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#CultureChezNous
Chaque semaine pendant la fermeture exceptionnelle du Palais de
Tokyo, le service de la médiation culturelle revient sur un mot ou
un concept majeur de l’art contemporain illustré par de nombreux
exemples puisés dans les expositions du Palais de Tokyo.
Numéro 1
La performance
l’art en action
Aux origines de la
performance
Toutefois, c’est à partir des années 1960 que la performance trouve son essor, en
particulier en Europe et aux Etats-Unis, au travers de mouvements artistiques tels que
l’action painting, le body art, le groupe Fluxus. Certains des aspects majeurs de la per-
formance se définissent alors, mais toujours de façon informelle : il n’existe aucun cadre
strict, aucun dogme qui définisse les limites de ce que l’on peut nommer performance.
Il est néanmoins possible de souligner certains éléments présents dans les œuvres d’ar-
tistes performeurs : elles sont souvent réalisées en public - ce public pouvant d’ailleurs
prendre part à la création. Et, comme un spectacle, elles connaissent un début et une
fin. Elles explorent fréquemment certaines notions : le rituel et les gestes du quotidien,
l’interrogation des structures sociales, l’engagement du corps dans l’endurance (voire
dans la douleur), la remise en cause des oppressions et des dominations, et la fluidité
des formes. Nous allons illustrer chacune de ces thématiques avec des exemples de
performances ayant eu lieu au Palais de Tokyo ces dernières années.
Le rituel et les gestes
du quotidien
« Nous n’avons pas
assez de rituels dans
notre société. J’essaie
d’en inventer pour
donner du sens à la vie,
pour comprendre ce qui
se passe entre la
naissance et la mort.
J’aime les rituels traités
comme des choses du
quotidien. »
Ulla von Brandenburg
L’exposition d’Ulla von Brandenburg, Le milieu est bleu (2020), est habitée par des
performeuses et performeurs. Ils dansent, chantent et manipulent des objets. Si leurs
actions sont parfois énigmatiques, elles semblent évoquer les besoins essentiels des
humains : manger, boire, dormir, écrire, se vêtir et se transformer. Parmi ces objets,
nous voyons en effet des nasses pour pêcher, des couvertures pour se protéger du froid
et dormir, des pots en terre pour cuisiner et se nourrir, des morceaux de craies pour
écrire, des instruments de musique pour danser. Leurs actions contiennent une dimen-
sion symbolique. Ainsi, ces rituels liés au quotidien « mettent en forme », ils donnent
des points de repère dans la société et dans le déroulement de l’existence. Ulla von
Brandenburg interroge ainsi nos habitudes sociales, notre manière d’être ensemble.
Vue de l’exposition « Quand faire c’est dire » d’Angelica Mesiti, Citizens Band (détail),
2012 Palais de Tokyo ©Angelica Mesiti
L’engagement
du corps
« Je conçois le temps
de mes performances
comme un voyage ter-
restre intérieur. Ma dé-
marche est de savoir par
moi-même ce qu’il en
est du monde, un peu à
la manière du Candide
de Voltaire. »
Abraham Poincheval
Deux artistes de l’exposition Notre monde brûle (2020) ont réalisé des performances
politiques. L’engagement politique n’est pas ici à prendre dans son sens partisan mais
plutôt dans la remise en cause de l’ordre établi et des rapports de domination.
En 2008, Francis Alÿs combine peinture et action performative : l’artiste repeint méticu-
leusement soixante bandes médianes jaunes sur une route dans l’ancienne zone amé-
ricaine du canal de Panama, le territoire qui relie les océans Atlantique et Pacifique. Le
geste de manier le pinceau devient alors un acte de guérison dans un territoire traumati-
sé, chargé du souvenir des conflits politiques passés.
En 2009, Amal Kenawy (1974-2012) performe dans les rues du Caire en Egypte. Elle
mène telle une « bergère » un « troupeau » d’ouvriers. L’œuvre commente la soumission
des travailleurs précaires ainsi que les rapports de domination entre les genres. La per-
formance est suspendue et Amal Kenawy est arrêtée par la police.
Vue de la performance de Regnia Demina dans le cadre de la Manutention, février 2018, Palais de Tokyo
Photo : Ayka Lux
Regina Demina est l’une des résidentes de la Manutention en 2018. À travers le son,
la vidéo, la performance ou l’installation, elle crée un univers à la beauté illusoire.
Elle puise ses inspirations dans les contes macabres, les profondeurs d’internet et les
bestiaires de personnages ardents et tristes. Elle façonne des huis-clos immoraux et
dystopiques. Ses « histoires d’horreur féériques » plongent les spectateurs dans une
atmosphère ouatée et enveloppante qui flirte avec l’esthétique de la violence. Un choc
émotionnel et répétitif, à l’image de la musique qui accompagne souvent ses perfor-
mances.
3
Sven Sachsalber, performance « Looking for a needle in the Haystack »,
Palais de Tokyo, Paris, 2014
Sven Sachsalber, artiste borné et marathonien, qui passe sa vie à performer : manger
des champignons vénéneux, passer 24 heures dans sa chambre avec une vache, couper
toutes les branches d’un arbre sur lequel il est perché jusqu’à l’inévitable chute.
En 2014, il s’est donné 48 heures pour chercher une aiguille dans une botte de foin au
Palais de Tokyo.
En 2015, à l’occasion du festival Do Disturb, Anne imhof réalise DEAL, une per-
formance au Palais de Tokyo en compagnie de 9 danseurs. Elle imagine une
société où la seule valeur d’échange entre les individus est... du lait fermenté.