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Danièle Brun
2012/2 n° 24 | pages 19 à 27
ISSN 1623-3883
ISBN 9782749234861
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2012-2-page-19.htm
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* Texte réécrit d’une intervention aux Journées d’Espace analytique, « Qu’est-ce qu’un
enfant ? », le 8 octobre 2011.
1. On pourra se reporter à mon article « Être psychanalyste d’enfants après Freud »,
Études freudiennes, n° 36, 1995, p. 7-34.
2. « Lettres de Sigmund Freud à Joan Riviere » (1921-1939), Revue internationale d’his-
toire de la psychanalyse, n° 6, 1993.
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Pour une raison chronologique, dirai-je d’abord, qui tient aux circonstances
de son arrivée dans l’édifice freudien, entre 1912 et 1914. À cette période, après
trois deuils douloureux : ceux de son frère, de sa mère et de son mari, plus récent,
elle lit le texte de Freud intitulé « Sur le rêve », dont la seconde édition paraît en
1911. Elle prend alors contact avec Ferenczi, son premier analyste, celui qui
découvre ses talents d’analyste d’enfants.
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Ces textes, contemporains des Trois essais, engagent une représentation parti-
culière de l’enfant freudien adonné à la masturbation dont on ne peut se satis-
faire de penser qu’elle est issue de la Vienne fin de siècle où la psychanalyse a pris
3. Voir à ce sujet la lettre du 21 septembre 1897, dans Lettres à Wilhelm Fliess, Paris, PUF,
2006, p. 334-337.
4. C. G. Jung, « Conflits de l’âme enfantine » (1916), dans Collected Works (p. 1-35) [§ 1-
79], et C. G. Jung, Psychologie et éducation, Paris, Buchet Chastel, 1963.
5. H.C. Abraham (1974), Karl Abraham, Biographie inachevée précédée de « La petite
Hilda », traduction française J. Adamov, Paris, PUF, 1976.
6. S. Ferenczi, « Un petit homme-coq (1913) », dans Œuvres complètes, t. 2, Paris, Payot,
1990.
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naissance. Elle lui est antérieure et elle a déterminé une technique durable selon
laquelle il fallait faire avouer le petit coupable soumis à ses pulsions. Lui faire
reconnaître ses activités masturbatoires au moment de l’endormissement ou du
réveil ou encore durant ses rêveries, c’était aller dans le sens du soulagement et
de la sédation de ses symptômes. La technique était intrusive mais nécessaire.
Active certes, et peut-être incitatrice d’autres mouvements dits thérapeutiques
sur le modèle de ceux qui, plus tard, furent reprochés à Ferenczi.
Sur les quatre voies d’entrée vers l’enfant freudien annoncées, il en reste deux
à explorer.
En premier lieu, celle de l’enfant qui survit et sommeille dans l’adulte. Une
relecture du « petit Hans » témoigne déjà de sa présence. On y reconnaît les
caractéristiques de l’enfant freudien dans la psychanalyse d’enfants. « Le petit
Hans » peut s’aborder sous cet angle. Freud s’y montre attentif, via le père, mais
aussi au nom de ses propres mouvements identificatoires, aux réactions de l’en-
fant selon qu’elles lui paraissent portées par le refoulement ou par l’avancée du
travail de mise à jour de ses désirs œdipiens 8. Cette sensibilité de Freud, analyste
d’enfants, fut longtemps occultée à la fois par le souci inhérent à la promotion
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la mort d’Amalia Freud, sa mère. C’est ce dont témoignent les écrits de cette
période sur « La sexualité féminine » et sur « La féminité ».
L’enfant kleinien craint en effet, dès l’origine, les représailles de la mère. Cela
résulte de la primauté de son sadisme que Melanie Klein voit à l’œuvre dès la
naissance. Ce n’est pas sans raison que Lacan a parlé d’elle comme d’une
« tripière de génie ». Elle attribue, en effet, au bébé une aptitude à attaquer
fantasmatiquement l’intérieur du corps de la mère, aptitude qui est lourde de
conséquences pour le devenir de son psychisme. Car ses attaques fantasmatiques
dirigées contre les enfants potentiels et/ou le pénis du père logés dans les
entrailles maternelles, créent la peur de ses représailles. Du moins, c’est ce que
9. Voir « Le roman familial des névrosés », dans Névrose, psychose et perversion, Paris
PUF, 1979, p. 157-160.
10. Voir mon livre, La passion dans l’amitié, Paris, Odile Jacob, 2005.
ENFANT FREUDIEN, ENFANT KLEINIEN 25
Il est vrai qu’on trouve davantage de clés pour la psychanalyse d’enfants chez
Melanie Klein, même si la lecture du Petit Hans est instructive à cet égard. Elle
parle du comportement de l’enfant, du jeu, de la présence des parents, de l’in-
terprétation, du langage symbolique. En ce domaine, elle ne craint pas d’aller
fouiller dans les entrailles de l’enfant, non sans un brin de sadisme d’ailleurs.
Mais il n’est pas besoin d’être kleinien pour lui savoir gré d’avoir mis en valeur la
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Un mot encore sur les pulsions sadiques envers l’intérieur du corps de la mère.
Non seulement, elles ne sont plus le privilège de l’enfant kleinien – je garde l’ex-
pression – mais il semble qu’aujourd’hui les progrès de l’échographie favorisent
l’émergence de ces mouvements d’inspection du corps maternel. Les mères n’y
font même plus obstacle. Je pense ici à un petit garçon que ses parents conduisi-
rent chez moi pour une phobie alimentaire : il ne mangeait rien de rouge.
Dommage pour les fruits rouges, les pizzas et les pâtes à la tomate ! Un jour, tout
fier, il me fit part d’une confidence que sa mère lui avait faite : « Ma mère m’a
dit que, dans son ventre, on était deux. Comme c’était moi le plus fort, c’est moi
qui suis né. » Je me suis laissée aller à penser que c’était de l’intérieur qu’il avait
attaqué le ventre de la mère et qu’aujourd’hui avec son accord et grâce à l’appui
de ma personne comme substitut de la mère dans le transfert, il pouvait recréer
une union avec sa mère intérieure sans craindre ses représailles et sans avoir
besoin d’en construire à son endroit. On voit ainsi s’opérer dans une analyse d’en-
fants une alliance subtile entre deux représentations de l’enfant : celle de l’en-
fant freudien et celle de l’enfant kleinien.
RÉSUMÉ
Il est nécessaire de mettre l’accent sur le double aspect de la confrontation entre l’enfant
freudien et l’enfant kleinien, c’est-à-dire simultanément identificatoire et métapsycholo-
gique. Si Freud, dans les années vingt, prône la primauté du masochisme, Melanie Klein
venue à la psychanalyse vers 1914, reste campée sur la primauté du sadisme. De là une rela-
tion précoce à la mère différente pour chaque enfant.
De nos jours, la présence de l’enfant kleinien se mêle à celle de l’enfant freudien, dans le
cas de l’analyse d’enfants et dans celle des adultes. Aussi est-il très enrichissant de consta-
ter l’apport ainsi que les incidences de l’analyse d’enfants quant à l’éclairage de larges pans
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MOTS-CLÉS
Enfant freudien, enfant kleinien, pulsions sadiques, masochisme/narcissisme, crainte des
représailles, représailles fantasmées, roman familial.
SUMMARY
It is so necessary to point out these two sides between the freudian child and the kleinian
one, regarding both the identification and metapsychological parts. Between 1920 and
1924, Sigmund Freud decided to consider the primarity of masochism on sadism. On her
part, Melanie Klein who joined psychoanalysis and Freud’s theory before 1914, kept the
primarity of sadism which Freud defended at the beginning. That means for each child, the
freudian one and the kleinian, a quite different relationship to his early mother.
Nowadays, the characteristics of the kleinian child meet the Freudian ones, either in the
field of the child or of the adult’s analysis. It is also very useful to observe how and when
psychoanalysis with adults is enriched by the experience of analysis with children.
KEY-WORDS
Freudian child, kleinian child, sadistic instincts, masochism/narcissism, fear of retorsion,
fantasies of revenge, family romance.