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LA PSYCHANALYSE : UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

Ana-Maria Rizzuto

L’Esprit du temps | « Topique »

2002/1 no 78 | pages 65 à 86
ISSN 0040-9375
ISBN 2913062938
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-topique-2002-1-page-65.htm
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La psychanalyse : une transformation
du sujet par la parole*

Ana-Maria Rizzuto**
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L’analysant qui vient nous consulter est un sujet souffrant qui n’arrive pas à
donner sens à ses sentiments, actions et réactions contraignants et qui se dit :
« Je sais que quelque chose ne va pas avec moi mais je n’arrive pas à le
comprendre. » L’analyse qu’il demande accomplira ses effets de transformation
en articulant par la parole son expérience psychique, ce domaine de souffrance
qui s’étend entre les deux pronoms : le « je » qui n’arrive pas à donner sens au
« moi ».
Je définis le sujet comme l’aspect de la personne totale qui fait consciemment
l’expérience de la vie psychique. La personne totale est responsable de toutes les
actions psychiques qu’elles soient conscientes, préconscientes ou inconscientes
(le « self-acteur » de Meissner, 1993). Je suis d’accord avec Meissner lorsqu’il
dit que les actions inconscientes, qui sont néanmoins accomplies par l’activité
propre de la personne, ne sont pas des actions accomplies par le sujet. Le sujet
fait l’expérience de lui-même par la médiation de ses activités internes et externes :
sentiments, pensées, actes. Ce mode de découverte subjective fait du mot parlé
un outil optimal pour rendre explicite l’expérience du sujet, parce qu’il possède

* Traduction de Patrick Miller


** D’origine argentine, Ana-Maria Rizzuto est psychanalyste titulaire du Psychoanalytic
Institute of New England, membre de l’American Psychoanalytic Association et de l’I.P.A. Elle
exerce la psychanalyse à Boston.
Auteur de nombreux articles sur les rapports entre le langage et la psychanalyse, elle a publié
en particulier une série de textes sur l’article de Freud « Sur l’aphasie » et sur la fonction du dis-
cours et de la parole en psychanalyse, en particulier : « Metaphors of a bodily mind ».
Elle est l’auteur de deux ouvrages :
– The birth of the living god. A psychoanalytic study. The University of Chicago Press (1979)
– Why did Freud reject God ? A Psychodynamic Interpretation. Yale University Press (1998)

Topique, 2002, 78, 65-86.


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des éléments actifs de pensée, d’imagerie et de sentiments ainsi qu’un aspect


d’action dans la réalité lorsque, dans le dialogue, se produit l’alternance entre les
moments on l’on parle et les moments où l’on écoute l’autre.

D’OÙ VIENT LE SUJET?

Freud, influencé par le positivisme de son temps, n’a pas élaboré de théorie
du sujet (Moran, 1993). Lacan a été le premier psychanalyste à conceptualiser
le sujet, dans le contexte de sa théorisation de l’inconscient structuré comme un
langage. Le sujet de Lacan ne requiert pas l’expérience subjective de soi-même
dont je parle. Pour lui le sujet « n’est pas simplement équivalent au sentiment
conscient d’être en train d’accomplir quelque chose, ce qui serait une pure illusion
produite par le moi (ego)... Le « sujet » de Lacan est le sujet de l’inconscient. »
(Evans, 1997, p. 195) Pour lui « le sujet est un effet de langage » ... « en vertu de
son assujetion au champ de l’Autre ». Les affirmations de Lacan restent de l’ordre
de la construction théorique, aussi vaste soit-elle.
Ce dont nous avons besoin c’est d’une théorie psychanalytique qui nous
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montre comment le sujet engagé dans l’expérience de lui-même advient à l’exis-
tence et devient capable de parler de lui-même. Nôtre tâche consiste à trouver
le sujet vivant dans ce qu’il nous communique de façon à transformer sa
souffrance conflictuelle en une compréhension de soi-même qui fasse sens
affectivement.

Afin de créer une théorie de la fonction transformative de la parole en


psychanalyse nous devons élaborer les trois problèmes suivants :
1) La parole en tant que matrice du lien intersubjectif dans laquelle l’enfant
vient au monde.
2) L’urgence dans laquelle se trouve l’organisme (corporel) de satisfaire ses
besoins (pulsions) et le rôle qu’elle joue en tant que substrat de la subjectivité.
3) L’émergence de l’expérience de soi-même et de la parole.

1. LA PAROLE EN TANT QUE MATRICE DU LIEN INTERSUBJECTIF

Pour Winnicott il n’y a pas de bébé sans mère ni de mère sans bébé. La mère
en tant qu’environnement qui procure le holding pour le bébé, ainsi que sa réponse
à ses besoins, à ses gestes spontanés et la manière dont elle s’offre comme miroir
de lui-même, tout cela dispense ce qui est essentiel pour que l’infans se constitue
en self. Winnicott (1971) a insisté sur le rôle visuel du visage en tant que miroir
qui organise le sentiment de soi du bébé.

Il faut élargir cette conception de Winnicott afin d’y ajouter la voix mater-
nelle avec son pouvoir de toucher le bébé émotionnellement tandis qu’elle se rend
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UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

compte des états affectifs de l’enfant et qu’elle y répond par des actions et des
mots. Je paraphrase Winnicott (1971) : Qu’est-ce que le bébé entend lorsqu’il
entend la voix de sa mère ? S’agissant du bébé qui contemple le visage mater-
nel Winnicott répond : « Le bébé se voit ou la voit ». Lorsque la mère répond au
geste spontané du bébé en nommant le besoin et en s’adressant à lui avec un ton
de voix chargé d’une coloration émotionnelle spécifique, puis satisfait le besoin,
elle a donné au bébé, avant qu’il ne comprenne le langage, une interprétation
verbale et en action de l’expérience subjective qui lui apporte une satisfaction
agréable. Ce que le bébé entend, ressent, perçoit dans l’affect de la voix mater-
nelle c’est lui-même compris comme un self dont le monde intérieur a été reconnu
et rencontré par la voix maternelle. Pour paraphraser à nouveau Winnicott (1962)
le bébé pourrait dire à la mère : « Je ressens que tu me connais de l’intérieur
parce que ta voix me touche dedans puis tu me procures une satisfaction. »1
Il faut remarquer que si le visage reflète l’enfant tout entier il ne possède pas
le pouvoir somatique pénétrant et affectif de la voix qui touche l’enfant viscé-
ralement. Les recherches de Wolff (1963) montrent que les enfants sourient
d’abord à la voix maternelle et plus tard au visage maternel ce qui laisse suppo-
ser que l’effet de miroir de la voix précède celui du visage. À partir de ces
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affirmations je veux souligner deux points : 1) Le plaisir d’avoir été touché inté-
rieurement en tant que self par la voix et la parole maternelles, qui annonce
fréquemment la satisfaction prochaine des besoins, confère à l’expérience
d’entendre quelqu’un s’adresser à soi l’espoir d’être trouvé par un objet lorsqu’on
se sent perdu et en manque. L’expérience renouvelée d’éprouver la satisfaction
après avoir entendu quelqu’un vous parler soutient peut-être l’espoir préconscient
qui engage l’analysant à accepter le traitement analytique. 2) Un enfant qui
apprend à parler mais dont le langage maternel n’a pas été le miroir de son
expérience interne utilisera le langage d’une manière qui n’engage pas le self
(Rizzuto, 1988; Marty, 1963).

Depuis le début de la vie les enfants sont englobés dans une matrice de parole.
Le fœtus répond aux sons dès le cinquième mois. Les bébés préfèrent la voix de
la mère après la naissance à toute autre (Kolata, 1984) et après le quatrième mois
ils préfèrent les mots à tout autre son (Butterfield and Siperstein, 1974). Ces
découvertes suggèrent que les composantes prosodiques du langage parlé ont
un effet profond sur le plaisir que trouve le bébé dans la parole et la voix mater-
nelles qui n’est pas relié à la satisfaction des besoins. Les mères comprennent le
plaisir que le bébé trouve dans la voix et la parole maternelles car elles plongent
leurs enfants dans un « bain de son » (Mowrer, 1952). La prosodie de la voix
humaine semble être l’internalisation la plus précoce de la mère. Elle ne présente

1. De toute évidence, Winnicott ni moi-même ne mettons rien d’autre dans ces phrases que le
bon visage et la bonne voix de la mère qui reconnaissent l’enfant. L’échec à établir un contact avec
le bébé dans les deux registres a toujours des effets délétères sur le développement de l’enfant.
68 TOPIQUE

pas de valeur linguistique mais elle porte un message affectif puissant qui signifie
l’intention maternelle d’engager un lien émotionnel avec le bébé (Fernald, 1996,
p. 83). Les composantes affectives de la relation présentes dans la voix humaine
demeurent une clé essentielle pour entendre et interpréter les composantes
affectives des communications verbales. Les analystes s’efforcent de parler à
leurs analysants avec des voix calmes et égales comme pour leur adresser le
message prosodique qu’ils veulent les écouter. L’analysant à son tour écoute le
message affectif prosodique dans la voix de l’analyste pour s’assurer des
intentions de l’analyste.(Rizzuto, 2000)

Les mères prennent l’initiative de constituer leurs enfants, qui ne sont pas
encore capables d’utiliser le langage, en interlocuteurs bien avant que l’enfant
ne soit capable de devenir un sujet parlant. Elle pallient l’incompétence de l’infans
en se servant d’une action de l’enfant comme d’une sorte de réponse en dialogue
(Snow, 1977) verbalisée par la mère en tant que réponse dans ce dialogue. Elles
s’adressent à l’enfant en lui disant « tu », le pronom qui le constitue pragmati-
quement comme le partenaire d’une interlocution (Benveniste, 1971) tout en
s’efforçant par tous les moyens d’engager l’enfant émotionnellement dans une
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conversation. Fréquemment la mère nomme à haute voix ce que veut l’enfant
avant de satisfaire le besoin. Une telle attitude relie au travers de la parole mater-
nelle, les besoins et les désirs éprouvés par l’enfant en tant que self désigné par
le pronom « tu » à une satisfaction agréable de ses besoins. Les mots précèdent
et annoncent le plaisir. Depuis le moment où l’enfant commence à prononcer ses
premières sonorités-mots jusqu’à l’acquisition complète de sa capacité à parler,
la mère (et la famille avec elle) entraîne l’enfant à utiliser la parole pour
communiquer. Il résulte de cette interaction constante avec la famille que toute
la structure du langage parlé devient émotionnellement signifiante. Elle se trouve
ainsi prise dans une matrice complexe de significations émotionnelles, d’inter-
actions et de messages liés à l’objet qui colorent pour chacun le sens même du
fait de parler. Les mots ont une histoire émotionnelle (Rizzuto, 2000).

L’analyse est la deuxième occasion dans une vie où une personne essaye de
façon renouvelée de confirmer les expériences internes et les besoins d’un sujet
en les nommant, en les décrivant et en les interprétant par sa parole. La différence
c’est que l’analyste ne satisfait que le besoin de trouver sens à soi-même et à ses
propres souffrances tout en acceptant les fantasmes de satisfaction directe du
désir. Cependant dans les deux cas le sujet est trouvé, dans son expérience et dans
ses besoins, par la mère-objet ou l’analyste qui trouve d’abord, par le biais de
ses propres sensations et perceptions, les mots qui donneront sens à l’expérience
subjective (charges ?) du patient.

La perception par l’enfant de l’expérience subjective de lui-même émerge


lorsque la maturation rend la conscience de soi possible. Arrivé à ce point l’enfant
tient à sa disposition une vaste ensemble de processus de mémoire et de
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UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

représentations mentales inconscientes de satisfaction des besoins, d’expérience


de la mère en tant que miroir et d’interlocution ludique par la parole et le visage.
La parole donne à l’enfant la possibilité de construire pré-consciemment et
consciemment des narrations de lui-même en jeu et en mots. Les mots peuvent
être utilisés pour réorganiser l’expérience de soi-même de la même manière que
Freud (1887-1904) décrivant le fonctionnement psychique :
« Tu sais que, dans mes travaux, je pars de l’hypothèse que notre mécanisme
psychique s’est établi par un processus de stratification : les matériaux présents
sous forme de traces mnémoniques se trouvent de temps en temps remaniés
suivant les circonstances nouvelles, une retranscription (ein Umschrifterfart). »
(6 Décembre 1896)
Lorsqu’un enfant raconte à ses parents : «Bébé, bobo » pour décrire une
éraflure récente au genou, il se peut très bien qu’il soit également en train
d’organiser la narration d’autres blessures internes qu’il ressent. Le langage parlé
peut permettre de passer en revue, de réviser et de réorganiser des processus de
mémoire pré-existant (représentations) en fonction d’expériences nouvelles en
rapport avec le développement ou avec la réalité. Le terme nachträglichkeit2,
compris en tant que « reconstruction rétrospective du sens du... trauma » (Thomä
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and Cheshire, 1991), permet de décrire les potentialités de la parole, interper-
sonnelle ou interne, dans leurs effets de réorganisation de la signification des
expériences subjectives passées. Décrire ou nommer une expérience implique,
nécessairement, une réorganisation « nachträglich », dans le moment relationnel
présent avec un interlocuteur interne ou réel, de l’expérience première. Le pouvoir
transformatif spécifique de l’analyse repose sur sa potentialité à décrire, nommer
et réactualiser les émotions des expériences passées au présent.

2. L’URGENCE DANS LAQUELLE SE TROUVE


L’ORGANISME (CORPOREL) DE SATISFAIRE
SES BESOINS (PULSIONS) ET LE RÔLE QU’ELLE JOUE
EN TANT QUE SUBSTRAT DE LA SUBJECTIVITÉ

Freud (1915, 1940) a décrit les tensions somatiques internes comme étant à la
source de l’exigence faite au psychisme de constituer un « représentant psychique »
(Psychische repräsentanz) de la pulsion (besoin). Cependant comme A. Green
(1987) le fait remarquer « il n’y a pas de relation analogique entre l’excitation
somatique interne et le représentant psychique de la pulsion. ». L’exigence de
l’excitation physiologique requiert sa transformation en représentation psychique
en tant que pulsion (un besoin psychique) qui à son tour élabore le processus de
satisfaction en vie psychique. Il semble peu probable que le représentant pulsionnel
puisse précéder la première expérience de satisfaction corporelle si l’on comprend
la pulsion comme un « stimulus (interne) appliqué à l’esprit » (Freud, 1915) qui

2. Il faut porter au crédit de Lacan d’avoir souligné l’importance de ce terme chez Freud.
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doit trouver sa satisfaction (but) dans un objet externe à l’organisme. La faim, la


soif, et le besoin de contact corporel ne peuvent être satisfaits que par de la
nourriture, du liquide et un autre corps. L’infans est incapable de se procurer par
lui-même aucune de ces satisfactions nécessaires à la poursuite de la vie. Si l’objet
maternel n’est pas là pour lui offrir la nourriture et la chaleur, l’enfant n’a aucun
moyen de connaître ni ses propres besoins, à l’exception de la tension corporelle,
ni l’objet qui permet de les faire disparaître. Je suis donc pleinement en accord avec
Green (2000) lorsqu’il dit « L’objet est le révélateur de la pulsion. ». Cela m’amène
à penser que au moment de la « révélation » de la pulsion, la psyché doit également
produire une représentation de son propre état de satisfaction, en relation avec la
perception de la satisfaction (Freud, 1900) et de l’objet comme composante insé-
parable (même si c’est sous une forme obscure et élémentaire à ce stade précoce)
du représentant psychique de la pulsion. À chaque fois que les besoins somatiques
réveillent le représentant pulsionnel, ils impliquent des souvenirs de l’événement
satisfaisant lui-même et de l’état subjectif de satisfaction – ou de frustration. Les
satisfactions ultérieures agrandissent, transforment, mélangent les différentes
variétés de satisfactions mais les processus de mémoire qui ont déjà été enregistrés
restent le noyau organisateur des transformations progressives du représentant
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pulsionnel lui-même et du sujet qui en fait l’expérience. Je propose l’idée que le
représentant pulsionnel est susceptible de transformation, ce qui requiert que les
satisfactions ultérieures soient accomplies selon les modalités de satisfaction mises
à jour telles qu’elles ont été enregistrées dans le représentant pulsionnel. Ces
nouvelles modalités poussent (au sens où la pulsion « pousse ») à rechercher la
répétition de la satiété modifiée et source de plaisir.

Qu’arrive-t-il à l’infans qui se développe lorsque l’objet « révèle » ses pulsions


et le satisfait ? Comment enregistre-t-il qu’il est satisfait ? C’est la question que
Freud n’a pas posée. Freud (1900) a seulement décrit le besoin qu’a l’enfant
d’« investir à nouveau l’image mnésique de cette perception dans la mémoire, et
de provoquer à nouveau la perception elle-même, c’est-à-dire (de) reconstituer la
situation de la première satisfaction. » La description de Freud ne concerne que le
processus et laisse de côté le self-acteur (self-as-agent) qui doit mener à bien ce
processus. Nous devons alors nous demander : l’enfant possède-t-il une capacité
obscure qui lui permettrait d’être auto-référentiel et auto-représentant ? Nous ne
savons pas. Cependant, après l’expérience de la satisfaction, est-il suffisant de
l’avoir enregistrée dans le représentant pulsionnel ? Je pense que nous devons
postuler un mode d’enregistrement de l’expérience que le self est en train de
traverser en tant que globalité, qui ne serait pas encore représentation du self mais
un registre psychique plus précoce de l’unité corps/représentant psychique de la
pulsion/objet/satisfaction/self, centré autour de l’expérience que le sujet est en train
de faire de lui-même. Sans un tel postulat, il semble impossible de construire une
théorie psychanalytique du sujet comme émergeant de ses expériences de satis-
faction corporelle. Pour examiner cette idée nous devons brièvement parcourir à
nouveau la théorie psychanalytique de la représentation.
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UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

Freud (1891) nous a laissé une description magistrale de la formations des


représentations externes d’objet en tant que composante représentation de chose
du « mot psychique ». Il propose trois énoncés significatifs (Rizzuto, 1990)
concernant ces représentations : 1) Elles trouvent toujours leur origine dans les
sens (ou la sensorialité), la périphérie du corps, et cheminent vers le cortex en
subissant un processus de transformation qui les rend aptes à la parole ; 2) elles
peuvent se propager parce que tous les processus perceptifs sont également des
processus associatifs ; et finalement 3) elles contiennent toutes les stimulations
qui induisent à parler spontanément. Ce dernier point est essentiel pour la
technique psychanalytique.
Freud ne nous a pas donné une théorie concernant les représentations internes
de l’expérience du sujet. Comment pouvons-nous en faire la théorie ? Tout d’abord
nous devons éviter de les concevoir – comme Freud semble l’avoir fait pour les
représentations de chose, comme la satisfaction isolée d’un seul besoin.
L’expérience humaine est bien plus complexe. Dans la réalité les enfants (et les
adultes) font l’expérience de besoins simultanés. Le bébé qui a faim n’a pas
seulement besoin de nourriture, mais également d’être tenu confortablement,
d’avoir un contact avec le visage de la mère, et de sentir qu’il est investi par les
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actions et les mots de sa mère en tant que la personne de plein droit qu’il est. La
complexité de la satisfaction de quelque besoin que ce soit suggère que, à un
moment donné il se peut que certains aspects du besoin global soient satisfaits
alors que d’autres ne le sont pas. Une mère peut donner du bon lait mais tenir
son bébé avec tellement de raideur qu’il n’arrive pas à se détendre. Elle peut
bien le nourrir et le tenir confortablement sans que sa voix ne parvienne à établir
un contact avec lui et en laissant passer de la tristesse sur son visage. Une de mes
patientes a exprimé tout cela de manière très graphique : « Ma mère a nourri sa
fille mais pas moi. » Je suggère que très tôt dans la vie, l’aspect subjectif de ces
expériences de satisfaction complexe des besoins sont enregistrés en tant que
souvenirs obscurs et affectivement colorés d’échanges corporels avec un objet
capable ou incapable d’investir l’enfant dans sa totalité pendant le moment de
satisfaction des besoins. Je ne pense pas qu’ils peuvent revenir sous forme de
souvenirs ou qu’ils constituent des représentations de soi. Je pense plutôt qu’ils
restent vivants sous la forme de souvenirs corporels inconscient chargés d’affects
du self en tant que agent (acteur), capables d’acquérir la pleine force d’une
pulsion qui exige satisfaction. Cette situation se modifie avec l’arrivée de la
parole et de son pouvoir d’articuler l’expérience subjective.

3. L’ÉMERGENCE DE L’EXPÉRIENCE DE SOI-MÊME


ET DE LA PAROLE

Dès le troisième mois, mère et enfant commencent à établir des formes inten-
tionnelles de communication qui font partie de la satisfaction des besoins et accom-
pagnent des moments d’investissement ludique. Ces formes deviennent un
72 TOPIQUE

dialogue des corps au cours duquel chacun des partenaires de la dyade contribue
alternativement à la construction de rituels et de jeux (Sander, 1964). Un dialogue
source de plaisir s’établit lorsque les messages entre la mère et l’enfant sont
complémentaires et l’expression de leur affect suffisamment proche (Rizzuto,
1988, 1991) : invitation-acceptation, salutation-salutation, rire-rire. Lorsque l’affect
de la mère n’est pas suffisamment semblable ou bien lorsque son message n’est
pas complémentaire, l’enfant fait l’expérience du rejet et du déplaisir. Lorsque
l’enfant sent que l’adulte a l’intention de communiquer avec lui en tant que tel
alors se développe en lui un désir de communiquer avec et d’être investi par la
mère et d’autres personnes. Toutes ces expériences de communication sont
contenues dans la parole maternelle qui s’adresse à l’enfant (Rizzuto, 2000) même
lorsqu’il est trop petit pour participer.

L’apparition chez l’enfant de sa capacité à utiliser des sonorités comme des


mots se situe dans le contexte des communications affectives et corporelles qui
ont été établies dans plusieurs registres entre la mère et l’enfant. On ne peut en
détacher le langage parlé que pour des raisons de recherche mais on ne peut les
séparer dans la réalité. Les mots acquièrent leur signification dans cette matrice
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de dialogues corporels et détiennent leur pouvoir entier d’établir un contact
affectif avec la mère des processus de mémoire qui concernent la participation
préverbale à des gestes et des rituels source de plaisir ou de souffrance. Nous
devons nous demander : la représentation de chose liée à la représentation verbale
pour former le « mot psychique » est-elle de quelque manière associée au
représentant pulsionnel tel que je l’ai décrit ?

Je pense que l’affirmation de Freud (1891) : percevoir c’est associer, est vraie.
Si tel est le cas, lorsque l’enfant apprend des mots de sa mère, la représentation
de chose correspondante qu’il forge, constituée d’éléments sensoriels visuels,
tactiles, auditifs et autres (Freud, 1891), doit également venir s’associer à la
perception de la satisfaction du besoin et au moment de communication entre la
mère et l’enfant. Je pense que ce processus associatif inconscient entre les
représentations de chose et l’expérience de satisfaction ou son échec constitue
le lien essentiel avec les mots qui leur donne le pouvoir d’avoir accès à l’expé-
rience subjective. Si tel n’était pas le cas, nous ne pourrions parler que des objets
externes ou bien de nous-mêmes comme des objets perçus. C’est la connexion
entre représentation de chose et expérience subjective qui rend la psychanalyse
possible comme cure de parole. C’est au travers de telles associations que les mots
trouvent leurs liens complexes avec les processus primaires ce qui a pour effet
de réveiller l’expérience subjective. Nous devons considérer que la fantasmati-
sation consciente et inconsciente fait partie de l’expérience subjective elle-même.
Le pouvoir que possède le langage de toucher l’individu intérieurement,
viscéralement, provient de cette association entre représentation de chose (qui
prend son origine dans la périphérie du corps) et les expériences de satisfaction
somatiques et viscérales associées tandis que les mots maternels enveloppaient
ANA-MARIA RIZZUTO – LA PSYCHANALYSE: 73
UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

et « touchaient » l’enfant affectivement. Une boulimique disait (Rizzuto, 1988) :


« Je ne vous laisserais pas me toucher avec vos mots... je ressens ce que vous dites
dans le creux de mon estomac... Quand je (vous) parle cela me remplit et je me
sens vidée lorsque quelqu’un me parle. »

Les pronoms personnels apparaissent après que l’enfant ait acquis entre
118 et 272 mots pour désigner les choses et les actions (Gesell, 1940). Dans un
premier temps ils indiquent seulement que l’enfant s’est approprié sur le mode
parlé la notion de tour de parole dans le discours. Les pronoms de première et
de deuxième personne apparaissent à 24 mois et les pronoms de troisième
personne à 30 mois. À ce stade le pronom de première personne semble se
rapporter au sentiment qu’a l’enfant d’être lui-même (Sharpless, 1985), i.e à sa
capacité de perception subjective. À partir de ce moment les pronoms person-
nels « Je » et « tu » vont remplir deux fonctions essentielles. Tout d’abord,
linguistiquement, les pronoms sont des mots indispensables pour établir un
dialogue entre différents partenaires. Il faut utiliser un pronom personnel pour
s’adresser à un autre. Comme Benveniste le fait remarquer : « La forme du Je n’a
pas d’existence linguistique excepté dans l’acte de parole qui le prononce. » Cela
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signifie que le référent linguistique d’un pronom personnel est toujours indivi-
duellement et dialogiquement spécifique. Ensuite, dans le registre psychique,
dès qu’il apparaît, le pronom Je rassemble dans une expérience unitaire consciente
le self de celui qui parle, en tant que sujet qui fait l’expérience de lui-même sur
le mode de la perception consciente. Avant la venue du pronom, l’unification de
l’expérience de l’enfant était soutenue par la fonction de miroir de la mère au
travers de ses actions, de ses expressions de visage et de ses mots. À présent,
l’internalisation progressive de la fonction de miroir (Meissner, 1981) avec ses
effets sur le sentiment qu’a l’enfant d’être lui-même se trouve liée aux niveaux
conscient et préconscient aux pronoms « Je » et « moi ». Tel est le cas dans le déve-
loppement normal, lorsque l’engagement émotionnel de l’enfant et de la mère
se trouve fermement établi. Lorsque le développement émotionnel de l’enfant
est en retard par rapport à l’apparition développementale du pronom « je » comme
outil linguistique, cela peut favoriser une dissociation entre le « je » de conver-
sation et le « je » psychique. Tel était le cas de ma patiente boulimique qui a fait
pour la première fois dans l’analyse l’expérience d’elle-même en tant que « je » :
« C’est la première fois de ma vie que j’ai dit « je » et que cela a du sens pour
moi. » Les conséquences corporelles de son expérience d’un « je » psychiquement
approprié, et non plus seulement linguistique, furent immédiates : le besoin de
se suralimenter disparut, et elle put également pour la première fois regarder son
corps nu dans le miroir et ressentir : « Mon corps m’appartient vraiment du cou
au bout des orteils. » Jusqu’à ce moment elle avait le sentiment de vivre dans sa
tête, derrière ses yeux.

Lorsque le mot parlé parvient à capter le désir de s’engager dans le type de


communication initié par l’expérience corporelle que fait l’enfant d’être satisfait
74 TOPIQUE

pour lui-même, il développe le désir de parler à un autre et qu’on lui parle.


Comme Jakobson le fait remarquer : « Nous parlons pour être entendus et nous
avons besoin d’être entendus pour être compris. » (Waugh, 1976). L’enfant objec-
tifie l’expérience subjective avec les mots qu’il a appris dans son commerce
avec sa famille, sa mère et son père en particulier. Ces mots ne sont pas seule-
ment des référents sémantiques pour des objets internes ou externes mais portent
avec eux des associations inconscientes avec des scènes au cours desquelles ils
ont été employés, avec des expériences synchrones de satisfaction ou de
frustration, avec les fantasmes qui s’ensuivent. Tous ces ensembles d’associa-
tions potentielles relient les mots par le biais des processus primaires et secon-
daires à l’expérience réelle et privée de la vie subjective de l’individu. Le référent
sémantique des mots ne représente qu’un spectre assez étroit de signification
par rapport à l’immense réseau associatif de processus de mémoire conscients
et inconscients et à l’affect qu’il éveille. Ce réseau associatif d’expériences inter-
personnelles, affectives et corporelles donne aux mots le pouvoir de réveiller et
de ré-élaborer l’expérience subjective au cours du traitement analytique. Pour
revenir à ma patient, le fait de se ressentir elle-même comme un « je » pendant
qu’elle disait « je », a fait disparaître son besoin de se suralimenter et lui a permis
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de s’approprier son corps.

On peut avoir indirectement accès aux expériences pré-verbales qui ne


peuvent pas devenir des souvenirs mais qui sont restées dynamiquement actives
en tant que processus de mémoire inconscients et arriver à les perlaborer sans
s’en rendre compte consciemment en faisant retour métaphoriquement aux
expériences corporelles médiatisées par le réseau d’associations (Rizzuto, 2001).
Cela peut expliquer la disparition spontanée de certains symptômes psychoso-
matique pendant l’analyse.

Je souhaite aborder un dernier point. La troisième année de la vie apporte


également avec elle une extraordinaire stimulation du développement de
nouvelles fonctions cognitives, la capacité à la constance du self et de l’objet, la
différenciation self-objet, l’implication émotionnelle intense dans la triade ainsi
qu’une capacité nouvellement acquise pour la mentalisation. Fonagy (1991) la
décrit comme la capacité d’avoir une « théorie de l’esprit » (Premack et Woodruf,
1978), du fonctionnement mental et d’imaginer et d’anticiper ce que les autres
ont en tête. La mentalisation se caractérise par l’attribution de l’intentionnalité
à soi-même et aux autres. Linguistiquement elle requiert le pronom relatif « que »
comme dans « Je pense que vous m’aimez bien. » (1979). La mentalisation est
un pré-requisit pour l’utilisation des potentialités de la parole. Ce qui comprend
la possibilité d’imaginer les intentions de l’interlocuteur et son état interne affectif
et mental par le biais des mots ainsi que la capacité à créer des métaphores qui
font sens émotionnellement en utilisant préconsciemment les dérivés des associa-
tions inconscientes aux mots.
ANA-MARIA RIZZUTO – LA PSYCHANALYSE: 75
UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

Lorsqu’un enfant franchit cette étape il a développé les capacités de base qui
vont lui permettre de participer à un processus psychanalytique et à ce qu’il exige
dans le registre de la parole et du langage. La principale défense contre l’expé-
rience de mentalisation est le refoulement (Fonagy, 1991), qui fait en sorte
d’écarter de la perception consciente les actes de fantasmatisation ou de
perception qui sont intolérables au sujet conscient. Les processus pré-verbaux
et de pré-mentalisation requièrent des défenses plus primitives. Arrivé à ce degré
de développement psychique et langagier l’enfant devient capable d’une vie
psychique conscient et inconsciente à part entière. Un processus d’auto-narration
commence dans lequel l’enfant s’adresse à lui-même comme à un objet dans un
discours intérieur : « Je me suis dit » (Bollas, 1982).
À partir de ce moment l’enfant construit des scènes fantasmées qui impliquent
le self et l’autre qui sont fondées sur des expériences passées et présentes et il
utilise le langage rétroactivement (nachträglich) pour donner une signification
affective à des expériences plus précoces. Ainsi de ce garçon de trois ans qui avait
appris qu’une graine avait été plantée dans le ventre de sa maman pour qu’elle
soit enceinte d’une petite sœur. Il demanda si sa maman l’avait aimé lorsqu’il
était petit comme une graine, et, une fois rassuré sur ce point, il s’exclama :
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« Maman m’a aimé moi quand j’étais une petite graine. » L’efficacité de notre
travail analytique est rendue possible grâce à la réorganisation opérée par l’auto-
narration de l’expérience subjective qui est médiatisée par le dialogue parlé et
émotionnellement investi entre patient et analyste.

4. LA TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA MÉDIATION DE LA


PAROLE ANALYTIQUE

1. La situation analytique

En enjoignant au patient de lui dire tout ce qui vient à l’esprit, l’analyste lui
demande de se servir du langage comme il ne l’a jamais fait auparavant. C’est
la première fois de sa vie qu’on lui demande d’utiliser son paysage intime et ses
expériences subjectives comme objet exclusif de son attention et de sa commu-
nication. Ce paysage va devenir le sujet même de toute l’entreprise analytique
et l’objet de l’écoute analytique de l’analyste. Un changement aussi radical dans
l’usage de la parole « structure toute la relation analytique » (Laplanche et
Pontalis, 1973), et crée les conditions pour transformer le moi inconnu du patient
en un Je subjectif. L’analyste écoute, mais il laisse également le patient dans sa
totalité par ses gestes, ses mouvements corporels, ses affects, ses réactions, lui
transmettre les messages non-verbaux que le self de l’analysant adresse en tant
qu’il est acteur de ses processus conscients et inconscients. Le patient n’a jamais
fait l’expérience depuis la petite enfance qu’un adulte, dont l’être tout entier se
règle sur ses expériences, s’occupe de lui, avec une sorte de préoccupation mater-
nelle, afin de s’informer de ses expériences subjectives. Cette attention exquise
76 TOPIQUE

médiatisée par la voix de l’analyste sans support visuel crée les conditions
propices à l’attachement affective du patient à l’analyste en tant qu’objet réel
et pour le transfert sur lui de sentiments et de fantasmes concernant les objets
premiers.
La motivation du patient à parler provient de la pression dynamique des
dérivés inconscients des mentalisations passées qui ont été refoulées, par la
poussée d’obscures expériences pré-verbales, et par le besoin impérieux de
symbolisation primaire (Green, 1977) en lutte active avec les défenses précoces
ou plus tardives qui le préviennent du risque affectif qu’il y aurait à exprimer tout
cela, même sous une forme dérivée. La tension qui existe dans le langage du
patient et dans d’autres manifestations non-verbales trouve sa source dans le
conflit entre d’une part la poussée dynamique qui cherche à trouver une expres-
sion et une satisfaction différées de besoins corporels et psychiques obscurs et
inarticulés, de désirs mentalisés et d’autre part les fantasmes inconscients et les
peurs et les terreurs originaires qui ont empêché la mentalisation ou bien qui ont
plus tard refoulé les représentations mentalisées. Ces tensions interfèrent main-
tenant avec ses associations libres. La tâche de l’analyste est de trouver dans les
verbalisations du patient des indicateurs et des guides qui vont permettre aux deux
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partenaires d’articuler en une scène mentalisée de manière affectivement tolérable
(une représentation privée complexe) les processus mentaux qui sont dynami-
quement actifs mais ne sont pas consciemment acceptables. L’analyste est comme
un détective qui cherche à reconstruire la scène subjective du « crime » dans sa
forme d’origine de façon à aider le patient à articuler ces processus en une
narration analytique que l’analysant accepte et qu’il possède.

2. Le processus analytique

Green (1997) affirme que « l’élaboration de la représentation reste au centre


de nôtre travail analytique » ... afin de « faire en sorte que ces représentations
soient mises à la disposition de l’analysant », afin de l’aider à établir « une
communication intrapsychique vivante ». Je suis en accord avec Green et je vais
maintenant développer la manière dont j’envisage cette tâche de l’analyste. Si
l’on comprend la représentation, y compris la représentation de l’affect, comme
je viens de la décrire, comme un complexe qui comprend toujours une compo-
sante auto-référentielle de la même façon que les rêves (Freud, 1900) alors la tâche
technique de l’analyste est de s’occuper de trois types d’expériences de base.

a. La symbolisation primaire
Si le patient se débat avec des symbolisations primaires obscures, la technique
de l’analyste doit se préoccuper de chaque dérivé qui pourrait aider le patient à
les transformer en représentations mentalisées. Le travail requiert alors un
processus prolongé et attentif qui consiste à aider l’analysant à décrire ce qu’il
ressent, certains éclats de souvenirs, d’actions, de perceptions, de métaphores
jusqu’à ce qu’il soit possible de trouver une manière suffisamment convaincante
ANA-MARIA RIZZUTO – LA PSYCHANALYSE: 77
UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

de décrire une expérience psychique qui n’a jamais été représentée. L’analyste
doit faire preuve de l’attention également suspendue d’une mère qui manifeste
son intention de comprendre les états corporels et de désir de son enfant jusqu’au
pont où il peuvent se graver dans son propre psychisme sous forme de ses propres
sensations, d’actions fantasmées, d’imagerie nouvelle ou évoquée, de souvenirs
de sa propre enfance, de métaphores ou de pensées qui l’amènent à forger une
construction de l’état d’esprit du patient. L’analyste ne doit pas utiliser la
construction comme un outil pour l’interprétation mais il devrait aider le patient
à mieux articuler ce qui est en train d’émerger entre eux. Ce n’est qu’à partir du
moment où s’effectue une convergence évidente d’imagerie et de ressentis
(feelings) entre les deux protagonistes que l’analyste, si le patient ne l’a déjà fait
lui-même, peut se permettre de décrire et de nommer l’expérience. La réponse
du patient est le seul indicateur qui permet de savoir si l’analysant a réussi à
créer, après ce long processus, une représentation affectivement supportable de
l’expérience. Les communications de l’analyste doivent toutes passer par la porte
étroite du pronom « tu ». L’affect de l’analyste lorsqu’il utilise le « tu » (fonction
spécularisante de la voix) est l’élément déterminant qui réussira ou échouera à
convaincre le patient de trois faits indispensables : que l’intention de l’analyste
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est de l’investir lui, que l’intention de l’analyste est bienveillante et que son but
est de rencontrer le patient en tant que lui-même, et que l’intention de l’analyste
lorsqu’il parle est de transmettre du sens sur un mode personnel en offrant un geste
verbal complémentaire des mots du patient par un affect semblable à celui de
l’analysant. L’analysant est alors dans la possibilité de mentaliser des expériences
qui sont restées inconscientes, somatisées ou innommées. Le patient peut alors
se re-connaître comme le Je-sujet qui s’est approprié son expérience mentalisée
dans le présent.

b. Les expériences pré-verbales


On ne peut se souvenir consciemment des expériences pré-verbales mais elles
sont constamment présentes dans les modalités de relation du patient et dans la
structure de son caractère. L’histoire de ses expériences non-verbales précoces est
inscrite dans sa façon de percevoir les objets qui s’adressent à lui, dans ses ressentis
et ses perceptions de lui-même en tant qu’objet pour les autres, dans la manière
dont il se manie lui-même en tant qu’objet pour lui-même (« Je me hais », « Je ne
peux pas supporter mon corps ») et dans les formes de self-handling en rapport avec
des besoins corporels et psychiques. Les expériences pré-verbales apparaissent le
plus souvent dans des convictions tranférentielles, dans des mises en acte ainsi que
dans des acting out et des somatisations. Elles se sont fréquemment trouvées mélan-
gées et réinterprétées (nachträglich) par le biais de narrations verbales plus tar-
dives (« Personne ne peut m’approcher. Je pue. »). Dans ce cas la technique ana-
lytique s’occupe plus spécifiquement des modes de relation du patient ou bien d’un
évitement. Il se peut que l’analysant ne croie pas que les mots ont un sens entre deux
personnes (« C’est comme une comédie. Vous dites vos répliques et moi les miennes.
Mais nous ne voulons rien dire. ») (Rizzuto, 1988). Les mots du patient peuvent
78 TOPIQUE

avoir un effet de diversion ou bien être captivants, pleins de détails pour garder
l’analyste en haleine. Ils peuvent par ailleurs se trouver pris dans des affects très
intenses (cf. Valenstein (1962) l’ « affectualisation ») ou bien ils peuvent être des
mots et des narrations concrets qui ne rendent pas compte de l’expérience inté-
rieure. Le but défensif essentiel de ces formes de verbalisation est d’éviter la
communication avec un objet dont le patient suppose qu’il ne souhaite pas com-
muniquer avec lui ou bien risque d’utiliser ses communications pour l’abandon-
ner ou pour le détruire émotionnellement. Cette hypothèse suggère que l’analy-
sant ne trouve pas ou n’a pas trouvé dans sa communication verbale avec des objets
l’aide dont il a besoin pour se trouver lui-même dans ses expériences (Myerson,
1991). La perlaboration de cette difficulté s’accomplit essentiellement en prêtant
la plus grande attention aux convictions du patient concernant la question de savoir
qui il est en tant qu’interlocuteur pour l’analyste dans l’analyse. La technique de
l’analyste consiste à se préoccuper non pas tant du contenu des associations du
patient mais surtout de la manière dont le patient s’adresse à lui en tant qu’objet
relationnel. Nous sommes là au cœur des enjeux tansférentiels présents dans toute
analyse parce que chez tous les patients la parole comme outil de communication
apparaît seulement lorsque les figures élémentaires de la relation ont pu être éta-
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blies par le biais de l’investissement et de la fonction spécularisante de la mère. Il
n’y a qu’un nombre relativement restreint de patients qui ont pu faire l’expérience
de modèles de communication préverbale suffisamment solides pour pouvoir
confier pleinement leurs mots et eux-mêmes à l’analyste en tant que nouvel objet.

Lorsque l’analysant commence à sentir qu’il est entre les mains d’un objet
suffisamment sûr qui peut pleinement prendre en compte et contenir ses ressen-
tis (feelings), il peut alors se permettre de s’approcher d’expériences préverbales
pathogènes jamais nommées. Elles peuvent à présent prendre sens, non pas
comme souvenir du passé mais comme expérience vivante et vécue (Erlebniss)
dans la situation transférentielle elle-même. Dans ce revécu, lorsque l’analyste
dit « tu » (« vous ») le patient ressent qu’il s’agit de lui faisant l’expérience de lui-
même avec l’analyste engagés ensemble dans leur manière de verbaliser les
événements de l’expérience.

c. Les représentations mentalisées refoulées


Ces représentations sont au cœur du travail analytique. Elles se sont formées
en tant que scènes mentalisées, fantasmes inconscients d’interactions désirables
et processus de pensée reliés aux désirs et aux actions qui, si ils devenaient
conscients, feraient surgir des affects douloureux tombant sous le coup de
l’interdit venant du Surmoi et de l’idéal du moi. La personne se trouve déchirée
entre le désir de réaliser les interactions évoquées par ces scènes et les peurs
psychiques élémentaires d’être endommagé, puni, de perdre un objet d’amour
ou de perdre l’amour de l’objet. J’ai souligné le mot scène parce que toutes les
représentations refoulées montrent le sujet lui-même obtenant ou n’arrivant pas
à obtenir la satisfaction d’un objet libidinalement investi.
ANA-MARIA RIZZUTO – LA PSYCHANALYSE: 79
UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

Les représentations pathogènes possèdent une complexité et une subtilité


ahurissantes. Je vais tenter de décrire les éléments les plus évidents qui les
composent. Tout d’abord elles possèdent un grand pouvoir de conviction, de la
même manière et pour les mêmes raisons que les hallucinations (delusions) : « il
y a un grain de vérité caché » en elles (Freud, 1907). Ce grain de vérité peut
contenir une perception réelle des interactions entre les parents (et d’autres objets
importants), leurs actions et leurs attitudes, leurs motifs réels ou imaginés, leurs
intentions exprimées ou soupçonnées, leurs sentiments explicites ou supposés,
ou tout autre pensée, mot, action, ou sentiment que le patient pense avoir perçu
chez l’objet à un moment donné. Ensuite il nous faut ajouter à ce grain de vérité
le point de vue subjectif dans ses aspects affectif et perceptuel à partir duquel la
personne a fait l’expérience de ce moment et l’a interprété. La chute banale d’un
enfant peut être ressentie comme une punition pour des désirs mauvais, comme
un avertissement ou comme un événement heureux qui a procuré l’amour et
l’attention tant désirés. Les représentations, aussi factuelle et externe soit leur
source, contiennent toujours le point de vue du sujet. Les émotions et les désirs
ressentis à l’époque seront revécus chaque fois que la représentation revient à la
conscience. Enfin les représentations sont porteuses d’intentionnalité. Cela n’a
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rien à voir avec la perception. Cela a à voir avec le fait qu’après un certain âge,
nous considérons comme allant de soi que ce qui est là y est du fait des inten-
tions de quelqu’un. Tel chose a été placée là pour telle raison par telle personne.
Nous avons là en fait tout le fondement du travail de l’analyste et du détective :
quelqu’un en a eu l’intention, il y a un mobile. Quatrièmement, il y a une intrigue.
Les représentations n’enregistrent pas les perceptions internes et externes comme
une photographie. Elles sont organisées sous la forme de narrations (comme les
rêves) concernant le sujet en train de désirer, ouvertement ou obscurément. Cela
peut aller d’un simple « Je l’ai vu, entendu, ressenti, etc... », un témoin supposé
enregistrer un fait, à une histoire alambiquée se développant à partir d’éléments
pauvres ou bien substantiels. Ingmar Bergman sait magistralement montrer la
narration d’un suicide sur le point de se produire en fixant la caméra sur les
mouvements de narine de l’acteur. Nous sommes en fait tous un peu comme
Bergman, capables de construire en un éclair d’amples narrations à partir des
perceptions les plus étroites, de sensations internes (l’hypochondriaque), et même
de fantasmatisation fortuite. Cinquièmement le sujet est toujours au centre de
l’intrigue dans la représentation, en tant qu’organisateur central de l’expérience
elle-même. Cette centralité du sujet est l’élément clé qui provoque le refoulement
immédiat lorsque la représentation entre en conflit avec le surmoi parental ou
l’idéal du moi. Sixièmement, il existe des liaisons sensorielles, somatiques et
viscérales dans la représentation elle-même qui font partie de la structure de
processus représentationnel lui-même. Les éléments sensoriels constituent la
structure de la perception elle-même, tandis que les composantes somatiques et
viscérales permettent d’inscrire l’affect de l’expérience de satisfaction ou son
échec dans tous les registres du développement. Ces composantes corporelles des
représentations apparaissent fréquemment sous forme dérivée dans les métaphores
80 TOPIQUE

que les patients choisissent pour décrire leurs expériences (Sharpe, 1950 ; Rizzuto,
2001). Septièmement il y a du drame, c’est-à-dire, de l’affect liant le sujet au corps
et à l’intrigue, de l’intentionnalité, un point de vue affectif, et l’essentiel « grain
de vérité » qui se trouve réveillé dès qu’un dérivé de représentation devient pré-
conscient. Le drame concerne le désir insatisfait, et le désir que l’on croit
impossible à satisfaire du fait des défenses puissamment établies. C’est ce drame
qui pousse continuellement le self-acteur inconscient à ne jamais cesser d’essayer
de trouver une possibilité de communication3 et une satisfaction acceptables
pour le surmoi et le moi idéal. Lorsque ces tentatives échouent, le self-acteur,
c’est-à-dire le patient, éprouve de l’angoisse, agit ou fabrique des symptômes qui
lui font s’exclamer : « Je sais que quelque chose ne va pas avec moi. »
La tâche de l’analyse est de trouver ce « moi » caché et cependant présent
dans la complexité représentationnelle des associations du patient. La décou-
verte progressive de ce «moi» se produit pour la première fois en présence de
l’analyste en tant que cet autre parlé et transférentiel qui emploie le « vous »
(« tu ») dans sa dimension diachronique pour ce qui est du vécu qui va de l’enfance
jusqu’au moment présent, et dans sa dimension synchronique pour ce qui est de
l’affect dialogique et transférentiel. Mon hypothèse consiste en ceci : l’analyse
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des représentations pathogènes par l’examen attentif des associations libres
dans le contexte d’un dialogue transférentiel respectueux et interprétant,
qui se concentre exclusivement sur l’expérience du patient en tant que ce
« vous » auquel l’analyste s’adresse, constitue l’élément essentiel qui va
permettre d’accomplir la transformation du sujet et l’élimination des
symptômes.

Le pronom « vous » (« tu ») est l’outil déterminant qui va permettre à l’ana-


lyste d’accomplir un processus de transformation. La reconstruction prototy-
pique de Freud (1937) illustre la fonction de ce pronom :

«“Jusqu’à vôtre nième année vous vous êtes considéré comme le possesseur
unique et absolu de vôtre mère ; à ce moment là un deuxième enfant est arrivé
et avec lui une forte déception. Vôtre mère vous a quitté pendant quelque temps
et, même après, elle ne s’est plus consacrée à vous exclusivement. Vos sentiments
envers elle sont devenus ambivalents, vôtre père a acquis une nouvelle signifi-
cation pour vous”, et ainsi de suite. » (Freud, Constructions dans l’analyse, 1937)

Freud donne à son patient une reconstruction narrative de sa représentation


de désir précoce de la relation psychique entre lui-même et sa mère, suivie d’une
description des événements qui sont venus contredire une telle représentation et

3. Je relie le terme communication à l’affirmation de Freud (1891) selon laquelle toutes les
incitations à parler spontanément se trouvent dans la région des représentations d’objet, conçues
par lui comme représentations de chose.
ANA-MARIA RIZZUTO – LA PSYCHANALYSE: 81
UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

l’effet qu’ils ont eu sur la conviction contenue dans la représentation première


de l’enfant. Freud n’avait pas d’autre moyen pour accéder à l’expérience
subjective de son patient en tant qu’enfant, en tant qu’enfant plus âgé, et
maintenant en tant qu’homme en analyse, que d’utiliser diachroniquement le
même pronom dans une interprétation synchronique de ce moment analytique.
L’intention de Freud est d’aider le patient à faire sens de lui-même. Même si de
nos jours les styles d’interprétation diffèrent parfois grandement de celui de
Freud, aucun analyste ne peut analyser sans passer par la porte étroite du « vous ».
Lorsque le patient peut ressentir « C’est moi » et le dire, l’analyse est bien près
d’atteindre son but.

La réponse du patient, « C’est moi. » fait apparaître le processus d’objecti-


vation du self dans un acte de reconnaissance de soi-même dans le présent. Le
pronom moi condense dans ce moment la reconnaissance de soi-même dans un
état particulier d’être, et cela en présence de l’analyste qui est l’autre du dialogue.
Ce moment permet la transformation de scènes anciennes, de représentations et
de pensées par la médiation des mots et des affects dont le sujet fait l’expérience
avec l’analyste dans sa double fonction d’objet transférentiel et d’objet réel des
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désirs et des communications du patient. Le fait de revisiter ces représentations
dans ce contexte peut rendre possible le « réarrangement » et le « retranscription »
des « traces mnésiques » et des représentations dont Freud (1887-1904) pensaient
qu’elles pouvaient avoir lieu lorsque des « circonstances nouvelles » les rendaient
possibles. Ces nouvelles circonstances, que nous appelons la situation analy-
tique, procurent une modalité de discours capable d’ouvrir les sources
représentationnelles des expériences affectives passées, pour et avec un analyste
dont toute l’attention et l’empathie affective sont concentrées sur la recherche
de l’analysant en tant que sujet de sa vie psychique. Le processus qui consiste à
ouvrir la source des représentations donne vie à chacun des aspects de l’être du
patient qui a contribué à la formation de ces représentations : le corps sensoriel,
somatique et viscéral ; les modalités relationnelles de communication précoce et
plus tardive ; les bribes de moments traumatiques non-mentalisés : des fantasmes
conscients et inconscients passagers ou organisés ainsi que des pensées passées
et présentes. Le déroulement tout entier des processus mentaux amené par
l’association libre et par les défenses contre ces mêmes processus ne peut que
contribuer à la transformation des représentations elles-mêmes tandis que le sujet
en fait à nouveau l’expérience dans le contexte présent. Les instruments organi-
sateurs essentiels dans le processus de transformation consistent dans le feedback
verbal de l’analyste qui nomme et interprète avec un ton de voix et un phrasé qui
révèlent son intention de rester en contact avec l’affect que le patient éprouve à
ce moment là. Lorsque le contenu des mots de l’analyste est une description
adéquate de l’expérience du patient et que l’affect fait écho à ses émotions passées
et présentes le patient ressent ce sentiment essentiel de vraie communication :
« J’ai été entendu. » Désormais il n’est plus seul avec ses secrets les plus terribles.
Son analyste et lui peuvent parler ensemble de lui et d’eux-mêmes de manière
82 TOPIQUE

signifiante. Le télescopage des représentations (Freud, 1893-1895) permet


maintenant la réélaboration de croyances bien ancrées qui étaient renforcées par
la structure des représentations de l’analysant.

La transformation qui s’est opérée dans les représentations et dans le sujet


par les échanges sous forme dialoguée sous l’influence organisatrice du pronom
« vous » (« tu »), facilite la parole interne, se parler à soi-même comme à un autre,
même de sujets jadis interdits. Cependant la tâche sera achevée lorsque le patient
parviendra à accomplir une action psychique (Freud, 1914) de nature narcis-
sique : il s’accepte en tant qu’objet qui possède une valeur sans se sentir obligé
de répondre aux exigences d’un désir compulsif ou bien à se soumettre aux
défenses qui viennent le contrecarrer. C’est ainsi que D.J. résuma sa vie et la
manière dont elle réussit à abandonner ses défenses : « Je suis né normal. Mes
parents étaient tellement rigides moralement et nous les enfants nous avions si
peu d’estime pour nous mêmes. Je voulais être entendu, être connu. Les crises
de colère auront été ma façon de répondre toute ma vie. Maintenant je suis prêt.
J’ai surmonté la crise de colère. »
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CONSIDÉRATIONS TECHNIQUES

Cette conception du processus psychanalytique entraîne quelques considé-


rations techniques. Nous devons évaluer la capacité au dialogue de l’analysant
plutôt que de considérer comme allant de soi que le patient est capable de parler
de lui-même. Fréquemment, la première partie de l’analyse, qui peut se prolonger,
consiste à découvrir et à perlaborer les modalités de non-communication qui
dominent la façon dont l’analysant parle de sa relation à lui-même et aux autres.
Un exemple extrême se trouve chez des patients souffrant de troubles de
l’alimentation et qui pensent que les mots ne veulent rien dire. Un autre extrême
se trouve chez les hystériques qui produisent de très belles associations en guise
de séduction pour mieux se cacher. La première tâche analytique est de s’efforcer
d’établir une situation analytique dans laquelle les mots de part et d’autre peuvent
être entendus et acceptés comme des communications sensées qui doivent être
prises très au sérieux. Tel est le cas lorsque l’analyste ne s’intéresse pas aux mots
pour eux-mêmes mais cherche vraiment à trouver le sujet qui fait l’expérience
de lui-même dans les mots du patient. Aucune technique ne peut apprendre à un
analyste à avoir une telle intention. Ce n’est pas un enjeu technique, mais
existentiel et de caractère moral qui révèle un désir authentique de trouver le
patient là où il est. C’est l’équivalent de la préoccupation maternelle primaire de
Winnicott. Le but idéal est d’en arriver au moment où l’analysant peut dire «Je
veux vous dire. »

La façon de prêter attention aux associations libres et de les interpréter doit


donner au patient l’autonomie et la participation maximales. L’analysant est le
ANA-MARIA RIZZUTO – LA PSYCHANALYSE: 83
UNE TRANSFORMATION DU SUJET PAR LA PAROLE

seul à posséder la clé de ses représentations dérangeantes. Les associations privées


et les insights éveillés chez l’analyste qui écoute ne doivent pas être utilisées au
début pour faire des interprétations mais pour aider le patient à pousser plus loin
sa propre exploration. Le but est de rendre le patient curieux de ce qui sort de sa
propre bouche. C’est à mon avis le meilleur moyen d’approfondir l’exploration
de ses représentations les plus refoulées et les plus insupportables. Il est vrai que
l’analyste doit toujours être très attentif à l’émergence de défenses qui inter-
fèrent avec l’exploration de la représentation, et au fait que ses efforts pour
perlaborer la défense sont un aspect essentiel du processus qui permet le plein
déploiement de la représentation. Deux points me semblent importants. Tout
d’abord l’analyste qui interprète vite et intelligemment risque d’interférer avec
le processus d’émergence d’aspects signifiants des représentations et des associa-
tions connexes. Ensuite le véritable acteur de l’analyse c’est le patient. L’analyste
doit rester un assistant, une sage-femme Socratique, qui facilite la tâche du patient
qui est d’accoucher des contenus de son psychisme et de faire la narration de ses
expériences.

Lorsque des interprétations s’avèrent nécessaires, il est essentiel, en particulier


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si le matériel est chargé émotionnellement ou transférentiellement, que l’analyste
fasse tout ce qui est en son pouvoir pour transmettre l’interprétation dans un
climat émotionnel qui manifeste qu’il fait de son mieux pour être en contact
émotionnel avec le patient. La capacité pour l’analysant à accepter l’interprétation
dépend tout autant de sa justesse que de la possibilité qu’elle offre au patient de
sentir que l’analyste, dans son désir de comprendre, s’adresse à lui et lui parle
de lui. « Vôtre façon de me parler de moi va me manquer » disait un patient. Je
pense que la composante affective des mots de l’analyste donne à l’interpré-
tation juste son pouvoir de conviction. Je pense qu’elle est l’équivalent du « grain
de vérité » qui renforce les convictions.
La reconstruction attentive des composants des représentations examinés au
cours de l’analyse a un effet paradoxal remarquable. Analyste et analysant ont
réussi à atteindre les éléments qui composent la représentation grâce au pouvoir
qu’ont les mots parlés d’éveiller et de faire revivre les aspects sensoriels,
somatiques et viscéraux de la représentation en même temps que la perception
de l’intentionnalité, du désir, du fantasme, de l’intrigue et du drame. Une fois la
reconstruction accomplie il arrive quelque chose aux mots qui ont permis de
l’accomplir. Ils ont maintenant acquis une plénitude de sens, ils ont été réintégrés
à un réseau de représentations très vaste qui, d’outils linguistiques signifiants,
les transforme en mots pleinement psychiques. Ils ne sont plus seulement les
mots du langage, mais les mots d’une personne (self) – une personne vivante –
qui a appris à faire sens de ses paroles soit que depuis elle-même elle s’adresse
à un autre, ou bien à elle-même comme à un autre.

Je terminerai comme j’ai commencé : « Il n’y a pas de langage efficace sans


affect. Sans langage il n’y a pas d’affect efficace. » (Green, 1968) Lorsque les
84 TOPIQUE

mots de l’analyste cherchent à toucher le patient émotionnellement (la fonction


phatique de la parole) en interprétant ses verbalisations et lui-même comme le
sujet affectif qu’ils contiennent, le processus analytique a le pouvoir de
transformer le sujet de l’expérience.

Ana-Maria RIZZUTO
75 Gardner Road
Brookline, MA 02445-4523
USA

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Ana-Maria Rizzuto – La psychanalyse : une transformation du sujet par la parole

Résumé : La psychanalyse mobilise le pouvoir qu’a le mot parlé de modifier la relation


que le sujet entretient avec ses propres processus psychiques inconscients.
Elle aide l’analysant à redonner à ses mots l’intégrité psychique qu’ils avaient perdue
ou bien n’avaient jamais réussi à trouver à cause de mouvements défensifs puissants de dis-
sociation ou de refoulement. Le dialogue psychanalytique, et la perlaboration dont il est le
médiateur, conduit à l’élaboration de narrations de soi-même et de mises en sens interpréta-
tives qui contribuent à la transformation du sujet en une personne qui fait l’expérience de soi-
même. Intrapsychiquement la composante représentationnelle du mot parlé inclut non
seulement les représentations mentales des objets nommés par les autres, en particulier la mère,
mais aussi la représentation auto-référentielle de l’expérience de satisfaction.
Mots-clés : Sujet – Parole – Intégrité psychique.

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