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SERIE RECHERCHE

EPISTEMOLOGIES DE L’ENTREPRENEURIAT
CADRES SCIENTIFIQUES ET EPISTEMOLOGIQUES
1
MOBILISES DANS LA RECHERCHE EN ENTREPRENEURIAT

AVENIER Marie-José*

CAHIER DE RECHERCHE n ° 2012-02-E4

CERAG
UMR 5820 CNRS – Université Pierre Mendès-France Grenoble

MARS 2012

* Directeur de Recherche CNRS au CERAG


150, rue de la Chimie,
BP 47
38 040 Grenoble Cedex 9
marie-jose.avenier@upmf-grenoble.fr

1
Publié in A. Fayolle (dir.). Encyclopédie de l'Entrepreneuriat, Cormelles-le-Royal : EMS (à paraître 2013)
Je tiens à remercier chaleureusement les professeurs Jean-Louis Le Moigne, Catherine Thomas et Jean-Pierre
Boissin pour leurs précieux commentaires sur une version antérieure de ce chapitre.

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Sommaire
1. Principaux cadres épistémologiques contemporains ............................................... 4
1.1. Le paradigme épistémologique positiviste (PEP) ............................................. 4
1.2. Le paradigme épistémologique réaliste critique (PERC) ................................. 5
1.3. Le paradigme épistémologique constructiviste radical/pragmatique (PECP) .. 6
1.4. Le paradigme épistémologique interprétativiste (PEI) ..................................... 8
1.5. Le paradigme épistémologique constructiviste au sens de Guba and Lincoln
(PECGL) 9
2. Quels archétypes de science ? ................................................................................ 10
2.1. La science : une unitas multiplex intégrant deux archétypes différents ......... 10
2.2. A l’intérieur de l’archétype des sciences de l’artificiel, le modèle des sciences
de conception ........................................................................................................................ 12
3. Quels cadres épistémologiques et scientifiques effectivement mobilisés ? ................ 13
3.1 Persistence de la domination d’une conception (implicitement) positiviste, malgré
des limites régulièrement dénoncées .................................................................................... 14
3.2. Absence persistante d’attention explicite au cadre scientifique des sciences de
l’artificiel, alors que… .......................................................................................................... 15
3.3 Questions soulevées par le positionnement épistémologique de certains travaux 17
3.3.1. Quels cadres épistémologiques mobilisables dans les recherches s’inscrivant
dans la théorie du constructionnisme social ? ................................................................... 17
3.3.2 Quels cadres épistémologiques pour le modèle de l’effectuation ? ............... 18
3.3.3. Peu de recherches empiriques spécifiquement inscrites dans le PERC ........ 18
4. Discussion et conclusion ............................................................................................. 19
Références ....................................................................................................................... 22

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“Sciences of the Artificial is one of the most exciting pieces Simon has
ever published. In an oeuvre over a thousand publications, that is saying a
lot. But this is also, in my considered opinion, one of the most irritating. It
bursts at its seams with brilliant ideas and mouth-watering possibilities for
scholarship and pedagogy, but does not develop many of these into
something readers can sink their teeth into, especially in the domains of
management and economics.”
Sarasvathy S., 2003, Entrepreneurship as a science of the artificial, p. 211.

A l’instar de la plupart des disciplines scientifiques, la recherche en entrepreneuriat s’est


initialement développée, de manière le plus souvent implicite, dans la conception
traditionnelle positiviste de la science (Bygrave, 1993), qui a prévalu aux cours des trois
derniers siècles. Les développements scientifiques du XXe siècle, de la physique des
particules à l’écologie scientifique en passant par la biologie moléculaire, ont mis à mal cette
conception de la science. Divers cadres scientifiques et épistémologiques se sont développés,
et, à l’instar d’autres disciplines, la recherche en entrepreneuriat s’ouvre peu à peu à ces autres
cadres. Dans ce contexte, ce chapitre a pour but de donner à voir l’éventail des cadres
scientifiques et épistémologiques mobilisables, dans lesquels des recherches en
entrepreneuriat se développent, ou pourraient se développer, de manière rigoureuse et
fructueuse tant pour la théorie que pour la pratique de l’entrepreneuriat.
Toute recherche scientifique s’inscrit, de manière explicite ou implicite, non seulement
dans un modèle de science mais aussi dans un cadre épistémologique. Comme le formule Van
de Ven (1997), dans la mesure où il existe divers cadres mobilisables, mieux vaut décider soi-
même du cadre épistémologique dans lequel on inscrira ses travaux que d’hériter d’un cadre
par défaut. L’épistémologie désigne l’étude de la constitution des connaissances valables
(Piaget, 1967). Le caractère valable d’une connaissance ne s’apprécie pas dans l’absolu, mais
en relation avec un cadre épistémologique. Celui-ci exprime, via un corps cohérent
d’hypothèses fondatrices postulées, une certaine vision concernant l’origine et la nature de la
connaissance. Les modes de justification des connaissances développées au cours d’une
recherche dépendent du cadre épistémologique dans lequel la recherche est inscrite. Ne pas
rendre explicite le cadre épistémologique d’une recherche expose à ne pas percevoir
d’éventuelles incohérences dans le canevas (ou design) de cette recherche, particulièrement
entre le corpus théorique mobilisé et la manière de justifier les connaissances élaborées
(Lindgren et Packendorff, 2009).
Ce chapitre est organisé en trois parties. Il commence par présenter divers cadres
épistémologiques mobilisés dans la recherche contemporaine en sciences sociales. La
présentation, qui est effectuée à partir de l’explicitation de leurs principales hypothèses
fondatrices, met en relief les différences fondamentales qui existent entre des paradigmes
épistémologiques explicitement fondés, qui sont parfois regroupés indistinctement sous
l’appellation de « non-positivistes » (Johannisson, 2012) ou même « anti-positivistes »
(Wicks et Freeman, 1998). Une telle présentation permet de lever certaines confusions qui se
sont installées au sujet de différents paradigmes épistémologiques, comme en témoignent
divers exemples cités au fil du texte. Ensuite, les deux principaux archétypes de science qui
font référence dans les recherches contemporaines seront présentés, à savoir l’archétype
traditionnel des sciences de la nature et l’archétype des sciences de l’artificiel (Simon, 1969,
1996 ; Sarasvathy, 2003 ; Venkataraman et al., 2012). Enfin, des exemples de recherches

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menées dans diverses combinaisons envisageables entre cadres épistémologiques et
archétypes de science sont examinés. Ces exemples permettent d’illustrer les apports
complémentaires que l’inscription de recherches dans d’autres cadres épistémologiques que le
seul cadre positiviste rend possible sur des sujets centraux dans la recherche en
entrepreneuriat, tels que l’opportunité d’affaires ou l’intention entrepreneuriale. Ces
exemples permettent aussi de mettre en lumière les risques d’incohérence dans les designs de
recherche lorsque les chercheurs ne sont pas attentifs à expliciter les fondements
épistémologiques sur lesquels leurs projets reposent.

1. Principaux cadres épistémologiques contemporains


Ce chapitre se concentre sur plusieurs cadres épistémologiques couramment cités dans
la recherche contemporaine en sciences sociales, à savoir les paradigmes épistémologiques
positiviste (PEP), réaliste critique (PERC), constructiviste pragmatique (PECP),
interprétativiste (PEI), constructiviste au sens de Guba et Lincoln (1989, 1998 - PECGL). Il
laisse de côté certains autres cadres épistémologiques comme le réalisme évolutionnaire
(Campbell, 1974), qui semblent moins souvent mobilisés que ceux qui viennent d’être cités.
En reprenant la définition concise de l’épistémologie proposée par Piaget (1967, p.6,
italiques ajoutés) comme « l’étude de la constitution des connaissances valables », un
paradigme épistémologique peut être défini comme consistant en un ensemble de réponses
mutuellement cohérentes et partagées par une communauté aux trois questions suivantes :
qu’est-ce que la connaissance ? Comment est-elle élaborée ? Quelle est sa valeur ? Les
réponses spécifiques apportées par chaque paradigme épistémologique constituent les
hypothèses fondatrices de ce paradigme.
Le but de cette partie est de rappeler les principales hypothèses fondatrices des
paradigmes épistémologiques considérés, afin de permettre au lecteur de bien situer ce qui les
distingue les uns des autres et d’éviter certaines confusions fréquentes. Ces hypothèses, qui
sont résumées dans le Tableau 1, portent sur trois registres différents : les hypothèses d’ordre
épistémique, parfois appelées « hypothèses gnoséologiques » (Le Moigne, 1995), qui
concernent l’origine et la nature de la connaissance ; les éventuelles hypothèses d’ordre
ontologique, qui, dans l’usage contemporain de ce terme, concernent la nature de ce que l’on
postule exister (le réel existentiel) ; et enfin les modes de justification des connaissances.
Dans ce chapitre, l’appellation PEP recouvre ce qui est conventionnellement appelé
« positivisme », « néo-positivisme » et « post-positivisme » dans les ouvrages de
méthodologie de la recherche en sciences sociales (Gavard-Perret et al., 2012), sachant que
cette conception des formes de positivisme est sujette à des débats (Dumez, 2010) qui ne
peuvent être abordés de manière détaillée dans ce chapitre.

------- Insérer le Tableau 1 à peu près ici ---------

1.1. Le paradigme épistémologique positiviste (PEP)


L’hypothèse d’ordre épistémique fondatrice du PECP est que le réel est connaissable
objectivement. Pour cela, la neutralité du chercheur est requise : il ne doit pas interférer avec
LE réel. Cette hypothèse sous-entend qu’il existe un réel unique – LE réel – indépendant de
l’attention que peut lui porter un humain qui l’observe. Ceci constitue une première hypothèse
fondatrice d’ordre ontologique. Le PEP postule également que le réel régi par des lois
universelles de la forme « Chaque fois que A, alors B ».
En rejetant la possibilité de lien direct entre ce qui existe et ce qui est perçu, Popper
(1989, cité par Dumez 2010) considère avoir « tué le positivisme logique ». Popper (1979, p.

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82, cité par Dumez, 2010) considère en effet qu’il est erroné de supposer que l’objectivité de
la science dépend de l’objectivité individuelle du chercheur. Pour cet auteur, ce qu’on peut
appeler objectivité scientifique repose uniquement et exclusivement sur la tradition critique :
l’objectivité scientifique n’est pas une question d’individus mais résulte de la critique
mutuelle entre scientifiques. Elle dépend donc de conditions sociales et politiques qui rendent
cette critique possible. Il s’en suit que les chercheurs qui s’attachent à argumenter l’objectivité
des données qu’ils mobilisent dans leurs recherches, ne s’inscrivent pas dans la conception
épistémologique post-positiviste Poppérienne.
Dans le PEP, le processus de connaissance a pour but de découvrir les lois qui régissent
LE réel, en dissociant deux perspectives, celle de la découverte des lois et celle de la
justification de la validité de ces lois. La justification s’effectue via des tests statistiques
d’hypothèses.
Concernant le statut des connaissances, ce courant privilégie une conception
représentationnelle de la connaissance (Tsoukas, 2009) : la connaissance est censée
représenter le monde tel qu’il est, en offrir une représentation iconique. Dans cette
perspective, une proposition théorique est considérée comme vraie lorsqu’elle est correspond
exactement à des faits observés empiriquement. Sous l’influence de Popper (1959), le
principe de réfutation s’est substitué à celui de vérification. La réfutation vise à éliminer les
énoncés non valides. Compte-tenu des hypothèses fondatrices de ce paradigme, par la
réfutation on peut apporter la preuve certaine qu’une théorie est fausse, alors que, même si
une théorie est vraie, il n’est pas possible de le prouver. La connaissance qui a résisté à tous
les tests visant à la réfuter ne pouvant pas être considérée comme définitivement vraie, est dite
corroborée. Le principe de réfutation impose que les énoncés soient formulés d’une manière
telle qu’ils puissent être confrontés à un matériau empirique et déclarés alors sans ambiguïté
vrais ou faux. Les connaissances nouvellement élaborées sont considérées comme
exploratoires et doivent ensuite être testées empiriquement via des recherches essentiellement
quantitatives (Eisenhardt, 1989). Dans le PEP, ceci conduit à accorder une place
prépondérante aux recherches visant à tester empiriquement des hypothèses, comme on
l’observe effectivement dans la recherche en entrepreneuriat (Gartner et Birley, 2002).
A titre d’exemple de confusions qui règnent au sujet de l’épistémologie, lorsque l’on
revient aux hypothèses fondatrices du PEP il apparaît que ce que Alvarez et Barney (2010)
présentent comme relevant du réalisme peut en fait être rattaché au PEP. Examinons
maintenant ce que recouvre le réalisme critique.
1.2. Le paradigme épistémologique réaliste critique (PERC)
Le PERC présente la spécificité de reposer sur une vision a priori du réel particulière,
autrement dit de commencer par postuler des hypothèses fondatrices d’ordre ontologique. Il
part en effet de l’hypothèse selon laquelle le réel a un ordre propre inhérent, stratifié en trois
domaines : le réel empirique, le réel actualisé, et le réel profond (Bhaskar, 1998 ; Blundel,
2006 ; Courvisanos et Mackenzie, 2011). Le réel profond désigne le domaine où résident les
mécanismes générateurs, les structures, les règles, qui gouvernent la survenue d’actions et
d’événements, qui eux prennent place dans le réel actualisé. Le réel empirique est constitué
des perceptions humaines de réels actualisés. Deux propriétés supplémentaires dénommées
respectivement intransitivité et transfactualité, sont postulées à propos des mécanismes
générateurs : les mécanismes générateurs existent et œuvrent indépendamment du fait que des
humains les aient identifiés (intransitivité) ; les mécanismes générateurs existent même
lorsque cela ne se manifeste pas dans le réel empirique (transfactualité). La manière dont les
mécanismes générateurs sont activés dépend de circonstances intrinsèques (liées à leurs règles
internes de fonctionnement) et extrinsèques (dépendant des contextes spécifiques dans
lesquels ils opèrent). Ces notions peuvent être illustrées sur l’exemple du règlement intérieur

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d’une entreprise. Celui-ci prévaut indépendamment du fait que des observateurs du
fonctionnement de l’entreprise en aient connaissance (intransitivité) et qu’ils en perçoivent,
ou pas, ses manifestations (transfactualité). Courvisanos et Mackenzie (2011) illustrent ces
notions de la manière suivante. Ils présentent la capacité d’un entrepreneur à entreprendre (sa
capacité à investir dans des machines, à acheter des matières premières, à recruter du
personnel, etc.) comme un mécanisme générateur localisé dans le domaine réel profond (non
observable). L’exercice de cette capacité génère des événements (achat de machines,
recrutement de personnels) qui se produisent dans le réel actualisé, sans nécessairement faire
l’objet d’observations. Le fonctionnement des machines tel que perçu par un chercheur, un
banquier, ou un ami de l’entrepreneur, font partie du domaine empirique. Dès lors que l’on
voit la machine fonctionner, il est inutile d’observer l’acte d’achat lui-même pour savoir que
l’entrepreneur non seulement avait la capacité d’acquérir la machine, mais aussi qu’il a exercé
cette capacité.
Au plan épistémique, dans le PERC, ce qui est considéré connaissable est le réel
empirique, c'est-à-dire le domaine des perceptions humaines d’événements, lesquels
événements surviennent dans le réel actualisé. A la suite de Bhaskar, Courvisanos et
Mackenzie (2011) soulignent que la connaissance est socialement construite et évolue au fil
du temps, alors que les objets de connaissance eux-mêmes n’évoluent pas nécessairement. Le
processus de connaissance a pour but fondamental l’identification des mécanismes
générateurs qui sont postulés exister de manière sous-jacente au réel actualisé étudié, ainsi
que la compréhension du mode d’activation des mécanismes générateurs en fonction de
différentes circonstances intrinsèques et extrinsèques possibles.
La conception de la connaissance adoptée dans ce courant n’est pas définitivement
établie. Certains auteurs privilégient une conception représentationnelle de la connaissance
relative aux mécanismes générateurs, même s’ils admettent que la vérification ou les tests
visant à réfuter cette connaissance ne permettent jamais de conclure définitivement (Tsang et
Kwan, 1999 ; Tsang, 2006 ; Van de Ven, 2007).
D’autres auteurs, comme Tsoukas (1989, 2000) qui considère indécidable la question de
savoir si notre connaissance capture ou pas ce qui existe, appellent à dépasser cette conception
représentationnelle de la connaissance. En effet, compte-tenu de l’indétermination des
évènements observables liée aux conditions extrinsèques (facteurs contextuels) et aux
conditions intrinsèques d’activation des mécanismes générateurs, il est extrêmement difficile
d’établir des correspondances entre, d’une part, les propositions théoriques concernant les
mécanismes générateurs – qui ne sont pas observables – et d’autre part, ce qui est
effectivement observé.
Comme autre exemple de confusions qui règnent au sujet de l’épistémologie, la manière
dont Alvarez et Barney (2010) présentent le réalisme critique et le réalisme évolutionnaire de
Campbell (1974, cité par Alvarez et Barney) apparaît confuse et sujette à caution. En effet,
par exemple, ils associent de manière erronée l’incapacité de mesurer certains phénomènes
sans perturber leur comportement à l’hypothèse de Bhaskar selon laquelle le réel profond est
inaccessible à l’expérience sensible.

1.3. Le paradigme épistémologique constructiviste radical/pragmatique (PECP)


Dans les sciences sociales, deux paradigmes épistémologiques constructivistes
différents ayant des hypothèses fondatrices précisément explicitées coexistent. L’un a été
conceptualisé principalement par Guba et Lincoln (1989, 1998 - PECGL). L’autre a été
développé dans le prolongement des travaux pionniers de Piaget par von Glasersfeld (1988,
2001). Sa théorisation a été poursuivie par Le Moigne (1995, 2001) sous l’appellation
paradigme épistémologique constructiviste radical. Ces deux paradigmes épistémologiques

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constructivistes postulent des hypothèses fondatrices d’ordre épistémique similaires, mais
adoptent des positions fondamentalement différentes au niveau ontologique. Une telle
divergence d’hypothèses d’ordre ontologique a des conséquences épistémiques et
méthodologiques fondamentales (Avenier, 2011). Ne pas établir de distinction entre ces deux
paradigmes conduit certains auteurs comme Courvisanos et Mackenzie (2011) par exemple, à
émettre des critiques vis-à-vis « du » constructivisme en général qui valent pour l’un mais pas
pour l’autre. Pour cette raison ils sont présentés séparément dans ce chapitre. Cette section est
consacrée au paradigme épistémologique constructiviste radical. Celui-ci est de plus en
souvent qualifié de « pragmatique » plutôt que « radical » (Avenier, 2011, d’où le sigle
PECP), pour à la fois souligner son lien avec le pragmatisme de W. James et éviter diverses
confusions liées à une interprétation erronée tenace des hypothèses fondatrices du paradigme
épistémologique constructiviste radical telles qu’explicitées par Le Moigne (1995).
Au plan épistémique, le PECP postule que l’expérience humaine active (d’une relation
de résistance perçue aux actions menées) est connaissable, et que chaque humain connaît ainsi
sa propre expérience d’UN réel. Cette expérience d’un réel est connue finalisée par l’action
cognitive d’intention de connaissance de ce réel – d’où le qualificatif de « téléologique »
parfois utilisé à la place de « radical » (Le Moigne, 2001 ; Avenier, 2010a). L’élaboration de
savoirs est vue comme un processus intentionnel de connaissance. Dans la connaissance d’un
phénomène, ce qui relève uniquement du phénomène étudié est inséparablement imbriqué
avec ce qui relève du sujet connaissant. Le critère de vérité retenu dans ce paradigme est le
principe pragmatique du verum/factum (Vico, 1993/1858) : le vrai est le même que le fait
(« fait » étant entendu au sens de « ce qui est fait »).
Au plan ontologique, sans nier a priori l’existence possible d’un réel en soi, unique et
indépendant de l’humain qui lui porte attention (Piaget, 1967) — ce qui est appelé LE réel
dans le PEP —, le PECP ne postule aucune hypothèse fondatrice concernant l’existence d’un
tel réel, ni, évidemment, sa nature possible (von Glasersfeld, 1988, 2001 ; Le Moigne, 1995,
2001).
Le processus de connaissance a pour but général de créer de l’intelligibilité dans le flux
de l’expérience humaine. Il vise en particulier l’élaboration de compréhensions des
phénomènes étudiés qui soient fonctionnellement adaptées et viables pour cheminer dans le
monde. Ces connaissances et ces compréhensions sont exprimées sous la forme de
constructions symboliques appelées représentations ou modélisations. Ces modélisations, qui
ne prétendent pas être de type représentationnel (c’est-à-dire être en correspondance iconique
avec un certain réel), dépendent du système de représentation de l’humain considéré, lequel
dépend notamment de son projet, de sa culture, et de son contexte (par exemple, pour
l'entrepreneur, ses situations socioprofessionnelle, économique, familiale…). Autrement dit,
quel que soit l’humain considéré, sa représentation d’un phénomène particulier ne peut pas
être tenue pour LA représentation du phénomène. Il s’agit plutôt d’UNE représentation de ce
phénomène : celle que cet humain particulier a du phénomène étudié.
Pour des raisons de cohérence interne, dans un projet de recherche inscrit dans le PECP
le chercheur est tenu de considérer que les hypothèses ci-dessus valent non seulement pour
lui, mais aussi pour les différents acteurs du phénomène qu’il étudie. Ainsi, dans une
recherche en entrepreneuriat, il considère que l’entrepreneur, son banquier, les membres de
son réseau de soutien, etc., ne connaissent que leur propre expérience du phénomène
considéré. Et donc qu’aucun acteur – qu’il soit l’entrepreneur, le banquier, ou le chercheur –
ne peut prétendre détenir la seule représentation valable de ce phénomène (Avenier et
Schmitt, 2009).
Selon les hypothèses fondatrices du PECP, la confrontation aux phénomènes étudiés
s’effectue via les perceptions du chercheur et la connaissance qu’il élabore n’est pas
indépendante de lui. Toutefois, sur ce sujet, deux précisions sont à souligner. D’une part, le

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fait que la connaissance dépende du chercheur et de son projet de connaissance n’interdit pas
à ce chercheur de prendre comme hypothèse de travail que le phénomène qu’il étudie existe
indépendamment de lui en tant que sujet individuel, même si, dans le même temps, il admet
que ce phénomène est socialement construit. D’autre part, le fait que la connaissance dépende
du chercheur est tempéré par le fait que la connaissance est reliée à l’action visée (Piaget,
1967). Ces deux points rendent possible, dans une perspective pragmatique, une mise à
l’épreuve des connaissances dans et par l’action. Ceci distingue radicalement le PECP de la
posture relativiste adoptée par le PECGL (cf. §3.5).
La vision que Lindgren et Packendorff (2009) donnent du constructivisme offre un autre
exemple de confusions qui règnent au sujet de l’épistémologie. En effet, ils le présentent
comme étant enraciné dans le positivisme, ce qui est en contradiction avec les hypothèses
fondatrices des deux paradigmes épistémologiques constructivistes. Avant de présenter le
PECGL, la prochaine section sera consacrée à la présentation d’un autre paradigme
épistémologique qui a les mêmes hypothèses fondatrices d’ordre épistémique, mais des
hypothèses d’ordre ontologique différentes et des projets de connaissance sensiblement
différents de ceux des deux paradigmes constructivistes.

1.4. Le paradigme épistémologique interprétativiste (PEI)


Ce que va être présenté sous l’appellation paradigme épistémologique interprétatif (PEI)
relève de diverses écoles de pensée qui se sont développées dans la mouvance du tournant
interprétatif (Burrell and Morgan, 1979) et ont contribué à son développement. Ces écoles ont
en commun de s’inscrire dans la phénoménologie (Heidegger, 1962) et de privilégier, entre
autres, les méthodes herméneutiques et ethnographiques. On se concentre ici plus
particulièrement sur l’une de ces écoles parce que, à la différence de la plupart des autres, les
positions adoptées dans cette école sur les trois questions fondamentales de l’épistémologie
sont précisément explicitées (Sandberg, 2005 ; Yanow, 2006). Les hypothèses d’ordre
épistémique postulées par le PEI sont identiques à celles postulées par le PECP. En effet, le
PEI postule ce qui est considéré comme connaissable est l’expérience vécue et que la
connaissance qu’un sujet développe d’une situation est liée inséparablement à la fois à la
situation et au sujet qui en fait l’expérience. Enfin il postule le pouvoir constitutif de
l’intention dans l’expérience du monde et donc dans la construction de connaissances
(Sandberg, 2005 ; Yanow, 2006), autrement dit le caractère téléologique de la connaissance.
C’est sur les hypothèses d’ordre ontologique que le PEI diffère du PECP. Les différents
courants à l’intérieur du PEI s’accordent à la fois pour récuser l’hypothèse d’existence d’un
réel objectif indépendant de l'observateur et pour poser des hypothèses fondatrices d’ordre
ontologique – alors que le PECP, sans postuler d’hypothèse fondatrice d’ordre ontologique,
ne récuse pas la possibilité d’existence d’un réel objectif indépendant de l'observateur. La
teneur des hypothèses postulées dans le PEI varie selon les courants considérés. Par exemple,
Yanow (2006) se limite à postuler une hypothèse qui peut aisément être prise comme
hypothèse de travail dans le PECP : l’hypothèse selon laquelle les comportements humains ne
sont pas erratiques mais présentent certaines régularités (« patterns ») temporairement stables.
Sandberg (2005) quant à lui postule en outre que différents sujets participant à une
certaine situation sont capables de s’accorder sur l’attribution d’une certaine signification à
cette situation. Il désigne par « réalité objective intersubjective » cette signification partagée.
Autrement dit, le PEI considère la signification consensuellement attribuée par des sujets à
une situation à laquelle ils participent, comme la réalité objective de cette situation. La
« réalité objective intersubjective » d’une situation dépend ainsi des interprétations des
expériences que les différents sujets ont de la situation.

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Ce paradigme épistémologique s’est développé en liaison directe avec un certain
nombre de méthodes qualitatives telles que les méthodes herméneutiques et ethnographiques.
Dans la plupart des courants du PEI, la construction de connaissance vise d'abord à
comprendre les significations que les différents sujets participant à une même situation
donnent à cette situation.
Les connaissances générées sont essentiellement de type descriptif. Elles sont en général
présentées dans des narrations détaillées offrant des « descriptions épaisses » (« thick
descriptions ») . Le but de ces descriptions épaisses est double : donner au lecteur la
possibilité de suivre précisément la manière dont les interprétations du chercheur ont été
élaborées à partir du matériau empirique mobilisé ; communiquer au lecteur le plus
d’informations possible pour faciliter la mobilisation de ces connaissances dans un autre
contexte.
Bien que postulant que l’activité humaine présente certaines régularités, les théoriciens
du PEI refusent la généralisation statistique (Yanow, 2006). La généralisation envisagée dans
le PEI concerne essentiellement des processus d’interprétation, de construction de sens, et de
communication, en s’efforçant d’identifier les cadres de pensée et les façons de voir le monde,
souvent tacites, qui façonnent la manière dont les sujets donnent du sens aux situations qu’ils
vivent. La généralisation est réalisée de manière itérative par induction et/ou par abduction, à
partir de lectures attentives répétées du matériau empirique jusqu’à ce qu’une construction de
sens nouvelle émerge, éventuellement à la lueur de connaissances théoriques préalables
(Yanow, 2006).
1.5. Le paradigme épistémologique constructiviste au sens de Guba and Lincoln
(PECGL)
Comme déjà souligné, les hypothèses fondatrices d’ordre épistémique du PECGL sont
similaires à celles du PEI et du PECP. En effet, le PECGL postule que, dans le processus de
connaissance, l’investigateur et ce qu’il investigue sont inséparablement reliés : c’est
précisément leur interaction qui suscite les informations qui émergeront de l’investigation. La
« vérité » (que Guba et Lincoln définissent avec des guillemets pour bien mettre en relief le
caractère problématique de cette notion dans ce paradigme) est définie comme la construction
d’une compréhension des interactions considérée la mieux informée et la plus sophistiquée
sur laquelle il y a consensus parmi les individus les plus compétents pour élaborer une telle
compréhension (qui, soulignent Guba et Lincoln, ne sont pas nécessairement ceux qui ont le
plus de pouvoir). Le processus de connaissance a pour but l’élaboration de compréhensions
améliorées des situations étudiées. Ces connaissances et ces compréhensions sont exprimées
sous la forme de constructions symboliques offrant une compréhension du phénomène étudié
qui n’est pas indépendante du chercheur.
Au plan ontologique, à la différence du PECP, le PECGL postule une hypothèse forte
« d’ontologie relativiste » selon laquelle il existe de multiples réalités socialement construites,
qui ne sont pas gouvernées par des lois naturelles, causales ou d’autre sorte (Guba et Lincoln,
1989, p. 84) ; ces constructions sont élaborées par des individus dans le but de donner du sens
à leur expérience, toujours interactive, de la situation considérée. Cette hypothèse d’ontologie
relativiste ne permet pas au chercheur de prendre comme hypothèse de travail, comme il le
peut dans le PECP, que ce qu’il étudie existe indépendamment de lui en tant que sujet
individuel. Elle ne permet pas non plus d’envisager de mise à l’épreuve (des connaissances)
dans et par l’action. Enfin, elle ne permet pas d’envisager une quelconque forme de
généralisation de savoirs (Guba et Lincoln, 1989, p. 36). Ceci constitue une différence
majeure avec le PECP où un mode de généralisation de la connaissance est possible (Avenier,
2010a). Ce mode de généralisation a été appelé généricisation à la fois pour le distinguer du
mode de généralisation classique en sciences sociales – généralisation horizontale fondée sur

9
des études statistiques –, et parce qu’il repose sur le développement de concepts et de
propositions génériques (Avenier, 2010b). Cette spécificité du PECGL rend ce paradigme
épistémologique impropre à constituer un référentiel épistémologique dans une recherche
scientifique (Alvarez et Barney, 2010), quel que soit le modèle de science considéré. Mais à
quels archétypes de science peut-on se référer ?

2. Quels archétypes de science ?


2.1. La science : une unitas multiplex intégrant deux archétypes différents
Le modèle de la physique classique et de la mécanique s’est imposé pendant trois
siècles à partir des conceptions de Descartes et Newton notamment, comme le seul et unique
modèle pour toute pratique scientifique, indépendamment du type de phénomène étudié.
Auguste Comte a ainsi proposé une conception de la sociologie comme une « physique
sociale ». A la base, ce modèle de science a été développé pour étudier des phénomènes
qualifiés de naturels car perçus se dérouler indépendamment de toute intention humaine. D’où
son appellation : modèle des sciences de la nature. Il repose sur l’idée selon laquelle une
connaissance scientifique est une connaissance générale, valable en tout temps et tout lieu,
élaborée en recourant à la méthode expérimentale. Celle-ci vise à révéler et vérifier à travers
de multiples réplications (Tsang et Kwan, 1999) les relations, en particulier causales,
susceptibles d’exister entre les phénomènes observés. Le modèle des sciences de la nature est
encore souvent implicitement considéré comme le seul et unique archétype de science
légitime, bien qu’il s’avère aujourd’hui inadapté pour appréhender les phénomènes étudiés
dans de nombreuses sciences de la nature apparues au XXe siècle, telles que l’écologie
scientifique (étude de la biosphère), la cosmologie (étude de l’univers), ou même la physique
quantique.
Le fait de prendre le modèle des sciences de la nature (classiques) comme modèle
exclusif pour les sciences sociales fait l’objet de nombreuses critiques dans les sciences
sociales en général (Guba et Lincoln, 1989 ; Yanow et Schwartz-Shea, 2006), et dans la
discipline de l’entrepreneuriat en particulier (Bygrave, 1989 ; Lindgren et Packendorff, 2009).
Toutefois ces auteurs ne proposent aucun autre modèle pour le remplacer. Deux modèles sont
pourtant disponibles pour étudier des phénomènes qui incorporent à la fois des régulations
naturelles et des intentions humaines : une conception des sciences des organisations comme
des sciences quasi-naturelles (McKelvey, 1997), et le modèle des sciences de l’artificiel
(Simon, 1969, 1996).
Le cadre que propose McKelvey (1997) pour étudier les phénomènes organisationnels
diffère de manière incrémentale du modèle des sciences de la nature. En effet, dans l’étude de
la combinaison entre intentions humaines et régulations perçues naturelles, cet auteur propose
de se focaliser sur ce qui relève des régulations naturelles. Le modèle proposé par Simon
(1969) est, quant à lui, général : il est valable pour de multiples disciplines, des sciences du
management à la climatologie et l’écologie scientifiques (qui ne relèvent pas du champ
traditionnel des sciences sociales), et constitue ainsi un archétype de science (Avenier,
2010a). Cet archétype diffère radicalement de l’archétype des sciences de la nature tout en
permettant d’étudier des phénomènes qui incorporent des régulations perçues naturelles.
L’idée de Simon (1969) de conceptualiser un autre modèle de sciences, qu’il a appelé
« les sciences de l’artificiel », est née d’une double observation. D’abord, l’omniprésence,
dans le monde dans lequel nous vivons, de phénomènes façonnés par des activités humaines
intentionnelles, qu’il appelle artefacts, tels que par exemple les villes, les champs labourés, les
entreprises. Ensuite, l’inadaptation du modèle des sciences de la nature à l’étude des artefacts,
en raison de deux de leurs caractéristiques distinctives : leur caractère contingent, c'est-à-dire

10
le fait qu’un artefact dépend fortement de l’environnement dans lequel il fonctionne ; et leur
caractère téléologique, c'est-à-dire le fait que la conception et l’évolution d’un artefact sont
orientées par des intentions ou buts qui se redéfinissent chemin faisant au fil du
fonctionnement de l’artefact : « Lorsque nos buts changent, nos artefacts changent aussi – et
réciproquement. » (Simon, 1969, p. 3) Dans cette phrase, le terme réciproquement renvoie à
la récursivité du processus reliant fins et moyens.
Pour Simon (1969), la science se doit d’embrasser les phénomènes dans lesquels
s’incarnent à la fois les intentions humaines et les régulations perçues naturelles. Il s’agit donc
de concevoir la science comme une unitas multiplex (Morin, 1977), plutôt que selon la vision
monolithique classique. Dans cette conception, les sciences de l’artificiel sont des sciences
fondamentales, à la fois tout autant et autrement que le sont les sciences de la nature
traditionnelles, et les deux archétypes de science sont indissociablement liés comme les deux
faces d’une même pièce : leur intégration constitue une unité dans laquelle leurs différences
ne se perdent pas.
Cette conceptualisation révolutionnaire au sens de Kuhn (1970) s’avère très ouverte
comme le souligne la citation en exergue de Sarasvathy (2003). Elle offre ainsi des
possibilités importantes de développement et d’enrichissement à ceux qui s’attachent à la
poursuivre comme, en particulier, Le Moigne2 (1990, 2002). Cette conceptualisation repose
sur diverses notions qui ne font pas partie du répertoire classique des sciences de la nature.
Par exemple, celles d’artefact, de téléologie et de récursivité fins/moyens, de contingence, de
localité, de quasi-décomposabilité, de planification sans but final, de rationalité procédurale,
de comportement « satisficing », d’action intelligente… Cette conceptualisation incite à
privilégier l’étude des processus – de décision, de symbolisation, de conception, de
modélisation, de cognition – plutôt que de se cantonner à l’étude des résultats instantanés de
ces processus, et, de même, à être attentif aux processus de connaissance et pas seulement aux
connaissances-résultats, qui ne sont que des coupes instantanées dans des processus sans fin.
Certaines des notions évoquées ci-dessus apparaissent particulièrement pertinentes pour
la recherche en entrepreneuriat. Par exemple, la notion d’artefact que Simon conçoit comme
un phénomène façonné par des intentions humaines, fonctionnant et évoluant dans un
contexte (humain, social, économique, technologique, etc.) lui-même évolutif. Une
opportunité d’affaire, une start-up, un projet entrepreneurial peuvent ainsi être vus comme des
artefacts conçus intentionnellement pour s’inscrire dans certains contextes géographiques,
technologiques, culturels, sociaux, susceptibles de leur apporter des ressources de diverses
natures (financières, informationnelles, cognitives, relationnelles, technologiques, physiques)
et d’accorder une certaine valeur à ce que ces artefacts apportent.
La récursivité fins/moyens exprime que dans leurs efforts d’intervention intentionnelle
dans certains contextes (projet entrepreneurial, start-up par exemple), les acteurs, sans cesse,
essaient d’adapter leur environnement à leurs désirs et intentions, et, dans la mesure où en
général ils n’y parviennent pas pleinement, d’adapter leurs intentions à cet environnement.
Ces actions d’adaptation à l’environnement peuvent faire émerger d’autres buts par rapport
auxquels les acteurs chercheront à nouveau à adapter leur environnement, et ainsi de suite. La
récursivité fins/moyens est à la base du modèle de l’effectuation (Sarasvathy, 2001, 2003), le
point de départ du processus d’effectuation se situant plutôt du côté des moyens initialement
disponibles.
Sarasvathy (2003) souligne l’importance pour la recherche en entrepreneuriat, des
notions de localité, contingence et quasi-décomposabilité, en montrant comment elles

2
Jean-Louis Le Moigne a largement contribué à la diffusion en France de l’œuvre impressionnante de
Herbert Simon, notamment en réalisant lui-même les traductions des trois éditions de Sciences of the Artificial
(1969, 1981, 1996), ces traductions étant accompagnées de « notes du traducteur » particulièrement nombreuses
et éclairantes.

11
s’articulent : les capacités cognitives humaines étant limitées, les artefacts que nous
concevons sont, au mieux, localement adaptés aux contextes dans lesquels ils opèrent
(localité). Pourtant, ils sont capables de perdurer dès lors qu’ils apprennent à s’adapter aux
situations rencontrées (contingence), voire à en tirer parti. Ceci est favorisé lorsqu’ils sont
organisés de façon quasi-décomposable, c'est-à-dire lorsqu’ils sont constitués de sous-
systèmes interconnectés de telle manière que les éléments à l’intérieur d’un sous-système
particulier interagissent entre eux beaucoup plus rapidement et vigoureusement qu’ils ne le
font avec les éléments des autres sous-systèmes.
Le projet d’une science de l’artificiel est de développer des connaissances relatives au
fonctionnement et à l’évolution d’artefacts relevant du champ de cette science, en prenant
explicitement en compte le caractère téléologique des artefacts et de dépendance par rapport
aux contextes dans lesquels ils se déploient. Par exemple, le fait de considérer les opportunités
d’affaires comme des artefacts (Venkataraman et al., 2012) conduit à étudier les conditions
favorisant la construction et la mise en œuvre d’opportunités entrepreneuriales susceptibles
d’aboutir à de la création effective de valeur (Wood et McKinley, 2010)
En complément aux arguments que Sarasvathy (2003) développe en faveur d’une
conception de la discipline de l’entrepreneuriat comme une science de l’artificiel, on peut
ajouter que cette conception permet de prendre en compte la vision selon laquelle
l’entrepreneur fait partie (au sens de « embeddedness », Granovetter, 1985) de son
environnement non seulement social mais aussi naturel (Forsell et Paloniemi, 2010), ainsi que
la corporalité de l’entrepreneur. Une telle conception permet d’accueillir non seulement les
travaux de Bouchikhi (1993) développés dans le cadre de la théorie de la structuration de
Giddens (1984), mais aussi ceux de Jack et Anderson (2002) sur les liens entre l’entrepreneur
et son contexte social. Rien ne s’oppose non plus à ce que cette conception de la recherche en
entrepreneuriat intègre les développements récents (Fletcher, 2006 ; Lindgren et Packendorff,
2009 ; Cajaiba-Santana, 2011) fondés sur la théorie du constructionisme social (Berger et
Luckmann, 1967 ; Gergen, 1999).
Tout comme pour les sciences de la nature, la conceptualisation des sciences de
l’artificiel a été effectuée sans préjuger du référentiel épistémologique – par exemple PEP,
PERC, PECP ou PEI – dans lequel s’effectuera la justification des connaissances élaborées.

2.2. A l’intérieur de l’archétype des sciences de l’artificiel, le modèle des sciences de


conception
Notant que les sciences qui s’intéressent aux artefacts ne sont pas prioritairement
concernées par le nécessaire, c'est-à-dire par la façon dont les choses doivent être, mais par la
façon dont elles pourraient être, c'est-à-dire par la conception, Simon (1996) introduit un autre
modèle de science à l’intérieur de l’archétype des sciences de l’artificiel, celui des sciences de
conception (sciences of design). Le projet de ces sciences est spécifiquement de développer
des connaissances concernant la conception d’artefacts ayant certaines propriétés désirées
(Van Aken, 2005 ; Mohrman, 2007). Ceci, alors que les savoirs développés dans le cadre
général des sciences de l’artificiel concernent le fonctionnement d’artefacts existants, et sont
susceptibles d’éclairer, ou pas, la conception d’artefacts (futurs) ayant certaines propriétés
désirées. A la différence des sciences de la nature où le chercheur adopte une posture
essentiellement d’analyse, dans les sciences de conception il adopte une posture de
conception/synthèse, qui, sans exclure l’analyse, ne se réduit pas à elle. Cette posture de
conception se retrouve dans les travaux qui portent sur la création d’opportunités d’affaires
(Alvarez et Barney, 2010). Elle fait appel à l’imagination et à la créativité, qui jouent un rôle
particulièrement important dans le processus d’effectuation (Sarasvathy, 2001, 2003).

12
C’est à travers le modèle des sciences de conception que l’archétype des sciences de
l’artificiel s’est jusqu’à présent le plus largement diffusé (JABS 2007 ; OS 2008). Certains des
travaux développés dans ce modèle sont explicitement menés dans le PERC (Van Aken, 2005
; Denyer and Tranfield, 2006), d’autres dans le PECP (Le Moigne, 2001, 2002).

3. Quels cadres épistémologiques et scientifiques effectivement mobilisés ?


Les deux parties précédentes font ressortir que les questions de cadrage épistémologique
et de cadrage scientifique relèvent de deux ordres différents. Il apparaît donc intéressant de les
croiser plutôt que de les amalgamer comme cela est très souvent effectué (au moins
implicitement). Cette opération fait apparaître dix possibilités, qui sont numérotées de I à X
dans le Tableau 2. Les possibilités V et X sont immédiatement éliminées puisque l’hypothèse
de relativisme ontologique du PECGL interdisant toute possibilité de généralisation de
connaissances (Guba et Lincoln, 1989 ; Avenier, 2011), rend ce paradigme incompatible avec
un projet de développement de connaissances scientifiques quel que soit l’archétype de
science considéré. Le but de cette partie est de montrer sur des exemples publiés de
recherches relevant des autres cases du tableau comment s’incarnent en pratique les éléments
abstraits discutés précédemment. Les exemples ont été sélectionnés dans un but illustratif, en
se concentrant sur un nombre limité de références étudiées de manière approfondie
(Verstraete et Fayolle, 2005).

-------------- Insérer le Tableau 2 à peu près ici --------------

La réalisation de ce travail a soulevé plusieurs difficultés. A quelques exceptions


remarquables près (Bouchikhi, 1993 ; Sarasvathy, 2003 ; Rae, 2005 ; Blundel, 2006 ; Avenier
et Schmitt, 2009 ; Alvarez et Barney, 2010 ; Forsell et Paloniemi, 2010 ; Venkataraman et al.,
2012), les cadres scientifique et épistémologique des recherches ne sont pas explicités
(Lindgren et Packendorff, 2009). Et même dans ces cas exceptionnels, les auteurs concernés
n’explicitent en général que l’un des deux cadres, laissant l’autre implicite. Par exemple, à
l’exception de Sarasvathy (2003) et Venkataraman et al. (2012), aucun des auteurs cités ne
précise pas le cadre scientifique dans lequel leurs travaux sont inscrits.
Lorsque le cadrage épistémologique des travaux n’est pas indiqué, j’ai tenté de l’inférer
ex post à partir notamment des modes de justification mis en avant par les auteurs. Ce faisant,
je prends le risque de me trouver en désaccord avec le positionnement que ces auteurs
auraient éventuellement préféré afficher. Une autre difficulté provient d’un phénomène
signalé au fil du §1 : certains auteurs qui précisent l’inscription épistémologique de leurs
travaux, comme Forsell et Paloniemi (2010) pour le PERC, ne retiennent pas les hypothèses
fondatrices centrales du paradigme épistémologique tel que conceptualisé par ses théoriciens
majeurs ; d’autres, comme Alavarez et Barney (2010) pour le PERC, donnent des
interprétations contestables des visions développées par les théoriciens de ce paradigme. Ces
diverses difficultés ont un corollaire : le positionnement dans le Tableau 2 des exemples
retenus est discutable, et certains travaux, indiqués avec un « ? » dans le Tableau 2, n’ont pas
pu être positionnés de manière non ambigüe car ils ne sont pas suffisamment précis ou
mettent en avant des éléments contradictoires.

13
3.1 Persistence de la domination d’une conception (implicitement) positiviste, malgré
des limites régulièrement dénoncées
A l’instar des autres sciences sociales, la recherche en entrepreneuriat s'est initialement
développée selon le modèle classique (positiviste) des sciences de la nature (Lindgren et
Packendorff, 2009 ; Schmitt, 2009), c'est-à-dire dans la case I du Tableau 2. En effet, que ce
soit dans la conception initiale de l'entrepreneur comme un homo economicus (Julien et
Schmitt, 2008 ; Lindgren et Packendorff, 2009), puis dans la conception managériale qui lui a
succédé, où la recherche se centre sur les traits distinctifs de l’entrepreneur comme, par
exemple, la vigilance (« alertness », Kirzner, 1979), les recherches menées dans ces deux
conceptions mettent systématiquement en avant l'objectivité et la neutralité du chercheur
(Lindgren et Packendorff, 2009). Ceci sous-entend que ces recherches s’inscrivent au moins
implicitement dans le PEP (qui est le seul paradigme épistémologique où l’objectivité est
considérée comme possible). La troisième période dans la structuration progressive de la
discipline (Filion, 1997 ; Bygrave, 2006), se développe autour du processus entrepreneurial
(Gartner 1985 ; Bygrave et Hofer, 1991 ; Fayolle, 2004), ce qui suscite l’émergence de
nouveaux thèmes de recherche : l'entrepreneuriat familial, l'entrepreneuriat féminin, la reprise
d'entreprise, l'accompagnement entrepreneurial, ou encore, plus récemment, l’entrepreneuriat
social. La recherche s’organise alors autour de quatre paradigmes principaux (Verstraete et
Fayolle, 2005) : les paradigmes de l'opportunité d'affaires, de la création d'organisation, de la
création de valeur, et de l'innovation.
Dans ce contexte général, les travaux de Bouchikhi (1993) qui s’intéressent aux
processus de réussite entrepreneuriale se distinguent à plusieurs égards. D’une part, cet auteur
explicite le positionnement épistémologique dans lequel ses recherches sont menées, et celui-
ci n’est pas le positionnement traditionnel. Il s’agit en effet de la conception épistémologique
constructiviste de Piaget (1983, cité par Bouchikhi), dans la lignée de laquelle s’inscrit
directement le PECP (von Glasersfeld, 1988, 2001 ; Le Moigne ; 1995, 2001). D’autre part,
la contribution de Bouchikhi combine des perspectives endogènes et exogènes, en mobilisant
la théorie sociologique de la structuration (Giddens, 1984) à laquelle se réfèreront aussi de
nombreux travaux ultérieurs en entrepreneuriat (Fletcher, 2006 ; Lindgren et Packendorff,
2009 ; Cajaiba-Santana, 2011). Et, last but not least, Bouchikhi dénonce certaines dérives des
approches positivistes, parmi lesquelles, selon les termes de cet auteur, l’obsession des
chercheurs à mesurer et effectuer des tests statistiques. Ceci les conduit à privilégier la
simplicité, voire le simplisme des modèles étudiés, qui se réduisent parfois à de simples
check-lists comme dans (Vesper, 1990, cité par Bouchikhi), aux dépends du développement
de cadres conceptuels plus riches et plus éclairants.
Dix ans plus tard, une conception (implicitement) positiviste continue à dominer et à
faire l’objet de critiques analogues (Fletcher, 2006 ; Alvarez et Barney, 2010 ; Forsell et
Paloniemi, 2010). Par exemple, Bygrave (2006) et Lindgren et Packendorff (2009) dénoncent
une focalisation institutionnalisée sur des recherches hypothético-déductives, quantitatives,
focalisées sur le test statistique d’hypothèses, à partir de modèles extrêmement réducteurs.
Néanmoins, dans ce contexte, quelques voix différentes réussissent à se faire entendre et
à se diffuser dans la communauté. Il en est ainsi (cf. par exemple, Fletcher, 2006 ; Lindgren et
Packendorff, 2009 ; Wood et McKinley, 2010 ; Cajaiba-Santana, 2011) des travaux menés
dans le cadre du constructionnisme social (Berger et Luckmann, 1967 ; Gergen, 1999), de la
théorie de la structuration (Giddens, 1984), et du modèle de l’effectuation (Sarasvathy, 2001).
Celui-ci, nommé d’après un terme utilisé par W. James (1912, cité par Sarasvathy), est fondé
sur la théorisation de l’enactment et du sensemaking (Weick, 1995), ainsi que sur le principe
de récursivité fins/moyens (Simon, 1996). Ce modèle, qui connaît une diffusion importante
dans la communauté, suscite des travaux très divers (cf. par exemple Mainela et Puhakka,
2009 ; Read et al., 2009 ; Chandler et al., 2011). Ceci, à la différence d’une autre contribution

14
de cette auteure (Sarasvathy, 2003), qui semble n’avoir pas suscité d’écho particulier dans les
communautés de recherche en entrepreneuriat : la conceptualisation de la recherche en
entrepreneuriat comme une science de l’artificiel.

3.2. Absence persistante d’attention explicite au cadre scientifique des sciences de


l’artificiel, alors que…
Plusieurs raisons peuvent avoir contribué à ce que, dans le domaine de l’entrepreneuriat,
à ma connaissance, il a fallu attendre près de 10 ans pour trouver une publication
(Venkataraman et al., 2012) autre que celle de Sarasvathy (2003), qui argumente en faveur
d’une conception de la recherche en entrepreneuriat comme une science de l’artificiel. Ceci
n’est pas vraiment surprenant puisque le questionnement du cadre scientifique est quasi-
inexistant dans la recherche en entrepreneuriat (Lindgren et Packendorff, 2009) ; et lorsqu’il
est mené c’est sous la forme d’un questionnement du cadre épistémologique plutôt que du
cadre scientifique lui-même. Par exemple, ces auteurs critiquent le modèle des sciences de la
nature, mais plutôt que de proposer un autre cadre scientifique susceptible de le remplacer,
ces auteurs argumentent en faveur d’un autre cadre épistémologique.
Une autre raison est sans doute liée à la nécessaire focalisation de Sarasvathy (2003) sur
un nombre extrêmement limité d’idées-forces d’une conceptualisation certes inachevée mais
révolutionnaire, et sur un seul exemple – le modèle de l’effectuation. Une telle focalisation ne
permet probablement pas au lecteur d’appréhender tout le potentiel d’enrichissement que le
cadre des sciences de l’artificiel offre à la recherche en entrepreneuriat, ceci même si l’intérêt
du modèle de l’effectuation a été largement reconnu par la communauté.
Par exemple, l’espace limité d’un article n’a pas permis à Sarasvathy (2003)
d’argumenter que les artefacts « enactent » leurs contextes (Weick, 1979, 1995) – notamment
leurs contextes sociaux— via les processus récursifs multiples dans lesquels ils sont
imbriqués. Ni de discuter dans quelle mesure les artefacts peuvent être considérés comme
socialement construits au sens de Berger et Luckmann (1967), du constructionisme social
(Gergen, 1999), ou encore de la théorie de la structuration (Giddens, 1984). La contribution
de Venkataraman et al. (2012) non seulement intègre ces points, mais aussi en argumente
d’autres, en particulier le fait qu’une science de l’artificiel étudie non seulement ce qui est
donné (« given ») mais aussi ce qui peut être construit intentionnellement (« designed »),
c'est-à-dire les phénomènes dans lesquels des acteurs peuvent intervenir pour les façonner.
Ces auteurs se concentrent sur trois considérations auxquelles conduit le fait de voir la
discipline de l’entrepreneuriat comme une science de l’artificiel : (1) voir les opportunités
comme des artefacts construits par les actions et interactions des parties prenantes en
mobilisant des matériaux et des concepts trouvés dans l’univers de l’entrepreneur ; (2)
considérer les innovations entrepreneuriales comme la création de transformations qui ne se
limitent pas seulement à de nouvelles combinaisons ; (3) dans le travail empirique, considérer
le réseau d’actions et d’interactions des entrepreneurs avec leur environnement comme une
unité d’analyse essentielle. Concevoir la recherche en entrepreneuriat comme une science de
l’artificiel conduit à appréhender l’entrepreneuriat comme une pratique s’articulant autour de
la conception et de l’enactment d’artefacts socio-techniques évolutifs et viables dans leurs
contextes.
Il est à noter que l’interprétation que Venkataraman et al. (2012) offre des sciences de
l’artificiel comme étudiant des phénomènes se situant à l’interface des sciences sociales et des
sciences de la nature ne correspond pas exactement à la vision du fondateur des sciences de
l’artificiel (Simon, 1969, 1996) lui-même. En effet, Venkataraman et al. (2012) considèrent
que les sciences sociales tout comme les sciences de la nature sont vouées à mettre au jour des

15
explications causales. Alors que Simon (1969) considérait les sciences économiques, et plus
généralement les sciences sociales, comme des sciences de l’artificiel.

Je vais maintenant présenter les raisons qui, dans le Tableau 2, m’ont conduite à
positionner dans la colonne « sciences de l’artificiel » la plupart des exemples évoqués dans
ce texte, alors que leurs auteurs n’indiquent pas particulièrement inscrire leurs travaux dans le
cadre des sciences de l’artificiel.
Dans la conception des opportunités comme étant à découvrir (« discovery
opportunity », Shane et Venkataraman, 2000), une opportunité est considérée comme
provenant d’une situation où, sur un marché donné, les conditions de concurrence « parfaite »
ne sont pas satisfaites. Ces imperfections, qui sont vues comme objectives, peuvent provenir
d’innovations technologiques, de changement de préférences des consommateurs, etc. Une
telle opportunité sera découverte par des individus particulièrement vigilants (« alert » selon
Kirzner, 1979). L’inscription (implicite) habituelle dans le PEP3, des recherches menées
autour de cette notion est cohérente avec la vision de l’opportunité comme donnée et à
découvrir. Toutefois, l’opportunité n’est pas perçue comme donnée par la Nature mais par les
imperfections d’un marché, qui n’est pas non plus donné par la Nature mais est plutôt à voir
comme un artefact (social). Par conséquent, le cadre des sciences de l’artificiel offre un
cadrage scientifique mieux adapté que celui des sciences de la nature pour positionner les
travaux qui traitent de l’opportunité comme étant découverte (case VI).
Selon Alvarez et Barney (2010), dans la conception de l’opportunité comme étant créée
(« creation opportunity »), une opportunité est formée par les actions (intentionnelles) des
entrepreneurs à travers un processus d’enactment suscitant des phénomènes de dépendance du
sentier (« path-dependency »). L’opportunité créée apparaît donc comme un artefact qui se
construit chemin faisant selon un processus de type effectual au sens de Sarasvathy (2001). Le
cadre des sciences de l’artificiel constitue donc aussi un cadrage approprié pour les recherches
concernant l’opportunité créée, notamment celles de Fletcher (2006), Forsell et Paloniemi
(2010), et Cajaiba-Santana (2011). Il constitue aussi un cadrage approprié pour le modèle de
la « production d’opportunité entrepreneuriale » (Wood et McKinley, 2010). En effet, ce
modèle conçoit la production d’opportunité entrepreneuriale comme un processus comportant
plusieurs phases : formulation d’une idée d’affaires, objectification de cette idée, et mise en
acte (« enactment ») dans une nouvelle entreprise (« venture »). L’objectification d’une idée
d’affaires consiste étudier avec divers acteurs de l’entourage de l’entrepreneur (amis, famille,
conseillers, …) la viabilité de l’idée considérée et la possibilité de la mettre en œuvre. Cette
objectification exige de développer une représentation explicite de l’idée et de la façon dont
elle serait mise en pratique (but, produits et services offerts, clients potentiels, ressource
mobilisées, plan de financement, etc.). Une telle représentation relève de ce que Simon (1996)
appelle un artefact. Dans la mesure où ce modèle a été explicitement développé dans
l’épistémologie constructiviste de von Glasersfeld, cette contribution relève typiquement de la
case VIII du Tableau 2.
Bouchikhi (1993) conçoit le processus entrepreneurial comme un processus d’actions
intentionnelles soumis à des éléments de hasard, dans un contexte particulier, socialement
construit au sens de Giddens (1984), qui offre des ressources et des contraintes. Ce modèle
présente donc les caractéristiques de téléologie et de contingence à l’environnement qui ont
présidé à la conceptualisation des sciences de l’artificiel. Comme ce modèle a été
explicitement développé dans l’épistémologie constructiviste Piagétienne, cette contribution
de Bouchikhi s’inscrit sans ambiguïté dans la case VIII du Tableau 2.

3
Et non pas dans le PERC, comme l’évoquent Alvarez et Barney (2010) en raison de la vision
particulière qu’ils ont de ce paradigme épistémologique.

16
Le positionnement de la contribution de Lindgren et Packendorff (2009) dans la colonne
« sciences de l’artificiel » tient à ce que ces auteurs conçoivent le processus entrepreneurial
comme un processus intentionnel dans un contexte donné. Ce processus consiste à identifier,
contester et quelques fois transgresser les schémas institutionnalisés, pour, temporairement,
continuer à s’inscrire dans ce qui est communément accepté dans le contexte social et culturel
des acteurs, tout en en déviant légèrement.
Enfin, Steyaert (2011) développe une conception de la recherche en entrepreneuriat
fondée sur des pratiques d’enactment de processus entrepreneuriaux et d’engagement dans un
travail auto-ethnographique. En raison de la performativité et de la récursivité de l’enactment,
ainsi que de la place accordée à l’invention dans cette conception de la recherche, celle-ci est
adaptée à une vision de la discipline de l’entrepreneuriat comme une science étudiant des
phénomènes façonnés par des intentions humaines (elles-mêmes éventuellement socialement
influencées), donc une science de l’artificiel, plutôt que comme une science de la nature. Au
plan épistémologique, cette conception de la recherche repose explicitement sur une
conception non-représentationnelle de la connaissance, ce qui exclut d’emblée la possibilité
d’inscription dans le PEP et de justification de connaissances via des tests d’hypothèses. Elle
laisse ouverte la possibilité d’inscription épistémologique dans la plupart des autres
paradigmes épistémologiques. L’accent mis sur l’intervention enactive du chercheur, la
performativité de l’enactment et du langage, et l’engagement dans un travail auto-
ethnographique plaident fortement pour une inscription dans le PEI.

3.3 Questions soulevées par le positionnement épistémologique de certains travaux


A ce stade quelques exemples ont pu être positionnés de manière non ambiguë dans le
Tableau 2. Comme nous allons maintenant le voir, il en va autrement pour d’autres.

3.3.1. Quels cadres épistémologiques mobilisables dans les recherches


s’inscrivant dans la théorie du constructionnisme social ?
Pour positionner les travaux qui s’inscrivent dans la théorie du constructionnisme social
(Berger et Luckmann, 1967 ; Gergen, 1999), je me suis fondée sur trois arguments. D’une
part, cette théorie est compatible avec les hypothèses fondatrices du PECP et du PEI,
particulièrement parce que ces paradigmes postulent que, dans le processus de connaissance,
il y a interdépendance entre le sujet connaissant et le phénomène étudié. D’autre part, Tsoukas
(2000) montre que, contrairement à une idée-reçue, la théorie du constructionnisme social
n’est pas non plus incompatible avec les hypothèses fondatrices du PERC. Enfin, troisième
argument, cette théorie s’avère incompatible avec les hypothèses fondatrices du PEP. En effet,
l’idée de construction sociale du social n’est pas compatible avec l’hypothèse d’ordre
ontologique du PEP qui postule l’existence d’un réel unique à la fois indépendant de
l’attention que peut lui porter un humain qui l’observe, et régi par des lois naturelles
universelles. En outre, dans le constructionnisme social, la connaissance est considérée
comme étant dépendante des catégories linguistiques institutionnalisées et adoptées par une
communauté : il ne peut donc pas y avoir de connaissance objective.
Il en résulte que ces travaux peuvent a priori relever des cases VII, VIII ou IX du
Tableau 2. L’accent mis sur les pratiques socioculturelles ainsi que la vision des humains
comme des êtres relationnels engagés dans des processus interactifs de construction négociée
de significations, ainsi que les références à l’ethnométhodologie et à l’ethnographie
interprétative conduisent à situer la conception de la recherche développée par Flechter (2006)
plutôt dans le PEI. Le fait que Cajaiba-Santana (2011) inscrive ses travaux dans la lignée de
ceux de Fletcher (2006) inciterait à les positionner aussi dans le PEI ou dans le PECP.
Cependant, les critères mis en avant par cet auteur pour le travail empirique à réaliser afin de
17
mettre à l’épreuve et d’affiner sa contribution théorique, à savoir tester la capacité prédictive
du modèle et la robustesse des concepts, relèvent typiquement d’une inscription dans le PEP,
et sont donc en décalage avec le positionnement épistémologique qui serait cohérent avec les
travaux théoriques mobilisés.

3.3.2 Quels cadres épistémologiques pour le modèle de l’effectuation ?


Comme cela a déjà été signalé, Sarasvathy (2001, 2003) n’explicite pas le cadre
épistémologique dans lequel s’inscrit sa théorie de l’effectuation. L’orientation pragmatique
des travaux de cette auteure, ainsi que leur enracinement dans la philosophie de W. James
(1912) et les théories de l’enactment et du sensemaking (Weick, 1979), suggèrent une
inscription dans le PECP (case VIII) en excluant toute possibilité d’inscription dans le PEP.
Pourtant, comme dans le cas de Cajaiba-Santana (2011), les indications que Sarasvathy
(2001) donne sur le travail empirique à mener pour tester les propositions qu’elle avance et
mettre à l’épreuve le modèle qu’elle a développé, correspondent aux modes de justification en
vigueur dans le PEP. Divers travaux qui ont ensuite été menés sur le modèle de l’effectuation
relèvent aussi de cette inscription épistémologique implicite. Par exemple, une méta-analyse
de 9897 créations d’entreprise qui conduit à relier positivement l’effectuation à la
performance des entreprises nouvellement créées (Read et al., 2009) ; ou encore le
développement et la validation d’échelles de mesure des comportements de causation et
d’effectuation dans la création d’entreprises (Chandler et al., 2011).
Le manque de cohérence entre les développements théoriques mobilisés et le travail
empirique mené témoignent d’une insuffisance de réflexivité – ou de critique épistémologique
interne (Piaget, 1967) – déjà mise en lumière par Lindgren et Packendorff (2009), de la part
de chercheurs sur les fondements des théories qu’ils mobilisent et sur le cadrage
épistémologique de leurs travaux. Cette réflexivité insuffisante peut évidemment être
dommageable à la validité épistémique et pragmatique des résultats de ces recherches.

3.3.3. Peu de recherches empiriques spécifiquement inscrites dans le PERC


Blundel (2006) souligne que rares sont les travaux publiés en entrepreneuriat qui
affichent explicitement une inscription dans le PERC ; plus rares encore sont ceux qui sont
empiriques – les siens et ceux de (Courvisanos et Mackenzie, 2011) sont conceptuels ; et,
parmi les travaux empiriques, rares sont ceux qui mobilisent explicitement les hypothèses
fondatrices caractéristiques du PERC. De fait, bien qu’affichant explicitement une inscription
dans le PERC, le modèle de création de valeur entrepreneuriale développé par Forsell et
Paloniemi (2010) repose essentiellement sur le postulat réaliste d’existence d’une réalité
unique donnée. La vision du processus de création de valeur entrepreneuriale proposée par ces
auteurs ne prend pas en compte ni ne discute d’éventuels mécanismes générateurs
susceptibles d’influer sur création de valeur entrepreneuriale.

Les questions que soulève le projet de situer des recherches dans le Tableau 2 peuvent
être révélatrices des limites de ce cadre pour situer et classifier les recherches en
entrepreneuriat. Elles confirment aussi les résultats d’une étude relative aux articles publiés
dans cinq revues majeures du domaine4 pendant les années 2009 et 2010, qui a concerné un
total de 254 articles (Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2012), à savoir une absence fréquente
d’explicitation du cadre épistémologique des recherches menées et une absence de réflexion
sur le lien entre cadre épistémologique et cadre opératoire des travaux. L’absence

4
Revue Internationale des PME, Revue de l’Entrepreneuriat, Entrepreneurship Theory and Practice,
Journal of Business Venturing et Entrepreneurship and Regional Development.

18
d’explicitation du cadre épistémologique d’une recherche rend difficile l’évaluation par la
communauté académique, de la cohérence interne de cette recherche. Cette absence
d’explicitation peut aussi révéler une insuffisante attention des chercheurs à la légitimation
épistémique des recherches qu’ils conduisent, déjà dénoncée par Lindgren et Packendorff
(2009). Le Tableau 2 peut ainsi constituer un outil pertinent et utile pour stimuler la
réflexivité des chercheurs, et éventuellement susciter des discussions sur la cohérence
épistémologique des construits et des outils méthodologiques mobilisés dans les recherches.

4. Discussion et conclusion
Essentiellement, trois idées-forces ressortent de cet examen des cadres scientifiques et
épistémologiques mobilisés dans la recherche contemporaine en entrepreneuriat.
La première n’est guère surprenante : l’essentiel des travaux continuent à s’inscrire – au
moins implicitement – dans un cadre épistémologique positiviste (PEP), malgré les critiques
récurrentes dont ce cadre a été l’objet (Bygrave, 1989, 2006 ; Bouchikhi, 1993 ; Fletcher,
2006 ; Lindgren et Packendorff, 2009 ; Alvarez et Barney, 2010 ; Forsell et Paloniemi, 2010).
Et les travaux publiés en entrepreneuriat rendent rarement compte d’un travail réflexif que le
chercheur aurait mené sur les fondements épistémologiques de sa recherche (Hlady-Rispal et
Jouison-Laffitte, 2012). Aucune recherche n’est explicitement déclarée être inscrite dans
l’archétype des sciences de la nature.
Deuxième idée-force : un certain nombre de travaux sont néanmoins menés dans les
courants épistémologiques indistinctement qualifiés de non-positivistes (Johannisson, 2012),
c'est-à-dire dans ce qui a été appelé ici paradigme épistémologique interprétatif (PEI),
paradigme épistémologique constructiviste pragmatique (PECP), et paradigme
épistémologique réaliste critique (PERC).
Les travaux mobilisant la théorie sociologique de la structuration (Giddens, 1984) et/ou
du constructionnisme social (Berger et Luckmann, 1967 ; Gergen, 1999) s’inscrivent le plus
souvent, au moins implicitement, dans le PEI. Parmi les recherches explicitement menées
dans le PEI, les travaux sur la cognition des entrepreneurs ou sur l’apprentissage
entrepreneurial permettent d’illustrer les différences de focalisation et de type de contributions
apportées par des recherches développées dans des cadres épistémologiques différents.
Concernant la cognition, les travaux menés dans un cadre (implicitement) positiviste
mobilisent fréquemment les notions de biais et de schémas cognitifs, et ces notions sont
généralement appréhendées en utilisant des questionnaires et des échelles (Baron, 1998).
Ceux menés dans le PEI s’intéressent plutôt à ce que signifie le phénomène étudié – par
exemple la prise de risques – pour divers entrepreneurs, et la manière dont ils s’engagent vis-
à-vis de ce phénomène (Berlund, 2006). Le type de recherche menée dans le PEP sur
l’apprentissage entrepreneurial, peut être illustré par un modèle algorithmique qui décrit
comment des entrepreneurs peuvent se comporter pour apprendre de leurs erreurs (Minniti et
Bygrave, 2001) ; alors que les recherches menées dans le PEI peuvent être illustrées par un
modèle conceptuel offrant une compréhension du processus d’apprentissage entrepreneurial, à
partir des notions d’émergence d’une identité entrepreneuriale, d’apprentissage partagé en
contexte, et de négociation avec les parties prenantes du projet (Rae, 2005), ou par des
travaux visant à comprendre l’apprentissage entrepreneurial à partir des aspects affectifs
(tempérament et émotion), conatifs (motivation et volition) et cognitifs (Kyrö et al., 2011).
Les travaux s’inscrivant explicitement dans le PECP (par exemple, Bouchikhi, 1993 ;
Wood et McKinley, 2010) ou dans le PERC (par exemple, Blundel, 2006 ; Forsell et
Paloniemi, 2010 ; Courvisanos et Mackenzie, 2011) sont encore assez rares. Cette situation
offre à la discipline deux avenues importantes pour développer des recherches susceptibles

19
d’enrichir notre compréhension du phénomène entrepreneurial. Ces avenues vont être
illustrées chacune sur un exemple.
Concernant le PECP, Wood et McKinley (2010) indiquent que le fait d’étudier les
opportunités entrepreneuriales dans un cadre constructiviste a permis de développer des
éclairages qui ne sont pas accessibles dans un cadre positiviste et dans la conception d’une
opportunité comme étant découverte. Par exemple, suggérer que les opportunités commencent
comme des idées d’opportunité – ou, dans les termes de Venkataraman et al. (2012), comme
des construits épistémiques. Considérer que ces idées sont ensuite objectifiées ou
abandonnées, et que, pour les opportunités ainsi objectifiées, l’entrepreneur s’efforce
d’enrôler les parties prenantes à soutenir le projet en diffusant des informations via ses liens
sociaux. Enfin souligner que la réputation de l’entrepreneur joue un rôle crucial dans la
crédibilité des informations diffusées, de telle sorte que les liens sociaux préexistants et la
réputation de l’entrepreneur influencent de manière déterminante dans le lancement, ou pas,
du projet.
De manière analogue, l’inscription de recherches dans le PERC peut contribuer à
développer des éclairages différents sur le phénomène entrepreneurial. Par exemple, faciliter
une compréhension plus nuancée des contextes dans lesquels les entrepreneurs prennent leurs
décisions (Blundel, 2006). Autre exemple, appréhender différemment l’intention
entrepreneuriale (Boissin et al., 2009 ; Fayolle et Gailly, 2009), et développer les notions de
« capacité entrepreneuriale » (Boissin et al., 2009) et d’« intelligence entrepreneuriale5 »
(Bernard, 2012), en considérant l’intention entrepreneuriale, la capacité entrepreneuriale et/ou
l’intelligence entrepreneuriale comme des mécanismes générateurs capables de fournir des
explications plausibles aux observations effectuées et, plus généralement, de développer des
compréhensions enrichies de l’activité entrepreneuriale (Blundel, 2006). Il s’agit alors
d’étudier, via des recherches qualitatives (Bygrave, 2006 ; Blundel, 2006 : Hlady-Rispal et
Jouison-Laffitte, 2012) dans quels contextes et circonstances particuliers ces mécanismes
générateurs s’activent effectivement ou, au contraire, ne s’activent pas. Mener des recherches
dans le PERC incite également à s’interroger sur l’existence de mécanismes générateurs plus
profonds qui permettraient à l’intention, à la capacité et/ou à l’intelligence entrepreneuriale de
s’activer. L’inscription de recherches dans le PERC favorise ainsi la prise en compte de
différents niveaux de mécanismes générateurs et d’analyse (individu, groupe, organisation,
industrie, société), et le développement de repères pour l’action des entrepreneurs et des
pouvoirs publics (Blundel, 2006). Cet auteur souligne toutefois la difficulté actuelle à étayer
cet argument en raison du faible nombre d’études empiriques publiées dans ce cadre
épistémologique.
Enfin, troisième idée-force : les critiques adressées au modèle de science qui sert de
référence à la recherche en entrepreneuriat, à savoir celui des sciences de la nature (Bygrave,
1989, 2006 ; Lindgren et Packendorff, 2009) sont en général amalgamées à la critique du
cadre épistémologique des recherches menées selon ce modèle. Ceci à l’exception notoire des
contributions de Sarasvathy (2003) et Venkataraman et al. (2012), qui s’attachent à
promouvoir une conception de la discipline de l’entrepreneuriat comme une science de
l’artificiel. Le cadre des sciences de l’artificiel présente en effet l’intérêt de permettre
d’intégrer non seulement les nombreux travaux qui se développent autour du modèle de
l’effectuation (Sarasvathy, 2001, 2003) et de l’opportunité comme étant créée (Alvarez et
Barney, 2010), mais aussi ceux qui se développent autour de la théorie de la structuration
(Giddens, 1984) et du constructionnisme social (Gergen, 1999), tels ceux de Bouchikhi
(1993), Fletcher (2006), Lindgren et Packendorff (2009), Wood et McKinley (2010), ou

5
L’intelligence entrepreneuriale est conçue comme un système combinant trois modes de pensée : le complexe au
sens de Morin (1977), l’effectual au sens de Sarasvathy (2001), et l’optimiste au sens de Gabilliet (2010).

20
encore Cajaiba-Santana (2011). Sans doute, le fait que Sarasvathy (2003) se soit focalisée sur
un nombre limité d’idées-forces d’une conceptualisation très riche, et qu’elle n’ait pas
particulièrement mis en relief le rôle du social dans la conception effectuale des artefacts
entrepreneuriaux, peut-il constituer un élément qui n’avait pas permis à la communauté
d’appréhender le potentiel d’enrichissement que le cadre des sciences de l’artificiel peut offrir
comme perspective à la recherche en entrepreneuriat ? Le fait que la contribution de
Venkataraman et al. (2012) soit publiée dans Academy of Management Review donnera
certainement une impulsion décisive à la diffusion de la vision de la discipline (de
l’entrepreneuriat) comme une science de l’artificiel.
La décision d’inscrire une recherche particulière dans un certain cadre scientifique peut
être argumentée de manière rationnelle en mettant en relief le caractère plus ou moins adapté
d’un certain modèle de science par rapport au type de phénomène étudié et au projet de
connaissance visé – par exemple, connaissance à seule fin de connaissance, ou compréhension
en vue d’intervention intentionnelle au sein du phénomène considéré. Dans la discipline de
l’entrepreneuriat, la décision d’inscrire des recherches dans le cadre des sciences de l’artificiel
– plutôt que dans celui des sciences de la nature – me semble alors quasi-systématiquement
justifiable par des arguments rationnels.
La décision d’inscrire des recherches dans un paradigme épistémologique, quant à elle,
n’est pas censée être affaire de choix rationnel et encore moins tactique6. Il n’y a pas de méta-
niveau transcendant qui puisse arbitrer définitivement et universellement entre toutes les
hypothèses plausibles des différents paradigmes épistémologiques. Une telle décision est
censée être affaire de croyance intime relative à l’origine et à la nature de la connaissance,
laquelle croyance se doit d’être informée par l’expérience propre du chercheur et par une
connaissance des paradigmes épistémologiques mobilisés dans les recherches
contemporaines. Par conséquent, même si le modèle des sciences de l’artificiel devenait le
cadre scientifique du mainstream de la recherche en entrepreneuriat, le pluralisme de
perspectives généralement considéré comme souhaitable parce qu’enrichissant (Verstaete et
Fayolle, 2005 ; Lindgren et Packendorff, 2009 ; Alvarez et Barney, 2010) pourrait être
maintenu grâce à la pluralité des cadres épistémologiques mobilisables et effectivement
mobilisés.

6
Quoique, en pratique, comme le souligne Bygrave (2006), le désir de publier dans des revues
prestigieuses puisse peser fortement sur les orientations méthodologiques et épistémologiques de certains
chercheurs, y compris lui-même…

21
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26
Tableau 1 : Hypothèses fondatrices de différents paradigmes épistémologiques contemporains
P. E. Positiviste P. E. Réaliste P. E. Constructiviste P.E. Interprétativiste P. E. Constructiviste
(PEP) Critique (PERC) Pragmatique (PECP) (Heidegger, 1962; au sens de Guba et
(Popper, 1959) (Bhaskar, 1988) (von Glasersfeld ,1988, 2001; Sandberg, 2005; Yanow, Lincoln (PECGL)
Le Moigne,1995,2001) 2006)
(Guba et Lincoln, 1989,
1998)

Hypo- Il existe un réel en soi Il existe un réel en soi Aucune hypothèse fondatrice. Les comportements Le réel est relatif : il existe
thèses (LE réel) indépendant indépendant de, et antérieur humains présentent des de multiples réalités
de, et antérieur à à l’attention que peut lui régularités (patterns) socialement construites, qui
d’ordre l’attention que peut lui porter un humain qui ne sont pas gouvernées par
ontolo- porter un humain qui l’observe. Il existe des flux des lois naturelles, causales
gique l’observe. Le réel est organisé en trois d’expériences humaines Il existe des réalités ou d’autre sorte.
Le réel est régi par des domaines stratifiés : le réel objectives intersubjectives.
lois naturelles profond, le réel actualisé, le
universelles immuables. réel empirique .

Hypo- LE réel (en soi) est Le réel profond n’est pas Est connaissable l’expérience Est connaissable
thèses connaissable. observable. L’explication humaine active. Dans le l’expérience vécue. Dans Dans le processus de
La connaissance du réel scientifique consiste à processus de connaissance, il le processus de connaissance, il y a
d’ordre exige du chercheur une imaginer le fonctionnement y a interdépendance entre le connaissance, il y a interdépendance entre le
épisté- posture de neutralité par des mécanismes sujet connaissant et ce qu’il interdépendance entre le sujet connaissant et ce qu’il
mique rapport au phénomène générateurs (MG) qui sont à étudie, lequel peut néanmoins sujet connaissant et ce étudie.
étudié. l’origine des évènements exister indépendamment du qu’il étudie. L’intention du
perçus. chercheur qui l’étudie. sujet connaissant influence
L’intention de connaître son expérience vécue de
influence l’expérience que ce qu’il étudie.
l’on a de ce que l’on étudie.

Découvrir les lois qui Mettre au jour les Construire de l’intelligibilité Comprendre les processus Comprendre les
But de la régissent le réel. mécanismes générateurs et dans le flux de l’expérience à d’interprétation, de cons- constructions de sens
leurs modes d’activation. fin d’action intentionnelle. truction de sens, de impliquées dans le
connais- communication, et d’enga- phénomène étudié.
sance Conception Conception Conception pragmatique de la gement dans les situations.
représentationnelle de la représentationnelle des connaissance . Conception pragmatique Conception pragmatique de
connaissance . mécanismes générateurs. de la connaissance . la connaissance.

Neutralié. Pouvoir explicatif des MG Adaptation fonctionnelle et Méthodes herméneutiques Méthodes herméneutiques
Modes Objectivité. identifiés. viabilité de la connaissance et ethnographiques. mobilisées de manière
pour agir intentionnellement. dialectiques.
de Justification de la Justification de la validité Justification des validités Fiabilité (trustworthiness) et
justifi- Justification de la validité des
validité externe via des des MG via des mises à communicationnelle, authenticité.
connaissances génériques via
cation réplications et tests l’épreuve successives dans
des mises à l’épreuve dans
pragmatique et
spécifi- statistiques des recherches quantitatives transgressive. Pas de généralisation.
d’hypothèses. ou qualitatives . l’action (recherches
ques qualitatives).

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Tableau 2 : Exemples de recherches menées dans différents cadres scientifiques et
épistémologiques
Archétypes Sciences de l’artificiel
Sciences de la
de science (Simon, 1969, 1996/2007; Le Moigne, 2003;
nature Sarasvathy, 2003; Venkataraman et al., 2012 )
Paradigmes
épistémologiques
Développement originel Discovery opportunities (Shane et Venkataraman, 2000)
de la recherche en Entrepreneurial learning (Minniti et Bygrave, 2001)
entrepreneuriat Effectuation (Sarasvathy, 2001)
Ex: (Vesper ,1990)
Paradigme épistémologique Intention entrepreneuriale (Boissin et al., 2009; Fayolle
positiviste et Gailly, 2009),
Objective opportunities
(Popper, 1959) (Shane, 2012)? Creation opportunities (Alvarez et Barney, 2010)?
Social entrepreneurship opportunities (Cajaiba-
Santana, 2011)?
I VI

(Blundel, 2006)
Paradigme épistémologique (Courvisanos et Mackenzie, 2011)
réaliste critique (Forsell et Paloniemi, 2011) ?
(Bhaskar, 1998)
II VII

Paradigme épistémologique (Bouchikhi,1993)


constructiviste pragmatique Opportunity production (Wood et McKinley, 2010)
(von Glasersfeld ,1988, 2001 ; Le
VIII
Moigne,1995,2001, 2007) III
Entrepreneurial learning (Rae, 2005)
Paradigme épistémologique Entrepreneurial learning (Kyrö et al., 2011)
interprétativiste Social construction of opportunity (Fletcher, 2006)?
(Husserl, 1970; Sandberg, 2005; Yanow,
Entrepreneurship as in(ter)vention (Steyaert, 2011)?
2006) IV IX

Paradigme
constructiviste au sens de
Guba et Lincoln
(Guba et Lincoln, 1989, 1998) V X

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