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Recueil Dalloz

Recueil Dalloz 2017 p.1520

Diables et dieux... en justice !

Jean-Christophe Roda, Professeur à l'Université de Toulon

L'essentiel
À l'occasion d'un colloque récréatif qui s'est tenu à l'Université de Strasbourg le 12 mai 2017, organisé par l'association « Droit et fiction », et qui portait
sur le droit et les super-héros, la question des poursuites judiciaires adressées contre des divinités a été soulevée. Or, de manière surprenante, l'existence
de jurisprudences concernant de telles actions en justice a été révélée. De façon moins étonnante, c'est surtout du côté des États-Unis qu'il faut se
tourner pour découvrir ce contentieux peu banal.

Existe-t-il des affaires dans lesquelles des plaignants ont tenté de poursuivre le Diable ou Dieu ?

Il existe plusieurs affaires de ce genre aux États-Unis. La décision la plus connue date de 1971. C'est l'affaire US ex rel. Gerald Mayo v.
Satan and His Staff, jugée par un tribunal de Pennsylvanie (54 FRD 282, WD Pa. 1971) : un citoyen américain avait tenté de poursuivre
Satan, estimant que ce dernier avait placé sur son chemin de trop nombreux obstacles qui, en définitive, avaient rendu sa vie
particulièrement difficile. Il en avait résulté une atteinte à plusieurs de ses droits constitutionnels. Logiquement, la juridiction refusa de faire
droit à la demande in pauperis causa. Mais, plutôt que de rejeter lapidairement la requête, le juge Weber se prit, en quelque sorte, au jeu.
Dans sa motivation, il souligna malicieusement qu'une class action contre le défendeur aurait peut-être été plus avisée, étant donné le
nombre de victimes potentielles et, qu'en outre, il était difficile de signifier la plainte, dans la mesure où Satan était difficilement localisable,
à supposer ce celui-ci soit bien un citoyen américain (le juge Weber suggérant même que le Diable puisse être un prince étranger). Cette
affaire particulièrement folklorique, qui fait évidemment le délice des étudiants américains découvrant la procédure, a fait l'objet de
nombreux commentaires amusés outre-Atlantique. Le Diable n'est toutefois pas le seul à faire l'objet de tentatives de poursuites : Dieu est
aussi la cible des plaideurs ! On peut, par exemple, évoquer une affaire Jones v. God (n° 90-0742, ED Pa. 1991), dans laquelle Dieu et Jésus
étaient cités. Là encore, la requête fut rejetée, le juge estimant que la plainte ne contenait pas d'éléments factuels suffisants pour lui
permettre de s'estimer compétent dans cette affaire. Plus récemment, une affaire concernant une requête en habeas corpus a, là encore, été
rejetée au motif que « Dieu n'était pas le gardien du confinement physique actuel du demandeur » (Harris v. Att'y Gen. of Pa., n° 11-766,
WD Pa. 2011).

À l'inverse, trouve-t-on des exemples d'affaires dans lesquelles des plaideurs ont tenté d'agir pour le compte de divinités ?

Dans au moins une affaire, datant de 1973 et concernant le vol d'une statue représentant une divinité hindoue, un tribunal américain a
admis que l'idole soit considérée comme coplaignant. Le gouvernement indien était à l'origine de la plainte et avait fait remarquer que le
droit indien reconnaissait la personnalité juridique aux idoles. La demande fut agréée par le juge américain qui considéra que, en l'absence
d'opposition de la partie adverse, il n'y aurait aucune réelle incidence pour le déroulement de l'affaire (D. Annoussamy, La personnalité
juridique de l'idole hindoue, Rev. hist. dr. fr., 1979, vol. 57, p. 611).

Comment expliquer l'existence d'un tel contentieux ?

Dans l'affaire de la statue hindoue, il y avait déjà un précédent. En 1925, le Privy Council du Royaume-Uni, statuant en appel d'une
décision de la Haute cour de Calcutta, avait admis qu'une idole puisse se voir doter de la personnalité juridique. La décision avait été très
commentée à l'époque, et souvent reprise par la suite dans les casebooks, ce qui peut expliquer que le juge américain ait pu estimer que la
demande formulée n'était, en définitive, pas si audacieuse que cela. S'agissant des autres cas cités, il est difficile de répondre sans être
anthropologue du droit des États-Unis. La société américaine étant à la fois très procédurière et religieuse, il n'est peut-être pas si étonnant
de retrouver de tels croisements. Parfois, il est simplement question de stratégie médiatique : en 2008, un sénateur du Nebraska avait
assigné Dieu, afin de démontrer que tout citoyen pouvait avoir un accès à la justice, quelles que soient sa condition et sa cause. Dans
cette affaire, le juge Polk rejeta la demande en indiquant que l'adresse de Dieu était introuvable, faisant ainsi écho à l'affaire Mayo. Quant à
savoir ce qui pousse les juges américains à parfois se prêter au jeu, la réponse a trait à la grande liberté de ton qui leur est octroyée : cette
dernière a permis à l'humour judiciaire de devenir une pratique bien ancrée de l'autre côté de l'Atlantique, surtout lorsque les faits s'y
prêtent (L. K. Hori, Bons Mots, Buffoonery, and the Bench : The Role of Humor in Judicial Opinions, UCLA L. Rev. Disc. 16, vol. 60, 2012,
p. 18 s.). Les motivations sont variées : passer ses nerfs, faire parler de soi, tourner les plaideurs fantaisistes en dérision afin de les
dissuader... En toute hypothèse, cette liberté offre au lecteur attentif de nombreuses opportunités de découvrir de belles « pépites »
judiciaires !

Mots clés :
DROIT * Enseignement * Droit et fiction * Divinité * Dieu

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