzymes sont des catalyseurs biologiques;
elles sont très efficaces et présentent beaucoup
d’avantages sur les catalyseurs non biologiques.
Elles ne sont pas toxiques et sont biodégradables,
elles travaillent le mieux à des températures
modérées et dans des conditions douces; elles ont
moins d’effets secondaires que les méthodes
traditionnelles, car elles sont extrêmement
spécifiques. Les méthodes de production utilisant
des enzymes sont en général non seulement plus
propres et plus sûres en comparaison des autres,
mais elles consomment, dans la plupart des cas,
moins d’énergie et de ressources (voir encadré).
Leur spécificité a toutefois pour contrepartie qu’il
n’est pas toujours facile de trouver l’enzyme
adéquate pour une application déterminée. Les
enzymes sont largement employées dans
l’industrie, et ce depuis de nombreuses années.
Les techniques et les récentes approches de la
conception et de la modélisation moléculaire des
protéines ont permis aux chercheurs de
développer de nouvelles enzymes, actives à haute
température, dans des solvants non aqueux et
immobilisées sur des surfaces solides.
Produits nouveaux. La biotechnologie peut
aussi faciliter la production de nouveaux produits
qui ont moins d’impact sur le milieu que leurs
prédécesseurs. La production de nouveaux
matériaux, tels que les bioplastiques, évite
l’emploi de ressources non renouvelables, telles
que les énergies fossiles. Les pommes de terre
contiennent normalement 80% d’amylopectine,
mais aussi 20% d’amylose dont la présence est
indésirable pour de nombreux usages. Pour isoler
l’amylopectine pure, il faut consommer de
grandes quantités d’eau et d’énergie. Une
Biotechnologie environnementale
Vers des procédés industriels «durables»
grâce à l’utilisation d’enzymes
Dans le tannage du cuir, on a introduit des
enzymes à la place des substances chimiques
agressives traditionnellement utilisées pour
nettoyer les peaux. Dans la production
textile, les enzymes ont supplanté les
substances chimiques de blanchiment, en
particulier pour le délavage des jeans. Quant
à l’industrie du papier, l’utilisation
d’enzymes pourrait très bientôt
considérablement réduire la consommation
du chlore utilisé dans la préparation de la
pâte à papier. Les enzymes présentes dans les
poudres à lessive diminuent de façon
significative la quantité de détergents
nécessaire pour un effet de nettoyage donné;
leur emploi signifie en outre que la
température de lavage peut être abaissée. Or,
une baisse de température de 20°C
économise plus du tiers de l’énergie utilisée
par la machine. Étant donné que, dans de
nombreux pays de l’Europe de l’Ouest,
jusqu’à 5% de la dépense d’énergie
domestique correspond aux lessives, ces
molécules ont apporté une contribution
intéressante aux économies d’énergie.
compagnie hollandaise a produit une variété de
pommes de terre génétiquement modifiées, qui ne
contiennent plus d’amylose, et dont le traitement
a par conséquent un impact plus faible sur
l’environnement. L’utilisation de plantes
génétiquement modifiées qui sont résistantes
envers certains insectes, ou envers certaines
maladies, pourrait considérablement réduire
l’emploi des pesticides: ce qui non seulement
éviterait de consacrer à la production des
pesticides autant de matières premières pour la
plupart non renouvelables ainsi que d’énergie et
de travail, mais réduirait de plus les effets
négatifs de leurs résidus. Bien d’autres solutions
biotechnologiques ont été développées (voir
encadré) pour lutter contre la pollution. Il est
possible que les développements futurs fassent
appel à des choses qui actuellement paraissent
encore de la science-fiction à la plupart des gens:
par exemple, le remplacement des super-fibres
textiles chimiques par une soie de toile
d’araignée, produite par des micro-organismes.
Il ne faut toutefois pas oublier une chose:
l’emploi industriel croissant des systèmes
biologiques devrait s’accompagner d’une
formation adéquate et de mesures de protection
pour les travailleurs qui auront ces systèmes entre
leurs mains, comme cela se fait dans tout autre
secteur de l’industrie.
DÉTECTION ET SURVEILLANCE
Détection et surveillance des polluants. On
utilise déjà toute une série de méthodes
biologiques pour détecter les incidents de
pollution et pour surveiller en continu les
polluants. Les mesures établies depuis longtemps
comprennent: le comptage du nombre d’espèces
végétales, animales ou de micro-organismes, le
comptage du nombre d’individus de chacune de
ces espèces ou l’analyse des concentrations
d’oxygène, de méthane ou d’autres composés
dans l’eau. Plus récemment, on a développé des
méthodes de détection biologiques utilisant des
biodétecteurs ou des tests immunologiques, qui
commencent à être commercialisés.
La plupart des biodétecteurs sont formés de
dispositifs de deux types, biologique et
électronique, souvent placés sur une micropuce.
Leurs composants biologiques peuvent être
simplement une enzyme ou un anticorps, soit une
colonie de bactéries, une membrane ou un
récepteur de type neural, soit même un organisme
entier. Ils sont immobilisés sur un substrat, leurs
propriétés subissent des modifications en réponse
à un changement dans le milieu, celles-ci on peut
détecter d’une manière électronique ou optique. Il
est alors possible de faire des mesures
quantitatives de certains polluants avec une
extrême précision ou avec un très haut degré de
sensibilité. On peut concevoir des détecteurs très
sélectifs ou au contraire sensibles à un large choix
de composés. Par exemple, on peut dépister toute
une série d’herbicides dans l’eau d’une rivière à
l’aide de détecteurs utilisant des algues; le stress
subi par ces plantes se mesure par le biais des
modifications des propriétés optiques de leur
chlorophylle.
Les détecteurs microbiologiques fonctionnent à
l’aide de micro-organismes qui réagissent au
contact de la substance à détecter. Ces détecteurs
produisent généralement de la lumière, mais
cessent aussitôt qu’ils sont en contact avec des
substances qui leur sont néfastes. Les micro-
organismes qu’on utilise et qui émettent de la
lumière peuvent soit exister naturellement soit
être développés tout exprès. On a mis au point des
détecteurs de type positif, c’est-à-dire qui
commencent à émettre de la lumière aussitôt
qu’ils sont en contact avec un polluant spécifique
(et à cause de la réaction consécutive à ce
contact). Aux États-Unis, on a autorisé
l’utilisation de bactéries émettant de la lumière de
ce type pour détecter des hydrocarbures
aromatiques polyhalogénés au cours
d’expériences-pilotes sur le terrain.
Les tests immunologiques utilisent des anticorps
marqués (les anticorps sont des protéines
complexes produites dans l’être vivant en réponse
à la présence de molécules spécifiques) et des
enzymes pour mesurer la concentration en
polluants. Si le polluant est présent, l’anticorps se
fixe sur lui; la marque le rend détectable soit par
un changement de coloration soit par
fluorescence ou par radioactivité. On a développé
des tests immunologiques de différents types
pour surveiller des pesticides, tels que la diéldrine
et le parathion, de manière continue, automatique
et peu coûteuse. Ces techniques, qui fournissent
Des solutions biotechnologiques contre la
pollution
Les porcs et les poulets ne peuvent pas
utiliser le phosphate contenu dans le phytate
qui est présent dans leurs aliments: ce
phosphate aboutit dans le fumier. Si l’on
ajoute à leur nourriture une enzyme, la
phytase, la quantité de phosphate qui se
retrouve dans les excréments de ces animaux
peut être réduite de plus de 30%.
En Afrique du Sud, on utilise des bactéries
pour extraire l’or du minerai d’or. En évitant
l’extraction par fusion, ce procédé, nommé
bio-extraction, économise une quantité
énorme d’énergie et produit moins de
déchets.
La production de l’indigo, nécessaire à la
teinture des blue-jeans, exige huit étapes et
l’utilisation de substances chimiques très
toxiques ainsi que des mesures spéciales de
protection pour les ouvriers et pour
l’environnement. Effectuée par un procédé
biotechnologique, c’est-à-dire à l’aide d’une
bactérie génétiquement modifiée qui contient
les enzymes appropriées, la production
d’indigo ne nécessite que trois étapes,
s’effectue dans l’eau, utilise des matières
premières simples comme le sucre et des sels
minéraux, ne produit que de l’indigo, du
dioxyde de carbone (gaz carbonique) et une
biomasse biodégradable.
3
des résultats sous une forme aussi simple qu’un
changement de couleur, sont par leur nature
même particulièrement bien adaptées à des
mesures très sensibles sur le terrain, alors que le
temps nécessaire et le volume des équipements
rendent impossibles les mesures plus
traditionnelles. Leur usage est cependant restreint
aux polluants susceptibles de déclencher la
formation d’anticorps dans le vivant. Si les
polluants sont trop réactifs, ils vont détruire
l’anticorps ou supprimer son activité et par
conséquent rendre le test inefficace.
Détection et surveillance des micro-
organismes utilisés dans la bioremédiation.
Quand on inocule sur un site de bioremédiation
des micro-organismes produits en laboratoire
(bio-enrichissement), il est souvent indispensable
de surveiller leur présence et leur multiplication
afin de s’assurer que le processus se déroule bien.
Ceci est particulièrement vrai, et même
obligatoire, dans le cas de micro-organismes
génétiquement modifiés.
La technique traditionnelle pour mettre en
évidence la présence de micro-organismes dans le
sol est l’étalement direct sur un milieu nutritif
sélectif. L’opération est beaucoup plus simple si
l’organisme contient un marqueur sur lequel faire
agir la sélection. Les techniques plus récentes
comprennent les techniques de biosurveillance,
citées plus haut, qui sont basées sur des tests
immunologiques et des effets lumineux. La
distribution spatiale de micro-organismes
spécifiques, dans un échantillon, peut être
déterminée par microscopie et de manière non
invasive, en utilisant l’hybridation en
fluorescence in situ (FISH) des micro-
organismes. La technique la plus sensible et la
plus spécifique, qui est de plus en plus utilisée,
consiste à directement isoler l’ADN du sol, puis à
l’amplifier (PCR).
Détection et surveillance des effets écologiques.
La bioremédiation vise à améliorer la qualité de
l’environnement en éliminant les polluants. La
disparition du polluant initial n’est toutefois pas
l’unique critère servant à évaluer le succès d’une
opération de bioremédiation. Le polluant peut
produire des métabolites toxiques (ou même
davantage toxiques), la bactérie utilisée pour la
dégradation peut aussi provoquer des maladies ou
produire des substances dangereuses pour les
micro-organismes utiles et pour les plantes, les
animaux ou les êtres humains. On exclut bien sûr
à l’avance, autant que se peut, tous ces effets
négatifs en se familiarisant d’une manière aussi
poussée que possible avec l’organisme concerné,
grâce à une étude antérieure approfondie de la
littérature et grâce à des expériences en
laboratoire où des processus de bioremédiation
sont simulés à petite échelle. Pour éviter des
effets inattendus, surtout après la libération dans
l’écosystème d’un nouvel acteur, tel qu’un
organisme génétiquement modifié, il peut être
indispensable de surveiller les effets écologiques
d’une opération de bioremédiation. Le problème
avec la surveillance des effets écologiques est de
savoir ce qu’il faut surveiller. De nombreux effets
écologiques peuvent apparaître: ils ne sont
toutefois pas tous en relation avec la
bioremédiation ni tous permanents ni même tous
forcément le résultat de l’opération de
bioremédiation. Les paramètres à prendre en
considération sont habituellement déterminés de
cas en cas. Les techniques de surveillance
peuvent inclure toutes celles que nous avons
citées plus haut.
GÉNIE GÉNÉTIQUE
Ces toutes dernières années, la technologie de
l’ADN recombinant a eu des répercussions
extraordinaires. Les biologistes moléculaires ont
4 Mise au point no 4
établi la carte de génomes entiers, de nombreux
nouveaux médicaments ont été développés et mis
sur le marché, et les agriculteurs produisent des
plantes nouvelles, présentant un type nouveau de
résistances aux maladies, jusqu’ici impossibles à
obtenir par les méthodes de sélection
traditionnelles. Plusieurs exemples parmi ceux
que nous avons déjà mentionnés dans cet article
impliquent l’utilisation de la technologie de
l’ADN recombinant, entre autres la pomme de
terre sans amylose ou la bactérie produisant
l’indigo. Beaucoup d’enzymes sont déjà
produites de manière courante par des organismes
génétiquement modifiés.
La diversité des espèces, des biomolécules et des
voies biochimiques présentes sur cette planète est
immense, le génie génétique peut donc en
principe être un outil très puissant pour aménager
des solutions de remplacement qui soient plus
favorables à l’environnement que les produits et
les procédés actuels qui polluent le milieu et
épuisent les ressources non renouvelables. En fin
de compte, ce sont la politique, l’économie,
autrement dit la société, qui diront parmi toutes
les potentialités qu’offre la science, lesquelles
deviendront réalité.
Actuellement, on peut aussi compléter les
propriétés génétiques de certains organismes de
manière qu’ils puissent dégrader des polluants
déterminés, lorsque les organismes qui existent
naturellement ne peuvent pas le faire de façon
adéquate ou assez rapide. En combinant
différents «savoir-faire» métaboliques dans le
même micro-organisme, on pourrait contourner
certains goulets d’étranglement dans
l’assainissement de l’environnement. Jusqu’à
présent, ceci n’a pas été fait en grand.
Principalement, c’est que, dans la plupart des cas,
on peut soit directement trouver des organismes
capables de décontaminer un site pollué qui
existent déjà naturellement soit en sélectionner.
On connaît des exemples de bactéries du sol qui
ont acquis des propriétés nouvelles
consécutivement à l’introduction de
xénobiotiques (c’est-à-dire des composés
chimiques faits par l’homme et qui sont
normalement absents des milieux naturels). Dans
certains cas, ces bactéries paraissent même avoir
acquis les propriétés d’autres espèces. Aux États-
Unis, on a autorisé l’utilisation, pour la
bioremédiation, de certaines bactéries
génétiquement modifiées, mais on n’a pas encore
rapporté d’utilisations faites sur une vaste échelle.
En Europe, seules des expériences-pilotes sur le
terrain, sous contrôle, ont été autorisées.
Le génie génétique peut produire des organismes
nouveaux qui ne pourraient jamais apparaître au
cours de l’évolution naturelle ou par sélection;
par conséquent, le fait qu’on ne puisse pas prédire
leurs interactions potentielles avec l’écosystème
est cause d’inquiétudes. Les organismes
génétiquement modifiés qui sont correctement
maintenus dans le confinement d’installations
autorisées, où ils ont été produits, sont beaucoup
moins préoccupants que ceux qui sont destinés à
être libérés dans l’environnement, tels que les
plantes résistantes à des maladies, ou les bactéries
du sol prévues pour la bioremédiation.
Les effets écologiques potentiels de ces dernières
sont d’autant plus difficiles à évaluer que les
bactéries du sol – c’est un fait bien connu –
échangent fréquemment du matériel génétique,
même entre espèces. Ceci, et le fait que nous
savons peu de choses sur la grande majorité des
espèces bactériennes vivant dans le sol, rend
pratiquement impossible toute prédiction sur le
sort de chaque copie d’ADN correspondant à une
propriété fraîchement introduite dans une bactérie
du sol. Par ailleurs, si l’ADN étranger est tiré
d’une autre espèce de bactéries du sol, il semble d’entre eux ont répondu par l’affirmative. Il reste
raisonnable de soutenir que la bactérie à savoir si ce n’est qu’un vœu pieux ou non. En
génétiquement modifiée aurait tout aussi bien pu dernier ressort, il faudra des preuves solides, à
apparaître une fois ou l’autre par évolution savoir une amélioration des paramètres
spontanée, compte tenu de la fréquence des environnementaux, pour que la biotechnologie
échanges de matériel génétique dans le sol. environnementale soit pleinement acceptée.
LÉGISLATION Des conférences, des débats publics, des
séminaires et des tables rondes ont été organisés
Une réglementation est indispensable pour pour rassembler le public, des représentants des
garantir la sécurité de l’utilisation, dans gouvernements, des organisations écologistes et
l’environnement, d’organismes nouveaux ou des milieux scientifique et industriel, et les
modifiés, et – objectif qui n’est pas des moindres amener à discuter les problèmes cruciaux. Ces
– pour maintenir la confiance du public. L’Union débats animés ne mènent pas toujours à un
européenne a émis deux directives(1,2) concernant consensus, mais ils peuvent permettre d’évaluer
l’usage de micro-organismes génétiquement plus largement tous les aspects d’un problème
modifiés en milieu confiné et la dissémination particulier et faciliter une meilleure
délibérée de micro-organismes génétiquement compréhension des questions qui se posent. Par
modifiés dans l’environnement. La majorité des exemple, récemment, un atelier a eu lieu sur le
pays membres de l’UE ont introduit ces deux thème: «Dans quelle mesure la biotechnologie
directives dans leur législation. Ces directives peut-elle être profitable à l’environnement, et
exigent qu’un projet détaillé de l’expérience, qui comment?»(4).
doit contenir l’évaluation des risques potentiels,
reçoive l’approbation des autorités compétentes, De nombreuses organisations mettent des
avant la dissémination de tout organisme informations à disposition du public, qui sont
génétiquement modifié dans l’environnement. destinées à faire progresser le dialogue et le
Dans certains pays, la nature, et parfois même le débat. On peut en trouver la liste dans le
site de dissémination, doivent être publiés dans la catalogue des sources d’informations, publié par
presse locale. Après plusieurs années le Groupe de travail de l’EFB sur la perception
d’expérience dans l’utilisation de cette des biotechnologies par le public(5); le catalogue
réglementation, les procédures concernées sont peut être commandé auprès de cette organisation.
actuellement en train d’être révisées. Des
amendements destinés à clarifier et à réviser la CONCLUSION
Directive 90/120/EEC ont été publiés en
décembre 1998. Le but de la Commission La carrière de la biotechnologie remonte au siècle
européenne est de maintenir la compétitivité de passé. Puisque l’on prend davantage conscience
l’Union européenne globalement – à la fois sur le de la nécessité de se tourner vers des modèles
plan de la recherche et des applications d’activité économique moins destructeurs, tout en
commerciales – sans compromettre la sécurité. maintenant l’amélioration des conditions
sociales, et ce malgré l’augmentation de la
population, la biotechnologie voit se confirmer
OPINION PUBLIQUE, DIALOGUE ET
son rôle dans la bioremédiation et dans l’écologie
DÉBAT
industrielle. Cette technologie a déjà fait ses
preuves dans un certain nombre de domaines et
Bien que la biotechnologie traditionnelle apporte les développements futurs promettent d’élargir
une contribution précieuse à la bioremédiation et son champ. Certaines nouvelles techniques, qui
que la biotechnologie moderne puisse encore sont actuellement à l’étude, emploient des
aller plus loin sur ce chemin, aucun résultat récent organismes génétiquement modifiés, conçus pour
n’indique ce que les Européens pensent accomplir efficacement des tâches spécifiques.
spécifiquement de la biotechnologie Ainsi qu’il arrive chaque fois qu’une nouvelle
environnementale. Selon une enquête publiée en technologie est mise en œuvre dans
1997 , les Européens ont généralement tendance
(3)
l’environnement, une certaine inquiétude se fait
à adopter une opinion «optimiste» au sujet des sentir. La biotechnologie pourrait apporter une
développements qu’ils attendent de la contribution importante à la protection et à
biotechnologie moderne. Malheureusement, cette l’assainissement de l’environnent. La
enquête ne portait pas sur l’attitude du public biotechnologie est par conséquent en bonne
envers la biotechnologie environnementale. Dans position pour contribuer au développement d’une
cette enquête, l’unique question en relation avec société durable. À l’entrée du nouveau millénaire,
l’environnement demandait si les gens croyaient cela deviendra d’autant plus important et vital
que la biotechnologie moderne réduirait que les populations, l’urbanisation et
substantiellement la pollution, ce à quoi 47% l’industrialisation continueront de croître.
Références
1 Council Directive on the Contained Use of Genetically Modified Micro-organisms. 1990,
90/219/EEC
2 Council Directive on the Deliberate Release into the Environment of Genetically Modified
Organisms. 1990, 90/220/EEC
3 Eurobaromètre 46.1 Les Européens et la biotechnologie: une relation complexe, DG XII,
1997
4 How can Biotechnology benefit the Environment (1997) Report of a Workshop organized
by the EFB Taskgroup on Public Perceptions of Biotechnology and The Green Allience
on 13 January 1997 at the Science Museum in London, ISBN 90 76110 02 6.
5 Biotechnology for non-specialists, a handbook of information sources. (1997) EFB
Taskgroup on Public perceptions of Biotechnology. ISBN 90-76110-01-8
6 Biotechnology for a clean environment. (1994) OECD. ISBN 92-64-14257-6
7 Biotechnology for clean industrial products and processes: Towards industrial
sustainability. (1998) OECD. ISBN 92-64-16102-3