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UN SUJET SANS SUBJECTIVITÉ

Erik Porge

ERES | « Essaim »

2009/1 n° 22 | pages 23 à 34
ISSN 1287-258X
ISBN 978274210735
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-essaim-2009-1-page-23.htm
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Un sujet sans subjectivité

Erik Porge

Si l’état actuel de dispersion des analystes a certes l’avantage de


multiplier les initiatives de recherche, l’on peut cependant constater que
les résultats de celles-ci ne trouvent pas de lieu de confrontation et de
débat à la mesure des enjeux qui se posent aujourd’hui à la psychanalyse.
Il n’existe pas d’instance de garantie qui pourrait faire le partage entre ce
qui prolonge la découverte de Freud et ce qui fait revenir en arrière. Freud
n’est plus là pour écrire la question de l’analyse profane, ni Lacan pour
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lancer son retour à Freud. Dans l’état actuel, seuls de véritables débats sur
des enjeux cruciaux peuvent aider les analystes à ne pas trop errer.
Les multiples rencontres qui ont lieu font bien sûr apparaître des
désaccords de fond, mais ces débats restent la plupart du temps sans
conséquences, se suivent et se répètent comme si les précédents n’avaient
pas existé ou qu’ils n’avaient rien tranché. Par ailleurs, s’il existe de
nombreuses associations de psychanalyse qui, par leur style, leur fonction-
nement, ce qu’elles engagent, diffèrent, ne sont pas toutes équivalentes,
laquelle peut prétendre incarner une position psychanalytique reconnue
par tous comme décisive ?
Ce dont il s’agit, c’est bien d’une reconnaissance partagée de ce qui
constitue un enjeu décisif. Au-delà des appartenances institutionnelles, des
transferts, des fidélités, il semble qu’il y ait une difficulté spéciale à cerner
ce qui fait l’objet même d’un débat, à l’objectiver dans une représentation.
C’est comme si cerner l’objet d’un débat faisait partie du débat lui-même.
Tout se passe comme si les oppositions, avec leur cortège d’arguments et
de réfutations, se perpétuaient sans que puisse se formuler l’enjeu précis du
débat autour duquel tournent les positions des uns et des autres. On peut
se demander si n’est pas à l’œuvre une sorte de démenti (Verleugnung) de
l’objet du débat. Il est reconnu d’une certaine façon mais ses conséquences
sont démenties. Il y aurait peut-être là une particularité de la découverte
analytique comme devant s’effectuer dans l’après-coup, ainsi que Freud

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l’a remarqué, en ce qui le concerne, pour l’existence d’une phase phallique


chez l’enfant 1.
Il existe ainsi, depuis plusieurs années, un courant de pensée, impulsé
notamment par les publications de Charles Melman et de Jean-Pierre
Lebrun, qui prône l’idée d’une assimilation (ou mise en continuité, on
ne sait pas bien de quelle opération il s’agit pour eux) de l’économie
psychique à l’économie libérale de marché, ce qu’ils appellent NEP,
« nouvelle économie psychique 2 ». Celle-ci aurait déterminé une mutation
du sujet avec production de « néo-sujets » dont Jean-Pierre Lebrun dresse
une « phénoménologie 3 ». De nouvelles pathologies seraient le signe de
ces nouveaux sujets. Signalons au passage qu’il s’agit d’une radicalisation
des premiers travaux de Jean-Pierre Lebrun qui avançait au départ que
la nouveauté de ces pathologies « tient non pas à une nouvelle structure
de la psyché, mais à une nouvelle possibilité de contrevenir aux lois du
langage 4 ».
Ce courant de pensée possède une collection chez érès, dirigée par
Jean-Pierre Lebrun, collection dont le nom, Humus, évoquant l’humain,
affirme la conception anthropologique de l’entreprise. Cette dimension
est clairement revendiquée : « La psychanalyse est dans le même mouve-
ment une anthropologie 5. » La situation actuelle, dominée par la nouvelle
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économie psychique, « nous amenait à devoir penser un changement de
grande ampleur aux conséquences anthropologiques incalculables 6 ». À
la suite de Marcel Gauchet, Jean-Pierre Lebrun parle d’un « retournement
anthropologique 7 ». Le déclin du père, la remise en cause de la légitimité
de sa place, « la mort de la société hiérarchique », la disparition de la trans-
cendance, sont les principales caractéristiques de ce retournement. « Dans
cette économie psychique nouvelle que nous sommes en train d’évoquer,
le symbolique n’aurait donc plus sa place de tiers 8. »
Il ne s’agit pas de contester les changements dans la société et ses effets
psychologiques et sociaux. Mais c’est là l’affaire des psychologues et des
sociologues. Le point de vue de l’analyste est autre. En ce qui concerne
le père il se réfère à la structure, celle d’abord énoncée par Lacan de la
métaphore paternelle puis celle, borroméenne, du père nommant. De ce
point de vue l’action du père, qu’il soit identifié à la métaphore ou au

1. Brigitte Lemérer, « Négligences », La psychanalyse : chercher, inventer, réinventer, Toulouse, érès,


2004.
2. C. Melman, Entretiens avec Jean-Pierre Lebrun, L’homme sans gravité. Jouir à tout prix, Paris,
Denoël, 2002.
3. J.-P. Lebrun, La perversion ordinaire. Vivre ensemble sans autrui, Paris, Denoël, 2007, p. 262.
4. J.-P. Lebrun, Un monde sans limite, Toulouse, érès, 1997, p. 195.
5. J.-P. Lebrun, La perversion ordinaire, op. cit., p. 14.
6. Préface de J.-P. Lebrun à L’homme sans gravité, op. cit., p. 13.
7. J.-P. Lebrun, La perversion ordinaire, op. cit., p. 251.
8. C. Melman, op. cit., p. 107.

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père nommant, est indépendante de son caractère dans la réalité ou de sa


psychologie. Lacan n’a cessé de mettre en garde contre la confusion de
nature psychologique entre les carences paternelles concrètes dans la vie
quotidienne et le défaut du signifiant dans la métaphore 9. Le seul risque
est qu’un père se prenne pour le père. Tenant compte de certaines criti-
ques, Jean-Pierre Lebrun a voulu se démarquer d’un « amalgame » entre
père et patriarcat 10. Mais il n’en reste pas moins attaché à une démarche où
ce sont les modifications des comportements des pères, en rapport avec les
mutations sociales supposées représenter à elles seules le symbolique, qui
vont se refléter dans la fonction métaphorique du père. « Le père, orphelin
de l’appui du patriarcat, ne dispose plus d’une légitimité qui va de soi pour
asseoir son intervention 11. »
Cette sorte d’empirisme se retrouve dans la désignation des préten-
dues nouvelles pathologies, censées justifier l’existence des néo-sujets.
Prenons le cas de l’hyperactivité. Dans l’ouvrage de Charles Melman et
Jean-Pierre Lebrun nous lisons : « J.-P. Lebrun : Ne pourrait-on évoquer,
à propos de “tenir en place” précisément, ces enfants hyperactifs que les
pédiatres appellent hyperkinétiques ? Ce symptôme ne renvoie-t-il pas
aussi à la nouvelle économie psychique ? – C. Melman : Effectivement 12. »
C’est une chose de remarquer qu’un enfant « ne tient pas en place » et
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une autre d’en faire le « symptôme » (psychiatrique) d’une maladie qu’on
va appeler « hyperactivité ». Celle-ci, on le sait, n’a aucune consistance
structurale, elle est le produit d’une invention des laboratoires désireux
de vendre la Ritaline. Que signifie dès lors que des analystes reprennent
ce diagnostic à leur compte et en plus le considèrent comme illustrant la
nouvelle économie psychique, soit « l’incidence effective sur la structure
subjective des changements majeurs intervenus dans notre société – telles
par exemple la fin du patriarcat ou encore la dissociation récemment
obtenue entre jouissance sexuelle et reproduction 13 » ? N’y a-t-il pas dans
cette démarche nosographique quelque chose comme un déni de la valeur
signifiante du « tenir en place » qui, dans chaque cas, prend une significa-
tion différente selon l’autre signifiant auquel il renvoie ? Le nom « hyper-
actif » transforme les enfants qui ne tiennent pas en place en enfants
hyperactifs qui vont faire le bonheur des statistiques et des examens de
laboratoire les plus sophistiqués. Sans compter les élucubrations soi-disant
analytiques.

9. J. Lacan, « Du traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 578.


10. J.-P. Lebrun, La perversion ordinaire, op. cit., p. 303.
11. Ibid., p. 304.
12. C. Melman, op. cit., p. 120.
13. J.-P. Lebrun, op. cit., p. 16.

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En ouvrant ces vannes la nouvelle économie psychique participe d’un


déni des conséquences de l’acte de nomination et revient à une position
anté-saussurienne où le langage serait une nomenclature. C’est « la
nouvelle économie psychique » qui est une erreur de nomination, car elle
entretient, dans la pratique et la doctrine une confusion entre la psychana-
lyse, la sociologie et la psychologie.
À plusieurs reprises nous avons fait part de nos objections aux thèses
de ce mouvement de pensée et Jean-Pierre Lebrun, qui est homme de
dialogue, n’avait pas refusé de les entendre. Cependant, en dépit de
quelques tentatives avortées il n’avait pas été possible d’organiser un
débat public sur ce sujet. C’est ce que réussirent à organiser un collectif de
plusieurs associations de psychanalyse, dont celle de Jean-Pierre Lebrun,
en nous invitant, Franck Chaumon et moi-même, à venir soutenir nos
positions contraires aux siennes à une Journée de travail à Bruxelles le
13 septembre dernier 14. C’est donc avec gratitude pour son geste que nous
avons répondu à son invitation.

En reprenant ici, par écrit, les propos que j’ai tenus ce jour-là, mon
souhait est de contribuer à relancer un débat qui, selon moi, ne fut pas
mené à son terme.
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D’emblée le titre qui introduisait le débat m’est apparu comme faisant
lui-même partie du débat. La question qu’il posait constituait en fait impli-
citement une prise à partie de ceux dont nous contestions la validité des
thèses, soit des tenants de la nouvelle économie psychique pour résumer.
« Quelle subjectivité pour notre époque ? », tel était le titre d’annonce
de la rencontre. Nous commencerons par montrer que cette question
constitue en fait déjà une réponse.
Ce titre est censé reprendre une citation du « Discours de Rome »
(1953) de Lacan, mise en exergue à l’argument de la « Journée de rencon-
tres et de débats » : « Que renonce plutôt à la pratique analytique celui qui
ne peut rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque. Car comment
pourrait-il faire de son être l’axe de tant de vies, celui qui ne saurait rien de
la dialectique qui l’engage avec ces vies dans un mouvement symbolique.
Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre conti-
nuée de Babel, et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des
langages. »
En fait, cette citation déforme l’original dont le début commence par :
« Qu’y renonce donc plutôt celui qui ne peut rejoindre à son horizon la
subjectivité de son époque […] 15. » Le « que renonce plutôt à la pratique
analytique… » s’est substitué à « Qu’y renonce donc plutôt… » où le « y »

14. Cf. le texte de l’annonce de cette Journée en Annexe, p. 33.


15. J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 321.

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ne signifie pas « la pratique analytique » mais « l’engagement du sujet dans


sa pratique » qui se trouve dans la phrase précédente se terminant donc
par : « […] la fin de l’analyse didactique elle-même n’étant pas séparable
de l’engagement du sujet dans sa pratique. » Dans la citation en exergue
« la pratique analytique » se substitue à « l’engagement du sujet dans
sa pratique ». La distorsion peut paraître minime mais son importance
n’échappera pas aux oreilles averties des psychanalystes. D’abord le texte
original adopte le point de vue du sujet, et de son engagement et ne se
place pas en position extérieure et prescriptive sur la pratique. Ensuite
cette question de l’engagement du sujet est posée comme non séparable de
la fin de l’analyse didactique elle-même. La question de l’engagement du
sujet dans sa pratique n’est pas séparable d’une version de la fin de l’ana-
lyse et en l’occurrence de celle que propose Lacan en 1953, à savoir, comme
il le dit quelques lignes plus haut, que « la question de la terminaison de
l’analyse est celle du moment où la satisfaction du sujet trouve à se réaliser
dans la satisfaction de chacun, c’est-à-dire de tous ceux qu’elle s’associe
dans une œuvre humaine ». C’est donc à l’aune de cette « satisfaction »
(satis : c’est assez) que s’évalue l’engagement du sujet. Par la suite Lacan
énoncera d’autres versions de la fin de l’analyse (où il ne sera plus question
de rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque), c’est donc en
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fonction de celles-ci que se remaniera l’appréciation de l’engagement du
sujet dans sa pratique.
Nous ferons remarquer en outre que Lacan ne parle pas de « subjec-
tivité pour notre époque » comme le titre le prétend mais d’un « rejoindre
à son horizon la subjectivité de son époque ». Il ne s’agit pas de fournir
un attribut à cette subjectivité mais de la rejoindre et qui plus est à son
horizon. Autrement dit on ne la rejoint jamais sinon dans le point de fuite
de la perspective, soit dans le montage d’un tableau, piège à regard. Le
mot horizon est un mot qui a du poids chez Lacan et il doit être entendu
justement pour sa référence à la perspective, dont l’entrée est datée histo-
riquement. Dans son séminaire L’objet de la psychanalyse (1965-1966) Lacan
expose comment la perspective a introduit la problématique du sujet (et
même d’un sujet divisé entre point de fuite et point de distance) avant
même le cogito de Descartes. Le sujet, tel que l’entend la psychanalyse, est
donc corrélatif de l’introduction d’une structure visuelle de l’espace, dite
géométrie projective, faite d’une combinatoire de points, lignes, surfaces
dont le fondement intuitif s’évanouit derrière les nécessités combinatoires.
Or, la géométrie projective ne se réfère pas à un monde sphérique. « La
cohérence d’un monde signifiant à structure visuelle est une structure
d’enveloppe et nullement d’indéfinie étendue 16. » Lacan détaille, dans

16. J. Lacan, L’objet de la psychanalyse, 4 mai 1966, inédit. Cf. J.-P. Georgin et E. Porge, « Au-dessus de
l’horizon il n’y a pas le ciel », Littoral n° 29, Toulouse, érès, 1989.

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L’objet de la psychanalyse, le passage de la géométrie projective à la topologie


du plan projectif et cela le conduit à conclure « qu’au-dessus de l’horizon il
n’y a pas le ciel 17 », mais la continuation, derrière soi, du plan projectif.
C’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’il reprenne le terme d’horizon
dans son texte sur la passe en 1967 : « Je veux indiquer que conformément
à la topologie du plan projectif c’est à l’horizon même de la psychanalyse en
extension que se noue le cercle intérieur que nous traçons comme béance
de la psychanalyse en intension 18. »
Rejoindre cet horizon, qui est aussi bien celui de la subjectivité, c’est
nouer la psychanalyse en extension (tout ce qui présentifie la psychana-
lyse au monde, au public, recherches, présentations, colloques…) avec la
psychanalyse en intension (la cure avec notamment son issue didactique)
selon une topologie qui n’est pas celle du cercle ou de la sphère avec sa
frontière intérieur-extérieur, mais celle du cross-cap (ou du plan projectif)
ou de la surface de Boy avec son point triple.
À la fondation de l’École freudienne de Paris, Lacan énonce que « la
psychanalyse est partout, les psychanalystes autre part 19 ». Rejoindre
l’horizon dont il parle c’est précisément se situer dans l’« autre part », au
croisement des cercles intérieur et extérieur de l’intension et de l’extension,
suivant la coupure en huit intérieur qui sépare et conjoint le disque et la
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bande de Moebius formant le cross-cap.
Rejoindre l’horizon c’est suivre un trajet, le trajet d’une coupure qui
engendre une surface, ici celle du cross-cap. La double boucle de cette
coupure fermée s’oppose à la spire où, dit Lacan dans le discours de Rome,
son époque entraîne l’analyste et, ajoutons, l’aspire.
Parler de « subjectivité de notre époque » relève aujourd’hui, selon
nous, du pire. Pourquoi ?
D’abord parce que la question est posée à un tel niveau de généralité
qu’elle ne saurait rencontrer de réponse satisfaisante. Il ne saurait y avoir
de subjectivité générale commune pour une époque. En outre, son indéter-
mination autorise tous les malentendus. Dissipons-en un tout de suite. Ce
qui nous importe, c’est d’avoir un usage un peu rigoureux du terme sujet
en psychanalyse. Il ne s’agit pas de son usage dans des discours politique,
économique, sociologique… où apparaît la conception d’un sujet transpa-
rent à lui-même et aux autres, et se résumant à une somme d’informations
qui l’objectivent dans une représentation et l’identifient. C’est au regard
de cette conception que certains réagissent en y opposant la subjectivité, la
subjectivation comme le propre du sujet. Il y aurait de « faux » sujets sans
subjectivation et de « vrais » sujets avec subjectivation.

17. Ibid., 4 mai 1966, inédit.


18. J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 256.
19. J. Lacan, « Préambule à l’acte de fondation », Autres écrits, op. cit., p. 237.

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On ne saurait reconduire ce mode de distinction en psychanalyse. C’est


pourtant ce que faisait l’argument de cette journée de Bruxelles : « Quelle
subjectivité pour notre époque ? » Celui-ci présuppose qu’il n’y aurait pas
de distinction entre subjectivité et sujet, que l’un implique l’autre, que la
subjectivité est l’essence du sujet comme la choséité celle de la chose.
Or, il n’en est rien pour la psychanalyse. Sujet et subjectivité sont
deux termes disjoints, qui s’excluent l’un l’autre dans le temps où ils
apparaissent.
« Il faut décrotter le sujet du subjectif », dit Lacan dans sa Proposition
du 9 octobre 1967 20. Le sujet n’a pas de subjectivité, il ne se subjective pas, il
s’institue dans sa destitution (Le désir et son interprétation, 1958) car il n’est
que représenté par un signifiant pour un autre signifiant. Là où il y a sujet
il y a fading de la subjectivité. Dans cet espace-temps entre deux signifiants
il est forclos, signe de rien, pure hypothèse. Supposé, il ne suppose rien.
Il a la réalité d’une Spaltung, du rien d’une coupure, celle de la bande de
Moebius : « La bande de Moebius c’est une surface telle que la coupure
qui est tracée en son milieu soit elle une bande de Moebius. La bande de
Moebius dans son essence c’est la coupure même. Voilà en quoi la bande
de Moebius peut être pour nous le support structural de la constitution du
sujet comme divisible. » Et : « Chaque fois que nous parlons de quelque
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chose qui s’appelle le sujet nous en faisons un “un”. Or ce qu’il s’agit de
concevoir c’est justement ceci : il manque l’un pour le désigner 21. »
Parler de « nouveaux sujets », comme le font les partisans de la
nouvelle économie psychique, est donc un non-sens du point de vue de
la psychanalyse. Son sens ne peut être que psychologique, sociologique,
juridique…
L’analyste est un généraliste du sujet, pas un spécialiste des subjec-
tivités (de l’enfant, de l’adolescent, des drogués, des déprimés… des
nouvelles pathologies, des nouveaux sujets).
Généraliser de façon logique la définition du sujet (un signifiant le
représente pour un autre signifiant), ainsi que les opérations qu’elle permet
(l’aliénation et la séparation par exemple) permet d’entendre la parole de
subjectivités à chaque fois singulières. Grâce à cette généralisation Lacan a
pu écrire une structure d’un nombre restreint de discours qui articulent un
rapport entre une subjectivité particulière, différente pour chaque parlêtre,
et l’ex-sistence unique du sujet 22.
Selon la place du sujet, écrit $, dans chaque discours, les rapports
entre les énoncés et les énonciations subiront des déterminations diffé-

20. J. Lacan, Autres écrits, op. cit., p. 248.


21. J. Lacan, L’objet de la psychanalyse, 15 décembre 1965, inédit.
22. Il s’agit des quatre discours de l’hystérique, du maître, de l’analyste et de l’universitaire auxquels
il faut ajouter celui du capitaliste, par transformation du discours du maître.

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rentes et auront des effets différents sur les autres, dans le lien social.
Mais le sujet reste le même, toujours aussi divisé et une parole singulière,
dans une expérience subjective particulière, peut toujours s’affranchir de
ces déterminations, par exemple en passant à un autre discours. Chacun
des discours est susceptible de permuter dans un autre, par rotation des
termes à une place différente. Il en résulte qu’on ne parle pas du sujet d’un
point de vue de Sirius mais seulement en étant impliqué par un discours.
Il n’y a pas de point de vue totalement extérieur et objectif d’où l’on puisse
énoncer une généralité sur le sujet. Si point de vue extérieur il y a, il est
fonction d’une place dans un discours, donc elle-même soumise à des
déterminations qui divisent à leur tour celui qui s’y met.
Alors comment cerner de plus près l’erreur de ceux qui confondent
subjectivité et sujet ? Cette erreur revient à confondre le sujet comme terme
logique et le « je » grammatical et du coup à supprimer l’espace topolo-
gique de leur différence où se glisse le désir inconscient. Car le désir est
articulé logiquement mais pas articulable par un je.
Cette confusion ne date pas d’aujourd’hui. Déjà Nietzsche la dénon-
çait (dans sa critique de Descartes, puisqu’il l’en rendait responsable) en la
qualifiant de routine grammaticale (grammatischen Gewohnheit) 23.
Définir l’existence logique d’un sujet de l’inconscient, différent du je
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grammatical, est la façon qu’a trouvée Lacan de répondre à la question
de Freud dans sa Métapsychologie : « Comment parvenir à la connaissance
de l’inconscient ? » sans le transformer en deuxième conscience ? Le sujet
de l’inconscient n’est pas sujet dans l’inconscient. Il n’est rien de substan-
tiel, il est moment d’éclipse qui se manifeste dans la fente de l’une bévue
(Unbewusste). Pour le « je » qui parle, le sujet de l’inconscient est un « il » et
non pas un autre « je ». Le sujet est la division elle-même entre ce « je » qui
parle et ce « il ». Il se situe « à un second degré de l’altérité 24 ». À ce que
Freud appelait « l’hypothèse de l’inconscient » Lacan substitue « l’hypo-
thèse du sujet » en prenant hypothèse au sens littéral (hypo, ce qui est en
dessous, sub). Et ce qui est sous, c’est le sujet (sub-jet).
Pour « décrotter le sujet du subjectif » Lacan conseillait de se souvenir
d’Aristote. De fait, il est beaucoup revenu à partir de 1967 à la notion
d’hypokeimenon en tant qu’elle anticipe celle de sub-jectum, su(b)-jet.
Pour mesurer l’importance de cette notion dans la préhistoire du sujet
on peut se reporter aux livres très savants d’Alain de Libera où il retrace
l’archéologie du sujet dans la période précartésienne 25. La lecture philo-
sophique de Descartes, qui n’est pas celle de Lacan, réalise la jonction entre

23. F. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, I, § 17.


24. J. Lacan, « L’instance de la lettre dans l’inconscient », Écrits, op. cit., p. 524.
25. A. de Libera, Archéologie du sujet, 1. « Naissance du sujet », 2. « La quête de l’identité », Paris, Vrin,
2008.

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Un sujet sans subjectivité • 31

le « je » agent de la pensée et le sujet comme substrat ou être, entre le « je »


grammatical et le sujet logique. C’est ce que Heidegger dans un livre sur
Nietzsche appelle le passage de la subjectité (une métaphysique de l’être) à
la subjectivité moderne où l’ego est devenu le sujet 26. En prenant appui sur
les textes théologiques, particulièrement ceux concernant la Trinité, Alain
de Libera montre qu’en fait la jonction du « je » et du sujet a commencé
à s’opérer dès le Moyen Âge, notamment avec saint Thomas (p. 343). Il
débrouille la complexité des textes qui ont contribué à ce qu’il appelle un
« chiasme de l’agence » (le sujet est agent de la pensée) à partir de l’hypo-
keimenon aristotélicien, qui n’est ni « je » ni « moi » et qui apparaît divisé
pour autant qu’il y a une difficulté logique à « dire le sujet » : s’agit-il de ce
qui est dit d’un sujet ou de l’être dans un sujet ? Du sujet d’attribution ou
du sujet d’inhérence ? D’un sujet logique ou d’un sujet ontologique ?
On regrette que nos modernes économistes du psychisme n’aient plus
ces délicatesses pour parler du sujet.
Si Lacan est si souvent revenu aux textes d’Aristote et a promu le
terme d’hypokeimenon, c’est pour dire quelque chose du sujet en sortant de
la routine grammaticale qui fait l’étoffe du fantasme, celui selon lequel il y
aurait de « nouveaux sujets ».
Pierre-Christophe Cathelineau a écrit un livre éclairant 27 sur la lecture
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par Lacan d’Aristote où il aborde la question de l’ambiguïté qui existe
chez celui-ci entre l’hypokeimenon et l’ousia, qu’il propose de traduire par
« essence » plutôt que « substance » dans la mesure où ce dernier terme
reconduit justement l’ambiguïté. Pour la même raison Lacan propose la
traduction de ousia par « étance » ou « être 28 ». Selon Cathelineau, Lacan
lit dans cette ambiguïté un tressage qui anticipe le sien, celui entre le
sujet logique de l’inconscient – l’x qu’il faut supposer dans le réel pour
commencer à penser, le sujet de la science –, tressage donc entre ce sujet et
l’objet a, cause du désir, qui vient prendre la place de l’ousia, l’être du sujet,
sous la forme de l’un des quatre objets a, dont la crotte.
L’être du sujet n’est pas la subjectivité, c’est sa crotte.
La distinction fondamentale entre sujet et subjectivité, que nous
avons posée d’entrée de jeu, nous est apparue, dans l’après-coup, comme
ayant été un objet décisif du débat de ce samedi de septembre à Bruxelles.
Celui-ci a-t-il été reconnu comme tel pendant le débat ? De fait non, et cela
pose question. Notamment celle que nous avons dite en commençant, à
savoir que l’objet du débat faisant partie du débat, les conséquences de
celui-ci font l’objet d’un démenti : oui il y a des divergences, des différences

26. M. Heidegger, Nietzsche, t. II, Paris, Gallimard, 1961.


27. P.-C. Cathelineau, Lacan lecteur d’Aristote, Paris, Éd. de l’AFI, 1998.
28. J. Lacan, D’un Autre à l’autre (1968-1969), Paris, Le Seuil, 2006, p. 348 et p. 206.

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d’opinion, mais quand même continuons à discuter comme si rien de décisif


dans ses conséquences n’avait été atteint et même ne pouvait être atteint.
Pourtant ces conséquences nous semblent graves pour la psychana-
lyse. En faisant coïncider sujets et subjectivités avec les déterminations
sociales (très générales et imprécises) on oublie la parole singulière. Là où
des sujets sont identifiés du dehors, ils sont fixés à une identification qui
fait identité. L’argument que cette identification puisse être reprise à son
compte par un individu ne laisse pas la possibilité qu’il ne s’y réduise pas
et qu’il y ait un écart entre l’énoncé et l’énonciation. Qu’il soit dit d’un
individu « il est déprimé » et que celui-ci reprenne « je suis déprimé » ne
signifie pas que le sujet s’identifie à la dépression, qu’il y demeure, qu’il
y est identique (l’identité à soi faisant l’être) et que ce soit le fin mot de
l’histoire.
Identifier le sujet à un énoncé du discours social – dont on n’a
d’ailleurs pas précisé les termes, qui reste très général, vague, un « on »,
la rumeur… – est une démarche objectivante qui rejette le sujet dans une
aliénation imaginaire et qui empêche l’analyse. Il n’est pas étonnant dès
lors que ces « nouveaux sujets » soient considérés comme inanalysables.
En fait ils sont expulsés de l’analyse par une nomination identificatrice
intempestive. C’est au départ qu’il y a eu dans l’écoute de l’analyste un
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épinglage qui signe un refus de l’offre spécifiquement analytique. On ne
sait pas d’ailleurs ce que les analystes de la nouvelle économie psychique
proposent pour ces « nouveaux sujets » et ils ne disent pas comment, avec
la psychanalyse (et non la psychothérapie), ils peuvent s’en débrouiller.

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Un sujet sans subjectivité • 33

Annexe

Psychanalyse, champ social et santé mentale

organise une journée de rencontres et de débats


le samedi 13 septembre 2008

Quelle subjectivité pour notre époque ?

avec la participation de
Franck Chaumon (psychanalyste à Paris)
Dany-Robert Dufour (philosophe)
Martine Menès (psychanalyste à Paris, EPFCL)
Jean-Marie Forget (psychanalyste à Paris, ALI)
Jean-Pierre Lebrun (psychanalyste à Namur, AF)
Erik Porge (psychanalyste à Paris, la Lettre lacanienne)

Que renonce plutôt à la pratique analytique celui qui ne peut rejoindre à son
horizon la subjectivité de son époque, écrivait Lacan dès 1953. Car comment pour-
rait-il faire de son être l’axe de tant de vies, celui qui ne saurait rien de la dialec-
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tique qui l’engage avec ces vies dans un mouvement symbolique. Qu’il connaisse
bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre continuée de Babel, et qu’il
sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages…
Depuis quelques années, des auteurs se situant dans différents
domaines des sciences humaines ont observé et étudié les importantes
mutations survenues dans nos sociétés au cours des dernières décennies.
Plusieurs psychanalystes ont tenté de cerner l’incidence de ces transfor-
mations sur la subjectivité de notre époque. Les hypothèses et les conclu-
sions auxquelles certains sont parvenus ont ouvert un important débat.
Assistons-nous à un changement profond atteignant la subjectivation dans
nos sociétés ? Avons-nous affaire à des nouveaux sujets et à de nouvelles
pathologies ? Devons-nous concevoir de nouvelles cliniques ? Avons-nous
seulement affaire à un changement dans la formulation des demandes ?
Pour répondre de manière rigoureuse, il faut préciser le domaine
d’incidence des mutations observées. S’agit-il de la structure, c’est-à-dire
de ce qui se détermine du fait de l’extériorité du langage par rapport au
vivant humain ? S’agit-il des structures, c’est-à-dire de la position spéci-
fique d’un sujet dans son rapport à la structure du langage. Ou s’agit-il de
l’entité sociale et juridique de la personne telle qu’elle se détermine dans
l’état présent du lien social et de la civilisation ? Par ailleurs, quelles consé-
quences faut-il en tirer pour la pratique de la psychanalyse, ainsi que pour
toute autre pratique qui converge avec elle quant à son intention ?

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34 • Essaim n° 22

Psychanalyse, champ social et santé mentale qui regroupe des psychana-


lystes de plusieurs associations propose de confronter différentes appro-
ches de ces questions en suscitant un débat entre cinq analystes et un
philosophe qui ont eu recours aux outils théoriques de Freud et de Lacan
pour les élaborer. C’est la forme de la confrontation, mettant l’accent sur
l’importance des échanges, qui nous a paru devoir prévaloir : la discussion
sera ouverte après de courtes présentations des enjeux du débat.

Comité d’organisation : Christian Centner (EPSF), Evelyne Chambeau (Asso-


ciation de forums du champ lacanien-Bruxelles), Michel Coddens et Anne-
Marie Devaux (Forum du champ lacanien du Brabant), Michel Elias (Acte
psychanalytique), Sylvain Gross (Questionnement psychanalytique, EPSF),
Jean-Pierre Lebrun (Association freudienne), Pierre Marchal (Associa-
tion freudienne), Martin Petras (Questionnement psychanalytique), Felix
Samoïlovitch (Questionnement psychanalytique), Joseph Le Ta Van (Acte
psychanalytique).

De 9 h 30 (accueil) à 17 h
Au 15 avenue de Rodebeek, 1030 Bruxelles (métro Diamant)
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Participation aux frais : 30 € (étudiant sur présentation de la carte :
20 €) ; inscription sur place. Renseignements : s’adresser à Michel
Coddens, mcoddens@brutele.be, tél. : 0495 25 00 35

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