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ean-Claude Lebensztejn

�onde riant

Mondrian croyait que tout vient à son heure. Le livre pendant trois ou quatre ans, mais conçu dès 1922, lon­
oui résumait sa réflexion sur le lien entre l'art et la guement corrigé (avec l'aide de Michel Seuphor), il
"'e date pour l'essentiel des années 1930-32, mais il fut daté de décembre 1931, et complété six mois plus
a dû attendre plus d'un demi-siècle pour être inté­ tard par une importante introduction d'une dizaine
�ralement accessible en traduction anglaise, et près de pages. Mondrian travailla à son livre jusqu'en 1935,
::.e quatre-vingts ans pour voir I e jour dans sa version et à nouveau en 19383.
;:,riginale française. L'écriture en est abrupte, sans agrément, souvent
L'art nouveau- la vie nouvelle était conçu comme lourde et retravaillée jusqu'à l'obscurité, dans l'inten­
ë' premier volume d'une série que Mondrian comptait tion de rendre le livre «plus clair pour la masse»: au
a!lpeler L'art et la vie, ou bien L'art révélateur. Avec ses point qu'il est parfois commode de se reporter, pour
�!!elque quatre-vingt-dix pages, c'est l'un des plus en saisir le sens et l'enjeu, à la traduction anglaise
'nngs textes du peintre; par son importance, il pre­ de Harry Holtzman et Martin S. James4 . Entre 1920 et
- a la suite de ses volumineux essais néerlandais, La 1938, Mondrian écrivit la majorité de ses textes dans
"-.ouvelle Plastique dans la peinture (1917), et le tria­ la langue de son pays d'accueil, mais le français ne
ogue Réalité naturelle et abstraite (1919-20), publiés lui était pas facile.« Il s'embrouillait facilement dans
:ans la revue Oe Stijl, dont il se dissocia en 1924. les mots. Lorsqu'on lui demandait alors de se répéter
Ce texte, d'une lecture difficile et d'un français il s'effrayait, balbutiait plus encore, devenait tout à
a�proximatif, Mondrian y tenait énormément; pen­ fait inintelligibles.>>
:-ant huit ans il a tenté vainement de le publier, en Mondrian a beaucoupécrit,commetous les grands
'·ançais, «langue internationale »1, et en néerlandais, peintres de la première abstraction, en particulier
ü ls en anglais en 1940, alors qu'il se trouvaitémigré à Kandinsky et Malévitch. Jamais, dans le passé, on
ondres. L'art nouveau - la vie nouvelle était son livre, n'avait vu des artistes d'une telle importance autant
;;.somme et le prolongement de ses réflexions disper­ écrire et publier, sauf Léonard de Vinci et Delacroix
sees dans une multitude d'essais: «cette petite œuvre - mais leurs textes restaient pour la plupart à l'état
ou j'ai comprimé tout, je crois et j'espère2». Élaboré de manuscrit privé ou semi-privé. Des périodes de

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Jean-Clau e _e:;;-s::c -

transforma,1on profonde dans l'art et dans l'histoire, grammaire, àses cascades de génitifs, àson insistance,
comme la Renaissanceet l'époque romantique, avaient àses redites, àson aridité, mais àune spéculation qui
produit une vaste littérature artistique, mais au début reste, en dépit qe ses précisions, soulignements et
du xxe siècle, c'est un foisonnement de livres, de justifications, extrêmement allusive. Pour pouvoir la
revues, de manifestes et d'almanachs en tous genres. suivre, il faut entrer dans l'ensemble de cette réflexion,
La théorie de l'art semble devoir accompagner des et accepter de l'accompagner dans son champ extra­
bouleversements artistiques sans précédent; car artistique- ce que Mondrian appelle la vie.
jamais on n'avait assisté à une rupture aussi rapide,
*
aussi violente, d'avec les conceptions millénaires de
ce que l'art est censé être dans son essence. On a le La pensée plastique de Mondrian est celle d'un artiste
sentiment que ces trois artistes, et d'autres avec eux d'avant-garde, et qui développe jusqu'à son terme la
- Klee ou Marc-, avaient besoin de voir clair en eux­ logique de ce que doit être une avant-garde artistique.
mêmes àmesure qu'ils exploraient dans leur pratique Cette pensée postule:
un terrain inconnu, et d'expliquer à un public hostile 1. Que l'art suit une voie unique et àsens unique.
ou sceptique les motifs qui les animaient. Souvent 2. Que l'art précède la vie, anticipe et éclaire son évo­
ils se sont pour cela appuyés sur des modes de pen­ lution future.
sée (spiritualisme théosophique ou nihiliste) qu'on a Pour Mondrian, les profondes transformations de
pu ensuite leur reprocher. Dans les années 1980, le la peinture récente suivent un cours inévitable («"l'art"
peintre abstrait Frank Stella écrivait: «je n'ai pas de continue toujours sur sa vraie voie»), qui a son écho
difficulté àapprécier (et dans une certaine mesure à dans la vie:« Le vrai art comme la vraie vie prend une
comprendre) la grande peinture abstraite du passé seule voie9. »
moderniste, la peinture de Kandinsky, Malévitch et Quelle voie? Celle d'un dévoilement progressif.
Mondrian, mais j'ai des problèmes avec leurs opinions, Dans l'art du passé, son essence était «voilée dans
leurs arguments, leur défense passionnée de l'abs­ l'aspect naturel10» : «l'art figuratif montre toujours
traction. Mon sentiment est que cet étayage de théo­ un côté descriptif, littéraire, qui voile l'expression
ries théosophiques et antimatérialistes a desservi la purement plastique de la ligne, de la couleur et des
peinture abstraite et contribué au triste état où elle rapports» (15). La métaphore du voile revient sans
se trouve àprésent 6.» cesse dans les écrits de Mondrian, maisaussi de Marc
Est-ce une raison pour négliger cette littérature? et de Kandinsky. Chez eux, l'art abstrait n'est pas envi­
En France et dans l'espace francophone, les efforts sagé simplement en lui-même, à l'écart de tout: en
pour l'assimiler sont restés partiels; il y a quelques se dépouillant de la figuration naturelle, la peinture
décennies, l'édition s'est mise en devoir de publier ne dévoile pas seulement sa réalité abstraite, mais
sérieusement les textes de Kandinsky et de Malévitch, encore ce11e du monde. Si l'art figuratif reproduit l'ap­
mais sans aller jusqu'au terme de son travail. Quant parence naturelle des choses, l'art abstrait traverse
aux écrits de Mondrian, ils sont dans leur ensemble cette apparence pour atteindre au cœur de la réalité:
restés jusqu'à ce jour inaccessibles, sauf en traduc­ « Nous ne devons pas voir par delà la nature, nous
tion. Un texte capital de 1936, « Plastic Art and Pure devons plutôt, pour ainsi dire, voir à travers elle:nous
Plastic Art», fut écrit en français, mais n'a jamais été devons voir plus profondément-, voir abstraitement,
connu jusqu'ici que dans sa traduction anglaise7. La et surtout universellement.Alors nous pouvons perce­
«langue internationale»chérie par Mondrian ne lui voir la nature comme rapport pur», écrivait Mondrian
a pas retourné son hommage On peut espérer que la en 191911. Et treize ans plus tard, dans l'introduction à
publication de L'arc nouveau -la vie nouvelle permet­ L'art nouveau- la vie nouvelle:« l'art a dévoi I é I es lois
tra de rompre ce sor ôfège' de l'existence: celles de l'équilibre universel» (ln s).
Il faut le redire· no_s son-,es e-, présence d'un
texte dont I e caactère ce :o- :e·:a-, iJa.;ois aux limi­ Il vaut la peine de rappeler en deux mots l'évolution
tes de l'incompréhers,o e -e:·;;-::::.sseL er..en àsa de Mondrian peintre. Paysagiste de formation, il corn-

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Monde riant

mence par simplifier la forme de ses motifs avant d'en sont l'essentiel de l'expression pl astique de l'art, mais
accentuer la couleur; ensuite, il s'attache individuel­ l'équilibre qui peut se réaliser par ces moyens» (8).
lement à quelques motifs de prédilection(arbre, tour,
mer), dont il décompose les éléments. Sous l'effet du
*
cubisme, il pénètre la forme, en dégage les lignes-forces, Cet équilibre, que Mondrian appelle universel pour
puis tend ces lignes, éliminant progressivement les l'opposer à l'équilibre individuel propre à la culture
courbes et les obliques pour ne conserver que leurs du passé, il est de nature rythmique.Kandinsky pense
oppositions extrêmes de verticales et d'horizontales l'art abstrait en termes de sonorité; Mondrian, en
qui se croisent et se prolongent pour aboutir à des termes de rythme. De là son intérêt sans cesse réaf­
sections à travers l'espace; d'autre part, il ramène la firmé pour la danse et le jazz, mais aussi pour le
couleur à des extrêmes de couleurs pures primaires rythme vivant de la métropole moderne. « Par exem­
et de non-couleurs. En réalité, cette évolution n'est ple, remarquons la circulation dans nos métropoles.
pas aussi simple, aussi calculée, elle passe par des La Place de l'Opéra à Paris nous prouve une meilleure
hésitations, des retours, des essais portant sur la image de la vie nouvelle que bien des théories là-des­
ligne ou la couleur seules, des grilles régulières qui sus. Le rythme d'opposition des deux sens double­
trament toute la surface, puis progressivement dis­ ment répétéréalisepar son exactitude d'exécution un
paraissent. Dans ce processus qui s'étend de 1912 à équilibre vivant»(75). Par I e rythme, l'art nouveau est
1920, Mondrian cherche la plus grande tension( « la ouvert sur le monde, sur ce que Mondrian appelle la
tension de la ligne et l'intensité de la couleur»12 ), la vie. « C'est le contenu de notre tempsque de ressentir
plus grande force( « atteindre au maximum de force» la valeur de la vie concrète, pratique; tâchons de la
(20)). Force, effort, tension, tendance, intensité revien­ parfaire par la réalisation de ce qui est l'essentiel de la
nent souvent sous sa plume; non seulement dans les vie humaine: tâchons de réaliser dans tout le rythme
mots, mais jusque dans la tension qu'il imprime à profond de celle-ci»(18)
ces lignes d'encre qui soulignent tant de ses propos; Réalisation, réaliser: ce sont des termes fonda­
à main levée, mais avec cette sûreté des champions mentaux pour Mondrian qui, en 1919, se qualifiait
qui laisse pantois. de « peintre abstrait-réaliste», abstract-realistisch
Au terme de cette évolution, ce que Mondrian schilder, et affirmait, vingt-deux ans plus tard: « Dès
appelle la néo-plastique ou plastique du rapport, pour le tout début, j'étais toujours un réaliste1 4.» La pein­
l'opposer à la morpho-plastique ou plastique de la ture abstraite-réaliste ne reproduit pas le rythme du
forme, aboutit à « la loi principale de la peinture, qui monde; elle le produit au jour, le rend réel. Le rythme
n'exige que l'expression des rapports par la ligne et la est immanent à la nature, mais l'homme doit le dévoi­
couleur13». Le sujet, la forme particulière, figurative ler humainement, par la tension des lignes. Ainsi la
ou même abstraite, doivent disparaître pour libérer ligne verticale qui tombe de la lune sur la ligne hori­
la force de la ligne et de la couleur: zontale de l'horizon: « Bien qu'elle n'apparaisse pas
... la délivrance complète de la forme fermée ne se réa­ dans la nature, c'est réellement une I igne1s.»
lise que par une décomposition d'elle-même; égale­ Comme il existe deux genres de plastique, celle
ment une action séparatrice. C'est alors que la ligne et des formes- particulières, fermées- et celle des rap­
I a couleur sa nt délivrées (36). ports - universels, ouverts-, il y a pour leur corres­
Par l'abolition, d'abord de la forme partie ulière, ensuite pondre deux types de rythme: celui du passé, dans
de la forme épurée et de la forme neutre, l'art nouveau l'art comme dans la nature, est un rythme ondulant,
a affranchi la I igne et la couleur les moyens essentiels circulaire; il se manifeste, rappelle Mondrian, dans
de l'expression plastique (37). l'eau après qu'on y a jeté une pierre, ou dans la coupe
Il faut envisager ces moyens dans leurs rapports: d'un tronc d'arbre. Par contre, ajoute-t-il, négligeant
non dans les rapports eux-mêmes, mais dans l'équi­ les phénomènes de cristallisation, « la cadence de
libre de ces rapports. « Car ce ne sont pas les moyens lignes droites en opposition rectangulaire doit se créer
plastiques nouveaux, les rapports purs non plus, qui par l'homme»(21) (Une opposition que l'on retrouve

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en ng_ s: :_e =..: s se:- 3en.eniste, on rattachait C'est ce lien rythmique avec la «vie» qui justifie
le mo: g·e: ·- _:---s =-- e·oe rheîn, couler; mais les extensions de la néo-plastique dans toute une
rhuthmos ces �-e :·a::oca au:re chose, une forme, série de domajnes dont Mondrian, dans les années
une«conf g_·a: o- soa: a e definie par l'arrangement 1920, a exploré l'espace: l'art du verbe, la danse, la
et la propor: o- d s: -et fs des éléments16».) musique, qu'i Ifaut envisager«corn me art plastique»19,
Le ry hme rect g"e·re ationnel de la nouvelle le théâtre·futur («un art situé entre la Peinture et
plastique réa se- proje•te au dehors- un rythme la Musique» 20 ), la mode, l'architecture, et ce que
propre à l'homme évo ué, mais déjà en germe dans Mondrian appelle l'ambiance. Et finalement, la vie
l'homme primitif: entière, physique, géographique, économique, sociale,
Il est évident que ''homme primitif, alors dans un état politique, morale. Telle est, portée à ses dernières
physique naturel, vivait en harmonie avec la nature, conséquences, la logique de L'art nouveau - la vie
était en harmonie avec ce rythme naturel. Il en résulte nouvelle. Elle était en place dès le trialogue de 1919,
qu'en art, il tâchait de l'exprimer. Toutefois, l'homme où l'on pouvait lire, souligné: «La pure vision plasti­
primitif doit contenir, en germe, l'homme à son apogée que doit construire une nouvelle société, comme elle
et donc aussi, bien que plus ou moins caché, le rythme a en art construit une nouvelle plastique- une société
de cet homme. Au cours de son évolution vers l'état fondée sur une dualitééquivalen te entre le matériel et
d'« homme», l'homme s'oppose donc de plus en plus le spirituel, une société de rapport équilibré21. »
au rythme physique·naturel [ ... ] En quoi la pensée de Mondrian, et d'une bonne
Il est évident que le rythme de l'homme pendant toute partie de l'avant-garde de son époque, échappe à la
son évolution s'oppose plus ou moins au rythme natu· conception moderniste de Greenberg et de sa suite,
rel hors de lui à mesure qu'il progresse Il est donc logi­ qui a dominé l'historiographie de l'après-guerre. Pour
que que l'homme a transformé- pour autant �u'il le Mondrian et son entourage, l'œuvre d'art abstraite
pouvait- l'aspect naturel et la vie naturelle, afin de n'est pas ferméesur elle-même, vouée aux espaces clos
créer, hors de lui, un rythme qui correspondait avec des musées ou aux décors et aux coffres du capitalisme
son propre rythme. (21·22.) éclairé; elle est ouverte sur le monde, elle agit sur lui,
l'éclaire, annonce son avenir.D'emblée, l'introduction
* à L'art nouveau - la vie nouvelle établit ce principe:
Le lien de l'art et de la vie est pour Mondrian une ... généralement, on n'a aucune notion de l'influence
donnée théorique et stratégique fondamentale. Il énorme que l'art exerce ou pourrait exercer sur la vie
lui permet de riposter aux adversaires de l'abs­ pratique. L'art, de par son caractère conventionnel ou
traction, Ca ri Einstein par exemple, qui voyait en e 11 e par ignorance de son contenu véritable, ayant été consi­
un caprice décoratif coupé du réel et réglé par des déré jusqu'ici comme une recherche de la beauté idéale
«flics théoriques», «la généralisation prise pour un ou décorative, on ne comprend pas comment il peut
moyen de puissance»; des «tableaux standardisés montrer le cheminversl'équilibre des rapports sociaux,
et hygiéniques[ ... ], des hypertrophies de l'ordre», politiques et économiques ni comment il peut créer
des «bibelots puritains» donnant «une illustration une beauté reëlle et concrète dans la vie pratique. (ln 1.)
à des doctrines»17. En 1931, les Cahiers d'art avaient La thèse propre à Mondrian est que la socialité de
ouvert leurs colonnes aux défenseurs de l'art abstrait l'art, son «influence énorme» sur la vie, a pour fan·
pour répondre à ses adversaires, menés par Tériade, dement, non pas son contenu thématique, mais
qui l'accusaient d'être un pur exercice cérébral et sa nature rigoureusement abstraite: «cet art pur
ornemental engageant l'art dans une impasse. «La est complement" social, non dans le sens d'un art
néoplastique, répliquait Mondrian, n'est ni pein· de propagande ou d'un art appliqué, mais par son
ture décorative, ni peinture géométrique. Elle en a expression plastique seule. Pour comprendre ceci, il
seulement l'apparence.» En réalité, «elle exprime est nécessaire de savoir ce que cet art pur comporte,
le rythme de la vie, comme toute autre peinture, c'est·à-dire de comprendre qu'il est une expression
mais, dans son aspect le plus intense et éternel»18. vivante et véridique de l'équilibre universel» (ln 2).

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Tout dans le monde ne se règle-t-il pas en termes de abolir l'art«comme illusion séparée de la vie réelle », et
rapports - rapports de classes, de forces politiques, le remplacer par« la construction de notre entourage
nationales, idéologiques? À la fin de sa vie, Mondrian d'après des /.ois créatrices»27. Il pensait pouvoir réali­
orécisait encore·«La détermination spatiale a été et ser sa version de la nouvelle plastique dans la déco­
·este le problème à résoudre pour l'humanité. C'est ration, l'architecture et l'environnement, comptant
'éternel problème dans l'économie, la politique, la sur celui-ci pour modifier moralement les hommes.
:echnique, la science, l'art plastique23. » « En bref, si Van Doesburg voulait changer la vie
concrète pour changer l'homme, Mondrian préférait
Dans cette homologie de structure, la néo-plastique changer l'homme pour que changeât la vie concrète28. »
ioue un rôle pilote, car«l'art devance la vie » (33), ou Cependant, il croyait aussi, étant socialiste de cœur,
comme Mondrian l'écrivait ailleurs,« l'Art précède qu'«en transformant l'organisation sociale, on trans­
a Vie »24. C'est le deuxième principe qui gouverne forme l'individu » (p. 53).
sa réflexion d'ensemble, et particulièrement L'art Mondrian comptait sur le temps pour changer
riouveau - la vie nouvelle, dont l'introduction nous l'homme, et sur le rôle pilote de l'artiste. Celui-ci peut
·appelle que l'art« non seulement a suivi le progrès montrer parso n œuvre la voie de l'avenir aux masses,
numain mais l'a devancé ». Ce principe s'enracine dans et ainsi activer le progrès:«... l'évolution est toujours
une théorie générale de l'avant-garde, qui remonte l'œuvre des pionniers[...]. En un temps où l'on accorde
a l'époque romantique, et que Vigny, en 1829, sym­ tellement d'attention au collectif, à la "masse", il est
:,olisait par les trois aiguilles d'une horloge· celle nécessaire de noter que l'évolution, en dernier ressort,
des heures représente la foule, celle des minutes les n'est jamais l'expression de la masse. La masse reste
-ommes éclairés, et celles des secondes le poète qui derrière mais pousse les pionniers à la création. » Une
a toujours eu et doit avoir cette marche prompte poussée qui agit négativement· comme toute chose
a.u devant des siècles »: image de !'«inflexible loi du dans la vie et dans l'art, le contact entre les artistes
progrès» qui emporte l'esprit humain2s. et la masse fonctionne par opposition.
Pour Mondrian, le rythme se déploie aussi dans le Ce contact est nécessaire seulement de façon indi­
:emps. Il rythme l'histoire; il met en place un tempo recte; il agit surtout comme un obstacle qui accroît
de l'évolution qui est lent mais inéluctable,et qu'il ne leur détermination. Les pionniers créent par réaction
s'agit pas de précipiter·«... actuellement [1920], l'esprit à des stimuli externes. lis sont guidés non par la masse
nouveau n'a rien à gagner d'un bauleversement total mais par ce qu'ils voient et sentent. Ils découvrent
de notre société· tant que les hommes ne sont pas consciemment ou inconsciemment les lois fondamen­
·nouveaux", il n'y a pas de placepour"le nouveau" »26. tales cachées dans la réalité, et visent à les réaliser. De
Mondrian reviendra sur ce point dans L'art nouveau: cettefaçon, ils avancent le développement humain. lis
... rien n'est plus enfantin que de vauloir l'impossible. savent qu'on ne sert pas l'humanité en rendant l'art
Justement par le fait de vouloir forcer sa réalisation, compréhensible à chacun; l'essayer, c'est tenter l'im­
on manque son but. Pour créer une existence vraiment possible.On sert l'humanité en l'éclairant. Ceux qui ne
humaine, il nous faut du courage, des efforts, de la voient pas se révolteront,ils essaieront de comprendre
patience » (63). Moyennant quoi le nouveau trouvera et finiront par«voir». [...]
sa place, puisque la vie «suit lentement le cours de L'art n'est pas fait pour n'importe qui et, en même
'art » (ln 2 bis). Le rythme du progrès est vital, comme temps, il estfaitpour chacun. C'est une erreur d'essayer
celui de l'artiste, et« il en est de même en ce qui d'aller trop vite. La complexité de l'art est due au fait
concerne la vie; si la vie nouvelle exprime le rythme que différents degrés d'évolution sont présents en
vital, elle ne peut pas ressembler à la mort » (34-35). même temps. Le présent entraîne le passé et l'avenir'9.
C'est un des points qui opposent Mondrian à son
ami Theo van Doesburg, et aboutiront à leur rup­
*
ture. Comme le note Éric Michaud, Van Doesburg, en Pour préparer la réalisation de l'art dans la vie,
«homme pressé » et remuant, voulait dès à présent Mondrian a un intermédiaire: son atelier. Rentré

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Piet Mondrian, Composition avec double ligne et Jaune, 1932, huile sur toile, 45,2 x 45,2, Édimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art, photo The
Bridgeman Art Li brary, © 2011 Mondrian/ Holtzman Trust, c/o HCR International Virginia USA

de Hollande à Paris en 1919, il va en faire un terrain l'atelier de la rue du Départ, que Mondrian occupa
d'expérimentation en vue de l'art réalisé. Jusqu'à sa de 1921 à 1936, qui deviendra le laboratoire de l'art
mort en 1944, il ne cessera plus de l'organiser plasti­ réalisé. Il commence par le décorer avec des cartons,
quement. Un journaliste hollandais venu le visiter en puis le peint en 1924 et le repeint en 1925 avec l'aide
1920 décrit l'atelier du S, rue de Coulmiers comme une de Vantongerloo: «Tu ne le reconnaîtrais pas, écrit-il à
extension des peintures:«... chaque mur en lui-même l'architecte Oud, j'ai tout repeint, etc. C'était vraiment
forme une espèce de peinture abstraite agrandie plu­ nécessaire maintenant qu'il vient tant de gens intéres­
sieurs fois3°». Mondrian lui-même avait longuement sés de l'étranger 31 . » En 1926 et les années suivantes,
décrit et discuté ce même atelier dans la dernière il le fait photographier et reproduire dans plusieurs
scène de son trialogue (CW, 106-:23). Mais c'est surtout publications. Désormais, le travail sur l'atelier double

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/V/onde riant

le travail sur les peintures; celles-ci trouvent là une vie. Et l'art pur n'est que l'image de la vie actuelle
extension d'autant plus visible que les tableaux, à mais continuée et purifiée de plus en plus de sorte
partir de 1914, sont le plus souvent encadrés par de que cette image, à présent, c'est-à-dire à la fin de la
fines baguettes fixées à l'arrière du châssis, comme culture plastique, peut démontrer la charpente de la
il l'explique à Sweeney en 1943 •«Mouvoir le tableau vie. » (ln 4-5.)
dans notre environnement et I ui donner une existence À mesure que la pratique et la pensée de Mondrian,
réelle est mon idéal depuis que je suis venu à la pein­ dans sa dernière décennie, continuent d'évoluer, un
ture abstraite. » (CW, 357, 354.) motif vitaliste revient avec insistance dans son texte.
En 1932, ayant à peine achevé la rédaction de L'art «L'expression de la vitalité pure que la réalité révèle
nouveau, Mondrian va travailler alternativement sur par la manifestation du mouvement dynamique est
l'atelier et sur les tableaux. «J'ai renouvellé un peu le contenu réel de l'art. L'expression de la vie dans la
mon atelier (faute de ne pas pouvoir déménager), ce réalité environnante nous fait nous sentir vivants et
qui était un besoin urgent pour moi », écrit-il à Roth de ce sentiment l'art surgit. Mais une œuvre d'art n'est
le 7 septembre. Et le 31 octobre•«Je suis un peu en de l"'art" que dans la mesure où elle établit la vie dans
retard de vous répondre; c'est à cause du travail, je son aspect inchangeable• comme vitalité pureii . »
suis occupé des nouvelles recherches en peinture, Ce motif, déjà présent dans son livre, s'accom­
avec des lignes doubles. Ainsi j'écarte un peu le noir, pagne de changements dans sa pratique artistique.
ce que j'aime de moins en moins. Et, entre temps, j'ai Comme on l'a vu, tandis qu'il en achève la rédaction,
:oujours renouvellé l'atelier de sorte que, maintenant, Mondrian renouvelle la plastique de son atelier, et
il m'est assez supportablei 2 . » On verra bientôt l'im­ en même temps introduit dans sa peinture des lignes
pact que ces lignes doubles auront sur les peintures doubles- un clivage des barres noires-, qui vont, en
à venir, et par contrecoup sur les rapports de l'art et s'écartant et en se multipliant, détruire l'intégrité des
de la vie. plans et animer rythmiquement la surface, créant un
nouvel équilibre. Mondrian a désigné celui-ci par le
* terme d'équilibre dynamique, dynamic equilibrium,
Afin que le passage de l'art à la vie puisse se réali­ qu'il oppose à l'équilibre statique, static balance. À
ser, il est nécessaire que le principe de l'art nouveau la fin de sa vie, il caractérisera l'équilibre statique
soit intériorisé par l'homme. L e caractère universel comme l'insuffisance relative de sa production clas­
de l'équi I ibre des rapports permet et à la I ongue rend sique des années 1920 •«Beaucoup apprécient dans
inévitable ce passage•«... seul le développement de mon œuvre précédentejustement ce que je ne voulais
l'homme, dans un avenir lointain, peut, par la consti­ pas exprimer mais ai établi par incapacité d'exprimer
tution des rapports équivalents, créer l'équilibre uni­ ce que je voulais• le mouvement dynamique en équili­
versel. Ces rapports sont déjà réalisés dans l'art pur, bre. / Une lutte continuelle m'en a rapprochél4. » Son
c'est-à-dire l'art affranchi de la figuration et de toute dernier essai précise•
forme délimitante et qui exprime la beauté des rap­ Il faut souligner qu'il est important de distinguer
ports équivalents seulement par la ligne et la couleur deux sortes d'équilibre· (1) un équilibre statique et (2)
pure. Cet art est en image l'idéal de la culmination un équilibre dynamique. Le premier maintient l'unité
humaine où va l'humanité » (ln 4). individuelle des formes particulières, isolées ou mul­
En image, car il ne suffit pas de simplement ren­ tiples. Le deuxième est l'unification des formes ou des
verser l'ancienne mimésis, d'affirmer que la nature éléments de formes par une opposition continuelle.
imite l'art, ou que l'art est le modèle originaire que la Le premier est limitation, le deuxième est extension.
vie doit reproduire. L'art ne peut faire avancer la vie Inévitablement, l'équilibre dynamique détruit l'équili­
que parce qu'il vient lui-même de la vie et y retourne. bre statique35 .
«Car, ressorti et encore toujours ressortant de la vie, La notion d'équilibre dynamique était apparue dans
l'art ne peut pas être un exemple dogmatique pour un texte de 1934 associé à L'art nouveau.« Par intuition,
indiquer du haut de son abstraction le cours de la l'homme veut le bien• l'unité, l'équilibre- surtout pour

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Jean-Claude Lebensz:e -

lui-même. C'es, ainsi qu'il retombe dans la recherche


d'un bien-être faux et d'un équilibre statique, qui, for·
cément, s'oppose à l'équilibre dynamique de ia vie.»
L'artiste des rapports, en observant les oppositions
de la réalité,vise à«créer un équilibre dynamique qui
annihile l'équilibre statique des choses»36. Deux ans ..
après, Mondrian revenait là-dessus, en se concentrant
à présent sur l'art:
D'abord et avant tout il y a la loi fondamentale de
l'équilibre dynamique qui s'oppose à l'équilibre sta·
tique nécessité par la forme particulière.
La tâche importante de tout art, donc, est de détruire
l'équilibre statique en établissant un équilibre dyna­
mique L'art non-figuratif exige[... ] la destruction de la
forme particulière et la construction d'un rythme de
rapports mutuels, de formes mutuelles de I ignes I ibres.
[...] Il est de la plus grande importance de noter la qua­
lité destructive-constructive de l'équilibre dynamique".
Piet Mondrian, N° Ill OPPOSITION DE LIGNES, DE BLANC ETJAUNE, 1937
(premier état de PICTURE Il, aveCJaune, rouge et bleu, 1937-43), huile sur toile,
6ox SS, photo RKD (Netherlands lnstitute for Art His tory), La Haye, © 2on
À la façon des lignes doubles, l'équilibre se dédou­ Mondrian/Holtzman Trust, c/o HCR International Virginia USA

blait. Sans employer le mot«dynamique», L'art nou­


veau avait mis en jeu un équilibre double:«Toutefois,
même en esthétique nouvelle, le mot équilibre a une déesse, qui, impitoyablement, transforme l'homme
donné lieu à bien des malentendus, à de multiples à des états supérieurs et, à la fin, l'affranchit de toute
erreurs. Pour les rectifier, le seul moyen sera d'étudier limitation propre.
profondément l'expression plastique de l'art nouveau. Mais l'artiste ne fait que suivre le cours de la vie,
On verra que l'état d'équilibre de l'art nouveau n'est comme tout homme le suit. (42-43.)
pas un état statique et sans action comme l'on géné­ De quelle vie est-il question? Non pas de celle que
ralement le croit, mais au contraire, une opposition nous croyons vivre, qui nous vit plutôt,dit Mondrian,
continuelle et s'entre annihilante des éléments équi­ et qu'il appelle la vie concrète ou vie actuelle; mais de
valents mais non égaux» (17)38 la vie réelle ou vie nouvelle,ou vie universelle: la vie
Progressivement, et surtout après 1935, l'équi· de cette réalité dont le peintre abstrait-réaliste doit
libre dynamique se réalisa dans des peintures que avoir la vraie vision (c'est ce que veut dire le titre de
Mondrian, par la suite, entreprendra de retoucher son autobiographie tardive,«Toward the True Vision
pour leur imprimer davantage de swing.«J'ai le sen­ of Reality»), et qu'il peut voir, sinon vivre, par son
timent que mon œuvre est aussi bonne que le boo­ art:« La vie quotidienne est la "vie", mais opprimée
gie-woogie, qu'elle est vivante»,disait·il très peu de par toutes sortes de choses. Donc elle n'est pas la
temps avant sa mort39_ vie complète dont nous jouissons dans l'art4°. »
Si l'art peut anticiper la vie, c'est qu'il s'enracine Toutes deux s'opposent en ceci, que l'une est une vie
dans la vie, et que l'artiste suit la vie. Ce double mouve­ de conflits, d'oppositions non résolues, que l'autre
ment n'est possible que parce que l'homme est l'œuvre résout et anéantit:«dans la vie réel le,le bien et le mal
d'art dont la vie est l'artiste. s'anéantissent/ Mais dans la vie concrète, le bien et
Si nous voyons que l'artis:e dans une culture séculaire, le mal s'opposent» (38).
sans pitié, a transformé en réduisant l'aspect naturel et Pourtant, la vie réelle est bien réelle,«au fond
la forme particulière à desoppositions équivalentes de de nous», «tout au fond de l'homme», «l'essentiel
ligne et de couleur, nous , oyo'.1s q_e a vie est un artiste, de l'homme»; alors que la vie concrète est«hors de

22 Les Cahiers du Mnam 114·115 hiver 2010/printemps 1011


Jea--: =-== _;::;-
'
-o_s -� �tés:::_-:_: . Ol'érian peut écrire que sont bien les mots qu'il employait au lendemain de
'10-5 • , :-s -: -s =-'=' -: _s "e sommes vécus par la la Première Guerre mondiale: «Quand l'homme nou­
= ::::-
Y e "=- s =- :::: :s =-. e orogresse éonstamment veau aura.transformé la nature en ce qu'il sera alors
ve-s =-· =·==" - ::_:::--E 'a,·s'approche de plus devenu, à savoir: nature et non-nature-en-rapport
:--=
en p,_s :::: :::.:·:::ss : r :e son rythme véritable, équilibré, alors l'homme - vous aussi - aura dans
la ie s':.::·a:-e :e:; _, e- pus de la réalisation du l'homme nouveau regagné le paradis sur terre!» Il
véritab e -y:--:: :e :::. , e _a vie réelle ne restera ajoutait:« Ne voyez pas cela comme un mirage [een
donc pas ta_ -·s -=-5 ·a ·e 2:;1.Alors,nous vivrons droombeeld] ! »43
vraiment - En s·a.:pro: -an· d'une équivalence des Mondrian, responsable du nouvel ordre plas­
deux aspects co t,:;. ·,es en nous et hors de nous, nous tique, se voyait comme le prophète du paradis sur
serons peu à pe mo ns "· écus" par la vie, mais capa· terre reconquis. Mais contrairement à ce que semblait
bles de "vivre"» 2 croire le peintre-sculpteur belge, il n'était pas ques·
C'est cette réalité de la vie réelle, universelle, que tian de l'homme que ses commentaires accusaient
l'art nouveau nous rend sensible,livrant d'e11e comme de prétention et d'égoïsme, l'individu Mondrian;
une image,«l'idéal de la vie en image» (8). C'est pour· celui-ci n'était à ses propres yeux que l'incarnation
quoi il est dit,dans la dernière scène du Trialogue,que d'une force historique sans autre nom que la culture
l'art, en formant «une image déterminée de l'univer· des rapports. «Même sans le savoir, écrivait Mondrian
sel», een bepaaldbeeld van het universeele,éveille en vers 1913-14, l'artiste est par l'esprit du temps poussé
nous sa nostalgie: «Oui, nousavonsbien en nous une vers l'abstrait4 4_ » Et dans L'art nouveau (p. 14), il est
nostalgie de l'universel4 1 !» spécifié qu'«au début de la culture plastique,[ ... ] la
création véritable de l'art ne se réalise que malgré
* l'artiste./ Mais précisément pour cette raison l'œuvre
Une telle confiance dans la puissance universelle de d'art peut être de premier ordre».
la néo-plastique, dans l'idée que son ordre prépare
le nouvel ordre du monde, n'a pas été sans susci·
*
ter des tollés; on peut dire qu'elle les provoquait. À la façon du Livre de Mallarmé, ces pages imperson·
Commentant la phrase:«Conforme à l'anéantisse­ nelles confèrent à la peinture de Mondrian un halo
ment de la forme particulière dans l'art,nous voyons fantastique - avec, ici ou là, un effluve de science­
dans la vie déjà bien des conceptions délimitantes du fiction art déco:« L'art plastique est déjà prêt à se
passé s'anéantir», Georges Vantongerloo complétait réaliser dans notre ambiance palpable, le chant des
dans la marge de la copie, en manière de sarcasme, oiseaux est humanisé d'une façon réelle dans le jazz
«grace à Mondrian», et ajoutait, à propos de la néo· américain» (so). (À l'inverse,on pense au musicien de
plastique: «c'est une clef qui ouvre toutes les portes, jazz Eric Dolphy, qui voulait, non pas humaniser le
sociale politique morale ménagère etc. etc.» Un peu chant des oiseaux,mais jouer avec eux; ,,chez moi[en
plus haut:« t'as une bonne idée de toi, le reste c'est Californie],quand je jouais, les oiseaux sifflaient tou­
donc de la merde »42 _ jours avec moi. J'arrêtais le morceau que je travaillais
C'est peut-être la raison profonde qui a si long· et je jouais avec les oiseaux4s_»)
temps empêché ces pages de voir le jour: pour les La disparition de l'art et sa réalisation dans une
partisans de l'art abstrait, elles sont gênantes, elles ambiance où l'on n'aura plus besoin de fleurs et
laissent une impression de fa I ie calme,hors d'atteinte. d'arbres46 , lanatureétant remplacée par la réalisation
Elles portent à son comble une foi délirante dans le plastique des oppositions,peut donner froid dans les
pouvoir de l'art. Comment, en pleine crise, à la veille dos écologistes. Peu de gens, aujourd'hui, seraient
du nazisme, alors que les choses allaient mal et que enchantés de l'avenir joyeux promis par Mondrian
le pire était à prévoir, le peintre pouvait-il croire que en 1930: « Et quel avenir joyeux,quand nous n'aurons
par la mise en place de la nouvelle plastique il allait plus besoin de l'artifice "tableau" ou "statue", quand
sauver le monde et recréer le paradis sur terre? Ce nous vivrons dans l'art réalisé47!»

24 Les Cahiers du Mnam 114-115 hiver 2010/printemps 2011


Monde riant

(e;_te réflexion est dominée par un progressisme la médiocratie culturelle et politique. Quelle pourrait
:-ophétique, mystique, une croyance dans les pou­ être en face de ces grandes turbulences historiques
J -s conjugués de l'art et de la scierice que les décen- le poids_ d'un art qui s'est avéré beaucoup moins uni­
- es suivantes ont durement démentis. taire que Mondrian ne l'annonçaiP Comment, lui qui
En suivant l'évolution plastique, nous voyons qu'il n'hésitait pas à écrire: «Toutes les tendances de l'art
est une grancie erreur de croire - corn me le font bien nouveau - qui n'est qu'une conséquence de l'art du
des gens - que le progrès de la civilisation occiden­ passé - ont inconsciemment abouti à la plastique
tale pousse l'humanité vers l'abîme.[...] Qui nierait pure, c'est-à-dire à la réalisation exacte de l'équilibre
'influence énorme que la science et la technique exer­ universel» (ln 8), aurait-il pu maintenir cette affirma­
cent sur le rapport international des peuples par le tion face à l'évolution des arts et des cultures après
progrès qu'ils ont donné à l'emploi de la vapeur et de la deuxième guerre mondiale? La voie unique du néo­
l'électricité. Et si quelques-unes de leurs évolutions plasticisme n'a-t-elle pas abouti, non à sa réalisation
nous remplissent d'épouvante et d'horreur - corn me dans la vie, mais à un cul-de-sac? Bien sûr, la peinture
celle des gaz asphyxiants - c'est encore pour aboutir à de Mondrian a été de plus en plus admirée et révérée,
l'évolution humaine. Comme d'autres récemment l'ont mais quel profit les hommes allaient-ils en tirer? Au
démontré, tout cela va supprimer la guerre, devenue mieux, un moment de sérénité dynamique; au pire,
impossible par le développement des moyens de com­ des masses de produits dérivés, et l'idée que ces quel­
bat. C'est ainsi que, par des faits concrets, un équilibre ques décimètres carrés de lignes droites se chiffrent
réel va naître.[ ...] en dizaines de millions de dollars pièce.
Ce n'est donc pas le perfectionnement de la science Bien entendu, nombre de situations ont progressé
et de la technique qui forme un empêchement à la vie dans le sens espéré par le peintre. Mais il apparaît clai­
véritablement humaine, maisjustementau contraire: rement que sa vision du progrès était simple, parfois
le fait qu'elles ne sont pas assez perfectionnées et sur­ naïve - témoin la confiance qu'il accorde à des pen­
tout que leur organisation ou application ne soit pas seurs du calibredu médecin occultiste HelanJaworski:
encore parfaite mais souvent terrible, en est la cause. le seul écrivain, avec Zola, mentionné dans son livre.
(43-45.) C'est le côté Disney de Mondrian, qui adorait 8/anche­
Mondrian était conscient des dangers mortels de la neige et les sept nains, écoutait sur son gramophone
science, avant même l'i l'\.vention d'armes encore plus rouge les chansons des nains, et envoyait à son frère
inquiétantes, mais il croyait que l'excès même de leur Carel des cartes postales du film ou des images qu'il
menace devait les rendre inutilisables. C'était comp­ découpait et signait Sleepy48 - et qui parfois s'auto­
:er sans la violence des hommes et sa dynamique risait des plaisanteries d'un goût douteux («Mieux
vertigineuse. Il ne pouvait ou ne voulait pas, en 1931, vaut manger un mendiant que d'en être un49»). Mais
malgré les nuages amoncelés dans le ciel de l'histoire, il maintenait une foi sans faille dans l'avenir, tout en
prévoir que l'accélération des progrès technologi­ étant conscient de vivre une époque sombre, et qui
ques précipiterait aussi les catastrophes humaines allait en s'assombrissant toujours davantage. Le 6
et écologiques dont quatre-vingts ans plus tard nous mars 1933, un peu plus d'un mois après l'arrivée de
sommes les témoins.Qu'aurait dit Mondrian devant la Hitler à la tête de l'Allemagne et une semaine après
surpopulation, la menace nucléaire, l'épuisement des l'incendie du Reichstag, Mondrian écrivait à Roth:
ressources naturelles, rendus possibles par le progrès «Ne trouvez-vous pas terrible l'état des choses en
technique de la civilisation occidentale? Sans parler Allemagne? Mais cet effort réactionnair provoquera
des maux qui accablent les hommes et le monde, les certainement partout la force contraire: la vie nou­
terrorismes de tout bord, l'intolérance raciale ou reli­ velle se créera!» Dans la même lettre, il disait noter
gieuse, les échecs du capitalisme avancé, le chômage des idées pour compléter son petit livre, et continuer
et la faim, la corruption galopante engendrée par ses recherches sur les lignes doublesso_
l'argent et le pouvoir, les crises à répétition, la folie Mondrian fondait une vague espérance dans ce
financière, la destruction de tout au nom du profit, qu'il appelait le «vrai socialisme» (p. 45), mais dès 1933,

Les Cahiers du Mnam 114·115 hiver 2010/printemps 2011 25


ca�:e-co â.§:ê e- ::- ::e :.:.·:: e: ,•o-:.� 2- a.son frère Carel, cachet postal du 10 décembre 1938: << B.S, M. et moi sommes bien arrivés.
y a.va: _s:e -- :�- :i ,e-:. -'= :-:::·---22- éta,t prêta m'emmener dans la forêt j'ai dit aux autres que Atchoum et Mary se plaisent
a Bre:e i..•e.-c ;:._ss ::-_- =. �-- �-� :�:::: 90stale de M. et Sn. [Atchoum}. Meilleurs sentiments de la part de Dormeur)), New Haven,
Ya,e - e·s :_ ëe -�:· e a 2-, ë::: ,-:: • •snusrnpt Library, Harry Holtzman Deposit, © 2011 Mondrian/ Holtzman Trust, c/o HCR
-ter-at o-e ,� - = -'

26 Les Cahiers du Mnam 114·115 hiver 2010/printemps 2011


Monde riant

::onstatait avec découragement:«Quant à la Russie, ne peut que s'anéantir sous son propre poids, et par
on verra s'il y aura le désir d'approfondissement. Ce l'effet d'une opposition annihilante. Dans ses notes du
que j'apprends n'est pas encourageant: on tent vers temps de guerre, il écrivait:«Si nous vivons à présent
a régression, comme par tout», tout en ajoutant : le temps peut-être le plus terrible que nous puissions
«Mais en tout cas l'art et l'humanité avanceront»s1. imaginer, nous devons voir ceci comme la destruction
En 1935, il tomba malade et traversa une dépression des formes opprimantes et des rapports mutuels faux
si grave que son amie Charley Toorop le crut au bout dans le monde, et comme une lutte pour construire
eu rouleaus2, mais il reprit le dessus. En 1940, ayant fui une vie meilleure.»
= continent européen, il voyait encore dans l'oppres­ Opposant les événements de la vie concrète et le
, on la condition d'une libération future, dans l'art et contenu de la vie réelle, la pensée de Mondrian battait
:'2ns la vie. «L'oppression retarde le progrès humain au rythme d'un temps séculaire:«... ce n'est réellement
:�l- Toutefois, l'oppression crée aussi par son action que les événements de la vie (quotidienne) que nous ne
-égative; elle renforce son opposition. Le résultat pouvons pas prévoir. Son contenu est visible dans les
::St libertési.» grandes lignes par l'étude du progrès de l'Art Plastique.
Il ne niait pas la dureté tragique du présent; mais [ ..] / [... ] le présent n'est pas à connaître, et l'avenir
fallait, selon lui, toucher le fond de l'enfer avant de est à connaître par le présent./ L'avenir est présent.
:on naître le nouveau paradis terrestre.« La nouvelle Ne pas voir l'avenir est faire du présent le passés4.»
�orale impose donc l'acceptation de l'abolition des Un tel point de vue s'apparente à la méthode,
"ormes particulières oppressantes; dans ce sens, elle « oubliant les tems et les Lieux», annoncée par
2st, pour quelque temps, la morale du mal» (67). Rousseau dans le préambule au Discours sur l'origine
Le mal étant lié au bien par une dualité de même de l'inégalité:«Commençons donc par écarter tous les
-ature que les oppositions du féminin et du masculin, faits, car ils ne touchent point à la questionss .» Mais
au voile et de la détermination, du particulier et de il est aussi en accord avec la peinture de Mondrian,
'universel, etc., la domination du mal est le signe d'une traversant et annulant les objets de la nature pour
crise qui doit être résolue par une opposition inévi­ atteindre au cœur de la réalité. Logiquement, sa théo­
:able .« Le bien, ne se crée-t-il pas aussi par le mal?» rie de la vie se modèle sur sa théorie de l'art.
34.) Il faut do nc«accepter le mal comme le bien» (66). Peut-on le suivre dans cette voie dépouillée d'évé­
La morale nouvelle exige donc que l'on reconnaisse le nements? Du fait même de sa rigueur théorique et
mal comme étant au fond le bien. Car la haute morale pratique, le néo-plasticisme appartient au passé, mais
universelle s'élève au dessus des limitations du temps. il a entrouvert des échappées sur le futur. L'art s'est en
Vers la fin de la culture de la forme particulière, pour partie dérobé aux lieux institutionnels qui ont défini
quelque temps, la morale du mal - bien que toujours son statut à la rencontre d'autres lieux de la vie, la
existante [ayant toujours existé] - prime celle du bien. nature, les espaces urbains, ceux de l'Internet. La
La forme particulière étant end issol ution, dans la fin de réflexion de Mondrian, abstraite comme sa peinture,
sa culture, évidemment, le mal doit dominer, car la réa­ mais aussi contemporaine de Dada, ouvre le temps et
lité concrète ne permet pas la création et l'abolition en l'espace, niant le caractère figé des valeurs où nous
même temps. Tout comme la haute morale universelle, sommes encore pris. Elle lui permet de voir le capita­
cette action double ne compte pas non plus avec le lisme, le militarisme, la religion, la nation, comme des
temps. Si dans cette période le mal domine, cela expli· résidus présents du passé. Le capitalisme, dit-il, «est
que ce temps terrible et ces situations pénibles où nous une forme délimitante qui s'abolit soi-même et sera
sommes actuellement. Néanmoins, l'autre des deux aboi ie dans la culture des rapports équivalents» (55).
oppositions de la culture humaine, celle de la créa­ La description que Mondrian fait de l'exploitation
tion, est quand même en même temps active. (67-68.) capitaliste (p. 27), toute moralisante qu'elle soit, n'est
Pour Mondrian, l'enfer présent est le signe d'une dans son principe structurel pas si éloignée de l'ana­
fin historique,«la culmination de la forme particulière lyse que Marx propose dans Le Capital du surtravail et
mourante» (63), l'effet d'un déséquilibre croissant qui de la production de plus-value comme résultats d'un

Les Cahiers du Mnam 114·115 hiver 2010/printemps 2011 27


Jean-Claude etie�5c:;e"

rapport d'échange non équivalent - à ceci près, bien


sûr, que la lutte des classes n'est pas le pilotage néo­
plastique,source lumineuse, pour Mondrian, de l'abo­
i ition du capital, comme i I està l'origine de l'ouverture
des nations:
Les plans rectangulaires de différentes dimensions
et couleurs font voir que l'internationalisme ne com­
porte pas un chaos où règne la monotonie, mais une
unité ordonnée et nettement divisée. Dans la néo-plas­
tique, il y a même des limites très prononcées. Mais
ces limites ne sont pas réellement fermées; les lignes
droites en opposition rectangulaire s'entre-coupent
constamment, de sorte que le rythme de ces lignes se
continue dans l'œuvre entière. De même, dans l'ordre
international de l'avenir, les différents pays, tout en
étant mutuellement équivalents, auront leur valeur
propre et différente. Il y aura des frontières justes,
proporti onnées à la valeur du pays en rapport avec la
fédération générale. Ces frontières seront nettement
I imitées, mais non pas« fermées»; pas de douanes, pas
de cartes de travail. Les «étrangers» ne seront plus
envisagés comme des métèques. (60-61.)
Quant à l'argent, il «doit n'être qu'un "moyen
d'échange" et ne pas prendre une forme délimitante
qui opprime et avilitd'autresformes de la vie» (ssl En
somme, l'art nouveau«nous démontre que la perte de
la vie du passé, dans tous ses aspects, sociaux, écono­
miques et moraux, le déclin des avantages de la vie
d'antan,comme l'identité de la patrie et de la famille,
I e charme de l'amitié et de l'amour d'autrefois,ne sont
pas une perte réelle puisqu'elle nousconduità une vie
supérieure» (35). « En abo I issant l'aspect naturel de la ci-après noté A), et trois copies au carbone, deux
forme, l'art nous démontre que la vie va produire ce contenues dans le même fichier 308 - ci-après 81 et
que, dans la vie, l'homme en vain essaie ou se refuse 82), une dans I e fichier 30 C (ci-après C). L'introduction
de faire. Par exemple, en abolissant l'amour, elle est manuscrite se trouve dans le fichier 31 16. La dacty­
en train de réaliser d'une façon exacte son contenu lographie n'est pas très professionnelle. La copie
véritable» (71). C est reliée artisanalement avec une maquette de
Certes,la forme résiste au contenuvéritable,mais couverture; elle porte de nombreuses corrections
jusqu'où? Le temps seul peut conclure. au crayon de la main de Michel Seuphor. Mondrian
semble avoir reporté lui-même au crayon ces correc­
L'art nouveau - la vie nouvelle nous est parvenu sous tions sur A, qui contient avant la page de titre une
forme de copies dactylographiées, au format alors feuille de publicité pour le Bulletin de /'Effort moderne
courant de 21 x 27 cm. Qua re d'entre elles, provenant de Léonce Rosenberg,avec la mention:« Pour paraître
du fonds Holtzman, son conservées à la Beinecke en janvier 1924». 81 est incomplet; 82 porte en marge
Library, Yale Universi y uncat:al. MS, Vault 710, Box 1 des annotations critiques très agressives de la main
Folder. 30): une dactylographe 1(0 ette (fichier 30A, de Georges Vantongerloo.

28 Les Cahiers du Mnam 114·115 hiver 2010/printemps 1011


Monde riant

=�::to et verso d'une carte postale de Blanche-Neige et les sept nains, dessin animé de Walt Disney, envoyée par Piet Mondrian à son frère Carel, cachet
: :stal du 10 octobre 1938 "Chers Carel et Mary, merci pour votre carte. Je suis encore occupé à m'instal Ier et à écrire des lettres et j'ai l'intention de vous
e,c� re une �lettre. Les nains sont trop occupés pour m'aider eux-mêmes, mais ils envoient des écureuils et des oiseaux. Meilleurs vœux de Piet
5� ut'», New Haven, Yale University, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Harry Holtzman Deposit, © 2011 Mondrian / Holtzman Trust, c/o HCR
-ternational Virginia USA

Deux autres copies, provenant des fonds Anna France que le peintre avait supprimé l'un des deux a).
Bergman et H. L. C. Jaffé, sont conservées à La Haye au L'introduction manuscrite, datée de Juin 1932, six
RKDS?_ La première, une quatrième copie carbone des­ mois après le texte principal, commence avec une
tinée à une publication néerlandaise par F. G. Kroonder, page soigneusement écrite, sur papier réglé- l'écri­
qui ne se fit pas, est accompagnée d'une dactylogra­ ture suit consciencieusement les lignes-, mais bientôt
phie de«La vraie valeur des oppositions» (paginée à elle est surchargée de corrections et d'aJouts. Nous
la suite de L'art nouveau, de 80 à SS); elle corn porte un l'avons placée en tête, comme la logique et l'usage
minimum de corrections autographes, plus des cor­ le requièrent. Le texte lui-même est établi d'après
rections non autographes (dues probablement, selon la copie A, mais en tenant compte des autres copies.
Wietse Coppes, à la poétesse Til Brugman), que nous Nous avons tâché de mentionner les transformations
indiquons en note; les corrections de Seu phor n'y figu­ principales de la copie, en négligeant les corrections
rent pas. Elle porte le numéro d'inventaire 0662; pour d'accents, de ponctuation, ou de fautes de frappe, afin
lacommodité,nous l'appellerons copie D. La deuxième de ne pas encombrer encore la lecture d'un texte qui
copie, celle du fonds Jaffé (n ° 0390), est une dactylo­ demande un fort investissement de concentration
graphie p I us tardive, manifestement faitesur la capie et de patience. Dans l'introduction autographe, qui
D, et intégrant les corrections manuscrites de celle-ci; reflète p I us directement la connaissance que Mondrian
nous l'appellerons copie E. Elle était aussi destinée avait du français, nous avons respecté au plus près
aussi aux Pays-Bas, car dans la page de titre, le nom sa graphie et son accentuation (soi-dissant, reëlle,
du peintre est orthographié «Mondriaan » (c'est en égoisme ... ), en négligeant quelques bévues mineures.

Les Cahiers du Mnam 114·115 hiver 2010/printemps 2011 29


Abré ia · ns: exposition, mais je ne sais plus son à celle de l'introduction manuscrite.
<rorna-s =-,---'"- e-c-e nom. Meilleurs amitiés.Piet Mondrian» 11.«Natuuri ijke en abstracte realite it»

de r,.•o-c· =--
3. Lettres à Eugene et Gwen Lux, (Réalité naturelle et abstraite),
28 avril 1935; à Charley Toorop, 8 juin 2' scène, De Stijl, Il, 9 (juillet 1919),
<iralia.Jes =.,G_:s a_ c·ayon 1935; à Roth, 30 déc. 1935; à Harry p. 99, CW, 88. Une traduction française
de Mondr a- =.:ê· : _es Da' ui Holtzman, 6 mai 1940. Piet Mondrian assez libre de Michel Seuphor se
Catalogue Raisonné (éd. R. Wel5h et trouve dans son livre Piet Mondrian.
à Seuphor
J. Joosten), Blaricum, V+K, 1998, t. Il, Sa vie, son œuvre, p. 301-351.
**l<: raturé p. 161; Mondrian/Roth, Correspondance, 12. «De Nieuwe Beelding in de
105; Collected Writings, 245. schilderkunst» (La Nouvelle Plastique
4. The New Art- The New Lite. The dans la peinture), s (1917), De Stijl, 1, 9,
Notes Collected Writings of Piet Mondrian, p.106; CW, 54. V.aussi les p. 32, 66, et
éd. et trad. Harry Holtzman et Martin le «Dialogue» de 1919, p. 77. Mondrian
Merci pour leur aide et leurs 5.James, Boston/ Londres, Hall/ revient sur ce point à la fin de sa vie
remarques à Carel Blot amp, Thames & Hudson, 1986 (ci-après CW), («Abstract Art» (1941), CW, 334),
Wietse Coppes, Patrick de Haas. p. 244-280. Corn me me l'a rappelé Carel 13.«L'art réaliste et l'art
Blotkamp, une première traduction superréaliste (la Morphoplastiq ue
1. A Alfred Roth, 25 février 1932: anglaise, par Til Brugman, sans et la Néoplastique)», Cercle et
«je veux faire paraître mon petit l'introduction, avait été publiée dans H. Carré, 2, 15 avril 1930; rééd.Paris,
livre aussi tôt que possible» (P. L. C Jaffé, De Stijl/ 1917-1931. The Dutch Bel fond, 1971, p. 69; CW, 227.
Mondrian/ A. Roth, Correspondance Contribution ta Modem Art, Amsterdam, 14. «Natuurlijke en abstracte
(éd. 5. Le moine et A. Pierre), Paris, J. M. Meulenhoff, 1956, p. 209-254 realiteit», De Stijl, Il, 8 (juin 1919),
Gallimard, 1994, p. 69; la date indiquée (commentaire de Jaffé, p.128-142). p. 85; CW, 83. -«Toward the True
dans ce volume, 28 février, est erronée: 5. Michel Seuphor, Piet Mondrian. Sa vie, Vision of Reality», 1941, CW, 338.
voir le catalogue en ligne de Kotte son œuvre, Paris, Flammarion, 1956, p.162. 15.«Natuurlijke en abstracte realiteit»,
Autographs). Mondrian proposa le 6. Frank Stella, Working Space 1'" scène, De Stijl, Il, 8, p. 87 , CW, 85.
manuscrit à Grasset, qui le refusa (Norton Lectures, 1983-84), Cambridge 16. Émile Benveniste, «La notion
(ibid., p. 71). Dans ses lettres à Roth (Mass.), Harvard University Press, de "rythme" dans son expression
entre 1930 et 1935, Mondrian revient 1986, p. 131. Commenté dans Carel linguistique» (1951), Problèmes
souvent sur son livre, ses corrections, Blotkamp,«Annunciation of the New de linguistique générale, 1, Paris,
ses suspensions, ses mésaventures. Mysticism: Dutch Symbolism and Gallimard, 1966, p. 335.
2. A Roth, 17 février 1932, Je transcris la Early Abstraction», The Spiritual in 17. Carl Einstein,« L'exposition de l'art
totalité de cette carte postale, qui ne se Art: Abstract Painting 1890-1985, cat. abstrait à Zurich», Documents, 1, 6, nov.
retrouve pas dans l'édition Lemoine et d'expo., Los Angeles, Los Angeles 1929 (rééd. J.-M. Place, 1991), p. 342.
Pierre de la Correspondance Mondrian­ County Museum, 1986-1987, p. 89. 18.« De l'art abstrait», Cahiers d'art, VI,
Roth (une photocopie en est conservée 7. El Ie a été retraduite en français par 1, [ janvier] 1931, p. 41-42; CW, 237-8.
à La Haye au Rijksbureau voor Agathe Bonnemain dans le catalogue 19. « La manifestation du néo­
Kunsthistorische Documentatie; j'en Piet Mondrian. De la figuration à plasticisme dans la musique et
dois la communication à l'obligeance l 'abstraction, Saint-Pau Ide Vence, les bruiteurs futuristes italiens»
de Wietse Coppes, conservateur au Fondation Maeght, 1985, p. 9-32, et (1921), La Vie des Lettres et des
RKD). Elle accompagnait l'envoi à Roth par Marc Dachy, dans Luna-Park, ne 1, Arts, avril 1922, p.136; CW, 151.
de L'art nouveau - la vie nouvelle. nouvelle série, janvier 2003, p. 174-189. 20. « Le Néo-Plasticisme. Sa réalisation
«Paris le 17/2 '32 8. Louis A. Veen m'écrit des Pays-Bas dans la musique et au théâtre
Cher Ami, enfin je suis si heureux de qu'il prépare une édition critique de futur» (1922),La Vie des Lettres et
pouvoir vous envoyer le manuscrit. tous les écrits de Mondrian dans leurs des Arts, août 1922, p. 313; CW, 163
Vous pouvez le garder quelques mois langues d'origine (Het Geschreven Werk 21.« Natuurlijke en abstracte
parce que j'en ai quelques uns avec van Piet Mondrian/ The Writings of Piet realiteit»,3' scène, De Stijl, Il, 12
lesquels je veut tâcher de trouver Mondrian). D'autre part, à l'occasion (oct.1919), p.137; CW, 99,
un éditeur "sans frais"! Voulez-vous de l'exposition Mondrian, le Centre 22. Ce mot est entouré au crayon
le donner aussi quelque temps à MI Pompidou a publié un recueil des dans le manuscrit; faut-il lire
Backlund et à M' et Mad. Giedion. Quand écrits français, édité par Brigitte Leal «complément» (comme les
ils étaient à Paris je leur ai promis (Piet Mondrian, Ecrits français, Paris, traducteurs des CW, 278), ou plutôt
de vous demander ceci. Je serai très Éditions du Centre Pompidou, 2010). «complètement»? On peut, en tout
heureux d'entendre ce que vous pensez 9.«Plastic Art and Pure Plastic cas, comprendre: éminemment social.
de cette petite œuvre où j'ai comprimé Art», 11 (1936); CW, 297, 293. 23. Esquisses pour des essais, 1942-44,
tout, je crois et j'espère. Avec un mot 10. L'art nouveau - la vie nouvelle, p. 3 de CW, 353.
que vous avez reçu mon envoie, vous la copie. Par la suite, les nombres entre 24.« Le Home - La Rue - La Cité» (1926):
m'obligerez. j'ai eu vos ami•iés de par parenthèses renverront à la pagination Vouloir, n e 25, 1927, p. [2]; CW, 208. Voir
un ami à vous qui j'ai rencon réa une de la copie A; précédés du sigle« ln», aussi« L'évolution de l'humanité est

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/Viande nant

'
=. o ution de l'art», Bulletin de /'Effort«Mondrian, the Dutch and De Stijl», vision {Piet Mondrian, p. 347)
- : :erne, nov.1924, p. 14; CW, 194_ Art News, été 1951, p. 25, ainsi que 44. Two Mondrian Sketchbooks 1912-1914
;:; > 'red de Vigny,«Lettre à Lord***» ,dans le catalogueMondrian du {éd. R. Welsh et J_ Joosten), Amsterdam,
:.:291, préface au More de Venise. musée Guggenheim, 1957-58 La·lettre Meulenhoff, 1969, p. 62 {carnet Il, 24)_
;::.__ e Néo-P/asticisme. Principe fut avec d'autres échanges éditée 45. Don DeMicheal,«John Coltrane and
�;c,éraf de /'Équivalence Plastique, par Sweeney sous le titre quelque Eric Dolphy Answer the Jazz Critics»,
=ë.- s, Éditions de l'Effort moderne, peu trompeur«An Interview with Dawn Beat, 12 avril 1962, p.21.
::,:0-21, p. 11; cw, 144- Mondrian», dans le Bulletin du Mo MA 46. « Le Home - La Rue - La Cité» (1926),
2.7_-.,eo van Doesburg et Cornelis en 1946; CW 357 Dans le texte donné par Vouloir, n° 25, 1927, p. [1];CW, 207
� - Eesteren,«Vers une construction I'« Interview», plusieurs termes, et toute 47. «L'art réaliste et l'art
:: ective », De Stijl, VI, 6-7 (1924), la phrase suivante: «This is what I am su perréal iste », Cercle et Carré, 1930,
: 39_ Ce numéro contenait les deux attempting in Victory Boogie-woogie», rééd. Belfond, p. 7 9; CW, 235,
==--,,ers textes {en néerlandais) que sont des additions de Sweeney 48. Els Hoek, «Mondrian in Disneyland»,
:indrian publia dans la revue de 35. «A New Realism», CW, 349- Art in America, février 1989, p.138, 142_
·=- - Doesburg,« Pas d'axiome mais le 36. «La vraie valeur des oppositions», 49. «Klein Restaurant - Palmzondag»
:- -cipe plastique», et«À tout vent». déc.1934: publié en néerlandais (Petit restaurant-dimanche des

==
28_ ::rie Michaud, «Mondrian, De Stijl en 1939, en français {dans les Rameaux), 12 avril 1920; destiné

==
e temps messianique», Fabriques Cahiers d'art), en 1947 Repris dans au Nieuwe Amsterdammer, mais
'nomme nouveau de Léger à Mondrian/Roth, Correspondance: refusé par le journal; CW, 129_
�andrian, Paris, Carré, 1997, p. 93-94_ texte cité, p.135-136; CW, 283-4 50. Mondrian/Roth, Correspondance,
i;_ Plastic Art and Pure Plastic Art», 1, 37.«Plastic Art and Pure p. 86-87; Catalogue Raisonné, Il, 153,
'.: •, 291_ Plastic Art», 11, CW, 294_ Voir aussi la lettre à Jean Garin du 1"
3 _N.F. A.Rôell,HetVaderland,9juillet 38. Voir aussi «L'art réaliste et l'art avril 1933, Macula, 2, 1977, p. 129.
::;20, trad. angl. dans Mondrian: From supe rréal is te», Cercle et Carré, 1930, 51. Lettre à Garin, 1" avril 1933, ibid.,
= �uration ta Abstraction, cat. d'expo., rééd. Belfond, p. 72; CW, 229_ p.129; Catalogue Raisonné, Il, 153.
-o yo, Seibu Museum of Art, 1987, p.28. 39. Jay Bradley,«Piet Mondrian, 52. C. Blotkamp, Mondrian. The
• :llr dans le même catalogue Herbert 1872-1944 Greatest Dutch Painter Art of Destruction, p. 224;
-en els, « Mondrian in his Studio», en of OurTime», Knickerbocker Catalogue Raisonné, Il, 160-1.
:;,.rticulier les p. 182-188 {texte repris Week/y, Ill, 51, 14 février 1944 53. «Art Shows the Evil of Nazi and
: _ catalogue Mondrian. Drawings, {Mondrian était mort le 1er ), p. 22. Soviet OppressiveTendancies», CW, 322.
,•,a:ercolours, New York Paintings, 40. «Art Shows the Evil of 54. Notes de 1941-42, CW, 375
S:uttgart - La Haye - Baltimore, 1981). Nazi and Soviet Oppressive 55. J_-J. Rousseau, Discours sur l'origine
, air aussi Nancy Troy,«Le 26, rue du Tendancies» (1939-40), CW, 321. et /es fondemens de l'inégalité parmi
)épart», L'Ate/ier de Mondrian, Paris, 41. « Natuurlijke en abstracte les hommes: Œuvres complètes, éd.
•.•acula, 1982, p. 71-85 (paru en anglais realiteit», 7' scène, De Stijl, 111, 9 Gagnebin, Bibliothèque de la Pléiade,
::;.nsArts Magazine, déc.1978). (juillet 1920), p. 76; CW, 121. Ill, 132-3.Voir aussi le deuxième
31. Care I Blotkamp,Mondriaan in 42. Copie 82, p. 62, 61 {en réalité Dialogue:« Pour mieux faire sentir
aetai/, Utrecht et Anvers, Veen-Rel lex, p.61, 60; voir plus bas, p. 63 et 62). cette necessité écartons un moment
:987, p. 90- 91; id., Mondrian. The Art of 43. « Natuurlijke en abstracte realiteit», tous les faits... » (ibid , 1, 820).
:Jestruction, Londres, Reaktion Books, 7' scène, De Stijl, Ill, 9, p. 76; CW, 120. 56. Je remercie Kevin Repp, conservateur
:994, p.149_ Voir aussi Piet Mondrian: {Dans la publication originale, cette à la Beinecke Library, qui m'a permis
Catalogue Raisonné, t. Il, p. 127, 129. dernière réplique est attribuée à X, le d'examiner l'ensemble de ce dossier.
32. Mondrian/Roth, Correspondance, peintre naturaliste. Elle est restituée 57. Je remercie Wietse Coppes, qui m'en
p. 77, 81; Catalogue Raisonné, Il, 153 à z {le peintre abstrait-réaliste) dans a procuré les photocopies. Dans une
33. «A New Realism» (1942-1943), CW, 348. les CW, ainsi que par Seuphor, qui lettre à Roth (12 oct. 1931), Mondrian
34. Lettre à Sweeney, automne rend par« utopie» le néerlandais disait vouloir faire dactylographier
:943, reproduite dans J. J. Sweeney, droombeefd, image de rêve, illusion, son texte en six exemplaires.

Jean-Claude Lebensztejn a récemment publié Pygmalion, Les Presses du réel, 2009; Laozi, Le Canon de la voie
et de la vertu, essai de traduction, Théâtre Typographique, 2009

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