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Les Cahiers jungiens de psychanalyse | « Cahiers jungiens de psychanalyse »

2012/1 N° 135 | pages 155 à 162


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bloc-notes

David Cronenberg, A Dangerous des êtres mutants que Cronenberg met


Method, Canada, 2011. en scène, des êtres à l’identité si faible
Avant d’être un film historique, qui qu’ils sont interchangeables (Scanners,
suscite les réactions les plus diverses des Faux semblants), sans intériorité, sans
psychanalystes, A Dangerous Method est intimité, sans réel accès au secret qui les
un film de David Cronenberg. Il n’est dissocie (Spider, A History of violence).
compréhensible, il n’a de sens qu’à ce titre. S’ils ont encore une carapace humaine,
L’œuvre de Cronenberg est en effet un ils doivent la forcer pour libérer les
tout ; elle a, malgré sa référence apparente émotions et retrouver pour un instant,
à des genres cinématographiques bien à travers de dangereux stratagèmes,
répertoriés (fantastique, science-fiction, l’intensité du vivant (Crash). Ainsi les
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horreur) un haut degré de cohérence. couples ont-ils besoin pour s’unir de
Chaque film reprend, affine et complexifie, jeux sado-masochistes (Vidéodrôme, Faux
sans a priori, par le jeu d’une intuition semblants), que l’on retrouve, contre toute
tâtonnante, mais ô combien efficace, le vraisemblance, dans A Dangerous Method.
même propos, le même constat, la même Ils participent, dans leur violence, de
vision d’un monde en train de devenir l’attaque des corps et des marques sur le
schizophrénique. Dès les premiers films corps (Chromosome 3, Les Promesses de
est mise en scène l’extrême instabilité l’ombre). Ce qui caractérise le plus cet
des personnages, envahis, aliénés par univers en mutation où l’homme, fasciné
les voix multiples des autres (Scanners), par son pouvoir, peut devenir insecte
acculés à vivre d’une façon terriblement (La Mouche) et la femme, dans sa rage,
concrète, dans la seule réalité extérieure enfanter des monstres (Chromosone 3),
de leurs sentiments que le moi ne peut c’est la solitude des êtres qui l’habitent,
plus contenir (Chromosone 3). Il n’y a plus leur absolue solitude. Elle est très présente
de séparation, de membrane protectrice dans A Dangerous Method. Chaque
entre le dedans et le dehors, le corps est personnage y défend, certes, sa vérité,
pénétré, troué par des anus et des vagins mais dans un tel isolement, une telle
artificiels où se branchent, comme dans réserve que l’on ne ressent pas, ou peu,
une prise électrique, des machines à rêver sa relation avec autrui. Malgré l’hystérie
(eXistenZ et Videodrôme). La distinction très jouée de Keira Knightley (Sabina
entre l’image et le réel est devenue presque Spielrein) et l’engagement « politique » de
impossible à maintenir. Qu’est-ce qui est Vincent Cassel (Otto Gross), qui pousse
le plus vrai ? Le jeune couple d’eXistenZ a Jung, comme le faisait le docteur Raglan,
fait une pause dans le jeu dangereux auquel dans Chromosone 3, à ne pas s’arrêter, à
il participe, et, pour une fois, réfléchit : aller jusqu’au bout du ressenti (et donc
« Dans la vraie vie, dit la femme, il ne se à ne pas hésiter à passer à l’acte), les
passe rien. C’est l’ennui. » Son compagnon autres personnages (Viggo Mortensen :
lui répond : « C’est pire que ça. Ici, j’ai Freud, Michael Fassbender : Jung, Sarah
l’impression d’être dans un jeu. » Ce sont Gordon : sa femme Emma) jouent, très

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subtilement, dans un registre éteint, quasi commentaires donnent à voir sa propre
mélancolique. Les instruments utilisés façon d’intervenir en séance et pourquoi il
pour faire passer le test d’associations avance comme il le fait. Ce qui, pour tout
d’idées soulignent encore, comme dans les analyste en exercice, qu’il soit débutant
films précédents, une possible réification ou confirmé, est très précieux.
de la relation. Le dernier plan (Jung, Nous avons sans doute tous rêvé au
seul, plongé dans un abîme de perplexité) cours de nos études, à l’école, au lycée, à
reprend enfin l’image ultime des Promesses l’université, de rencontrer un professeur
de l’ombre : Viggo Mortensen, flic infiltré qui nous tienne en éveil parce que ce qu’il
dans la mafia russe de Londres a réussi sa nous enseigne nous fait réfléchir mais
mission : il est devenu chef de gang. Il aussi, nous le sentons bien, va puiser dans
est assis, seul, dans son café, sur un vaste un réservoir d’expériences où la vie est
fauteuil, en forme de demi-cercle, qui active. Nous en avons rêvé et peut-être
aurait pu accueillir de nombreux amis. avons-nous eu la chance de le rencontrer.
Aimé Agnel Alors, en sortant de ses cours, même si
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nous n’étions pas toujours d’accord avec
lui, nous n’avions qu’une envie, celle
C. G. Jung, Sur les fondements de la de revenir l’écouter le lendemain. C’est
psychologie analytique. Les conférences sans doute ce qu’ont pu éprouver les
Tavistock, Paris, Albin Michel, 2011. auditeurs de ces conférences, et c’est ce
Du 30 septembre au 4 octobre 1935, qui est explicitement dit par plusieurs
C. G. Jung est à Londres et, pendant d’entre eux. Leur participation ajoute à la
cinq soirs de suite, devant le public tonalité vivante de ces rencontres. Grâce à
venu l’écouter à l’Institut de Psychologie leurs questions, Jung revient sur un thème
médicale, il parle de la psychologie abordé la veille et le précise, ou aborde de
analytique. En le lisant aujourd’hui dans façon brève, mais non moins intéressante,
l’excellente traduction que nous livrent des thèmes nouveaux. Parfois les échanges
Cyrille Bonamy et Viviane Thibaudier, sont vifs et amènent Jung, après une
nous avons envie d’écrire qu’il parle de sa réponse quelque peu radicale, à nuancer
psychologie analytique tant il est impliqué ses propos. Certains lui permettent de
et présent tout au long de ces conférences. se situer par rapport à Freud et Adler.
Dans un premier temps, Jung différencie À cette occasion, en abordant la question
conscient et inconscient à travers, en de la subjectivité, et en la pensant
particulier, les fonctions psychiques et jusqu’au bout, il invite chaque analyste
les complexes. Dans un second temps, à approfondir cette question pour lui-
il aborde l’inconscient personnel et même. Écoutons-le : « Je trouve toujours
l’inconscient collectif à travers la méthode intéressant de voir un artisan au travail ;
de l’analyse des rêves, celle de l’analyse du son savoir-faire fait le charme du métier.
transfert et celle de l’imagination active. À La psychothérapie est un métier et je le
chaque fois, il s’exprime de façon simple, pratique à ma manière – une manière
claire et pédagogique, sans pour autant toute simple, en faisant ce que je
balayer la complexité de ses explications. considère devoir faire, sans rien chercher
Ajoutons que celles-ci sont constamment d’extraordinaire à montrer. Je n’ai jamais
étayées par des exemples cliniques ou cru un instant avoir absolument raison. »
personnels. Au détour de ces exemples, ses (p. 179). Cela va sans dire, mais disons-

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le clairement, cette subjectivité s’atteint entreprend avec Jung, pendant deux mois,
par un travail incessant qui est le travail qui ensuite se renouvelleront, une analyse
de toute une vie, ce dont Jung est un à trois séances par semaine, et autant de
exemple vivant. séances avec Toni Wolff, à quoi s’ajoute,
Ces conférences qui datent de 1935 sont comme c’était aussi ordinairement le cas à
à resituer, bien sûr, comme tout ouvrage l’époque pour les analystes en formation,
de Jung, dans son œuvre en élaboration. sa participation aux séminaires donnés par
Pour ce qui est du transfert par exemple, Jung, notamment au Club Psychologique
une approche différente viendra plus tard de la ville.
avec Psychologie du transfert, mais il n’en La publication de cette correspondance
est pas moins vrai que le « savoir-faire » était fort attendue, après celles des
présenté ici reste très actuel. 1935, c’est lettres échangées entre Jung et le Père
aussi toute une époque marquée par la dominicain Victor White, ainsi qu’avec
montée du nazisme. Jung, en particulier le Dr Ernst Bernard, le fondateur du
dans la cinquième conférence, ne fait mouvement jungien en Italie, qui ont
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pas l’impasse sur ce contexte car c’est bien sûr passionné les chercheurs attentifs
un homme de son temps, ancré dans un à la formation et aux développements de
monde concret. Wotan viendra en 1936. l’œuvre de Jung. Cette publication trouve
Élisabeth Conesa sa source dans les archives du fils de James
Kirsch, Thomas Kirsch, lui-même analyste
jungien, ancien président de l’Association
Ed. by A. C. Lammers, The Jung-
Internationale de Psychologie Analytique
Kirsch Letters, London/New York,
et historiographe des écoles jungiennes,
Routledge, 2011.
et dans celles de l’École Polytechnique
La fin des années 20 est un temps
marquant dans l’histoire de l’œuvre de Fédérale de Zurich. Et c’est un événement.
Jung et du mouvement jungien (cf. le Du fait, tout notamment, qu’elle s’étend
n° 134 de ces Cahiers). C’est aussi à ce sur 32 ans, ce qui permet d’accompagner
moment que débutent la rencontre et la les deux hommes dans leur évolution
collaboration entre Jung et James Kirsch. personnelle ainsi que les transformations
L’Europe est alors à la veille de la montée du mouvement jungien pendant ces
du nazisme en Allemagne, et James Kirsch décennies. Et surtout c’est un événement
est un jeune psychiatre juif allemand, par l’importance des thèmes traités au
formé à Heidelberg, qui développe sa cours de ces échanges.
pratique clinique à Berlin – qu’il lui faudra Le premier thème qui attirera
fuir en 1933, d’abord pour se rendre en l’attention du lecteur concerne les
Palestine, puis, en 1935, à Londres, enfin, approches respectives des deux hommes
dès 1940, à Los Angeles, où il jouera un à propos de la montée du nazisme en
rôle décisif dans la création, puis dans le Allemagne. James Kirsch, qui faisait partie
développement du mouvement jungien à Berlin des très nombreux cliniciens
aux États-Unis. juifs que l’on disait assimilés, retrouvera
James Kirsch s’est d’abord activement les racines de sa judéité en Palestine. Et
intéressé à la psychanalyse freudienne, et voilà qu’alerté par les rumeurs et bientôt
il s’est ensuite formé à Berlin à l’analyse la polémique dénonçant les ambiguïtés,
jungienne. Il se rend à Zurich en 1929 et voire la complaisance coupable de

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Jung à l’égard du national-socialisme1, placée, et sur la projection de l’« anthropos
il l’interpelle, lui enjoignant de s’en androgyne » sur les femmes. Ce qui, bien
expliquer. Ce que fait Jung, qui au fil de sûr, est éclairant, mais, je dois dire, me
cette correspondance peut ainsi mieux laisse un peu rêveur, d’autant que ces
faire comprendre les lignes directrices de interprétations n’ont apparemment guère
sa pensée et les attendus de ses positions d’effet sur les faits et gestes de James
face au nazisme, en même temps qu’il y Kirsch.
présente ses excuses à propos de ceux de Ce livre est accompagné par un
ses écrits ou de celles de ses actions où il y important ensemble de notes et des
a lieu effectivement de lui demander des annexes très documentées, ainsi que
comptes. Kirsch est convaincu du sérieux par une bibliographie et un index qui
et de la bonne foi de Jung, et il se fait en facilitent l’usage. Il apporte une
dès lors l’exigeant et ardent défenseur de importante contribution à notre réflexion
l’analyse jungienne à Tel Aviv, à Londres, sur les évolutions de la pensée et de la
puis aux États-Unis. pratique clinique de Jung et sur l’histoire
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Autres questions non moins de la communauté jungienne dans ses
amplement développées ou évoquées débats et enjeux d’alors et d’aujourd’hui.
plus brièvement, parfois à l’occasion Christian Gaillard
de l’interprétation que Kirsch donne
de ses propres rêves ou des réponses
de Jung à ce propos, ou à l’occasion Viviane Thibaudier, 100% Jung,
de la publication de Réponse à Job ou Paris, Concentré de Psy, Eyrolles, 2011.
de Aïon : les rapports entre judaïsme, Comment dire l’essentiel de la pensée
christianisme et bouddhisme, les faits de C. G. Jung en 150 pages, tout en
dits de synchronicité, les tensions et la faisant vivre cette pensée à travers les
collaboration entre les groupes jungiens grandes questions qui préoccupent les
de Los Angeles et de San Francisco, et femmes et les hommes d’aujourd’hui ?
aussi, mais plus discrètement, les règles C’est cette gageure que réussit Viviane
déontologiques, et surtout éthiques, Thibaudier en publiant 100 % Jung, chez
à respecter par un clinicien dans ses Eyrolles, dans une nouvelle collection
rapports avec ses patient(e)s. On pourra consacrée aux grandes figures de la
s’intéresser à ce propos au type de réflexion psychanalyse : Concentré de psy. Jung
à la fois théorique et clinique esquissée trouve naturellement sa place dans ce
par Jung en la matière, en particulier à panthéon, en compagnie pour l’instant
ses observations sur les risques qu’il y a de F. Dolto et D. Winnicott.
à se laisser conduire par une anima mal Pour l’auteure, il s’agit d’abord de
situer C. G. Jung dans l’histoire de la
1.  Sur ces questions, cf. les données biblio- psychanalyse mais aussi dans celle des
graphiques, les études et essais, et surtout les grandes avancées du XXe siècle dont il
documents souvent inédits en français que est l’un des acteurs majeurs « trop en
nous avons publiés dans les numéros 82, avance sur son temps ». Le constat est
printemps 1996 et 96, automne 1999, de paradoxal : avec ses intérêts multiples,
ces Cahiers et, en anglais, mon article inti- embrassant des domaines aussi variés que
tulé « Otherness in the present », paru dans la psychologie, l’histoire des religions,
Harvest, vol. 46, n° 2, 2000. les sciences et les arts, Jung est à la fois

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mondialement connu, très apprécié des Il s’agit donc bien d’un ouvrage
milieux artistiques et injustement négligé pour un large public intéressé par la
en France. psychanalyse où les lecteurs avertis
Le chapitre consacré à sa biographie apprécieront la richesse des concepts
et ses différends avec Freud illustre jungiens, leur cohérence et pertinence
parfaitement ce qui est demeuré le pour répondre à la souffrance psychique
fil conducteur de son orientation actuelle. Les néophytes découvriront un
thérapeutique : « trouver le sens de Jung accessible, moderne, doté d’une
nos contradictions et travers, intégrer pensée toujours en mouvement.
l’ensemble de notre personnalité, en toute Reine-Marie Halbout
conscience ». Comme Viviane Thibaudier
le rappelle « les concepts jungiens ne
sont pas des entités abstraites mais des Imelda Gaudissart, Emma Jung,
concepts « empiriques » qui se rapportent Analyste et écrivain, Paris, L’Âge
tous à une expérience intime doublée d’un d’Homme, Mobiles Témoignages, 2010.
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éprouvé et d’un ressenti ». C’est au travers C’est un rêve qui incite Imelda
de cette modalité expérientielle que le Gaudissart à écrire ce livre : Emma lui
lecteur découvre les apports jungiens que demande de parler de la souffrance qui
sont la créativité de l’inconscient, le rôle l’a tourmentée au cours de son mariage
des archétypes, la fonction du rêve, la avec Jung : « Dites-leur que j’ai beaucoup
place du symbole mais aussi l’imagination souffert. »
active, l’ombre et le corps, les types Imelda Gaudissart a largement
psychologiques, la persona, l’anima et accompli sa mission, au prix même de
l’animus, la synchronicité et le Soi. certaines répétitions au long des différents
Au fil des pages, apparaît clairement chapitres où elle développe l’enfance et
la spécificité de l’approche jungienne l’adolescence d’Emma, sa rencontre et
qui consiste à « repérer ce qui, en nous, son mariage avec Jung, la naissance de ses
n’est pas encore né ou n’a pas pu s’extraire enfants et le début de ses désillusions dans
et se différencier de “l’inconscience la mesure où elle doit faire le deuil d’être
originelle” ». Dans cette perspective, l’unique objet d’amour de Jung. L’auteure
c’est bien la confrontation douloureuse aborde aussi le rôle d’Emma en tant
au présent qui oblige tout un chacun qu’assistante de Jung, puis sa profession
à œuvrer au développement de son d’analyste, sans qu’elle abandonne pour
potentiel et au devenir de sa personnalité. autant ses responsabilités aux côtés de
Dans les vignettes cliniques, l’auteure fait Jung, au service de son œuvre.
une large place aux enjeux psychologiques L’auteure présente Emma comme une
et sociaux contemporains qu’elle illustre jeune fille bourgeoise, discrète, élégante,
par des exemples issus de la culture très réservée, intelligente et cultivée qui
populaire, la littérature et le cinéma. Les capte d’emblée l’attention et l’amour de
rêves de patients d’aujourd’hui donnent Jung. Après son mariage, elle apparaît
à voir comment se rejouent sans cesse les comme une maîtresse femme qui, en dépit
préoccupations de l’âme humaine comme des autres liaisons de Jung, accomplit
celle de la quête du sens, des relations ses tâches de compagne, de mère et
hommes/femmes ou du rapport au travail. d’analyste. De nombreux témoignages

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donnés par ses enfants et petits-enfants, Ces deux ouvrages nous invitent à
ses amis et collègues, en font foi. sortir du pré carré de notre pratique
Bien qu’on ne puisse pas parler d’Emma du Jeu de Sable pour découvrir les
sans évoquer Jung dont la puissante témoignages enrichissants de thérapeutes
personnalité pouvait lui faire de l’ombre, de pays étrangers.
l’auteure démontre à plusieurs reprises Grace L. Hong nous fait part de
comment, à travers ses moments de son expérience du Jeu de Sable aux
jalousie, de frustration, de ressentiment, États-Unis et à Taiwan où elle a exercé
de tristesse et, finalement le sacrifice successivement. Elle construit son livre
d’une certaine conception de l’amour autour de recherches expérimentales.
dans le mariage, Emma arrive à évoluer, Bien que louables, ces expérimentations
à s’autonomiser et à s’individuer. Aux m’ont semblé manquer de rigueur en
yeux de l’auteure, elle obtient, sans l’once raison d’un échantillon insuffisant.
d’une contestation, le « prix d’excellence ». Par contre, les cas cliniques présentés
Finalement, Imelda Gaudissart nous sont très intéressants à lire tant pour
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propose la figure mythique de Pénélope les psychothérapeutes pratiquant le Jeu
pour symboliser la position d’Emma. de Sable que pour ceux qui voudraient
Mais, restée fidèle à Jung jusqu’au bout, le découvrir. Dans un chapitre sur le
au lieu de tisser et détisser sa toile, Emma thème du dragon, l’auteur développe
tente de mener à bien les œuvres qu’elle a la symbolique de cette figure, connotée
positivement en Asie et négativement
entreprises. Elle y parvient pour Animus et
en Occident. Elle lui permet d’évoquer
Anima, tandis que, trop absorbée par ses
l’importance de cette figure archétypique
nombreuses activités, elle laisse inachevé
dans son propre psychisme ; puis, d’une
son livre sur la quête du Graal qui lui
façon générale dans le travail d’élaboration
tenait à cœur depuis sa jeunesse.
et de restauration psychique, comme
Même si l’auteure manifeste souvent figure du Soi. Dans les grandes lignes,
une grande compassion pour la détresse j’ai apprécié cet ouvrage même si je me
d’Emma Jung en tant qu’épouse de Jung suis autorisée quelques haussements de
et une non moins grande admiration pour sourcils à la lecture de références appuyées
son courage, elle s’abstient de trop juger à sa foi chrétienne et son appel à Dieu.
Jung, en tant qu’époux et conclut qu’« il La fascination par les archétypes qui
est possible aujourd’hui de faire œuvre menace toujours les psychothérapeutes
de justice et de réparation sans qu’il soit confrontés à l’archaïcité la plus grande,
nécessaire de diaboliser l’un au profit de m’a semblée présente au détour de
l’autre. » certains commentaires ou interprétations.
Christiane Fonseca Demeure l’originalité de cet écrit qui
compare une pratique en Occident et en
Asie.
Grace L. Hong, Sandplay Therapy, Le livre d’Eva Pattis Zoja m’a, sans
Research and Practice, London/New- réserve aucune, passionnée, émue,
York, Routledge, 2011 et Eva Pattis enrichie et stimulée. Extrêmement bien
Zoja, Sandplay Therapy in Vulnerable construit, il offre tout un apport théorique
Communities, a Jungian Approach, en amont, avant la présentation de cas
London/New-York, Routledge, 2011. cliniques qui font voyager en Afrique

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du Sud, en Chine et en Colombie. La Aimé Agnel nous propose de regarder les
violence et les catastrophes humanitaires films autrement, de les regarder comme
cristallisent et enkystent des traumatismes une psychologie à l’œuvre. Dans son
affectifs majeurs. Avec le Jeu de Sable tel nouveau livre, Hitchcock et l’ennui, sous-
qu’Eva Pattis Zoja l’utilise, les matériaux titré, justement, une psychologie à l’œuvre,
archaïques non verbaux peuvent être il développe et approfondit son point de
accueillis, contenus en deçà des mots vue. Ce livre n’est pas un livre de plus
« innommables » et souvent inaccessibles. sur la personne ou l’œuvre d’Hitchcock,
J’ai trouvé dans ce livre beaucoup de mais un autre livre à la fois personnel et
simplicité, d’empathie et de sensibilité qui nous en apprend finalement encore
en même temps qu’une rigueur et une plus sur nous-mêmes que sur Hitchcock.
éthique admirables. Dans sa partie Comme l’auteur le rappelle ici, aucune
théorique, Eva Pattis Zoja évoque ceux (psycho) biographie ne saurait permettre
qui ont participé à l’élaboration du d’expliquer « une telle psychologie
concept du Jeu de Sable. Elle nous fait instinctive – une ‘pensée’ aussi complexe
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« rencontrer » successivement Freud, sur le psychisme humain ». Et voilà bien
Jung, Margaret Lowenfeld puis Dora un livre qui nous aide, à partir de films, à
Kalf. Leurs pratiques, leurs élaborations penser la psychologie, notre psychologie
conceptuelles permettent d’aisément dans sa complexité.
comprendre l’apport de chacun, et, L’ennui est le fil conducteur du travail
surtout de suivre le propre cheminement présenté, l’ennui d’Hitchcock, non dans
de l’auteur, ce qui l’a amenée à aller plus sa vie car là justement n’est pas le propos,
loin. La richesse de cet ouvrage tient mais l’ennui dans ses films, l’ennui
probablement à cette alchimie qui mêle comme ressort, l’ennui comme ressort
sociologie des communautés humaines du suspense, comme facteur permettant
en très grande détresse et humilité de la l’émergence de la surprise, de la vie. Mais,
pratique du soin psychologique d’urgence qu’on ne s’y trompe pas, si ce livre parle
œuvrant dans l’accueil des états de chocs de l’ennui, si le lecteur en saura beaucoup
majeurs. plus sur l’ennui et ses vertus, il n’est pas
Pascale Mauchant-Renoult question de s’ennuyer tout au long des
pages de ce texte dense, organisé en douze
chapitres.
Aimé Agnel, Hitchcock et l’ennui, Quelques autres cinéastes et des
une psychologie à l’œuvre, Paris, Ellipses, philosophes, Bachelard, Deleuze et
2011. Jankélévitch, et bien sûr Jung nous
Depuis de nombreuses années, accompagnent dans ce voyage dans
notamment dans les différents articles des l’ennui, mais l’essentiel est dans les trente-
Cahiers jungiens de psychanalyse où il traite huit films d’Hitchcock qu’Aimé Agnel
plus particulièrement du cinéma, et, bien nous présente ici (dont une vingtaine de
sûr, dans son livre L’Homme au tablier – manière plus approfondie).
Le jeu des contraires dans les films de Ford 2, La complexité de l’œuvre d’Hitchcock,
et la complexité de ce à quoi la lecture de
2.  L’Homme au tablier – Le jeu des contraires ce livre ouvre comme pensées et comme
dans les films de Ford, La Part Commune, 2002 perceptions, empêchent évidemment de
(réédition 2006). le résumer en quelques lignes. Mais il y

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a un premier regard qui peut s’imposer – Nous avons reçu :
en tout cas c’est celui que je retiens – et Tjeu van den Berk, Jung on Art, The
qui amène à réfléchir à la question de la autonomy of the Creative Drive, London/
vérité (mise en lien notamment avec la New York, Routledge, 2012.
culpabilité, l’innocence, l’expérience du Claude Boureille, Pérégrinations avec
mal). Vérité, ombre, enfance et perte de C. G. Jung, Paris, La Part Commune,
l’innocence première, peut-être pour aller 2011.
vers une innocence « seconde ». Ce thème Michel Cazenave, À la rencontre de
court au long de nombreux films présentés Carl Gustav Jung, Paris, Oxus Littérature,
dans le livre, comme dans l’ensemble de 2011.
l’œuvre d’Hitchcock. L’innocent accusé à Marie-Louise von Franz, Reflets de
tort cherche à convaincre, mais en vain, l’âme, Projection et recueillement selon la
de son innocence, de sa vérité. Mais psychologie de C. G. Jung, Entrelacs, 2011.
l’innocence première, celle du paradis Marie-Louise von Franz, Peter
peut-être, celle sans ombre, est aussi la Birkhäuser, La lumière sort des ténèbres,
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marque d’un monde sans surprise, un Paris, Éditions La Fontaine de Pierre,
monde où règne finalement l’ennui. 2011.
L’ennui se situe du côté de l’enfance, Eckhard Frick, Se laisser guérir,
de la nécessité de faire reconnaître le Réflexion spirituelle et psychanalytique,
besoin d’aventure, d’un temps rythmé ; Bruxelles, Soins et Spiritualité, Lumen
l’ennui est celui de cet état lisse, sans Vitae, 2012.
discontinuité où dominent « l’attente et Guy Krenger, Le Mythe de l’unité, Essai
l’insatisfaction ». L’innocent, réfugié dans de métapsychologie jungienne, Bruxelles,
son absolue innocence, apprend parfois Psy-passerelles, E.M.E, 2012.
qu’avoir une ombre et s’y confronter Monique Salzmann, La Peur du
(même au prix de renoncer à « la vérité ») féminin, Paris, La Part Commune, 2011.
peut être source de vie, et « comme un feu
oublié, une enfance peut reprendre ».
Aimé Agnel nous le dit : Hitchcock
« a dû beaucoup s’ennuyer pour avoir su
si bien nous donner à vivre, par le jeu
du suspense, un temps où le rythme,
l’émotion et l’enfance retrouvent enfin
leurs pouvoirs ».
Laurent Meyer

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