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chez A. N. Whitehead
A Cha.
Préface
Michel Malherbe
5
PREFACE
6
PREFACE
7
PREFACE
8
Glossaire
9
GLOSSAIRE
10
Abréviations
11
Introduction
INTRODUCT ION
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INTRODUCT ION
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INTRODUCT ION
Les trois œuvres londoniennes forment une unité, mais une unité ouverte,
semble-t-il, tout entière tournée vers la véritable synthèse, conséquence
nécessaire mais recherchée dès la philosophie de la nature : la
métaphysique de Procès et Réalité. Beaucoup de commentateurs
soutiennent cette idée, au risque de perdre l’unité propre et particulière de
la philosophie de la nature22. Une toute autre lecture sera défendue :
1. Une lecture purement intrinsèque, qui exclura, selon les exigences de
Whitehead lui-même, toute interrogation ou irruption dans le champ
métaphysique :
La discussion sur la déduction des concepts scientifiques des éléments les
plus simples de notre connaissance perceptuelle nous amène immédiatement
à la théorie philosophique. Berkeley, Hume, Kant, Mill, Huxley, Bertrand
Russell et Bergson, parmi d’autres, ont initié et nourri des discussions
pertinentes. Mais cette enquête est touchée par un seul côté du débat
philosophique. Nous sommes concernés seulement par la Nature, c’est-à-
dire, par l’objet de la connaissance perceptuelle, et non par la synthèse du
sujet connaissant et du connu. Cette distinction est exactement celle qui
sépare la philosophie naturelle de la métaphysique23.
17
INTRODUCT ION
Evénements et objets
La philosophie whiteheadienne de la nature se présente comme une
philosophie de l’événement, qui conduit dans Procès et Réalité à une
métaphysique de l’événement : comme le dit Gilles Deleuze, « Il fallut
attendre longtemps, longtemps, pour que (…) cette espèce de cri retentisse
à nouveau : tout est événement »26. Tout est événement : un événement ne
se réduit pas aux seuls faits accidentels, dramatiques, et fugitifs du type : «
Un homme est écrasé dans une rue » ou « Il y a concert ce soir ». Mais la
grande Pyramide, l’Obélisque de Cléopâtre sur le quai de Charing Cross, la
persistance d’un bloc de marbre sont des événements, c’est-à-dire des
hypervolumes à quatre dimensions, des « durations »27, purement
singuliers, originaux, qui ne peuvent jamais revenir, et qui ne peuvent pas
non plus changer : le changement supposerait une permanence, une chose,
sujet ou substrat du changement ; un événement ne change pas, il passe,
c’est tout. L’événement n’est pas ce qui arrive à quelque chose, mais ce qui
advient dans l’expérience sensible et ce dans quoi on reconnaît des
caractères de récurrence et de permanence, ces caractères que Whitehead
nomme les objets. Whitehead semble d’abord inverser la relation
aristotélicienne entre la substance et l’accident : ce qui est premier, et en un
sens substance, c’est l’événement, et ce qui est dit revenir, perdurer est un
caractère reconnu dans les événements, un objet, « Tiens le voilà
encore ! », « Bonjour Théétète ! »28 :
S’il nous faut partout chercher la substance, je la trouverai quant à moi dans
les événements qui sont en un sens la substance ultime de la nature29.
18
INTRODUCT ION
comme étant le même, hier et aujourd’hui (appelé « objet physique »), cette
molécule et cet électron (appelés « objet scientifique »). Ces différents
types d’objets doivent être pensés et articulés aux événements dans un
concept de nature cohérent et adéquat à l’expérience sensible. Le problème
général et fondamental de la philosophie de la nature est donc le suivant :
comment penser les objets et leur récognition au sein d’une philosophie de
l’événement ?32 Comment penser et exprimer ces entités dans leurs
relations aux événements et au passage de la nature ?
Les objets semblent, contrairement à l’enjeu moniste et logiciste soutenu
en 1905 dans les Concepts Mathématiques :
1. Contre le rasoir d’Occam, multiplier des entités non nécessaires. De
1905 à 1922, Whitehead cherche à remplacer la trinité matérialiste
classique des instants, des points et des particules de matière par un seul
type d’entités et de relations : dans les Concepts Mathématiques, les entités
linéaires ou « linear objective reals »33, puis, à partir de l’Enquête, les
événements et la relation homogène d’extension :
L’hypothèse fondamentale élaborée au cours de cette enquête est que les
faits ultimes de la nature, dans les termes desquels toute explication
physique et biologique doit être exprimée, sont des événements liés par
leurs relations spatio-temporelles, et que ces relations sont dans l’ensemble
réductibles à cette propriété qu’ont les événements de pouvoir contenir (ou
s’étendre sur) d'autres événements qui en sont des parties34.
19
INTRODUCT ION
Objets et événements ne sont donc pas pensés sur le même plan au sein de
la nature : les objets ne sont pas de simples données, mais sont de nature
dérivée et abstraite. Par conséquent, ils n’appartiennent pas à l’espace et au
temps au même titre que les événements :
Les événements (en un sens) sont l’espace et le temps, c’est-à-dire, l’espace
et le temps sont des abstractions des événements. Mais les objets sont
seulement de manière dérivée dans l’espace et le temps en raison de leurs
relations aux événements38.
Des objets sensibles aux objets scientifiques, la découverte des objets est
décrite comme une « ascension »43 vers l’abstrait, une recherche de la plus
haute simplicité dans les événements et dans les relations appréhendés dans
l’expérience première comme infiniment complexes. Là encore, le principe
de base est la mise entre parenthèses de l’esprit ou de toute forme
intellectuelle de synthèse. Au cœur de la théorie des objets, on trouve donc
une théorie de l’abstraction (liée à une théorie de la récognition), qui
s’enracine dans deux courants philosophiques – inséparables dans la
trilogie – l’ensemble formant un tout original et singulier :
1. Un empirisme radical ;
2. Le logicisme et la logique des classes, incarnés, de manière très
particulière, par la méthode de l’abstraction extensive.
20
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21
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22
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23
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[…] les abstractions de la science sont des entités qui sont réellement dans
la nature, bien qu’elles n’aient pas de signification si on les isole de la
nature75.
Dans la philosophie de la nature, une entité abstraite n’est pas une entité
purement fictive ou purement intellectuelle. Ceci vaut à la fois pour les
entités à la base du concept – les événements et la relation d’extension (les
événements ne sont pas non plus de simples données sensibles ; ils
supposent une appréhension, une saisie, liée à un événement percevant) – et
24
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25
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L’enjeu de la méthode est de ré-exprimer dans les termes les plus proches
de l’expérience – c’est-à-dire événementiels et relationnels – ces différents
types d’entités abstraites.
26
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27
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degrés d’abstraction, des plus concrètes, les éléments abstractifs (III), aux
plus abstraites, les figures sensibles et géométriques, posées comme
récurrentes et permanentes91 (IV). Ce procès abstractif, des rythmes aux
figures, est permis par des analogies92 reconnues immédiatement dans
l’expérience, ou plus précisément, par des relations sensibles de
congruence et d’égalité entre les propriétés extensives des événements.
Enfin, au terme de cette série d’abstractions, seront abstraits les trois types
principaux d’objets : les objets sensibles, abstraits des figures sensibles ; les
objets perceptuels et physiques, abstraits des figures géométriques et des
ensembles de figures géométriques, et les objets scientifiques, comme les
électrons, abstraits des éléments abstractifs du cœur de la méthode (V).
Une telle construction n’est pas sans rappeler le mythe platonicien du
Timée – référence fondamentale dans la cosmologie de Procès et Réalité –
mais dans la philosophie de la nature, elle est encore limitée à la
constitution des objets dans l’expérience :
Je dois répéter que dans ces conférences le caractère ultime de la réalité
n’est pas notre affaire. Il est tout à fait possible que dans la vraie philosophie
de la réalité il y ait seulement des substances et des attributs (…) Je ne crois
pas que tel soit le cas ; mais polémiquer là-dessus n’est pas maintenant mon
affaire93.
28
INTRODUCT ION
Structure de l’étude
La première partie de notre étude est historique et fondatrice : nous
revenons en effet sur les écrits précurseurs de la philosophie de la nature –
les Concepts Mathématiques, la théorie relationniste et L’Anatomie – en
montrant comment l’empirisme et le logicisme s’articulent progressivement
dans une théorie de l’abstraction extensive, fondamentale dans la
philosophie de la nature de la seconde période.
Les quatre parties suivantes tentent la construction progressive et
méthodique d’un concept événementiel de nature cohérent et adéquat. On y
trouve deux mouvements :
1. Un mouvement général, qui correspond aux différentes étapes du
procès abstractif proposées ci-dessus :
(i) Partie II : les événements ou durations (chap. I & II), et l’axiomatique
de la méthode de l’abstraction extensive (chap. III) ;
(ii) Partie III : les rythmes (chap. I)97 ;
(iii) Partie IV : les éléments abstractifs (chap. I) et les relations d’égalité
et de congruence (chap. I & II) ;
(iv) Partie V : Les objets.
2. Un second mouvement, inhérent au premier, lequel correspond à la
réalisation de la méthode hypothético-déductive proposée dès le mémoire
de 1905 :
(i) Définition des événements dans les termes de la relation fondamentale
d’extension ;
(ii) Déduction des différentes propriétés des événements.
29
INTRODUCT ION
Notes
1
(avec Bertrand Russell) Principia Mathematica, Cambridge, Cambridge
University Press, 1910 (vol. I), 1912 (vol. II), 1913 (vol. III).
Seconde édition : 1925, 1927 et 1927.
2
B. Russell précise la nature de leur collaboration dans un article de 1948 :
“Whitehead and Principia Mathematica”, in Mind, vol. LVII,
30
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7
L’usage veut, depuis Rudolf Metz (Die philosophischen Strömungen der
Gegenwart in Grossbritannien, F. Meiner, Leibzig, 1935), que la
première période se termine à Londres en 1913 (date de la parution
du vol. III des Principia), séparant ainsi les écrits « logico-
mathématiques » de la philosophie de la nature : 1914 (date de
l’article exposé par Whitehead à Paris à un Congrès de Logique
Mathématique et publié en 1916, La théorie relationniste de
l’espace) – 1923. Voir l’une des études remarquables de Victor
Lowe, « The Development of Whitehead’s Philosophy », in The
Philosophy of Alfred North Whitehead. Whitehead’s Autobiography
19 Critical Essays The Philosopher’s Summary Whitehead’s
Bibliography, Paul Arthur Schlipp (ed.), New York, Tudor
Publishing Company, The Library of Living Philosophers III, 1941,
Second edition, 1951, pp. 15-124 (cité ensuite Schilpp). Et du
même auteur : Understanding Whitehead, Baltimore, Maryland,
The Johns Hopkins University Press, 1962. Une telle séparation
reste naturellement arbitraire : L’Introduction aux Mathématiques
(1911) est déjà une transition vers la philosophie de la nature, sans
parler des bases de la philosophie de la nature, voire de la
cosmologie, élaborées dès 1905. Nous adoptons un découpage
historico-géographique, mais aussi thématique : Cambridge,
Londres, puis Harvard. PM appartenant à la première période de par
les huit années consacrées à ce travail avant leur publication, IM
faisant partie de la seconde période.
8
Voir Schilpp, p. 9 : « Also Sir William Rowan Hamilton’s Quaternions of
1853, and a premilinary paper in 1844, and Boole’s Symbolic Logic
of 1859, were almost equally influential on my thoughts. My whole
subsequent work on Mathematical Logic is derived from these
sources. » Voir à ce sujet l’article d’Ivor Grattan-Guinness,
“Algebras, Projective Geometry, Mathematical Logic, and
Constructing the World : Intersections in the Philosophy of
Mathematics of A. N. Whitehead”, in Historia Mathematica, 29,
2002, pp. 427-462.
9
Entre 1898 et 1903, Whitehead travaille sur un second volume du Traité.
En 1903, Russell publie The Principles of Mathematics, qui
constituait lui aussi un premier volume : « We then discovered that
our projected second volumes were pratically on identical topics, so
we coalesced to produce a joint work. We hoped that a short period
of one year or so would complete the job. » Schilpp, p. 10.
32
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10
Victor Lowe, in Schilpp, p. 34, et Understanding Whitehead, p. 157 : «
Conversation with the present author, December 2, 1936. »
11
Ce qui n’est pas le cas. Nous revenons sur certains chapitres de ce livre –
en particulier, le chapitre XII intitulé : « Periodicity in Nature » –
dans la partie III de notre étude.
12
V. Lowe distingue ainsi deux périodes : « Pre-Speculative
Epistemology » (1914-1917) et « The Philosophy of Natural
Science » (1918-1924). Voir Schilpp, pp. 52-88.
13
A ces écrits principaux, il faut ajouter une série d’articles publiés dans la
même période : (Untitled contribution to) Symposium : Time, Space
and Material : are they, and if so in what sense, the ultimate data of
science ?, Proc. of the Aristotelian Soc., Suppl. vol. 2, « Problems
of Science and Philosophy », 1919, pp. 44-108; “Einstein’s Theory
: An Alternative suggestion”, The Times Educational Supplement,
12 February 1920, p. 83 ; “Discussion : the Idealistic Interpretation
of Einstein’s Theory”, Proc. of the Aristotelian Soc., N.S., vol.
XXII, 1921-1922, pp. 123-138 ; “The Philosophical Aspects of the
Principle of Relativity”, Proc. of the Aristotelian Soc., N.S., vol.
XXII, 1922, pp. 215-223 ; “Uniformity and Contingency”, Proc. of
the Aristotelian Soc., N.S., vol. XXIII, 1922-1923, pp. 1-18
(republié dans Essays in Science and Philosophy, New York, The
Philosophical Library, Inc., 1947., part. II, pp. 132-148);
“Symposium : The Problem of Simultaneity : is there a paradox in
the Principle of Relativity in regard to the relation of time measured
to time lived ?”, Proc. of the Aristotelian Soc., suppl. vol. 3, 1923,
“Relativity, Logic, and Mysticism”, pp. 15-41.
14
Whitehead utilise indifféremment les expressions suivantes : philosophy
of science, philosophy of natural science, natural philosophy et
philosophy of nature. La « philosophie naturelle » désignait au
XVIIe et au XVIIIe siècle l’ensemble des sciences de la nature, et
plus particulièrement la physique. Mais ce terme a été
progressivement abandonné (dès le XIXe en France, au début du
XXe siècle en Angleterre) et remplacé par le terme de « physique ».
Quant à l’expression « philosophy of nature », elle renvoie
traditionnellement aux approches qualitatives et intuitives de la
nature, aux spéculations métaphysiques de Leibniz, Berkeley,
Fichte, Schelling, Hegel, et Bergson. L’enjeu, dans les trois œuvres
de la trilogie, n’est pas uniquement une « philosophie naturelle »
dans son sens premier, et la réflexion de Whitehead porte davantage
sur la nature que sur les sciences. Si le terme général de
33
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34
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42
PNK, 61.9, p. 188. Nous rejoignons donc ce que suggère R. Palter,
malheureusement sans le développer ni le justifier. Voir R. Palter,
op. cit., p. 162 : « (…) for Whitehead both sense-objects and
scientific objects are abstract when compared with events, the
maximally concrete natural elements, both in the order of acquiring
knowledge and in the order of causation. »
43
Voir PNK, 61.3, p. 186 et 61.9, p. 188.
44
Voir aussi PNK, 3 sq., pp. 8-12.
45
On trouve une importante exposition de ces théories dans les chapitres II
et III de la première partie. Les principaux concepts y sont exposés
brièvement, de manière purement technique, mais non encore
véritablement discutés. Par exemple, le concept de point-
événement : « The ideally simple event is one indefinitely restricted
both in spatial and in temporal extension, namely the instantaneous
point. We will use the term ‘event-particle’ in the sense of
‘instantaneous point-event’. The exact meaning of the ideal
restriction in extension of an event-particle will be investigated in
part. III ; here we will assume that the concept has a determinate
signification. » PNK, 8.1, p. 33. La fondation empirique de ces
concepts concerne les parties suivantes : la partie II ( « The Data of
Science »), et la partie III (« The Method of extensive
Abstraction »). Mais la première partie n’en est pas moins cruciale :
le chapitre I (« Meaning ») pose les enjeux fondamentaux de la
philosophie naturelle, et les chapitres II (« The foundations of
Dynamical Physics ») et III (« Scientific Relativity ») exposent ce
qu’il convient de fonder empiriquement ou de réorganiser. Enfin, le
chapitre IV (« Congruence ») introduit déjà les critiques
whiteheadiennes fondamentales de la relativité concernant la
simultanéité et la mesure.
46
CN, préface, p. 27 [vii-viii]. Jules Vuillemin souligne avec justesse :
« (…) si une théorie, satisfaisante du point de vue du physicien, ne
l’est pas du point de vue du philosophe des sciences, le point de vue
du philosophe devra prévaloir. » La logique et le monde sensible.
Etude sur les théories contemporaines de l’abstraction, Paris,
Flammarion, « Nouvelle bibliothèque scientifique », 1971, I, chap.
III, § 13, p. 63.
47
PNK, préface, vi.
48
CN, préface, p. 26 et 27 [vii]. Les bases de la philosophie naturelle sont
définies ici comme des postulats. Sur les rapprochements de PNK,
37
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38
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52
Rudolph Carnap, Der Logische Aufbau der Welt, Im Weltkreis-Verlag,
Berlin, 1928. Sur l’influence et le rapprochement de ces trois
auteurs, voir l’étude excellente de J. Vuillemin, op. cit., qui désigne
Whitehead comme celui qui est « à l’origine de toute la théorie
contemporaine de l’abstraction. » Introduction, p. 6.
53
Theodore De Laguna, “Extensive Abstraction : A suggestion”, The
Philosophical Review, vol. XXX, 1921, pp. 216-218 et “The nature
of Space”, Journal of Philosophy, vol. 19, 15 july, 1922, pp. 393-
407 et 421-440.
54
Jean Nicod, La Géométrie dans le monde sensible, Paris, F. Alcan, 1924,
Paris, PUF, « Bibliothèque de Philosophie contemporaine », 1962.
55
Charlie D. Broad, “Critical Notices The Principles of Natural
Knowledge”, Mind, vol. 29, 1920, pp. 216-231 et Scientific
Thought, London, Routledge & Kegan, Ltd., 1923, Littlefield,
Adams &Co, Paterson, 1959 (voir en particulier la partie I, chap. I);
Victor F. Lenzen, “Scientific Ideas and Experience”, University of
California Publications in Philosophy, vol. VIII, 1926, pp. 175-
189; Arthur E. Murphy, “Ideas and Nature”, University of
California Publications in Philosophy, vol. VIII, 1926, pp. 193-213
; Nathaniel Lawrence, “Whitehead’s Method of Extensive
Abstraction”, Philosophy of Science, April 1950, vol. 17, N°2, pp.
142-163 et Whitehead’s Philosophical Development. A Critical
History of the Background of Process and Reality, University of
California Press, Berkeley and Los Angeles, 1956, part. I, chap. VI
; Adolf Grünbaum, “Whitehead’s Method of Extensive
Abstraction”, British Journal for the Philosophy of Science, 4,
1953, pp. 215-226 ; Wolfe Mays, The Philosophy of Whitehead,
London-New York, Allen and Unwin-The MacMillan Company,
The Muirhead Library of Philosophy, 1959, chap. VII, pp. 109-118
; Ernest Nagel, Sovereign Reason, New York, The free Press, 1954,
p. 41 et 42 ; Victor Lowe, Understanding Whitehead, part. I, chap.
III, sect. III, pp. 71-84, reprise développée de “Whitehead’s
Philosophy of Science”, in Whitehead and the Modern World,
Boston, Beacon Press, 1950, pp. 3-24. Ajoutons les remarques
critiques du Pr. Ducasse lors du Symposium in Honor of The
Seventieth Birthday of Alfred North Whitehead (dinner on February
the fourteenth, 1931, at the Harvard Club in Boston), Cambridge,
Mass., Harvard University Press, 1932, reproduit par UMI, Books
on Demand, Michigan, USA, pp. 7-10.
39
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56
Susan L. Stebbing, A Modern Introduction to Logic, London, Methuen &
Co., Ltd., 1930, 5è éd., 1946, part. III, chap. XXIII.
57
La logique et le monde sensible, part. I, chap. III.
58
Sans doute les premières origines sont à chercher dans les livres III et IV
de A Treatise on Universal Algebra. With Applications, Cambridge,
Cambridge University Press, 1898. Pour une synthèse
particulièrement claire de cet ouvrage, voir en particulier l’article
de L. Couturat, « L’Algèbre Universelle de M. Whitehead », Revue
de Métaphysique et de Morale, vol. VIII, 1900, pp. 323-362.
59
Whitehead aurait dit, selon Victor Lowe, que TRE, PNK, CN, et R,
étaient des écrits préliminaires à la composition du quatrième
volume des Principia qui devait porter sur la géométrie, et que
Whitehead continua à travailler aux Etats-Unis, mais qu’il
abandonna : voir Victor Lowe, Understanding Whitehead, p. 177.
Comme il le sera montré, la place de la géométrie est fondamentale
dans le concept événementiel de nature.
60
« La théorie relationniste de l’espace », Revue de Métaphysique et de
Morale, v. 23, pp. 423-454, Mai 1916.
61
PR, part. IV : «La Théorie de l’extension ».
62
Voir à ce sujet l’article de C. I. Lewis, “The Categories of Natural
Knowledge”, in Schilpp, pp. 738-740. Et le commentaire de Jules
Vuillemin dans La logique et le monde sensible, p. 65 : « Elle est,
dans l’ordre de l’Analyse, l’analogue exact de ce qu’est le Principe
d’Abstraction en Algèbre. »
63
Jules Vuillemin montre que Whitehead se réfère plus à l’interprétation
russellienne de Dedekind des Principles, qu’à Dedekind lui-même.
Voir Bertrand Russell, Principles of mathematics, chap. XXXIV, §
265 sq., cité par Jules Vuillemin, op. cit., I, III,§ 15, p. 74. Voir
aussi L’Analyse de la Matière, p. 291 : « Bien que la méthode des
coupures de Dedekind fût familière, personne ne pensait à dire : un
irrationnel est une coupure de Dedekind ou du moins sa portion
inférieure. Cependant cette définition résout toutes les difficultés. »
64
Bertrand Russell, The Principles of Mathematics, Cambridge,
Cambridge University Press, 1903. Réimpression avec une nouvelle
introduction : London, G. Allen & Unwin, 1937. Nous utilisons
l’édition suivante : New York, Norton & Company, Inc., N249.
65
TRE, p. 444.
66
Jean Nicod, op. cit., part. I, chap. IV.
40
INTRODUCT ION
67
TRE, p. 450.
68
Serait-ce alors l’une des raisons de la fameuse discorde de 1917 entre
Whitehead et Russell ? Ce dernier n’aurait-il pas compris les
véritables enjeux de la méthode de l’abstraction extensive dans la
philosophie de la nature ?
69
PNK, 18.3, p. 76.
70
CN, p. 92 [79]. Whitehead donne lui-même la référence à ASI, pp. 146
sq. (édition de 1917). Ces paragraphes correspondent à l’étude du
« principe de convergence ». Voir Infra, part. I, chap. III, A.
71
CN, p. 92 et 93 [79].
72
Appelé « événement percevant ».
73
Voir PNK, 37.2, p. 121 : « An event-particle is the route of
approximation to an atomic event, which is an ideal satisfied by no
actual event. »
74
CN, p. 166 [171].
75
Ibid., p. 168 [173].
76
Ibid., p. 66 [45-46]. Dans cette continuité, la théorie whiteheadienne de
la congruence est soutenue dans le chapitre VI contre le
conventionnalisme de Poincaré.
77
Voir Nathaniel Lawrence, “Whitehead’s Method of Extensive
Abstraction”, p. 142 et 143 : « The point of the criticism is to
exhibit two strands of thought in Whitehead’s development of his
method, which in their given form are incompatible. (…) The two
strands of thought we shall call “conceptualistic” and “realistic”.
(…) By “conceptualistic” is meant that type of thought which
emphasized the constructual role of mind in the knowledge of
nature. By “realistic” is meant that type of thought which
emphasized the dependence of the knowledge of nature upon extra-
mental factors. »
78
La logique et le monde sensible, I, III, § 17, p. 88.
79
CN, p. 43 [16].
80
Isabelle Stengers choisit par exemple de l’exclure de sa lecture, dans
Penser avec Whitehead. Une libre et sauvage création de concepts,
Paris, Seuil, « L’Ordre Philosophique », 2002, part. I, p. 70.
81
Telle est la réponse centrale de W. Mays aux critiques de ses
prédécesseurs : les outils de la méthode n’étant que de simples
hypothèses purement abstraites, la plupart des critiques tombent
41
INTRODUCT ION
42
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43
INTRODUCT ION
89
PNK, 64.8, p. 199. C’est là aussi le statut – non dénué d’ambiguïté – des
classes et des éléments abstractifs.
90
Dans la philosophie de la nature, la périodicité et la répétition sont
toujours des abstractions.
91
Les figures sensibles et géométriques sont posées, à la différence des
rythmes, comme unes, permanentes, existantes à un instant donné et
récurrentes : ce sont des objets.
92
Au sens grec d’ « analogia » : proportion mathématique.
93
CN, p. 149 [150-151].
94
Ibid., p. 34 [5]. Whitehead envisagera cependant, comme il a été rappelé,
la position de l’entité qui perçoit, à travers le concept d’événement
percevant.
95
Nous reprenons la formule de PR qui est applicable ici : voir PR,
préface, p. 38 [vi] : « (…) il m’est apparu que la philosophie de
l’organisme était, somme toute, un retour à des modes de pensée
pré-kantiens. »
96
PNK, 13 sq., p. 59 et 60. Sur cette notion difficile de diversification, voir
infra, part. II, chap. I, B.
97
Le chapitre II de cette partie, sur « Les figures sensibles », anticipe et
prépare la suite de la construction. Le choix de le placer ici et non à
la fin, dans la partie consacrée aux objets, est guidé par un souci de
clarification et d’éclairage nouveau de certaines parties de la
méthode de l’abstraction extensive, en particulier, de la partie
suivante qui porte sur les « éléments abstractifs ».
98
Victor F. Lenzen, Nature of Physical Theory : A Study in Theory of
Knowledge, New York, Wiley, 1931, p. 66.
99
Voir Infra, en particulier, part. V, chap. III.
44
I.
47
I. L E S ECRITS PRECURSEURS DE LA PHILOSOPHIE DE LA NATURE
Notes
1
Nous avons aussi écarté toute lecture qui eût été nécessairement
superficielle ici de l’Algèbre Universelle ainsi que des Principia
Mathematica, les enjeux philosophiques de la seconde période étant
l’objet premier de notre étude. Naturellement, ce choix est
discutable et repose pour une grande part sur les limites de nos
compétences. Il serait pertinent et intéressant de développer en
particulier les liens des Principia Mathematica à ces premiers textes
philosophiques et à la philosophie de la nature (en particulier, la
théorie des types et la théorie des objets dans la philosophie de la
nature) : nous aborderons ce point dans le chapitre I de notre
seconde partie.
2
Voir Wolf Mays, The Relevance, X, p. 259 : « Whitehead’s metaphysics
may be said in some ways to be a return to the position of MC,
from which his nature writings developed, though of course his
whole account is on a higher experiential level. »
48
Chapitre I
On Mathematical Concepts of the Material World
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type d’entités, les entités ultimes du monde matériel (la géométrie fait alors
un avec la physique) :
L’objet de ce mémoire est d’initier les recherches mathématiques sur les
diverses manières possibles de concevoir la nature du monde matériel. Dans
la mesure où il présente ses résultats sous une forme mathématique précise
et détaillée, ce mémoire traite des relations possibles à l’espace des entités
ultimes qui (dans le langage ordinaire) constituent la « matière » dans
l’espace. Voici un énoncé logique abstrait de ce problème limité, sous la
forme dans laquelle nous le concevons ici : soit un ensemble d’entités qui
constituent le champ d’une certaine relation R polyadique (i.e. à plusieurs
termes), quels « axiomes » satisfaits par R ont pour conséquence que les
théorèmes de la géométrie euclidienne sont les expressions de certaines
propriétés du champ de R 21?
Dans les deux derniers concepts, les points sont définis comme des entités
complexes et exprimés dans les seuls termes de ces entités ultimes, simples
et indivisibles, que sont les linear objective reals23. Afin d’éviter le cercle
vicieux évident selon lequel on définirait un point par une classe de lignes
concourantes en un point24, la théorie des points d’Intersection (part. III) et
la théorie des Dimensions (part. IV), qui président à l’élaboration des
concepts IV et V, seront élaborées25.
1. Définitions
Dans la première partie du mémoire26, Whitehead énumère une série de
huit définitions génétiques, au sens mathématique, constituant les bases
fondamentales de la construction des concepts :
(i) Le monde matériel est conçu, de manière générale, comme un
ensemble d’entités et de relations, les entités formant les « champs »
(fields) de ces relations27.
(ii) Les relations fondamentales désignent les relations dont la définition
n’appelle pas d’autres entités que les entités ultimes. Dans chaque concept,
trois types de relations fondamentales sont distingués : la Relation-Temps,
la Relation Essentielle et les Relations Externes28.
(iii) Les hypothèses, définies comme les propositions que les relations
fondamentales satisfont, sont appelées les axiomes29 du concept ainsi
construit. Chaque ensemble de ces axiomes constitue un concept du monde
matériel.
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(iv) La classe complète des entités ultimes, membres des champs des
relations fondamentales, est appelée la classe des Existants Ultimes
(Ultimate Existents).
(v) La classe des Existants Ultimes non temporels est appelée la classe
des Réels Objectifs (Objective Reals)30.
(vi) Un concept est dualiste quand il fait appel au moins à deux types
d’entités : par exemple, le concept I comprend comme entités ultimes les
points et les particules de matière. Un concept est moniste et leibnizien31
quand il n’a besoin que d’un seul type d’entités (concepts III, IV et V).
Dans un concept de type leibnizien, les points dans l’espace ne sont pas
compris comme des entités ultimes et indépendantes des particules de
matière ; l’espace n’est pas absolu. L’enjeu est de construire un concept
leibnizien et moniste, en alternative au concept classique du monde
matériel.
(vii) Dans chaque concept, la classe des instants de temps est notée T.
(viii) La Relation Essentielle est notée R.
2. Types de relations
Revenons maintenant aux différents types de relations fondamentales : la
Relation-Temps, la Relation Essentielle et les Relations Externes.
1. La Relation-Temps est définie comme une relation fondamentale
particulière, dyadique et sériale32, dont le champ est constitué par des
instants de temps :
Chaque concept du monde matériel doit inclure l’idée du temps. Le temps
doit être composé d’Instants. Ainsi, les Instants du Temps devront être
trouvés inclus parmi les Existants Ultimes de chaque concept33.
Dans chaque concept, une relation sériale dyadique, ayant pour champ les
instants du temps et eux seulement, est nécessaire34.
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Dès 1905, l’enjeu est de réduire au minimum les relations externes, voire
de les supprimer. Ce type de relations est seulement nécessaire pour
déterminer les relations de position entre particules dans l’espace et dans le
temps, ainsi que les lois de la dynamique45. On peut en déduire,
premièrement, que la position spatiale et temporelle est totalement
indépendante de la nature des termes mis en relation (et ce, au moins du
point de vue temporel, pour tous les concepts) ; deuxièmement, que
l’externalité de la relation dépend de la dichotomie opérée entre une
particule matérielle et un point ou un instant. Dans la philosophie de la
nature, l’événement, en tant qu’unité spatio-temporelle première et ultime
dont sont abstraites différentes sortes d’espaces et de temps, rend caduques
de telles relations. Les relations externes se tiennent seulement entre les
événements et les différents types d’objets, ou entre les objets eux-mêmes,
et sont alors encore associées à la pensée abstraite et séparative. Dès 1905,
on assiste donc déjà à une divergence naissante, mais profonde, entre
Whitehead et Russell. Les relations appartiennent essentiellement à la
nature et, en tant que telles, sont internes ; l’Enquête et le Concept de
nature s’ouvrent sur la critique fondamentale de l’extériorité des relations
de l’empirisme traditionnel, lequel conduit de manière inéluctable à l’a
priori kantien ou au scepticisme :
Certainement, si nous commençons avec une connaissance de choses, et
recherchons ensuite autour leurs relations, nous ne les trouverons pas. […]
Mais alors nous nous trompons tout à fait en pensant qu’il y a une
connaissance possible de choses comme sans relation46.
En outre, ce qui est connu n'est pas seulement les choses, mais les relations
des choses, et non les relations dans l’abstrait, mais spécifiquement ces
choses comme reliées47.
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Les relations externes se tiennent entre les points, les particules et les
instants et sont rassemblées sous la relation générale d’occupation notée O;
(pAt) qui signifie : la particule p occupe le point A à l’instant t.
Alors pour n’importe quel A et t donnés, il y a soit une seule, soit aucune
particule p pour laquelle O; (pAt) est vraie. Alors les lois de la physique sont
les propriétés de cette unique relation externe O48.
Le concept III est leibnizien et constitue lui aussi une variante moniste du
concept I. Il est construit à partir d’un seul type d’entités53, des particules
en mouvement (« ou points en mouvement »54) dans un éther remplissant
tout l’espace. La Relation Essentielle R est une relation tétradique,
composée de trois Réels Objectifs et d’un instant : R; (abct) ou Rt; (abct)
signifiant : les Réels Objectifs a, b, c, sont dans l’ordre-R abc à l’instant t.
Les définitions géométriques qui suivent sont identiques à celles du
concept I, mais en substituant à chaque fois Rt à R ; la relation temporelle
s’inscrit au sein de la Relation Essentielle et des axiomes, contrairement au
concept I :
Ainsi à chaque instant on peut considérer les Réels Objectifs comme les
points du concept classique et toute la géométrie euclidienne se tient en ce
qui les concerne. Mais à un autre instant les points n'auront pas préservé les
mêmes relations géométriques telles qu’elles se tenaient entre eux à l'instant
précédent. Ainsi, dans la comparaison des états des Réels Objectifs à
différents instants, les Réels Objectifs assument le caractère des particules.
[…] Une seule relation externe est nécessaire pour obvier à la difficulté de
comparer des lignes droites et des plans à un instant avec des entités
similaires à un autre instant. En quel sens un point à un instant peut-il être
dit avoir la même position qu'un point à un autre instant55 ?
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Les lignes droites indiquées à chaque instant par cette relation sont les
« axes cinétiques » : vitesse et accélération peuvent maintenant être
définies et une continuité générale du mouvement peut être incluse parmi
les axiomes. L’intérêt de ce concept, reconnaît Whitehead, est, d’une part,
la réduction du nombre des classes de relations externes des concepts I et II
à une seule classe et d’autre part, l’introduction du mouvement dans le
monde matériel :
Le concept s’engage à expliquer le monde physique à l'aide du mouvement
seulement. C'était en effet une maxime de quelques physiciens éminents du
dix-neuvième siècle que celle-ci : « le mouvement est l’essence de la
matière »57.
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– le concept IVA est dualiste : en plus des Réels Objectifs linéaires, un tel
concept fait appel à une classe de particules – des entités chargées
positivement et négativement – représentant la matière qui occupe l’espace.
Chaque particule est associée à chaque instant à un point quelconque63,
c’est-à-dire à une classe de Réels Objectifs linéaires. Un tel concept exige
enfin des relations externes, permettant d’associer les particules aux
« points » et aux instants (comme dans le concept I), et dont sont dérivées
les lois de la dynamique :
Ce concept […] n'est pas « complètement » un concept « linéaire ». C'est un
hybride entre les concepts « linéaires » et « ponctuels ». De par son
dualisme, il n'est pas supérieur au concept classique. Mais, du fait qu’il
possède des Réels Objectifs linéaires en mouvement aussi bien que des
particules en mouvement, il est plus riche en notions physiques64.
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B. La méthode hypothético-déductive
Revenons maintenant aux principes de la méthode, dont Whitehead
propose une présentation très succincte69. Dans chaque concept, Whitehead
distingue quatre niveaux logiques de progrès :
(i) Définition des entités capables d’être définies dans les termes des
relations fondamentales.
(ii) Déduction des propriétés des entités définies en (i).
(iii) Sélection du groupe d’axiomes qui détermine le concept du monde
matériel : les axiomes concernant les propriétés de la Relation Essentielle
R.
(iv) Déduction des propositions impliquées dans les hypothèses d’une
partie ou de tous les axiomes de (iii), plus précisément, les théorèmes
dérivés de la géométrie euclidienne.
L’auteur souligne :
Psychologiquement, l’ordre d’étude est susceptible d’être inversé, en
choisissant premièrement des propositions du second et du quatrième niveau
à cause de leur parallélisme avec les propositions de la perception des sens
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Wolfe Mays soutient ainsi qu’une telle méthode n’est pas si éloignée de la
méthode de l’abstraction extensive :
Il y a une analogie étroite entre une série convergente, ou une séquence
d'intervalles rationnels emboîtés, définissant un nombre irrationnel ou
complexe en algèbre, et la classe de lignes parallèles définissant un point
(idéal) projectif78.
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Notes
1
Ivor Grattan-Guinness souligne les différentes influences de Whitehead
dans ce mémoire : son premier livre, A Treatise on Universal
Algebra With Applications, CUP, 1898 ; B. Russell, An Essay on
the Foundations of Geometry, CUP, 1897, The Principles of
Mathematics, CUP, 1903; Oswald Veblen, On the Foundations of
Geometry, Univ. of Chicago, 1905 ; D. Hilbert, Grundlagen der
Geometrie, Leipzig, 1899. Voir Ivor Grattan-Guinness, op. cit., 3.2,
p. 435. La thèse de Veblen sur les fondations de la géométrie l’a
particulièrement marqué : les lettres écrites en 1905 à Russell en
témoignent. I. Grattan-Guinness note à ce propos : « Whitehead
liked Veblen’s decision to take order as a primitive, for he could
express ordered objects in logicist terms as fields of relations of
various kinds. » Ibid., p. 435 et 436. C’est là pour nous l’enjeu
exact de la méthode de l’abstraction extensive dans la philosophie
de la nature. Sur les relations à Cantor et à E. H Moore, voir ibid.
En outre, pour un résumé synthétique et vraiment clair du mémoire,
voir l’excellent appendice de Wolfe Mays, in The Relevance, p. 259
et 260.
2
MCMW, I, (i), p. 467. Voir la remarque éclairante de Victor Lowe, in
Schilpp, II, p. 35 : « In the history of Whitehead’s philosophical
development, the memoir of 1905 is noteworthy because it presents
his first criticism of “scientific materialism.” The criticism is
logical, not physical or philosophical. Also, what is criticized is not
called “scientific materialism” (a term introduced in Science and
the Modern world), but “the classical concept of the material
world.”»
64
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3
MCMW, I, (i), p. 467.
4
Ibid., preface, p. 465.
5
PNK, preface, v-vi.
6
MCMW, p. 468.
7
Voir The Relevance, X, pp. 256-259.
8
Voir op. cit., II, in Schilpp, pp. 33-46 et Alfred North Whitehead : The
Man and His Work, Baltimore, John Hopkins University Press, vol.
I, 1985, ch. XIV.
9
« Morphogenèse Mathématique du Monde Matériel », in Les Etudes
Philosophiques, « Whitehead », fascicule n°4, Paris, PUF, Octobre-
Décembre 2002.
10
Concept of Nature ne renvoie-t-il pas explicitement par son titre même à
MCMW ?
11
Voir CN, p. 143 [143] : « Je suis tout disposé à croire que la récognition,
au sens que je donne à ce terme, est seulement une limite idéale, et
qu’en fait il n’y a pas de récognition sans un accompagnement
intellectuel de comparaisons et de jugements. »
12
Un concept du monde matériel est une manière possible de concevoir
mathématiquement la nature du monde materiel ; Wolfe Mays
souligne ainsi l’influence sur Whitehead des géométries non-
euclidiennes : « The elaboration of non-Euclidean geometries in
which the parallel postulate does not hold, has shown that different
geometrical systems can be constructed upon axioms other than
Euclid’s. In a somewhat similar manner Whitehead constructs a
number of alternative cosmologies which are hypothetical in
character, and from which in each case Euclidean geometry may be
constructed. » Voir Wolfe Mays, The Relevance, II, p. 238.
13
La conception classique newtonienne du monde : l’espace, le temps et la
matière sont des absolus. Voir MCMW, part. I, (i), p. 467 : «
Corresponding to these classes of entities there exist the sciences of
Geometry, of Chronology, (…), and of Dynamics. » Pour l’étude
détaillée de ce concept, voir ci-dessous.
14
Cité par Whitehead, MCMW, p. 468.
15
Le fusionnement de l’espace et du temps ne sera proposé que par
Minkowski, en 1908, dans son article “Space and Time”, A
Translation of an Address delivered at the 80th Assembly of
German Natural Scientists and Physicians, at Cologne, 21
september, 1908. Dans MCMW, la théorie du temps est décevante
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Voir aussi les analyses de Bertrand Russell dans The Principles of
Mathematics, §441, p. 468 : « (…) the only relevant function of a
material point is to establish a correlation between all moments of
time and some points of space, and that this correlation is many-
one. »
52
MCMW, p. 480.
53
Autrement dit, la classe entière des Réels objectifs est constituée d’un
seul type d’entités.
54
MCMW, p. 480. Les points se meuvent, c’est-à-dire qu’ils ont des
relations différentes à chaque autre point à des instants différents.
55
Ibid., p. 481.
56
Ibid.
57
Ibid.
58
Ibid., p. 482.
59
Ibid.
60
Ibid., p. 483.
61
Voir MCMW, p. 482. Sur ce point précis, voir Bertrand Saint-Sernin, op.
cit., p. 435 : « Déjà Faraday, dans On the Physical lines of Magnetic
Forces, s’interrogeait sur l’ « existence physique de telles lignes »,
celles que la configuration de la limaille de fer dans un champ
suggère ou reproduit. Il observait : « The Inquiry is now entered
upon of the possible and probable physical existence of such lines.
» » Comme l’indique encore W. Mays, l’influence de la théorie de
l’électromagnétisme de Maxwell – sujet de la “Fellowship
dissertation” de Whitehead – est certaine dans l’élaboration des
deux derniers concepts et en particulier du concept V : « Although
put forward as the final concept [C. V], it looks as if Whitehead
first arrived at it by reference to electromagnetic theory rather than
as a result of purely logical deliberations. What he does in this
concept, which is a monistic one, is to derive geometry from
postulated linear entities, which can be given an empirical
interpretation in terms of physical notions (i.e. lines of force). » The
Relevance, VII, p. 248.
62
Infinies, de telles entités annoncent déjà les durations de la philosophie
de la nature, représentées par des lignes droites parallèles, sans
extension minimale ni maximale (du point de vue de leur dimension
spatiale). Dans l’Enquête, la continuité de la nature résulte du fait
que chaque événement contient d’autres événements comme ses
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Respectivement : MCMW, III, (ii), et IV, (i).
74
Voir Victor Lowe, in Schilpp , p. 38 : « The Theory of Dimensions,
furthermore, is first presented in its most general form, in which it
is a contribution to the theory of classes, before the application to
geometry is made. » Pour une analyse plus détaillée, voir Ivor
Grattan-Guinness, op. cit., 3.5.
75
Voir aussi B. Russell, Principles of Mathematics, § 387, p. 403.
76
Voir MCMW, IV, (i), p. 493 : « A class of straight lines is flat, either,
when it is a necessary and sufficient condition for membership that
a straight line meets two members of the class, not at their point of
meeting, or, when the class is a unit class with one line as its sole
member. »
77
Ibid., p. 495
78
W. Mays, The Relevance, p. 252. Elle en reste néanmoins assez distante :
de telles lignes, contrairement aux classes de rationnels ou aux
classes abstractives d’événements, ne requièrent pas la notion
d’ordre.
79
La théorie des dimensions ne sera pas abandonnée : si les points
matériels sont définis dans La théorie relationniste de l’espace et
dans L’Anatomie – grâce à la méthode de l’abstraction extensive –
comme des séries convergentes d’objets sensibles, comment définir
les points idéaux de l’espace vide (là où il n’y a pas d’objets en
relation) ? La méthode des points idéaux projectifs est alors
utilisée : voir ASI, III, p. 219 et 220.
80
Whitehead distinguera pour le concept V cinq types de points. Voir
MCMW, p. 524.
81
Voir MCMW, part. III, (ii), p. 485.
82
Whitehead souligne : «The relation of intersection is not to be limited in
properties by the mere geometrical suggestion of its technical name.
» Ibid., p. 505. Wolfe Mays remarque les analogies entre la notion
d’intersection dans MCMW et celle d’extension dans PNK :
« However, in MCMW it is only the linear real a which intersects
linear reals b, c, d. As b and d are distinct, they do not overlap each
other, nor do either of them overlap c. In contrast to this, in the
relation of extension each event overlaps other events and is in its
turn overlapped by others. » La relation d’intersection satisfait
quatre axiomes : « (1) a is not a member of R; (a???t), i.e. a is not a
member of the class b, c, d, since it intersects them all. (2) R;
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Chapitre II
Logicisme et expérience
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cherche à définir les points en fonction des seules relations entre les objets
(apparents et physiques), en particulier, en fonction d’un seul type de
relation, la relation d’inclusion20. Les relations sont premières. Ainsi, par
exemple, des objets physiques tels que des molécules ou des électrons
n’existent pas d’abord dans l’espace pour ensuite interagir les uns sur les
autres. Ils sont dans l’espace parce qu’ils interagissent les uns sur les
autres, l’espace n’étant rien d’autre que l’expression de certaines propriétés
de leur interaction :
Et quant à l’espace physique il est possible que les molécules, les électrons,
l’éther de la physique soient très bien conçus comme objets complexes
dérivés, tandis que les objets physiques fondamentaux, c’est-à-dire les
termes reliés par les rapports les plus simples, peuvent n’avoir aucune
connexion avec des « positions » définies dans l’espace. […]21.
80
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Les objets apparents sont les objets-σ définis plus haut, membres du
domaine converse, et le domaine-σ est la classe des sujets percevants,
actuels et possibles.
– Dans le monde physique, σ est la classe des relations directes30 entre
objets physiques et un membre quelconque R de cette classe est une
certaine relation directe entre des objets physiques. La relation xRy
signifie : « l’objet physique x a la relation directe R à l’objet physique y ».
Par conséquent,
81
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
[…] tout objet physique sera un membre du domaine converse d’un membre
déterminé de σ ; en d’autres termes les objets physiques sont les objets σ-σ.
[…] dans ce cas, le domaine-σ est identique au domaine-σ converse31.
82
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affirme que tout sujet, qui perçoit b en quelque mode, perçoit aussi a suivant
le même mode46.
affirme que tout objet physique x qui est une relation directe avec b a la
même relation avec a. Quand ces conditions sont remplies, c’est-à-dire,
quand agir sur b c’est nécessairement agir sur a, l’objet physique b est
appelé une partie-σ de l’objet physique a49.
L’enjeu est de trouver une relation logique qui ait les propriétés du « tout
et partie » spatial, et à l’aide de laquelle nous définirons les points, et plus
précisément, les points géométriques, matériels ou encore idéaux ; une
relation logique applicable à la fois au monde apparent complet et au
monde physique : « la forme logique est le seul élément qui nous intéresse
ici. »50
Quelles sont alors les hypothèses, concernant la relation Eσ, qui vont nous
assurer qu’une telle relation aura les propriétés du « tout et partie » spatial
dans l’espace apparent et dans l’espace physique ?
84
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Cette propriété ne sera pas requise comme hypothèse des propositions ; elle
est posée ici comme une définition de sens.
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une série x1, x2, x3, d’un nombre infini d’objets-σ, tels que x1Eσx2, x2Eσx3,
etc., de telle sorte que finalement x1, x2, x3, … convergent vers une limite
conceptuelle qui n’a pas de parties61.
Or, deux concepts sont problématiques, appliqués aux objets perçus : les
concepts de convergence et de limite. Si, dans les mathématiques, ces
derniers ont un sens précis – la convergence d’une série infinie de nombres,
la limite d’une fonction en Analyse – quelle signification peut-on leur
accorder quant à l’espace apparent et à ses objets ? C’est le sens et l’enjeu
du chapitre VI de la théorie relationniste, intitulé : « Classes géométriques
sérielles-T et égalité-T »62. Nous n’entrerons pas dans tous les détails
techniques de l’analyse. Le point essentiel est pour nous la définition d’une
« classe géométrique inclusion-sérielle », qui prépare les classes et les
ensembles abstractifs de la philosophie de la nature.
Whitehead prend deux exemples :
– premièrement, dans l’espace apparent, un « ensemble formé par des
cylindres suivant le même axe, mais sur des longueurs différentes, et qui
ont la même section plane constante, de telle sorte que les volumes des
cylindres forment une série, dont chaque terme contient le suivant. »63
– deuxièmement, toujours dans l’espace apparent, un ensemble de
cylindres finis, tous de même longueur et de même axe, mais dont les
sections planes ont des rayons différents.
Dans les deux cas, on obtient une classe inclusion-sérielle, ou encore, une
classe géométrique inclusion-sérielle « s’il n’y a aucune limite inférieure
(autre que 0) à la longueur des cylindres. »64 Dans de telles classes
géométriques, il n’y a d’abord aucun volume commun à tous les cylindres :
le seul élément géométrique commun à tous les membres de la série est
dans le premier cas, une surface, et dans le second cas, le segment d’une
ligne droite. Ensuite, une classe géométrique inclusion-sérielle ne peut
avoir deux limites différentes :
[…] une classe géométrique sérielle-T ou bien a un seul indivisible-T
formant son dernier terme, ou bien est telle qu’il n’y a aucun objet-σ inclus-
T parmi ses termes65.
Or, la méthode n’est pas encore achevée, elle appelle des conditions
supplémentaires :
1. Quelles conditions doit-on ajouter à la relation d’inclusion afin de
pouvoir distinguer et définir différents types de classes, suivant que la
convergence est vers un point, vers une ligne, ou encore vers une surface ?
Nous voulons « différencier les classes géométriques sérielles-T
ponctuelles, linéaires, superficielles, les unes des autres. »66
87
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Deux classes sérielles sont dites « égales » quand chacune couvre l’autre.
Deux classes sérielles dont l’une couvre l’autre mais non l’inverse, ne
convergent pas vers la même limite et ne permettent donc pas de définir un
seul et même point. En voici la démonstration :
Considérons une classe géométrique inclusion-sérielle, formée par
l’ensemble de carrés concentriques et de côtés parallèles p1, p2, p3, …etc.,
de centre M, et une classe de rectangles concentriques, q1, q2, q3, …etc.,
convergeant vers le segment [AB] : p1 recouvre q1, q2, q3 ; de même p2 par
rapport à q2, q3, …etc. ; en revanche, si q3 recouvre p3, p4, …etc., aucun
carré, à partir de p3 ne recouvre un membre de q. La classe q couvre p, mais
non l’inverse. Les deux ensembles ne sont pas égaux : la limite de p est un
point et la limite de q est un segment de droite.
Si le point de convergence est tangent à l’une des deux classes (ou aux
deux), alors les classes ne seront pas nécessairement d’égales-inclusion.
89
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
Il y a (ou il peut y avoir selon la théorie logique ici développée) des points
et lignes exceptionnels qui sont objets de perception. De là la possibilité de
communes limites définies pour toutes les aires d’une série. Mais quand la
loi de convergence requiert dans sa définition un point défini ou une ligne
définie, ce point ou cette ligne doit être un point perçu ou une ligne
perçue74.
90
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
« géomc2T »). Cette distinction doit reposer uniquement sur les propriétés de
la relation fondamentale d’inclusion :
Le premier ensemble sera dénoté par géomc1T et le second par géomc2T. Les
définitions doivent être faites seulement au moyen de définitions logiques
portant sur T et sans l’aide d’aucune nouvelle idée fondamentale, – c’est-à-
dire que notre géométrie doit être fondée sur la notion fondamentale de
inclusion-T77.
Il sera noté que la propriété d’être sans parties et grandeur, qui est la
définition euclidienne du point est ici représentée par la qualité
d’ « élémentarité » qui s’attache à toute classe géométrique sérielle-T qui
converge vers un point, c’est-à-dire qui est membre d’un point80.
91
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
D. Conclusion
Dans la théorie relationniste, la méthode de l’abstraction extensive est
présentée sous sa forme la plus logique et la plus abstraite : elle permet
d’articuler les objets de l’expérience sensible – mais réduits à de simples
volumes spatiaux – aux entités fondamentales de la géométrie euclidienne.
Les événements et les objets apparaissent aussi pour la première fois, mais
force est de le constater, dans un passage qui demeure assez confus :
Selon la physique usuelle, les perceptions résultent des relations
changeantes entre objets physiques, survenant dans un certain laps de temps.
Par exemple, la sensation visuelle résulte du choc d’une foule d’ondulations
de l’éther sur l’œil, le son vient du choc d’une foule d’ondulations de l’air
sur le tympan et il en est de même des autres sensations. Donc les objets
apparents du monde apparent sont en corrélation directe avec les
événements du monde physique et non pas avec les objets du monde
physique. La conséquence de ceci est que l’on remplace par la pensée les
objets apparents fluides et se désagrégeant par des objets physiques plus
permanents ; tout progrès dans l’analyse du monde physique consiste à
remplacer les objets instables par des objets permanents83.
92
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
du concret vers l’abstrait, des événements aux objets. Or, les questions
essentielles posées véritablement à partir de l’Enquête restent ouvertes :
premièrement, quelle est la signification exacte de ces objets apparents
fluides et fugitifs et la nature de leurs relations aux événements du monde
physique ?84 Deuxièmement, si la pensée, dans sa recherche de simplicité et
de stabilité qui la caractérise, « remplace » les objets apparents par une
série d’objets de plus en plus abstraits et permanents – molécules, atomes,
puis électrons – Whitehead n’en dit pas plus sur la signification exacte d’un
tel remplacement. Troisièmement, la question de la nature des objets perçus
est laissée en suspens. Whitehead conclut la théorie relationniste en
soulignant :
Il n’y a en réalité aucune différence entre ces théories des points pour les
aires apparentes ou pour les objets physiques conçus comme volumes85.
93
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
Notes
1
Soulignons le peu de commentaires accordés à cet article parmi les
différentes études whiteheadiennes : quelques pages de Victor
Lowe dans “Whitehead’s Philosophical Development”, pp. 53-55,
et ANW : The Man an his Work, vol. II, pp. 16-18 ; deux pages
d’Alix Parmentier, op. cit., p. 38 et 39 ; G. Hélal lui consacre
seulement un paragraphe, op. cit. p. 53. De fait, il ne nous reste
malheureusement que le texte de la traduction française,
probablement traduit en français par Xavier Léon, fondateur et
secrétaire de la rédaction de la Revue de Métaphysique et de
Morale. Le texte est ainsi décrit par Victor Lowe comme « poorly
written and unnecessarily long. » On trouve cependant une
traduction anglaise commentée de Patrick J. Hurley, “Whitehead’s
Relational Theory of Space : Text, Translation, and Commentary”,
N° 1259, in Philosophy Research Archives 4, 1978. Voir aussi la
traduction de Janet Fitzgerald dans l’appendice de Alfred North
Whitehead’s Early Philosophy of Space and Time, University Press
of America, Washington, D.C., 1979.
2
Lettre du 10 janvier 1914, Archives B. Russell, McMaster University.
3
A l’exception d’un article écrit bien plus tard, en 1934 : “Indication,
classes, number, validation”, Mind New Ser. 43, pp. 281-297.
4
En 1914, la théorie relationniste est purement leibnizienne. Aucune
référence n’est donnée aux théories de la relativité d’Einstein ni à
l’espace-temps de Minkowski. Selon Victor Lowe, Whitehead lui
aurait confié bien plus tard, en mai 1941 : « Minkowski’s paper was
published in 1908, but its influence on me was postponed
approximately ten years. » Lowe ajoute : « “Ten” may be an
overstatement by one to three years. » ANW : The Man an his Work,
94
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
95
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
21
TRE, p. 430. De même, les sujets percevants ne sont naturellement
« (…) assujettis à aucune position assignable ».
22
Jean Nicod, La Géométrie dans le monde sensible, part. I, chap. IV.
C’est aussi la présentation que donne B. Russell de la méthode dans
l’appendice de Notre Connaissance du Monde Extérieur datant de
la première édition de 1914. Soulignons que les points 3 et 4 de son
analyse sont très problématiques eu égard à la méthode exposée
dans la TRE : « Les hypothèses requises par la relation de
contenant-à-contenu sont : (…) (3) l’existence d’une limite ou
minimum à toute collection d’objets spatiaux, telle qu’il y ait un
objet spatial au moins contenu en eux tous et contenant tous les
objets qui sont contenus en eux tous, (4) enfin, (…) il doit exister
des exemples de contenant-à-contenu, c’est-à-dire qu’il doit
réellement y avoir des objets dont l’un contient l’autre. » La
méthode scientifique en philosophie, p. 245 et 246. Nous
soulignons. D’abord, la position de l’existence ou de la réalité est
exclue de la TRE, mais aussi de PNK, CN et R. Ensuite, ce qui est
« contenu en eux tous » n’est pas un « objet spatial » mais une
limite conceptuelle, d’un autre ordre que les « objets spatiaux » liés
par la relation d’inclusion. Enfin, Whitehead n’admet jamais
d’événement premier, le plus grand d’une série. En résumé, au
regard de la TRE – qui n’est sans doute pas le fameux manuscrit
reçu par Russell en 1914 – cette présentation de la méthode
whiteheadienne est inadéquate. Russell reviendra sur la méthode,
mais cette fois-ci en la critiquant, dans le chapitre XXVIII de
L’Analyse de la matière. Voir p. 227sq.
23
TRE, VII, p. 450.
24
Ibid., p. 433.
25
Nous revenons sur ces controverses et objections dans la seconde partie
de notre étude, chap. III.
26
Voir les analyses critiques d’Adolf Grünbaum, dans l’article déjà cité :
“Whitehead’s Method of extensive abstraction”. La structure de
l’apparence, soutient l’auteur, est non-isomorphique avec ce que la
géométrie attribue à l’espace en vertu de la divisibilité infinie des
intervalles. A. Grünbaum en conclut que la méthode de
l’abstraction extensive oblitère la précision des lois physiques en ne
permettant pas la différenciation précise des points.
27
Voir Principia Mathematica, I, * 33. Les références semblent données
par Whitehead lui-même, TRE, p. 431.
96
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
28
Ibid.
29
Ibid.
30
Pour une définition des relations directes et indirectes, voir Ibid., p. 426 :
« Les relations entre objets physiques peuvent être divisées en deux
classes : relations directes et relations indirectes. Si A est rapporté à
B et B à C, alors le fait même de ces deux relations constitue une
relation indirecte de A à C. Mais les relations indirectes supposent
des relations directes, qui ne sont plus elles-mêmes
décomposables. »
31
Ibid., p. 432.
32
Ibid.
33
Voir Ibid., IV, « La relation de tout à partie et l’ « inclusion-σ » », pp.
433-440.
34
Ibid., p. 433.
35
Ibid..
36
A partir de l’Enquête, seuls les événements sont dits avoir des parties (au
sens de parties spatio-temporelles) ; un objet n’a pas de parties mais
des « composants », qui sont des « objets » de différents types :
« concurrent components », « extensive components » et « causal
components ». Voir PNK, 55-56.3, pp. 169-172.
37
TRE, p. 433. « La partie spatiale est un objet du même genre que le tout
dont elle fait partie et elle se distingue ainsi essentiellement du
« composant » (…) » Ibid., p. 433 et 434.
38
Ibid., p. 434.
39
Ibid. Voir aussi ASI, p. 138 : « (…) in this case the extended objects as
here conceived cannot be the true sense-objects which are present
to consciousness. For as here conceived a part of a sense-object is
another sense-object of the same type ; and therefore one sense-
object cannot be a class of other sense-objects, just as a tea-spoon
cannot be a class of other tea-spoons. »
40
TRE, p. 434.
41
Ibid.
42
Ibid., p. 434 et 435.
43
Ibid., p. 435. « (…) à moins que nous n’admettions que nous percevons
un objet étendu comme une collection d’entités-points. »
44
Ce passage de l’article est assez confus. De fait, cette question ne fait pas
vraiment partie des enjeux de l’étude. Elle se posera plus clairement
97
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
98
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
56
Ibid. A ce stade, Whitehead reconnaît l’existence de seuils perceptifs
minimaux, en dessous desquels toute division est purement
conceptuelle. Voir aussi ibid., p. 432 : « Dans l’espace apparent, un
point est (pratiquement) une aire ou un volume suffisamment petit
pour que le sujet soit incapable d’y introduire une division exacte
en parties. De tels « minima sensibilia » ne manquent ni de surface
ni de volume, mais de la stabilité nécessaire pour la division. » Un
point n’est pas perçu, sauf dans certains « cas exceptionnels » : des
points de « contact », situés à la limite des volumes. Voir Ibid., p.
448 et ci-dessous, C.
57
Ibid., p. 442. Ce qui pose un problème – si Whitehead conserve cette
position – pour fonder empiriquement la méthode de l’abstraction
extensive, qui repose sur des séries infinies d’événements
convergents.
58
Ibid., p. 440.
59
Voir Ibid., p. 441 : « Si nous acceptons l’hypothèse que toutes les
positions sont actuellement occupées par des objets-σ, alors les
définitions sont complètes. Mais si nous admettons un espace
inoccupé, c’est-à-dire des points inoccupés par des objets-σ, alors
nous avons à faire une théorie généralisée des points idéaux (que
j’espère expliquer dans un mémoire ultérieur). Ces points idéaux
sont les points de l’espace complet de la géométrie. Un point idéal
est occupé quand il y a un « point-T matériel » qui lui correspond ;
sinon, il est inoccupé. »
60
Ibid., p. 441.
61
Ibid., p. 442.
62
Ibid., pp. 443-448.
63
Ibid., p. 443 et 444.
64
Ibid., p. 444.
65
Ibid.
66
Ibid., p. 445.
67
Ibid., p. 444. Nous soulignons.
68
L’auteur limite son étude aux classes permettant de définir des points :
« La seule classe essentielle pour les développements géométriques
ultérieurs est l’ensemble convergeant vers des points. » Ibid., p.
445. Pour les définitions logiques de l’égalité, voir p. 445,
propositions 3-8.
99
I • 2. L O G I C I S M E ET EXPERIENCE
69
Ibid., p. 446.
70
Ibid.
71
Ibid., p. 447 et 448.
72
Ibid., p. 448.
73
Ibid., p. 447.
74
Ibid., p. 448.
75
Ibid.
76
Ibid., VII, pp. 448-454.
77
Ibid., p. 449. Le logicisme des Principia, appliqué à la géométrie, se
passe de la notion intuitive ou empirique de figure. Voir encore
Ibid., p. 450 : « Aussi un point-T matériel est un groupe de
membres de géomc1T qui convergent vers le même point et nous
montrons comment cette idée est capable d’une définition purement
logique. » La méthode de l’abstraction extensive, au sein de la
philosophie de la nature, n’emprunte pas ce pur chemin logiciste.
78
Ibid., p. 449.
79
Ibid., p. 450.
80
Ibid., p. 452.
81
Ibid., p. 451.
82
Ibid., p. 454.
83
Ibid., p. 425. C’est l’auteur qui souligne.
84
Notons que les événements ne sont pas définis comme les données de
l’expérience sensible, mais comme les données du monde physique,
et ce, par la notion physique d’onde. Leur lien au temps, à une
certaine durée, semble important, de même pour les objets
apparents, qui se voient attribuer la première caractéristique donnée
plus tard aux événements : la fluidité, synonyme de flux. Le
caractère de ce qui « se désagrège » reste à ce stade assez flou : lié à
l’idée de fluidité, il semble renvoyer à l’idée d’un changement
progressif, orienté vers la disparition. Le changement ne pourra pas
être attribué à la notion d’événement dans la philosophie de la
nature, pas plus qu’aux objets, essentiellement abstraits.
85
TRE, VII, p. 452.
86
Ibid., p. 436.
87
Il reste à déterminer si le concept événementiel réussit à répondre à cet
enjeu.
100
Chapitre III
Vers un empirisme radical
[…] Notre vrai but est de rendre explicite notre perception de l'apparent
dans les termes de ses relations. Ce que nous percevons est la rougeur liée à
d'autres apparents. Notre objet est l'analyse des relations8.
101
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
102
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
103
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
104
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
105
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
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I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
107
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
3. Objets de perception
a) Ensembles et unité
108
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
109
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
Nous soutenons qu’une couleur particulière qui serait définie dans son
caractère relationnel le plus concret, sans aucune omission de ses relations
et de sa singularité, n’est pas un objet – au sens d’une entité complexe et
abstraite – mais un événement. Dans L’Anatomie, le concept d’événement
manque à l’analyse pour que l’on puisse différencier les objets construits de
ce à partir de quoi ils sont construits, les événements et les classes
d’événements.
Le caractère arbitraire de tout objet sensible apparaît maintenant
précisément : l’abstraction d’un tel objet consiste à retenir une et une seule
qualité d’un ensemble de qualités (infini, en droit) et à ériger cette qualité
comme la qualité de l’objet, ici perceptuel. L’abstraction, que la méthode
de l’abstraction extensive rendra plus tard intelligible, correspond au
110
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
Revenons aux objets perceptuels. Entre les premiers flux homogènes des
différents sens, les relations spatiales coïncidentes donnent lieu à leur
association en un « premier objet-pensée de perception », et les relations
spatiales non-coïncidentes donnent lieu à leur séparation d’avec d’autres
ensembles ou flux. On trouve alors la seconde application du principe
d’agrégation, les jugements requis dans de telles associations, précise
l’auteur, étant d’abord seulement des jugements immédiats, dénués de toute
inférence :
À l'égard de certains groupes d'objets sensibles l'association peut être un
jugement immédiat dépourvu de toute inférence, telle que la pensée
perceptuelle primaire soit celle d’un premier objet-pensée brut […]64
111
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
Whitehead précise enfin qu’un tel procès abstractif n’implique pas que
tous les objets sensibles soient perçus et associés dans des objets
perceptuels :
Cette analyse du courant complet de présentation sensible dans n'importe
quelle petite durée présente en une variété de premiers objets-pensée bruts
correspond seulement partiellement au fait ; pour la raison que beaucoup
d'objets sensibles, tels qu’un son par exemple, ont des relations spatiales
vagues et indéterminées, par exemple, vagues sont ces relations spatiales
que nous associons à nos organes des sens et aussi vagues sont celles de
l'origine desquelles (dans l'explication scientifique) ils procèdent66.
112
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
Pour finir, soulignons que les jugements et les concepts qui entrent dans la
formation de ces objets sont seulement instinctifs : ils ne sont pas
« consciemment recherchés et consciemment critiqués avant leur
adoption »74. Leur adoption immédiate est facilitée, premièrement, par
l’attente75 du futur dans lequel l’hypothétique devient actuel,
deuxièmement, par les jugements concernant l’existence d’autres
consciences, pour lesquelles ces expériences hypothétiques seraient
actuelles :
L'objet-pensée de perception est, en fait, un dispositif pour faire comprendre
à notre conscience réflexive des relations qui se tiennent dans le courant
complet de présentation sensible. Concernant l'utilité de cette arme, il ne
peut y avoir de doute; c'est la roche sur laquelle la structure entière de la
pensée du sens commun est érigée76.
113
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
Même la vue, alors qu’elle est le mode sensitif le plus assuré, peut être
déroutée ; les exemples sont nombreux et bien connus : les reflets dans un
miroir, le bâton de bois qu’on plonge dans l’eau, les arcs-en-ciel, les taches
de lumière qui cachent les objets dont elles émanent. Les sons, plus
complexes et difficiles, tendent à se désengager de tout objet de
perception :
Par exemple, nous voyons la cloche, mais nous entendons le son qui vient
de la cloche ; nous disons pourtant que nous entendons la cloche. Autre
exemple, un mal de dent est dans une large mesure par lui-même et n’est
qu’indirectement une perception du nerf de la dent. Des illustrations du
même effet peuvent être accumulées pour chaque type de sensation80.
114
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
115
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
Une ultime étape est franchie quand les objets du sens commun sont
détrônés par les objets scientifiques ; les molécules, les atomes et les
électrons sont dépouillés de toutes les qualités sensibles et sont conçus
comme les causes de la présentation sensible, des causes inaccessibles
directement par les sens86. L’anatomie de quelques idées scientifiques, en
interprétant l’histoire des sciences de la nature comme une progression
inéluctable vers la bifurcation entre l’expérience sensible immédiate et les
objets scientifiques, préfigure les développements de la trilogie de la
philosophie de la nature, puis de La Science et le Monde Moderne. L’enjeu
de la méthode logique de l’abstraction est alors de réconcilier l’expérience
sensible et les objets scientifiques, en montrant la continuité de l’une aux
autres. Mais nous allons voir qu’un tel enjeu reste, en 1917, un simple
programme.
116
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
117
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
(i) Il n’y a pas d’exemples tels que aEb et bEa avec « a différent de b » ;
(ii) aEa est impossible.
La première partie est une hypothèse importante : c’est l’hypothèse des
Indiscernables. La seconde se réduit à la convention triviale selon laquelle
nous ne considérons pas un objet comme une partie de lui-même ; nous
limiterons notre attention à des « parties propres » (proper parts) : la
relation d’inclusion est posée à partir de 1917 comme irréflexive.
3. Le domaine de E inclut son domaine converse : aEb implique toujours
que c peut être trouvé tel que bEc. Une telle condition implique ici
l’affirmation de la divisibilité infinie des objets étendus, à la fois dans
l’espace et dans le temps :
Une partie indivisible manquera de durée dans le temps et d'extension dans
l'espace et est ainsi une entité d'un caractère essentiellement différent d’une
partie divisible. Si nous admettons de tels indivisibles comme les seuls vrais
objets sensibles, notre procédure qui va suivre est une élaboration inutile.
On trouvera qu'une quatrième condition est nécessaire, due aux difficultés
logiques liées à la théorie d'un nombre infini de choix. Il ne sera pas
nécessaire pour nous d'entrer plus loin dans cette question, qui implique des
considérations difficiles de logique abstraite. Le résultat est que, en dehors
de l'hypothèse, nous ne pouvons pas prouver l'existence des ensembles,
chacun contenant un nombre infini d'objets, qui sont ici appelés des points,
comme il sera expliqué immédiatement92.
Les classes ou les ensembles d’objets qui suivent – préfigurant les classes
abstractives de l’Enquête et du Concept de nature – sont reconnus ici par
l’auteur comme seulement hypothétiques.
Considérons un ensemble d’objets-inclusion tel que :
(i) De deux quelconques de ses membres, l’un inclut l’autre.
(ii) Il n’y a pas de membre inclus par tous les autres.
(iii) Il n’y a pas d’objets-inclusion, non membre de l’ensemble, qui soit
inclus par chaque membre de l’ensemble.
Un tel ensemble est appelé « un ensemble convergent d’objets-
inclusion »93. La série converge donc vers un élément de simplicité idéale,
et incarne, à elle seule, cet idéal. Cette série est appelée une « route
d’approximation »94 :
Tandis que nous suivons la série des membres des plus grands aux plus
petits, évidemment nous convergeons vers une simplicité idéale à tout degré
d'approximation auquel nous souhaitons passer, et la série dans son
ensemble incarne l'idéal complet le long de cette route d'approximation. En
fait, pour se répéter, la série est une route d'approximation95.
118
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
119
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
C. Conclusion
Fondamental, L’anatomie est un article de transition. Il mène au concept
événementiel de nature élaboré à partir de l’Enquête. Premièrement,
l’abstraction des objets – sensibles, perceptuels, puis scientifiques – à partir
120
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
d’un flux sensible ultime, est soutenue sans ambiguïté. Dans les différentes
étapes de ce procès abstractif, la question essentielle reste le fondement et
la nature du passage de la multiplicité à l’unité et à l’identité de l’objet. Le
principe humien d’agrégation, associé au principe de convergence, reste
obscur et n’apporte pas de véritable réponse ; pire, il semble conduire
inévitablement à la bifurcation de la nature, entre les données sensibles et
les objets. De fait, ce second principe, à la différence du principe de
convergence, ne réapparaîtra pas dans les écrits ultérieurs. La méthode
logique de l’abstraction devrait répondre à ce problème en articulant ces
différents types d’entités. Or, c’est là le deuxième point important de
L’Anatomie : la méthode n’est véritablement introduite qu’à la fin de
l’article et elle est utilisée seulement pour définir et ré-exprimer les objets
scientifiques tels que les électrons, puis exclusivement les points, les lignes
et les plans de la géométrie euclidienne. Or, même dans ce cadre, les outils
de la méthode sont de simples objets abstraits. Le lien avec l’expérience la
plus concrète n’est donc pas réalisé et reste à ce stade à l’état de simple
projet.
Tels sont les enjeux fondamentaux de la suite de notre étude : construire
un concept événementiel de nature à l’aide de la méthode de l’abstraction
extensive, qui permette l’articulation véritable des données de l’expérience
sensible – à partir de 1919, les événements – aux objets les plus abstraits.
Programme formé progressivement, on l’a vu, depuis 1905, mais qui reste
jusqu’en 1919 au moins, un programme maintes fois avorté.
Notes
1
Avec, parmi les plus importants, Space, Time, and Relativity (1915) et
The Organisation of Thought (1916). Tels sont les premiers écrits
vraiment « philosophiques » selon V. Lowe ; voir “Whitehead’s
Philosophical Development”, p. 55 : Whitehead « is beginning to
take an active part in the discussions of the Aristotelian Society in
London, and in the British Association for the Advancement of
Science. His essays consist of suggestions proposed for the
consideration of such audiences. The symbolism of Principia does
not appear in print for twenty years. » Nous utilisons la reprise de
ces articles dans The Aims of Education And Other Essays,
Macmillan, New York, 1929, The New American Library, A
Mentor Book, fourth printing, july, New York, 1953.
2
En particulier The Problems of Philosophy (1912) et Our Knowledge of
External World (1914). Voir la lettre de Whitehead à Russell datant
121
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
122
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
10
« The primary elements of the scientific explanation – molecules, etc. –
are not the things directly perceived. For example, we do not
perceive a wave of light ; the sensation of sight is the resultant
effect of the impact of millions of such waves through a stretch of
time. Thus the object directly perceived corresponds to a series of
events in the physical world, events which are prolonged through a
stretch of time. » ASI, p.127.
11
La formation de tels concepts – du flux sensible le plus brut aux objets
persistants de la perception commune et aux objets scientifiques – a
pris des siècles, suggère Whitehead dans OT, p. 110 : « The
formation of that type of concept was a tremendous job, and
zoologists and geologists tell us that it took many tens of millions
of years. I can well believe it. »
12
OT, p. 109.
13
Voir Ibid., p. 122 : « I will now break off the exposition of the function
of logic in connection with the science of natural phenomena. I
have endeavoured to exhibit it as the organising principle, analysing
the derivation of the concepts from the immediate phenomena, (…)
».
14
Ibid.
15
ASI, p. 128.
16
Ibid.
17
Ibid.
18
On a là le sens premier de la catégorie des « objets » dans la philosophie
de la nature. Un objet est toujours essentiellement abstrait, dans le
sens où il suppose une division, une séparation et une simplification
du flux ultime concret. Reste à déterminer la nature exacte de cette
abstraction.
19
ASI, p. 128.
20
Ibid.
21
Ibid.
22
Voir Ibid. : « (…) it is only in thought that the stream separates into a
succession of elements. » On voit que pour Whitehead l’idée de
flux n’exclut pas la divisibilité, bien au contraire. Elle exclut
seulement l’arrêt atomiste dans la division. Un flux est divisible à
l’infini. Ce sera là la première caractéristique de la relation
dynamique d’extension dans PNK et CN. Le flux sensible dont part
Whitehead est loin de l’idée, en particulier bergsonienne, d’un
123
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
124
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
30
R, p. 21.
31
« Fallacy of Misplaced Concreteness ». Nous traduisons « fallacy » par
« sophisme » et non simplement par erreur ou illusion : le grec
« σόφισµα », dont le synonyme latin est « fallacia », signifie
primitivement un trait d’habileté, une invention ingénieuse, ce qui
fait alors écho au titre même du chapitre III de SMW, Le siècle du
génie. Si « the fallacy of Misplaced Concreteness » n’est pas une
erreur en elle-même mais une erreur dans le sens d’une
« confusion » et d’une « inversion » du concret et de l’abstrait, ce
n’est pas non plus une confusion seulement accidentelle : on
laisserait ainsi de côté son caractère fallacieux. Fallacieux non pas
au sens de ce qui est sans fondement (Whitehead soutient justement
le contraire), mais dans le sens d’une technique habile, ingénieuse,
innovante qui conduit à prendre, contre l’évidence même, le plus
abstrait pour le plus, voire le seul concret.
32
En introduisant l’attention sensible (sense-awareness), nous anticipons
sur les œuvres ultérieures.
33
ASI, p. 137. Voir aussi par exemple Ibid., p. 131 : « The thought-objects
of perception are instances of a fundamental law of nature, the law
of objective stability. It is the law of the coherence of sense-objects.
This law of stability has an application to time and an application to
space; also it must be applied in conjunction with that other law, the
principle of convergence to simplicity from which sense-objects are
derived. »
34
ASI, p. 130.
35
Ibid. « This principle extends throughout the whole field of sense-
presentation. » Ibid.
36
De même dans PNK et CN : la première application de la méthode est
temporelle et conduit aux « moments », c’est-à-dire au concept de
la nature entière à un instant.
37
ASI, p. 130.
38
On peut ajouter « pré-subjective » : ce qui conduit Whitehead – dans
l’Enquête – à introduire la notion d’événement percevant. Cela
n’empêche pas que cet instinct ait une histoire ou une généalogie,
comme le suggère Whitehead dans OT. Victor Lowe souligne la
dimension généalogique des Principes en laissant de côté leur
caractère immédiat et naturel dans l’expérience sensible.
39
PNK, 18.3, p. 76.
125
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
40
Voir ASI, p. 129 et 130.
41
Ibid., p. 129.
42
Ibid.
43
Ibid., p. 129 et 130. Cette analyse sera enrichie dans la trilogie par
l’étude de la nature des relations, en particulier dans Le Principe de
Relativité. La relation temporelle entre a et b est encore perçue, b
indiquant cette relation : les relations entre événements sont
internes ou essentielles. Il s’agit d’un mode de connaissance que
Whitehead appelle dans R la « connaissance par relation ».
44
Ce qui n’est pas le cas à partir de PNK : nous avons l’expérience de la
nature entière – d’un point de vue seulement spatial dans PNK –
mais aussi temporel à partir de CN. La première sorte d’inférence
est une simple opération logique reposant sur la relation de
transitivité. Whitehead n’interroge malheureusement pas plus la
nature de cette inférence.
45
ASI, p. 130.
46
Ibid., p. 127. Voir CN, p. 152 [155] : « L’objet perceptuel est le résultat
de l’habitude de l’expérience. »
47
Telle est l’une des premières définitions – en termes d’ensembles et de
classes – des objets perceptuels, que l’on retrouve encore dans
PNK, CN et R : « A perceptual object is recognised as an
association of sense-objects in the same situation. The permanence
of the association is the object which is recognised. » PNK, 24.1, p.
88. Mais progressivement, Whitehead soutiendra l’unité et l’identité
propres de l’objet perceptuel, données dans l’expérience sensible : «
the object is more than the logical group ; it is the recognisable
permanent character of its various situations. » Ibid., 24.6, p. 91.
48
ASI, p. 127. Le rôle de l’imagination n’interviendra que plus tard, dans
la complétude de l’objet de perception.
49
La simultanéité et la coïncidence sont cependant, au niveau de
l’expérience, seulement approximatives : l’instantanéité et les
relations spatiales nettes et précises supposent l’application répétée
du principe de convergence. Essentiellement, il y a une durée – et
puisque le temps et l’espace sont ici encore séparés –
essentiellement, il y a des volumes.
50
ASI, p. 127. Nous soulignons.
51
Voir Ibid. Whitehead remarque que dans certains cas, une telle
association peut demander un effort de raisonnement : par exemple,
126
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
127
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
58
Dans le fameux passage cité plus haut (n. 53), Whitehead passe sans
précautions particulières d’un flux homogène (relatifs à un seul
sens) (1) aux relations spatiales entre ces « objets sensibles » (2).
59
ASI, p. 136. Nous soulignons.
60
Lequel principe dépasse – à la différence du principe de convergence tel
qu’il est formulé – le simple statut de Loi de la Nature, et implique
la naissance de la pensée abstraite (et une première forme possible
de bifurcation).
61
Une telle contradiction bien présente dans ASI donne raison aux
critiques de J. Vuillemin : Whitehead semble vouloir à la fois
appliquer le principe d’abstraction et réifier les entités abstraites.
62
ASI, p. 138 et 139.
63
Notons que si Whitehead commence l’article en excluant de son étude
toute question métaphysique, il conclut en les rappelant. Voir la
conclusion, pp. 153-155.
64
Ibid., p. 131 et 132.
65
Ibid., p. 132.
66
Ibid.
67
Ibid. De tels objets seront appelés « objets physiques » à partir de
l’Enquête.
68
Ibid., p. 133.
69
Voir Ibid., p. 132. Whitehead ne précise pas davantage – et c’est
regrettable – le sens et la nature conférés à de telles analogies. Elles
semblent pouvoir être rapprochées à de simples ressemblances
humiennes. Elles auront un sens plus complexe et mathématique
dans l’Enquête. Enfin, de telles analogies ne semblent pouvoir ici
être rapportées qu’aux analogies entre les ensembles d’objets
sensibles composants. L’analyse reste bien insuffisante sur ce sujet.
70
Ibid.
71
Ibid., p. 133. Nous soulignons. On sort alors des limites strictes imposées
à la philosophie de la nature à partir de PNK.
72
Même si chez Hume, l’imagination est plus une simple transition
associative se faisant qu’une véritable faculté. Les principes
premiers sont ici davantage des lois de la nature (et non pas
humaines). La méthode de l’abstraction, à partir de PNK, éclaire
davantage ce point.
73
ASI, p. 133.
128
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
74
Ibid.
75
Whitehead ne le dit pas, mais l’influence humienne est certaine.
L’attente est liée à l’habitude, qui sera présente explicitement, dans
la philosophie de la nature – mais non sans ambiguïté et
retournement – dans la constitution des objets perceptuels.
76
ASI, p. 134.
77
Ibid., p. 126. Voir aussi OT, p. 110 : « (…) science is rooted in what I
have just called the whole apparatus of commonsense thought. That
is the datum from which it starts, and to which it must recur. » Et
ibid., p. 111 : « (…) the basis of science does not depend on the
assumption of any of the conclusions of metaphysics; but that both
science and metaphysics start from the same given groundwork of
immediate experience, and in the main proceed in opposite
directions on their diverse tasks. For example, metaphysics inquires
how our perceptions of the chair relate us to some true reality.
Science gathers up these perceptions into a determinate class, adds
to them ideal perceptions of analogous sort, which under
circumstances would be obtained, and this single concept of that set
of perceptions is all that science needs. »
78
L’argumentation sera reprise de l’Enquête au Principe de Relativité.
79
ASI, p. 134.
80
Ibid. Voir aussi CN, p. 146 [147].
81
ASI, p. 134.
82
Voir par exemple CN, p. 144 [144] : « Les objets sont les éléments dans
la nature qui peuvent être encore. »
83
ASI, p. 134. Ce passage concerne uniquement les objets perceptuels.
L’analyse manque encore de véritables développements et de
précision pour justifier le caractère conceptuel de tels objets.
84
Ibid., p. 135.
85
Ibid.
86
Voir Ibid., p. 136 : « The transition from thought-objects of perception to
thought-objects of science is decently veiled by an elaborate theory
concerning primary and secondary qualities of bodies. » Cette
distinction des qualités primaires et secondaires sera au centre de la
critique des bifurcations modernes de la nature, en particulier dans
CN.
87
Ibid.
129
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
88
Ibid., p. 137. Whitehead introduit ainsi pour la première fois le terme de
récognition concernant les objets, mais sans jamais le définir. On
est encore loin de l’analyse de PNK et CN.
89
Intitulée « Time and Space », pp. 136-148.
90
Ibid., p. 140.
91
Le fait qu’une entité b puisse être trouvée telle que aEb et bEc peut être
conçu comme une relation entre a et b, notée E2. Si aE2b, alors
aEc : quand la relation E2 se tient, alors la relation E se tient aussi.
92
ASI, p. 141.
93
Ibid., p. 142.
94
Ibid.
95
Ibid.
96
Les exemples donnés par Whitehead sont les mêmes que dans La théorie
relationniste de l’espace et seront repris dans PNK et CN, il n’est
pas utile ici de les noter. Voir ASI, p. 142 et 143.
97
Ibid., p. 143.
98
Ibid., p. 144.
99
Ibid. Whitehead ajoute sur ce point en 1928 une note intéressante
concernant la TRE : « where this question is dealt with by the
author at the end of an article, “La théorie relationniste de
l’espace”. [addendum 1928 : The article was written in 1914, and
read in Paris at a congress in May of that year. I do not now
consider that it evades the difficulty. The topic is reconsidered in
my Gifford Lectures for 1928.] » Une question donc très technique,
ici mise de côté, mais qui occupe encore une place importante dans
la métaphysique de PR.
100
ASI, p. 144.
101
Ce point est important et sera repris dans PNK : la méthode n’exige pas
de ses entités qu’elles possèdent des limites exactes. Dans le cas
contraire, elle se verrait coupée de l’expérience sensible. Ce point a
souvent été oublié ou mal compris par les critiques de la méthode
de l’abstraction extensive. Whitehead ajoute : « The transition from
the sense-object immediately presented to the thought-object of
perception is historically made in a wavering indeterminate line of
thought. The definite stages here marked out simply serve to prove
that a logically explicable transition is possible. » ASI, p. 144. Une
fois de plus, les objets sensibles sont laissés de côté par la méthode.
130
I • 3. VERS UN EMPIRISME RADICAL
102
Voir Ibid., p. 145 et 146.
103
Ibid.
104
Ibid., p. 146.
105
Ibid.
131
II.
135
II. L E CONCEPT EVENEMENTIEL DE NATURE
Notes
1
En premier lieu concernant la notion d’objet, dont la diversité et le sens
varient de PNK à CN, mais surtout, qui est mise de côté dans R :
Whitehead préfère employer les termes d’ « adjectif » et de
« pseudo-adjectif ».
2
“Uniformity and Contingency”, Proc. of the Aristotelian Soc., N.S., vol.
XXIII, 1922-1923, pp. 1-18 (republié dans ESP, part. II, pp. 132-
148).
3
Voir PNK, preface, viii : « It is quite unnecessary to draw attention to the
incompleteness of this investigation. The book is merely an
enquiry. It raises more difficulties than those which it professes to
settle. » Mais Whitehead ajoute tout de suite : « This is inevitable in
any philosophical work, however complete. All that one can hope
to do is to settle the right sort of difficulties and to raise the right
136
II. L E CONCEPT EVENEMENTIEL DE NATURE
137
Chapitre I
Principes et enjeux
A. Les événements
L’événement, dans le premier chapitre de l’Enquête, est présenté pour la
première fois comme la notion centrale de la philosophie naturelle et, dans
un premier temps, comme l’alternative fondamentale à la trinité
matérialiste de la physique classique et moderne1. Qu’est-ce qu’une
explication physique ? La réponse durant la période moderne, souligne
l’auteur, se formule invariablement en termes de Temps (défini comme une
série linéaire d’instants), d’Espace (éternel, dépourvu en lui-même de toute
activité et euclidien) et de Matière occupant l’espace (la matière, l’éther ou
l’électricité). Le principe fondamental de ce « schème »2 est que
l’extension, temporelle et spatiale, implique la séparation, l’indépendance
des entités naturelles et la discontinuité :
Ainsi la matière étendue (dans cette perspective) est essentiellement une
multiplicité d’entités, lesquelles, en tant qu’étendues, sont diverses et
déconnectées. Ce principe directeur doit être limité eu égard à l'extension
dans le temps. La même matière existe à différents moments3.
139
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
140
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Les relations entre les objets physiques dans l’espace restent à ce stade
sans signification concrète : « il est difficile de voir comment l’espace peut
être constitué par des relations entre objets qui ne sont pas en relation. »17.
L’hypothèse des événements, à la base de l’Enquête, liés par la relation
141
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
142
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
143
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
144
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
145
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Une duration n’est pas un tout indivis, mais au contraire une multiplicité
infiniment complexe, aux relata et relations inépuisables : les événements
forment à ce stade une sorte d’éther47, ou plutôt, de continuum, défini par
l’axiomatique de la relation d’extension, base fondamentale de la méthode
de l’abstraction extensive. Du tout au complexe, il n’y a donc pas de
véritable discontinuité48 : l’attention sensible ne fait d’abord que limiter et
préciser des relata et des relations donnés, mais de manière seulement
vague et indéterminée, dans l’expérience sensible.
Ensuite – problème 2 –, si les différents objets reconnus dans l’expérience
– « Tiens, ce rouge ! », « Tiens, c’est ma chaussette ! » – supposent bien un
procès abstractif par lequel nous découpons et isolons49 dans une duration
quelconque ces objets :
(i) Si nous découpons seulement un pur flux, nous n’obtiendrons aucune
identité ni permanence50. La division infinie d’un pur flux ne donnera
jamais que des flux ou des événements. Nous devons penser une identité
première, concrète, liée de manière indissociable aux événements, et dont
nous avons l’expérience. Quelle sera la nature de cette identité et sa relation
aux événements ? Appartient-elle déjà à ce type d’entité que Whitehead
appelle les objets ?
(ii) Cette première forme d’identité ne doit pas être ajoutée aux
événements par une opération quelconque, active ou passive, de l’esprit ;
elle n’est ni une addition psychique, selon la formule même de Concept de
Nature51, ni une forme a priori kantienne : la philosophie de la nature se
donne à la fois pour objet et pour enjeu la nature perçue, indépendamment
de l’esprit ou du sujet qui la perçoit. Un des premiers principes de la
philosophie naturelle est la mise entre parenthèses de l’esprit :
[…] la première tâche d’une philosophie de la science devrait être une
classification générale des entités qui nous sont dévoilées dans l’expérience
sensible52.
[…] expliquer de façon cohérente la nature telle qu’elle nous est dévoilée
dans l’expérience sensible sans faire intervenir ses relations à la pensée53.
146
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Or, la question est de savoir jusqu’où peut mener une telle avancée
créatrice sans faire intervenir de quelconques synthèses intellectuelles. A
partir de quand l’abstrait devient-il une entité seulement idéale ou
conceptuelle ? La méthode de l’abstraction extensive tentera à la fois de
comprendre ce procès et de redonner un sens concret aux entités idéales de
la pensée : grâce à cette méthode, « nous pouvons penser sur la nature sans
147
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
148
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Les thèses avancées sur les objets dans la partie II sont dénoncées comme
insuffisantes et confuses. La proposition selon laquelle « les objets sont
seulement de manière dérivée dans l’espace et dans le temps, de par leurs
relations aux événements »69 est jugée ainsi « paradoxale » :
[…] les objets naturels requièrent l'espace et le temps, si bien que l'espace et
le temps appartiennent à leur essence relationnelle sans laquelle ils ne
peuvent pas être eux-mêmes70.
149
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
150
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Quel est le sens exact du caractère abstrait des objets ? Un événement fini
quelconque est défini à partir de l’Enquête :
– en premier lieu, par sa non-récurrence et son actualité :
[…] les événements sont essentiellement des éléments d’actualité et de
devenir. Un événement actuel est ainsi privé de toute possibilité. Il est ce qui
devient dans la nature. Il ne peut jamais arriver de nouveau ; car il est
essentiellement juste lui-même, là et alors. Un événement est juste ce qu'il
est et est juste comment il est relié et il n'est rien d'autre. N'importe quel
événement, néanmoins similaire, avec des relations différentes est un autre
événement82.
Les objets sont définis au contraire comme des entités qui ont perdu ce
caractère essentiel de relata, et bien plus, comme les éléments de
permanence et d’identité dans le passage de la nature :
Les objets communiquent les permanences reconnues dans les événements,
et sont reconnus comme identiques dans des circonstances différentes ;
c'est-à-dire, le même objet est reconnu comme relié à des événements
divers84.
L'essence d'un objet ne dépend pas de ses relations, qui sont externes à son
être. Il a de fait certaines relations à d'autres éléments naturels ; mais il
pourrait (étant le même objet) avoir eu d'autres relations. Autrement dit, son
identité propre ne dépend pas entièrement de ses relations85.
Ainsi, pas plus qu’un événement, un objet ne peut être dit comme pouvant
changer ; ce sont seulement ses relations aux événements qui peuvent
varier :
Le changement d'un objet consiste dans les relations diverses du même objet
à divers événements. L'objet est permanent, parce qu’il est (à proprement
parler) en dehors du temps et de l'espace ; et son changement est seulement
la variété de ses relations aux événements variés qui passent dans le temps
et dans l'espace86.
151
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Or, une telle hiérarchie semble indiquer que les objets de types supérieurs
sont simplement des classes ou des relations construites à partir des objets
de types inférieurs et par conséquent de simples constructions logiques88.
De fait, quand Whitehead aborde la question des objets perceptuels, il les
définit d’abord lui-même en termes de classes d’objets sensibles :
Un objet perceptuel est reconnu comme une association d’objets sensibles
dans la même situation. La permanence de l’association est l’objet qui est
reconnu89.
En même temps, cette idée selon laquelle un type supérieur d’objets serait
construit à partir d’un type inférieur est exclue dès l’Enquête ; Whitehead
souligne en effet :
[…] l’objet [perceptuel et physique] est plus que le groupe logique ; c’est le
caractère permanent reconnaissable de ses situations variées91.
152
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Certes, les objets des types supérieurs – des objets perceptuels aux objets
scientifiques – sont considérés par l’auteur comme plus abstraits que les
objets sensibles, lesquels dans l’expérience, sont même difficilement
distingués des événements :
Dans la mesure où la récognition d’un objet sensible est limitée à la
récognition primaire dans la durée présente, l’objet sensible et l’événement
ne se distinguent pas clairement ; la recollection et la mémoire sont les
agents principaux dans la production d’une conscience claire d’un objet
sensible. Mais en dehors de la recollection et de la mémoire, n’importe quel
facteur, perçu comme situé dans un événement externe, qui peut advenir
encore et qui n’est pas une relation entre d’autres facteurs semblables, est un
objet sensible 93.
Or, cela n’implique pas que les objets plus abstraits soient construits à la
fois à partir et dans les termes des premiers types d’objets. En outre, c’est
la nature même des objets qui est en jeu : admettre par exemple les seconds
types d’objets comme de simples associations d’objets sensibles reviendrait
à substantifier les objets sensibles, ou au moins, à les comprendre comme
les matériaux d’une simple construction. Dans la nature, il n’y a que des
événements et, on le verra, différentes séries d’événements qui conduisent
à reconnaître différents types d’objets94. Dans ce sens – mais il reste à
étudier les possibilités d’une telle construction – l’Enquête semble exiger
différents modes de diversification de la nature à partir desquels seront
pensés les différents types d’objets.
3. Whitehead insiste sur le fait que nous appréhendons des événements
mais que nous reconnaissons des objets :
(i) L’appréhension95 (lat. appréhensio) signifiant étymologiquement
l’acte de saisir, même le plus simple et le plus immédiat, un événement
quelconque ne peut rigoureusement pas être défini comme une simple
donnée sensible. En ce sens, un événement quelconque est toujours en soi
déjà abstrait, en ce qu’il implique une relation à un événement percevant,
soit un certain point de vue96. Whitehead, sans donner plus de détails,
donne la définition suivante :
Appréhender un événement, c’est être conscient de (to be aware of) son
passage comme advenant dans cette nature […]97
153
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
154
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
155
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
D. Conclusion
La découverte des objets, des objets sensibles aux objets scientifiques, est
décrite à la fin de l’Enquête comme une ascension vers l’abstrait, guidée
par la recherche de la plus haute simplicité dans les événements et leurs
relations, et ceci, à l’aide de la méthode de l’abstraction extensive :
Si nous suivons la route de la dérivation de la connaissance de l’analyse
intellectuelle de l’expérience sensible, molécules et électrons sont la
dernière étape dans une série d’abstractions111.
Un second mouvement, qui est celui qui nous préoccupe et qui répond à
l’enjeu épistémologique de départ, concerne l’abstraction des différentes
sortes d’objets dans l’expérience sensible d’un événement percevant
quelconque. Le mouvement ou le procès abstractif comprend alors dans ce
second sens différents modes de diversification, dont il reste à déterminer
la nature et le sens exact.
La méthode de l’abstraction extensive peut être comprise dans ces deux
types de procès abstractifs. Dans le premier, elle acquiert un sens
métaphysique et cosmologique, qui n’est pas absent des écrits de la période
londonienne, mais qui dépasse les limites de la philosophie de la nature et
156
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
Notes
1
Nous exposons les arguments que donne Whitehead lui-même en faveur
des événements. On doit souligner aussi l’influence des travaux des
physiciens de son époque : la substitution de l’espace-temps des
théories de la relativité, qui n’est pas substantiel mais seulement un
système de relations, à l’espace, au temps, et à la matière de la
physique classique conduit les physiciens eux-mêmes à remplacer
la matière par des séries d’événements. Whitehead s’inscrit
pleinement – avec Bertrand Russell à la même époque – dans cette
révolution de la physique. Voir à ce sujet la préface de PNK , p. v :
« In this enquiry we are concerned with geometry as a physical
science. How is space rooted in experience ? The modern theory of
relativity has opened the possibility of a new answer to this
question. The successive labours of Larmor, Lorentz, Einstein, and
Minkovski have opened a new world of thought as to the relations
157
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
158
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
14
TRE, p. 427.
15
Si l’on admet les axiomes (2) et (3), aucune action n’est possible entre
deux objets différents : deux objets quelconques n’étant pas à la
même place, sont à distance, et l’action à distance étant impossible,
les deux objets ne peuvent interagir. Si l’on admet les axiomes (1)
et (3), et non pas (2) : un objet ne peut pas être à deux places à la
fois, par contre, deux objets à la même place peuvent agir l’un sur
l’autre. L’action entre des corps n’est donc pensable qu’entre des
corps qui occuperaient tous le même point : « Ainsi chaque point
contiendrait un monde complètement indépendant du monde des
autres points. » TRE, p. 427. Or, une telle hypothèse doit être
rejetée puisque ce que l’on cherche à expliquer, c’est la relation
entre des objets n’occupant pas la même position. Si l’on admet
alors que l’action entre des objets qui occupent différents points est
rendue possible par la continuité de la matière ou de l’éther se
trouvant entre ces objets, l’action est alors transmise par les
« parties contiguës du milieu continu ». Or, il n’y a pas de parties
contiguës dans un milieu continu : la divisibilité infinie de l’espace
– supposée ici – implique nécessairement une distance entre deux
points quelconques, ce qui au nom de (3) rend encore toute action
impossible. Un autre argument est alors proposé : la distance entre
deux points devenant infiniment petite, l’action commencerait.
Mais comme l’a montré Weierstrass, souligne l’auteur, il n’y a pas
de distance infiniment petite, toute distance est finie : « (…) si les
matières de deux points séparés agissent l’une sur l’autre, elles
agissent à travers une distance finie. » Ibid., p. 428. Ce qui selon (3)
est impossible. Dernier argument : si l’action est impensable entre
des points, est-elle plus intelligible si l’on admet à la place des
points des volumes contigus ? Considérons la limite commune de
deux volumes contigus, là où se produirait l’interaction : en dehors
de cette limite commune, toute position non contiguë à celle-ci est
sans action, car à distance. L’action est donc entièrement due à « la
matière des points situés sur la limite » (Ibid.). Mais l’action entre
deux points quelconques est impossible, étant à distance. Une
manière d’éviter l’objection est de poser que l’action entre des
volumes contigus se fait entre les volumes pris comme des tout et
non comme « la somme des actions séparées des parties du
volumes » : (i) puisqu’il n’y a pas de volumes infiniment petits, la
limite d’étendue doit être finie. Ce qui implique une structure
atomique du milieu continu, dans lequel les atomes agissent comme
159
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
des touts sur les atomes contigus ; (ii) La contiguïté entre deux
volumes atomiques n’est possible que si l’un des deux est sans
surface. Car deux surfaces contiguës impliquent la contiguïté des
points, ce qui a été démontré comme impossible.
16
TRE, p. 428 et 429. Whitehead ajoute cependant : « L’objection réelle
n’est pourtant pas l’improbabilité de la conception à quoi mènent
les trois axiomes, mais plutôt les conceptions non analysées et non
critiquées de l’espace et des objets, dont elle procède. » Ibid., p.
429.
17
Ibid.
18
L’axiomatique de la relation d’extension doit constituer ainsi –
implicitement – une tentative de réponse aux arguments de Zénon
sur l’impossible conciliation de la divisibilité et de la continuité.
C’est là l’une des critiques portées contre la méthode, notamment
par Adolf Grünbaum dans “Whitehead’s Method of Extensive
Abstraction”, 2, “Whitehead’s Method and Zeno’s Mathematical
Paradox of Plurality”, pp. 216- 219.
19
PNK, 2.1, p. 4.
20
Ibid., 2-2, p. 6.
21
Ibid., 2.1, p. 4 et 5 et 2.3, p. 6 et 7.
22
Ibid., 2.3, p. 7.
23
Ibid.
24
Ibid., 2.4, p. 7 et 8. Nous soulignons.
25
Ibid., 2.5, p. 8.
26
Voir ibid., 6.3, p. 26 : « Time, Space, and Material are adjuncts of
events. On the old theory of relativity, Time and Space are relations
between materials ; on our theory they are relations between
events.»
27
Ibid., 2.4, p. 8.
28
Voir Ibid., 3.5, p. 12 ; CN, p. 71 [51]; R, p. 18 sq. Nous revenons plus
loin (part. II, chap. III, D) sur cette notion et les deux modes de
connaissance qui lui sont liés : « There can be awareness of a factor
as signifying, and awareness of a factor as signified. » R, p. 18.
29
PNK, 3-5, p. 12.
30
Ibid., p. 13. Notons que Whitehead clot le premier chapitre de PNK en
distinguant bien les événements des sense-data, lesquels
apparaissent tous les deux comme des entités abstraites, premiers
160
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
161
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
39
CN, p. 72 [53]. Nous reprenons la traduction de J. Douchement mais en
conservant le terme de « duration ».
40
PNK, II, V, 13 sq., p. 59 et 60. Sur cette notion, CN renvoie simplement
à PNK. Voir CN, p. 42 [15] : « Cette conception dans la pensée de
tous les facteurs de la nature comme entités distinctes ayant des
relations naturelles définies, est ce que j’ai appelé ailleurs la
diversification de la nature. ». Or, cette définition est insuffisante et
restrictive par rapport au sens accordé dans PNK et dans ce chapitre
même de CN. La diversification n’est pas seulement une conception
intellectuelle de la nature, mais renvoie au procès même qui conduit
à cette conception abstraite. La notion de diversification est absente
des analyses de R.
41
PNK, 13.1, p. 59.
42
CN, p. 42 [15].
43
PNK, 16.1, p. 68. Sans doute la notion de « continuum » préfigure-t-elle
celle de « continuum extensif » dans Procès et Réalité. Mais rien ne
nous permet encore de distinguer avec précision la potentialité de
l’actualité dans le continuum. Cependant, la divisibilité infinie des
événements semble pensée par l’auteur comme actuelle, et la
potentialité renvoie seulement à l’élément-limite et idéal des séries
abstractives. Nous y revenons plus loin.
44
Second type d’événements dans la philosophie de la nature.
45
Nous revenons plus loin sur ce mode particulier de connaissance
impliqué par les objets qu’est la récognition sensible.
46
R, p. 15.
47
Voir PNK, 6.3, p. 25 et 26 : « We shall term the traditional ether an
‘ether of material’ or a ‘material ether’, and shall employ the term
‘ether of events’ to express the assumption of this enquiry, which
may be loosely stated as being ‘that something is going on
everywhere and always.’ It is our purpose to express accurately the
relations between these events so far as they are disclosed by our
perceptual experience, and in particular to consider those relations
from which the essential concepts of Time, Space, and persistent
material are derived. » Sur cette notion d’éther, voir aussi CN, p. 92
[78] et R, p. 38 : « The events of the apparent world as thus
qualified by the exact adjectives of science are what we call the
‘ether.’ Accordingly in my previous work [PNK], I have phrased it
in this way, that the older ‘ether of stuff’ is here supplanted by an
‘ether of events.’ »
162
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
48
Ainsi, au concept de totalité, lequel suggère l’idée d’un agrégat défini
comme la somme ou l’addition d’éléments, Whitehead préfère celui
de factualité (factuality) : « (…) in the very conception of the
addition of subordinate aggregates, the concept of the addition is
omitted although this concept is itself a factor of factuality. Thus
inexhaustibleness is the prime character of factuality as disclosed in
awareness ; that is to say, factuality (even as in individual
awareness) cannot be exhausted by any definite class of factors. »
R, p. 15.
49
Ce sont là les premières étapes de l’abstraction, qui n’épuisent pas, nous
le verrons, le sens accordé à ce terme.
50
Cette première condition n’est soutenable qu’en liaison à la seconde.
51
Voir CN, p. 63 et 64 [42-43] : « (…) c’est-à-dire des qualités secondes
qui sont seulement la manière qu’a l’esprit de percevoir la nature. »
52
Ibid., p. 42 [15].
53
Ibid., p. 52 [27].
54
La récognition « sensible » ou « primaire ». Nous développons ci-
dessous.
55
CN, p. 143 [143].
56
PNK, 3.7, p. 14. Passage à rapprocher de la fin du chapitre II de CN, où
Whitehead cite Schelling, en se défendant d’entrer véritablement
dans la métaphysique, voir CN, p. 67 [47-48]. Voir aussi PR, en
particulier la théorie du sujet-superject déjà annoncée ici : « Chez
Kant, le monde provient du sujet ; dans la philosophie de
l’organisme, le sujet provient du monde – un “superject” plutôt
qu’un “sujet”. » PR, II, III, I, p. 167 et 168 [135-136].
57
Cette idée sera importante pour la théorie des objets, dans la philosophie
de la nature, mais aussi dans la métaphysique. Voir infra, part. V,
chap. III.
58
PNK, 3.7, p. 14.
59
CN, p. 32 [3]. Voir aussi ibid., p. 34 [5].
60
Voir PNK, 22.1, p. 82 : « There are in fact an indefinite number of such
types corresponding to the types of recognisable permanences in
nature of various grades of subtlety. It is only necessary here to
attempt a rough classification of those which are essential to
scientific thought. » De même dans CN, p. 147 [149] : « Je crois
qu’il existe un nombre indéfini de types d’objets. Par bonheur, nous
n’avons pas besoin de tous les envisager. » De même, on peut
163
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
164
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
165
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
88
C’est là l’une des conclusions critiques de Jules Vuillemin dans La
logique et le monde sensible, p. 89 et 90 : « (…) si les objets de
type supérieur sont des classes ou des relations d’objets de types
inférieurs, la théorie « pas de classes (et « pas de relations »)
admise par les Principia ne contraint-elle pas à les réduire à des
constructions logiques, au lieu d’utiliser contradictoirement le
principe d’abstraction pour multiplier le nombre des êtres ? »
89
PNK, 24.1, p. 88.
90
CN, p. 152 [155].
91
PNK, 24.6, p. 91. Voir à ce sujet la Note III de la seconde édition de
PNK, p. 204 : « Also § 24 is confused by a wavering between the
‘class-theory’ of perceptual objects and the ‘control-theory’ of
physical objects, and by the confusion between perceptual and
physical objects. I do not hold the class-theory now in any form,
and was endeavouring in this book to get away from it. »
92
CN, p. 151 [153-154].
93
PNK, 23.2, p. 84.
94
De même, la cause d’un événement est toujours un autre événement. Les
seules causes sont des événements.
95
Cette appréhension préfigure sans doute la seconde Catégorie de
l’Existence de Procès et réalité : la « préhension », c’est-à-dire
l’appréhension ou la saisie non-intellectuelle des entités de
l’univers par une entité : un processus d’appropriation qui constitue
l’essence même de l’entité actuelle. Voir PR, IX-XIIe Catégories
d’Explication, p. 75 et 76 [34-35].
96
Voir les constantes de l’externe dans le chapitre suivant.
97
PNK, 15.9, p. 67. Nous soulignons.
98
Ibid., 16.1, p. 68.
99
CN, p. 15 [ p. 42 de la traduction francaise].
100
Isabelle Stengers souligne ainsi justement que le terme « awareness »
« désigne un mode d'expérience qui inclut un contraste entre un
“soi” et “ce dont il y a expérience”, mais sans redoublement par une
référence à “je” ou à “moi” : contraste et non opposition. » Elle
choisit ainsi de traduire « awareness » par expérience. Voir Isabelle
Stengers, Penser avec Whitehead, part. I, p. 45.
101
Voir R, p. 16 : « (…) a factor is a limitation of fact in the sense that a
factor refers to fact canalised into a system of relata to itself, i.e. to
166
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
167
II • 1. PRINCI PES ET ENJEUX
115
Le terme est employé par Descartes dans la définition même d’un
mode : « Lorsque je dis ici façon ou mode, je n’entends rien que ce
que je nomme ailleurs attribut ou qualité. Mais lorsque je considère
que la substance en est autrement disposée ou diversifiée, je me sers
particulièrement du nom de Mode ou façon (…) » Les Principes de
la philosophie, Première partie et Lettre Préface, Introduction et
notes de Guy Durandin, Paris, Vrin, « Bibliothèque des Textes
Philosophiques », 1950, I, 56.
168
Chapitre II
Les Constantes de l’Externe
169
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
[…] notre expérience requiert et montre une base d'uniformité, et […] dans
le cas de la nature cette base s’expose comme l'uniformité des relations
spatio-temporelles. Cette conclusion ôte entièrement l'hétérogénéité
accidentelle de ces relations qui est l'élément essentiel de la théorie dernière
d'Einstein. C'est cette uniformité qui est essentielle à ma perspective […]7
170
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
En second lieu, ces constantes ne sont pas non plus de simples données
empiriques. C’est la réflexion qui les pose comme les propriétés de
l’expérience ; ces caractéristiques de l’expérience sont posées et requises
par les sciences de la nature, mais elles sont reconnues comme des
hypothèses, eu égard à l’expérience sensible la plus concrète :
Dans ce courant présent le perçu n’est pas nettement différencié du non
perçu ; il y a toujours un « au-delà » indéfini dont nous sentons (feel) la
présence bien que nous ne discriminions pas les qualités des parties. Cette
connaissance de ce qui est au-delà de la perception discriminante est la base
de la doctrine scientifique de l’externe. Il y a un tout-présent de nature dont
notre connaissance détaillée est affaiblie, médiate, et inférée, mais capable
de détermination par sa convenance avec les faits perceptuels clairs et
immédiats12.
171
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
C’est la prétention qui est implicite dans chaque avancée vers l’observation
exacte, c’est-à-dire qu’il y a quelque chose de défini à connaître. Cette
hypothèse est la première constante de l’externe, à savoir la croyance que ce
qui a été appréhendé comme un continuum, est un complexe potentiellement
défini d’entités pour la connaissance. L’hypothèse est étroitement liée à la
conception de la nature comme « donnée ». Cette conception est la pensée
d’un événement comme une chose qui ‘arrive’ indépendamment de toute
théorie et comme un fait auto-suffisant pour une connaissance le
discriminant seul14.
172
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
173
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
Les parties d'un événement sont l’ensemble des événements (s'excluant) sur
lesquels l'événement donné s’étend. C'est une erreur de concevoir un
événement comme la simple somme logique de ses parties26.
Or, une telle proposition n’est pas soutenue ici contre la relation
d’extension, mais au contraire, au nom de cette relation :
1. Si un événement était la simple somme logique de ses parties, on serait
contraint de poser des entités plus fondamentales que les événements, là où
l’extension ne pourrait plus s’appliquer. Or, la divisibilité d’un événement
étant infinie, soutient Whitehead, il n’y a pas d’événement minimum,
exempt de la relation d’extension. Le principe même de la relation
d’extension conduit à la conclusion suivante : je ne peux reconstituer aucun
événement par la simple somme de ses parties, celles-ci étant infinies
(comme je ne peux reconstituer un segment de droite avec des points) ; un
événement quelconque est donc irréductible à la simple somme de ses
parties.
2. Les parties d’un événement donné sont irréductibles à un ensemble
d’événements juxtaposés, ne se chevauchant pas, et épuisant l’événement
donné. Considérons l’événement a : si a s’étend sur l’événement b et b sur
l’événement c, alors a s’étend sur c, et b et c sont tous les deux des parties
de a.
Ainsi un événement a sa propre unité substantielle d’existence qui n’est pas
une dérivée abstraite d’une construction logique. Le fait physique de l’unité
concrète d’un événement est le fondement de la continuité de la nature de
laquelle sont dérivées les lois précises de la continuité mathématique du
temps et de l’espace27.
174
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
Un événement passe, c’est à dire devient une partie d’un événement qui
advient. Le passage d’un événement n’est pensable qu’en tant qu’il
possède une certaine étendue, même minimale :
175
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
176
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
177
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
178
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
exemple, alors qu’un percevant prend conscience tous les jours d’un flux
perceptuel nouveau, il appréhende la même nature externe qui peut être
comprise dans une large durée s’étendant sur tous ses jours. Et d’ailleurs, la
même nature et les mêmes événements sont appréhendés par différents
percevants ; du moins, ce qu’ils appréhendent est comme si c’était le même
pour tous50.
Ainsi la nature commune qui est l’objet de la recherche scientifique doit être
construite comme une interprétation. Cette interprétation est sujette à
l’erreur, et implique des ajustements52.
179
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
Dans le passage, nous atteignons quelque chose qui lie la nature avec la
réalité métaphysique ultime. La qualité du passage dans les durées est une
manifestation particulière dans la nature d’une qualité qui s’étend au-delà de
la nature56.
180
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
Notes
1
Voir PNK, II, VI, 17-20, «The Constants of Externality », pp. 71-79.
2
Les deux principaux sont R. Palter et G. Hélal dans les œuvres déjà
citées. A leur propos, G. Hélal rappelle l’annonce de Whitehead au
début de l’Enquête : « Ce livre est simplement une enquête. Il
soulève plus de difficultés qu’il ne prétend en résoudre. » Cité par
G. Hélal, op. cit., p. 89. Victor Lowe remarque brièvement à leur
sujet : « (…) they are the assumptions common to all the sciences
of nature. I do not recall ever having seen a discussion of these
“constants” : but they are what the book is about ! » Schilpp, p. 72.
181
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
3
Voir PNK, 15.7, p. 66 : « Thus the identity of an object may be an
important physical fact, while the identity of an event is essentially
a trivial logical necessity. »
4
Voir CN, p. 150 [152]. Le terme français est emprunté par Whitehead lui-
même pour décrire les quatre classes d’événements qui entrent en
jeu dans l’ingression d’un objet : les événements percevants, les
situations, les événements conditionnants actifs, les événements
conditionnants passifs. Voir infra, partie V, chap. II.
5
PNK, 17.2, p. 73.
6
Voir PNK, I, chap. IV. En particulier l’art. 11.6, pp. 53-54.
7
R, préface, p. v. Voir aussi ibid., p. 25 et p. 29.
8
Soit, dans les Catégories : la substance, la quantité, la qualité, la relation,
le lieu, le temps, la position, la possession, l’action et la passion.
Voir Aristote, Catégories, IV et Topiques, I, 9. Des constantes
whiteheadiennes, on peut affirmer de la même manière avec
Aristote : « Aucun de ces termes en lui-même et par lui-même
n’affirme ni ne nie rien (…) ». Organon, I. Catégories, traduction
nouvelle et notes par J. Tricot, Paris, Vrin, Bibliothèque des textes
philosophiques, 1997, 4, p. 6.
9
PNK, 17.2, p. 72.
10
Mode principal des relations entre événements et objets de PNK à R, cas
particulier de la relation générale d’ingression à partir de CN. Nous
l’étudions dans la partie V, chap. II.
11
PNK, 17.1, p. 71 et 72. Cette « externalisation » de la nature est formulée
ainsi dans CN, p. 32 [3] : « (…) la nature peut être pensée comme
un système clos dont les relations mutuelles n’exigent pas
l’expression du fait qu’elles sont objets de pensée. » Voir l’analyse
de R. Palter, op. cit., p. 29 : « The constants of externality are the
characteristics discovered by reflection upon sensory experiences
which we have “externalised”, i.e., conceived as parts of external
nature. What Whitehead is asking us to grasp intuitively is simply
the meaning of externalising a perception – referring it away from
oneself to an independent nature. »
12
PNK, 16.2, p. 69.
13
PNK, 17.4, p. 74.
14
Ibid.
15
Whitehead insiste sur ce point dans ces Notes : « The whole of Part. II,
i.e. Chapters V to VII, suffers from a vagueness of expression due
182
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
183
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
24
CN, p. 76 [58].
25
La distinction entre la potentialité et l’actualité peut jouer déjà un rôle
important : le tout est potentiellement un complexe bien défini
d’événements et de relations. Mais ce n’est pas la divisibilité qui est
potentielle – au contraire, cette division extensive a d’emblée une
actualité dans l’expérience – c’est seulement l’exactitude qui est
définie comme potentielle.
26
PNK, 18.4, p. 77. Une telle définition est liée étroitement aux notions
fondamentales de classe abstractive et de rythme.
27
Ibid.
28
Est déjà présente la définition des « événements » dans PR, p. 147
[113] : « J’utiliserai le terme « événement » au sens plus général
d’un nexus d’occasions actuelles, interconnectées selon une figure
déterminée dans un quantum extensif unique. »
29
PNK, 14.3, p. 62.
30
Au sens défini plus loin de la relation de « jonction » et de
« chevauchement ».
31
PNK, 14.3, p. 62.
32
PNK, 16.3, p. 70.
33
Ibid., 20.2, p. 79.
34
Ibid., 16.3, p. 69.
35
Nous n’entrerons pas dans les problèmes épistémologiques liés à la
simultanéité, en particulier dans la confrontation avec les théories
de la relativité. Sur ce sujet, les analyses de R. Palter sont
complètes : voir Whitehead’s Philosophy of Science, IV, 2, pp. 30-
39.
36
Nous reviendrons sur cette notion dans la partie IV de notre étude, en
particulier, chap. I, D, 1.
37
PNK, 20.2, p. 79.
39
CN, p. 115 [107].
40
Ibid.
40
Ibid., p. 116 [107].
41
PNK, 19.3, p. 78.
42
Pour les origines algébriques de cette relation, voir les commentaires de
J. Vuillemin dans La logique et le monde sensible, n. 2, p. 77.
184
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
44
Le repos et le mouvement sont toujours relatifs à un système spatio-
temporel. Mais Whitehead soutient qu’ils font partie des données
immédiates de la conscience sensible : « (…) je pose comme un
axiome que le mouvement est un fait physique. C’est quelque chose
que nous percevons dans la nature. Le mouvement présuppose le
repos. Jusqu’à ce que la théorie ne réussît à corrompre l’intuition
immédiate, c’est-à-dire à corrompre les jugements spontanés qui
naissent immédiatement de la conscience sensible, nul ne doutait
que dans le mouvement on ne laisse en arrière quelque chose qui est
au repos. Abraham dans ses pérégrinations laisse sa patrie où elle a
toujours été. Une théorie du mouvement et une théorie du repos
sont la même chose vue sous des aspects différents, plus ou moins
accentués. » CN, p. 114 [105].
44
PNK, 16.4, p. 70. Voir aussi les développements dans CN, p. 117 [109-
110] : « (…) la préservation d’une relation particulière à une durée
est une condition nécessaire pour que cette durée fonctionne comme
durée présente pour la conscience sensible. Cette relation
particulière est la relation de cogrédience entre l’événement
percevant et la durée. La cogrédience est la préservation d’une
continuité qualitative de point de vue interne à la durée. »
45
« (…) defines one specific meaning of ‘here’. » PNK, 16.5, p. 70.
46
Ibid., p. 71.
47
Ibid.
48
Ce point sera développé dans la méthode de l’abstraction extensive.
« Cogredience is the relation which generates the consentient sets
discussed in Chapter III of Part I. The details of the deduction
belong to Part III [The Method of Extensive Abstraction]. » Ibid.
Voir encore Ibid., 7.2, p. 31 : « (…) each rigid body defines its own
space, with its own points, its own lines, and its own surfaces. Two
bodies may agree in their spaces ; namely, what is a point for either
may be a point for both. Also if a third body agrees with either, it
will agree with both. The complete set of bodies, actual or
hypothetical, which agree in their space-formation will be called a
‘consentient’ set. The relation of a ‘dissentient’ body to the space of
a consentient set is that of motion through it. The dissentient body
will itself belong to another consentient set. »
49
Ibid., 20.1, p. 78.
50
Ibid. Nous soulignons.
51
Ibid., 15-9, p. 67.
185
II • 2. LES CO NSTANT ES D E L ’E X T E R N E
52
Ibid., 20-3, p. 79.
53
Ibid., 21-3, p. 80 et 81.
54
De l’Enquête au Principe de Relativité, Whitehead soutient l’uniformité
de la nature et de ses lois et, contre la théorie générale de la
relativité d’Einstein, l’uniformité de l’espace-temps, enjeu
fondamental du Principe de relativité.
55
CN, p. 34 [5].
56
Ibid., p. 74 [55].
57
Comme le suggère ainsi S. L. Stebbing à la fin de son article :
“Universals and Professor Whitehead’s Theory of Objects”,
Proceedings of The Aristotelian Society, vol. 15, 1924, pp. 305-330
(voir en part. p. 329). Voir aussi sur ce point particulier et du même
auteur : “Mind and Nature in Professor Whitehead’s Philosophy”,
Mind, vol. 43, 1924, pp. 289-303.
186
Chapitre III
La méthode de l’abstraction extensive
L’axiomatique
187
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
188
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
189
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
190
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
191
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
192
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
Fig. 12 : Contacts
193
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
De telles limites sont des concepts ou des relations abstraites qui sont
seulement dérivés de relations concrètes plus fondamentales. L’enjeu est de
définir et de garantir la continuité des événements au moyen de la seule
relation d’extension, sans faire appel aux concepts de point ou de limite ; il
s’agit de concilier les exigences mathématiques de la continuité et l’enjeu
empiriste de la méthode. Or, la méthode n’exige pas, dans cette première
étape, de limites bien définies entre les événements : l’axiomatique reste
donc adéquate et applicable à l’expérience la plus concrète. Nous nous
écartons ainsi de toute lecture de la méthode – en particulier de celle de V.
Lenzen20, qui n’est pas sur ce point remise en question par ses successeurs
– qui fait de la démarcation exacte des événements la base nécessaire de la
méthode (ce qui entre alors naturellement en contradiction avec les données
de l’expérience, lesquelles sont dépourvues, on l’a vu, de limites et de
frontières exactes).
3. Jonction
Dans l’Enquête, deux événements x et y sont joints lorsqu’il existe un
troisième événement z tel que :
(i) L’événement z intersecte21 à la fois x et y ;
(ii) Il y a une dissection de z par laquelle chaque membre est une partie de
x, ou de y, ou des deux.
De la condition (i), nous pouvons déduire que l’événement z chevauche
les événements x et y, mais sans nécessairement recouvrir l’un ou l’autre ou
les deux. Deux cas de figure sont possibles :
194
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
195
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
4. Adjonction et injonction
A ces deux cas particuliers de la jonction – recouvrement parfait et
chevauchement – il faut ajouter deux autres relations possibles, incluses
dans la relation générale de jonction : l’adjonction et l’injonction.
Si deux événements qui s’intersectent sont nécessairement joints, deux
événements peuvent être joints tout en étant séparés ; la jonction est une
relation « plus large »26 que celle d’intersection. Deux événements x et y
séparés et joints sont dits adjoints :
Fig. 15 : Adjonction
Fig. 16 : Injonction
196
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
197
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
Fig. 19 : Chevauchement
198
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
C’est là, la première phase : les événements forment des séries infinies.
Dans la seconde, les séries d’événements forment des séries convergentes.
Soulignons que dans l’Enquête, Whitehead nomme indifféremment « classe
abstractive » une série infinie et une série convergente41. Les deux étapes
décrites ci-dessous sont proposées avec plus de clarté dans Concept de
Nature.
Comment expliquer ce passage de la divisibilité infinie à la convergence ?
On peut associer, à chaque événement, une « expression quantitative »42,
notée q(s). Dans l’Enquête, Whitehead prend l’exemple d’une série de
199
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
Or, si l’on prend les longueurs des côtés des carrés successifs, on obtient
la série notée q(s) : q(e1), q(e2), q(e3), …, q(en), q(en+1),…, etc., qui
converge vers une limite l(s), égale à O. On peut donc écrire que :
e1, e2, e3,…en, en+1,… → rien
L q(en) = 0
n→∞
On définit ensuite l’événement-particule P comme étant la seule et unique
entité dont la mesure quantitative est nulle (on doit démontrer ensuite
qu'une et une seule entité vérifie cette condition). L’événement-particule
est défini comme un élément de simplicité idéale43, au delà de tout
événement, qui n’a de sens concret que si on l’exprime en fonction de la
série. C’est là l’essence de la méthode.
D’autres exemples sont proposés ensuite :
Des rectangles dont les longueurs α se confondent et dont on diminue
progressivement et à l’infini les largeurs (h1, h2, …hn, hn+1…). Une telle
classe abstractive converge alors vers une droite-limite l(h) :
200
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
bien que dépourvue de terme dernier, doit converger en général vers une
limite définie. Il y a donc une classe de limites l(s) qui est la classe des
limites de ces membres de q(en) qui ont des homologues à travers la série
q(s) quand n s’accroît indéfiniment. […] Alors
Les relations mutuelles entre les limites dans l’ensemble l(s), et aussi entre
ces limites et les limites dans d’autres ensembles l(s’), l(s’’), ..., provenant
d’autres ensembles abstractifs s’, s’’, etc., ont une simplicité particulière44.
201
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
202
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203
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204
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
[…] les membres d'une classe infinie ne peuvent être appréhendés dans la
conscience sensible. On peut seulement connaître une classe infinie par un
concept qui définit son intension. Les classes abstractives ne sont pas les
données de la perception immédiate, mais des objets de la pensée58.
205
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
Une telle réponse semble résoudre bien des difficultés, en effet. Mais en
réalité, naturellement, elle permet tout au plus de les éviter. Et c’est alors
surtout la méthode qui perd son sens et sa force. Celle-ci n’est pas
seulement une pièce des mathématiques pures64 parmi d’autres, les axiomes
ne sont pas de simples fonctions propositionnelles dont le sens concret
accordé aux variables serait sans importance. Les axiomes de la méthode
sont des propositions sur les événements, définis par l’auteur comme les
éléments les plus concrets de l’expérience sensible65. Tentons de répondre
précisément à ces objections.
1. Ces objections récurrentes dans les critiques de la méthode sur le
caractère infini des classes abstractives laissent entièrement de côté les
deux types de connaissance immédiate distingués par l’auteur : le
« discerné » et le « discernable », au début du chapitre III de Concept de
Nature, la « connaissance par relation » et la « connaissance par adjectif »
dans le chapitre II de la première partie de Principe de Relativité.
Dans le fait immédiat de l’expérience sensible, Whitehead distingue dans
Concept de nature deux sortes d’entités : dans un premier temps, des
entités discernées dans leurs propres particularités individuelles et qui
constituent le champ directement perçu ; ce que Whitehead nomme « le
discerné ». Dans un second temps, des entités perçues uniquement en tant
que relata des premières :
Par exemple, il y a un monde au-delà de la pièce à laquelle notre vue se
limite, connu de nous comme complétant les relations spatiales des entités
discernées à l’intérieur de la pièce. La jonction du monde intérieur à la pièce
avec le monde extérieur au-delà n’est jamais nette66.
206
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
207
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
D. Conclusion
208
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
Notes
1
PNK, III, VIII, 27, p. 101 et 102.
2
Ibid., 32.3, p. 109.
3
Voir CN, Note : « Sur la signifiance et les événements infinis », p. 189
[197-198] : « In reading over the proofs of the present volume, I
come to the conclusion that in the light of this development my
limitation of infinite events to durations is untenable.»
4
Des durations appartenant à des systèmes différents s’intersectent. Voir
page suivante.
5
PNK, 33.3, fig. 7 et 8, p. 111.
209
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
6
De telles entités sont obtenues via la méthode de l’abstraction extensive,
en diminuant la seule extension temporelle des durations. Nous les
étudions précisément dans la seconde partie de l’axiomatique : voir
infra, part. IV, chap. I.
7
Voir PNK, 34.1, p. 113.
8
Whitehead dit plus loin : « We shall adopt the electromagnetic theory of
relativity. » Ibid.
9
Ibid., p. 112 et 113.
10
C. D. Broad, “Critical Notices The Principles of Natural Knowledge”, p.
222.
11
Ibid.
12
R. Palter, op. cit., p. 45. Il se réfère lui-même à la critique de C. D.
Broad, qu’il juge « valide ». Voir Ibid., n. 10, p. 56 et 57.
13
CN, p. 91 [76].
14
Voir PNK, 62.2, p. 190 et 191 : « The durations which are important
from the point of view of sense-figures are those which form
present durations of perceptions – in general, those durations which
are cogredient with a percipient event and are each short enough to
form one immediate present. »
15
R. Palter, op. cit., p. 45.
16
Voir PNK, 28.1, p. 102 : « Intersection, as thus defined, includes the case
when one event extends over the other, since K is transitive. If
every intersector of b also intersects a, then either aKb or a and b
are identical. »
17
Ibid., 28.2, p. 102.
18
Ibid., 29, p. 102 et 103.
19
CN, p. 90 et 91 [76].
20
V. Lenzen, Scientific Ideas and Experience, p. 185 : « But the
application of the method of extensive abstraction requires that
events have a definite demarcation. » Sur la lecture rapide et
erronée de V. Lenzen, voir ci-dessous, note 24.
21
Dans CN, Whitehead emploie dans ce cas le terme de
« chevauchement » (overlapping). CN, p. 91 [76].
22
Robert Palter soutient que Whitehead ne peut conserver, contrairement à
ce qu’il prétend dans Concept de Nature, les deux définitions de
PNK et de CN. La différence des deux définitions porte uniquement
sur la première condition : dans l’Enquête, z intersecte x et y alors
210
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
211
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II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
39
Voir PNK, 30, p. 104. Dans CN, p. 93 [79], Whitehead donne la
définition suivante : « 1) entre les deux membres de l’ensemble,
l’un contient l’autre comme sa partie, 2) il n’y a aucun événement
qui soit une partie commune de chaque membre de l’ensemble. »
La définition de CN est équivalente à celle de PNK. L’utilisation du
verbe « contenir » renvoie à la relation d’extension. Whitehead
traite de manière équivalente dans PNK et CN les notions de classes
(PNK) et d’ensembles abstractifs (CN).
40
CN, p. 93 [80]. Voir PNK, 30.3, Note, p. 105.
41
Voir PNK, 30.1, p. 104 et 30.3, Note, p. 106.
42
CN, p. 93 et 94 [80]. Cette formulation particulière n’apparaît pas dans
PNK, où Whitehead parle seulement de « longueur » (PNK, 30.3,
Note, p. 105).
43
Voir en particulier PNK, 37.2, p. 121 : « An event-particle is the route of
approximation to an atomic event, which is an ideal satisfied by no
actual event. » Il est intéressant de souligner que Whitehead
introduit la notion d’actualité pour la série des événements,
renvoyant implicitement l’élément-limite du côté de la potentialité.
44
CN, p. 94 [81].
45
Nous proposons plus loin un rapprochement avec les séries et les
proportions pythagoriciennes : voir infra, part. V, chap. I, A.
46
CN, p. 95 et 96 [82-83].
47
Ibid., p. 95 [82] .
48
PNK, 64.8, p. 199. C’est là aussi le statut exact des classes abstractives, à
distinguer cependant des éléments abstractifs, qui supposent un
degré supérieur d’abstraction.
49
Ibid., 64.2, p. 195.
50
La partie suivante de notre étude est consacrée à cette notion.
51
CN, p. 95 [82] : « J’appelle le caractère-limite des relations naturelles
indiqué par un ensemble abstractif, le caractère intrinsèque de
l’ensemble ».
52
Ibid., p. 93 [80].
53
Dont les principaux acteurs sont, rappelons-le : T. De Laguna, B.
Russell, J. Nicod, ainsi qu’une série de défenses, de critiques et de
réponses aux critiques à laquelle participent C.D Broad, V. Lenzen
(auquel répond A. E. Murphy), N. Lawrence, A. Grünbaum (auquel
répond W. Mays), E. Nagel, puis V. Lowe. Ajoutons les
213
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
214
II • 3. LA MET HODE D E L’AB STRACT ION EX T ENSIVE
215
III.
Rythmes et Figures
Chapitre I
Les rythmes
Mais Whitehead n’en dit pas plus. Un second texte plus précis et
véritablement précurseur est le chapitre XII de l’Introduction aux
mathématiques2, écrit quelques années plus tard et intitulé : « La périodicité
dans la nature ». Or, bien qu’elle lui soit liée, nous montrerons que la
notion de rythme est irréductible à celle plus simple et abstraite de
périodicité : périodicité, identité et permanence dans la nature sont
abstraits, via la méthode de l’abstraction extensive, de ces rythmes
primordiaux.
219
III • 1. LES RYTHMES
220
III • 1. LES RYTHMES
221
III • 1. LES RYTHMES
222
III • 1. LES RYTHMES
223
III • 1. LES RYTHMES
[…] une des premières étapes nécessaires pour faire des mathématiques un
instrument approprié pour l’investigation de la nature est qu’elles devraient
être capables d’exprimer la périodicité essentielle des choses28.
224
III • 1. LES RYTHMES
225
III • 1. LES RYTHMES
De manière analogue aux lettres de l’alphabet, les éléments tels que l’eau
et l’air varient par la forme que prennent les ensembles ou les agrégats
d’atomes qui les constituent. Le rythme constitue ainsi le mode premier et
fondamental de la différence : le « rhuthmos » est une forme distinctive,
définie comme « l’arrangement caractéristique des parties dans un tout. »40
Dans l’Enquête, Whitehead définit d’emblée le rythme ainsi :
Un tel objet peut être en fait une relation multiple entre des objets situés
dans des parties variées de l’événement entier. Dans ce cas, la qualité du
tout est la relation entre ses parties, et la relation entre les parties est la
qualité du tout. L’événement entier étant ce qu’il est, ses parties ont de ce
fait certaines relations définies. Et les parties ayant toutes les relations
226
III • 1. LES RYTHMES
qu’elles ont, il suit que l’événement entier est ce qu’il est. Le tout est
expliqué par une connaissance complète des parties comme situations des
objets, et les parties par une connaissance complète du tout. Un tel objet est
une configuration (pattern)41.
227
III • 1. LES RYTHMES
Laissons de côté pour l’instant le rapport des rythmes aux autres types
d’objets : sensibles, perceptuels et scientifiques. Nous verrons que
progressivement, de l’Enquête à La Science et le Monde Moderne,
Whitehead admet pour tous les objets une nature concrète essentiellement
rythmique. Or, soulignons que les « objets » dont parle Whitehead au début
du chapitre, posés comme les parties d’un rythme plus large sont définis ci-
dessus comme des rythmes, des « parties rythmiques », et ce – on peut le
déduire de la divisibilité infinie des événements mais Whitehead ne le dit
pas –, à l’infini :
De plus il y a des gradations de rythme. Le rythme le plus parfait est
construit sur des rythmes composants. Une partie subalterne avec un excès
cristallin de configuration ou avec une confusion brumeuse affaiblit le
rythme. Ainsi chaque grand rythme présuppose des rythmes moindres sans
lesquels il ne pourrait pas être. Aucun rythme ne peut être fondé sur la
simple confusion ou la simple mêmeté50.
228
III • 1. LES RYTHMES
Socrate – Quand au contraire, mon ami, tu auras saisi quel nombre précis
d’intervalles il y a dans le son relativement à l’aigu et au grave, quels sont
ces intervalles, quelles sont leurs limites, combien de combinaisons en
résultent, que les anciens ont reconnues et nous ont transmises, à nous leurs
successeurs, avec leur nom d’harmonies, quels autres rapports de ce genre
se manifestent dans les mouvements du corps, rapports qui se mesurent par
des nombres, et qu’il faut, disent encore les anciens, appeler rythmes et
mètres […]55
229
III • 1. LES RYTHMES
C’est un breuvage formé par l’association, lorsqu’il est prêt à être bu, d’une
partie solide et d’une partie liquide ; lorsqu’il n’est pas remué, la partie
solide se sépare de l’autre et forme un dépôt. L’ingrédient essentiel est la
farine d’orge. Chez Homère […] elle est préparée au vin de Pramnos, avec
du fromage de chèvre râpé et du miel nouveau. Ce n’est pas là le cycéon du
pauvre, lequel était préparé à l’eau, tel celui que but Héraclite lui-même, au
dire de Plutarque […], lorsqu’il voulut, par une leçon muette, montrer à ses
concitoyens, dans la frugalité de chacun, la condition de la concorde et de la
paix dans la cité. Il monta à la tribune, prit une coupe d’eau froide, la
saupoudra de farine d’orge qu’il remua avec un rameau de pouliot (sorte de
menthe), but et se retira58.
230
III • 1. LES RYTHMES
231
III • 1. LES RYTHMES
Notes
1
MCMW, p. 483.
2
An Introduction to Mathematics, London-New York, Williams & Norgate
et Henry Holt & Co, The Home University Library of Modern
Knowledge XV, 1911. Réimpression : Oxford University Press,
1958. V. Lowe écrit au sujet de cette collection : « The volumes
were sometimes called “shilling shockers”, for their authors were
mainly scholars or public figures who had just achieved reputation
or leadership. » Parmi eux, G. E. Moore, Ethics, B. Russell, The
Problems of Philosophy. Voir V. Lowe, The Man and his Work, II,
p. 3. B. Russell commente le livre de Whitehead en ces termes :
«absolutely masterly » (Bertrand Russell to Lady Ottoline Morrell,
21 juin, 1911, cité par V. Lowe, ibid., p. 4).
3
IM, I, pp. 1-6.
4
Ibid., p. 2.
5
Ibid., p. 3. La notion d’événement apparaît ici, mais dépourvue du sens
singulier qui lui est attribué à partir de PNK.
6
Ibid., p. 4.
7
Ibid., p. 5. Whitehead semble passer du général à l’universel sans
marquer de véritable distinction.
8
Ibid., p. 5 et 6.
9
SMW, II, p. 45 et 46 [39-40]. Une lecture du pythagorisme qui résonne
parfaitement avec l’enjeu de la philosophie de la nature et en
particulier de la méthode de l’abstraction extensive.
10
Ibid., p. 46 et 47 [41].
11
Ibid., p. 49 [44]. Voir aussi ibid., X, p. 201 [240], où la référence à
Pythagore est introduite dans la doctrine même des objets éternels :
« Dans ce rapport d’une occasion réelle en fonction de sa relation
avec le domaine d’objets éternels, nous en sommes revenus à la
ligne de pensée de notre chapitre deux, où nous avons discuté de la
232
III • 1. LES RYTHMES
233
III • 1. LES RYTHMES
troisième ; dans ce cas, l’intervalle des deux plus grands termes est
égal à celui des deux plus petits. » J-P Dumont donne l’exemple de
la série 8, 4, et 2 : 2/4 = 4/8 (= 1/2) et 4/2 = 8/4 (= 2). Il note :
« C’est l’analogie au sens strict, telle que Platon la met en œuvre. »
Ibid., n. 3, p. 841.
19
Voir IM, p. 127 et chap. XIII, p. 143 : « (…) the great natural fact of
Periodicity ».
20
Dès 1911, Whitehead semble accorder un sens empirique au concept
mathématique de série : « But why is it important successively to
add the terms of a series in this way ? The answer is that we are
here symbolizing the fundamental mental process of approximation.
This is a process which has significance far beyond the regions of
mathematics. Our limited intellects cannot deal with complicated
material all at once, and our method of arrangement is that of
approximation. The statesman in framing his speech puts the
dominating issues first and lets the details fall naturally into their
subordinate places. There is, of course, the converse artistic method
of preparing the imagination by the presentation of subordinate or
special details, and then gradually rising to a crisis. In either way
the process is one of gradual summation of effects ; and this is
exactly what is done by the successive summation of the terms of a
series. » IM, XIV, p. 146 et 147.
21
En grec « to diastêma ». Voir le texte cité plus haut de Porphyre : « En
musique, il existe trois médiétés : arithmétique, géométrique et
subcontraire, encore appelée harmonique. On parle de moyenne
arithmétique, quand trois termes entretiennent entre eux une
proportion selon un excès donné et que l’excès du premier par
rapport au deuxième est celui du deuxième par rapport au troisième.
Dans cette proportion, l’intervalle des deux plus grands termes est
plus petit, tandis que celui des deux plus petits est plus grand. »
Loc. cit.
22
Voir IM, pp. 125-127.
23
Voir à ce sujet de Georges Mourier, Les ondes en Physique : de
Pythagore à nos jours. Vibrations, ondes, impulsions, Paris,
Ellipses, « Thalès », 2002, chap. I, pp. 12-19. Voir aussi en
particulier Archytas, AXVI, AXVII, AXVIII.
24
IM, p. 125.
25
Ibid., p. 125 et 126. Il est intéressant de noter que Whitehead représente
la périodicité par une série infinie. Sur les relations mathématiques
234
III • 1. LES RYTHMES
entre les fonctions périodiques et les séries infinies, voir Ibid., XIII,
p. 141 et 142.
26
Ibid., p. 126. Voir Archytas, AXVIII, op. cit. : « Selon l’école d’Archytas,
l’oreille ne perçoit dans les accords harmoniques qu’un son
unique.»
27
IM, p. 126.
28
Ibid., p. 127.
29
PNK, 64.5, p. 196 et 197.
30
Sur la polysémie de ce terme, voir l’article éclairant de P. Sauvanet :
« “Le” rythme : encore une définition ! », in Les Rythmes. Lectures
et Théories, sous la direction de J. J. Wunenberger, Paris,
L’Harmattan, « Conversciences », 1992, pp. 233-240. L’auteur cite
P. Valéry qui écrit en 1935 : « J’ai lu ou j’ai forgé vingt
« définitions » du Rythme, dont je n’adopte aucune. » Ibid., p. 234.
Voir aussi l’annexe des cent définitions du rythme de Pierre
Sauvanet dans Le Rythme et la Raison, Paris, Kimé, tome II, 2000.
31
Les articles de ce chapitre XVIII manquent, quant à leur ordre et leur
contenu, de continuité et de ligne directrice.
32
PNK, 64.3, p. 195 et 196.
33
Terme introduit par Gaston Bachelard, dans le dernier chapitre de La
Dialectique de la Durée, Paris, PUF, 1936. Voir à ce sujet
l’ouvrage collectif Rythmes et Philosophie, sous la dir. de Pierre
Sauvanet et de J.J. Wunenberger, Paris, Kimé, 1996, part. II.
34
E. Benveniste, « La notion de “rythme” dans son expression
linguistique », Journal de Psychologie, 1951, in Problèmes de
linguistique générale, Paris, tome I, Editions Gallimard, collection
« Tel », vol. I, 1974.
35
Démocrite, AXXXIII, in op. cit., p. 416 et 417.
36
J. Philopon, Commentaire sur le traité de l’âme d’Aristote, Leucippe
AVI, ibid., p. 386.
37
L’analogie avec les classes abstractives – à avancer avec la prudence qui
s’impose – est intéressante. Naturellement, les membres de ces
classes, les événements, sont infiniment divisibles et ne sont pas
identiques, encore moins éternels.
38
Aristote, La Métaphysique, tome I, Paris, Vrin, « Bibliothèque des
Textes Philosophiques », trad. fr. par J. Tricot, A4, 985 b, 10-15.
235
III • 1. LES RYTHMES
39
Métaphysique, A4, 985 b, 15. A ce sujet, dans Le rythme grec,
d’Héraclite à Aristote, Paris, PUF, « Philosophies », 1999, Pierre
Sauvanet remarque justement que le rythme apparaît dans cet
exemple comme une différence intrinsèque, alors que la différence
d’ordre et de position est extrinsèque : « Faut-il en conclure que la
figure rythmique détermine l’atome lui-même, tandis que l’ordre et
la position déterminent des agrégats d’atomes ? (…) en clair, le
rhusmos des atomes est-il leur forme propre (petite ou grande,
droite ou courbe, anguleuse ou ronde, lisse ou crochue, etc.), ou
bien la forme que prend leur agrégation (selon les mêmes
déterminations de taille et de figure) ? » Ibid., p. 42. Les textes
semblent bien conduire à la seconde hypothèse, qu’il faut cependant
soutenir avec prudence. Voir le texte d’Aetius dans Les écoles
présocratiques, Démocrite, A125 : « Démocrite dit que par nature
il n’existe pas de couleur. Car les éléments sont dépourvus de
qualité, (…). Ce sont les composés à partir de ces éléments qui sont
colorés par l’assemblage, le rythme, et la modalité relative, c’est-à-
dire, l’ordre, la figure, et la position : les images dépendent d’eux
en effet. » Pierre Sauvanet cite enfin ce texte d’Aristote, De la
génération et de la corruption, I, 1, 314 a 24 : « Les choses
diffèrent mutuellement par les éléments dont elles sont formées,
ainsi que par leur position et par leur ordre. » Ibid., p. 43
40
E. Benveniste, op. cit., p. 330.
41
PNK, 64.2, p. 195. Nous choisissons de traduire « pattern » par
« configuration » et non par « schème », « schéma » ou encore
« modèle ». Voir le lexique d’Alix Parmentier (« Configuration »)
qui énumère les différents choix de traduction de ce mot et qui
choisit de traduire tantôt par « configuration », tantôt par « dessin »,
« disposition » ou encore « schéma ». Le sens le plus proche et le
plus précis en ce qui concerne PNK nous semble être celui de
« configuration », lié directement à celui de « figure », notion
essentielle dans cette même enquête et étudiée dans le prochain
chapitre. Mais le terme de « schème » ou de « schéma » convient
aussi en insistant davantage sur les relations que sur la forme et en
permettant de faire le lien avec les œuvres métaphysiques, où la
notion de schème est fondamentale.
42
On a déjà ici l’apparition de la relation polyadique qu’est l’ingression
d’un objet dans un événement. Dans PNK, on parlera seulement
(excepté dans les notes de 1924) de la relation de situation.
236
III • 1. LES RYTHMES
237
III • 1. LES RYTHMES
238
Chapitre II
Les figures sensibles
239
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
Whitehead clôt le chapitre sur les figures par une proposition tout à fait
problématique : il s’agirait d’admettre différents types de figures sensibles,
propres aux différents sens, mais un seul type d’espace (et, on peut le
supposer, un seul type de temps). Ce point est tellement complexe et chargé
d’une telle histoire dans le débat philosophique, en particulier empiriste,
qu’on peut regretter que Whitehead se limite dans ce chapitre de l’Enquête
à une simple allusion ironique. Certes, la mise entre parenthèses de
l’attention sensible elle-même, dans la philosophie de la nature, conduit à
ce « manque »7, mais l’introduction des figures sensibles rappelle et exige
ce questionnement sur la perception sensible et les différents sens. Concept
de Nature va plus loin, mais s’y attarde encore très peu. La seule
occurrence de ce problème se trouve au début du chapitre III ; la clarté et
l’importance de ce passage valent la peine qu’on en cite la plus grande
partie :
Chaque type de sens a son groupe propre d’entités distinctes qui sont
connues comme en relation avec des entités non discernées par ce sens. Par
exemple, nous voyons quelque chose que nous ne touchons pas et nous
touchons quelque chose que nous ne voyons pas, et nous avons un sens
général des relations spatiales entre l’entité dévoilée à la vue et l’entité
dévoilée au toucher. Ainsi d’abord chacune de ces deux entités est connue
comme un relatum dans le système général des relations spatiales et ensuite
la relation mutuelle particulière de ces deux entités liées l’une à l’autre dans
ce système général, est déterminée. Mais le système général des relations
spatiales reliant l’entité que distingue la vue avec celle que distingue le
toucher, ne dépend pas du caractère particulier de l’autre entité présentée par
le second sens. Par exemple, les relations spatiales de la chose vue
nécessitaient une entité comme relatum dans le lieu de la chose touchée
même si certains éléments de son caractère n’étaient pas dévoilés par le
toucher. Ainsi, indépendamment du toucher, une entité ayant une certaine
relation spécifique à la chose vue était dévoilée par l’attention sensible, mais
non distinguée autrement dans son caractère individuel. Une entité
simplement connue comme spatialement reliée à une entité discernée, est ce
que nous mettons sous l’idée simple de lieu. Le concept de lieu marque le
dévoilement dans l’attention sensible d’entités naturelles connues seulement
par leurs relations spatiales à des entités discernées. Le discernable se révèle
ainsi au moyen de ses relations au discerné. Ce dévoilement d’une entité
comme relatum, sans autre discrimination qualitative spécifique, est la base
de notre concept de signifiance8.
240
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
L’objet perceptuel – sans entrer encore ici dans les détails – n’est donc
pas une simple collection d’objets sensibles hétérogènes, mais forme une
véritable unité, dont nous avons immédiatement l’expérience. Comme nous
l’avons vu, le principe fondamental de l’Enquête est la signifiance16 des
données sensibles.
241
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
242
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
La récognition d’une figure sensible requiert donc (i) une durée et (ii) une
durée cogrédiente. Ce qui implique que tout objet sensible, en tant que
dérivé de ces figures (comme nous le montrerons par la suite), requiert lui-
même une durée minimale, et sera exprimé concrètement, grâce à la
méthode, en termes de rythmes et d’éléments abstractifs.
2. Or, la récognition d’une figure sensible – alors qu’elle est définie dans
le concept événementiel comme une relation – ne suppose pas seulement la
reconnaissance de la relation d’égalité entre plusieurs volumes : je
reconnais, au sein d’une durée, un seul et même volume appelé « figure
sensible ». En quoi consiste exactement cette abstraction de la figure ?
C’est là, selon nous, le premier pas véritable de l’ascension vers
l’abstrait (ici idéal) des événements aux objets : la réduction de plusieurs
volumes congruents à une seule et même figure sensible ; autrement dit, la
réduction de la relation d’égalité ou de congruence entre des événements et
des ensembles d’événements à celle d’identité. Dans la méthode de
l’abstraction extensive, cela revient à considérer l’élément-limite d’une
série abstractive en et pour lui-même, indépendamment de la série plus
concrète qui ne fait que l’approcher. Soulignons que la récognition primaire
ou sensible précède selon nous ce basculement, d’ailleurs ni inévitable, ni
irréversible ; cette récognition est définie comme une comparaison
immédiate, primaire et sensible qui ne fait pas appel à la mémoire :
Un objet est reconnu dans la durée présente de sa perception. Car cette
durée présente inclut des durées antécédentes et des durées suivantes ; et la
récognition de l'objet dans le présent est essentiellement une comparaison de
l'objet dans les parties antécédentes et suivantes de ce présent, bien que la
mémoire puisse aussi être un facteur dans la récognition24.
243
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
244
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
Notes
1
En étudiant maintenant la récognition d’un premier type d’objets, les
figures sensibles, nous passons volontairement une étape du procès
abstractif, concernant en particulier la récognition des objets
sensibles. Par ce moyen, ce seront les parties les plus techniques et
abstraites de la méthode de l’abstraction extensive qui prendront un
sens et un enjeu véritablement concrets : les différents éléments
abstractifs et la théorie de la congruence seront montrés comme
participant pleinement à la diversification de la nature et à
l’abstraction des différents types d’objets, et en premier lieu, des
figures sensibles.
2
PNK, 62.1, p. 190. Nous étudions les figures géométriques ainsi que les
relations des différents types de figures aux trois types d’objets
principaux dans le chapitre I de la partie V de notre étude.
3
Ibid., 62.6, p. 192.
4
Ibid.
5
En particulier l’Essai pour une théorie nouvelle de la vision, les Principes
de la connaissance humaine, et les Trois dialogues entre Hylas et
Philonous placés en exergue, rappelons-le de l’Enquête. Victor
Lowe note à ce sujet : « (…) Berkeley, who seems to me – judging
245
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
246
III • 2. LES FIGURES SENSIBLES
247
IV.
Eléments et congruence
Chapitre I
Les éléments abstractifs
251
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
A. Définitions
252
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
253
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
254
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Si une telle relation d’égalité était utilisée à des fins purement logiques, il
n’y aurait aucune difficulté. Or, cette relation est requise pour définir les
éléments abstractifs. Quel sens concret peuvent avoir alors de tels
éléments ?
En premier lieu, l’ontologie événementielle est une ontologie des
relations : « égaux quant à leur convergence » ne signifie pas « ayant même
entité-limite » – on tomberait là justement dans le cercle vicieux que la
méthode s’emploie, par essence, à éviter. L’égalité concerne la relation
d’extension et ses propriétés (définies elles-mêmes comme des relations) :
Dans un but technique, il convient mieux de voir dans le moment la classe
des ensembles abstractifs de durations ayant même convergence. Avec cette
définition (supposé que nous puissions réussir à expliquer ce que nous
entendons par même convergence indépendamment de la connaissance
détaillée de l’ensemble des propriétés naturelles atteintes par
approximation), un moment est seulement une classe d’ensembles de
durations dont les relations d’extension ont, les unes au regard des autres,
certaines propriétés définies. Nous pouvons nommer ces connexions entre
durations composantes les propriétés extrinsèques du moment […]17
Une classe abstractive est définie par une relation, un élément abstractif
par une relation de relations.
En second lieu, deux lignes de force semblent coexister au sein de la
méthode :
– La première se situe dans la lignée du logicisme des Principia,
Whitehead préparant encore sans aucun doute le quatrième livre qui devait
porter sur la géométrie. La méthode permet ainsi de définir une entité
géométrique comme un point ou une ligne dans les seuls termes d’axiomes
et de relations logiques et ainsi, en se passant de toute « figure », au sens
traditionnel et intuitif du terme. La formulation des classes et des éléments
abstractifs en « prime » et « antiprime » proposée ci-dessous en est le
témoignage le plus évident18. C’est là l’aspect le plus logiciste de la
méthode, lequel n’est pas absent des deux premiers livres de la trilogie et
qu’il faut garder à l’esprit en lisant ces chapitres.
– La seconde demeure toujours présente, réapparaissant régulièrement
dans ces mêmes passages et rappelant sans cesse au lecteur que ces
éléments abstractifs et ces relations ont bien un sens concret : aux éléments
abstractifs revient la tache difficile d’articuler les données de l’expérience
255
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
256
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Nous devons utiliser les définitions basées seulement sur ces propriétés de la
relation K qui a été rendue explicite. Nous ne pouvons pas explicitement
tenir compte d’un point-contact avant que les points aient été définis21.
2. Primes et Antiprimes
Whitehead tente de préciser ensuite les conditions d’une définition
pertinente des classes abstractives qui n’accepte aucune exception (non-
égalité, tangence). Permettons-nous de souligner que cette seconde
formulation complique la première et demeure assez confuse26. Whitehead
donne trois formulations différentes de ces conditions, dans l’Enquête27,
Concept de Nature28 et Procès et Réalité29, dont nous reprenons seulement
les deux premières.
257
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
258
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
259
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Les éléments abstractifs sont définis par des relations entre des
événements déjà en relation, des événements membres de classes
abstractives égales. Tel est le statut précis mais complexe de ces éléments.
Si nous revenons maintenant au procès abstractif général, comment
comprendre le passage des classes aux éléments abstractifs ? A la
formation de ces éléments correspond, dans la méthode et dans
l’expérience, la naissance de la convergence : si les classes abstractives
sont essentiellement infinies, les éléments sont essentiellement
convergents. Des séries infinies, on passe à une seconde sorte de séries
formées à partir des premières : les éléments abstractifs, sens concret des
260
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
objets géométriques que sont les lignes, les plans et les volumes. Il faut
souligner ainsi l’analogie des transitions entre les étapes II - III et III- IV :
Dans les deux cas, les relations d’égalité jouent un rôle fondamental. Par
exemple, concernant les moments, Whitehead soutient :
[…] toute la question de cette procédure, c’est que les expressions
quantitatives de ces propriétés naturelles tendent, elles, vers des limites, bien
que l’ensemble abstractif ne tende vers aucune duration-limite. Les lois qui
lient ces limites quantitatives, sont des lois de la nature à un instant, bien
qu’en vérité il n’existe pas de nature instantanée, et que cet ensemble ne soit
qu’abstractif46.
261
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
262
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
[…] les durations d’un ensemble possédant les propriétés ci-dessus, doivent
être disposées dans un ordre sériel unidimensionnel, dans lequel nous
tendons progressivement, en descendant la série, vers des durations
d’extension de plus en plus petites. La série peut démarrer par une duration
arbitrairement choisie, d’extension temporelle quelconque, mais quand on
descend la série, l’extension temporelle se contracte progressivement et les
durées successives sont incluses l’une dans l’autre comme les boîtes
gigognes d’un jeu chinois. Mais l’ensemble diffère de ce jeu en particulier
en ceci : le jeu comprend une boîte qui est la plus petite et forme la boîte
finale de la série ; mais l’ensemble des durations ne peut comporter une
duration qui soit la plus petite, ni ne peut tendre vers une duration comme
vers sa limite. […] J’appellerai un tel ensemble de durations un ensemble
abstractif de durations. Il est évident qu’un ensemble abstractif, quand nous
le parcourons, tend vers l’idéal de la nature entière à un instant53.
263
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
L’espace instantané est défini, dans une perspective relationnelle, par les
relations entre les éléments abstractifs (finis) qui appartiennent à ce
moment. Après l’abstraction d’un premier type d’élément abstractif et
d’espace, la méthode en vient à l’abstraction du temps abstrait des
mathématiques, défini comme une série linéaire et continue d’instants,
indépendante de l’espace. La méthode consiste là encore à montrer
comment ce temps abstrait est dérivé simplement des données de
l’abstraction extensive.
b) Temps abstrait
264
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
(iii) Un moment B d’un système temporel ‘se trouve entre’ deux moments A
et C du même système temporel quand B est inhérent dans la durée que A et
C limitent :
265
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
(iv) Cette relation ‘se trouver entre’ a les propriétés suivantes qui produisent
un ordre sériel continu dans chaque système temporel, à savoir,
(γ) Il n’y a pas quatre moments dans le même système temporel tel que l’un
d’eux se trouve entre chaque paire des trois restants :
(δ) L’ordre sériel parmi les moments du même système temporel a le type
de continuité Cantor-Dedekind64.
De tels axiomes sont définis dans les termes des événements et des classes
d’événements. Le type abstrait de continuité – de type Cantor-Dedekind –
défini par une classe infinie non-dénombrable d’entités est exprimé
uniquement en termes de classes infinies dénombrables d’événements,
supposées accessibles dans l’expérience sensible68.
2. Positions
a) Elément et position
266
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
267
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Les levels, les rects et les puncts étudiés ci-dessous ne sont donc pas des
éléments abstractifs mais seulement des positions abstraites, définies par
les intersections des moments de différents systèmes temporels :
La position est la qualité qu’un élément abstractif possède en vertu des
moments où il se trouve. Les éléments abstractifs qui se trouvent dans
l’espace instantané d’un moment M se différencient les uns des autres par
les autres moments variés qui intersectent M, de telle manière qu’ils
contiennent des sélections variées de ces éléments abstractifs. C’est cette
différenciation entre les éléments qui constitue la différenciation de leurs
positions. Un élément abstractif qui appartient à un punct a le type de
position en M le plus simple, un élément abstractif qui appartient à un rect a
une qualité de position plus complexe, un élément abstractif qui appartient à
un level et non à un rect, a une qualité de position encore plus complexe, et
enfin la qualité de position la plus complexe revient à un élément abstractif
qui appartient à un volume et non à un level76.
De telles entités n’ont donc pas le sens concret partagé par les classes et
les éléments abstractifs :
Evidemment, les levels, les rects et les puncts dans leur capacité d’agrégats
infinis, ne peuvent être les termini de la conscience sensible et ne peuvent
pas être les limites approchées par la conscience sensible. Un membre
quelconque d’un level a une certaine qualité qui provient de son caractère
d’appartenance à un certain ensemble de moments, mais le level pris comme
un tout est une pure notion logique extérieure à toute voie d’approximation
parcourant les entités posées dans la conscience sensible77.
268
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Exiger que les entités comme les rects ou les levels appartiennent à
l’expérience sensible serait confondre les événements et les éléments
abstractifs avec leurs simples positions dans l’espace et le temps78. C’est
donc avec précaution qu’il faut considérer cette étape de la méthode qui
consiste en l’élaboration d’une théorie relationnelle et relativiste de
l’espace. Elle semble assumée par l’auteur comme une procédure purement
abstraite ; en tout état de cause, on ne doit pas la considérer sur le même
plan que celle qui concerne les différents éléments abstractifs.
269
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
– est appelée un rect, r123, soit une ligne droite instantanée dans l’espace
instantané tri-dimensionnel de tout moment dans lequel il se trouve. Quand
trois moments ont pour intersection commune un seul et même rect, ils sont
appelés « co-rect ».
Considérons maintenant quatre moments distincts, M1, M2, M3, M4. Quatre
cas sont possibles :
(i) Ils ne s’intersectent pas ;
(ii) Ils ont une intersection commune : un level ;
(iii) Ils ont un rect pour intersection commune ;
(iv) Ils ont une intersection commune, appelée « punct », soit un point
instantané.
Considérons maintenant quatre moments distincts M1, M2, M3, M4,
illustrant le dernier cas. Soit l12, le level qui est l’intersection de M1 et de
M2 ; r234, le rect qui est l’intersection de M2, M3, M4. Alors, le rect r234
intersecte le level l12 dans l’intersection commune aux quatre moments, à
savoir, le punct p1234, point instantané dans les espaces instantanés des
moments.
Puisque l’espace est tridimensionnel, tout moment soit couvre chaque
membre d’un punct donné, soit ne couvre aucun de ses membres. Un punct
représente l’idéal de simplicité maximum de position absolue dans l’espace
instantané d’un moment dans lequel il se trouve83.
Ces propriétés du parallélisme sont étendues aux levels et aux rects qui
n’appartiennent pas au même moment, c’est-à-dire qui ne sont pas « co-
momentuels »86 :
(i) Deux levels, l et l′, sont parallèles si l est l’intersection des moments M1
et M2, et l′ des moments M1′ et M2′, où M1 est parallèle à M1′ et M2 à M2′ :
270
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
(ii) Deux rects, r et r′, sont parallèles si r est l’intersection des levels co-
momentuels l1 et l2, et r′ des levels co-momentuels l1′ et l2′, où l1 est parallèle
à l1′ et l2 à l2′87.
271
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
272
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Pour chacune de ces entités, deux types de définition sont proposés : une
définition en termes d’éléments abstractifs (caractère extrinsèque) et une
définition en termes d’agrégats d’événements-particules (position). Le
caractère intrinsèque est laissé de côté, ou, plus exactement, exprimé
uniquement dans les termes du caractère extrinsèque qui lui est lié. Par
exemple, au sujet des solides instantanés, appelés « volumes », Whitehead
souligne :
J’appellerai cet élément abstractif le solide en tant qu’élément abstractif, et
l’agrégat des événements-particules le solide en tant que locus. Les volumes
instantanés dans l’espace instantané qui sont les idéaux de notre perception
sensible sont des volumes en tant qu’éléments abstractifs. Ce que nous
percevons réellement, dans tous nos efforts vers l’exactitude, ce sont de
petits événements assez éloignés dans l’ordre décroissant dans un ensemble
abstractif appartenant au volume comme élément abstractif102.
Les définitions des différentes figures qui suivent sont donc données ou
bien dans les termes de l’expérience, les éléments abstractifs, ou bien dans
273
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
274
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
275
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
reviendrons sur ces types de routes et sur leur importance dans le chapitre
suivant.
Venons-en maintenant aux différents types de solides.
Un « solide prime » est défini par la condition σ suivante, régulière pour
les primes : être une classe abstractive simple qui couvre tous les
événements-particules appartenant à la frontière commune de deux
événements adjoints113. Un solide est l’élément abstractif déduit d’un solide
prime. Un solide couvert par un moment est appelé un solide « co-
momentuel ». Un solide non co-momentuel est un solide « errant »
(vagrant)114. Les solides co-momentuels sont appelés des « volumes ». Les
critiques précédentes concernant les routes s’appliquent encore ici
parfaitement. Ajoutons même une critique supplémentaire : les définitions
des solides requièrent l’idée de frontière commune entre des événements
adjoints ; or, le sens concret de cette idée est encore moins clair. Et ceci
s’aggrave nettement pour les aires, exposées uniquement dans Concept de
Nature :
Dans l’intersection d’un moment avec un événement, il y a aussi
intersection de ce moment avec la frontière de cet événement. Ce locus,
qu’est la portion de la frontière contenue dans le moment, est la surface-
frontière du volume correspondant à cet événement contenu dans ce
moment. C’est un locus à deux dimensions. Le fait que chaque volume a
une surface-frontière est l’origine de la continuité dedekindienne de
l’espace. Un autre événement peut être intersecté par le même moment en
un autre volume et ce volume aura aussi sa frontière. Ces deux volumes
dans l’espace instantané en un moment peuvent se recouvrir mutuellement
de la manière ordinaire que je n’ai pas besoin de décrire en détail, et ainsi
découper des portions de surface l’un de l’autre. Ces portions de surfaces
sont des aires momentuelles115.
276
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
L’identité des deux définitions du volume est évidente quand nous nous
rappelons qu’un moment d’intersection divise l’événement en deux
événements adjoints118.
Aires et volumes sont dans les deux cas des entités-limites idéales
approchées dans l’expérience et définies comme des éléments abstractifs.
Or, nous décelons ici une première fracture ou bifurcation au cœur de la
méthode de l’abstraction extensive, qui peut être décrite comme un échec
(mais non inéluctable) : entre, d’une part, l’expérience sensible et ses
données concrètes et, d’autre part, les définitions proposées des éléments
abstractifs. Dans la majorité des cas, ces définitions manquent la
signification concrète recherchée.
D. Repos et mouvement
L’axiomatique de la méthode, avant l’introduction de la théorie de la
congruence, s’achève sur l’étude des stations121 et des matrices122. Il est
souhaitable, pour comprendre l’enjeu philosophique de tels éléments, de se
rapporter en particulier au chapitre V de Concept de Nature, l’Enquête se
contentant d’un simple exposé de logique mathématique :
Le problème général de notre investigation est de déterminer une méthode
pour comparer des positions dans un espace instantané avec des positions
dans d’autres espaces instantanés. Nous pouvons nous limiter aux espaces
des moments parallèles d’un système temporel. Comment les positions dans
ces espaces variés sont-elles comparables ? En d’autres termes,
qu’entendons-nous par mouvement ?123
277
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
278
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Une station est ce qui donne alors un sens concret – pour un événement
percevant donné – à ce dont nous avons l’expérience comme restant « là »
dans la duration présente : « Ici pendant toute la duration » ou « Là pendant
toute la duration »127 :
Chaque station présente une signification invariable de l’ ‘ici’ dans toute la
duration dans laquelle elle est une station ; c’est-à-dire, chaque événement-
particule dans une station est ‘ici’ dans la duration dans le même sens de l’
‘ici’ que pour chaque autre événement-particule dans cette station128.
A l’inverse, une matrice est chargée de donner un sens concret à ce qui est
perçu comme étant en mouvement dans un système temporel donné.
Stations et matrices sont donc liées respectivement à l’expérience sensible
et immédiate du repos et du mouvement dans une duration présente.
Commençons par définir les stations.
1. Stations
Notons G la relation de cogrédience entre des événements finis et des
durations, aGb signifiant : « a est un événement fini qui est cogrédient avec
la duration b »130.
Un « prime stationnaire »131 dans une duration b est un prime (une classe
abstractive simple132) satisfaisant la condition σ suivante :
[…] chacun de ses membres s'étend sur les événements qui (i) sont inhérents
par un certain événement-particule donné P inhérent à b et (ii) ont la relation
G à b133.
Cette condition est régulière pour les primes. Une station dans une
duration b est l’élément abstractif déduit d’un « prime stationnaire » dans
b134. Une station peut être représentée par la figure suivante :
279
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Fig. 33 : Station s
280
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Il en résulte que toute station s dans une duration d peut être indéfiniment
prolongée dans tout le système temporel auquel appartient d. On obtient
ainsi un « point-track »136. Par l’introduction d’un autre type d’événements,
des événements infinis temporellement, une autre définition des point-
tracks, beaucoup plus simple, en termes d’éléments abstractifs, pourrait être
proposée ; c’est ce que suggère Whitehead dans la note sur les événements
infinis à la fin du Concept de Nature :
Autrement dit, l’au-delà essentiel dans la nature est un au-delà défini dans le
temps aussi bien que dans l’espace. […] Cela découle de ce qu’on admet
comme possible de définir des point-tracks (c’est-à-dire les points des
espaces intemporels) comme éléments abstractifs. C’est un grand
perfectionnement que de restaurer l’équilibre entre les moments et les
points. […] Cette correction n’affecte pas la suite du raisonnement dans les
deux livres137.
281
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
282
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
283
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
284
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
2. Matrices et mouvement
Whitehead consacrait le chapitre VI du livre IV du Traité de l’Algèbre
Universelle à l’étude et au calcul des matrices, mais dans un sens purement
algébrique151. Dans la philosophie de la nature, Whitehead ne donne au
sujet des matrices, certes, comme pour la plupart des autres notions, aucune
référence précise. Le latin matrix, matricis (dérivés de mater, la mère)
signifie le viscère où a lieu la conception. Lier les matrices à l’avancée
créatrice de la nature, à son passage créateur, en les définissant comme le
lieu ou le cœur même de la création ne serait sans doute pas une simple
élucubration spéculative. Dans Procès et Réalité, la notion n’est plus
utilisée dans le même contexte et, même, elle est absente de la connexion
extensive. Cependant, elle vient qualifier le statut même du schème
spéculatif :
[…] le schème est une matrice d’où l’on peut tirer des propositions vraies,
applicables à des circonstances particulières152.
285
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
286
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Fig. 38 : Level
287
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
I ′PJ ′ sont liées à P par des rects et les événements-particules dans les
p p
régions verticales opposées I PJ ′ et I ′PJ par des point-tracks. Les loci qui
p p p p
288
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
E. Conclusion
Force est de constater le caractère incomplet et inabouti – concernant les
éléments abstractifs – de cette partie de la méthode, que ce soit dans
l’Enquête ou dans Concept de Nature. La plupart des définitions proposées,
malgré l’enjeu empiriste sans cesse rappelé, manquent leur but principal en
faisant de ces éléments de simples constructions logiques. En particulier,
les matrices, dont l’enjeu au sein du concept événementiel – du fait de leur
lien étroit au mouvement – apparaît comme essentiel, ne sont même pas
définies en termes d’éléments abstractifs, autrement dit, dans les termes de
l’expérience concrète. Dans ces parties les plus techniques de la méthode,
Whitehead se montre en fin de compte plus logicien et mathématicien que
philosophe de la nature, en oubliant souvent son enjeu philosophique
fondamental et en se laissant entraîner dans de pures constructions
mathématiques. Certes, l’auteur lui-même nous avait prévenu de ce
caractère incomplet, voire décevant de l’Enquête. Or, rien ne nous empêche
de reprendre et de développer ces premières définitions, proposées de
289
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
Notes
1
CN, p. 45 [19]. Voir SMW, III, p. 67 [69].
2
Voir aussi quatrième partie des Principes, § 5 à 9.
3
R, p. 38 et 39. Si Descartes est pour Whitehead le premier représentant du
matérialisme scientifique, il est aussi le pionnier des théories les
plus modernes. Voir en particulier SMW, IX, p. 172 et 173 [201-
202] : « Descartes, en distinguant entre temps et durée, en fondant
le temps sur le mouvement, et en établissant des relations étroites
entre matière et extension, anticipait, autant que le lui permettait
son époque, les notions modernes suggérées par la doctrine de la
relativité ou par certains aspects de la doctrine bergsonienne de la
génération des choses. » Voir aussi les références malheureusement
brèves à la théorie cartésienne des tourbillons, SMW, VI, p.122
[138].
4
Présent dans les analyses du premier chapitre de CN. Voir les références
au Timée dans CN, pp. 43-45. Dans la métaphysique, ces éléments
sont appelés : « geometrical elements ». Voir PR, p. 464 [455-457].
La traduction française propose de traduire « geometrical element »
par « objet géométrique » et « members of a geometrical element »
par : « éléments d’un objet géométrique ». Le terme « objet » ayant
un sens bien particulier dans la philosophie puis dans la
290
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
291
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
16
CN, p. 79 [62].
17
Ibid., p. 80 [62].
18
Ce qui n’implique pas que la signification de telles formules soit la plus
abstraite ; on verra que c’est plutôt le contraire qui est vrai.
19
CN, p. 124 [119].
20
Ibid., p. 99 [87].
21
PNK, 31.4, p. 108. Ce qui exclut de la méthode – nous l’avons vu - les
relations d’injonction qui supposent de telles frontières exactes.
22
PR, p. 462 et 463 [454-455], voir en particulier la définition 10, p. 463
[454] : « Un ensemble de régions est appelé un « ensemble
abstractif » quand : 1) deux éléments quelconques de l’ensemble
sont tels que l’un d’eux inclut l’autre non tangentiellement ; 2) il
n’y a aucune région qui soit incluse dans tout élément de
l’ensemble. » Whitehead renvoie lui-même à l’Enquête : « Cette
définition limite en pratique les ensembles abstractifs à ceux que
j’ai appelés « ensembles simplement abstractifs » dans les
Principles of Natural Knowledge (paragraphe 37.6). » Ibid.
23
Voir J. Nicod, La géométrie dans le monde sensible, I, IV, n. 1, p. 29.
24
PNK, 37.6, p. 123.
25
Voir supra, part. II, chap. II et III.
26
Une formulation bien « embarrassante » commente Nathaniel Lawrence,
dans Whitehead’s Philosophical Development, n. 25, p. 82. Le seul
commentateur à proposer une lecture plus éclairante de ce point est
Robert Palter, op. cit., pp. 51-54. Voir en particulier l’appendice I
(p. 223 et 224) où l’auteur propose une lecture comparée des trois
formulations dans PNK, CN, et PR.
27
PNK, 31, p. 106 et 107.
28
CN, p. 99 et 100 [87-88].
29
PR, Définition 16.1, p. 465 [457].
30
Voir PNK, 31.1, p. 106 : « ‘prime in respect to the formative condition σ
’ [whatever condition ‘σ’ may be] ».
31
Voir CN, p. 100 [88].
32
On retrouve ainsi naturellement la définition de CN, p. 99 [88] : « (…)
un ensemble abstractif est σ-prime, quand il a les deux propriétés, a)
de satisfaire à une condition σ et, b) d’être couvert par tout
ensemble abstractif qui, à la fois, est couvert par lui et satisfait à la
condition σ. »
292
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
33
Naturellement, toute classe α satisfaisant la condition σ : « étant K-égal à
α » est à la fois prime et anti-prime. Et pour une condition σ
donnée, deux σ-primes sont K-égaux, et deux σ-antiprimes sont K-
égaux. On peut ainsi démontrer que, pour une condition σ, tous les
σ-primes (ou tous les σ-antiprimes) sont égaux : soit σ une condition
quelconque. Soit σp la condition : « étant un σ-prime » et soit σα la
condition : « étant un σ-antiprime ». Ainsi, une classe abstractive,
qui satisfait la condition σp : (i) satisfait la condition σ ; (ii) est
couverte par toute autre classe abstractive satisfaisant la condition
σ. Par conséquent, deux classes abstractives qui satisfont la
condition σp se recouvrent mutuellement ou sont égales et chaque
classe qui satisfait la condition σp est couverte par chaque autre
classe qui satisfait la même condition. Ainsi, chaque classe est une
σp-prime et : « D’une manière analogue, c’est une σp-antiprime. De
même, les σ-antiprimes sont les σα-primes et les σα-antiprimes. »
PNK, 31.3, p. 107.
34
Ibid. Robert Palter souligne : « (…) in fact, a weaker definition would
suffice : since it is already known that for any given σ all σ-primes
are K-equal, one might define σ as regular for primes when (1)
there are σ-primes, and (2) there is no abstractive class K-equal to a
σ-prime, but not itself a σ-prime. » op. cit., n. 6, p. 52.
35
Voir PNK, 31.3, p. 107 : « (…) σ will be called ‘regular for antiprime’
when (i) there are σ-antiprimes and (ii) the set of abstractive classes
K-equal to any one assigned σ-antiprime is identical with the
complete set of σ-antiprimes. »
36
CN, p. 97 [84]. Dans PNK, un élément abstractif n’est pas le « groupe
des voies d’approximation (…) », mais « représente un ensemble de
routes équivalentes d’approximation (…) ». PNK, 32.2, p. 109.
Entre PNK et CN, les éléments abstractifs n’appartiennent pas au
même type logique, voir ci-dessous.
37
PNK, 32.3, p. 109 : « An abstractive element will be said to ‘inhere’ in
any event which is a member of it. »
38
Ce point est important mais semble incompris par un commentateur
critique de qualité comme Nathaniel Lawrence. Voir en particulier
sa critique de la notion de moment dans Whitehead’s method of
extensive abstraction, p. 149 sq.
39
CN, p. 98 [85-86]. Nous soulignons en reprenant une petite erreur de
traduction (le singulier au lieu du pluriel), laquelle implique une
incohérence.
293
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
40
Ibid., p. 97 [84]. Voir Robert Palter, op. cit., p. 53, qui remarque avec
justesse : « However, a simple reformulation would seem to remedy
this difficulty, viz. : define an abstractive element as the class of
events each of which belongs to at least one of the complete set of
abstractive classes which are K-equal to one of themselves ; i.e., as
the union of the members of the complete set of K-equal abstractive
classes. (One could, of course, also reformulate the second
definition in terms of set of primes [or antiprimes] instead of
members of primes [or antiprimes] ; this would again have the
effect of making abstractive elements one logical type higher than
abstractive classes.) »
41
CN, p. 97 [84].
42
PNK, 32.1, p. 108.
43
Ibid., p. 108 et 109.
44
Ibid., 32.3, p. 109.
45
Ibid.
46
CN, p. 79 [61].
47
PNK, III, IX, 33-36.5, pp. 110-120.
48
CN, III, pp. 75-82 [57-65] et IV, pp. 100-107 [88-98].
49
Voir PNK, 33.1, p. 110 : « (…) we assume that there are no other events
with the same unlimited property. »
50
Ibid., 33-3, p. 112. Pour des définitions plus générales de ces concepts,
voir celles proposées dans The Principle of Relativity. Par exemple,
concernant les moments : « A moment is an instantaneous three-
dimensional section of nature and is the entity indicated when we
speak of a moment of time. » R, p. 30.
51
PNK, 33.2, p. 110. La condition est « régulière » pour un antiprime
absolu : (i) il existe des antiprimes absolus ; (ii) l’ensemble des
classes abstractives égales à tout antiprime absolu est identique à
l’ensemble complet des antiprimes absolus.
52
Ibid.
53
CN, p. 78 et 79 [60-61].
54
Ibid., p. 97 [85].
55
Ibid., p. 100 [88].
56
Ibid., [89].
57
PNK, 46.4, p. 138.
294
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
58
CN, p. 101 [90].
59
Voir PNK, 34.1 et 34.2, p. 113 et 114.
60
Au sens de « l’intersection » définie dans la première partie de
l’axiomatique.
61
PNK, 34.2, p. 113.
62
Ibid., 34.2, p. 113 et 114.
63
Voir Infra., part. II, chap. III, A, 1, et PNK, 33-3, fig. 7 et 8, p. 111.
64
PNK, 34.3, p. 114 et 115. Voir CN, p. 81 et 82 [63-65] : « Pareille série
ordonnée de moments est ce que nous entendons par le temps défini
comme série. (…) Evidemment ce temps sériel est le résultat d’un
processus intellectuel d’abstraction. (…) Ce temps sériel n’est
évidemment pas le véritable passage de la nature lui-même. Il
manifeste quelques-unes des propriétés naturelles qui en découlent.
L’état de nature à un moment a évidemment perdu cette qualité
ultime du passage. Aussi la série temporelle des moments le
conserve seulement comme une relation extrinsèque d’entités, et
non comme le produit de l’être essentiel des termes de la série. »
65
CN, p. 80 [63].
66
Ibid., p. 81 [63].
67
Ibid.
68
Nous rejoignons sur ce point précis l’analyse de Robert Palter, op. cit., p.
61 : « (…) admitting the impossibility, even in principle, of
detecting through sense-perception a non-denumerably infinite
number of events, it follows that the moments of a given time-
system must be defined as subsets of, or “cuts” in, that denumerably
infinite class of moments which is, in principle at least, available to
sense-perception. This is just the first of many occasions during our
discussion of the method of the extensive abstraction when we shall
be forced to recognize the insufficiency of any interpretation of
Whitehead’s intent which demands that he literally deduce all
geometrical entities from sense-data. Whitehead’s method is, on the
contrary, constructive, but not in an arbitrary or merely
conventionalist sense. »
69
CN, p. 100 [89].
70
Ibid., p. 100 et 101 [89-90].
71
Ibid., p. 101 [90].
72
Ibid., [89].
295
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
73
PNK, 37.2, p. 121 et 122.
74
CN, p. 103 et 104 [93].
75
Ibid., p. 104 [94].
76
CN, p. 102 et 103 [92].
77
Ibid., p. 103 [92].
78
L’analyse de G. Hélal, par exemple, n’est pas exempte de telles
confusions, voir op. cit., pp. 147 sq.
79
Voir PNK, 35.1, p. 116 : « (…) we reserve the conventional spatial
terms, such as ‘plane’, for the time-less spaces to be defined later. »
Voir aussi CN, p. 101 et 102. Nous n’entrons pas plus dans la
représentation et l’explication géométrique de telles intersections.
Sur ce point, l’analyse de G. Hélal est assez claire, op. cit., pp. 155-
157.
80
PNK, 35.2, p. 116.
81
Ibid., 35.2, p. 116.
82
Ibid. L’étude de ces relations est reportée à plus tard, mais elles
n’apparaissent pas clairement par la suite.
83
PNK, 35.3, p. 117. Whitehead ajoute : « It is tempting, on the
mathematical analogy of four-dimensional space, to assert the
existence of unlimited events which may be called the complete
intersections of pairs of non-parallel durations. It is dangerous
however blindly to follow spatial analogies ; and I can find no
evidence for such unlimited events, forming the complete
intersections of pairs of intersecting durations, except in the
excluded case of parallelism when the complete intersection (if it
exist) is itself a duration. Accordingly, apart from parallelism, it
may be assumed that the events extended over by a pair of
intersecting durations are all finite events. No change in the sequel
is required if the existence of such infinite events be asserted. »
84
Les mêmes propriétés de parallélisme que pour les durations et les
moments sont appliquées aux levels : « Two parallel levels do not
intersect, and conversely two levels in the same moment which do
not intersect are parallel. » Ibid., 36.1, p. 118.
85
Ibid.
86
En plus de l’adjectif « momentary » (traduit ici par « momentané »),
Whitehead forge celui de « momental ». Nous suivons J.
Douchement qui choisit de traduire par « momentuel ».
296
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
87
PNK, 36.2, p. 118.
88
Ibid., 36.3, p. 119.
89
Whitehead exclut le cas de rects « incidents » : « (…) if a rect is incident
in a moment, it does not intersect any other moment of the same
time-system, and therefore a fortiori is not incident in any of them;
and analogously for a level incident in a moment. » Ibid., 36.3, , p.
119.
90
CN, p. 105 [95].
91
PNK, 36.4, p. 119 et 120.
92
CN, p. 105 [95-96].
93
Ibid., [96].
94
PNK, 37.1, p. 121.
95
Ibid., 37.2 : « An abstractive class which is antiprime in respect to the
formative condition of ‘being a member of some assigned punct’ is
evidently an absolute prime. In fact this set of antiprimes is
identical with the set of absolute primes »
96
Voir sur ce point la critique de Th. De Laguna dans “Extensive
Abstraction : A Suggestion”, p. 217 : « (…) Mr Whitehead has
given up the attempt to define the event-particle in a direct fashion.
He does it by means of the ‘punct’; and this involves a multiplicity
of time-systems. For a punct is the intersection, generally speaking,
of four moments, and moments of the same time-system do not
intersect. The further consequence is that the whole theory of
spatial order is made dependent on the assumption of a non-
Newtonian theory of the relation between space and time ; and
though there may well be compensations for this state of affairs, it
is evidently, from the methodological standpoint, a defect. It seems
a curious inversion of the order of experience, that we should have
to wait for Michelson in order to find the way to the conception of
the point. »
97
CN, p. 103 [92-93].
98
Ibid., p. 168 [172-173]. Nous reprenons la traduction de J. Douchement
avec de légères variations.
99
Ibid., p. 113 [103].
100
Ce qui favorise, à la première lecture, la confusion entre ces éléments et
les entités instantanées étudiées précédemment (levels, rects et
puncts) mais qui ne sont pas des éléments abstractifs.
297
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
101
PNK, 38.1, p. 123.
102
CN, p. 111 [102].
103
Deux événements « séquents » sont deux événements qui
n’appartiennent pas au même moment ; ils ne sont donc pas
simultanés. Voir PNK, 37.5, p. 123 : « Event-particles which are
not co-momental will be called ‘sequent’. »
104
CN, p. 113 [103].
105
PNK, 38.1, p. 123 et 124.
106
Ibid., p. 124.
107
Les définitions proposées dans CN sont équivalentes. Voir CN, p. 113
[104].
108
Ibid.
109
R, p. 29.
110
Ibid., p. 30.
111
PNK, 38.3, p. 125. Dans CN, une route momentuelle. Voir CN, p. 113
[103-104]. Les routes errantes (vagrant) sont appelées « stations ».
Dans R, les routes momentuelles sont appelées les routes spatiales
et les routes errantes des « routes historiques ». Voir R, p. 30 et 31
et p. 74.
112
PNK, 38.4, p. 125 : « kinematic route ».
113
« Un ‘solide’ est l’élément abstractif déduit d’un solide prime. » PNK,
39.1, p. 126. Voir CN, p. 111 [101], où Whitehead distingue plus
nettement la définition d’un solide en tant qu’élément abstractif de
celle d’un solide en tant que locus : « Un locus à trois dimensions
d’événements-particules qui forme la portion commune de la
frontière de deux événements adjoints sera appelé un solide. »
114
Les propriétés de ces solides errants sont supposées importantes pour la
théorie de la gravitation d’Einstein, mais Whitehead n’en dit pas
plus et l’étude de ces propriétés n’est pas entreprise dans l’Enquête.
Voir PNK, 39.2, p. 126 ; voir aussi ibid., préface, p. vi, et CN, p.
111 et 112 [102] : « Il est difficile de savoir à quel point nous
sommes éloignés de pouvoir avoir la perception des solides errants.
Nous ne pensons certainement pas que nous puissions en approcher
tant soit peu. Mais alors nos pensées – dans le cas des gens qui ont
des pensées sur de telles matières – sont à ce point sous l’empire de
la théorie matérialiste de la nature qu’elles ne peuvent guère avoir
valeur de preuves. Si la théorie de la gravitation d’Einstein
298
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
299
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
127
PNK, 41.1, p. 128.
128
Ibid., 41.4, p. 129.
129
CN, p. 117 et 118 [110].
130
PNK, 41.1, p. 128.
131
« stationary prime », ibid., 41.2.
132
Autrement dit, une classe égale et non tangente. Voir ibid., 37.6, p. 123
et supra, partie IV, A, 1.
133
PNK, 41.2, p. 128.
134
Une station peut être aussi définie comme une position, voir CN, p.
120 [113] : « Soit P un événement-particule compris dans une
duration donnée d. Considérons l’agrégat d’événements où se situe
P et qui sont aussi cogrédients à d. Chacun de ces événements
occupe son propre agrégat d’événements-particules. Ces agrégats
auront une portion commune, savoir la classe des événements-
particules qu’ils comprennent tous ensemble. Cette classe
d’événements-particules est ce que j’appelle la station de
l’événement-particule P dans une duration d. Il s’agit de la station
comprise comme un locus. »
135
PNK, 42.1, p. 129.
136
« Point-tracks (…) form this missing set of straight lines for this
geometry of event-particles. The event-particles occupying a point-
track have an order derived from the covering moments of any
time-system. » Ibid., 42.4, p. 131. Voir aussi CN, p. 120 et 121
[113-114].
137
CN, p. 189 [198].
138
PNK, 42.2, p. 130.
139
CN, p. 119 [111].
140
Ibid., p. 121 [114].
141
« This space of a time-system is called ‘time-less’ because its points
have no special relation to any one moment of its associated time-
system. » PNK, 42.3, p. 130. Un point-track est une route de par sa
dimension temporelle ; sans elle, il constitue donc un point, et
réciproquement.
142
Voir PNK, 42.3, p. 130. On retrouve ainsi la relation triadique
d’occupation du concept classique du monde matériel.
L’événement-particule représente la particule matérielle, le punct,
300
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
301
IV • 1. LES ELEMENTS ABSTRACTIFS
302
Chapitre II
Congruence et Egalité
303
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Entre ces deux lectures, on peut déjà souligner une différence et un point
commun essentiels :
1. Une différence concernant la définition de la congruence, liée à l’enjeu
précis de ces différents chapitres : si dans le dernier livre, la congruence est
d’abord définie comme une simple sous-espèce de la relation générale
d’égalité : « l’égalité quantitative des éléments géométriques »2, en
revanche dans les deux premiers, Whitehead prend soin de distinguer la
congruence de l’égalité quantitative :
Quand le segment entre deux points A et B est congruent avec le segment
entre les deux points C et D, les mesures quantitatives des deux segments
sont égales. L’égalité de ces mesures numériques et la congruence des deux
segments ne sont pas toujours clairement distinguées et sont réunies
ensemble sous le terme d’égalité. Mais la procédure de mesure présuppose
la congruence3.
304
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
305
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Il suit ainsi que nous sommes en possession d’une structure dans les termes
de laquelle la congruence peut être définie 16.
306
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
307
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
308
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Or, un angle droit peut-il être admis au sein de ce dont nous avons
l’expérience ? C’est ce qu’exige les trois œuvres de la trilogie ; on lit ainsi
dans Concept de Nature :
[…] un angle droit est un objet perçu qui peut être situé dans maints
événements ; mais, bien que le caractère de rectangularité soit posé par la
conscience sensible, la majorité des relations géométriques n’est pas posée
ainsi. Aussi la rectangularité est en fait souvent non perçue, alors qu’on peut
prouver qu’elle était offerte à la perception. Ainsi un objet est souvent
connu seulement comme une relation abstraite non directement posée dans
la conscience sensible bien que présente dans la nature. L’identité
qualitative entre des segments congruents a généralement ce caractère. Dans
certains cas spéciaux cette identité qualitative peut être perçue directement.
Mais en général elle est inférée par un processus de mesure dépendant de
notre conscience sensible directe de cas sélectionnés et d’une inférence
logique tirée de la transitivité de la congruence29.
309
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
a) Premier axiome
310
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Tel est l’enjeu des axiomes de la normalité. Mais avant cela, étudions le
second axiome dérivé du parallélisme.
b) Second axiome
311
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
312
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Les triangles isocèles peuvent appartenir soit à un level (toutes les routes
de la figure se trouvent sur des rects), soit à une matrice. Cinq cas sont
possibles dont seul le premier (fig. 44) concerne un triangle situé sur un
level, et à partir duquel est complétée la théorie de la congruence pour la
mesure spatiale44. Les autres cas possibles (fig. 45) concernent des triangles
situés sur des matrices (composés de rects, représentés par des lignes
continues, de point-tracks ou de null-tracks, représentés par des lignes en
pointillés ; les segments normaux sur une matrice ne peuvent pas être de
même nature)45 :
Whitehead en dit plus, mais pas assez cependant. Que faut-il entendre
exactement par cette « loi substantielle de la nature » ? La transitivité de la
congruence n’est pas seulement une déduction abstraite et logique, elle a un
sens concret dans l’expérience, voire même, de par l’adjectif
« substantiel », un sens ontologique. Il faut revenir aux relations entre
événements : celles-ci étant internes, chaque événement dans la nature
comprend ses relations aux autres événements. Par la théorie de la
signifiance, la transitivité acquiert un sens concret : si l’événement A est lié
à l’événement B, et l’événement B à l’événement C, alors A, étant lié à B,
du fait des relations internes, est lié à C. Dans l’expérience de la relation :
« A = B », je fais aussi l’expérience de la relation : « A = C ». Le système
entier de la congruence, construit sur ces bases, se voit fondé dans
l’expérience47.
313
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
b. Quatrième axiome
Le quatrième axiome de congruence (énoncé uniquement dans Concept de
Nature48) ou second axiome de perpendicularité s’énonce ainsi : si r et A
sont un rect et un événement-particule appartenant au même moment, AB
et AC une paire de rects perpendiculaires coupant r en B et C, AD et AE
une autre paire de rects perpendiculaires coupant r en D et E, alors est situé
sur le segment BC soit D, soit E, mais non les deux (fig. 46).
314
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
315
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Cette première méthode, qui nous permet déjà de comparer des mesures
temporelles liées à différents systèmes, est complétée dans le chapitre XIII
de l’Enquête, intitulé : « Mouvement »52. Là est la dernière partie de la
méthode de l’abstraction extensive – sans doute la plus technique du point
de vue mathématique – d’où seront déduites les équations de
transformation53 de la relativité restreinte d’Einstein ainsi que les différents
types de cinématique.
C. Cinématique et relativité
Nous n’entrerons pas dans les détails des constructions mathématiques de
cette dernière partie, purement déductive, de la méthode, lesquels nous
écarteraient de notre véritable ligne directrice qu’est l’abstraction des
objets, mais nous tenterons cependant d’en dégager les principales étapes54.
1. A l’aide des données de l’abstraction extensive, nous sommes en
mesure de construire des systèmes de coordonnées cartésiens et de
formuler les bases d’une géométrie analytique quadridimensionnelle pour
l’espace-temps.
Soit α et β deux systèmes temporels : à partir d’un événement-particule
quelconque O pris arbitrairement pour origine, on peut trouver un ensemble
de trois rects mutuellement perpendiculaires55, OOαx, OOαy, OOαz, et un α-
point normal à ces trois axes appelé OOαt. Ces quatre axes nous permettent
de déterminer les coordonnées de tout événement-particule dans le système
α. Pour un autre système temporel β, on procède de la même manière et on
obtient ainsi quatre axes normaux OOβx, OOβy, OOβz, OOβt. Ces deux
ensembles peuvent être ajustés tel que OOαy soit identique à OOβy et tel que
OOαz soit identique à OOβz. Tout événement-particule a ainsi pour
coordonnées dans le système α les axes OOαx, OOαy, OOαz, OOαt, et dans le
système β les axes OOβx, OOβy, OOβz, OOβt. Les coordonnées dans α sont
(xα, yα, zα, tα) et dans β (xβ, yβ, zβ, tβ), avec yα = yβ et zα = zβ.
Soit Oαxt la matrice contenant OOαt et OOαz ; et soit Oαyz , Oαzx, et Oαxy les
levels contenant respectivement OOαy et OOαz, OOαz et OOαx , OOαx et
OOαy. Enfin, soit P un autre événement-particule occupant le point OOαt et
soit PPαx, PPαy, PPαz les α-rects passant par P et respectivement parallèles à
OOαx, OOαy, OOαz. Whitehead propose le diagramme ci-dessous en
soulignant, comme pour toutes les figures données dans l’Enquête, ses
insuffisances :
Dans le diagramme, la troisième dimension des moments Oα et Pα, c’est-à-
dire la z-dimension, est supprimée, afin que ces moments soient
schématiquement représentés comme bidimensionnels. Les point-tracks
(dans ce cas les α-points) sont représentés par des lignes pointillées. Le
316
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Un moment est représenté par une équation linéaire à l’aide des quatre
coordonnées (xα, yα, zα, tα). Une paire d’équations linéaires représentera un
level ou une matrice, et trois équations linéaires un rect, un point-track ou
un null-track.
2. Whitehead déduit ensuite les équations de transformation des
coordonnées-α vers les coordonnées-β, de la forme57 :
xβ = Ωαβx + Ω′αβtα
yβ = yα
zβ = zα
tβ = Ω″αβtα + Ω″′αβxα
[…] Ωαβ, Ω′αβ, Ω″αβ, Ω″′αβ, sont des constantes dépendant des deux systèmes
α et β et des deux unités de laps temporels choisies arbitrairement dans α et
β, mais d’évidence ne dépendant pas des ensembles arbitrairement choisis
de rects rectangulaires OOαy et OOαz dans le level Oαy58.
Du système β vers le système α, les équations sont les suivantes (les deux
paires d’équations étant équivalentes) :
xα = Ωβαxβ + Ω′βαtβ
yβ = yα
zβ = zα
tα = Ω″βαtβ + Ω″′βαxβ
317
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
318
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
319
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Ces formules sont bien en accord avec le sens commun et sont en fait les
formules suggérées naturellement par l’expérience ordinaire74.
(iii) Le type hyperbolique, selon lequel k est positif : on retrouve ainsi les
formules de Larmor, étendues par Lorentz et utilisées par Einstein et
Minkowski pour fonder leur nouvelle théorie de la relativité. Si on
substitue k à c2, on obtient ainsi :
320
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
321
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
322
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Ce ne sont pas les « adjectifs »83 ou les objets sensibles qui sont les
mêmes ou qui subsistent, mais la même route, autrement dit, une figure
spatio-temporelle, un élément géométrique obtenu au moyen de la méthode
de l’abstraction extensive. En définitive,
[…] ré-écrivez cette conception cartésienne de l’espace, en substituant les
‘événements’ (qui retiennent le ‘procès’) à la matière (qui a perdu le
‘procès’). Vous revenez alors à ma conception de l’espace-temps, comme
une abstraction des événements qui sont les dépositaires ultimes des
individualités variées dans la nature84.
Notes
1
Cette question de la signification subsiste dans R, voir par exemple p. 51 :
« When we say that two stretches match in respect to length, what
do we mean ? (…) When two lapses of time match in respect to
duration, what do we mean ? We have seen that measurement
presupposes matching, so it is of no use to hope to explain matching
by measurement. We have got to dismiss from our minds all
323
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
324
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
14
Voir CN, p. 126 et 127 [121-122], où Whitehead rappelle la controverse
entre Poincaré et Russell : « La position de Poincaré est forte. Elle
met chacun au défi de trouver dans la nature un facteur qui
donnerait un statut de prééminence à la relation de congruence telle
que l’humanité l’a actuellement adoptée. Mais indéniablement sa
position est très paradoxale. Bertrand Russell a eu avec lui une
controverse sur cette question, et montré que selon les principes de
Poincaré il n’y avait rien dans la nature qui put déterminer si la terre
est plus grande ou plus petite qu’une boule de billard. Poincaré
répliqua que la tentative pour trouver dans la nature des raisons de
choisir une relation de congruence spatiale définie revient à essayer
de déterminer la position d’un navire dans l’océan en dénombrant
l’équipage et en considérant la couleur des yeux du capitaine. »
Ibid., p. 127 [122]. Et on rejoint ici la problématique essentielle des
théories de la relativité : la recherche des invariants, d’un système à
un autre. Les équations de transformation de la relativité restreinte
seront déduites dans cette partie.
15
R, p. 51.
16
Ibid., p. 57.
17
Voir Ibid., p. 51 : « By this I mean that through any point outside a plane
there is one and only one plane which does not intersect a given
plane. You will observe that I have had to adopt what is termed
Playfair’s axiom for the definition of parallels. It is the only one
which does not introduce some presupposition of congruence, either
of length or angles. I draw your attention to the absolute necessity
of defining our structure without the presupposition of congruence.
If we fail in this respect our argument will be involved in a vicious
circle. »
18
« The essence of this structure is that it is stratified in many different
ways by different time-systems. This is a very peculiar idea which
is the product of the speculations of the last fifteen years or so. We
owe the whole conception notably to Einstein. I do not agree with
his way of handling his discovery. But I have no doubt as to its
general correctness. (…) Our whole geometry is merely the
expression of the ways in which different events are implicated in
different time-systems. » Ibid., p. 59.
19
PNK, 48.1, p. 141.
20
Voir supra, part. IV, chap. I, B, 2, b et D, 1. Dans PNK, voir 36.3, p. 119
et 43.3, p. 132.
325
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
21
PNK, 48.1, p. 141.
22
CN, p. 124 [118].
23
Voir PNK, 47.1, p. 139 et 140 : « A pair of rects which are normal to
each other will also be called ‘perpendicular’ or ‘at right-angles’.
Two point-tracks can never be normal to each other since no point-
track lies on a level. Parallels to normals are themselves normal. »
24
Voir CN, p. 124 [117-118].
25
PNK, 47.1, p. 139.
26
CN, p. 130 [126-127].
27
R, p. 57. Pour une représentation graphique, voir la figure proposée par
N. Lawrence, in Whitehead’s Philosophical Development, fig. 6, p.
191.
28
R, p. 52.
29
CN, p. 129 [126]. Nous soulignons.
30
Voir R, p. 47 et 48.
31
Whitehead introduit pour la première fois le terme de « construction » :
« Nous sommes maintenant en possession d’une théorie des
parallèles et d’une théorie des perpendiculaires et d’une théorie du
mouvement, et à partir de ces théories la théorie de la congruence
peut être construite. » CN, p. 130 [127]. Nous traduisons.
32
Mais l’abstrait n’a pas alors le même sens que dans les parties
précédentes : il renvoie – en particulier pour les derniers axiomes –
à une suite de déductions et d’inférences logiques.
33
Whitehead renvoie ici lui-même au mémoire de E.B. Wilson et G.N.
Lewis, “The Space-Time Manifold of Relativity”, 1912. Robert
Palter note à ce sujet : « Whitehead’s treatment of congruence in
PNK suffers from carelessness in its formulation of axioms, and the
later discussions of congruence in CN and R offer no marked
improvements. A minor evidence of Whitehead’s carelessness is
his allusion to the definition of congruence given by E. B. Wilson
and G. N. Lewis (see n., p. 141, PNK) – a definition which is
nowhere to be found in the work cited. » Whitehead’s Philosophy of
Science, n. 15, p. 76.
34
PNK, 48.2, p. 141. Voir Robert Palter, op. cit., n. 16, p. 76 : « (…) it is
meant that the assumption of transitivity is not derivable from
Whitehead’s other assumptions (and hence is not a “theorem”, in
the usual sense of the term, which opposes “theorems” to
326
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
327
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
51
R. Palter, op. cit., p. 78.
52
PNK, XIII, 49-52.9, pp. 147-164. Cette autre méthode correspond aux
deux derniers axiomes de congruence du Concept de Nature. Voir
CN, pp. 132 sq. [129 sq.]
53
Voir PNK, 52.2, p. 158.
54
Sur ce sujet, voir en particulier l’ouvrage de R. Palter, op. cit., pp. 79-88,
qui ne propose malheureusement pas beaucoup de commentaires ni
d’éclairages philosophiques sur cette partie de la méthode. La
lecture de G. Hélal, souvent trop hasardeuse, peut éclairer certains
passages. Force est de constater que si les commentaires critiques
de la méthode de l’abstraction extensive sont rares, ceux concernant
cette partie sont quasi-inexistants. Leur lecture critique dépasse à la
fois les limites de notre étude et nos compétences en physique
mathématique.
55
Appelés « axes mutuels » pour les deux systèmes.
56
PNK, 49.2, p. 148.
57
Whitehead écrit : « The formulae for transformation (…) are obviously
of the form (…) » Ibid., 49.7, p.151. Nous soulignons : le lien avec
les étapes précédentes de la méthode n’est pas vraiment fait pas
plus que la question difficile de l’articulation de l’expérience
concrète avec ces formules classiques n’est vraiment posée.
Whitehead déduit ici abstraitement les équations de transformation,
certes, à partir des données plus concrètes de l’abstraction
extensive, représentées par les constantes Ω.
58
Ibid., 49.7, p. 151. Pour une tentative d’explication de ces formules,
malheureusement très succincte, voir les commentaires de R. Palter,
op. cit., pp. 80-88 : « The relation between yα and yβ must be one-
one, and yα and yβ must vanish together ; hence yβ must be a
constant multiple of yα. Since the relative velocities of α and β are
equal and opposite along the coincident xα- and xβ- axes, there is no
component of velocity along the yα- or yβ-axes ; hence in the
transformation equations for yβ (yβ = kβαyα) and yα (yα = kαβyβ), the
constants kβα and kαβ must, by symmetry considerations, be equal ;
which implies that yβ = yα. A precisely analogous argument leads to
the result that zβ = zα. » Ibid., p. 80. Mais le commentaire en reste le
plus souvent à une simple reprise du texte même.
59
PNK, 50 sq., pp. 151-154. Dans CN, « l’axiome de symétrie cinétique »,
p. 132 [129]. L’axiome n’est plus alors composé de deux parties et
« ne considère pas la vitesse relative de deux systèmes d’espace-
328
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
329
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
Palter (op. cit., pp. 30-39), les commentaires brefs mais éclairants
de J. Vuillemin dans La Logique et le monde sensible, p. 83 et 84.
Sans oublier les ouvrages cités ci-dessous sur la théorie
whiteheadienne, restreinte et générale, de la relativité.
70
R, préface, p. v et vi.
71
Voir par exemple CN, p. 183 et 184 [193-194].
72
R, préface, p. v. Whitehead développe dans la deuxième partie de R sa
propre théorie de la relativité. Sur ce sujet qui dépasse les limites de
notre étude et nos compétences, les principales références sont les
suivantes (dans l’ordre chronologique, en plus des ouvrages de R.
Palter et de G. Hélal) : A.S. Eddington, “A comparison of
Whitehead’s and Einstein’s Formulae”, in Nature, CXIII, 1924, p.
192 ; F.S.C. Northrop, “Whitehead’s Philosophy of Science”, in
Schilpp, pp. 165-207 ; J.L. Synge, The Relativity Theory of A.N.
Whitehead, Baltimore, Univ. of Maryland, Lecture Series V,
Institute for Fluid Dynamics and Applied Mathematics, 1951 ; R.
A. Ariel, “Recent Empirical Disconfirmation of Whitehead’s
Relativity Theory”, Process Studies, vol. 4, n°4, 1974, pp. 285-287,
auquel répond D. R. Fowler, “ Disconfirmation of Whitehead’s
Relativity Theory, A Critical Reply”, Process Studies, vol. 4, n°4,
1974, pp. 288-290, et du même auteur “Whitehead’s Theory of
Relativity”, Process Studies, vol. 5, n°3, 1975, pp. 159-173 ; Y.
Tanaka, “Einstein and Whitehead : The Principle of Relativity
Reconsidered”, Historia Scientiarum, 32, 1987, pp. 43-61;
Jonathan Baine, “Whitehead's Theory of Gravity”, Studies in
History and Philosophy of Modern Physics 29, 1998, pp. 547-574.
73
Voir PNK, 52.1, p. 158 : « (…) ks is zero requires that either Ωαβ or Vαβ
should be zero ; (…) this supposition is seen to lead to results in
such obvious contradiction to experience as to preclude the
necessity for further examination. » Voir aussi CN, p. 133 [131] :
« Ce cas correspond à des résultats privés de sens et en opposition
avec les données élémentaires de l’expérience. Nous mettons ce cas
de côté. »
74
PNK, 52.8, p. 163.
75
Ibid., 52.7.
76
Ibid., 52.5, p. 160.
77
PNK,12.5, p. 56 et 57.
78
CN, p. 128 [124].
330
IV • 2. CONGRU ENCE ET ÉGAL ITE
79
La présente étude soutiendra un primat des relations et des propriétés
géométriques dans le procès abstractif général. Voir les analyses de
la partie suivante consacrée aux objets, en particulier le chapitre I.
80
R, p. 53.
81
Ibid.
82
Ibid., p. 53 et 54.
83
Nous revenons plus loin sur cette notion de R.
84
R, p. 39.
331
V.
Les objets ont été posés, au début de notre étude, comme les dernières
étapes d’un procès de discrimination et d’abstraction dont le point de départ
est un Evénement. La construction proposée dans les parties précédentes –
dont le cœur et le moteur sont la méthode de l’abstraction extensive –
décrivait les premières étapes de ce procès abstractif. Résumons-les
brièvement.
L’abstraction des objets suppose des formes primordiales, sur lesquelles
s’appuie toute récognition et que Whitehead appelle les rythmes. Là est la
première étape du procès abstractif ou de la diversification de la nature : les
événements forment des classes ou des séries abstractives, les premières
formes immanentes au procès de la nature et produites par lui. Une
première relation d’égalité est ensuite requise – définie uniquement dans
les termes de la relation d’extension – pour définir des classes de classes ou
classes K-égales : les éléments abstractifs, « éléments fondamentaux de
l’espace et du temps », expression concrète des entités abstraites de la
géométrie que sont les volumes, les plans, les lignes et les points, c’est-à-
dire, dans la géométrie quadridimensionnelle de l’espace-temps, les
matrices, les différentes sortes de routes, et les événements-particules. De
tels éléments sont seulement des rythmes plus complexes, constitués à
partir des rythmes plus simples. Une autre étape est franchie grâce aux
relations d’égalité et de congruence reconnues entre ces éléments. Le
procès de la nature montre des périodicités fondamentales, des formes
géométriques de répétition : parallélisme, perpendicularité et normalité,
inhérents à la nature, fondent des relations de congruence et d’égalité entre
événements, et permettent de dégager un système entier de congruence,
valable pour tout système temporel. Ce sont de telles relations de
congruence entre les événements qui permettent de faire le premier pas
véritable de l’ascension vers l’abstrait (dans la méthode de l’abstraction
extensive, la convergence des séries) ; les événements congruents
conduisent à la reconnaissance d’une seule et même figure, posée comme
identique, constante et permanente dans une durée : les figures sensibles,
premier type d’objets, éléments-limites seulement approchés par
l’expérience concrète et d’un autre type que les événements1. La méthode
de l’abstraction extensive permet d’exprimer concrètement, c’est-à-dire en
termes d’éléments abstractifs liés par les relations d’extension et d’égalité,
ces différentes sortes de figures abstraites.
335
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
336
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
une figure sensible quelconque. Or, une figure sensible – par exemple, un
carré rouge instantané – est déjà une abstraction : une telle figure est un
objet, le premier type d’objet reconnu dans l’expérience. Par conséquent, la
récognition d’un objet sensible – ce rouge de nuance particulière – requiert
au moins deux étapes :
1. L’abstraction d’une figure sensible, premier élément d’identité reconnu
comme étant le même (ou permanent) dans une durée, mais seulement
approché par l’expérience concrète. De telles figures visuelles, tangibles,
etc., supposent deux applications du principe de convergence7 :
337
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
338
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
Dans cet extrait, ce sont les analogies entre les objets sensibles – des
rouges de nuance particulière – qui conduiraient aux objets sensibles
« généralisés » (le rouge), et qui seraient elles-mêmes déterminantes dans
la reconnaissance des analogies entre les figures sensibles et dans la
généralisation des figures : la figure sensible rouge, ou des objets encore
plus abstraits, comme l’idée d’une figure visible, pensée indépendamment
de toute couleur particulière16.
339
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
Fig. 51 : Harmonique
340
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
bien que dépourvue de terme dernier, doit converger en général vers une
limite définie23.
341
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
342
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
Les objets sont les éléments dans la nature qui peuvent être encore27.
[…] j'ai évité des termes comme ‘Universel’ qui présupposent une
perspective qui est ici désavouée. Mais à bien des égards l’affirmation qu'un
objet est un universel explique vraiment ce que je veux dire. La particularité
est attribuée aux événements et aux routes historiques parmi les événements.
Mais il y a un flux de choses transcendant celui de la nature […]31
343
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
concret à de tels objets plus abstraits ? Et sans pour cela être obligé de
dépasser l’expérience sensible ? On retrouvera le même problème
concernant les objets physiques (mais la réponse de Whitehead sera
différente), c’est-à-dire des objets perceptuels reconnus dans des durées
distinctes : « Bonjour Théétète ! ». Des relations d’égalité et d’identité
entre des durées distinctes, mais données dans l’expérience, sont-elles
pensables ? Une réponse positive sera proposée, laquelle repose d’abord sur
la théorie des relations internes entre les événements, et ensuite, sur la
nature concrète des objets, rendue intelligible grâce à la méthode de
l’abstraction extensive.
Pour le moment, concernant les seuls objets sensibles, nous avons vu que
de tels objets sont définissables comme des ensembles d’événements en
relation, des structures ou configurations d’événements (nous introduirons
plus loin les notions d’entités sociales et de sociétés33, liées à celle de
rythme). Or, les relations qui fondent de tels ensembles, relations entre
événements, ainsi que les relations entre ces ensembles, sont purement
internes34. Par conséquent, il est logiquement et théoriquement possible de
soutenir que de tels ensembles sont donnés, dans l’expérience sensible, en
relations avec d’autres ensembles ou rythmes analogues appartenant à des
durations simultanées, passées ou futures. Du fait des relations internes,
toute configuration appréhendée dans une duration présente se donne dans
ses relations à d’autres schèmes spatio-temporels. C’est d’ailleurs là
l’essence même de la théorie de la signifiance, défendue dès le premier
chapitre de l’Enquête35. Certes, comme on l’a vu, la connaissance
immédiate (par relation) de tels ensembles plus ou moins éloignés dans
l’espace-temps reste faible et imprécise : ces ensembles sont connus
seulement en tant que relata, et non encore dans leur individualité
particulière36. Or, la théorie des relations internes, liée à la lecture
particulière et concrète que nous proposons des objets sensibles, suffit à
expliquer la multilocalisation et la répétition de tels objets37, données dans
l’expérience (mais toujours seulement approchées), et ce, sans faire appel à
de quelconques objets éternels ou transcendants.
344
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
sein d’une durée présente, ou encore, dans des durées distinctes39 ? C’est le
passage des figures sensibles aux « figures géométriques »40, examiné à la
fin de l’Enquête, qui peut nous apporter un véritable éclaircissement quant
à la nature concrète de ces objets.
Ou encore :
L’objet perceptuel est le résultat de l’habitude de l’expérience44.
[…] l’objet physique n’est rien d’autre que la concurrence habituelle d’un
certain ensemble d’objets sensibles dans une situation45.
345
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
346
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
347
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
348
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
349
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
350
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
351
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
[…] les abstractions de la science sont des entités qui sont réellement dans
la nature, bien qu’elles n’aient pas de signification si on les isole de la
nature70.
352
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
Les molécules sont des objets non uniformes et comme tels exposent un
rythme […]73
Les objets définis comme uniformes et matériels sont les objets pensés et
réfléchis via le processus de localisation, c’est-à-dire au terme de la
méthode de l’abstraction extensive. Dans l’Enquête, Whitehead définit les
objets uniformes de la manière suivante :
353
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
temps, alors cet objet a existé dans une période quelconque plus courte de
cette période. De la loi II, il suit aussi que, si un objet uniforme O est situé
dans un événement e et que e′ est une tranche-α de e qui est une situation
de O, alors une classe abstractive de tranches-α convergentes vers une
section-α de e′ quelconque peut être trouvée tel que O est situé dans
chaque membre de la classe. L’objet O est ainsi localisé dans chaque
section-α de e′ :
C’est la conception d’un objet uniforme localisé dans un volume spatial à un
moment sans durée (durationless) du temps. Avec certaines explications et
limitations les lois I et II s’appliquent à plusieurs types d’objets. En fait cela
requiert un effort pour réaliser qu’il y a des cas dans lesquels elles ne
s’appliquent pas74.
354
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
extensive [cf. part. III] doit être employée. Le succès de cette méthode
dépend du principe de convergence vers la simplicité par diminution de
l’extension. Le résultat est de séparer les propriétés spatiales et temporelles
des événements. Les relations des électrons aux événements peuvent être
exprimées dans les termes de positions spatiales et de mouvements spatiaux
à tous les instants pendant la totalité du temps77.
Mais l’objet ne peut pas être séparé réellement de son champ. L’objet n’est
en fait rien d’autre que l’ensemble systématiquement ajusté des
modifications du champ. La limitation conventionnelle de l’objet au flux
focal des événements où il est dit être situé est commode dans certains cas,
mais dissimule le fait ultime de la nature80.
355
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
356
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
(i) Les objets scientifiques sont définis comme les composants ou les
caractères causaux des événements.
(ii) De tels objets ne seraient pas perçus directement mais inférés.
Commençons par le second point : en quel sens peut-on dire que les objets
scientifiques appartiennent à la nature ? Si Whitehead soutient le caractère
abstrait de ces objets, l’enjeu essentiel reste bien celui de leur articulation
concrète aux événements et aux autres objets au sein de l’expérience. Or,
de l’analyse de la section précédente, nous pouvons déduire que cette
question revient en fait à celle-ci : les éléments abstractifs font-ils partie de
la nature concrète ?
Dans la continuité de l’étude de la méthode, en tant qu’élément-limite
d’un élément abstractif (tel un événement-particule), l’objet scientifique
n’est pas perçu ; mais, exprimé dans son caractère essentiel et premier de
relata – c’est-à-dire en tant qu’élément abstractif, compris dans son
caractère extrinsèque – un tel objet appartient bien à la nature. Au sein du
procès abstractif général, de tels objets semblent même plus concrets que
les différentes figures et les autres objets : les éléments abstractifs ont été
montrés comme les conditions de la récognition des objets de l’expérience
ordinaire. Or, il semble que l’on arrive à une contradiction : les objets
scientifiques semblent à la fois admis comme la dernière étape du procès
abstractif général (à ce titre, ce sont les objets les plus abstraits) et comme
des objets premiers et fondateurs, voire plus concrets que les autres objets.
Quel statut précis accorder aux objets scientifiques ? Nous développerons
notre analyse en deux points.
1. Si les objets scientifiques sont désignés par l’auteur comme des
« caractères causaux »88, il faut garder à l’esprit qu’un objet quelconque ne
peut rigoureusement pas jouer le rôle de cause dans la nature. Les objets
scientifiques, en tant qu’objets, sont abstraits. Ce sont les caractères des
événements que nous reconnaissons comme des causes. Les véritables
causes sont toujours uniquement des événements :
Mais l'objet est seulement la cause de manière dérivée, par sa relation à sa
situation. Primitivement, une cause est toujours un événement, c’est-à-dire,
une condition active89.
357
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
358
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
d’une série abstractive – pour le plus concret, qui est en fait l’élément
abstractif. C’est là un des exemples fondamentaux de ce que Whitehead
nomme, à partir de 1925, dans le chapitre III de La Science et le Monde
Moderne, le sophisme du concret mal placé.
Pour finir, Whitehead parvient-il ici à dépasser les bifurcations de la
nature ? Dans la pensée, les objets scientifiques sont posés comme des
entités dénuées de toute qualité sensible. C’est là leur caractère abstrait,
déjà rencontré dans l’abstraction des objets perceptuels et des objets
physiques. Or, si les rythmes et les éléments abstractifs sont bien
l’expression concrète de ces objets, ceux-ci sont liés, on l’a vu, aux
différentes qualités sensibles. Les éléments abstractifs sont au fond les
éléments ultimes de l’expérience la plus concrète et des unités originelles.
Le rouge et les électrons appartiennent donc autant l’un que l’autre à la
nature :
Pour la philosophie naturelle, toute chose perçue est dans la nature. Nous
pouvons ne pas faire le difficile. Pour nous, la lueur rouge du crépuscule est
autant une partie de la nature que les molécules ou les ondes électriques par
lesquelles les hommes de science expliqueraient le phénomène. Il appartient
à la philosophie naturelle d’analyser comment les éléments variés de la
nature sont liés94.
359
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
Notes
1
Voir supra, part. III, chap. II.
2
CN, p. 147 [149].
3
PR, p. 204 [174].
4
Voir CN, p. 148 [149]. Dans CN, les exemples d’objets sensibles
concernent uniquement les cinq sens : les couleurs, les saveurs, les
odeurs, etc. Les sortes de sentiments sont mises sur le même plan
que les sensa ou sense-data traditionnels, mais sans aucune
explication ou justification particulière. Or, la perception d’un
sentiment est-elle aussi simple et immédiate que la conscience
sensible d’une odeur ou d’une couleur ? Ne suppose-t-elle pas un
jugement, même immédiat et passif ? C’est ce que nie
implicitement Whitehead, mais sans se justifier. Procès et Réalité
reviendra sur cette sorte particulière d’objets en distinguant les
objets éternels objectifs des subjectifs.
5
Ibid., p. 148 [149].
6
PNK, 62.3, p. 191. Voir ibid., 62.2, p. 190 : « The sense-figures
associated with some sorts of sense-objects (e.g. smells and tastes)
are barely perceptible, whereas the sense-figures associated with
other sorts of sense-objects (e.g. sights and touches) are of insistent
obviousness. »
7
Le procès abstractif et la convergence ont aussi un sens qualitatif, comme
il a été montré dans le chapitre II de la partie III.
8
Or, il faut bien admettre que Whitehead n’échappe pas lui-même à la
critique. Nombreuses sont ses analyses, de l’Enquête au Principe,
qui prennent pour point de départ cette séparation seulement
seconde et abstraite de l’objet sensible et de la figure sensible. Dans
l’Enquête, les figures ne sont découvertes qu’à la fin : de là découle
360
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
361
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
362
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
363
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
364
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
50
Du fait du caractère peu exhaustif, voire même expéditif de cet article
sur les figures géométriques, notre analyse n’est qu’une tentative et
une recherche de cohérence. D’autres interprétations restent
possibles.
51
Voir la note III de PNK, p. 204 : « Also § 24 is confused by a wavering
between the ‘class-theory’ of perceptual objects and the ‘control-
theory’ of physical objects, and by the confusion between
perceptual and physical objects. » Dans CN, Whitehead parle du
« haut pouvoir perceptuel » de ce second type d’objets, dont la
conséquence est selon lui la philosophie scolastique qui considère
alors les objets sensibles comme de simples attributs des objets
perceptuels. Voir CN, p. 153 [156].
52
“Uniformity and Contingency”, Proceedings of the Aristotelian Society,
n.s., v. 23, pp. 1-18, 1922 ; nous utilisons la publication de cet
article dans A.N. Whitehead, ESP, pp. 132-148.
53
Ibid., p. 147.
54
Ce qui n’empêche pas que les figures géométriques aient un lien étroit
avec les figures sensibles, comme l’exige l’auteur. Cependant, on
distinguera deux procès abstractifs.
55
Cette dernière est étudiée plus précisément dans le second chapitre de
cette partie.
56
PNK, 63.1, p. 193.
57
R, p. 37 et 38.
58
Voir R. Palter, op. cit., n. 3, p. 147 et 148.
59
PNK, 63.1, p. 193.
60
L’objet perceptuel est communiqué subconsciemment par habitude et
associations mémorielles. Voir Ibid., 24 sq., p. 88 et 89 et CN, p.
152 [154].
61
Voir PNK, 24.9, p. 92 et 93.
62
Ibid., p. 93.
63
Dans la Note III, Whitehead propose la définition différente suivante des
objets physiques : « (…) a physical object is a social entity resulting
from scientific objects, and halfway towards a perceptual object. »
Ibid., p. 203. Nous reviendrons dans le second chapitre sur le sens
de telles entités sociales.
64
Ibid., 24.91, p. 93.
65
Ibid.
365
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
66
Mais la notion d’organisme ne sera véritablement développée qu’à partir
de 1925, dans La Science et le Monde Moderne.
67
PNK, 26.3, p. 98.
68
CN, p. 155 [158].
69
Ibid., p. 166 [171].
70
Ibid., p. 168 [173].
71
PNK, 62.6, p. 192.
72
Ibid., 64.5, p. 196 et 197.
73
Ibid., 64.9, p. 199.
74
Ibid., 54.3, p. 168 et 169.
75
Les objets matériels sont définis à l’aide de la localisation d’une part et
des objets uniformes, d’autre part. Voir Ibid., XV, 56.1, p. 171. Les
objets qui composent un ensemble (µ) forment une sorte d’objets
« matériels » quand : (i) les objets de l’ensemble µ sont tous
uniformes ; (ii) pas plus d’un membre de µ ne peut être localisé
dans un volume quelconque ; (iii) aucun membre de µ ne peut être
localisé dans deux volumes au même moment ; (iv) si O1 et O2 sont
deux membres de µ localisés respectivement dans des volumes qui
ne se chevauchent pas dans le même moment, alors les situations de
O1 et O2 sont des événements séparés ; (v) si O est un membre de µ
situé dans un événement e et localisé dans le volume V qui est une
section de e, et V1 un volume quelconque qui est une portion de V,
alors il y a un membre de µ localisé dans V1 et qui est un composant
concomitant de O.
76
ASI, p. 135.
77
PNK, 25.5, p. 95 et 96.
78
Principaux représentants des objets scientifiques dans la philosophie de
la nature, de PNK à R.
80
CN, p. 155 [158-159].
81
Ibid., p. 181 [190]. Ce qui implique une parfaite analogie entre la notion
d’élément abstractif et celle, physique, de champ de force, la
première étant la plus fondamentale.
81
R, p. 74.
82
Ibid.
83
Non sans quelques hésitations voire des confusions persistantes dans les
textes mêmes.
366
V • 1. DES FIGURES AUX OBJETS
84
On retrouvera la distinction entre la localisation et la relation plus
concrète de situation. Sur ces relations, voir l’analyse proposée dans
le chapitre suivant.
85
PNK, 26.3, p. 98 et 99. Un texte à rapprocher des développements de
SMW, par exemple, p. 152 [177] : « Ainsi, un événement en se
réalisant manifeste un schème (pattern), et ce schème nécessite une
durée définie (…) la durée est le champ du schème réalisé
constituant le caractère de l’événement. (…) La permanence est la
répétition du schème dans des événements successifs. »
86
PNK, 26.2, p. 98.
87
Ibid., 25.4, p. 95.
88
Voir PNK, IV, XVI, 60-61.92, pp. 182-189 : « Causal Components ». Il
convient de rappeler que la relation d’extension de tout à partie ne
concerne que les événements : pour les objets, Whitehead distingue
l’objet principal de ses composants.
89
Ibid., 24.5, p. 90.
90
Ibid., 61.9, p. 188 et 189.
91
Voir Ibid., 61.7, p. 187 : « The origin of the concept of causation (…) is
now manifest. It is that of the part explaining the whole – or,
avoiding this untechnical use of ‘part’ and ‘whole’, it is that of
some explaining all. »
92
Ibid., 61.3, p. 185.
93
« (…) providing the necessary background of a whole continuum of
nature. » Ibid., 61.3, p. 186.
94
CN, p. 53 [29].
95
CN, p. 158 [162-163] : « L’évolution dans la complexité de la vie
signifie une augmentation des types d’objets directement sentis. La
finesse de l’appréhension sensible implique des perceptions
d’objets comme entités distinctes qui ne sont que de pures subtilités
intellectuelles pour des sensibilités plus frustes. Le phrasé musical
est une pure subtilité abstraite pour le non-musicien ; il est
directement appréhendé par les sens chez l’initié. »
367
Chapitre II
Situations
Nous avons montré comment les différents types d’objets sont abstraits
des événements – des propriétés et des relations géométriques entre les
événements – et comment la méthode de l’abstraction extensive permet
d’exprimer ces objets abstraits dans les termes des événements.
Dans ce chapitre, ce sont les différentes relations des objets aux
événements qui nous occupent : quelle est la signification concrète, au sein
du concept événementiel de nature, de propositions du type : « ce rouge est
là », ou « la cuisinière est dans la cuisine » ? Et par conséquent, quelle est
la nature exacte des objets impliqués dans de telles relations et
propositions ?
C’est ici qu’il faut introduire les deux types de relations distingués par
Whitehead pour la première fois dans le chapitre qui ouvre la dernière
partie de l’Enquête sur les objets, le chapitre XIV : la relation de situation
et celle de localisation, la seconde étant dérivée et abstraite de la première.
La relation plus générale d’ingression, dont la relation de situation n’est
qu’un cas particulier1, n’apparaît que dans Concept de Nature. Seules les
notes ajoutées en 1924 dans la seconde édition de l’Enquête y faisant
référence, nous l’étudierons donc seulement dans un second temps. Par le
choix du terme « ingression » (du latin ingressio : « entrer dans »), Concept
de Nature introduit un dualisme évident entre les objets et les événements,
voire une transcendance : il constitue alors déjà à nos yeux un premier pas
vers la métaphysique et la théorie des objets éternels dans Procès et réalité.
Sans entrer dans l’étude de ce problème fondamental de la philosophie
spéculative – lequel n’entre pas dans notre étude – nous proposerons une
interprétation particulière de ces objets, définis, grâce à la méthode, en
termes de relations2.
Comprise comme une relation simple et dyadique entre un objet et un
événement, la relation de situation apparaîtrait comme une simple relation
abstraite, dérivée, puisqu’elle présupposerait l’abstraction des objets. Or,
nous essaierons de montrer qu’une situation signifie essentiellement une
configuration particulière (spatio-temporelle) réalisée par les événements,
un rythme, condition active de la récognition des trois sortes d’objets
abstraits étudiés précédemment3. En ce sens, la récognition d’un objet
dépend bien d’une figure, d’une configuration événementielle –
signification concrète de tout objet – à laquelle l’événement percevant lui-
369
V • 2. SITUATIONS
A. Situation et localisation
Dans le chapitre XIV5, Whitehead commence par souligner l’erreur
largement répandue, qui consiste à confondre la situation d’un objet avec sa
localisation : la situation est « logiquement indéfinissable, étant l’une des
données ultimes de la science »6 ; la localisation est quant à elle
définissable dans les termes de sa situation. Si la localisation désigne plutôt
l’acte, l’action de placer (latin locare) un objet en un lieu et un instant
déterminés (en ce sens, elle sera toujours seconde et abstraite), la situation
désignerait plutôt le fait simple et ultime de la présence de l’objet dans
l’expérience. Quelque chose se passe, ici et maintenant. Or, quel est le sens
exact de cette notion de situation ?
Sa signification précise dans la philosophie de la nature est bien
problématique et difficile à saisir, car nous la réduisons spontanément aux
notions de position et d’occupation, et donc à une relation dyadique
classique : « le bleu est dans le ciel », ou « le chat est dans la cuisine ».
Mais c’est alors la distinction entre la situation et la localisation qui
n’apparaît plus comme essentielle : les deux relations sont réduites à une
simple relation dyadique d’occupation. Whitehead exige au contraire de
poser, à la base du concept, des relations polyadiques :
Les difficultés accumulées autour de la relation de situation proviennent du
refus obstiné des philosophes de prendre au sérieux le fait ultime des
relations multiples. Par relation ultime j’entends une relation dont une forme
concrète quelconque de son occurrence enveloppe nécessairement plus de
deux relata. Par exemple quand John aime Thomas, il y a seulement deux
relata, John et Thomas. Mais quand John donne à Thomas un livre il y a
trois relata, John, ce livre et Thomas7.
Soulignons que ce refus des relations multiples est d’abord attribué aux
écoles philosophiques qui restent sous l’influence de la logique et de la
métaphysique aristotéliciennes (et dont l’aboutissement, ajoute Whitehead,
370
V • 2. SITUATIONS
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V • 2. SITUATIONS
Je perçois par exemple la couleur bleu nuit d’un vêtement qui se reflète
dans un miroir. Premièrement, cette récognition immédiate dépend du point
de vue perceptif qu’est l’événement percevant : un angle différent par
rapport au miroir rend impossible cette perception. Deuxièmement,
l’événement, appelé la situation de l’objet, est « là où il voit le bleu, disons
derrière le miroir »32. Troisièmement, les événements conditionnants
passifs sont tous « les événements du reste de la nature »33 dont on admet
qu’ils rendent possibles les événements qui se déroulent à l’intérieur de la
pièce où je suis (tous les événements sont liés, directement ou
indirectement par des relations internes). Enfin, que signifient les
événements conditionnants actifs ? Le langage nous induit en erreur : on
admet spontanément que la veste et le miroir sont les causes actives de la
perception de la couleur. C’est la couleur de la veste. Or, ce ne sont jamais
les objets – toujours essentiellement abstraits – qui peuvent être dits les
causes de telle ou telle perception sensible. Whitehead est plus rigoureux
dans l’Enquête que dans Concept de Nature, où son expression induit en
erreur et conduit à des contradictions :
Les événements conditionnants actifs sont les événements dont les
caractères sont pertinents particulièrement pour que cet événement (qu’est la
situation) soit la situation pour cet événement percevant, c’est-à-dire la
veste, le miroir, et l’état de la pièce, quant à la lumière et à l’atmosphère34.
376
V • 2. SITUATIONS
Une perception est dite « illusoire », dans le sens où elle suggère des
événements conditionnants normaux au lieu des événements conditionnants
anormaux qui entrent en fait en jeu. Les événements conditionnants
anormaux ne sont pas nécessairement liés à l’erreur, précise l’auteur. Par
exemple, « le souvenir et la mémoire sont des perceptions avec des
événements conditionnants anormaux »41. Ainsi, lorsque nous
reconnaissons un objet perceptuel, nous pouvons reconnaître une
association d’objets sensibles (plus précisément de figures sensibles,
autrement dit, une figure géométrique), par la convoyance d’un seul de ces
objets :
Cette propriété de ‘convoyance’ d’un objet est fondamentale dans la
récognition des objets perceptuels. C'est l'exemple principal de perception
anormale des objets sensibles42.
377
V • 2. SITUATIONS
378
V • 2. SITUATIONS
donné dans l’expérience, et ce, pour tout événement percevant. Les objets
perceptuels sont les objets qui constituent une première avancée véritable
vers l’objectivité et l’universalité des objets scientifiques51. Une première
avancée, certes, mais encore insuffisante, qui appelle un dépassement vers
les objets scientifiques. Ainsi, à ces objets de la vie ordinaire manque la
précision recherchée par les sciences de la nature. Les objets physiques ont
été exclus de la physique théorique à cause de leur caractère vague et
indéterminé52. Cette imprécision provient :
(i) De « la situation unique d’un tel objet dans n’importe quelle petite
durée »53. Les deux caractères essentiels des situations des objets physiques
sont α) l’unicité (uniqueness) et β) la continuité54, deux caractères idéaux,
eu égard à l’expérience concrète :
(α) Dans une durée assez petite, la situation de l’objet physique est
« pratiquement »55 unique. Une telle précision est atteinte par
l’application de la méthode de l’abstraction extensive :
L’unicité est une limite idéale vers laquelle nous tendons quand nous
progressons dans la pensée à travers un ensemble abstractif de durées, en
considérant des durées de plus en plus petites en approchant de la limite
idéale du moment du temps. En d’autres termes, quand la durée est assez
petite, la situation de l’objet physique dans cette durée est pratiquement
unique56.
379
V • 2. SITUATIONS
380
V • 2. SITUATIONS
Notes
1
Voir CN, p. 146 [147] : « J’appellerai cette forme spéciale d’ingression la
relation de situation. »
2
Notre thèse est ainsi très proche de celle que développe par exemple
Everett W. Hall dans son article : “Of What Use Are Whitehead’s
Eternal Objects ? ”, in A.N. Whitehead, Essays on His Philosophy,
edited by G.L. Kline, Prentice-Hall, Inc., Englewood Cliffs, N.J.,
1963, pp. 102-116. Nous reviendrons dans le troisième chapitre de
cette partie sur cet article.
3
Il faut souligner que dans l’Enquête, les relations de situation et de
localisation sont examinées avant les notions fondamentales de
rythmes et de figures ; l’analyse semble ainsi reconnaître et poser
une simple dualité entre les événements et les objets. Nous tentons
381
V • 2. SITUATIONS
382
V • 2. SITUATIONS
16
A la différence de Bergson, Whitehead soutient qu’une telle omission
n’est ni une nécessité ni une fatalité. Voir SMW, chap. III, sur le
sophisme du concret mal placé.
17
Sur les différents objets uniformes, voir PNK, XIV, 54 sq. Sur les objets
matériels, voir Ibid., chap. XV.
18
PNK, 53.1, p. 166.
19
C’est là ce que Whitehead nomme dans le chapitre III de SMW le
« principe de localisation simple », principe fondamental du
matérialisme scientifique, qui possède trois caractéristiques
fondamentales. Sa caractéristique majeure, qu’on retrouve aussi
bien, selon Whitehead, dans la physique newtonienne que dans la
théorie relativiste, est la suivante : « (…) on peut dire que la matière
est ici dans l’espace et ici dans le temps, ou ici dans l’espace-temps,
dans un sens parfaitement défini ne nécessitant pas, pour être
expliqué, la moindre référence à d’autres régions de l’espace-
temps. » SMW, p. 68 [69]. A cette caractéristique fondamentale qui
fait du monde matériel une multiplicité d’entités diverses et
indépendantes, il faut ajouter deux « caractéristiques mineures » - la
spatialisation étant là encore fondamentale - qui s’appliquent
différemment à l’espace et au temps : en divisant l’espace, on divise
la matière, « si une matière existe dans un volume, il y aura moins
de cette matière dans toute moitié de ce volume », ibid., p. 68 [70] ;
mais, en divisant le temps, on ne divise pas la matière, qui « est
pleinement elle-même dans toute sous-période, aussi petite soit-
elle », ibid., p. 69 [71]. L’étude de la nature est réduite à l’étude
purement mécaniste des relations spatiales entre des figures à un
instant, c’est-à-dire à « une succession de configurations
instantanées de matière ». SMW, p. 69 [71]. Le principe premier du
matérialisme scientifique, même influencé par le substantialisme
aristotélicien, est la localisation simple : elle permet de rassembler,
selon Whitehead, les différentes définitions, durant la période
moderne, des entités ultimes de la nature : « Les philosophes
ioniens demandaient : de quoi est faite la nature ? La réponse fait
appel à la notion de matière, de matériau, de quelque chose - peu
importe le terme précis - qui ait la propriété d’une localisation
simple dans l’espace et le temps, ou si vous adoptez les idées plus
modernes, dans l’espace-temps. » Ibid., p. 67 [69]. Nous
soulignons. Dans la science moderne, selon Whitehead, c’est bien
la localisation simple dans l’espace-temps qui reconduit au postulat
métaphysique de la substance première, avec cette différence
383
V • 2. SITUATIONS
384
V • 2. SITUATIONS
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388
Chapitre III
De l’utilité des objets dans la philosophie de la
nature
389
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
[…] chaque “idée” a deux faces : à savoir, une forme de valeur et une forme
de fait. Quand nous saisissons une “valeur réalisée”, nous expérimentons la
jonction essentielle des deux mondes. Mais quand nous insistons sur un
simple fait, ou sur une pure possibilité nous faisons une abstraction de
pensée8.
390
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
Les Evénements ont été définis à l’aide des notions proposées à la fin de
l’Enquête : les rythmes et les situations, liés, dans la méthode de
l’abstraction extensive, à la notion centrale d’élément abstractif – en
d’autres termes, des configurations d’événements, de véritables champs
perceptifs. Si dans chaque rythme, on peut isoler, reconnaître et abstraire
une certaine structure spatio-temporelle, celle-ci est essentiellement10 et à
chaque fois singulière et non-récurrente. Elle est un Evénement. La
répétition est donc seulement approchée dans le passage de la nature : il y a
seulement convergence, des analogies entre différents éléments du rythme
et entre les rythmes, mais jamais de pure identité. Ce sont ces analogies qui
conduisent à reconnaître et à abstraire les différents types d’objets, par
lesquels la pensée pose le même dans la nature.
Ainsi, les objets ne sont pas requis – dans la philosophie de la nature –
pour penser l’avancée créatrice. Comme tels, ils ne participent pas au
passage de la nature, car ils sont seulement des entités abstraites. Le
dualisme dans la nature est seulement second et traduit la naissance de
l’esprit, l’objet percevant, et avec lui, le dépassement des limites du
concept. De quelle utilité sont alors les objets pour comprendre le passage
de la nature et la constitution de la connaissance naturelle ?11 Les
Evénements ne permettent-ils pas à eux seuls de remplir les différents rôles
joués par les objets : principalement, l’identité, la répétition, la
permanence, la potentialité, le caractère abstrait, et enfin, l’universalité ?
A. Les Evénements
1. L’identité
Les Evénements permettent de définir au moins deux types d’identité,
dans la philosophie de la nature, mais aussi dans la métaphysique du
Procès :
– Une première forme d’identité, limitée à une duration présente. Si un
événement fini (abstrait), pensé dans son opposition aux objets, n’a pas
d’identité autre que simplement numérique – elle est définie par l’auteur
comme simplement « triviale »12 – un Evénement, même singulier et non
récurrent, montre un certain schème ou configuration générale complexe
(comportant elle-même différentes sous-structures13) qui permet de le
définir (grâce à la méthode, en termes d’événements et de relation entre
391
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
Toute entité actuelle est donc présente, sous une forme ou une autre, dans
chaque autre entité actuelle, aussi éloignée dans l’espace-temps qu’elle
puisse être. Everett W. Hall, dans l’article déjà cité, souligne ainsi qu’on
peut se passer – concernant la question de l’identité dans le temps – des
objets éternels :
392
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
2. Répétitions et Permanences
La répétition et la permanence sont étudiées ensemble, l’une et l’autre
étant liées essentiellement dans le concept événementiel et dans la
philosophie de l’organisme. Rappelons tout d’abord que les objets sont
définis, de manière générale, comme récurrents et permanents :
Les objets convoient les permanences reconnues dans des événements, et
sont reconnus comme identiques au milieu de circonstances différentes ;
c'est-à-dire que le même objet est reconnu comme relié à des événements
divers19.
Or, nous l’avons vu, dans la nature, la répétition doit être pensée sur le
fond d’une différence première et essentielle : il n’y a pas de pure
répétition, du fait que tout ce qui arrive, dans la nature, est un événement.
La répétition est seulement approchée dans et par la nature – au moyen de
la Différence – et est requise pour penser différentes formes de
permanence, définies là encore uniquement à l’aide des Evénements, et en
particulier à l’aide des rythmes. Dans le concept événementiel, la
permanence perd son sens matérialiste, selon lequel un primat est accordé à
la seule dimension spatiale : le passage du temps est inessentiel eu égard à
la matière qui demeure « pleinement elle-même dans toute sous-période,
aussi petite soit-elle »20. Dans la philosophie whiteheadienne de la nature,
puis dans la métaphysique du Procès, la permanence est définie au moyen
de qualités rythmiques, non uniformes et vibratoires :
La vie (telle que nous la connaissons) implique l'achèvement de parties
rythmiques dans l'événement porteur de vie qui manifeste cet objet. Nous
pouvons diminuer les parties temporelles, et, si les rythmes restent intacts,
découvrir toujours le même objet vivant dans l'événement réduit. Mais si la
diminution de la durée est portée jusqu’au point de casser le rythme, l'objet
porteur de vie ne doit plus être trouvé comme une qualité de la tranche de
l'événement original coupée dans cette durée. Ce n'est pas une particularité
spéciale de la vie. C'est également vrai d'une molécule de fer ou d'une
phrase musicale. Ainsi il n'y a aucune chose telle que la vie ‘à un instant’
[…]21
393
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
394
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
3. La potentialité
Restent la possibilité et la potentialité. Dans la philosophie de la nature,
dès l’Enquête, les événements sont définis comme purement actuels, et les
objets comme des possibles :
[…] les événements sont essentiellement des éléments d’actualité et de
devenir. Un événement actuel est ainsi privé de toute possibilité. Il est ce qui
devient dans la nature. Il ne peut jamais arriver de nouveau ; car il est
essentiellement juste lui-même, là et alors. Un événement est juste ce qu'il
est et est juste comment il est relié et n'est rien d'autre. Tout événement,
néanmoins similaire, avec des relations différentes est un autre événement32.
Tout ce qui est purement fait brut (matter of fact) est un événement. Chaque
fois que le concept de possibilité peut s'appliquer à un élément naturel, cet
élément est un objet33.
395
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
396
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
Le problème des universaux est bien sûr trop complexe et important pour
qu’on puisse le résumer en quelques pages. Susan L. Stebbing, dans son
article : “Universals and Professor Whitehead’s Theory of Objects”41,
choisit de partir du débat mené par Moore, Stout et G. Dawes Hicks dont
Whitehead lui-même semble assez proche42. Un particulier est défini
comme une « chose concrète » et un « substantif ». Un universel désigne ce
qui est prédiqué de quelque chose d’autre et par conséquent, ce qui peut
appartenir à plus d’une seule chose. Par conséquent, ce qui ne peut être
prédiqué ou ce qui ne peut appartenir à plus d’une chose est un particulier
ou un substantif. L’auteur cite encore W. E. Johnson :
La distinction et la connexion entre substantif et adjectif correspond à – et, à
mon avis, explique – la distinction et la connexion entre particulier et
universel. Finalement, un universel signifie un adjectif qui peut caractériser
un particulier, et un particulier signifie un substantif qui peut être caractérisé
par un universel. Les termes particulier (ou substantif) et universel (ou
adjectif) ne peuvent pas être définis comme fonctionnant isolément, mais
seulement en tant qu’ils entrent en union l’un avec l’autre43.
397
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
Les objets sensibles ne peuvent donc pas être définis comme des
universaux ou des qualités48.
2. Les objets perceptuels. Whitehead semble admettre, on l’a vu, une
relation simple et dyadique entre l’événement et l’objet perceptuel, et ce, de
l’Enquête au Principe de Relativité. Si les objets sensibles peuvent être
définis comme « privés », les objets perceptuels sont « publics » ou
« neutres » : ils sont là pour tout événement percevant49. Or, ce qu’oublient
alors la plupart des commentateurs, est le caractère abstrait, dans ce cas
précis, intellectuel, de tels objets. Les objets perceptuels – une chaise, un
arbre – sont la marque de l’influence du langage et de la métaphysique
aristotélicienne dans la constitution de la perception et de la connaissance
naturelle. C’est seulement dans le langage et la pensée que de tels objets
entrent dans de telles relations simples et uniformes. Dans ce sens, ils sont
en fait exclus de la nature la plus concrète :
Leur apparence implique cette limite où la conscience sensible fusionne
avec la pensée50.
Une figure géométrique est seulement approchée dans la nature et elle est
bien plus abstraite qu’une figure sensible et un objet sensible quelconques :
elle est même idéale. Peut-on pour autant parler d’une réapparition de la
bifurcation de la nature ? La réponse est négative, les figures géométriques
ont été articulées à l’expérience concrète, au moyen de la méthode de
l’abstraction extensive :
– premièrement, elles sont exprimées concrètement en termes de rythmes
ou de configurations d’événements ; en ce sens concret, elles constituent
une première avancée vers l’objectivité des objets scientifiques tout en
étant irréductibles à une relation dyadique de sujet à prédicat.
– deuxièmement, c’est la nature elle-même qui appelle son auto-
dépassement, la naissance de l’idée. L’idée d’une pure figure géométrique,
reconnue dans une durée présente, est l’effet même (mais nous sommes
alors à la limite du concept), quasi immédiat, du passage de la nature. La
philosophie de la nature annonce déjà la tentative de dépassement de la
bifurcation moderne fondamentale entre la nature physique et la nature
mentale. On devine dès 1919 l’articulation et même l’unité ultime de la
cosmologie « unisubstantielle » de Procès et Réalité.
398
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
Deuxièmement, un objet n’est pas non plus un universel. D’une part, tout
objet, de quelque type que ce soit, en tant qu’il est abstrait des événements,
est un particulier ; c’est la construction entière du concept événementiel de
nature qui implique une telle conclusion. D’autre part, les relations
d’ingression et de situation sont des relations polyadiques, irréductibles à
399
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
Revenons pour finir à notre question de départ : de quelle utilité sont les
objets dans la philosophie de la nature ? Les Evénements semblent suffire à
eux seuls pour rendre intelligible le passage de la nature. Il appartiendra à
une étude future de montrer comment, dans la métaphysique du Procès,
l’indépendance et la transcendance des objets éternels peut être critiquée –
en particulier, grâce à la méthode de la connexion extensive – au profit
d’une construction purement événementielle. Les objets éternels seront
montrés comme de simples aspects des entités actuelles et de leurs
relations56.
Notes
1
Soulignons qu’Alix Parmentier propose une vue d’ensemble sur les
différents commentaires et discussions critiques autour des objets
éternels. Voir op. cit., II, VIII, G : « Apories », pp. 341-346.
2
CN, p. 166 [172].
3
La lecture de la philosophie de la nature que nous proposons préfigure la
distinction faite plus tard dans PR entre les « événements » et les
simples « occasions » et « entités actuelles ». Voir par exemple PR,
p. 157 [124] : « Le terme événement est utilisé en un sens plus
général. Un événement est un nexus d’occasions actuelles reliées
entre elles d’une façon déterminée en un quantum extensif
quelconque (…) ».
4
Jusqu’aux éléments abstractifs, on peut penser le procès comme le
passage ou le devenir même de la nature simplement appréhendé
400
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
401
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402
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41
Proceedings of The Aristotelian Society, vol. 15, 1924, pp. 305-330.
42
G.F. Stout, The Nature of Universals and Propositions, Symposium by
Moore, Stout and Dawes Hicks, Aristotelian Society, Suppl., vol.
III.
43
W.E. Johnson, Logic, I, p. 11, cité par S. L. Stebbing, in “Universals and
Professor Whitehead’s Theory of Objects”, op. cit., p. 316. « (…) a
substantive is essentially that which can stand alone, whereas an
adjective needs a substantive of which it may be predicated. (…) a
universal may be said to be that which regards it as a character, or
adjective, predicable of a substantive, or logical subject, to which it
stands in one invariable relation of “predication” – the grammatical
relation of adjective to noun. » Ibid., p. 316 et 317.
44
Seul le terme d’adjectif est employé pour qualifier les objets. Le terme
de substantif n’apparaît pas. Ceci est un élément supplémentaire qui
vient renforcer notre thèse selon laquelle Whitehead refuse ce
couple de notions pour comprendre les événements et les objets.
Seul le terme d’adjectif est donc employé, mais pour désigner des
entités abstraites.
45
R, p. 33.
46
Ibid.
47
Ibid., p. 26 et 27.
48
S. L. Stebbing, dans “Universals and professor Whitehead’s theory of
objects”, p. 324, donne l’exemple de la proposition suivante : «
This is green », où « this » représente l’événement immédiatement
appréhendé, cette tache de couleur ici et maintenant, et « green »
l’objet-sensible reconnu. Le « is » n’implique donc pas ici une
relation simple et dyadique d’adjectif à substantif mais une relation
multiple, comprenant tous les événements de la nature : « “This”
and “green” are here terms in a multiple relation involving other
terms ; and the green may be in more than one situation. » Ibid.
49
Nous empruntons cette formulation à S. L. Stebbing dans l’article
précédemment cité (p. 325 et 326), mais Whitehead lui-même ne
l’utilise jamais.
50
R, p. 37 et 38.
51
Voir l’analyse de S. L. Stebbing, dans “Universals and Professor
Whitehead’s Theory of Objects”, p. 321. Un universel est un « objet
sur-universalisé ». Elle souligne : « This over-abstraction of the
“object” is the natural outcome of a common but erroneous
404
V • 3. DE L’UT ILITE DES OB JETS
405
Conclusion
CONCLUSIO N
409
CONCLUSIO N
410
CONCLUSIO N
411
CONCLUSIO N
ensuite les objets sensibles généralisés – le bleu – ainsi que les figures
sensibles généralisées. A chaque étape de l’abstraction, Whitehead admet
un primat des relations et des propriétés géométriques des événements12.
2. Figures géométriques et objets perceptuels. Les figures géométriques
sont les seconds objets plus abstraits, mais suivant un mode d’abstraction
particulier. Là encore, ce sont des analogies entre les propriétés extensives
des événements que découle la convergence des séries abstractives, mais,
ici, vers un type d’objet bien plus abstrait : l’idée d’une pure figure
géométrique, dont les relations à tout sens particulier sont écartées.
Reconnaître un objet perceptuel comme cette chaussette, c’est abstraire une
pure figure géométrique, permanente dans une durée. Les objets
perceptuels sont abstraits des figures géométriques mais ne s’y réduisent
pas : alors que la figure de la chaussette change – elle est tordue en toute
sorte de figures – nous continuons à reconnaître le même objet. De tels
objets, encore plus abstraits, sont les objets physiques, dérivés des
analogies que montrent les figures géométriques13. Objets perceptuels et
objets physiques sont en définitive à la limite du concept de nature :
Les chaises, les tables et les objets perceptuels en général, ont perdu la
complexité de l’ingression et apparaissent comme les adjectifs
aristotéliciens requis de quelques événements. Leur apparition implique
cette ligne de démarcation où la conscience sensible fusionne avec la
pensée14.
412
CONCLUSIO N
En définitive, les différents types d’objets peuvent être exprimés dans les
termes de séries harmoniques et rythmiques (fig. 59), dont les multiples
résonances, de l’Ecole pythagoricienne à la théorie des quanta, seront
développées dans La Science et le Monde Moderne :
413
CONCLUSIO N
414
CONCLUSIO N
415
CONCLUSIO N
Notes
1
Gilles Deleuze, « L’événement. Whitehead », op. cit.
2
Dans la théorie des Dimensions et la théorie des points d’Intersection.
Voir supra, part. I, chap. I., en particulier C.
3
Les lignes infinies ou « Réels Objectifs linéaires » se désintègrent
d’instant en instant. Voir MCMW, pp. 481-483 et supra, part. I,
chap. I, D.
4
Si tout est événement, ce qui « revient », ce qui peut être reconnu, ce sont
des rythmes (« rhuthmos »), des relations et des configurations
entre les événements, ou encore, des manières de fluer, définies
essentiellement comme des événements. Voir ci-dessous.
5
Et non plus, comme dans TRE et ASI, de la seule relation spatiale,
abstraite et statique d’inclusion.
6
Il en découle la place primordiale des objets scientifiques, définis
concrètement au moyen des seuls éléments abstractifs. Si pour
éviter les multiples formes de bifurcation de la nature, il faut
soutenir que tout est dans la nature, aussi bien la lueur rouge du
crépuscule que les électrons du physicien, le concept événementiel
reconnaît cependant un primat des relations et des propriétés
géométriques (les éléments et les relations au cœur de la méthode
de l’abstraction extensive) dans l’expérience et la constitution de la
connaissance naturelle. Voir supra, part. V, chap. I & II.
7
En gras sur le schéma. Soulignons que de telles entités, elles aussi, sont
abstraites, eu égard au fait immédiat et ultime de l’expérience
416
CONCLUSIO N
417
CONCLUSIO N
13
De tels procès abstractifs dépassent en fait les limites du concept
événementiel, car ils requièrent des associations mémorielles. Voir
supra, part. V, chap. I, B, 2.
14
R, p. 37 et 38.
15
ASI, p. 126. Voir supra, part. I, chap. III, A, 4. C’est dans ce sens que
sur la figure de la diversification de la nature proposée ci-dessus,
l’abstraction des objets scientifiques se fait à partir des objets
sensibles, perceptuels et physiques. Mais le sens concret de ces
objets, ce sont les éléments abstractifs (flèche en pointillés sur la
figure). On ajoutera que le caractère concret de tels objets – les
éléments abstractifs – est toujours offert à la perception. Voir par
exemple CN, VI, p. 129 [126] : « Aussi la rectangularité est en fait
souvent non perçue, alors qu’on peut prouver qu’elle était offerte à
la perception. Ainsi un objet est souvent connu seulement comme
une relation abstraite non directement posée dans la conscience
sensible bien que présente dans la nature. » Voir supra, part. IV,
chap. II, A.
16
PNK, 61.9, p. 188 et 189. Voir supra, part. V, chap. I, C, 2.
17
Soulignons que la bifurcation a été évitée : ces éléments – sens concret
des objets scientifiques – sont pensés dans notre cinquième partie
(voir l’introduction du chap. III) comme des unités primordiales,
originaires. C’est seulement dans l’abstraction des objets que
s’opèrent les multiples formes possibles de la bifurcation de la
nature.
18
CN, p. 166 [171].
19
Encore une fois, le passage de la nature est purement événementiel. Voir
par exemple PNK, 15.3, p. 63 : « Events are lived through, they
extend around us. They are the medium within which our physical
experience develops, or, rather, they are themselves the
development of that experience. The facts of life are the events of
life. »
20
Mais essentiellement des Evénements. Il y a bien un primat des
événements – singuliers, non-récurrents, relationnels – sur les
objets dans la philosophie de la nature. Voir supra, part. V, chap.
III.
21
De telles entités répondent parfaitement aux enjeux de l’Enquête
(concernant en particulier la notion d’événement) posés dès le
premier chapitre. Voir supra, part. II, chap. I, A, et par exemple,
PNK, 2.4, p. 7 : « (…)we do not perceive isolated instantaneous
418
CONCLUSIO N
419
CONCLUSIO N
28
Ibid., p. 68 et 69 [27-28].
29
Notre étude de la philosophie de la nature, dans ses premières
anticipations métaphysiques, converge avec celles de E. W. Hall,
Victor Lowe, ou encore Lucio Chiaraviglio (“Whitehead’s Theory
of Prehensions”, in ANW : Essays on His Philosophy, pp. 81-92),
qui soutiennent, non sans précautions et limites, la non-nécessité
des objets éternels dans la métaphysique whiteheadienne.
30
Dans la partie V qui suit la Théorie de l’Extension, chap. II : « Dieu et le
monde ».
31
Le royaume de la potentialité dans PR constitue ce que Whitehead
appelle la « nature primordiale » de Dieu, opposée à sa « nature
conséquente ». Voir PR, p. 528 [521] : « Considéré comme
primordial, Dieu est la réalisation conceptuelle illimitée de la
richesse absolue de la potentialité. » Voir aussi ce second passage
qui s’inscrit parfaitement dans notre interprétation des objets
éternels, p. 530 [524] : « Ainsi, de manière analogue à toutes les
entités actuelles, la nature de Dieu est bipolaire. Il a une nature
primordiale et une nature conséquente. La nature conséquente de
Dieu est consciente : c’est la réalisation du monde réel dans l’unité
de sa nature et à travers la transformation de sa sagesse. » Nous
soulignons.
32
Il convient de distinguer le simple « passage de la nature » dans la
trilogie du « procès » dans PR, qui est l’acte d’une entité actuelle
venant à l’être. Le procès est lié ainsi à la concrescence : « On
appelle « concrescence » le procès par lequel l’univers, avec sa
pluralité de choses, acquiert une unité individuelle propre. » PR, p.
344 [321]. De la philosophie de la nature à la métaphysique, la
notion d’événement, à travers celle d’entité actuelle, acquiert un
sens nouveau : l’événement est sujet, ou plutôt sujet-superject.
L’entité actuelle est à la fois ce qui préhende et le résultat singulier
de cette préhension : « « Une entité actuelle est à la fois le sujet qui
fait l’expérience et le superject de ses expériences. Elle est sujet-
superject et aucun de ces deux termes ne doit un seul instant être
perdu de vue. » Ibid., p. 84 [43]. Voir aussi ibid., p. 167 et 168
[135-136] : « Chez Kant, le monde provient du sujet ; dans la
philosophie de l’organisme, le sujet provient du monde – un
“superject” plutôt qu’un “sujet”. »
33
Ibid. p. 528 [521].
34
Ibid., p. 532 et 533 [526].
420
CONCLUSIO N
35
« Immortality », p. 90.
36
PR, p. 529 [522].
37
Ibid., p. 51 [11].
38
Ibid., p. 532 [525-526].
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Notes
1
Cette bibliographie est sélective. Pour des bibliographies plus complètes :
sur l’ensemble des écrits de Whitehead, de 1886 à 1945, voir Schilpp
(1951) et surtout Lowe (1985) ;
sur les études des œuvres de Whitehead, voir Alix Parmentier (1968) et
Woodbridge (1977).
2
Voir la note de I. Grattan-Guinness (2002) à ce sujet : « A collection of
previous writings, it appeared during Whitehead’s last year. Lowe
told me that Whitehead knew little of it and that it was edited
anonymously by the American philosopher Dagobert D. Runes
(born 1902), may be with help from Whitehead’s life. Separate
editions were published by the American and British publishers; but
then the American house republished the British edition in 1948 !! »
433
Index
435
INDEX
catégorie, 123, 169-170, 212, 343, 374, 181, 209, 219, 223-224, 243, 245, 252,
396, 399- 400, 411 259, 261, 286, 289, 306, 308, 336, 341,
cause, 36, 78, 116, 166, 224, 226, 347, 343, 348, 352, 355, 369, 374, 380, 382,
357-358, 360, 376-377, 385 389, 393-394, 399, 409, 412, 414, 416,
champ : 418
– champ (de R), 49, 52-54, 58, 61, 67, 72, – leibnizien, 53, 56, 60, 409
86, 117, 188, 212 – linéaire, 10, 51, 55, 58, 60, 286, 409
– champ perceptif, 6, 107, 183, 206, 208, – moniste, 51, 53-56, 58, 60, 62-63, 72,
252, 267, 391, 409
– champ de force, 347, 354-355, 366, 380- – ponctuel, 10, 51, 58, 66, 373
381 Conche (M.), 229-230, 237
– champ électromagnétique, 21 concrescence, 396, 403, 420
– champ physique, 71, 158, 203, 381, 394 cône (de l'espace-temps), 288, 302
changement, 18, 51, 77, 100, 103, 106, configuration, 6-7, 10, 27, 63-64, 71, 140,
115, 140, 151, 165, 175, 178, 226-227, 143, 158, 198, 202-203, 221, 226-230,
243, 354, 390, 394 236, 251, 285-286, 344, 352, ,356, 360,
chevauchement, 10, 184, 196, 198, 210, 363, 369, 374-375, 383, 386, 391-392,
273, 417 394, 398, 411, 414
Chiaraviglio (L.), 420 congruence, 6, 27-30, 35, 41, 60, 70, 136,
cinématique, 280, 284, 289, 303, 316, 318- 165, 180, 209, 242-243, 245, 249, 271,
321, 417 273, 277, 283, 290, 302-314, 318-319,
Classe : 321-322, 324-326, 328, 335, 351, 389,
– abstractive, 24, 27, 42, 62, 66, 73, 118, 394, 411, 417
136, 174, 184, 187, 192, 195, 198-200, connaissance, 5-6, 17, 20-21, 25, 27, 34,
202-208, 212-213, 219, 230, 231, 235, 50, 55, 64, 72, 85, 98, 126, 143, 145,
241, 244, 252-260, 262, 269, 272, 274- 147-148, 154, 156, 160, 162, 171-172,
276, 279-280, 291, 293-294, 341, 349, 176, 178-179, 181, 183, 203, 206-207,
354, 371-372 221, 227, 231-232, 239, 245-246, 255,
– abstractive linéaire, 274 322, 344, 352, 358, 363, 391-393, 398,
– abstractive simple, 257, 274 416
– géométrique inclusion-sérielle, 87, 89 connaissance par adjectif, 34, 98, 183, 206-
– infinie, 61, 205, 266, , 281, 361 207, 246, 363
Cléopâtre, 18, 380 connaissance par relation, 34, 98, 126, 183,
cogrédience, 74, 170, 173, 177-178, 180, 206-208, 344, 392, 414
185, 278- 279, 374 connexion extensive, 22, 285, 291, 394,
communauté de nature, 178-179 396, 400, 415, 419
co-momentuel, 270-271, 274-276, 287, connexité, 143, 198-199, 212, 220, 394
314, 315 conscience, 19, 28, 36, 101, 105-107, 109,
composant, 57, 82-83, 97, 109, 116, 128, 113, 127, 144-145, 150, 153, 155, 161,
161, 211, 225, 228, 353, 357, 366-367 167, 172, 176, 179, 185, 205, 207, 240,
concept : 251, 268, 272, 278-279, 309, 323, 336,
– classique, 17, 51, 53, 56, 58, 67, 79, 140, 338, 340, 343, 345, 347, 350, 358, 360,
286, 300, 409 362, 412, 418
– dualiste, 53, 55, 58, 72, 409 conscience sensible, 19, 28, 36, 101, 105,
– événementiel, 26-27, 29-30, 40, 50, 77, 145, 150, 161, 172, 185, 205, 240, 251,
100, 102, 120-121, 133-135, 147, 165,
436
INDEX
268, 272, 278- 279, 309, 336, 338, 343, devenir, 9, 31, 105, 147, 150-151, 156,
345, 347, 350, 360, 412, 418 230, 339, 390, 395-396, 400-401, 419
constante : Dieu, 415-416, 420
– vitesse de la lumière, 18, 169, 319 Dimensions (théorie des), 49, 52, 60-61,
– de congruence, 317-319, 328 67, 73, 416
– de l’externe, 7, 9, 30, 136, 166, 169-182, Diogène Laërce, 226
212, 278 directe, voir relation
contact, voir événements discernable (le), 183, 206-207, 240
contact, 70, 99, 141, 193, 256-257, 323, discerné (le), 183, 206, 214, 240, 338
336 diversification, 28, 139, 144-145, 148-150,
continu, 63, 141, 144, 159, 230, 265, 266, 153-154, 156-157, 161-162, 164, 187,
272, 323 239, 241, 245, 273, 290, 335, 348-349,
continuité, 50, 57, 63, 71, 85, 102, 116, 359, 362, 375, 389, 410, 418
142-143, 159-160, 171, 174, 185, 192, donné (le), 5, 50, 101, 352
194-195, 206, 211- 212, 219, 266, 274, données sensibles, 24, 42, 93, 121, 205,
276, 279, 379, 417 209, 241
continuum, 7, 9, 51, 72, 98, 122, 124, 145- Douchement (J.), 34, 162, 296-297
146, 150, 162, 171-172, 175, 177, 187, Ducasse (C. J.), 39
192, 198, 241, 289, 367, 396, 417 Dumont (J-P.), 233
contraste, 29, 105, 110, 116, 147, 154, 166, duration, 7, 9, 18, 27, 29, 35, 71-72, 127,
227, 394 143-146, 150, 155, 161-162, 170, 176-
contrôle, 347 178, 180-181, 187, 189-192, 204-205,
conventionnalisme, 41, 306 207, 209-210, 228, 241, 255, 258, 261-
corps, 82-83, 159, 176-177, 224, 229, 308, 266, 269-270, 275, 278-281, 284, 296,
322-323, 374, 379-380, 395 299-300, 324, 340, 343-344, 382, 389,
cosmologie, 28, 31-32, 50, 398, 419 391-393, 398-399, 402, 410, 417
couleurs, 18, 20, 47, 90, 101, 103, 108- duration associée, 150, 176-178, 181, 189,
110, 113, 145, 152, 236, 323, 325, 336- 264,
337, 339-342, 345, 359-364, 373, 376- durée, 20, 27, 35, 53, 100, 103-104, 106-
377, 404, 409, 411, 413 109, 112, 116, 118, 126, 140, 142-144,
courant (stream), 10, 101, 103-104, 106, 153-155, 158, 161, 172, 178-180, 185,
109-110, 112-113, 116, 124, 144, 171, 205, 227, 229, 237, 242-243, 265, 272,
207, 272, 342 290, 303, 335, 337, 339, 341, 345, 347-
Couturat (L.), 40 348, 352, 354, 356, 367, 372, 374, 377,
créativité, 7, 147, 175, 180, 285, 416 379, 394, 411-412, 414
dyadique, voir relation
D dynamique (la), 21, 51, 55, 58, 238, 320
dynamique (relation), 77, 123, 175, 410
Dedekind (R.), 22, 40, 266
déduction, 16-17, 29, 59-60, 85, 136, 309, E
313, 319, 321, 326, 329
De Laguna (T.) , 22, 39, 213, 297 Ecole pythagoricienne, 204, 213, 220-223,
Deleuze (G.), 18, 35, 416 233, 342, 413
Démocrite, 226, 235-236 Eddington (A. S.), 330
Descartes (R.), 15, 38, 158, 168, 251-252, égalité, 6, 27-30, 60, 80, 87, 90, 99, 119-
290, 316, 323, 387 120, 136, 209, 221, 223, 243, 245, 254-
Devaux (Ph.), 31, 38, 364 255, 257-259, 261, 303-305, 308-309,
437
INDEX
321, 324, 335, 337, 341, 344, 389, 394, espace-temps, 21, 43, 94, 106, 143, 157,
411 171-172, 176, 179-180, 186, 192, 246,
K-égalité , 6, 252-254, 258-259, 293-294, 252, 283-284, 288, 302, 316, 319, 323,
335, 371 329, 335, 344, 374, 380, 383, 390, 392,
Einstein (A.), 21, 33, 50, 94, 157, 170, 399, 411
186, 298, 316, 318-321, 325, 329-330 esprit, 20, 28, 49, 101, 111, 146-147, 154,
élan vital, 231 163, 167, 177, 179, 181, 209, 246, 391,
électromagnétisme, 31, 58, 62, 71, 387 414, 417
électron, 19-21, 24-25, 28, 58, 80, 93, 102, éther, 56, 80, 92, 139, 146, 159, 162, 224,
106, 114, 116, 121, 150, 156, 237, 352, 251, 342 (voir aussi événement)
354-355, 358-359, 380-381, 412, 416 Euclide, 251, 259, 327
élément : événement :
– abstractif, 27-29, 43-44, 93, 136, 198, – conditionnant, 182, 357, 375-378, 385-
203, 209, 212-213, 242-245, 251-252, 386
255-256, 258-269, 272-277, 279, 281, – éther d'événements, 162
289, 293, 297-299, 302-303, 305-308, – infini, 161, 204, 209, 281, 402 (voir
321-322, 335, 337, 341, 352-353, 355- aussi duration)
359, 362, 366, 371-373, 375, 380-382, – percevant, 28-29, 41, 44, 50, 125, 144,
387, 389, 391, 399-401, 410-413, 416- 147, 153-154, 156-157, 167, 169-170,
418 176-181, 185, 189-192, 198, 208, 231,
– abstractif fini, 260, 264sq. 241, 243, 246, 252, 263-265, 278-279,
– abstractif infini, 260, 262-264, 272 291, 307, 369-370, 374-379, 381, 385,
– géométrique, 87, 304-305, 307, 323, 337 397-399, 401, 411, 417
empirique, 21, 37, 77, 85, 100, 234 – particule, 24-25, 200, 256-257, 260, 262,
empirisme, 6, 20-22, 29, 45-47, 50, 55, 267-268, 272-276, 278-289, 300, 312,
101, 161, 346 314-316, 321, 327, 335, 355, 357, 359,
ensemble abstractif, 9, 30, 87, 199, 201, 371, 373, 380, 399, 412-413
202, 213, 230, 254-256, 258-259, 261- existant ultime, 49, 53-54
263, 266-267, 273, 275, 277, 291-292, existence, 24-25, 43, 49, 71, 85, 90, 96, 99,
379, 380, 387 113, 118, 141, 143, 145, 173-174, 178,
entité actuelle, 43, 166, 392, 394-396, 399- 180, 204, 222, 230, 270-271, 296, 319,
401, 415, 419-420 352, 389, 394, 401, 413, 415, 419
entité complexe, 22, 24, 47, 52-53, 62, 66, –continuité d'existence, 143
79, 103, 110, 142 expression quantitative, 199, 203, 261,
équation, 21, 23, 58, 316-317, 319, 321, 341, 361, 387
325, 328 extension, voir relation
espace : externe, voir constante et relation
– abstrait, 77, 79
– apparent, 61, 77-79, 81, 84-85, 87, 91, F
93, 99
– apparent complet, 78-79 facteur, 7, 25, 104, 144, 145, 147, 153,
– apparent immédiat, 78-79 161-162, 172, 207, 230, 251, 306, 312,
– instantané, 142, 228, 262-264, 266-273, 325, 338, 343, 347, 389-390, 413-414
276-277, 282, 285, 373 fait (le), 9, 19, 27, 29, 113, 140-145, 147,
– intemporel, 281-284, 286, 290, 373 150, 154, 173, 181, 183, 187, 192, 205-
– physique, 77-81, 84, 93, 95, 98, 306 206, 262, 355, 370, 380, 416
438
INDEX
famille (rects, levels, etc.), 178, 189-190, Grassmann (H.), 15, 301
192, 264- 265, 269-270, 281-284, 289, Grattan-Guinness (I.), 32, 64, 68, 70, 73
307-308, 311 Grünbaum (A.), 22, 39, 42, 96, 160, 213,
figure : 215
– géométrique, 28, 164, 198, 239, 242,
245, 342, 344-352, 359, 363, 365, 377, H
384, 398, 412-413
– sensible, 27-28, 43-44, 93, 164, 192, 215, Hall (E. W.), 381, 384, 392, 395-396, 401-
231- 232, 239-240, 242-245, 251, 273, 403, 405, 420
322-323, 335-341, 345-352, 360, 362, harmonie, 221, 226, 229, 239
365, 373-375, 377, 398, 411 harmonique, 203, 233, 235, 340-342, 349,
– généralisée, 346-347, 412 359, 413
flux, 20, 25, 27, 47, 63, 100-101, 103-104, Hélal (G.), 34, 38, 94-95, 181, 296, 327-
106-111, 117, 121-124, 128, 144, 146, 330
150, 164-165, 173, 178, 187, 198, 221, Héraclite, 229-230, 236-237
224, 227, 229, 230-231, 342-343, 355, Hicks (G. D.), 397, 404
379-380, 388, 411, 414-415 hiérarchie, 25, 102, 106, 108, 149, 152,
force abstractive, 259, 291 336
formes, 27, 63, 103, 113, 146, 170, 198, Hilbert (D.), 64
202, 221, 224, 226-231, 233, 236, 238, Hobbes (T.), 38
242, 335, 338-340, 350, 359, 362, 364, homologues quantitatifs, 201, 203-204,
370, 390-394, 411-412, 414 341, 361
Fowler (D. R.), 330 Hume (D.), 17, 20-21, 47, 101, 108, 111,
frontières, 90, 119, 165, 177, 194, 197, 113, 121, 128-129, 246, 345
257, 263, 266, 276, 289, 292, 298, 299 Huxley (T.), 17
futur, 113, 140, 174, 266, 289, 343-344,
347, 395-396, 414
I
idéale (entité), 7-8, 24-25, 43, 50, 61, 92,
G
118, 146-147, 171, 200-203, 223, 242,
généralisation, 28, 244, 339, 346, 361, 392 245, 253, 259, 262-263, 267, 272, 275,
géométrie, 15, 21, 23-25, 30, 40, 47, 50-54, 277, 286, 341, 355, 370, 382, 389, 398,
56-62, 64, 66-70, 72, 77, 79-80, 91-93, 411-412
96, 99-100, 117, 121, 187, 202, 215, idéalité, 24, 42-43, 65, 94, 373, 379, 415
255-256, 261, 272, 285, 292, 303, 309, Idée, 36, 43, 94, 181, 390, 414
314, 316, 319, 335, 410 identité, 6-7, 17-18, 26-27, 30, 35, 47, 49,
– euclidienne, 51-54, 56-57, 59, 62, 77, 91- 57, 60, 62, 63, 85, 105, 111-113, 121,
92, 117, 121, 202, 221-222, 251, 260- 126, 146, 151-152, 169, 175, 177, 187,
261, 270-272, 306, 314, 319 198, 202, 209, 219, 222-223, 229-231,
– métrique, non métrique, 54, 70, 270, 272, 243-244, 254, 277, 279, 305, 309, 324,
303, 314 333, 337, 339, 341, 344, 346, 351, 388-
– non euclidienne, 65-66, 319-320 389, 391-395, 409-410, 413-414
– tridimensionnelle, 202, 262, 270, 272, – numérique, 175, 305, 391
289, 323 – qualitative, 241, 244, 305, 309, 337
– quadridimensionnelle, 202, 256, 272, illusion, 114, 125, 377-378, 412
316, 335 illusoire, 377-378, 386 (voir aussi objet)
Ghyka (M.), 362
439
INDEX
imagination, 102, 108, 111, 113, 126, 128, Kelvin (W. T.), 74
155, 234
immanence, 229, 335, 414 L
immortalité objective, 392, 401
inclusion, voir relation Lady Ottoline Morrell, 232
indirect, voir relation langage, 50, 52, 102, 124, 183, 203, 278,
indiscernables, 85, 98, 118, 305 376, 398
induction, 244, 417 Larmor (J.), 50, 157, 320
inférence, 23, 25, 80, 93, 107-108, 111, Lawrence (N.), 22, 25, 39, 41-42, 205,
126, 171, 309, 326, 357 213-215, 292-293, 326
ingrédient, 9, 230, 372 Leibniz (G. W.), 15, 33, 35, 38, 68, 85, 207
ingression, 34-35, 182, 236, 251, 343, 349, (voir aussi concept)
355, 360, 363, 369, 371, 374-375, 378, Lenzen (V.), 22, 30, 39, 42, 44, 194, 204,
381-382, 384, 386, 388, 393, 399, 412 210-211, 213-215
inhérence, 190, 242, 259, 264-266, 276, Léon (X.), 77, 94
279-280, 321 Leucippe, 226, 235
injonction, voir relations levels, 47, 192, 202, 262, 267-272, 287,
instant, 19, 44, 51, 53, 55-58, 61-63, 66, 289, 296-297, 301, 306-307, 310, 312-
68, 70-72, 74, 107, 115, 119, 125, 139- 313, 316-317, 326-327, 373
143, 158, 161, 190, 202, 204, 219, 228, ligne droite, 22, 54, 56-57, 61, 71, 87, 119,
229, 262-264, 286, 301, 329, 342, 355- 270, 272, 275, 280, 283-286, 289, 305-
356, 370, 373, 383, 393, 416, 420 308
instantanéité, 126-127, 161 limites (au sens mathématique), 6-7, 22,
intellect, 106, 234 27, 30, 42, 43, 65, 72, 86-90, 96, 119-
interne, voir relation 120, 130, 141, 146, 159, 162, 171, 173,
Interpoints, 9, 58, 62, 67, 74 177, 180, 188, 192-195, 197, 200-209,
intersection, 22, 49, 52, 60-62, 73, 192- 213-214, 229, 232, 243-245, 252, 254-
193, 196, 198, 210-211, 259, 262, 264, 257, 259, 261-265, 267-268, 272, 275,
267, 269-271, 274, 276-277, 295-297, 277, 291, 335, 337, 341, 349-350, 355,
307-308, 312, 416 357-358, 372-373, 378-380, 382, 387,
intervalle, 61, 96, 103, 222-223, 229, 234, 389, 391, 398, 401, 412
321 localisation, 10, 68, 348, 353, 356, 360,
intuition, 124, 172, 185, 233, 278, 324 363, 366-374, 380-383, 417
localisation simple, 68, 373, 380, 383
J loci, 288, 302
locus, 164, 177, 269, 273, 276, 281, 284-
James (W.), 122 287, 298-300, 302
Johnson (W. E.), 397, 404 Locke (J.), 47
jonction, voir relation logicisme, 20, 29, 47, 93, 100, 255-256,
jugement, 20, 65, 102, 109, 111, 113, 146- 410
147, 152, 185, 208, 241, 278, 304-305, loi, 21, 23, 25, 49, 51, 55-56, 58, 90, 96,
311, 343, 360, 377, 378 111, 128, 173-174, 180, 186, 220, 261,
310, 313, 353-354, 361, 380-381
K – de convergence, 23, 90, 111
– de l'uniformité, 353-354
Kant (E.), 17, 28, 44, 55, 105, 146, 154, – substantielle de la nature, 313
163, 169-170, 205, 214, 246, 392, 420 Lorentz (H. A.), 50, 157, 320
440
INDEX
Lowe (V.), 15, 22, 32, 33, 39-40, 42, 50, 157, 160, 162, 164, 166, 168, 187, 207,
64, 68-69, 73-74, 94-95, 121, 125, 181, 224, 226, 246, 273, 324, 348, 349, 359,
213-215, 232, 245, 420 375, 410, 412
lumière (voir aussi constante), 103, 114, modèle, 6, 22, 42, 75, 140, 158, 206, 208-
224, 319, 376-377, 386-387 209, 220, 236, 362, 409, 410
molécule, 19-20, 24-25, 80, 93, 102, 114,
M 116, 145, 150, 156, 225, 228, 233, 237,
352-353, 356, 358- 359, 380, 393, 395,
Malherbe (M.), 3-5 409
matérialisme, 19, 30, 51, 114, 139-141, moment (nature instantanée), 10, 25, 42,
252, 290, 298, 383, 393, 409, 414 125, 161, 180, 190, 191, 203-204, 242,
mathématiques, 15, 16, 21-22, 32, 42-44, 255, 258, 260, 261, 262, 263, 264, 265,
47, 51-52, 63, 66, 75-77, 81, 85, 87, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 275-
119, 128, 174, 194, 203, 206, 209, 212, 278, 280, 281, 282, 283, 284, 289, 293-
219-224, 233-234, 247, 264, 277, 289, 298, 300, 308, 314-317, 321
312, 316, 324, 328-329, 361, 371, 409, momentuel, 10, 276, 296, 298-299 (voir
415 aussi co-momentuel)
matière, 19, 21, 51-53, 55-59, 65, 72, 79, monadologie, 371
96, 139-143, 147, 155, 157, 158-159, monisme, 19, 47, 49, 59, 63-64, 409 (voir
170, 231, 251, 290, 304, 319, 323, 342, aussi concept)
355, 373, 383, 393-394 Moore (E. H.), 54, 64
matrices, 180, 242, 262, 272, 277, 279, Moore (G.E.), 68, 232, 397, 404
284, 285, 286, 287, 288, 289, 301, 302, Mourier (G.), 234
306-308, 310, 313-314, 316-317, 335, mouvement, 5, 51, 56-58, 63, 72, 77, 140,
399 165, 170, 178, 185, 219, 222, 225, 229-
Maxwell (J. C.), 21, 31, 58, 71, 387 230, 238, 243, 247, 263, 277-279, 284-
Mays (W.), 22, 31, 39, 41, 50, 61-62, 64- 286, 289-290, 308, 320-321, 326, 342,
65, 68, 71-74, 205, 213-215 355, 409
médium, 176, 179, 418 multiple, 244 (voir aussi relation)
mémoire (la), 107-108, 111, 153, 155, 243, multiplicité, 7, 109, 111-112, 121, 139,
343, 350, 377 141, 146, 176, 178, 180, 189-190, 192,
Merleau-Ponty (M.), 246 239, 337, 383
mesure (spatiale et temporelle), 21, 37, 60, Murphy (A. E.), 22, 39, 213
200-201, 221-222, 229, 283, 304-305,
309, 311, 313, 316, 321, 341, 387, 417 N
métaphysique, 5-6, 8, 15-18, 22-23, 34, 47,
51, 74, 98, 111, 113, 128, 130, 135, Nagel (E.), 22, 39, 213
148, 156, 158, 163, 179-181, 183, 220- nature (la), 5-8, 16, 18-19, 21, 24-28, 32-
221, 225, 231, 233, 285, 290, 340, 343, 33, 38, 42, 44, 47-47, 50, 55, 63, 71, 77-
369-370, 383-384, 389, 391-393, 396, 78, 93-94, 105, 121, 123, 126, 140, 143-
398, 400, 411, 414, 419-420 148, 150, 153-154, 157, 161-162, 169,
Metz (R), 32 173, 175, 177, 179-182, 187, 198, 202,
Michelson (A.), 297 207-208, 219, 223-224, 231, 240, 251-
Mill (J. S.), 17 252, 262, 264, 285, 290, 306-307, 313,
Minkowski (H.), 50, 65, 94, 288, 320 323, 325, 335, 343, 352, 355, 357-360,
mode, 20, 27-28, 44, 50, 56, 81, 84, 98, 366, 369, 375, 381, 383, 390-391, 393,
101, 114, 126, 139, 148-150, 153, 155- 398, 400, 410-411, 415-418
441
INDEX
nexus, 184, 394, 400, 414 – sensible généralisé, 339-340, 343, 412
Nicod (J.), 22, 39-40, 42, 80, 96, 208-209, – uniforme, 237, 353-354, 366, 373, 383
213, 215, 257, 292 occasion actuelle, 184, 392-394, 400, 415
non uniformité, 227, 353, 372, 393, 399 onde, 224, 230, 234, 359, 395
normalité, 10, 306-309, 311-316, 326, 335, ontologie, 5, 19, 47, 49, 51, 63-64, 93, 208,
417 252, 255, 278, 313, 341, 390, 400, 405,
Northrop (F. S. C.), 330 409, 414-415
null-tracks, 288-289, 313, 317, 321 ordre, 5-6, 35, 40, 50, 59, 73, 96, 114, 122,
numérique, voir identité 164, 172, 192, 198, 226, 229, 236, 241,
263, 270, 273, 275, 277, 306, 330, 339-
O 340, 395
– de la nature, 220-221, 356
objectivation, 392-393, 396 – linéaire, 53-54, 56, 61-62, 120
objectivité, 378-379, 387, 398 – personnel, 394
objet : – spatial, 72, 271-272
– éternel, 30, 43, 232, 343-344, 350, 360, – temporel, 223, 271
369, 384, 389, 392-393, 396, 400, 414- – temporel abstrait, 265-266
415, 420 organisme, 43, 140, 158, 351-352, 366,
– géométrique, 290 393, 395
– matériel, 140, 225, 319, 322-323, 353,
366, 373, 383-384 P
– non uniforme, 227, 353, 372-373, 393,
399 Palter (R.), 37, 181-182, 184, 189, 191-
– perceptuel, 18, 28, 102, 108, 111-112, 192, 210, 254, 259, 291-295, 299, 301,
115-116, 126, 129, 148, 150, 152-153, 315, 324, 326-328, 330, 350, 364-365,
156, 241, 336, 344-352, 359, 361-362, 419
364-365, 372-373, 376-378, 386, 397- parallélisme (durations, moments, etc.),
399, 401, 409, 412 264-265, 269-271, 282-284, 306-311,
– perceptuel illusoire, 378 313, 315, 335, 417
– percevant, 28, 148, 164, 179, 391, 417 Parmentier (A.), 36, 94-95, 233, 236, 400
– physique, 19, 78-82, 84, 92-93, 95, 97- particule adjective, 355-356
98, 128, 141, 143, 225, 319, 342, 344- particuliers, 394, 396-400, 414
346, 348, 350-351, 353-354, 356, 359, passage de la nature, 18-19, 27, 29, 150-
363, 365, 376, 378-379, 381, 386-387, 152, 170, 173-174, 179-181, 198, 231,
401, 412 266, 295, 307, 321, 342-343, 375, 389,
– privé, public, 398 391, 395, 398, 400, 411, 413, 417-418,
– scientifique, 19-20, 28, 102, 106, 114, 420
116-117, 121, 123, 139, 147-148, 150, perfection, 220
152-153, 156, 237, 336, 350-352, 354- périodicité, 44, 201, 219, 222-225, 230-
359, 366, 373, 375, 379-381, 387, 397- 231, 234, 238, 242, 251, 303, 335, 341-
399, 401, 409, 412-413, 418 342, 411
– sensible, 18, 20, 27-28, 73, 101-106, périodique, 223-225, 235, 244, 353, 414
108-113, 115-118, 127-128, 130, 139, permanence, 18, 25, 30, 37, 72, 115, 126,
147-148, 150, 152-153, 156, 161, 237, 146, 150-152, 154-156, 158, 163-164,
241-243, 245, 323, 336-348, 350-352, 177, 219, 324, 345, 351, 356, 367, 379-
357-360, 365, 372-373, 375-378, 384- 380, 386, 391, 393-395, 402, 413-415
386, 392, 397-399, 409, 411-412, 414
442
INDEX
perpendicularité, 284, 287, 307-309, 312, quanta, quantum, 43, 184, 222, 372, 400,
314, 316, 326-327, 335 413
Philopon (J.), 235 quantité (voir aussi expressions et
plan (figure géométrique), 54, 56, 58, 79, homologues), 170, 221-222, 340, 387,
88, 90, 121, 142, 211, 242, 261, 269, 417
285, 290, 306-308, 335
Platon, 19, 28, 204, 220-221, 229, 233- R
234, 237, 340, 388
pluralité, 111-112, 180, 396, 420 rasoir d’Occam, 19, 51
Poincaré (H.), 41, 306, 325 rationalisme, 135, 205
point-track, 202, 281-287, 289, 300, 308, réalité, 5, 28, 30, 34, 96, 113, 145, 180,
310-312, 317, 326 272, 358, 415
polyadique, voir relation récognition, 19-20, 26, 42, 65, 110, 116,
Porphyre, 233-234 117, 130, 149, 154, 192, 212, 241-242,
position absolue, 79, 177, 181, 268, 270, 245-246, 302, 335, 337, 339-340, 347-
278, 281 348, 351, 356-359, 363-364, 369, 373,
position (similarité de), 61 375-379, 386, 389, 392, 411
potentialité, 30, 162, 184, 213, 391, 395- récognition sensible ou primaire, 7, 10, 36,
396, 413-414, 420 50, 146-147, 153, 155, 162-163, 167,
potentiel, 396, 419 209, 231, 243, 304, 322, 343, 376, 414
prédicat, 35, 169, 278, 398, 400, 411 recouvrement, 89, 119, 196, 211, 253, 259
préhension, 74-75, 166, 392, 420 rect, 192, 202, 242, 262, 267-272, 275,
présentation sensible, 20, 101, 104, 106, 282-283, 285-289, 297, 301, 307, 310-
108-110, 112-117 317, 321, 326-327
présentation sensible associée, 109, 112 réel objectif, 53-58, 61-63, 66, 68, 74, 416
prime, 74, 163, 255, 258, 260, 272, 274, régularité (condition de), 258, 260, 272,
276, 279, 292-294, 297-298 274, 276, 279, 294
Ptolémée, 233 relation :
punct, 192, 202, 262, 267-272, 274, 297, – asymétrique, 54, 85, 117, 188, 198-199,
300, 373 212
Pythagore, 220-222, 232, 234, 340 – adjonction, 78, 193, 196-197, 211, 298
– directe, indirecte, 81, 84, 97, 145, 147,
Q 207-208, 241, 376
– dyadique, 35, 53, 56, 58, 124, 169, 252,
qualité, 38, 47, 91, 101, 104-106, 110, 113, 361, 369-370, 373-375, 397-400, 404,
116, 124, 129, 145, 148, 153, 163-164, 411, 417
168, 170-172, 174, 179-181, 198-200, – essentielle, 52-54, 66, 95
202-203, 207, 212, 221, 226-228, 230, – extension, 17, 19, 21, 23, 27, 29-30, 36-
236, 238, 251, 267-268, 281, 293, 295, 37, 40, 53, 59-60, 69, 71, 73, 77, 98,
305-306, 338, 340-341, 348-349, 358- 105-106, 115, 118, 122-123, 135-139,
359, 361, 374, 378, 393, 396-399, 414, 141-142, 146, 151, 160-161, 170, 173-
417 176, 178, 180-181, 187-189, 193-194,
– primaire, 38, 129 197-199, 202-205, 207, 209-214, 227,
– seconde, 38, 129, 163 251-252, 255, 259, 262-263, 267, 275,
– sensible, 47, 105, 110-111, 116, 338, 278, 290, 324, 335, 354-355, 367, 373-
349, 359, 417 374, 389, 394-395, 410-411, 417
443
INDEX
– externe, 52-58, 70, 72, 79, 104, 106, 151, 245, 252, 321, 335, 344, 348, 352-353,
202, 246, 319 359, 362-363, 369, 374-375, 381-382,
– fondamentale, 52-54 389-393, 395, 398-399, 401-402, 411,
– inclusion, 9, 22-23, 42, 77, 80, 82-83, 413-414, 416
85-89, 91-93, 95-97, 105, 117-120, 122, rythmique, 63, 224-225, 227-228, 231,
140, 175, 206, 416 236, 238, 244, 285, 342, 353, 356, 372,
–injonction, 192, 196-197, 211, 292 379, 393, 409, 413-414
– interne, 53-55, 59, 98, 102, 126, 202,
207, 246, 313, 319, 344, 363, 376, 392, S
395, 399-400, 414
– irréflexive, 98, 118 Saint-Sernin (B.), 50, 63, 71, 74, 402
– multiple, 203, 226-227, 231, 370-371, Sauvanet (P.), 235-238
381, 397, 404, 411 schéma, 221, 229-230, 236
– polyadique, 35, 52-53, 169, 230, 236, schème, 38, 135, 139-140, 158, 231, 236,
252, 370, 374-375, 399, 417 285, 344, 367, 391, 394, 414-415
– réflexive, 85, 253, 264 séparation, 32, 111, 123, 139-141, 150,
– sériale, 53, 198, 212 177, 192, 244, 273, 321, 338, 340, 356,
– symétrique, 253, 264, 282, 307, 310, 327 360, 370, 417
– Temps, 52-53 série :
– transitive, 85-86, 117, 188-189, 198-199, – abstractive, 6, 20, 23-24, 27, 162, 222,
210, 212, 253, 264, 310-311, 313 232, 243-244, 255, 303, 335, 339, 341,
relationnalité, 10, 143-144, 241 355-356, 359, 409, 411-412
répétition, 30, 44, 63, 158, 225, 227, 230- – convergente, 6-8, 61, 73, 86, 88, 90, 118,
231, 251, 271, 283-284, 290, 305, 307, 191-192, 198-199, 201, 203, 245, 337,
335, 344, 356, 367, 391, 393-394, 413 341-342
– propriété de –, 271, 283-284, 307 – géométrique, 88, 90
résonance, 223-224, 392 – infinie, 86-87, 99, 198-199, 201, 207,
route, 10, 20, 119, 156, 180, 202, 242, 260, 235, 260, 338, 340-341
262, 272-276, 280-281, 285-286, 298, – périodique, 223, 234-235
300, 306-307, 310-313, 319, 323, 335, signifiance, 143, 161, 169, 209, 240-241,
343, 355-356, 358-359, 373, 388, 399, 313, 344, 402
413 simultanéité, 37, 107, 109-110, 116, 126-
– d’approximation, 6, 10, 23-24, 41, 118, 127, 144, 161, 176, 178, 181, 184, 298,
172, 191-192, 213, 259, 262, 275, 293, 329, 342-343, 374, 377, 395, 398, 414
352, 373, 410, 412 situation, 35, 108, 126, 152, 170, 182, 203,
– cinématique, 10, 275, 280, 298 222, 225, 227, 236, 241-242, 324, 345-
– (co)momentuelle, 275, 298 346, 350, 353, 354, 357, 360, 363, 366-
– historique, 9, 298, 343, 356, 388 371, 373, 374-382, 384-387, 391, 397,
– rectiligne, 275, 310 399, 404, 411, 417
Russell (B.), 15, 17, 22, 30-31, 32, 40-41, société, 344, 365, 375, 384, 394-395, 401-
54-56, 64, 66-68, 70-71, 73, 77, 94, 96, 402, 414
98, 101-102, 121, 141, 157, 212-214, solide, 233, 260, 273-274, 276-277, 298-
232, 325, 338, 361 299
rythmes, 27-29, 36, 43-44, 49, 63-64, 149, sophisme du concret mal placé, 105, 125,
158, 164, 184, 198-199, 203-204, 212, 359, 383
219, 222, 225-232, 235-239, 241, 243- station, 10, 176, 180, 277, 279-282, 290,
298, 300, 310
444
INDEX
445
Table des figures
447
TABLE DES FIGURES
448
Table des matières
Remerciements 3
Préface 5
Glossaire 9
Abréviations 11
Introduction 13
Evénements et objets 18
Une théorie de l’abstraction 19
Le concept événementiel de nature 26
Structure de l’étude 29
I. Les écrits précurseurs de la philosophie de la nature 45
Chapitre I. 49
A. Vers une ontologie de l’événement 51
1. Définitions 52
2. Types de relations 53
3. Les cinq concepts 55
B. La méthode hypothético-déductive 59
C. Le concept V et les origines de la méthode de l’abstraction extensive 60
D. Conclusion : vers une nouvelle conception de l’identité 62
Chapitre II. Logicisme et expérience 77
A. Les différents sens du mot « espace » 78
B. La méthode : classes et relations 81
C. La définition relationniste du point 86
D. Conclusion 92
Chapitre III. Vers un empirisme radical 101
A. La construction des objets : principe de convergence et principe
d’agrégation 102
1. Les objets sensibles complexes 103
2. Deux sortes de principes 105
3. Objets de perception 108
a) Ensembles et unité 108
b) Les objets de perceptions 111
4. Les objets scientifiques 114
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TABLE DES MATIERES
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