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Hegel
critique de Kant
philosophie d'aujourd'hui
Hegel
critique de Kant
PHILOSOPHIE n' AUJOURD'HUI
Collection dirigée
par
Paul-Laurent Assoun
ANDRÉ STANGUENNEC
Hegel
critique de Kant
Philosophie d'aujourd'hui
ISBN 2 I 3 039003 X
DES RÉFUTATIONS
HÊG ÊLIENNES
DE KANT
7
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
8
DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
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LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
IO
DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
II
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
12
DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
14
DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
33. Ibid.
34. Ibid., AK, III, 46, 49.
35. Ibid., AK, IV, II, 9.
36. Ibid.
37- Ibid., III, 46, 49.
38. Ibid., III, 136, 153·
39. G. Lebrun, Kant et !afin de la métaphysique, A. Colin, 1970, p. 285.
40. Ibid.
41. E, § 549; G, X, 431; GI, 293.
15
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
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DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
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DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
20
DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
21
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
65. Ibid.
66. V. Goldschmidt, op. cil., p. 32.
67. Cf. V. Goldschmidt, op. cil., p. 20.
68. KRV, AK, III, 246, 263.
69. Ibid., 542, 561.
70. Ibid., 543, 562, note de Kant.
71. Ibid., 542, 562.
72. Opus Postumum, AK, XXI, 7, 2.
22
DES RÉFUTATIONS HÉGÉLIENNES DE KANT
simple notice historique »77 • L'on peut donc admettre pouvoir payer
une meilleure compréhension de la totalité, tant du point de vue de
la consistance interne que de celui de la diversité intégrée, aux prix
de décentrages entraînant le glissement des définitions ou mas-
quant des thèmes ailleurs essentiels. Encore est-il préférable de savoir
«exactement» le prix que l'on paiera et que l'historien peut utilement
contribuer à fixer, alors, en vue de préparer, en connaissance de
cause, l'acte de décision final de« la responsabilité philosophique »78 •
26
II
DE LA RÉFUTATION
« DOCTRINALE »
en philosophie hégélienne
logique »2 en général, par quoi il faut entendre « ... tout ce qui a une
réalité logique, c'est-à-dire ... , tout concept ou ... , tout ce qui est vrai
en général »3 • C'est cet ordre du logique, véritable ordre des raisons
hégélien, qui permet d'intégrer tout contenu catégoriel dans la forme
de la scientificité encyclopédique, forme propre de l'architectonique
hégélienne. L'ordre du logique est le seul apte à« démontrer» une
vérité, c'est-à-dire à déduire avec nécessité un contenu conceptuel
d'un autre, en même temps qu'il fournit une méthode d'exhaustion
pour l'ensemble. La structure de cet ordre est la suivante : ce sont
les trois « moments » du procès de la catégorie, les trois « phases »
que parcourt le logique de son sens. Le premier est le moment de
l'identité requise par l'entendement; le second est le moment du
dialectique au sens propre du terme, moment de l'autonégation ou
de la raison négative; le troisième est le moment du spéculatif ou de
la totalité, unité synthétique des catégories opposées.
Et il est remarquable qu'à ces trois moments correspondent chez
Hegel trois types de réfutation méthodologiquement distincts. Le
premier donnera lieu à des critiques de contradiction formelle ou
d'inconséquence, Hegel ne négligeant nullement l'impératif formel
de l'identité en ses lieu et place limités.
I / L'inconséquence formelle
19. Après leur repérage, les critiques d'inconséquence font l'objet d'un bilan
dans nos Conclusions, § 1, Hegel contre Kant, le bilan des réfutations.
20. Sur ces modalités du dialectique, cf. notre étude « Le dialectique, la
dialectique, les dialectiques chez Hegel », in Revue de Métaphj1sique et de Morale,
Paris, juillet-septembre 1977, p. 312-326.
21. IHPH, L, 126, 115.
22. Ibid., 125-126, II5.
23. Ibid., 33, 39·
24. Plus bas, Deuxième Partie, chap. III, § 5, C.
32
DE LA RÉFUTATION « DOCTRINALE»
seconde concerne ce qui est dit d'un contenu - par Kant par
exemple - alors que la première concerne ce que veut dire un contenu,
sa signification. Enfin, alors que la seconde ne peut qu'être annulée
et donner lieu à la reprise correcte du même contenu, la première doit
être intégrée et donner lieu à la progression vers un autre contenu.
Ces traits distinctifs ressortent de textes comme ceux qui suivent :
« C'est l'un des préjugés fondamentaux de la logique jusqu'alors en
vigueur et du représenter habituel que la contradiction ne serait pas
une détermination aussi essentielle et immanente que l'identité »25 •
Si la logique dialectique fonde, comme il nous le semble, l'identité
et la non-contradiction formelles sur la nécessité, pour le contenu
lui-même, d'apparaître à la pensée d'abord finie en son immédiateté,
ce phénomène du sens est bien cette fois en tant qu'auto-négation,
contradiction dialectique. Dès lors « ... la contradiction serait à
prendre pour le plus profond et le plus essentiel »26 • Reste que ce
que la pensée formelle entend par contradiction vaut bien pour elle
« ... comme une contingence, pour ainsi dire comme une anomalie
et un paroxysme-de-maladie passager »27 • En tant que dialectique
- et permettant alors de comprendre l'identité de la forme elle-
même comme résultant d'une dialectique de la « réflexion » - la
contradiction fonde la progression à un autre contenu, car d'une
façon générale,« c'est seulement dans la mesure où quelque chose a
dans soi-même une contradiction qu'il se meut, a (une) tendance et
(une) activité »28 • La négation dialectique, qui prend, dans la sphère
de la Logique de l'Essence, l'aspect de la contradiction au sens
strict 29 , fournit donc un instrument appréciable pour la réfutation
philosophique. Reste à penser positivement la synthèse d'une auto-
négation et de son contenu, ce qui fournit, en dernier lieu, un double
et nouveau registre à la critique.
3 / L'incomplétude synthétique
Le troisième moment du logique se présente sous deux aspects;
il comporte, d'une part, la négation d'un « contenu déterminé »30 et,
33
A. STANGUENNEC
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
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III
La structure de développement
DE LA RÉFUTATION
HISTORIQUE
d'une philosophie selon Hegel
35
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
37
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
39
LES STRUCTURES GÉNÉRALES DES RÉFUTATIONS
41
DEUXIÈME PARTIE
La philosophie théorique
INTRODUCTION
45
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
47
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
LE PROJET CRITIQUE
49
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
3. Ibid., 554.
4. Ibid., 555·
5. E, § 10, Rem.; G, VIII, 54; B, 175.
6. PHG, G, II, 69, 1, 66-67.
7. PHG, G, II, 67, 1, 65.
LE PROJET CRITIQUE
53
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
54
LE PROJET CRITIQUE
55
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
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II
L'ESTHÉTIQUE
TRANSCENDANTALE
r. Cf. la lettre à Marcus Herz du 2.1 février 1772; AK, X, 131, 37.
2., Cf. Prolégomènes, AK, IV, 2.58, 10.
3. KRV, AK, III, 36, 40.
4. HPH, G, XIX, 564.
59
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
60
L'ESTHÉTIQUE TRANSCENDANTALE
61
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
vrai, la proposition« 7 +
5 = 12 » n'a, tout bien pesé, rien à voir
avec la détermination du concept, mais elle est l'énoncé d'un pro-
blème (7 +5) et de sa solution (= 12). Le premier membre pose
l'exigence d'une opération à effectuer selon des règles déjà connues
et « le passage de ce problème au résultat n'a rien à voir avec le
penser de la somme (mit dem Denken der Summe}, la décomposition
du concept »1 9 ainsi que le reconnaît Kant : « Il faut dépasser ces
concepts, en appelant à son aide l'intuition ... »20 • N'étant qu'un
ensemble réglé d'opérations, le calcul mathématique ne mérite
finalement pas le titre de synthèse de concepts : « En arithmétique,
les nombres sont pris comme ce qui est dépourvu-de-concept,
comme ce qui, en dehors de son égalité ou inégalité, c'est-à-dire
en dehors de sa relation tout extérieure, n'a aucune signification ... »21 •
La synthèse philosophique des concepts intervient au niveau des
fondements de possibilité des axiomes mathématiques que le mathé-
maticien admet sans les justifier tout en en faisant les instruments de
ses opérations abstraites. Le philosophe peut donc écrire : « aussi
ne compterais-je pas au nombre de mes principes ceux de la Mathé-
matique mais bien ceux qui en fondent la possibilité et la valeur
objective a priori et qu'il faut par conséquent regarder comme le
fondement (principium) de ces principes ... »22 • C'est à la philosophie
de remonter des points, lignes, etc., à leur fondement purement
conceptuel, à l'espace et au temps rendant possible une nature où
l'on reconnaît l'extériorité du concept à l'égard de lui-même. Déter-
minés de l'extérieur, tautologiques, non conceptuels, les jugements
synthétiques a priori dont Kant nous propose l'exemple afin d'en
déterminer les conditions de possibilité par la « philosophie trans-
cendantale »23 ne font qu'en trahir l'essence effective et représentent,
par suite, autant d'inconséquences en sa pensée.
62
L'ESTHÉTIQUE TRANSCENDANTALE
nous avons cité plus haut; mais Hegel reste silencieux sur ces actes
qui sont les corrélats nécessaires de la constit:ution de « douze »
et ne mentionne que la répétition de l'opération additive, même s'il
concède que l'on puisse nommer« synthétiser » cette numération.
Lorsqu'il analyse les méthodes de la connaissance finie, il va bien
jusqu'à admettre que « la construction »27 est un aspect fondamental
de la connaissance synthétique mathématique; mais il est tout aussi
remarquable que le concept de construction dans la synthèse soit
entendu comme une application à un objet extérieur d'un principe
obtenu indépendamment de toute construction.
Ce que Hegel entend par construction relève du dernier des trois
procédés de la« méthode synthétique »; tandis que l'analyse va du
singulier à l'universel, ici, « l'universel (comme définition) forme le
point de départ d'où, moyennant la particularisation (dans la division),
on progresse en direction du singulier (le théorème) »28 • Au niveau
du théorème, la construction est l'élément intermédiaire entre les prin-
cipes et la preuve proprement dite : « L'acte d'apporter les matériaux
qui constituent les moyens-termes est la construction »29 • Retenons
qu'il s'agit de la méthode de la connaissance finie qui a son contenu
comme un oh-jet (Gegen-stand); « la finité de la connaissance réside
dans la présupposition d'un monde trouvé-là ... »30 ; la connaissance
infinie ou spéculative a dépassé cette opposition en tant qu'elle est
« l'Idée se pensant elle-même »31 , c'est-à-dire le sujet-objet, la pensée
de la pensée. La construction, unité de l'intuition et du concept,
conservera néanmoins un sens en philosophie 32 , mais la synthèse
kantienne relève de la construction finie, autre expression pour
dénoter la relation à une altérité à l'intérieur de la pensée. Construire
un concept synthétiquement, ce n'est plus le penser, mais chercher
et trouver une intuition sensible qui lui corresponde : « Kant fit
se répandre la représentation selon laquelle la mathématique cons-
truisait ses concepts; ce qui ne voulait rien dire d'autre si ce n'est
qu'elle n'a pas affaire à des concepts, mais à d'abstraites détermi-
nations sensibles »aa.
A. STANGUENNEC 3
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
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L'ESTHÉTIQUE TRANSCENDANT ALE
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III
L'ANALYTIQUE
TRANSCENDANTALE
Introd11ction
Du primat de la conscience au primat dtt concept
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LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
A - DÉPENDANCE INCONSÉQUENTE
DE LA LOGIQUE TRANSCENDANTALE
VIS-A-VIS DE LA LOGIQUE FORMELLE
74
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
75
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
pris comme penser absolu en général »7 • Les catégories sont bien les
essences des choses, mais comme moments de la pure conscience de
soi. La métaphysique, science des pensées qui passaient pour exprimer
les essentialités des choses, est devenue avec Kant logique trans-
cendantale. Mais Kant ne s'est pas limité aux catégories de l'être et
de l'essence, même envisagées de façon incomplète et constituant
la logique« objective» puisque l'être objectif s'y déduit de la pensée
en correspondance avec l'ontologie et que « l'ens comprend en lui
aussi bien l'être que l'essence ... »8 , il est remonté jusqu'au« concept»
qui en est le fondement dans le « penser »9 dont les moments consti-
tuent la logique « subjective » en tant que pensées de la pensée pen-
sante, la logique du« concept». Ainsi, le complément de la louange
adressée à la logique kantienne du point de vue de la logique« objec-
tive» au début de l'ouvrage de Hegel, se trouve fourni par le déve-
loppement, relatif au concept kantien dans le troisième Livre, consacré
au« concept en général »10 • C'est au début de ce Livre que la pensée
pensante se pose pour elle-même comme la vérité de toute objectivité.
Mais si nous revenons de cette appréciation positive de la totalité de
la logique transcendantale à celle qui regarde la logique objective,
nous pouvons enchaîner les trois propositions hégéliennes suivantes
en une sorte de syllogisme montrant le passage de la metaphysica
generalis à la logique spéculative par l'intermédiaire de la logique
transcendantale : « La philosophie critique fit certes déjà de la méta-
physique la logique ... »11 ; or, « la logique objective selon son contenu
pourrait correspondre en partie à ce qu'est chez Kant la logique
transcendantale »12 ; « la logique objective prend donc tout simple-
ment la place de la métaphysique d'autrefois »13 •
Mais, pour être menée à bien, l'entreprise suppose qu'on ait
démontré l'identité absolue de l'objet d'expérience et du concept,
de sorte que ce dernier devienne le seul objet de savoir en un« savoir
absolu ». C'est ce que Hegel prétend avoir effectué en sa Phénomé-
nologie de l'esprit, équivalent absolument conséquent de l'inconsé-
quente déduction transcendantale de la valeur objective des catégories
77
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
tive »19 • Après avoir admis que l'objectivité du concept est celle
d'un acte de la conscience de soi, il eût été nécessaire de considérer
la genèse et le système de ce contenu à partir de la conscience de soi
ou mieux, du « penser absolu »20 • Ici en effet, le terme de « penser
absolu» est préférable à celui de« conscience de soi» car« ... l'appel-
lation 'conscience' projette là-dessus l'apparence de subjectivité
encore plus que l'expression 'penser', qui doit être prise ici tout
simplement au sens absolu ... »21 •
Néanmoins, cette déduction métaphysique n'est pas menée à bien
par Kant avec une entière conséquence et retombe, par l'emprunt
immédiat des catégories à la logique formelle, à une conception méta-
physiquement chosiste des concepts.
19. KRV, AK, III, III, u5, cité par Hegel, WL, G, V, 15; S], II, 252.
20. WL, W, 3; LJ, I, 36.
2I. Ibid.
22. KRV, AK, III, 124, 137.
23. Ibid., 83, 85.
24. E, § 42, Rem.; G, VIII, 128; B, 303.
25. PHG, G, II, 186, I, zoo.
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
26. KRV, AK, III, 7, 15, cité par Hegel WL, W, p. xv; L], I, 2I.
27. WL, G, V, 53; S], II, 287.
28. KRV, AK, III, 94, 95, cité par Hegel, ibid., 53, 287.
29. PHG, G, II, 186, I, 200.
30. JIVL, W, 7; LJ, I, 40.
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Bo
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B - LE SCHÉMA DE LA TRIPLICITÉ
Sz
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45. Ibid.
46. HPH, G, XIX, 566. Cf. aussi, sur les divisions« tripartites», KU, Introd.,
AK, V, 197, 42 et GUW, G, I, 309, 215.
47. Expressions de HPH, G, XIX, 610.
48. WL, W, p. xx1; LJ, I, 27.
49. Ibid., p. XXII, 27.
50. WL, G, IV, 406; S], I, 369.
5I. Ibid.
52. WL, G, IV, ibid. Comparer avec la première édition: WL, W, 265, 292.
53. E, § 81; G, VIII, 190; B, 344.
54. Cf. Première Partie, chap. I, § 3.
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74. Ibid.
75. KRV, AK, IV, 82, 122.
76. Ibid., AK, III, 187, 249.
n E, § 133, Add.; G, VIII, 304; B, 567.
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107. WL, Introduction, W, XII; L], I, p. 19. Sur la science« ultime figure de
l'esprit » comme pur être-pour-soi de la conscience se pensant elle-même, cf.
PHG, G, II, 610-616, II, 302-309. On a un second syllogisme : nature, esprit,
Logique.
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A, STANGUENNEC 4
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
n'est su, c'est-à-dire compris dans sa nécessité d'être aliéné, qu'à travers
l'accomplissement de la réflexion subjective de la logique comme
savoir du soi. En bref, le savoir doit se déduire comme être, de même
que l'être du concept doit se comprendre à partir et au sein du savoir.
Mais, afin que ce lien soit accompli, le savoir absolu ou savoir logique
doit se savoir comme unité du sens subjectif (déduction métaphysique)
et du sens objectif (déduction transcendantale dite subjective). Le
sens« objectif» de la logique, où la nature médiatise le logos et l'esprit,
et son sens« subjectif», où c'est l'esprit lui-même qui présuppose la
nature et l'enchaîne avec la logique, sont eux-mêmes médiatisés au
sein du savoir absolu. C'est ce qu'effectue dans le système encyclo-
pédique le troisième syllogisme au moyen duquel le savoir logique,
après s'être donné la signification objective d'un concept aliéné
dans la nature et rendu conscient de soi par l'esprit, où« la médiation
du concept a la forme extérieure du passage et la science celle du
cours de la nécessité »108, puis la signification subjective où « la
science apparaît comme une connaissance subjective dont le but est
la liberté »109 , unit ses deux« apparitions» (Erscheinungen) en les déter-
minant réciproquement. L'Idée, unité de la subjectivité et de l'objec-
tivité, se reconnaît comme telle dans ces deux significations « ... et
ce qui en elle se réunit, c'est que c'est la nature de la Chose - le
concept - qui poursuit son mouvement et de développe, et que ce
mouvement est tout autant l'activité de la connaissance »11 o. C'est
donc bien l'identité des deux significations, objective et subjective,
de la science de la logique, objective en tant que subjective et sub-
jective en tant qu'objective, qui lui permet d'intégrer identiquement
les fonctions de la déduction transcendantale de l'imagination
(signification objective) et de la déduction métaphysique des caté-
gories (signification subjective). Le troisième syllogisme contient
ainsi l'adéquation parfaite du système catégorial résultant de l'acti-
vité historique de l'esprit au système catégoriel éternellement aliéné
dans la nature, ce qui nous semble impliquer, avec ses difficultés dijà
indiquées à propos de la déduction métaphysique, l'achèvement historique
du système hégélien des sciences.
Telle est l'ultime étape de l'interprétation critique de l'imagina-
tion transcendantale.
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bois et la jambe au moyen d'une corde »1 " . Foi et savoir cite ironi-
quement l'exemple tiré des Prolégomènes, en parlant déjà d'une
« identité analogue à celle du soleil et de la pierre par rapport à la
chaleur, quand le soleil échauffe la pierre »145 • Hegel envisage, de
plus, entre déduction objective et déduction subjective un véritable
renversement dans les rapports de la psychologie et de la philo-
sophie. Alors que la déduction subjective déduit l'entendement à
travers le« développement» (Entwicklung) psychologique des syn-
thèses, elle réalise l' At.~fhebung du psychisme empirique dans son
fondement, l'imagination transcendantale, ou la raison comme origine
de l'esprit dépassant toute psychologie empirique. Par contre, la
déduction objective, malgré son thème non psychologique qui est
celui de la valeur objective des catégories, s'enlise dans la perspective
de la psychologie empirique parce que sa problématique de l'objec-
tivité, exprimée et résolue en termes d'adéquation extérieure, invite
à considérer le concept comme une chose, instrument ou image de
l'objectivation146 • En même temps que les conditions de possibilité
de cette adéquation synthétique se voient dépourvues de nécessité
véritable et que l'imagination se trouve subordonnée à l'entendement,
la philosophie retombe alors au rang d'un « ... idéalisme formel ou
plutôt proprement psychologique »147 • Qu'est-ce que Hegel entend
par idéalisme psychologique? L'empirisme, en tant que philosophie
posant et résolvant le problème de l'objectivité de la connaissance
au moyen des concepts de la psychologie empirique. Ayant rebroussé
chemin sur la seule voie qui lui eût permis de le dépasser (la déduction
subjective), Kant y retombe nécessairement. N'étant plus posé comme
phénomène de l'absolu subjectif, l'entendement redevient ce qu'il
était déjà chez Locke : l'indication de la limite empirique de la
connaissance humaine et« l'aspect idéaliste que revendiquent pour le
sujet certains rapports appelés catégories n'est que le développement
du lockéanisme »148 • Ainsi, la supériorité du kantisme sur un empi-
risme de la nature humaine, autorisée par la découverte de l'a priori,
devient apparente puisqu'en dehors d'une déduction effective, la
relation de connaissance est décrite comme la rencontre heureuse-
ment adaptée de deux représentations dans le sens interne. Histo-
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A - L'IMPORTANCE HISTORIQUE
DE LA CONSTRUCTION KANTIENNE SELON HEGEL
mentales. Plus nettement même qu'à Newton qui n'a pas développé
clairement le concept de force répulsive, c'est à Kant que revient le
mérite d'avoir complété l'appréhension de la matière en la considérant
comme l'unité de la répulsion et de l'attraction.
Le terme de « preuve », identifié à Iéna à celui de construction186
revient sous la plume de Hegel dès la Logique du Nuremberg (1812),
lorsqu'il s'agit de marquer la supériorité du projet newtonien vis-à-vis
des lois de Galilée et de Kepler : «Pourtant ce qui est plus élevé c'est
de prouver (be1veisen synonyme de konstruieren à Iéna) ces lois. Mais
cela ne signifie rien d'autre que de connaître leurs déterminations-de-
quantité à partir des qualités ou concepts déterminés qui sont en
rapport (par exemple temps et espace) »187.
Mais si Kant est en plein accord avec Newton contre la réduction
du physique au géométrique, il se sépare en revanche de Leibniz qui,
admettant la réalité de la force, n'accorde pas que la dualité des forces
soit réelle. De sorte que, dès 1763, il pouvait écrire dans l' Essai sur les
grandeurs négatives : « Les grandeurs négatives ne sont pas des néga-
tions de grandeurs »188 ; et plus bas : « L'attraction négative n'est
pas ... le repos, mais la véritable répulsion »189 • Mais d'autre part, et
cet hommage concédé, Hegel regrette le fait que« l'on en reste encore
fréquemment à cette construction kantienne et qu'on la tient pour
un commencement philosophique et une base pour la physique »190 •
De la longue Remarque de la Science de la logique relative à ce prin-
cipe, il ressort que la« construction » kantienne tombe sous le coup
de deux critiques méthodologiquement distinctes. L'une lui reproche
ses inconséquences, l'autre d'être« inconsciente» (Bewusstlos) 191 de la
dialectique qu'elle contribue à mettre au jour.
B - L'INCONSÉQUENCE DE KANT
UNE SYNTHÈSE MANQUÉE
II4
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
203. Ibid.
204. WL, L, Il, 76; L], II, 108.
205. WL, W, 121; LJ, I, 154-155.
206. WL, L, II, 106, III. Cf. aussi W, I, 125, 158.
207. WL, II; L, II, IIO, II5.
208. Ibid., II8, 150.
209 . .Tbid., 124, 157.
210. Ibid., 125, 157.
II6
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
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LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
II8
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
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LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
224. Premier.r principe.r, première loi de la mécanique, AK, IV, 541, 127.
225. Ce lien est mentionné par Kant, ibid., 542-543, 128-129.
120
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226. KRV, AK, III, 23, 28, note; reproduit par Hegel, HPH, G, XIX, 570-
571.
227. HPH, G, XIX, 571.
228. R. Kroner, Von Kant bis Hegel, 2. Auflage, Mohr, Tübingen, 1961, I, 61.
229. « ... La représentation : Je n'est pas du tout une intuition, mais une
représentation simplement intellectuelle de la spontanéité d'un sujet pensant »,
KR V, § 16, AK, III, 193, 207.
121
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
I 2.2.
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
elle »233 , justifie son assertion idéaliste. Ce chemin, qui nous est, mais
ne lui est plus présent, fut celui de la démonstration par les « expé-
riences » précédentes que tout ce qui est objet senti, perçu, conçu
comme chose en soi par la conscience n'est en vérité rien d'autre que
cette conscience même : « Ce qui est ou l'en-soi, est seulement en tant
qu'il est pour la conscience, et ... ce qui est pour la conscience est aussi
en soi »234 • Or, explique Hegel,« ... ce chemin oublié est précisément
la justification conceptuelle de cette affirmation »235 • Reste à préciser
le mode de composition incohérente des thèses, idéaliste et réaliste, de
la raison« naïve ».
Que toute réalité soit la conscience, c'est la découverte de « la
catégorie »236 comme essentialité de l'étant qui le prouve, ou, en
termes de doctrine kantienne, la déduction « objective » des catégo-
ries. Mais la catégorie n'est qu'une forme de « subsomption » d'un
divers empirique. Que celui-ci ne soit que « sensations ou représen-
tations »237 en moi ne change rien, et surtout n'élimine pas la limite
de l'idéalité pure : la différence entre l'idéalité et la réalité est seule-
ment intériorisée dans la sphère représentative sans pour cela être
dépassée. Dès lors à l'idéalisme subjectif est juxtaposé« un empirisme
absolu »238 : la matière remplissant la catégorie, indéductible à partir
de cette dernière, trouve son origine dans la« chose en soi »239 de Kant,
ou en un« choc »240 , comme chez Fichte. Une indication de Hegel va
nous permettre d'approfondir la structure de cette inconséquence :
« Cet idéalisme devient par là un double sens, une équivoque aussi
contradictoire que le scepticisme »241 • En effet, du scepticisme déjà
Hegel écrivait que« ses actes et ses paroles se contredisent toujours »242 ;
il prononce le néant du sensible, du« voir», de« l'entendre », etc.,
mais il les réintroduit aussitôt dans son action. L'action du scepti-
cisme est la« forme» de sa parole : en« exprimant», en« prononçant»
la vanité du sensible, il confie à ce sensible l'expression de sa vanité.
De même l'idéalisme : il ne peut mettre en œuvre le « principe » de
247. KRV, AK, III, 208-2rn, 226-228. Positivement, le noumène est l'objet
de l'entendement intuitif évoqué en KU, § 77, AK, V, 408, 222.
248. E, § 60, Rem., id., 159, pI.
249. Ibid.
125
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
12.6
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
127
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
128
L'ANALYTIQUE TRANSCENDANTALE
A. STANGUENNEC 5
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
135
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
1 37
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
LA DIALECTIQUE
TRANSCENDANTALE
Introduction
Dépassement de la philosophie de l'entendement réfléchissant
par la philosophie de la raison absolue
139
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
ment être vraie, mais l'autre fausse »8 • Or, nous l'avons vu7 : si ce
principe convient pour le moment de l'analyse intellectuelle de la
pensée où celle-ci est d'abord extérieure à elle-même comme aux
« autres » pensées, il ne régit pas la pensée du contenu immanent où
la contradiction interne et la synthèse des opposés sont la vérité.
Si le dogmatisme est un« formalisme», c'est bien en ce qu'il prétend
faire du principe de la pensée formelle - une pensée qui ne saisit
le contenu que dans sa « forme » ou relation extérieure à la pensée et
aux autres contenus - le principe unique de la pensée. Mais, de
même qu'il avait amorcé la pensée de l'identité du sujet et de l'objet,
Kant avait aperçu que « la troisième catégorie dans chaque classe
résulte toujours de l'union de la deuxième avec la première »8, que
cette union exige un« acte spécial »9 de la pensée, et que la« méthode»
philosophique doit dépasser le principe formel de contradiction,
même si ce dépassement du formalisme dans la logique transcendan-
tale ne fait pas l'objet d'une démonstration véritable.
Dans la perspective d'interprétation hégélienne, le lecteur de la
Dialectique transcendantale espère de Kant, parvenu à la critique de
la metaphysica specialis, la reprise, voire l'accomplissement de ce qui
ne fut qu'amorcé à l'égard de la metaphysica generalis dans l' Ana(ytique.
Mais cet espoir sera déçu. D'une part, Kant n'a pas plus mis en
question dans la Dialectique l'existence d'un absolu séparé de la
connaissance qu'il ne l'avait fait dans le chapitre relatif à la distinction
de tous les objets en phénomènes et noumènes de l' Ana(ytique. « Du
fait que les déterminations de l'ancienne métaphysique ont été sou-
mises à l'examen, un pas très important a sans doute été accompli »10,
mais on n'a pas abandonné le présupposé représentatif. D'autre part,
l'examen des antinomies montrera que le souci essentiel de Kant y
est d'éviter la contradiction au sens formel mais non de penser la
nécessité de la contradiction et de l'unité des opposés en un sens
spéculatif : « Il conçoit, sans plus, le résultat de cette dialectique
comme le néant infini, l'unité infinie de la raison perd également la
synthèse »11 •
Il nous faut à présent reprendre le détail de la démarche hégé-
6. Ibid.
7. Première Partie, chap. II, § I.
8. KR V, AK, III, 96, 97.
9. Ibid.
IO. E, § 41, Add. 1; G, VIII, 124; B, 496.
11. WL, G, V, 23; SJ, II, 259.
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
I / Les Paralogismes
143
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
144
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
145
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
Pas plus qu'il n'a nié l'existence d'une chose en soi fondant la
possibilité d'une affection dans le sens externe, Kant n'a nié l'exis-
tence « ... du sujet en soi qui est à la base du Moi comme de toutes
les pensées ... »30 • Ce sujet en soi est une Idée de la raison nécessaire
à la philosophie transcendantale pour fonder et limiter les conditions
de possibilité de l'expérience. Et, précisément, Kant refuse d'iden-
tifier la conscience transcendantale ou le « Je pense »31 qui se pose
comme sujet de l'objectivité et le stdet en soi.
Le sujet comme conscience fondatrice de l'objectivité empirique
est la simple possibilité de la synthèse des intuitions sensibles qui
lui sont données dans l'expérience. Il est donc par là un sujet à son
tour conditionné quant à la matière, le divers à unifier. Ce sujet est
certes la condition de possibilité « suprême » de l'unité formelle de
l'expérience et, dans la déduction dite « objective » des catégories,
Kant identifie ce sujet de l'objectivité et l'objectivité elle-même; ici
la conscience de l'objet est conscience de soi. Si ce sujet peut se
penser par abstraction comme forme des formes ou principe d'unité
de tous les principes d'unité, il n'est justement qu'une abstraction,
puisqu'il n'a pas d'existence séparée et distincte de cette activité
formelle dont il est la condition suprême.
Mais dans la réflexion sur soi de ce sujet pensant, celui-ci est
nécessairement contraint de distinguer le « je » comme condition
« suprême » de l'unité d'un divers qui le conditionne à son tour et
147
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
149
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
37. C'est le sens du« premier syllogisme » du système, cf. supra, chap. III,
§ z, B, 1, in fine.
38. C'est le sens du « second syllogisme », cf. supra, ibid.
39. Dans le troisième syllogisme (Esprit, Logique, Nature), cf. supra, ibid.
I 50
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANT ALE
2 / Les antinomies
46. Ibid.
47. HPH, G, XIX, 580-581.
48. Ibid.
49. E, § Sr, Add., 2; G, VIII, 195; B, 516.
50. PHG, G, 11, 73, 1, 7r.
5r. Ibid., 73, 1, 70-7r.
1 53
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
I 54
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
relation du monde avec l'espace vide c'est supposer qu'il s'y continue
« ... ce qui veut dire la continuité de ce même monde dans
l'espace ... »62 •
La pétition de principe sur laquelle reposent thèse et antithèse
permet à Hegel de réfuter la première antinomie à partir de la logique
formelle; mais il est nécessaire de poursuivre la réfutation de façon
dialectique en montrant que les déterminations du fini et de l'infini
sont dialectiques en elles-mêmes et non en vertu du rapport à l'idée
cosmologique de la totalité.
I 59
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
160
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANT ALE
161
A. STANGUENNEC 6
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
162
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
A - L'INTERPRÉTATION HÉGÉLIENNE
DES PREUVES DE L'EXISTENCE DE DIEU
COMME FORMES D'ÉLÉVATION DU FINI À L'INFINI
166
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
B - NÉGLIGENCE KANTIENNE
DU PRINCIPE DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE
ET DIALECTIQUE DU CONCEPT INFINI
106. Ibid.
107. Ibid., Appendice, L, 70, 145·
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
1 73
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
I74
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
C - DIALECTIQUE COSMOLOGIQUE
DE LA CONTINGENCE ET DE LA NÉCESSITÉ
INAPERÇUE DE KANT
I75
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
177
LA PHILOSOPHIE THEORIQUE
pas plus : en effet, il devrait être celui de l' « être infiniment réel »
ou du « tout ( omnitudo) de la réalité ».
En outre, renonçant à la voie empirique, caractérisant selon
Kant la théologie naturelle, l'argument s'empare de la contingence
de l'ordre observé pour conclure à l'existence d'un être absolument
nécessaire et« au concept d'une réalité qui embrasse tout ». C'est là
réintroduire la preuve cosmologique et se placer sur un « terrain »
nouveau, celui de la théologie transcendantale sans pourtant vouloir
l'avouer. Enfin, la preuve cosmologique reposant sur la preuve
ontologique, elle est justiciable de la même critique que celle-ci.
179
LA PHILOSOPHIE THEORIQUE
180
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
181
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
182
LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
18;
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
système »111. Bien plus, c'est notre propre méthode de travail qui
nous commandait, ici, d'être particulièrement attentif à la différence
entre procédé intuitif de la connaissance objective et procédé réflexif
de la connaissance philosophique. C'est dans la mesure, en effet,
où la seconde ne dispose pas du schème du temps pour rapporter les
concepts à une altérité réelle qui soit autre chose que la forme dis-
cursive de la pensée, qu'elle se contente de « penser » la possibilité
de l'expérience. Par là le« projet » critique d'un examen des limites
du savoir objectif se trouve réalisé.
La critique hégélienne de la mise en œuvre d'un tel projet a bien
consisté essentiellement à transposer dans le concept logique l'ima-
gination, non sous son aspect de médiation méthodique finie, mais
sous celui d'unité originaire des opposés dans l'âme, intuition et
concept, c'est-à-dire pour Hegel : nature et esprit. Explorant une
voie indiquée par Kant qui n'était pas parvenu à déduire la conscience
elle-même des« profondeurs de l'âme humaine »172 pourtant signalées
comme origine, Hegel retourne la théorie de la finitude en théorie
de l' Absolu. De ce déplacement fondateur opéré par Hegel en ce
nouveau centre qu'est la déduction subjective de l' Ana!Jtique sem-
blent dépendre tous les autres déplacements conceptuels qui culminent
dans la Dialectique en la prétention d'un savoir rationnel de l' Absolu.
Mais justement, Kant prétendit bien, aussi, redonner un sens à
la connaissance philosophique de l'inconditionné dans la sphère
non dogmatique de la « croyance » pratique. Hegel s'est-il montré
plus satisfait de cette extension de la raison pure à un autre point
de vue ? Cette question, relançant notre enquête dans la voie de la
philosophie pratique, doit nous occuper à présent.
La philosophie pratique
I
LES FONDEMENTS
de la philosophie pratique ·
morale et droit chez Kant et Hegel
188
LES FONDEMENTS
6. Ibid.
7. Métap~ysique des mœurs, Doctrine de la vertu, Introduction, § VI, AK, VI,
;89, 60.
8. E, § 54, Add.; G, VIII, 153; B, 507.
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
; / Le renversement hégélien :
de la règle de la volonté à la fin du désir
11. Ce rapport existe au moins en trois aspects du kantisme : celui des maîtres
théologiens du Hegel de Tübingen consolidant, grâce à Kant, « leur temple
gothique»; le kantisme fichtéen de la Grundlage des Naturrechts de 1796, «système
universel de la contrainte» (DN. G, I, 477, 46); la théorie du besoin d'un« maître»
contraignant, dans la philosophie kantienne de l'histoire.
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
A. STANGUENNEC 7
II
LA PHILOSOPHIE
MORALE
1 94
LA PHILOSOPHIE MORALE
7. Ibid., § 140.
8. Pb. histoire, G, XI, 552, ;;7.
9. Ibid., 553, ; 37-
LA PHILOSOPHIE MORALE
197
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
autres »13 ; mais cette analyse en formules est commandée par le souci
de préparer la subsomption de la nature humaine donnée sous la loi
morale universelle, en d'autres termes la « construction » métaphy-
sique des lois pratiques par la détermination des devoirs de droit et de
vertu14 • «Universalité des maximes»,« humanité fin en soi»,« règne
autonome des fins» sont des formules indispensables, « si l'on veut,
écrit Kant, en même temps ménager à la loi morale un accès... »15 ,
c'est-à-dire, préciserons-nous, l'accès des hommes. La Troisième section
des Fondements amorce la démarche synthétique de la Critique. Il
s'agit de fonder la possibilité de la synthèse de la volonté autonome et
de la loi, en partant tour à tour de chaque élément de cette synthèse.
Pour écarter ici le soupçon d'une« inconséquence »16 , il faut distinguer
le point de vue de la liberté nouménale, « raison d'être » de la loi,
et le point de vue de la volonté phénoménale soumise à la loi comme
à un impératif qui devient la « raison de connaître » sa liberté.
La distinction des phénomènes et des noumènes maintient donc
la cohérence du système des conditions de possibilité dans la philo-
sophie pratique. La première voie se place au point de vue de la possi-
bilité nouménale; tandis que la seconde, se plaçant au point de vue de
la réalité phénoménale, en fonde la condition sur une égale réalité, du
noumène : « Lorsque nous nous concevons comme libres, nous nous
transportons dans le monde intelligible comme membres de ce monde
et ... nous reconnaissons l'autonomie de la volonté avec sa consé-
quence, la moralité; mais si nous nous concevons comme soumis au
devoir, nous nous considérons comme faisant partie du monde sen-
sible et en même temps du monde intelligible »17 •
De cette démarche fondatrice à l'éthique kantienne qui va des
Fondements de la métapi?Jsique des mœurs à l' Analytique de la raison pure
pratique, les moments essentiels retenus par la critique hégélienne
seront les suivants.
D'abord, la prétention à un savoir immédiat de la raison législa-
trice de la conscience commune, dont la connaissance philosophique
cherche à expliciter les fondements: ce premier thème fera l'objet des
1 99
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
200
LA PHILOSOPHIE MORALE
faut dire tout ce que l'on pense à la seule condition de croire que c'est
vrai. Plus simplement « vrai et faux doivent être dits pêle-mêle »2 5 1
Telle est l'autocontradiction qui mine la prétention d'un savoir
de la conscience morale. Elle promet un contenu universel et néces-
saire, mais ne donne nullement ce qu'elle promet : son contenu est
la particularité la plus contingente. Le contenu du devoir n'a tout au
plus que« l'universalité dans la forme de la proposition dans laquelle ce
contenu contingent est exprimé »26 •
Supposons enfin que l'on modifie l'énoncé en disant que la cons-
cience doit savoir aussi la vérité objective. Cette solution ne vaut
guère mieux. Certes, le contenu est bien ici universel, mais d'une
part il n'est plus dès lors à la portée de la conscience commune immé-
diate, car celle-ci doit conformément à son nouvel impératif s'engager
dans la médiation et la réflexion; et d'autre part il n'y a plus ici aucun
contenu exigé puisque la conscience est invitée à chercher la vérité
qu'elle ignore : « ce contenu disparaît plutôt »27 •
Ainsi ce savoir prétendu n'en est pas un et n'est nullement
immédiat.
L'examen d'un autre commandement célèbre,« aime ton prochain
comme toi même», mènera aux mêmes conclusions 28 • Cette relation
obligée ne peut être une relation privée de la sensibilité passive, mais
au contraire relation active et intelligente dépassant !'intersubjectivité
singulière. Ainsi formulée, l'exigence ne peut être satisfaite par une
conscience de soi individuelle, ce que prétend pourtant la conscience
commune. L'idée du « bonheur d'autrui », qui est le contenu réelle-
ment moral de ce devoir, implique à la fois l'accord des sujets entre
eux et la continuité dans la durée de leurs satisfactions essentielles.
Seul l'Etat peut opérer un tel accord universel, essentiel et continu.
En face de cette opération de l'Etat, celle du singulier est si insigni-
fiante qu'elle ne mérite pas qu'on en parle ou bien se trouve brisée
par l'Etat comme crime ou tromperie opposée au droit.
Ici donc, si l'on donne à l'impératif un contenu universel néces-
saire et médiatisé, il n'est plus le fait de la conscience singulière.
25. Ibid.
26. Ibid., 324-325, 346.
27. Ibid., 325, 346.
28. Ibid., 325-326, 346-347. Dans la Critique de la raison pratique, « aimer le
prochain signifie pratiquer volontiers tous ses devoirs envers lui», AK, V, 83, 87.
Voir aussi, Du devoir d'amour envers les hommes, Doctrine de la vertu, AK, VI,
448-452, 125-129.
2.01
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
2.02.
LA PHILOSOPHIE MORALE
subjective est impuissante, car elle ne sait plus ce qu'elle doit faire,
en tant que « Moi ». Ce second membre de l'alternative est évidem-
ment tragique : il signifie que, s'il y a un devoir absolu, ce ne peut être
un devoir pour moi, car je ne peux ni le déterminer ni, a fortiori, le
réaliser.
La raison va donc se rabattre sur l'universalité formelle des lois,
puisqu'elle ne peut se donner de buts matériels universels. Elle ne se
donnera pas à elle-même de lois matérielles, mais prétendra conférer
aux contenus qui se proposent à elle comme« commandements »35 ,
la« forme» de l'universel. Le passage des « lois» ( Gesetze) aux« com-
mandements» (Gebote) marque la retombée de l'autonomie visée à
!'hétéronomie effective.
204
LA PHILOSOPHIE MORALE
C - LA NÉGATIVITÉ DIALECTIQUE
DU CONCEPT KANTIEN DE LA LIBERTÉ
206
LA PHILOSOPHIE MORALE
207
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
208
LA PHILOSOPHIE MORALE
à montrer que le« libre arbitre» en tant qu'extériorité initiale des deux
moments devient « volonté libre » en découvrant la négativité imma-
nente de chacun d'eux. Le libre arbitre doit encore découvrir sa
contradiction interne, puis s'orienter vers l'unité de son concept
universel et d'un contenu empirique. Alors seulement l'autonomie
morale trouve un sens, comme moment médian de la réalisation de la
volonté libre en et pour soi.
2.10
LA PHILOSOPHIE MORALE
211
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
2.12.
LA PHILOSOPHIE MORALE
2I3
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
214
LA PHILOSOPHIE MORALE
2.16
LA PHILOSOPHIE MORALE
2.17
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
B - POSTULATIONS, REPRÉSENTATION
ET DÉPLACEMENTS CONSTITUTIFS
DE LA VISION MORALE DU MONDE
218
LA PHILOSOPHIE MORALE
219
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
2.2.0
LA PHILOSOPHIE MORALE
2.2.I
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
222
LA PHILOSOPHIE MORALE
113. KU,§ 86, AK, V, 445, 252. Sur ce thème, cf. plus bas, Quatrième Partie,
chap. III, § 2.
l 14. Paul Ricœur, La liberté selon l'espérance, in Le conflit des interprétations,
Paris, Le Seuil, 1969, p. 407.
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
LA PHILOSOPHIE
DU DROIT
L•uN des reproches les plus graves adressé par Hegel à Kant est que
la morale de l'autonomie demeure une morale formelle incapable de
rejoindre le réel en déterminant ce qui, concrètement, doit être fait 1 •
Accusation surprenante, si l'on considère que toute l'entreprise de
la métaphysique des mœurs consiste à déterminer avec le maximum
de précision possible, ce qui, dans la sphère de l'expérience humaine,
doit être accompli par devoir. Certes la morale concrète kantienne
ou « éthique » ( Sittenlehre) n'est pas la « vie éthique » ( Sittlichkeit)
de Hegel; elle ne réalise pas toute la morale dans la sphère politique.
1. Cf. ici même, supra, chap. I, § 2. Sur l'impuissance de la forme dans l'examen
des maximes, chap. II, § 2, B.
A. STANGUENNEC 8
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
226
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
tion faite des mobiles se rattachant à ces lois. En effet, alors que le
mobile moral est le respect pour la simple forme de la loi même, un
mobile juridique est tiré « ... des principes pathologiques de déter-
mination de l'arbitre, les penchants et les aversions, et plutôt parmi
ces dernières, car ce doit être une législation qui contraigne et non
un appât qui attire »6 • La construction métaphysique du droit
reposera donc non sur la « moralité», mais sur la « légalité » du droit,
ce qui signifie la conformité extérieure de la législation juridique à
la loi morale. Convertir le droit en devoir moral serait en effet
substituer le respect au mobile pathologique qui est sa raison d'être
empirique, ce qui, étant toujours en même temps obligatoire, confère
à la loi du droit une double origine : l'une est son mobile moral, le
respect pour la loi de la raison, l'autre est un mobile proprement
juridique : la contrainte extérieure de l' « aversion ». Alors que le
but de la métaphysique des mœurs est de fonder le droit en s'appuyant
de façon continue sur la conformité à la loi morale et sur la nécessité
pratique de le convertir en devoir éthique, la philosophie de l'histoire
intégrera le mobile du droit pour montrer la nécessité de sa genèse
dans le développement de l'espèce humaine. Fondation morale et
fondation historique définissent les deux lectures complémentaires
de la législation juridique chez Kant : l'une que nous étudierons ici
dans le cadre de la philosophie pratique, l'autre qui ressortit à
l'enquête ultérieure sur la philosophie de l'histoire.
Restreinte sous un premier aspect à la simple légalité métaphy-
sique, la Doctrine du droit comporte une seconde limite de par son
caractère purement formel, puisqu'il y est fait abstraction de la
matière des fins donnée par la nature humaine. C'est en ce sens que
Kant écrit dans l'Introduction à la Doctrine de la vertu : « La doctrine
du droit ne concernait que la condition/orme/le de la liberté (consti-
tuée par l'accord de la liberté avec elle-même lorsque sa maxime était
érigée en loi universelle), c'est-à-dire le droit »7 • La Doctrine de la vertu
effectue alors le dépassement de ce niveau simplement légal et formel
auquel s'en tient la construction juridique. Tout d'abord, les devoirs
de vertu sont ceux dont la contrainte est celle d'une législation
intérieure dont le respect pour la loi est le mobile. Alors que la loi
du droit relevait de deux obligations complémentaires, l'une éthique,
l'autre proprement juridique, les devoirs de vertu ne relèvent que
2.2.7
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
228
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
26. Doctrine du droit, Introduction, B; Qu'est-ce que le droit?, in fine, AK, VI,
230, 104.
27. Ph. droit, § 29, Rem.; G, VII, 79, 89. Citation du Principe du droit, AK,
VI, 230, 105.
28. Ibid.
29. Ibid.
30. Ibid.
3x. Ibid.
32. Ibid.
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
33. Ibid.
34. Fondements de la métaphysique des mœurs, AK, IV, 431, 154.
35. Doctrine du droit, AK, VI, 219, 93.
36. Idée pour une histoire universelle, AK, VIII, 21, 65.
235
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
hommes ... »37 • Mais bien qu'il ait séparé sa théorie métaphysique
d'une conception empiriste de l'origine du droit, Kant fait, dans
le cadre de l'anthropologie, des lois juridiques un ensemble de
moyens pour des fins égoïstes extérieures à ces lois elles-mêmes,
d'où l'inéluctable nécessité de la contrainte.
Or, c'est cette extériorité des deux moments du désir que Hegel
entend remettre en question, de façon à subordonner dialectiquement
les règles aux fins. Cette subordination ne pourra donc, en tout état
de cause, être interprétée comme un retour aux philosophies simple-
ment téléologiques de la volonté. Certes, pour Hegel, la volonté est
avant tout volonté d'un but et ce but est son principe; mais la loi,
morale ou juridique, n'est en aucune façon un moyen extérieur de
réaliser ce but, comme c'est le cas dans la perspective empiriste
d'une hétéronomie de la volonté. Nous avons vu plus haut avec
quelle force Hegel saluait la valeur de l'idée d'autonomie chez Kant
pour n'avoir aucun doute à ce sujet. Hegel prétend seulement que la
fin que poursuit la conscience est la reconnaissance de sa liberté à
l'intérieur d'un but particulier qu'elle se donne. Mais la simple
« reconnaissance » mutuelle des libertés qui résout un problème de
« réflexion » et de limitation de soi dans une altérité immédiate est
ici insuffisante puisqu'il s'agit de se donner, de « produire » à partir
de la liberté, une objectivité qui implique la transformation de
l'altérité immédiate : les lois du droit répondent à ce problème de
« dialectique de développement ». Comme l'établit l'Enryclopédie :
le droit comporte un moment« phénoménologique» d'être-reconnu,
intersubjectif, et un moment« psychologique» sursumant le premier :
le système développé des lois 38 •
La critique du concept de droit est donc la conséquence directe de
la critique du concept de liberté étudiée plus haut. Si Kant définit le
droit par la contrainte légale des arbitres, c'est parce qu'il n'aperçoit
pas la continuité entre la volonté particulière (l'arbitre) et la volonté
universelle (la volonté de la loi). L'arbitre reste l'objet d'une psycho-
logie en termes d'égoïsme, tout au plus d'insociable sociabilité. Dès
lors, puisque la volonté universelle ne s'engendre pas du sein de la
volonté particulière, la philosophie du droit mène à la justification
fichtéenne d'une forme de despotisme légal telle qu'il la critiquait
dans la Différence : « ... suivant cet idéal des Etats, il n'y a pas un acte,
pas un mouvement qui ne doive nécessairement être soumis à une
loi »38 • Chez Kant, cette extériorité contraignante de la loi est déjà
présente dans la morale qui fonde la théorie du droit puisque l'analyse
du respect comme expérience éthique originaire implique l'affection
par une représentation qui contraint le désir au-dedans même de
l'individu. Conformément aux analyses de L'esprit du christianisme
faites à Francfort (1797-1800), « ... l'homme qui obéit au simple
commandement du devoir ... est, de ce fait, son propre esclave »40 •
La critique de la notion de contrainte comme définition du droit et
plus largement de l'éthique mène à l'idée que c'est la« vision morale
du monde » qui en est directement la source. Conformément à un
déplacement qui nous est devenu familier, Hegel va décentrer
l'analyse de la volonté de la loi du contexte d'une philosophie de la
« réflexion extérieure » pour la replacer dans celui d'une dialectique
de « développement » de la volonté particulière. La téléologie de
l'arbitre substituée à la nomologie de la volonté morale comme
fondement du droit signifie que la volonté particulière veut se savoir
comme libre (moment universel) dans sa particularité. Loin d'être
des moyens extérieurs de sa limitation, les lois du droit abstrait, de
la moralité, puis de l'Etat sont les « organes » de sa réalisation
objective.
Appréhender le rapport de la liberté à la loi sous la forme de la
contrainte, c'est manquer la liberté comme « être-chez-soi-même
dans l'autre», penser le juridique à partir de ce qui, sans doute, en est
une forme historiquement aliénée, même historiquement nécessaire.
De par sa nature historique, reflet d'un monde où la bourgeoisie
coupe la volonté des intérêts particuliers de la volonté de liberté
universelle41 , la définition kantienne du droit est celle d'un droit
« faussé ». Aussi la contrainte juridique est-elle, si vraiment vécue,
non vraiment pensée, puisque illusion de l'esprit désirant qui ne se
comprend pas lui-même. Ce n'est que du point de vue d'une volonté
qui n'a pas reconnu en soi - ou qui, l'ayant reconnue, ne l'a pas
désirée - la volonté de se réaliser dans l'universel, que l'on peut
définir comme Kant et Fichte le droit par la contrainte légale des
arbitres. De plus, l'on définit alors le droit en général à partir de la
237
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
43. Sur le statut méthodique du concept d'histoire chez Kant, cf. notre
Quatrième Partie, chap. III, § I et § 2, sur la signification purement « juridique »
du concept chez Hegel, ibid., § 3.
44. Doctrine du droit, AK, VI, 237, III.
45. Ph. droit, Introduction, § 3, Rem.; G, VII, 42, 64.
239
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
2 / Le droit privé
réel, nous pouvons revenir sur celle qui vise la confusion entre
déterminations relevant du droit privé ou « abstrait » et du droit
public. Il s'agit plus précisément pour Hegel del' « immixtion »&a de
l'idée de contrat et des relations de propriété privée dans la sphère
du droit public à laquelle se rattachent, selon lui, la famille aussi bien
que l'Etat. Cette critique est fondamentale non seulement d'un
point de vue historique puisqu'elle concerne identiquement tous les
philosophes du contrat de Rousseau à Fichte en passant par Kant,
mais plus particulièrement d'un point de vue « doctrinal » si l'on
considère les critiques hégéliennes de Kant : Hegel met alors en
question le mouvement même de la Doctrine du droit qu'il interprète
comme la subordination du droit public au droit privé.
Considérons d'abord la critique du fondement contractuel des
relations entre époux, avant d'en venir aux thèses du droit politique.
Cette critique du contrat matrimonial, renvoyant à la totalité étatique,
constituera alors pour nous une transition du droit privé aux critiques
du droit public.
z43
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
244
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
67. Ibid.
68. Ibid.
69. Ibid.
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
J / Le droit public
247
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
81. Ph. droit, § 260; G, VII, 337-338, 264, souligné par nous.
82. E, § 545; G, X, 425; GI, 289.
83. PHG, G, II, 147, I, 154.
84. Ph. dr11it, § 258, Rem.; G, VII, 330, 259. Cf. sur le Droit naturel, G, I,
450-451, 23-24.
85. Ph. droit, § 258, Rem.; G, VII, 330, 259, associe Rousseau et Fichte à cet
éloge du principe idéaliste, et non plus Kant et Fichte comme en DN, G, I,
474, 43, sans doute parce que les deux premiers séparent nettement droit et
éthique.
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
86. Ibid.
87. Fichte, Grond/age der Naturrechts, SW, W. de Gruyter & Co., Berlin, 1962,
III, p. 54·
88. Ibid., p. 106, note sur la volonté générale.
89. Différence, G, I, 109, 130.
zp
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
90. Cet être« commun» est la totalité politique stricto sensu, cf., § l 6, S W, III,
p. 150et sq.
9i. Sur ces points, L. Ferry, Philosophie politique, I, Paris, PUF, 1984, Deuxième
Section, chap. II, p. 147-181.
92. Cf. M. Guéroult, Etudes citées, p. 61 : Chez Fichte« ... c'est la morale qui
dépend du droit, sans que celle-là pourtant s'en déduise. » Ajoutons que Hegel
ira jusqu'à cette déduction de la morale à partir de son concept de droit.
2.p.
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
Il n'est pas plus possible de« subsumer »93 l'Etat que le mariage
sous le concept de contrat. Tout d'abord « le contrat provient du
libre arbitre »94 • Le libre arbitre veut librement un contenu parti-
culier donné et ne peut vouloir l'Etat; la volonté libre qui se veut
comme synthèse de l'universel et du particulier peut, au contraire,
vouloir l'Etat qui est cette synthèse. Ainsi le libre arbitre est le
moment de la contingence dans la volonté : il est, rappelons-le,
pour Hegel, le moment où à l'indépendance autoposée de la réflexion
est simplement juxtaposée une multiplicité de contenus particuliers
donnés. Si l'on s'en tenait à une philosophie du contrat solidaire
de cette modalité inchoative de l'arbitre, telle que l'est celle de
Kant, il s'ensuivrait qu'il est facultatif de contracter le lien politique
et donc de faire partie de l'Etat. Or, la volonté de l'Etat est aussi
nécessaire que l'est la volonté de liberté dont il est l'effectuation
achevée. L'Etat est cette volonté universelle qui se veut comme
universelle à travers les classes particulières qui articulent sa parti-
cularité naturelle, c'est en elle que la volonté libre voulant la volonté
libre, initialement déterminée à partir de l'esprit subjectif psycho-
logique, trouve sa vérité. Secondement, dans un contrat les individus
contractant demeurent extérieurs; ils ont une volonté commune,
mais ne peuvent avoir une volonté générale « ... dans cette identité
255
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
C - INCOMPLÉTUDE SYNTHÉTIQUE
DU CONCEPT DE LIBERTÉ SUBJECTIVE
COMME BASE DE L'ÉTAT
257
A. STANGUENNEC 9
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
117. KU, § 59; AK, V, 352, 174· L'Etat est pensé comme« organisation»,
ibid.,§ 65, note, 375, 194·
uS. Doctrine du droit, § 46; AK, VI, 313, 196.
u9. Rousseau, Discours sur l'économie politique, Pléiade, III, p. 245. Ce rappro-
chement est suggéré par G. Gurvitch dans son article, Kant et Fichte, interprètes
de Rousseau, Kantstudien, 1922, XXVII, reproduit dans Revue de métaphysique et de
morale, 76• année, n° 4, octobre-décembre 1971, p. 293.
120. Contrat social, première version, livre II, chap. IV, Pléiade, III, p. 329.
12i. V. Goldschmidt, Anthropologie et politique, Les principes du système de
Rousseau, Vrin, 1974, p. 349·
122. Doctrine du droit, § 47; AK, VI, 315, 198.
260
LA PHILOSOPHIE DU DROIT
2.61
QUATRIÈME PARTIE
La critique de la
f acuité de juger
et la philosophie de
!'histoire
INTRODUCTION
Le principe de finalité
et l'unité de la philosophie
266
INTRODUCTION
là à la nature, par analogie avec une fin, pour ainsi dire une considé-
ration pour notre faculté de connaître »11 signifie que tout se passe
comme si le fondement suprasensible de l'objet perçu était harmonisé
finalement avec notre subjectivité par un entendement infini de la
nature tel que celui que nous postulions dans la philosophie pratique.
Mais, en second lieu, le postulat de la théologie morale oriente
encore la philosophie vers la recherche de signes éventuels de la
détermination du fondement suprasensible par un entendement
infini,« ... dirige l'attention sur les fins de la nature et suscite l'examen
du grand art incompréhensible, caché sous les formes de celle-ci,
afin de donner, occasionnellement, grâce aux fins naturelles une
confirmation aux Idées fournies par la raison pratique »12 • Or, la
seule façon pour nous de juger de la possibilité de la disposition et
de la liaison des parties de certaines productions de la nature, c'est
d'attribuer à leur concept une causalité à l'égard de l'existence même
de ces objets. De plus, nous avons une raison de juger l'homme non
pas simplement ainsi que tous les êtres organisés comme une « fin
naturelle »13 , mais encore comme la « fin dernière » ( letzte Zweck) du
système de la nature sur Terre puisqu'il est, sur celle-ci, « ... le seul
être qui peut se faire un concept des fins et qui par sa raison peut
constituer un système de fins à partir d'un agrégat de choses formées
finalement »14 • Il est même permis de penser que, parmi l'ensemble
des fins qui font de l'être vivant raisonnable la fin dernière du système
de la nature sur Terre, c'est le progrès juridique de l'espèce humaine
que la nature semble avoir avant tout en vue, puisque« ... la condition
formelle sous laquelle seule la nature peut atteindre cette intention
ultime (Endabsicht) qui est sienne est cette constitution ... dans un
tout qui se nomme société civile »15 •
17. Eloges spéculatifs dans E, § 45. Rem.; G, VI, 327; GI, 6r. Cf. déjà GUW,
G, I, 315-324, et HPH, G, XIX, 596-608.
268
I
La critique de
LA FACULTÉ DE JUGER
ESTHÉTIQUE
27. KU,§ 42; AK, V, 302, 134, cité par Hegel; Esthétique, G, XII, 69, 34·
28. Ibid., § 45, 307, 138.
29. Ibid., § 46.
30. A propos de la notion de « norme » esthétique nous avons comparé les
deux esthétiques, in La représentation du corps humain dans les Esthétiques de
Kant et de Hegel, Textes et langages, Université de Nantes, 1982, n° 7, p. 105 à 123.
274
LA FACULTÉ DE JUGER ESTHÉTIQUE
2.75
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
2 77
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
2 79
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
280
LA FACULTÉ DE JUGER ESTHÉTIQUE
281
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
64. Ibid.
II
La critique de
LA FACULTÉ DE JUGER
TÉLÉOLOGIQUE
286
LA FACULTÉ DE JUGER TÉLÉOLOGIQUE
Mais la façon dont le tout prédétermine les parties dans les deux
cas est bien différente, et les dissemblances ne sont pas moins remar-
quables que les similitudes.
Kant rappelle utilement que dans un produit d'art, la causalité
des concepts est celle d'un être raisonnable« extérieur »19 qui conçoit
le plan de l'œuvre en sa totalité avant d'en réaliser la synthèse des
parties. Dans un être vivant, au contraire, l'idée du tout - nécessaire
à la pensée de la finalité en général en tant qu'elle détermine la forme
et la liaison des parties - est pensée comme immanente aux parties
qui sont réciproquement « ... les unes par rapport aux autres cause
et effet de leur forme »20 • Dans la Phénoménologie de l'esprit, Hegel
adopte le point de vue kantien : « Les moments posés dans la néces-
sité l'un en dehors de l'autre, les moments de la cause et de l'effet,
de l'actif et du passif sont ici réunis et contractés en une unité »21 •
On peut donc dire, reprend en écho la Science de la logique, que« dans
l'activité téléologique la fin constitue le commencement, que la
conséquence est le principe et l'effet la cause »22 • Toujours tenté
d'interpréter une contradiction authentiquement dialectique comme
une contradiction formelle, Kant écrivait que « si toutefois il n'y a
pas là contradiction »23 , il faut dire « qu'une chose existe comme fin
naturelle lorsqu'elle est cause et effet d'elle-même »24 • Dire que
l'universel est immanent au particulier, c'est envisager un autre
rapport entre l'universel et le particulier que celui qui se présente
dans le jugement déterminant; dans le jugement de connaissance
par catégories schématisées, la forme logique de la catégorie et le
contenu empirique de la perception demeurent extérieurs l'un à
l'autre, malgré la médiation du schème temporel qui les identifie
«relativement» ou partiellement.« Un tel universel qui est seulement
subsumant est un abstrait qui ne devient, que grâce à un autre, un
particulier, un concret »25 • La fin naturelle est au contraire un universel
concret et il faut louer Kant d'avoir eu l'audace de reconnaître, dès
lors, que l'empirique est en lui-même pensée ou que l'objet, le perçu,
est en lui-même sujet pensant, bref que nous sommes en face de
l'absolu, du sujet-objet !
288
LA FACULTÉ DE JUGER TÉLÉOLOGIQUE
STANGUENNEC 10
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
43. Cf. sur ce point l'article d'A. Philonenko, L'antinomie téléologique chez
Kant, Revue de métapf!ysique et de morale, Paris, janvier-mars 1977.
44. WL, G, V, 209; SJ, II, 435.
45. KU, § 70, 386, 203.
46. KU, Première Introduction, AK, XX, 212, 34.
47. KU, § 72, 391, 207.
LA FACULTÉ DE JUGER TÉLÉOLOGIQUE
58. Ibid.
59. A. Philonenko, L'antinomie téléologique chez Kant, op. cit., p. 37.
60. GUW, G, I, 319, 222.
6I. Ibid.
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
62. E, § 58; G, VIII, 156-157; B, 319 souligné par Hegel: zwei g/eich subjek-
tiven.
63. KU, § 65; AK, V, 374, 194·
64. Premiers Principes, Mécanique, Théorème J, Remarque, AK, IV, 544, 132 :
L'inertie « ... ne signifie pas un effort positif pour maintenir son état ».
LA FACULTÉ DE JUGER TÉLÉOLOGIQUE
65. D'un ton de grand seigneur adopté naguère en philosophie, AK, VIII, 400, 102,
note de Kant, souligné par nous.
66. Cf. G. Lebrun, Kant et /afin de la métaphysique, A. Colin, 1970, p. 469.
67. E, § 219; G, VIII, 432; B, 452.
z97
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
LA PHILOSOPHIE
DE L'HISTOIRE
300
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
301
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
;oz
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
14. Idée pour une histoire, Quatrième proposition, AK, VIII, :z.o, 64.
15. Ibid., Huitième proposition, 27, 73.
16. Ibid., 17, 59.
17. Troisième Partie, chap. II, § :z. C, in fine.
18. Ibid., Sixième proposition, :z.3, 67.
19. Ibid., :z.:z., 66.
:z.o. Ibid., Cinquième proposition, :z.:z., 66.
:z.1. Ibid., Sixième proposition, 23, 69.
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
29. DoçJrine du droit, Introduction générale, II; AK, VI, 2.17, 91.
30. En particulier Introduction, § II et § IX.
FACULTÉ DE JUGER ET HISTOIRE
Le « bois » dont l'homme est fait est « courbe »'°. Par la conversion
de son mobile, qui demeure un devoir moral, la législation juridique
serait transformée en législation éthique. C'est à cette seule condition
que le titre de « seigneur de la nature »46 conféré à l'homme par
l'anthropologie théorique est« mérité». Seule l'anthropologie morale
peut juger du mérite ou de la dignité à ce titre : l'homme « ... mérite
certes le titre de seigneur de la nature ... mais ... à la condition qu'il
sache et qu'il veuille établir entre elle et lui une relation finale telle
qu'elle soit indépendante de la nature et se suffisant à elle-même ... »47 •
A l'avantage de fournir un devoir de droit, conférant à ce dernier
la dignité dont il reste dépourvu en tant que simple donnée anthro-
pologique, fût-elle nécessaire, la philosophie de l'histoire ajoute le
bénéfice de déterminer « le concept qui médiatise les concepts de la
nature et le concept de liberté »48 , concept dont la recherche constitue
l'ambition d'une Critique de la faculté de juger. Si la fin dernière de la
nature est la culture - primordialement juridique - de l'espèce
humaine, on reconnaît dans l'histoire « ... la possibilité du but final
qui peut se réaliser seulement dans la nature et en accord avec ses
lois »49 •
liberté. Mais, entre les deux termes du passage, l'abîme demeure, car
ontologiquement la différence entre la nature et la liberté n'est pas
réduite et le pont que la pensée jette entre les deux est méthodologi-
quement une« critique», non une« doctrine» : le jugement de finalité
historique dispose d'un principe seulement régulateur pour la
réflexion historique. Il n'y a pas de « doctrine » de l'histoire. Si la
finalité de l'histoire est coupée, chez Kant, de la doctrine pratique
de la moralité et du droit, c'est méthodologiquement le rattache-
ment de l'histoire à la doctrine du droit et de la moralité qui semble
décider chez Hegel de la nature et de la portée des critiques à l'en-
contre du jugement de réflexion historique. Essayons donc de nous
demander, en l'absence de sa lettre, ce que pourrait être l'esprit
d'une telle critique hégélienne de l'histoire.
50. La raison dans l'histoire, L, 39, 58. Non seulement dans La raison dans
l'histoire, mais ailleurs, Hegel, certes, parle souvent de la « Providence divine »
(E, § 209, Add.; G, VIII, 420; B, 614) et même des« intentions de Dieu» (ibid.).
Mais il adopte alors le langage de la représentation religieuse, inadéquat au
concept d'une raison immanente.
51. Ibid.
52. Idie pour une histoire universelle, Proposition neuvième, AK, VIII, 30, 78.
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
même. Ainsi la science se décompose dans les trois parties que sont :
1) la logique, la science de l'Idée en et pour soi; 2) la Philosophie de la
nature, en tant qu'elle est la science de l'Idée en son être-autre; 3) la
Philosophie de l'esprit en tant que de l'Idée qui, de son être-autre fait
retour en soi-même »51.
Le concept de l'esprit dont relève l'histoire est, bien entendu,
d'abord celui de l'esprit« objectif» ou du« droit», synthèse dans le
système hégélien, de la conscience phénoménologique et de l'esprit
psychologique. Nous avons tenté de montrer plus haut que le droit est
l'unité .rynthétique du désir phénoménologique de reconnaissance et du dévelop-
pement de l'esprit libre dans !'universel concret de la loi58 • Or, l'histoire et
son« sujet», l'esprit, sont l'ultime moment de la dialectique du droit :
« Cette libération de l'esprit, dans laquelle il avance pour venir à
soi-même et rendre effective sa vérité, et le travail de cette libération,
tel est le droit suprême et absolu »59 . L'histoire, comme le droit,
comportera donc un moment« phénoménologique» et un moment
« psychologique ». Plus précisément, le désir de reconnaissance est le
moment temporalisant de l'histoire, tandis que son « principe
substantiel » demeure l'organisation légale des peuples, qui corres-
pond au « développement» de l'esprit pratique.
Déjà lorsqu'il analysait, dans la Phénoménologie du système, la lutte
de la reconnaissance, il faisait d'elle le« ... commencement extérieur
ou phénoménal ( erscheinende Anfang) des Etats, mais non leur
principe substantiel »60 • Néanmoins, même si« ... la violence qui est le
fond de ce phénomène n'est point pour cela le fondement du droit »n,
l'histoire, qui comporte une telle violence, comporte aussi, à titre de
moment complémentaire, le principe fondateur du droit qu'est le
concept d'Etat. Elle est l'unité synthétique de la volonté libre en un
Etat et de la lutte pour la reconnaissance. La transition entre l'analyse
du concept de droit et la dialectique de l'histoire proprement dite est
assurée, dans l' Enryclopédie par la notion de« droit public extérieur »82 :
«Par l'état de guerre est mise en jeu l'autonomie des Etats et amenée,
d'un côté, la reconnaissance réciproque de l'individualité libre des
peuples »63 • Mais chaque peuple est aussi amené à se faire reconnaître
en tant qu'il manifeste un degré du concept de liberté politique
comme développement de la volonté libre « psychologique ».
Hegel ne justifie pas avant tout la guerre entre les Etats par le
fait que « le conflit entre les Etats, quand leurs volontés particulières
ne peuvent trouver un accord, ne peuvent être réglées que par la
guerre »64 , mais essentiellement parce que la guerre conserve la santé
éthique du peuple, manifestant son élévation au-dessus de la vie
naturelle, le réveillant d'un assoupissement dans des activités « repro-
ductives» qui risqueraient de l'engloutir dans l'être-là« ... comme le
ferait pour les peuples une paix durable ou, a fortiori, une 'paix
perpétuelle' »65 • Les Principes de la philosophie du droit reprendront
cette réfutation « antimoralisante » de la paix perpétuelle kantienne :
« On présente souvent la paix perpétuelle comme un idéal vers lequel
l'humanité devrait tendre. Kant, par exemple, a proposé une ligue
fédérative des puissances ( ...). Mais l'Etat est une individualité et la
négation est essentiellement contenue dans l'individualité »66 • Kant a
donc transposé dans le domaine des rapports entre les Etats, un
mode de pensée élaboré pour les personnes morales puis les individus
du droit privé. Or,« ... l'Etat a immédiatement son être-là, c'est-à-dire
son droit, non pas dans une existence abstraite, mais dans une
existence concrète »67 • Mais si l'opposition de la morale à la politique
repose sur la « manière plate de se représenter la moralité »68, une
interprétation ramenant l'intérêt concret, invoqué par tous ces
passages, à l'intérêt« naturel» paraît tout aussi empreinte de platitude
et manquer la médiation de la Sittlichkeit. Cette existence concrète
n'est pas une« plate» lutte d'intérêts, mais lutte pour la reconnaissance
de la dignité spirituelle « ... dans une situation et dans des circons-
tances extérieures propres »6 9 •
Déjà au strict plan du droit abstrait, la lutte pour la reconnaissance
doit attendre de la législation son fondement conceptuel; il en va de
même dans l'histoire où c'est en tant qu'il lui impose le contenu de
son droit politique qu'un peuple est « vraiment » reconnu par un
63. Ibid.
64. Ph. droit, § 334; G, VII, 443, 331.
65. Droit naturel, G, I, 487, 56.
66. Ph. droit, § 324, Add.; G, VII, 435-436, 325.
67. Ibid., § 337, Rem., 444, 332.
68. Ibid., 445, 332.
69. Ibid., 444, 33i.
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
316
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
320
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
91. V. Basch, Essai critique sur l'esthétique de Kant, Paris, Alcan, 1896, p. 607.
A, STANGUENNEC 11
Conclusions
A, STANGUENNEC 12
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
46. Ibid., chap. III, § 3, sur cette téléologie du savoir absolu dans l'histoire.
47. Cf. plus haut, Troisième Partie, chap. II, § 3, B et chap. III, § 3.
48. Cf. plus haut, Quatrième Partie, chap. I, § 1 et§ 2.
CONCLUSIONS
333
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
334
CONCLUSIONS
335
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
78. E, § 60.
79. Ibid., cf. plus haut, Deuxième Partie, chap. III, § 5, A.
80. Troisième Partie, chap. II, § 1, Iéna.
337
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
84. Ibid., § I, A.
85. Ibid., § 2, A.
86. Cf. Deuxième Partie, chap. II, § 2.
87. Ibid., chap. IV, Introduction et § 2, Introduction.
88. Ibid., chap. I, § 2, fin.
89. Hegel, cité chap. II,§ 1; E, § 231, Rem.
90. Ibid., chap. III, § 1, A.
339
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
9 I. Ibid., chap. I, § I.
92. Ibid., chap. III, § 5.
93. Ibid., chap. IV, § 1, B.
94. Ibid., chap. III, § 2, B, 4, in fine.
95. Deuxième Partie, chap. II, § 1 et § z.
96. Ibid., chap. IV, § z, B.
97. Ibid., Troisième Partie, chap. I, § 3.
98. Ibid., chap. I, § 2.
99. Ibid., chap. II, § z, C.
100. Ibid., § z, C, et Quatrième Partie, chap. III, § 1.
101. Troisième Partie, chap. III, § 1, A.
102. Quatrième Partie, chap. III, § 1.
CONCLUSIONS
341
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
l'identité des lois coexiste avec la différence des mobiles1 o'. Il consi-
dère que, dans « autonomie » « se donner sa loi » signifie pour le
sujet« produire à partir du néant qu'il est, l'existence de la loi»;
ce qui entraînerait une contradiction immédiate dans le concept
d'autonomie de la conscience singulière105 avec cette conséquence
que la bonté de la conscience dépendrait de l'universalité de ses
maximes. Il néglige alors les conditions concrètes de l'éthique
kantienne où il faut supposer la bonne volonté comme mobile de
l'examen même et où la loi de la nature n'est pas produite mais
présupposée comme un « type »106 • Indubitables glissements séman-
tiques des postulats que Hegel identifie à l'essence de la conscience
morale, en en faisant des croyances nécessaires comme « devoirs »,
en y transposant l'unité transcendante du créateur en identité imma-
nente dans l'Etat de la liberté et de la nature1 0 7 • Tout aussi indis-
cutables semblent être la réduction de la construction métaphysique
du droit - qui chez Kant obéit à une logique de la « réflexion »
subsumante - à une logique du développement du Concept de
liberté108 et le jeu sémantique sur le « droit personnel »109 , comme le
« blocage » de signification, en droit privé, du concept de contrat
social110 •
Quant à l'omission essentielle, elle concerne à nouveau le rôle
régulateur et « critique » de la totalité qu'est le souverain bien111
comme celui de l'Idée de contrat social dans la philosophie du
droit112 • En effet, dans le contrat rousseauiste repris par Kant puis
Fichte, c'est l'Idée régulatrice d'une « constitution juridique parfaite
entre les hommes » qui est au fondement de l'engagement que
chacun doit pouvoir prendre vis-à-vis de lui-même et donc chacun
vis-à-vis des autres. L'omission de la signification et de la fonction
proprement kantiennes de l'Idéal régulateur, déjà repérée dans les
réfutations de la philosophie théorique, se répète ici113 •
342
CONCLUSIONS
34;
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
344
CONCLUSIONS
345
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WL, SJ, Wissenschaft der Logik (Science de la logique), trad. par S. Jankélévitch, Paris,
Aubier, 1949, I et II. Le tome I est la traduction de la seconde édition de la
Doctrine de l'être, parue en 1832. Lorsque le texte n'en a pas été modifié en
seconde édition nous renvoyons de préférence à la traduction de P. J. Labar-
rière et G. Jarczyk.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
LA PHILOSOPHIE THÉORIQUE
I - LE PROJET CRITIQUE 49
r / Pétition de principe et prijugé dans/' examen de la connais-
sance comme instrument 49
2 / Absurdité d'une connaissance extérieure à la connaissance 51
II - L'ESTHÉTIQUE TRANSCENDANTALE 58
r / L'espace et le temps, oijets de propositions faussement
rynthétiques 59
2 /Exposition transcendantale du temps: du temps-réceptacle
fixe à la boulimie de Chronos 66
IV LA DIALECTIQUE TRANSCENDANTALE
353
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
TROISIÈME PARTIE
LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
I - LES FONDEMENTS
DE LA PHILOSOPHIE PRATIQUE
morale et droit chez Kant et Hegel 187
354
TABLE DES MATIÈRES
QUATRIÈME PARTIE
355
HEGEL, CRITIQUE DE KANT
CONCLUSIONS 3z3
I / Hegel contre Kant : le bilan des réfutations 3Z 3
2 J De Kant à Hegel : les déplacements de concepts 338
BIBLIOGRAPHIE 347
Imprimé en France
Imprimerie des Presses Universitaires de France
73, avenue Ronsard, 4uoo Vendôme
Octobre 1985 - N° 31 040