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L'ÉTHIQUE DU BIEN ET LE DÉSIR DU SUJET

Patrick Guyomard

De Boeck Supérieur | « Cahiers de psychologie clinique »

2001/2 n° 17 | pages 9 à 18
ISSN 1370-074X
ISBN 2804136205
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2001-2-page-9.htm
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PENSER LA SANTÉ MENTALE
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L’ÉTHIQUE DU BIEN ET
LE DÉSIR DU SUJET
Patrick GUYOMARD*

La dimension éthique a toujours été présente, sous ses multiples


aspects, dans la démarche de Freud, en tant qu’homme aussi bien
qu’en tant que psychanalyste. Cependant, le terme d’éthique est peu
présent dans son œuvre, sauf dans la dernière partie, bien que toujours
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de façon significative, en particulier à propos du transfert.
Freud, sans employer le mot d’éthique, en a toujours parlé. Je dirai
plus loin pourquoi, à mon sens. Lacan, en revanche, avait écrit « une
éthique s’annonce »1 dès 1958. Il se fixait ainsi une tâche à laquelle il
allait se consacrer l’année suivante. Le séminaire sur l’Éthique de la
Psychanalyse était celui auquel il tenait le plus. Il y avait sans doute
engagé le plus de ce qui le tenait à l’analyse comme ce par quoi
l’analyse le tenait – ce qu’il savait et ce « dont il ne voulait rien
savoir ». C’est sans doute la raison pour laquelle après ne l’avoir « pas
publié », il ne put jamais le réécrire. Aujourd’hui, les interrogations
sur l’éthique dans le domaine de la biologie, de la médecine, de la
psychiatrie, mais aussi dans les domaines du droit et de la politique
reviennent de façon insistante comme un appel à une redéfinition
permanente de l’humain et des liens sociaux qui font l’humanité. Nous
nous trouvons devant des événements, des spectacles terrifiants, des
horreurs, des scènes insoutenables ou impensables qui nous font dire,
face à cela, que les limites de l’humain vacillent. Mais ces limites de * Psychanalyste.
Société
l’humain, l’insoutenable, font aussi partie de l’humanité. Quand on dit Psychanalystique
que l’homme se conduit comme un animal, il faut bien savoir que cette freudienne, rue
animalité n’a peut-être pas grand-chose à voir avec celle de l’animal. Campagne Première 23,
F – 75014 Paris
L’animalité de l’homme, nomme quelque chose d’humain, qui a peu
1 Jacques Lacan,
à voir avec l’animalité de l’animal mais qu’on ne sait pas nommer Écrits, Seuil, Paris 1966,
autrement. p. 684.

11
12 L’éthique du bien et le désir du sujet

La psychanalyse a commencé presque comme une technique mé-


dicale en se fondant sur le désir de Freud, c’est-à-dire une réponse
clinique, un geste originaire face à la souffrance et aux symptômes de
l’hystérie. Ce geste de Freud – à la fois inaugural et profondément
porté par les mutations de son temps – s’inscrit aussi dans une pensée
et une redéfinition de l’humain. Les psychanalystes, à la suite de
Freud, quelles que soient leurs divergences, leurs différences et leurs
diversités, ont de plus en plus contribué à ce que la psychanalyse
devienne dépositaire et garante d’une certaine idée de la subjectivité.
En préparant cette conférence, je relisais des textes de Françoise
Dolto, dont son intervention à un débat qui eut lieu il y a environ une
dizaine d’années, après la mort de Lacan, sur l’avenir de la psychana-
lyse. Il y avait plusieurs tendances et en particulier un certain nombre
d’analystes s’interrogeaient (c’était à la Sorbonne) sur la pérennité de
la psychanalyse. Après tout, la psychanalyse a eu un commencement ;
or tout ce qui a un commencement peut avoir une fin. La psychanalyse
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peut-elle durer toujours ? Notre histoire est faite de grands mouve-
ments sociaux, politiques, religieux qui ont été à un moment déposi-
taires d’un certain nombre de valeurs : reconnaissance de la diffé-
rence, différence entre l’homme et la femme, entre l’homme et
l’animal, respect de l’enfant, etc. – mais ce dont ils ont été les
dépositaires, ils ne le sont pas toujours restés. Ainsi, la psychanalyse
peut disparaître et laisser la place à autre chose, c’est ce que soute-
naient certains psychanalystes. Là-dessus, Françoise Dolto est inter-
venue pour donner sa propre conception de la psychanalyse – c’est
plus qu’une conception, c’est une position de la psychanalyse que
Lacan avait le premier inscrite et que nous sommes nombreux à
soutenir. Elle n’imaginait pas une civilisation sans la psychanalyse
parce que, selon elle, la psychanalyse avait la charge de la question de
la parole dans l’être humain. On peut considérer que c’est un idéal.
La psychanalyse a une visée éthique, celle de la valeur de la parole
et de l’être humain en tant qu’être de langage. Dolto l’inscrit dans des
phrases fortes et directes qui, avec Lacan, balisent le champ freudien.
« Tout est langage », dit-elle avant d’en faire le titre d’un de ses livres.
« La psychanalyse, c’est la communication par tous les moyens. » Il
ne faut pas entendre cette phrase comme une apologie des techniques
de communication, mais comme le rappel de l’invention de la psycha-
nalyse. Le dispositif analytique (le cadre, la durée des séances,
l’association libre) a pour fonction de rendre l’analyse possible. Mais
comment le serait-elle sans le maintien des conditions favorisant une
L’éthique du bien et le désir du sujet 13

parole possible – et surtout une parole inconsciente, sans laquelle le


savoir inconscient resterait à la fois agissant et refoulé.
Il n’est pas nécessaire de partager une idéologie de la communica-
tion pour rappeler que si l’inconscient, « ça parle » (et bien souvent en
vain, quoique jamais sans effets), il appartient aux psychanalystes de
créer les conditions d’une écoute possible et d’une autre puissance de
la parole. Avec de l’offre, écrivait Lacan, j’ai créé de la demande. La
psychanalyse est offre de parole et remaniement de la demande pour
ouvrir à la dimension du désir. Comment le ferait-elle sans être aussi
présente, malgré les paradoxes de cette position, dans des lieux
institutionnels où la souffrance psychique vient se dire ?
L’inconscient est à la fois rupture et continuité, perte et impossible
refoulement (retour du refoulé). Il est ce qui « par sa nature se perd »
mais aussi ce dont la levée du refoulement permet de « rétablir la
continuité de mon discours » (Lacan). Il est « coupure en acte » et si
« ça ne cesse pas de ne pas s’écrire », ça ne cesse pas pour autant de
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parler. Le postulat freudien de l’inconscient est une ressource contre
les silences, les oublis et les multiples ruptures de « communication ».
Comme le désir, la parole est irréductible.
La valeur éthique de la psychanalyse est profondément liée à la
place qu’elle accorde à la parole inconsciente. À condition qu’elle
évite les pièges de la méconnaissance, de l’idéalisme et de la naïveté
et n’oublie pas que l’inconscient impose aussi une subversion du sujet.
Cette valeur est instaurée par le geste de Freud au moment où il
abandonne l’hypnose. On aurait tort de réduire cet abandon aux
progrès cliniques et théoriques de la psychanalyse.
L’hypnose (« la suggestion », comme l’appelle Freud en 1921) ne
peut seulement être renvoyée à ce temps de débuts et des premières
expériences, à un moment pré-analytique, irréversiblement dépassé et
délaissé par le développement de la connaissance. Sa question conti-
nue à accompagner la psychanalyse sous les aspects de l’amour de
transfert, de la suggestion et de « l’aptitude à être suggestionné »
(Psychologie des masses et analyse du moi), de la télépathie et de
certains traits du surmoi.
L’hypnose a une efficacité que la psychanalyse a toujours recon-
nue. Il est donc vain de la faire valoir contre elle. En revanche, les
raisons qui ont conduit Freud à y renoncer sont à la fois cliniques et
éthiques, elles montrent bien que les débuts de la psychanalyse se
situent à ce carrefour, au croisement de multiples questions et enjeux
qui impliquent la visée de la cure, ses espoirs et aussi ses idéaux.
14 L’éthique du bien et le désir du sujet

Freud abandonne l’hypnose parce qu’elle n’est pas applicable à


tous (certains patients ne peuvent être hypnotisés) mais surtout parce
que ses effets restent limités. Les connaissances acquises sous hyp-
nose, les souvenirs traumatiques et sexuels ne sont pas accessibles au
sujet éveillé, et l’influence exercée sur le patient (l’incitation à
abandonner et modifier les symptômes) est peu durable. Son succès,
par ailleurs relatif, reste largement tributaire du transfert, thème que
Freud reprendra plus tard dans l’étude des effets « thérapeutiques »
des foules, elles aussi tributaires de la personne du meneur. Il lui
apparaît donc peu profitable de faire l’économie du travail de
remémorisation. Il est préférable que le patient se souvienne qu’il se
souvient, même si cette voie est plus longue que le court-circuit de
l’hypnose. D’autre part, la prise en compte du transfert et de ses effets
va de plus en plus imposer à Freud, puis à ses successeurs, l’analyse
du transfert et l’idéal d’une disparition des symptômes qui perdure à
la réduction du transfert.
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Ainsi l’hypnose fait-elle indûment l’économie de la résistance que
la technique de l’association libre vise à la fois à ne pas méconnaître
et à surmonter. La résistance est intégrée au processus analytique qui
ne peut s’instaurer sans en tenir compte. Le transfert est à la fois
résistance et mise en acte de l’inconscient. Dès 1914, le travail de
l’analyste – la tâche analysante dira Lacan – se déplace vers la
perlaboration. Au-delà du souvenir et de la mémoire, au-delà de la
répétition sous ses multiples formes (répétition du transfert, retour des
signifiants), la spécificité de l’analyse, les conditions de sa réussite,
comme sa fonction « civilisatrice » se concentrent sur la perlaboration.
C’est elle, à la fin de l’article que Freud lui consacre (« Remémoration,
répétition, perlaboration ») qui distingue l’analyse de la suggestion.
Ne pas faire l’économie de la résistance, c’est bien ce que fait –
parfois malgré elle – la psychanalyse. Il faut pour cela distinguer la
résistance du narcissisme, liée à l’imaginaire du moi (lui-même
distinct du narcissisme primaire), l’insistance répétitive du signifiant
qui est un effet du symbolique, et la résistance du psychanalyste. De
plus, il faut y inclure les multiples aspects de la négativité : ce que la
dénégation implique d’affirmation primordiale et le fait que le sujet se
pose dans et par la négation. La résistance du sujet à ce qu’il refuse et
rejette n’est pas la résistance (à la fois imaginaire et réelle) du moi,
c’est la défense du sujet. Le sujet se défend, écrit Lacan.
Le refus de changer et de guérir, selon les attentes normatives, est-
il l’effet d’une résistance imaginaire imputable au fantasme (à analy-
ser) ou la défense d’un sujet qui s’affirme dans le refus ? À défaut de
L’éthique du bien et le désir du sujet 15

pouvoir toujours résoudre ce problème, il revient à la psychanalyse


d’avoir souligné l’enjeu de certaines souffrances et la « valeur » – du
moins au regard du sujet – de certains symptômes. Freud écrira qu’il
avait toujours eu le plus grand respect pour les symptômes. L’abandon
de l’hypnose est un acte qui témoigne d’une éthique. En 1921, il
revient sur son expérience avec Bernheim (qui date de 1889) et ses
« étonnants tours d’adresse ». La suggestion, « l’aptitude à être sug-
gestionné », est un « phénomène originaire » de la vie psychique de
l’homme. Il évoque sa « sourde hostilité », contre la « tyrannie de la
suggestion », « lorsqu’un malade, qui ne se montrait pas docile, était
apostrophé : que faites-vous donc ? Vous vous contre-suggestion-
nez ! Je me disais que c’était là injustice patente et acte de violence.
L’homme avait à coup sûr droit aux contre-suggestions lorsqu’il
tentait de le soumettre par des suggestions2 »
À cette frontière de la suggestion et de l’injonction autoritaire du
pouvoir médical, Freud restaure les droits du refus contre la soumis-
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sion et la tyrannie. Il témoigne alors de sa propre « résistance », qui est
à la fois clinique, théorique et éthique. « Ma résistance s’est alors
orientée vers la révolte contre le fait que la suggestion, qui expliquerait
tout, devrait elle-même être dispensée d’explication3 »
La résistance instauratrice de Freud a le plus grand rapport avec
celle que Lacan évoque au début du séminaire Encore et qu’il nomme
son « je n’en veux rien savoir ». Il y a bien des différences entre l’une
et l’autre, celle de Freud et celle de Lacan, mais pour l’un comme pour
l’autre, il s’agit d’un sujet qui se pose en refusant un ordre de raisons
inacceptables qui vont à l’encontre d’une exigence de pensée.
La psychanalyse veut bien contribuer au soulagement des souffran-
ces et à la « guérison » des symptômes, mais pas à n’importe quel prix
ni par n’importe quel moyen. L’idée de guérison reste à bien des égards
un idéal lui-même tributaire des diverses approches de la maladie, de
la santé, du corps, du désir et de la souffrance. Or guérir reste un
souhait incurable qu’il est impossible d’effacer tant il est enraciné dans
l’enfance. La frontière entre l’analytique et le thérapeutique est interne
à la psychanalyse, mais son idéal « civilisateur », au sens freudien du
terme, lui fait refuser – et douter – d’une guérison qui se ferait au prix
d’une soumission et non d’une reconnaissance, au-delà du refoule-
ment, de ce dont il a fallu se séparer pour devenir et rester humain.
Certains analystes pensent que la cure n’est jamais que celle d’un
enfant. On soigne – et contribue à guérir – l’enfant dans l’adulte. Cet 2 Freud, L. c., p.149.
enfant qui peut aujourd’hui soigner sa névrose infantile et résoudre des 3 Ibid.
16 L’éthique du bien et le désir du sujet

conflits qui n’ont pu l’être dans l’enfance. Peut-on guérir son enfance
et guérir de son enfance ? L’enfance, telle que la psychanalyse
continue à la penser, vient subvertir l’idée d’une guérison qui se ferait
aux dépens de la mémoire de l’enfance. La sexualité reste marquée par
« l’infantile ». Peut-on penser l’humain sans l’enfance, ou plutôt sans
les enfances ?
Le travail de Dolto avec les enfants, sa contribution à la psychana-
lyse des enfants, obéit à des exigences autant cliniques qu’éthiques.
Une position, en un sens éthique, se dégage : c’est toujours un analyste
adulte qui reçoit un enfant et, pour éviter une infantilisation de
l’analyse, l’analyste est renvoyé aux multiples implications de son
rapport à l’enfant. Ces idées sont devenues banales ; ce qui l’est moins,
c’est la façon dont elle les exprime. L’enfance est un temps qui, à un
moment où à un autre, doit être « trahi » – le mot est fort. Il signifie que
l’enfance est ignorante de ses propres transformations, qu’elle ne peut
qu’imaginer, sans pouvoir les connaître à l’avance. Aussi, la fidélité
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à l’enfance se fixerait à un temps de vie qui a été vécu comme ne devant
jamais finir. On ne quitte pas ce temps dans une continuité, on se
retourne sur lui pour l’avoir déjà quitté. Mais on ne peut s’en séparer
qu’en le trahissant. Les ruptures des temps et des castrations de
l’enfance introduisent à chaque fois du nouveau et de nouvelles
alliances.
« L’enfant, dit Françoise Dolto, est comme un somnambule. Le
somnambule ne tombe pas du toit, mais quelqu’un d’éveillé qui prend
conscience du risque prend peur et peut tomber. » Les adultes veulent
réveiller l’enfant. Il ne faut pas le réveiller trop tôt et il ne peut pas ne
pas se réveiller un jour. L’enfance est trahie et la fidélité à l’enfance
est fidélité à un monde, un temps, perdu. L’analyse nous convie à une
enfance « que nous ne pourrons jamais revivre » ; c’est un retour du
passé et non un retour au passé. « Nous ne pourrons jamais, écrit Dolto,
être totalement véridiques à propos de notre vécu d’enfance. » Elle
trace ainsi une pluralité d’écarts entre l’enfant et l’adulte, qui ne se
laissent pas penser sous le registre trop univoque de la perte et de
l’objet perdu. La trahison est aussi un choix qui implique un désir.
Dolto insistait beaucoup sur la violence et la force des transforma-
tions qui arrachent l’enfant à ce monde qui avait sa propre clôture
interne. Grandir, « c’est tuer ses parents ». Mais elle en concluait
plutôt la nécessité de ne pas s’immiscer d’une mauvaise façon dans le
lien entre l’enfant et ses parents. Tout en soutenant fermement la
possibilité de la psychanalyse d’enfants, elle n’était pas favorable à
L’éthique du bien et le désir du sujet 17

une pratique qui se modèlerait sur le protocole de la cure d’adultes.


Elle était beaucoup plus proche, avec des références théoriques et
cliniques en partie différentes, des positions de Winnicott que de celles
de Melanie Klein. En particulier dans le travail avec les tout-petits et
aux différents temps de la constitution et de la résolution du complexe
d’Œdipe, elle était très soucieuse que les psychanalystes ne se substi-
tuent en aucune façon aux parents (autant la mère que le père), ne les
destituent pas et ne se posent pas vis-à-vis de l’enfant en concurrence
et en rivalité avec eux. Elle signalait ainsi un danger pour tous ceux qui
abordent l’enfance, montrant les multiples aspects de l’abus de pou-
voir, fut-ce avec les meilleures intentions et les non moins généreuses
complaisances, de la séduction psychique et du rapt d’enfant.
L’éthique des psychanalystes est au cœur de leur pratique. Mais on
voit bien qu’elle implique des considérations à des références diffé-
rentes qui tiennent à ce que la psychanalyse est une pratique (comme
le disait Lacan en 1976 : « la psychanalyse n’est pas une science, c’est
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une pratique»), à ce que les multiples formes de dépendance et de
pouvoir la traversent et aussi à ce que la question de l’enfance est au
cœur de son action. L’enfance peut être idéalisée, méconnue, dévoyée,
innocente et trahie mais, même sans la comprendre, il est impossible
de la nier comme de la reconnaître sans la différencier de l’état adulte.
Les psychanalystes ont un pouvoir. Il ne suffit pas de s’y abstraire
pour être quitte. Freud en renonçant à l’hypnose a refusé un abus de
pouvoir. Il a, peu à peu, reconnu la valeur de la négativité (la capacité
et le droit de dire non) comme essentielle à la position du sujet. Cette
position est à la fois clinique et éthique. Dolto s’est attachée à laisser
se déployer le temps de l’enfance tout en soutenant fortement que toute
enfance était destinée à être « trahie ». Il ne faut pas réveiller cet enfant
« somnambule » ; c’est là aussi une position à la fois clinique et
éthique.
La psychanalyse s’est développée en définissant ses propres limites
et en se prémunissant de ses propres excès. À une époque où la place
de l’enfant et de l’adolescent doit impérativement être repensée, les
psychanalystes sont eux aussi conviés à penser ces différences et ces
temps qui sont au cœur de leur pratique.
18 L’éthique du bien et le désir du sujet

Bibliographie
F. DOLTO, Séminaire de psychanalyse d’enfants, t.1, Paris, Seuil, 1982.
F. DOLTO, Dialogues québécois, Paris, Seuil, 1987.
S. FREUD, Sur l’histoire du mouvement psychanalytique, Paris, Gallimard, 1991.
S. FREUD, Sigmund Freud présenté par lui-même, Paris, Gallimard, 1984.
S. FREUD, Correspondance avec le pasteur Pfister, Paris, Gallimard, 1966.
J. LACAN, Le Séminaire, Livre VII, L’Éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986.

Résumé La psychanalyse a une valeur éthique. Elle a, comme le disait


Freud, « des conséquences pour l’éthique ». Mais la psychanalyse
n’est pas une conception du monde. Elle ne peut construire une
Éthique.
Les psychanalystes ont une éthique qui oriente et anime leur pratique.
Mais laquelle ? Freud, Dolto et Lacan ont eu des positions divergentes.
On peut cependant dégager des éléments de convergence, en particu-
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lier par rapport au transfert.
Mots clés Éthique, hypnose, Lacan, Dolto, transfert.

Summary Psychoanalysis has an ethical value. It involves, as Freud


used to say, « consequencies for Ethic ». But psychoanalysis is not a
philosophy ; it is impossible to build an ethic on it.
Psychoanalysts have ethical rules and guidelines in their clinical
practise. On these points, Freud, Dolto and Lacan think in different
ways. But they all agree on the importance of ethic on the issue of
transference.
Key-words Ethic, hypnosis, transference, Dolto, Lacan.

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