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Bernard Golse
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L’ENFANT, LA PSYCHANALYSE
ET LA PSYCHOTHÉRAPIE
PR BERNARD GOLSE
L’enfant, la psychanalyse et la psychothérapie
Cette réflexion prolonge celles qui avaient été lytique, ou seulement de type psychothéra-
présentées dans ces mêmes colonnes au sein pique ! M. Ody et d’autres auteurs ont bien
du dossier Psychanalyse et psychothérapie : montré que la possibilité de conduire ou non
débats et enjeux 1, réflexions qui avaient une psychanalyse d’enfant dépend aussi, en
ensuite été reprises dans l’ouvrage collectif partie, du fonctionnement psychique des
publié pour rendre compte de la Journée parents. En outre, le correspondant de l’ana-
Scientifique organisée par Daniel Widlöcher lysabilité des adultes renvoie, chez l’enfant, à
et la revue Carnet Psy sur le thème : la fluidité et à la plasticité, effective ou non, de
Psychanalyse et Psychothérapie - Continuons ses imagos parentales, et il y a là, me semble-
le débat 2. En ce qui me concerne, je rejoins t-il, une piste intéressante de recherche quant
tout à fait la position de D. Widlöcher qui a à la ligne de démarcation entre le psychanaly-
pu dire que le conflit polémique entre tique et le psychothérapique.
psychanalyse et psychothérapie ne se
résoudra pas tant que l’existence de la Par ailleurs, avec l’enfant, et peut-être surtout
psychanalyse de l’enfant ne sera pas entière- avec lui, c’est la qualité de l’analyse de la
ment reconnue et admise (avec toutes ses partie inconsciente du contre-transfert du soi-
implications quant à la formation). gnant qui fait que ce travail pourra vraiment
s’avérer de nature psychanalytique, ou ne le
En effet, si l’on accepte pleinement l’existence pourra pas. D’où l’intérêt, à mon sens, de la
de la psychanalyse de l’enfant en tant que Fédération Européenne de Psychothérapie
telle, qu’en découle-t-il immédiatement : Psychanalytique (en service public) qui
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terme de « triple déploiement, dépliage ou met de vivre l’objet en extériorité, c’est-à-dire
décondensation du cadre », concept qui nous comme un objet qui ne fait pas partie de soi,
permet de comprendre comment la dimen- alors que son appréhension monosensorielle a
sion psychanalytique d’un travail peut être tendance à gommer, à effacer ou à réduire
effectivement préservée en dehors même du notre perception de l’écart intersubjectif. Ce
dispositif classique. Le cadre du psychodrame point est, alors, très important à mes yeux, car
- auquel nombre de psychanalystes ne dénient je me demande, en effet, si pour S. Freud, la
pas une éventuelle valeur psychanalytique - décision de se mettre derrière le patient, de
diffère, en effet, de la cure-type sur trois renoncer à le toucher et de renoncer à le voir,
points essentiels : le processus thérapeutique ne correspondait pas seulement à une rupture
ne passe pas que par la parole (s’y ajoutent le profonde avec l’hypnose et la suggestion, mais
langage du jeu, du corps et de l’acte chers à R. aussi à une tentative (certes informulable à
Roussillon), le transfert ne se focalise pas sur l’époque) de renouer, à l’égard du patient, avec
un seul thérapeute (présence des co- un certain en-deçà de l’intersubjectivité et donc
thérapeutes), et la prise en compte exclusive avec les parties les plus infantiles et les plus
réflexions
du registre intrapsychique possible avec les archaïques de son propre fonctionnement ?
patients bien différenciés (principalement
névrotiques) se double ici de la prise en compte Le face-à-face correspond, en effet, à une
du registre intersubjectif ou interpersonnel (ce situation hautement polysensorielle, situation
qui est essentiel avec des patients peu ou mal incluant un espace matériel d’attention
différenciés, des patients dits plus archaïques conjointe où convergent les regards du patient
notamment). Ce concept me semble donc très et du thérapeute (espace jouant comme une
utile pour approfondir ce qui peut se jouer de sorte d’espace potentiel, de matrice des co-
psychanalytique dans le travail avec les fantasmes, des co-pensées et des co-symbolisa-
enfants qui réclame, à l’évidence, des cadres tions), et donnant donc, de fait, une petite
variés et parfois atypiques. prime à la tiercéité et à l’intersubjectivité.
Le dispositif divan-fauteuil, au contraire, cor-
- La question du visage est également intéres- respond à une situation plutôt monosensorielle
sante à prendre en considération. S. Freud ne (avec une place centrale réservée à l’audition
s’est, au fond, jamais véritablement expliqué alors même que S. Freud investissait beaucoup
sur les motivations profondes qui l’avaient plus les arts plastiques que la musique !),
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comment ce que l’on dit fait quelque chose de savoir si l’interprétation ne doit stricte-
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à l’autre, a un impact sur son monde interne, ment porter que sur ce qui est verbalisé, la
et finalement le touche et l’affecte. D’où réponse dépendant probablement, de
notre besoin, dans ce champ du travail avec manière complexe, de la structure du
les très jeunes enfants, d’une linguistique patient, de l’âge du patient et du moment de
moins saussurienne que subjectale et dyna- la cure, voire d’autres facteurs encore à
mique. Ceci étant, notre théorie de l’inter- éclaircir.
prétation dans le cadre de la cure-type
nécessiterait sans doute, aussi, de n’être pas Conclusions
L’enfant, la psychanalyse et la psychothérapie
exclusivement centrée sur l’énoncé, mais Si l’on a pu dire que la différence entre psy-
aussi sur l’énonciation, ce qui nous invite à chanalyse et psychothérapie serait que la psy-
prendre réellement conscience de l’incom- chanalyse vise à aider le patient à élaborer
plétude relative actuelle de notre théorie de une théorie personnelle de sa propre psyché,
l’interprétation psychanalytique. tandis que la psychothérapie ne chercherait
qu’à faire adhérer le patient à la théorie du
A partir de là, on pourra sans doute davantage thérapeute, je laisserai ceci de côté car sans
préciser les points de contact (convergences) doute s’agit-il, dans cette remarque, de
et les différences (divergences) entre les inter- psychothérapies non psychanalytiques.
prétations proprement dites, et ce que l’on
désigne du terme d’interventions. En revanche, P. Aulagnier insistait beaucoup
Je mets, bien entendu, de côté la question des sur la fonction auto-théorisante de la
interventions à visée suggestive qui n’entrent psyché, c’est-à-dire sur le fait que celle-ci
pas dans mon propos, pour dire un mot du cherche à se donner une représentation de
problème très important, notamment avec son propre fonctionnement, et L. Schacht,
les enfant autistes ou psychotiques, en quant à elle, a bien montré que dans la
particulier, des verbalisations (A. Alvarez). dynamique de sa cure (quand celle-ci est
efficace), l’enfant reprend et symbolise
La verbalisation des affects d’un enfant autiste effectivement quelque chose de sa propre
ne suffit bien sûr pas en elle-même, mais croissance psychique. Il y a peut-être, là, un
c’est souvent un long préalable nécessaire. point important de la différence entre
Cette verbalisation peut parfois, néanmoins, psychanalyse et psychothérapie. En tout état
avoir une fonction d’interprétation conte- de cause, l’enfant nous montre l’aspect
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l’objet, Revue Française de Psychanalyse,
1- B. Golse, « Le point de vue d’un
1997, LXI, 2, 399-415.
Pédopsychiatre-Psychanalyste », Carnet Psy,
2006, 105, 40-41. F. Tustin, Les états autistiques chez l’enfant
2- B. Golse, « Le point de vue d’un pédopsy- Le Seuil, Paris, 1986
chiatre-psychanalyste », 17-24, In : « D. Widlöcher, Les nouvelles cartes de la psy-
Psychanalyse et psychothérapie (sous la direc- chanalyse, Ed. Odile Jacob, Paris, 1996.
tion de D. Widlöcher, Erès, Coll. Carnet Psy,
Ramonville Saint-Agne, Paris, 2008.
3- La distinction entre interprétation conte-
nante et interprétation mutative que l’on doit
à E. Jones, est loin d’être aisée, aussi bien
d’ailleurs chez l’adulte que chez l’enfant.
Eléments bibliographiques
réflexions
A. Alvarez, Live company, Routledge,
London, 1992, Traduction française : « Une
présence bien vivante (le travail de psychothé-
rapie psychanalytique avec les enfants autistes,
borderline, abusés, en grande carence affecti-
ve », Editions du Hublot– Coll. « Tavistock
clinic », Larmor-Plage, 1997.
D. Anzieu, Le Moi-peau, Dunod, Paris, 1985
(1ère éd.)
P. Aulagnier, La violence de l’interprétation –
Du pictogramme à l’énoncé, P.U.F., Coll. « Le
fil rouge », Paris, 1975 (1ère éd.).
J.-M. Dupeu, Le psychodrame psychanaly-
tique avec les enfants, P.U.F., Coll. « Le fil
rouge », Paris, 2003.
G. Favez, Psychanalyste où es-tu ?, Éditions de
l’Harmattan, Coll. « Psychanalyse et civilisa-
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