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CDEF

Centre de Doctrine

LETTRE DU RETEX–RECHERCHE n° 15
d’Emploi des Forces

Division Recherche

8 avril 2014
et
Retour d’Expérience

La stabilisation d’une mégapole :


Bagdad (2006-2008)

AV E R T I S S E M E N T Par Stéphane TAILLAT, enseignant-chercheur


Les Lettres du Retex – Recherche sont des aux Écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan,
notes exploratoires destinées à l’informa- et le Colonel Michel GOYA,
tion des forces. Elles n’engagent que leurs chef du bureau recherche du CDEF
auteurs.

E
n 2006, Bagdad est la première mégapole
CE QU’IL FAUT RETENIR moderne à être plongée dans une guerre
civile menaçant de faire basculer le reste du
La stabilisation de Bagdad a été obtenue pays, et même la région, dans le chaos.
en deux temps en se concentrant succes-
sivement sur chacune des deux factions
Ce n’est qu’au bout de deux ans d’efforts que les
qui se disputaient le contrôle de la ville
forces américaines et irakiennes sont parvenues
(AQI et l’armée de Mahdi).
à enrayer cet effondrement, premier exemple de
Ces deux batailles successives n’ont été stabilisation d’une de ces très grandes villes dont
possibles qu’en réunissant un rapport de le nombre se multiplie.
forces d’environ 1 soldat ou policier pour
50 habitants. Le problème des effectifs a
été partiellement résolu par le ralliement
des groupes insurgés sunnites contre
Al-Qaïda en Irak (AQI).
Bagdad au cœur des rivalités
irakiennes
Face aux groupes armés terroristes (AQI)
la victoire a été obtenue par une manœuvre
offensive impliquant le quadrillage des Capitale administrative et économique, représentant
quartiers, l’interdiction des voies d’accès un quart de la population totale du pays, Bagdad est
et la destruction des bases périphériques. le cœur multiculturel de l’Irak entre les provinces
sunnites au Nord et les provinces chiites au Sud.
Le quadrillage lui-même a résulté d’une Son contrôle constitue donc l’enjeu essentiel du
triple approche associant leur bouclage conflit depuis 2003.
par des murs, l’îlotage à partir d’avant-
postes et des raids ciblés. Durant l’année 2005, les forces de la Coalition se
La victoire contre l’armée du Mahdi et le sont retirées de la ville laissant la place aux nouvelles
contrôle de l’immense quartier de Sadr City forces de sécurité nationales au service d’un nouveau
ont été obtenus par une bataille d’usure pouvoir issu des élections législatives de décembre.
combinant occupation des points clés, Ce pouvoir, dominé par les grands partis chiites tarde
raids et frappes de précision. cependant à former un gouvernement et les forces
de sécurité sont encore très fragiles.

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La stabilisation d’une mégapole : Bagdad (2006-2008)

une présence permanente dans les rues. Symbole de


cette impuissance, le 4 novembre 2006, une série
d’attaques suicide simultanées tue 202 personnes
et en blesse 256 autres au cœur de la ville. Plus de
cent soldats américains et deux cents Irakiens
sont tombés dans cette opération qui se révèle donc
comme le plus grand échec de la Coalition dans
cette guerre.

Entre décembre 2006 et février 2007 se dessine


une nouvelle approche américaine en Irak. Après
la tentation d’un retrait plus ou moins progressif,
l’administration américaine décide au contraire
Air Force, Tech. © Sgt. Jeremy T. Lock de renforcer les effectifs américains en Irak de
20 000 hommes afin de stabiliser la situation, à
Bagdad en premier lieu.
Le vide est alors occupé par deux grands mouve-
ments radicaux qui se disputent les quartiers : Cette nouvelle approche, dite du Sursaut (Surge)
l’Armée du Mahdi, le grand mouvement chiite natio- bénéficie d’un contexte politique plus favorable. Au
naliste mené par l’Ayatollah Moqtada al-Sadr, et les début de 2007, beaucoup de groupes mahdistes en
organisations radicales sunnites dominées par Al- action sont devenus de simples gangs criminels qui
Qaïda en Irak (AQI). L’Armée du Mahdi a pour base échappent à l’autorité de Moqtada al-Sadr et qui,
l’immense quartier de Sadr City au nord de la ville, elle maintenant que les sunnites ont fui, s’en prennent à
bénéficie de très nombreuses complicités dans la la population chiite. Moqtada al-Sadr s’en désolida-
police locale et ses bandes terrorisent les habitants rise, se rapproche de Nouri al-Maliki et adopte une
sunnites pour qu’ils quittent les zones de peuplement posture de neutralité, officialisée en août en décré-
mixtes. De son côté, AQI recherche délibérément la tant un cessez-le-feu unilatéral. D’un autre côté, un
guerre civile et le chaos afin de couper définitivement front sunnite anti-Al-Qaïda (le mouvement du Réveil
la communauté sunnite du nouveau pouvoir et
d’assurer son contrôle sur elle. AQI multiplie les
attentats contre la population chiite. L’un d’entre
eux, la destruction le 22 février 2006 de la mos-
quée d’or de Samarra, l’un des hauts lieux saints
du Chiisme, provoque une flambée de violence
dans tout le pays. Bagdad et sa périphérie, où
s’exercent les deux-tiers des violences, devient
l’épicentre d’une guerre civile qui peut conduire à
l’éclatement du pays et à l’échec final du projet
américain.

Il faut attendre la mise en place du gouvernement


de Nourai al-Maliki en mai 2006 pour organiser
une première opération de sécurisation de Bag-
dad. Malgré le déploiement de deux brigades
américaines puis de deux autres en août aux
côtés de 50 000 soldats et policiers irakiens, la
situation n’est pas rétablie. La coordination entre
Américains et forces de sécurité irakiennes n’est
pas bonne. La police irakienne, qui constitue la
majorité des effectifs irakiens, est très peu fiable.
Enfin, les effectifs restent insuffisants pour
sécuriser six millions d’habitants en assurant Multinational Division-Baghdad.

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La stabilisation d’une mégapole : Bagdad (2006-2008)

d’Anbar) s’est mis en place qui regroupe la plupart publics. Le même décret donne deux semaines à
des tribus et organisations qui s’opposaient jusque- ceux qui se sont emparés de logements abandonnés
là aux Américains. Cette conjonction de facteurs pour les quitter et propose inversement une indemni-
permet dès lors de concentrer tous les moyens sation de 200 dollars pour ceux qui accepteraient de
contre AQI avant d’envisager la neutralisation de revenir.
l’armée du Mahdi.

L’étouffement d’AQI à Bagdad


par un quadrillage étroit

• Recours aux milices

La nouvelle opération de sécurisation, baptisée


Fardh al-Qanoon (« Restaurer la loi ») débute le
13 février 2007. Les forces de sécurité irakiennes, Patrouille mixte-US Army.
où cette fois c’est l’armée qui domine, représentent
18 brigades, soit un total de 50 000 hommes avec
les policiers. De son côté, le Commandement multi-
Toute la population est ensuite progressivement
national-Bagdad de la Coalition est désormais fort de
recensée et fichée, avec des papiers d’identité peu
dix brigades américaines (35 000 hommes) soit
falsifiables en anglais et en arabe. Ce recensement
presque le quart du total des brigades combat
facilite grandement la distinction entre les milices
teams de l’US Army, sous le commandement du
autorisées et celles qui ne le sont pas.
général Odierno. Ces effectifs, encore insuffisants,
sont complétés par les sociétés militaires privées qui
assurent la protection des infrastructures et surtout Le troisième élément du quadrillage est le cloisonne-
par le recrutement de miliciens sunnites, baptisés ment. Des barrières de sécurité, murs ou réseaux
« fils de l’Irak », dont beaucoup luttaient encore barbelés, sont érigés autour des quartiers. Le pre-
contre les Américains quelques mois plus tôt. Ce mier est édifié à Bhazaliyah, à l’ouest de la ville. Ses
renfort des miliciens sunnites permet de suppléer 15 000 habitants sont soumis à un couvre-feu et ne
une police peu fiable pour occuper le terrain une peuvent entrer et sortir que par un seul point de
fois le nettoyage des zones effectué par les unités de contrôle. L’expérience s’avérant concluante, elle est
combat américano-irakiennes. renouvelée, malgré les protestations, le 10 avril dans
le quartier beaucoup plus vaste et difficile d’Adha-
miyah, fief populaire sunnite, puis dans le reste de la
• Isolement et îlotage ville à l’exception de Sadr City. Dans les gated com-
munities ainsi constituées, les forces de sécurité,
Toutes ces forces, auxquelles il faut ajouter les associant les moyens techniques des Américains et
forces spéciales (dont une brigade irakienne de la connaissance du milieu des Irakiens, combinent la
2 000 hommes), permettent de mettre en place un fois un îlotage étroit fait de présence permanente
commandement commun américano-irakien dans dans les rues, d’aide à la population, et de raids.
chacun des neuf districts de sécurité et un réseau
de 75 Joint Security Stations, du niveau bataillon, La capitale elle-même est isolée du reste du pays.
ou de postes de combat (Combat Outposts, COP) Trois brigades américaines sont établies au sud et
plus petits. Seul le quartier de Sadr City, bastion au sud-est de la ville pour y interdire la communica-
de l’Armée du Mahdi est provisoirement épargné. tion avec les couronnes. La ville est ainsi soumise à
Un décret accorde aux forces de sécurité le droit un bouclage constitué d’un cordon intérieur (empê-
d’effectuer des perquisitions dans les domiciles pri- chant toute exfiltration) et d’un cordon extérieur
vés, d’écouter toutes les conversations et d’impo- (interdisant toute infiltration). La frontière avec la
ser n’importe quelles restrictions dans les lieux Syrie est fermée le 10 février.

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La stabilisation d’une mégapole : Bagdad (2006-2008)

• Nettoyage des abords et des l’attaque de cibles politiques. Le 22 mars, la confé-


sanctuaires rence de presse du secrétaire général des Nations-
unies est interrompue par des tirs de mortiers.
Le lendemain, l’adjoint du Premier
ministre est grièvement blessé. Le
12 avril, un attentat suicide tue
deux députés à l’intérieur même de
la cafétéria du Parlement.

Pour autant, les efforts alliés com-


mencent à produire leurs effets.
Avec plus de 100 morts en avril,
mai et juin 2007, les pertes amé-
ricaines en Irak sont les plus
importantes depuis le début de la
guerre mais cette prise de risque
Multi-National Division–Baghdad.
permet d’obtenir des résultats.
Au bout de cinq mois le nombre
À partir des mois de juin 2007, ce cordon sert de d’assassinats a été divisé par cinq dans la ville et
base pour une série d’opérations de nettoyage sur le nombre d’attentats par deux. Les pertes améri-
les abords occidentaux, méridionaux et orientaux caines elles-mêmes sont réduites par trois à partir
de Bagdad en direction de ses rocades (Opération de la fin de l’été 2007 jusqu’à septembre 2008,
Phantom Thunder). Plus de 120 opérations de nouveau palier à partir duquel elles diminuent encore.
niveau bataillon sont lancées aboutissant, pour la
perte de 120 soldats américains et 240 soldats
et miliciens irakiens tués, à l’élimination de presque
8 000 rebelles tués ou prisonniers, la destruction
Sadr City et l’armée du Mahdi :
d’un millier de caches d’armes et le démantèlement bataille d’usure
des infrastructures de fabrication des voitures pié-
gées. Terminée à la mi-août, Phantom Thunder est Le dernier acte de la sécurisation de Bagdad
prolongée par l’opération Phantom Strike qui, à concerne le quartier de Sadr City, bastion de
partir de l’automne, vise à nettoyer les sanctuaires l’Armée du Mahdi. Le 25 mars 2008, alors que la
situés au sud-ouest, au nord-est, au nord et à l’ouest menace d’AQI a été écartée, le gouvernement irakien
de la capitale. engage le combat contre les Mahdistes à Bassorah.
À Bagdad, l’armée du Mahdi riposte immédiate-
En parallèle de ces opérations de recherche, une ment en lançant des salves de roquette sur « la
opération originale est lancée dans les prisons zone verte », l’espace protégé au centre la ville où se
sous la direction du général Douglas Stone qui concentrent les institutions irakiennes et les ambas-
aboutit à un taux de récidive de 1 % parmi les sades. Les troupes irakiennes sont chassées de la
rebelles qui sont libérés (ils restent en moyenne un plupart des check-points qu’elles occupaient autour
an en prison). du quartier de Sadr City. La 3 e brigade de la 4 e divi-
sion d’infanterie américaine reçoit pour mission, en
Pour tenter de contrer cet étouffement Al-Qaïda liaison avec les troupes irakiennes, de neutraliser la
en Irak multiplie les attaques terroristes. Dès le milice mahdiste et de faire cesser les attaques de
12 février 2007, un attentat frappe pour la septième roquettes. La zone tenue par l’Armée du Mahdi
fois le marché chiite de Chorja provoquant 67 morts représente alors un rectangle de 5 km sur 6,8 et
et 155 blessés. Il y a dès lors un attentat chaque regroupe plus de deux millions d’habitants. Face à un
jour pendant un mois et si leur fréquence diminue par mouvement centralisé et disposant d’une véritable
la suite, leur violence reste extrême comme le 18 avril force armée, le mode d’action utilisé est l’inverse de
lorsque 190 personnes sont tuées dans le quartier celui qui a été utilisé contre AQI. Au lieu d’un étouffe-
de Sadriyah. Le caractère spectaculaire est accen- ment par un quadrillage étroit, il s’agit cette fois d’un
tué à partir du 20 février par l’emploi du chlore et combat d’usure mené essentiellement par des feux

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La stabilisation d’une mégapole : Bagdad (2006-2008)

précis à distance et cherchant à influencer les déci- d’élite, mènent une campagne d’antisniping. Dans
sions du leader adverse, avec qui il est possible de cette bataille du mur, les Américains déplorent six
négocier (contrairement à AQI). soldats tués pour environ 700 Mahdistes.

Pendant ce temps, la brigade s’efforce de neutraliser


les tirs de roquettes qui proviennent désormais de
l’intérieur de Sadr City. Outre ses radars de contre-
batterie, la brigade dispose de deux aérostats, de
deux drones MQ-1 Predator, de deux drones RQ-7B
Shadow, de plusieurs drones Raven et de six héli-
coptères AH-64 Apache. Des frappes aériennes
ou de lance-roquettes uniques sont disponibles en
permanence.

Le 12 mai, après un mois de frappes de grande pré-


cision sur 35 km 2, Moqtada al-Sadr déclare le quar-
tier ouvert à l’armée irakienne et se réfugie en Iran.
Six bataillons irakiens occupent le quartier sans com-
bat. L’armée du Mahdi a perdu plus d’un millier de
combattants, pour 22 Américains et 17 Irakiens.
Sadr City
La sécurisation de la ville de Bagdad a ainsi été
obtenue au bout de quinze mois et au prix d’au
Phase 1 (opération Striker Denial) : elle consiste en moins 600 soldats américains tués pour un effectif
la prise de contrôle des petits quartiers de Habbi- moyen variant de 30 à 40 000. Conjugué au retour-
biya et Ishbiliya par un bataillon Stryker tandis nement d’alliance sunnite et à la neutralisation mah-
qu’un bataillon mécanisé prend le contact en bor- diste, ce succès permet d’organiser le retrait du
dure Ouest de Sadr City afin d’attirer et de détruire théâtre dans de meilleures conditions qu’à partir de
le maximum de miliciens ennemis. Les forces la fin de 2006. Il constitue le premier exemple d’un
irakiennes se joignent au combat à partir du 5 avril. engagement massif au cœur d’une ville de plusieurs
Débutée le 26 mars, cette première phase se ter- millions d’habitants en proie au chaos et témoigne
mine le 14 avril par la prise de contrôle de l’axe Gold. des efforts nécessaires pour parvenir à y rétablir une
Les tirs de roquettes ne peuvent plus toucher la vie normale.
« zone verte ».

Phase 2 (opération Gold Wall) : elle


commence le 15 avril et consiste
à empêcher les infiltrations des
Mahdistes dans la zone tenue tout
en poursuivant la lutte contre les
tirs de roquettes. Deux batailles
se déroulent donc simultanément.

Pendant trente jours, la brigade


construit un mur de 4,6 km le
long de l’axe Gold et une bataille
d’usure se déroule le long du mur.
Plusieurs compagnies blindées-
mécanisées sont en position le long
du mur en construction, repous-
sent les assauts des miliciens et,
avec l’aide des forces spéciales et
de plusieurs équipes de tireurs

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