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Théâtre de l’absurde

Avant-garde

Le terme avant-garde désigne, depuis le XIXe siècle, des actions nouvelles ou


expérimentales entreprises, en particulier, dans les arts et la culture. Cette pratique s'inspire
des idées de la révolution française. L'avant-garde se veut l'opposé exact de l'académisme.
En art, quelques artistes avant-gardistes refusent toutes affiliations avec leurs prédécesseurs et
refusent tout art antérieur. Le terme est souvent utilisé en art à propos d'artistes qui seraient en
avance sur leur époque.
Selon l'avant-garde, la valeur d'une œuvre se confond avec son caractère inouï, en avance sur
son temps. Il n'y a pas un modèle éternel du Beau, l'artiste se doit de concentrer dans sa
production l'essence de la modernité, et de rompre avec les conceptions artisanales de l'art.
Sous une forme moins directement liée à l'idée d'une mission historique de l'artiste, l'avant-
gardisme renvoie à une conception individualiste de la création.

1) Précurseurs du mouvement surréaliste et du théâtre de l'absurde

Alfred Jarry (1873 -1907)

Alfred Jarry est un personnage assez extraordinaire. Il a réussi ses études jusqu’au
baccalauréat, puis il s’est lancé dans le Paris journalistique et littéraire. Il est déconcertant,
imprévisible, parle avec l’accent de Guignol et se promène partout sur sa bicyclette. Un an
avant sa mort, se sentant malade, il envoie de lui-même un faire-part à tous ses amis, et reçoit
l’extrême-onction. Il guérit, mais meurt d’une méningite tuberculeuse, à 34 ans.
Sa pièce la plus connue se nomme Ubu Roi. Elle se présente comme une farce bouffonne, où
il ridiculise son professeur de physique du lycée de Rennes, M. Hébert, surnommé le père
Heb. Il crée un personnage qui est l’incarnation du bourgeois prétentieux et poltron. La
première de sa pièce Ubu Roi est un scandale : Jarry est sur scène à faire des grimaces, puis lit
un discours introducteur d’une voix inaudible. Le public réagit dès le premier mot de la pièce.
Cette pièce est suivie de (Paralipomènes d’Ubu, Ubu cocu ou l'Archéoptéryx) Ubu enchaîné,
(Almanach illustré du Père Ubu) et Ubu sur la Butte.

Avant-gardisme chez Jarry :

Le lieu : l’action se déroule « en Pologne, c’est-à-dire nulle part ». Cela pourrait être partout
ou nulle part, le lieu n’a pas d’importance.
Décor : il attend du théâtre qu’il favorise l’irruption de l’irrationnel, au moyen d’une
simplification du décor (« toile pas peinte » ou jeux de lumière). En plus du décor passe-
partout, Jarry dévoile les mécanismes du jeu théâtral : il n’y a pas de rideaux, des écriteaux
préviennent les spectateurs du changement de lieux ou d’atmosphère, ou indiquent quand une
foule est réduite à une personne, ou un acteur joue une porte de prison en tendant son bras, et
le père Ubu fait tourner un doigt dans sa main pour déverrouiller la porte, etc. Il rompt avec
l’illusion théâtrale, ce que reprendront de nombreux dramaturges à commencer par
Apollinaire (Les Mamelles de Tirésias), les dadaïstes, les surréalistes, etc.
L’acteur : doit s’effacer derrière une « voix de rôle » et derrière un masque. Étant d’abord
conçu pour être un spectacle de marionnettes, Jarry veut le faire jouer comme une
marionnette.
Actions : il malmène les nobles, les bourgeois, les financiers, et même la langue française.
Il s’éloigne du réel et de toutes les valeurs traditionnelles en se servant du burlesque. Il rompt
avec le théâtre classique et bourgeois. Cette œuvre casse aussi les conventions théâtrales et
contribue ainsi à imposer un théâtre antilittéraire et antiréaliste à l’avant-garde théâtrale.

Résumé : l’histoire se déroule en Pologne. Le Père Ubu est l’ancien roi d’Aragon, et il est
désormais le capitaine de confiance du roi Venceslas. Suivant la suggestion de la Mère Ubu, il
renverse le roi et fait presque massacrer toute la famille royale. Seul le prince Bougrelas
parvient à s’enfuir. Une fois sur le trône, Ubu instaure un régime cruel et a pour but principal
de s’enrichir toujours plus. Il convoque dans son palais un greffier, des officiers et des soldats
pour dépouiller des Nobles et des financiers. Il mène ensuite une guerre contre Alexis, le tsar
de Russie qui souhaite rétablir Bougrelas sur le trône. Le Père Ubu est écrasé, et s’enfuit dans
la montagne. Finalement, on le retrouve sur un navire, filant vers l’exil.

Lecture de l’acte I, scène 1

Que malmène-t-il dans cet extrait ?


La langue française : injures (« merdre ! ») et autres expressions colorées (« de par ma
chandelle verte »).
Quel portrait dresse-t-il du Père Ubu ?
Il est bête, vulgaire, ambitieux, influençable… Il est l’anti-héros par excellence.

Lecture de l’acte III, scènes 2 à 5

Que malmène-t-il ici ?


Les nobles, les financiers, les paysans… la notion de justice.

Questions :

1. La pièce écrite à la fin du XIXe siècle est une satire politique qui peut encore s’appliquer
aujourd’hui. À quels régimes politiques par exemple ? À quels hommes d’États ? Que leur
reproche Jarry ?
2. L’adjectif qualificatif ubuesque est encore couramment utilisé. Que signifie-t-il ?
Pouvez-vous citer des exemples ?

1. La pièce fait allusion aux dictatures, qui ont été jusqu’au totalitarisme dans le courant du
XXe siècle : il s’agit souvent d’un coup d’État ou de gens qui sont élus, mais dans tous les cas,
qui sont avides de vengeance et de pouvoir. Ils règnent ensuite par la force.
Exemple de dictateurs : Hitler, Staline, Mobutu, Saddam Hussein, Bush…
Jarry critique l’abus de pouvoir et l’arbitraire.
2. L’adjectif ubuesque signifie d'un comique grotesque et démesuré, d’une logique
absurde. Exemple de l’administration.

Guillaume Apollinaire (1880-1918)

Apollinaire a fait deux pièces d’avant-garde : Couleurs du temps et Les Mamelles de Tirésias.
Couleurs du temps est une pièce futuriste. Le futurisme est un mouvement littéraire et
artistique du début du XXe siècle, qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde
moderne, en particulier la civilisation urbaine, les machines, la violence, la vitesse et la guerre
« comme seule hygiène du monde ». Mouvement d'avant-garde surtout présent en Italie, mais
Apollinaire a écrit L'Antitradition futuriste, manifeste synthèse en 1913.

La discréditation du réel est poursuivie par Apollinaire dans sa pièce de théâtre Les Mamelles
de Tirésias, qu’Apollinaire a sous-titrée : drame « surréaliste » (mot qu'il invente pour
l'occasion et qui fut repris par la suite avec grand succès). La première de la pièce est un
grand scandale.
Tirésias est un devin grec aveugle qui a fait l'expérience des deux sexes. Quand Apollinaire
s'en empare en 1917, il en fait un personnage de son époque : une femme qui, lasse de sa
condition, se transforme en homme et quitte son foyer. Le mari, de son côté accouche de
40049 enfants en un seul jour ! A la fin, Thérèse revient avec son mari, mais sans ses
mamelles.

Petite biographie d’Apollinaire

Apollinaire est né en 1880 à Rome. C’est un enfant illégitime, et marqué par ce fait. Son père,
un officier italien, ne le reconnaîtra jamais. Sa mère appartient à la noblesse polonaise qui a
émigré à Rome. Elle mène une vie de plaisir, notamment dans les casinos.

En 1899, Apollinaire est Parisien. Aussi une vie mouvementée : après avoir exercé différents
métiers, il s’approche des milieux intellectuels et il écrit pour des revues.
Il voyage en Allemagne où il reste comme précepteur, et part en Europe centrale.
En 1902, il revient à Paris et devient la figure de proue de l’avant-garde littéraire ; il est le
défenseur des artistes contemporains.

A partir de 1910, ses activités se multiplient : préfaces, contes, chroniques.


Mais en 1911, il est accusé d’avoir volé La Joconde de Léonard de Vinci au Louvres. Il est
arrêté et passe une semaine en prison. En réalité, c’est son secrétaire qui a dérobé une statuette
au moment où on venait de voler La Joconde. Cette affaire l’affecte ; il perd quelques amis et
son amante Marie Laurencin, ce qui lui inspire le célèbre poème Le Pont Mirabeau.

En 1914, il s’engage dans l’armée française. Il obtient ainsi la naturalisation française en


1916. Il se fiance avec Madeleine Pagès.
Blessé à la tête en 1915, il a encore le temps de s’intéresser au théâtre d’avant-garde (Les
Mamelles de Tirésias, Couleurs du temps), aux jeunes dadaïstes, au cinéma et au ballet
contemporain avant de se faire emporter par une grippe infectieuse en 1918.
Apollinaire peint en La Muse inspirant Apollinaire soldat en 1916 après sa blessure.
le poète d'Henri Rousseau, (1909)

Préface

Sans réclamer d’indulgence, je fais remarquer que ceci est une œuvre de jeunesse, car
sauf le Prologue et la dernière scène du deuxième acte qui sont de 1916, cet ouvrage a été fait
en 1903, c’est-à-dire quatorze ans avant qu’on ne le représentât.

Je l’ai appelé drame qui signifie action pour établir ce qui le sépare de ces comédies de
mœurs, comédies dramatiques, comédies légères qui depuis plus d’un demi-siècle fournissent
à la scène des œuvres dont beaucoup sont excellentes, mais de second ordre et que l’on
appelle tout simplement des pièces.

Pour caractériser mon drame je me suis servi d’un néologisme qu’on me pardonnera
car cela m’arrive rarement et j’ai forgé l’adjectif surréaliste qui ne signifie pas du tout
symbolique comme l’a supposé M. Victor Basch, dans son feuilleton dramatique, mais définit
assez bien une tendance de l’art qui si elle n’est pas plus nouvelle que tout ce qui se trouve
sous le soleil n’a du moins jamais servi à formuler aucun credo, aucune affirmation artistique
et littéraire.

L’idéalisme vulgaire des dramaturges qui ont succédé à Victor Hugo a cherché la
vraisemblance dans une couleur locale de convention qui fait pendant au naturalisme1 en

1
Selon le dogme littéraire, le réalisme constitue la notion élargie, tandis que le naturalisme est la notion plus
restreinte puisqu'il exige, si l'on s'en tient à la théorie de Zola, que l'écrivain applique une méthode strictement
scientifique.
trompe-l’œil des pièces de mœurs dont on trouverait l’origine bien avant Scribe2, dans la
comédie larmoyante de Nivelle de la Chaussée3.

Et pour tenter, sinon une rénovation du théâtre, du moins un effort personnel, j’ai
pensé qu’il fallait revenir à la nature même, mais sans l’imiter à la manière des photographes.
Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe.
Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir.

Au demeurant, il m’est impossible de décider si ce drame est sérieux ou non. Il a


comme but d’intéresser et d’amuser. C’est le but de toute œuvre théâtrale. Il a également pour
but de mettre en relief une question vitale pour ceux qui entendent la langue dans laquelle il
est écrit : le problème de la repopulation.

J’aurais pu faire sur ce sujet qui n’a jamais été traité une pièce selon le ton sarcastico-
mélodramatique qu’ont mis à la mode les faiseurs de « pièces à thèse ».

J’ai préféré un ton moins sombre, car je ne pense pas que le théâtre doive désespérer
qui que ce soit.

J’aurais pu aussi écrire un drame d’idées et flatter le goût du public actuel qui aime à
se donner l’illusion de penser.

J’ai mieux aimé donner un libre cours à cette fantaisie qui est ma façon d’interpréter la
nature, fantaisie, qui selon les jours, se manifeste avec plus ou moins de mélancolie, de satire
et de lyrisme, mais toujours, et autant qu’il m’est possible, avec un bon sens où il y a parfois
assez de nouveauté pour qu’il puisse choquer et indigner, mais qui apparaîtra aux gens de
bonne foi.

Le sujet est si émouvant à mon avis, qu’il permet même que l’on donne au mot drame
son sens le plus tragique, mais il tient aux Français que, s’ils se remettent à faire des enfants
l’ouvrage puisse être appelé, désormais, une farce. Rien ne saurait me causer une joie aussi
patriotique. N’en doutez pas, la réputation dont jouirait justement, si on savait son nom,
l’auteur de la Farce de Maistre Pierre Pathelin4 m’empêche de dormir.

On a dit que je m’étais servi des moyens dont on use dans les revues : je ne vois pas
bien à quel moment. Ce reproche toutefois n’a rien qui puisse me gêner, car l’art populaire est
un fonds excellent et je m’honorerais d’y avoir puisé si toutes mes scènes ne s’enchaînaient
naturellement selon la fable que j’ai imaginée et où la situation principale : un homme qui fait
des enfants, est neuve au théâtre et dans les lettres en général, mais ne doit pas plus choquer

2
Augustin Eugène Scribe est un auteur dramatique français (1791-1861).
3
Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée est un auteur dramatique français (1692-1754).
4
Pièce de théâtre (du type farce) composée à la fin du Moyen Âge, vers 1460, mais dont ignore l’auteur.
Résumé : Maître Pathelin, avocat sans cause et rusé, décide de refaire sa garde-robe sans que cela lui coûte un
sou. Il gruge le drapier Guillaume ; Pathelin emporte une pièce de tissu dont il invite le marchand à venir se faire
payer chez lui. Devant Guillaume, Pathelin et sa femme jouent la comédie du mourant et de la femme en pleurs,
et Guillaume repart en courant. Le berger Thomas l'Agnelet vient trouver Pathelin pour lui demander le défendre
dans un procès contre son maître, pour avoir égorgé ses moutons. Pathelin propose une ruse à Thomas : qu'il se
fasse passer pour simple d'esprit, devant le Tribunal, et réponde à toutes les questions en bêlant comme un
mouton. A l’issue du procès, plaidé par Maître Guillaume, et gagné par le berger, Pathelin ne parviendra pas à se
faire payer, car l'Agnelet, plus rusé que lui, répondra en bêlant à toutes les demandes de son défenseur.
que certaines inventions impossibles des romanciers dont la vogue est fondée sur le
merveilleux dit scientifique.

Pour le surplus, il n’y a aucun symbole dans ma pièce qui est fort claire, mais on est
libre d’y voir tous les symboles que l’on voudra et d’y démêler mille sens comme dans les
oracles sibyllins.

M. Victor Basch qui n’a pas compris, ou n’a pas voulu comprendre, qu’il s’agissait de
la repopulation, tient à ce que mon ouvrage soit symbolique ; libre à lui. Mais il ajoute : « que
la première condition d’un drame symbolique, c’est que le rapport entre le symbole qui est
toujours un signe et la chose signifiée soit immédiatement discernable ».

Analyse

« Drame surréaliste » : drame = action. « Surréaliste »: a toujours existé, et il n'y a pas de


message à comprendre derrière. Les dramaturges ont reproduit la réalité (« vraisemblance »)
mais sous couvert du réalisme ou du naturalisme, ils ont fait passer un message de
convention, de moeurs (= « idéalisme vulgaire »). « Quand l’homme a voulu imiter la marche,
il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait du surréalisme sans le savoir. »
Apollinaire part du réalisme pour créer quelque chose de nouveau qui s'inspirera de la réalité
mais ne l'imitera pas.

Ce terme succède à ceux d’orphisme et de surnaturalisme pour désigner « un art qui n’est pas
le naturalisme photographique uniquement et qui cependant soit la nature, même ce qu’on en
voit et ce qu’elle contient, cette nature intérieure aux merveilles insoupçonnées,
impondérables, impitoyables et joyeuses. Il faut réagir contre le pessimisme qui depuis le
début du XIXe siècle n’a pas cessé de hanter nos écrivains. Il faut exalter l’homme, et non pas
le diminuer, le déprimer, le démoraliser. Il faut qu’il jouisse de tout, même de ses
souffrances.»

C’est un sujet sérieux qui peut être traité sur le mode de l'humour ("un homme qui fait des
enfants" car "on ne fait plus d'enfants en France parce qu'on n'y fait plus l'amour."). On est en
1917, pendant la Première guerre mondiale. Il faut provoquer le rire en rompant avec la
convention. Cette volonté de jouir de tout et d’exalter l’homme est au coeur du surréalisme :
puissance créatrice de l’imagination sublimée, même si Breton donnera un autre sens au mot
surréalisme. (Le surréalisme est un mouvement de contestation de la société de l’époque. Son
but est de rétablir l’harmonie perdue entre l’homme et le monde. Pour ce faire, il va user de
l’exploration systématique et scientifique de l’inconscient au travers des expériences du rêve,
de la folie et des états hallucinatoires (sans pour autant utiliser des drogues). Il va donc utiliser
les découvertes de Freud : l’inconscient, tout comme la conscience, fait partie de la vie
psychique. Il faut explorer les richesses inconnues de l’être humain contenues dans
l’inconscient. Pour retrouver les mécanismes purs de la vie psychique, le groupe surréaliste a
pratiqué l’écriture automatique et le récit des rêves.)

Lecture de l’acte I, scène 1 et 2

Scène 1 : Il brise toutes les conventions : la femme veut être soldat et elle ne veut pas faire des
enfants. Elle veut même être plus que ça ; elle veut faire tout ce que font les hommes et finit
par se transformer en homme : elle se débarrasse de ses seins, sa barbe pousse…
Aspect choquant : sortie des ballons de son corsage, les jeter sur le public…
Scène 2 : le mari ne peut croire que c’est sa femme qui parle. Elle se donne alors le nom de
Tirésias.

Acte I

La place du marché de Zanzibar, le matin. Le décor représente des maisons, une échappée
sur le port et aussi ce qui peut évoquer aux Français l’idée du jeu de zanzibar. Un
mégaphone en forme de cornet à dés et orné de dés est sur le devant de la scène. Du côté
cour, entrée d’une maison ; du côté jardin, un kiosque de journaux avec une nombreuse
marchandise étalée et sa marchande figurée dont le bras peut s’animer ; il est encore orné
d’une glace sur le côté qui donne sur la scène. Au fond, le personnage collectif et muet qui
représente le peuple de Zanzibar est présent dés le lever du rideau. Il est assis sur un banc.
Une table est à sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront à mener tel bruit
au moment opportun : revolver, musette, grosse caisse, accordéon, tambour, tonnerre,
grelots, castagnettes, trompette d’enfant, vaisselle cassée. Tous les bruits indiqués comme
devant être produits au moyen d’un instrument sont menés par le peuple de Zanzibar et tout
ce qui est indiqué comme devant être dit au mégaphone doit être crié au public.

Scène première

Le peuple de Zanzibar, Thérèse

Thérèse
Visage bleu, longue robe bleue ornée de singes et de fruits peints. Elle entre dès que le rideau
est levé, mais dès que le rideau commence à se lever, elle cherche à dominer le tumulte de
l'orchestre
Non Monsieur mon mari
Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez
Chuintement
Je suis féministe et je ne reconnais pas l'autorité de l'homme
Chuintement
Du reste je veux agir à ma guise
Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaît
Après tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis
J'ai envie d'être soldat une deux une deux
Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants
Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus
Elle se courbe trois fois, derrière au public
Au mégaphone
Ce n'est pas parce que vous m'avez fait la cour dans le Connecticut
Que je dois vous faire la cuisine à Zanzibar
Voix du mari
Accent belge
Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard
Vaisselle cassée

Thérèse
Vous l'entendez il ne pense qu'à l'amour
Elle a une crise de nerfs
Mais tu ne te doutes pas imbécile
Éternuement
Qu'après avoir été soldat je veux être artiste
Éternuement
Parfaitement parfaitement
Éternuement
Je veux être aussi député avocat sénateur
Deux éternuements
Ministre président de la chose publique
Éternuement
Et je veux médecin physique ou bien psychique
Diafoirer5 à mon gré l'Europe et l'Amérique
Faire des enfants faire la cuisine non c'est trop
Elle caquette
Je veux être mathématicienne philosophe chimiste
Groom dans les restaurants petit télégraphiste
Et je veux s'il me plaît entretenir à l'an Cette vieille danseuse qui a tant de talent
Éternuement caquetage, après quoi elle imite le bruit du chemin de fer

Voix du mari
Accent belge
Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard

Thérèse
Vous l'entendez il ne pense qu'à l'amour
Petit air de musette
Mange-toi les pieds à la Sainte-Menehould
Grosse caisse
Mais il me semble que la barbe me pousse
Ma poitrine se détache
Elle pousse un grand cri et entr'ouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles, l'une rouge,
l'autre bleue et, comme elle les lâche, elles s'envolent, ballons d'enfants, mais restent retenues
par les fils
Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse
Et caetera
Comme c'est joli les appas féminins
C'est mignon tout plein
On en mangerait
Elle tire le fil des ballons et les fait danser
Mais trêve de bêtises
Ne nous livrons pas à l'aéronautique
Il y a toujours quelque avantage à pratiquer la vertu
Le vice est après tout une chose dangereuse
C'est pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauté
Qui peut être une occasion de péché
Débarrassons-nous de nos mamelles
Elle allume un briquet et les fait exploser, puis elle fait une belle grimace avec double pied de
nez aux spectateurs et leur jette des balles qu'elle a dans son corsage
Qu'est-ce à dire

5
Verbe formé par Apollinaire à partir des Diafoirus du Malade imaginaire.
Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi
Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement poussé
Eh diable
J'ai l'air d'un champ de blé qui attend la moissonneuse mécanique
Au mégaphone
Je me sens viril en diable
Je suis un étalon
De la tête aux talons
Me voilà taureau
Sans mégaphone
Me ferai-je torero
Mais n'étalons
Pas mon avenir au grand jour héros
Cache tes armes
Et toi mari moins viril que moi
Fais tout le vacarme
Que tu voudras
Tout en caquetant, elle va se mirer dans la glace placée sur le kiosque à journaux

Scène deuxième

Le peuple de Zanzibar, Thérèse, le mari

Le mari
Entre avec un gros bouquet de fleurs, voit qu'elle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la
salle. À partir d'ici le mari perd l'accent belge
Je veux du lard je te dis

Thérèse
Mange tes pieds à la Sainte-Menehould

Le mari
Pendant qu'il parle Thérèse hausse le ton de ses caquetages. Il s'approche comme pour la
gifler puis en riant
Ah mais ce n'est pas Thérèse ma femme
Un temps puis sévèrement.
Au mégaphone
Quel malotru a mis ses vêtements
Il va l'examiner et revient. Au mégaphone
Aucun doute c'est un assassin et il l'a tuée
Sans mégaphone
Thérèse ma petite Thérèse où es-tu
Il réfléchit la tête dans les mains, puis campé, les poings sur les hanches
Mais toi vil personnage qui t'es déguisé en Thérèse je te tuerai
Ils se battent, elle a raison de lui

Thérèse
Tu as raison je ne suis plus ta femme

Le mari
Par exemple
Thérèse
Et cependant c'est moi qui suis Thérèse

Le mari
Par exemple

Thérèse
Mais Thérèse qui n'est plus femme

Le mari
C'est trop fort

Thérèse
Et comme je suis devenu un beau gars

Le mari
Détail que j'ignorais

Thérèse
Je porterai désormais un nom d'homme
Tirésias

Le mari
les mains jointes
Adiousias
Elle sort

2) Antonin Artaud (1896-1948)

Petite biographie : il acquiert une formation théâtrale, et devient acteur au cinéma mais
n'obtient que des seconds rôles et se fait recaler lors des auditions à cause d'une « trop grande
acuité dans l'interprétation ». Avec Vitrac, il fonde le théâtre Alfred Jarry et tente de rénover
la conception du spectacle qui doit être teinté de grotesque et de risque. Des concepts trop
innovants et un public trop frileux font que la tentative échoue. En 1924, il adhère au groupe
surréaliste et en dirige même le centre d'études mais le quitte dès 1927, parce qu’il refuse
l’engagement politique des surréalistes. Pour lui, la révolution doit être spirituelle et non
politique.
Atteint de troubles nerveux, Artaud cherche à se libérer dans l’écriture (Le Pèse-Nerfs). Il
étudie son psychisme, mais s’aperçoit qu’il ne peut se libérer de la maladie. Après un voyage
en Irlande, il est même interné dans un établissement psychiatrique pendant sept ans. Il trouve
dans le théâtre et le cinéma une forme exutoire. Mais bientôt, il va passer de la souffrance à la
révolte.

Lecture de l'extrait de Toute l'écriture est de la cochonnerie

Dès 1920, on observe des tendances modernistes dans le théâtre chez Cocteau et Vitrac. Avec
Antonin Artaud et le « théâtre de la cruauté », on arrive à un point culminant. Il expose ses
théories théâtrales et sa conception du « théâtre de la cruauté » dans Le Théâtre et son double.
Artaud y écrit successivement deux manifestes du Théâtre de la Cruauté. Il paraît en 1938 et
contient un recueil de textes qui réunit articles, conférences, manifestes et divers écrits sur le
théâtre qui « double la vie comme la vie double le vrai théâtre ».
La cruauté serait (l'expression ontologique de) la souffrance d'exister. « J’emploie ici le mot
de cruauté dans le sens d’appétit de vie, de rigueur cosmique, et de nécessité implacable ».
L'acteur doit brûler les planches comme un supplicié sur son bûcher. Selon Artaud, le théâtre
doit recouvrer sa dimension sacrée, métaphysique et porter le spectateur jusqu'à la transe.

Lecture de l’extrait du Théâtre et son double : Le théâtre et la cruauté

Ce théâtre n’est pas distrayant, c’est quelque chose de grave, qui va résonner en nous en se
servant d’images. Ce nouveau théâtre réclame tout simplement l'intégration de la vie, c'est-à-
dire l'intégration du corps, du cri, des émotions viscérales, de la cruauté, de la catharsis des
forces refoulées de l'inconscient, de leur alchimie pour retrouver le sens de la spiritualité et de
la métaphysique. Le Théâtre de la Cruauté veut recourir aux spectacles de masses pour
chercher à toucher leurs sens, et pas seulement leur esprit. Pour Artaud, le théâtre est avant
tout un spectacle, plus qu’un texte. Chaque élément de la représentation théâtrale (lumières,
costumes, musique, décors, accessoires…) prend une dimension essentielle face au langage
qui perd sa prépondérance.
Le théâtre doit nous toucher profondément, viscéralement, être en phase avec les sentiments et
les réalités qui nous entourent. Rupture avec le théâtre classique occidental, aussi théâtre
psychologique, qui se sert des mots, particulièrement aptes à exprimer sentiments, passions,
conflits psychologiques. Le théâtre oriental a une portée métaphysique avec une culture qui
unit l’abstrait et le concret. Il ne met pas en scène des caractères mais il se fonde sur des
grands mythes qui se renouvellent d'eux-mêmes par le nouvel angle de vue sous lequel ils
sont observés, notamment avec un théâtre de spectacle plus que de texte.

Artaud va beaucoup voyager, même au Mexique, où il trouve près d’une peuplade retirée, les
Tarahumaras, une nouvelle mystique à laquelle les hallucinogènes donneraient accès. Héritier
du théâtre de Jarry, Artaud remet en cause les fondements mêmes du théâtre occidental, qui,
pour se renouveler, doit puiser aux sources de cet art tel qu’on le pratique en Orient, où le
langage propre à la scène est fait de gestes, d’attitudes, d’objets ; où la parole se fait
incantation, cri. « Je propose un théâtre où des images physiques violentes broient tout et
hypnotisent la sensibilité des spectateurs pris dans le tourbillon de forces supérieures. »

Lecture de l’extrait du Théâtre et son double : Le théâtre balinais


Le spectacle du théâtre Balinais fait participer la danse, le chant, la pantomime, et la musique.
La pièce commence par l’apparition de sortes de fantômes (élément magique).
Il n’y a pas vraiment de thèmes attitrés, ou de situations menant à une conclusion, mais un
« théâtre pur », car le plus proche des origines. Il le rapproche du metteur en scène et de son
pouvoir de création à créer une espace scénique parlant mieux que les mots. Le théâtre, selon
Artaud doit être un théâtre de la création.
Artaud parle de gestes brusques, de phrases chantées, de danse… qui créent un nouveau
langage physique fait de signes. La forme de leurs robes même crée des vêtements
symboliques : pour Artaud, la représentation d'un objet est la représentation d'une idée. Il y a
ainsi beaucoup d’idées intellectuelles qui s’entrecroisent. Ce jeu entre l’image et le sens ne se
fait plus par un travail sur le texte mais il se fait directement sur la scène. Le résultat d'une
telle représentation a une valeur expressive beaucoup plus forte que celle que produit le
langage articulé et touche beaucoup plus l’ensemble des sens du spectateur qui est alors mis
en contact avec la création.
Et pour les amateurs de réalité, les Orientaux pourraient aussi nous en remonter ; si on regarde
le jeu réaliste du Double (théâtre) qui s’effare des apparitions de l’Au-delà (fantômes du
début), ils expriment parfaitement la peur tapie dans notre inconscient par des manifestations
physiques.

Conclusion : Artaud fait une opposition entre le théâtre classique (prépondérance des mots du
texte, du théâtre psychologique) et le théâtre oriental (prépondérance d’un théâtre physique et
spatial). Pour lui le théâtre a son propre langage. La représentation théâtrale est essentielle car
elle permet au théâtre de représenter la vie réelle. Il n’y a pas de théâtre possible sans
spectacle, seul celui-ci est capable de toucher le spectateur dans son intégralité et ainsi de
donner un sens au théâtre.

3) Le théâtre de l’absurde

Le théâtre de l’absurde apparaît plutôt après la Seconde Guerre mondiale. Ses auteurs se
distinguent par leur investissement radical de la modernité dans tous ses aspects, par leur goût
de la subversion et par leur esprit contestataire. Quatre auteurs en particulier développent ce
théâtre : Jean Genet, Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Fernando Arrabal.

Caractéristiques du théâtre de l’absurde:


1. Un nouveau langage : refus de la langue traditionnelle de la scène, trop
pompeuse chez les classiques, trop triviale chez les contemporains
2. Le refus de la psychologie : absurdité de la condition humaine, héritage des
existentialistes, mais fort caricaturée chez les auteurs du théâtre de l’absurde.
L’homme est imprévisible ; les auteurs montrent des êtres ébahis d’exister,
envahis de néant, déconcertants et déconcertés.
3. Le ton oscille entre colère, révolte et dérision : la philosophie du Nouveau
Théâtre repose sur une vision pessimiste de l’homme, sur la fascination de
l’absurde. La révolte des dramaturges se reflète dans leur manière de tourner
en dérision ce monde incohérent.
4. L’acte d’accusation : les auteurs dénoncent les tricheries morales et
intellectuelles, l’hypocrisie des mœurs, la société bourgeoise.
5. La tentation symbolique : beaucoup de symboles en l’absence de héros, la
déconstruction dramatique, la dérision…

§ Jean Genet (1910-1986) : né de père inconnu et abandonné par sa mère à l’Assistance


publique, il vécut une vie de révolté : vol, prostitution homosexuelle etc. il a connu
maison de redressement et prison. Son théâtre va exprimer sa haine de la société. Il
écrit Les Bonnes, Haute Surveillance, Le Balcon, Les nègres et Les Paravents, pièces
dont la représentation en France, longtemps différée, a provoqué des manifestations.
Lien avec Artaud : le drame débouche sur un tragique lié à la fascination du Mal.

Lecture de l’extrait Le Balcon

Par le langage, Genet réalise son dessein d’être du côté du Mal et d’avoir toujours tort.
Genet définit son théâtre à propos du Balcon comme « la glorification de l’Image et du
Reflet ». Ce jeu de reflets va faire qu’on se perdra entre la réalité et l’illusion. On observe des
mises en abyme puisqu’il y a du théâtre dans le théâtre. Ainsi, la plupart des personnages
imitent ou parodient d’autres personnages, cf. Madame Irma prend la place de la Reine.
Caractère absurde de la pièce : les hommes vont finir réellement par penser qu’ils sont
devenus leur rôle ! Aucune des valeurs de la société n’est épargnée et ce renversement total
des valeurs morales, Genet l’appelle « l’inhumanisation ». Il dénonce ici les tricheries
morales : ils s’apprêtent à tromper le peuple.

§ Eugène Ionesco (1912-1994) : né en Roumanie d’un père roumain et d’une mère


française, Ionesco arrive en France à un an. A 13 ans, il retourne en Roumanie où il
devient professeur de français, puis retourne en France. Ses pièces provoquent le
scandale mais il est assez vite reconnu et même nommé à l’Académie française en
1970. Ses pièces les plus connues sont Les Chaises, La Cantatrice chauve,
Rhinocéros. Ionesco utilise accumulations et proliférations pour encombrer l’espace
scénique. Influencé par Jarry, Apollinaire et Artaud, Ionesco pense que le théâtre doit
être violent, inquiéter, ne pas reculer devant le scandale ou le paroxysme.

Lecture de l’extrait Rhinocéros

Plutôt que d’une intrigue, la pièce est une suite d’images scéniques. Ionesco prête à ses
personnages un langage automatique, absurde et saugrenu, et dénonce l’impossibilité de
communiquer. Ici, elle est accentuée par l’impossibilité pour Bérenger de communiquer avec
les rhinocéros. Il ne cesse de gémir et crier. Et seul être humain, il fait figure de monstre.
Prolifération de rhinocéros.
Réalité absurde : les individus démissionnent pour se retrouver à l’état de robots, ou plutôt ici,
de rhinocéros.
Il n’y a plus de héros : les personnages n’ont plus de personnalité, voire d’identité. Les
humains subissent une hystérie collective et se métamorphosent tous en rhinocéros. Cette
épidémie symbolise le conformisme de la société française et les dangers qui la guettent :
l’idéologie et, son corollaire, le totalitarisme. Bérenger résiste, comme pour encourager la
protestation de l’être humain contre tout ce qui l’accable et le détruit.

§ Samuel Beckett (1906-1989): né à Dublin, Beckett quitte son pays natal dominé par le
puritanisme. Après la guerre, il s’installe à Paris et écrit en français. Ses pièces les plus
connues sont En attendant Godot, Fin de partie et Oh ! les beaux jours, Cascando.
Elles lui apportent la gloire et un prix Nobel de littérature en 1969. Beckett préfère un
décor très sobre, mais il peut être emprunt d’une violence symbolique dans Fin de
partie. Il s’illustre par un humour très sombre.

Lecture de l’extrait En attendant Godot

Double provocation dans le titre : Godot est la personne attendue, mais c’est un être absent, il
n’apparaît jamais physiquement, et attitude passive : l’auteur avertit déjà qu’il n’y aura pas
d’action, on attend quelque chose Le personnage principal est le temps, mais le temps qui
passe avec une lenteur infinie. Le décor est inexistant : dans le premier acte, on observe un
arbre sans feuilles, une route à la campagne et deux clochards : Vladimir (Didi) et Estragon
(Gogo). Ce sont des anti-héros absolus, sans personnalité ou identité.
Ils pensent avoir rendez-vous avec Godot mais tous les soirs, Godot leur fait dire qu’il
« viendra sûrement demain ». Selon une interprétation, Godot serait Dieu, mais Beckett l’a
rejeté.
Caractère absurde de l’existence : ils passent leur vie à attendre quelqu’un qui ne viendra
jamais. L’action se réduit à quelques gestes, à des dialogues à peine esquissés entre des
clochards qui se comportent comme des pantins. Normalement, le dialogue est fait pour
communiquer, mais ils ne se transmettent rien et se répètent sans cesse (feuilles, elles
murmurent). Ils maintiennent donc simplement le contact (fonction phatique du langage).
Vladimir tente à chaque fois de briser le silence, mais ils ne cessent d’y retomber.

§ Fernando Arrabal (né en 1932): d’origine espagnole, Arrabal vit à quatre ans la
dénonciation de son père par sa mère. Il va orienter son théâtre contre le franquisme et
ses piliers. De plus, il connaîtra censure et prison. Il s’établit à Paris et écrit en
français : Pique-nique en campagne, Le Cimetière de voitures, Ils passèrent des
menottes aux fleurs. Ses représentations créent le scandale. Il fonde le mouvement
« théâtre panique » ; c’est un hymne à la liberté artistique où il mêle entre autres des
réminiscences du dadaïsme, du surréalisme et de l’absurde. Ce mouvement est un acte
révolutionnaire qui vise à choquer, provoquer et déstabiliser les gens.

Lecture de l’extrait Le Cimetière de voitures

Violence dans le langage et la mise en scène beaucoup plus que dans l’action ou les
personnages.
La cruauté purement théorique d’Artaud est présente chez Arrabal, notamment dans les
relations de type sadomasochiste de cette pièce, où les personnages sont emprisonnés dans un
univers de voitures, nommées selon des numéros. Exemple : relation de Dila (sorte de
prostituée) avec le valet de chambre Milos, qui dirige cet univers.

Fernando Arrabal

D’origine espagnole, Arrabal vit à quatre ans la dénonciation de son père par sa mère. Son
père est interné dans un asile psychiatrique où il tente de se suicider. Il finit par s’évanouir
sans laisser de traces.
Arrabal va orienter son théâtre contre le franquisme et ses piliers (clergé, police, éducation
scolaire et familiale).
Son théâtre et son cinéma sont des sortes d’exorcisme, où il introduit des scènes d’aspect
assez violent, et où il dénonce la violence déchaînée par la dictature. Il y fait défiler une foule
d’abrutis, de sadiques, d’illuminés, de bourreaux, d’opprimés, de persécutés et de
persécuteurs. Il connaîtra censure et prison de 1967 à 1969.
Il s’établit à Paris en 1955 et écrit en français : Pique-nique en campagne, Le Cimetière de
voitures, Ils passèrent des menottes aux fleurs. Ses représentations créent le scandale.
En 1968, L’Aurore rouge et noir passe au Théâtre de Poche et lui vaudra la censure à
Bruxelles. En 1969, Les deux Bourreaux est interdite à Madrid, où la police intervient.

Il fonde le mouvement « théâtre panique » avec Copi et Topor ; c’est un hymne à la liberté
artistique où il mêle entre autres des réminiscences du dadaïsme, du surréalisme et de
l’absurde. Ce mouvement est un acte révolutionnaire qui vise à choquer, provoquer et
déstabiliser les gens.

Le théâtre comme cérémonie « panique »

Trois premiers paragraphes : Alejandro Jodorowsky, dit « Jodo » est un réalisateur, acteur,
auteur chilien d'une poignée de films ésotériques, surréalistes et provocateurs ; il est
également auteur de « performances » Panique, mime, romancier, essayiste, poète et
prolifique scénariste de bande dessinée.
Peter Brook est un metteur en scène, un acteur, un réalisateur et un scénariste britannique.
Metteur en scène novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire
international, et plus particulièrement des classiques de Shakespeare, son nom est associé à
des mises en scène épurées où l'absence de décor et la présence de l'acteur sont essentielles.
Dans le monde entier, des réalisateurs font sans le savoir des scènes extrêmes, ce qui
témoignerait de leur passion pour le théâtre.

Quatrième et cinquième paragraphes : le théâtre extrême est une fête, qui exprime de la même
manière le positif et le négatif, qui unirait tout. Il s’airait d’une sorte d’ « œuvre du monde ».
(International Business Machines Corporation (IBM) est une société multinationale
américaine présente dans les domaines du matériel informatique, du logiciel et des services
informatiques.)

Sixième et septième paragraphes : la mise en scène d’une pièce de théâtre doit être rigoureuse
et bien au point, même si elle doit montrer le chaos de la vie.

Huitième paragraphe : par contre, le langage poétique ne sert qu’à distraire les spectateurs, il
faut un langage brut, en relation avec la mise en scène. Allusion à Artaud, dont il s’inspire
beaucoup.

Neuvième et dixième paragraphes : c’est un nouveau théâtre qui ambitionne d’être libre et
meilleur que les autres.
Jorge Lavelli est un metteur en scène de théâtre et d'opéra argentin, né à Buenos Aires. Il
vient en France en 1960 où il a été naturalisé en 1977. Il a beaucoup travaillé sur l'œuvre de
Copi.
Jérôme Savary est un acteur, metteur en scène, directeur de théâtre et d'opéra français, né à
Buenos Aires. Son souhait de démocratiser le théâtre musical.
Lavelli, Savary et Garcia étaient proches notamment d’Arrabal et Copi. Ils pratiquent ce
théâtre panique, avec un sens du spectacle baroque (exagération du mouvement, costumes, la
surcharge décorative, les effets dramatiques, la tension, l’exubérance et de la grandeur parfois
pompeuse).

Lecture de l’extrait Et ils passèrent des menottes aux fleurs

Et ils passèrent des menottes aux fleurs fait partie du « théâtre de guérilla » qui s'apparente à
des tentatives d'agitation culturelle à fonction révolutionnaire. Fernando Arrabal cultive les
extrêmes : il conjugue le sacrilège et le sacré, la mise à mort et l'exaltation de la vie, le
mauvais goût et le raffinement. Pièce où il va le plus loin possible dans le domaine de
l’érotisme et la scatologie.
Cette pièce écrite en 1969, se base sur une histoire vécue: Arrabal a été arrêté en 1967 par la
police franquiste après avoir dédicacé un livre lors d'une vente publique, à Madrid avec ces
mots: «M.... à Dieu, à la patrie et à tout le reste ». Il passera quelques jours au secret et sera
libéré un mois plus tard. Une campagne internationale, notamment menée par Beckett,
Mauriac, Ionesco, Miller..., le fait libérer peu après. Il évoque aussi l’atmosphère de la Carcel
Modelo de Madrid où il fut incarcéré plusieurs mois ; il a matérialisé les cauchemars et les
tortures des accusés avec une âpreté blasphématoire.

Quatre prisonniers oubliés dans leur cachot de guerre et quatre femmes debout dans leur vie
humiliée, se mettent à rêver. Déroute du fantasme et délire de l'imaginaire. Une scène ouverte
aux masques, danses, musiques et chants pour une petite apocalypse de l'ordinaire.
Les didascalies sont importantes ; elles montrent la violence utilisée dans la mise en scène.

Amiel et Katar, deux hommes, évoquent un souvenir d’Amiel avant d’entrer dans le
pénitencier.
Amiel et sa compagne Lelia discutent de son engagement pour libérer son pays (de Franco).
Lelia lui explique que hier, elle a vu passer la colonne et qu’elle a été enthousiasmée par le
leader, Pronos. Elle le compare à Homère. Pronos semble pourtant avoir un certain carctère
dictatorial ; il veut même obliger les gitans à prendre les armes contre leurs frères.
Amiel retourne à la réalité, la prison où il est enfermé avec Pronos et Katar.

Pronos est un curé avec un fouet, qui abuse visiblement de son pouvoir sur les prisonniers et
les humilie. Il leur raconte l’histoire d’un détenu pour leur montrer l’exemple.

Révolution qui met en scène la vengeance des prisonniers sur leur bourreau. Pronos se fait
torturer mais cela semble le rapprocher de Dieu. Le Christ apparaît.

Lecture d’articles de La Libre Belgique

Mercredi 24/01/1968
Festival du nouveau théâtre au « 140 »
Après avoir présenté « Antigone » de Brecht, par le Living Theater de New York, Jo Dekmine
fait venir en son Théâtre 140, le Grand Théâtre Panique, de Paris, dans « le Labyrinthe »
d’Arrabal.
La mise en scène, la musique et le décor sont de J. Savary. Ce spectacle a obtenu le premier
prix du Festival du théâtre expérimental à Francfort. « Cet étrange spectacle total, note J.
Dekmine, utilise avec violence la beauté de l’univers visuel d’Arrabal, la folie latine du
dialogue, le jazz, les percussions… ».
« Le Labyrinthe » s’adressant à un public averti, la direction du « 140 » le déconseille aux
moins de 21 ans. (…)

Lundi 29/01/1968
« Le Labyrinthe »
Il faut savoir gré au Théâtre 140 de nous présenter, après « l’Antigone » du Living Theater de
New York, « Le Labyrinthe » d’Arrabal par le Grand Théâtre Panique de Paris. Que ces
expériences suscitent chez eux de l’enthousiasme ou de l’irritation, les fervents du théâtre ne
peuvent les ignorer. Quant au grand public, il risque un certain désarroi en affrontant le délire
verbal, violent et bruyant, souvent ordurier, de ce fou d’Arrabal. La direction du 140
déconseille d’ailleurs le spectacle aux moins de 21 ans.
Et nous, qu’avons-nous vu, qu’avons-nous retenu ? Comment décrire ces saturnales
explosives, coupées de longues plaintes, de bruits de chasses d’eau, de parodies d’opéra,
d’obscénités tristes et de réminiscences littéraires, où le texte est à peine un prétexte et où les
prisonniers d’un geôlier noir vous entraînent de latrine en latrine sur les rythmes du Carnaval
de Rio ? « C’est grossier mais c’est dément ! » dira-t-on. La grossièreté est évidente,
délibérée, provocante. Mais est-ce vraiment dément ? « Pour moi, explique Arrabal, la poésie
au théâtre doit se situer dans le mécanisme du cauchemar. Je veux un théâtre aux limites de
l’insupportable : un théâtre dans lequel l’humour, l’amour, l’érotisme, l’angoisse, la panique
se mêlent ». Il s’agit, en somme, d’un spectacle magique, analogue aux séances d’hypnotisme,
mais la magie n’agit pas toujours. Sommes-nous blasés ? Le spectacle - et ici nous ne
pouvons dissocier du « texte » d’Arrabal la mise en scène et la musique de J. Savary – nous a
finalement paru trop « supportable ». Qu’on nous comprenne bien. Nous avons connu, depuis
la guerre, le théâtre de l’absurde et le théâtre de la dénonciation, le théâtre de la dérision et
l’antithéâtre. Avec le « Living » et Arrabal, on nous offre le « théâtre de l’étonnement ». Et le
public lance aux comédiens : « étonnez-nous ! ». Et les comédiens cherchent à atteindre les
« limites de l’insupportable », avec une parfaite maîtrise de l’expression corporelle, car le
corps est roi et le verbe s’est fait geste. Mais encore ? Sommes-nous « étonnés » ? Non, sans
doute. Après Beckett et Ionesco, Genet et Pinter6, Godart et Béjart7, Pauline Réage8 et le
« Living », après ces chocs répétés qui ont émoussé notre sensibilité, qu’est-ce qui peut
encore nous étonner ? Ce qui peut encore nous étonner : quelques vers de Racine, un concerto
de Mozart, un paysage de Monet…
Sérieuses réserves. J.H.

6
Harold Pinter (1930-2008) est un écrivain, dramaturge et metteur en scène britannique. Ses premières œuvres
sont souvent associées au théâtre de l'absurde.
7
Jean-Luc Godard est un cinéaste franco-suisse, né en 1930 à Paris. Il est également acteur, chef monteur,
dialoguiste, monteur, producteur et scénariste. Maurice Béjart, de son vrai nom Maurice-Jean Berger (1927-
2007), est un danseur et chorégraphe français.
8
Pauline Réage, de son vrai nom Dominique Aury (1907-1998), est une femme de lettres française.

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