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Dialogue sur la nature et le paysage

Author(s): Anne Cauquelin and Henri Pierre Jeudy


Source: Ethnologie française, nouvelle serie, T. 19, No. 3, Crise du paysage? (Juillet-Septembre
1989), pp. 209-214
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40989129 .
Accessed: 20/06/2014 16:04

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Anne Cauquelin Dialogue surla nature
de Picardie
Université et le paysage
HenriPierreJeudy
CNRS

Nous ressentonsla mort- d'une personned'un des possibilitésque nous avons d'en aménagerou
objet - commeun retrait, un dessaisissement.Ce d'en dérangerl'ordre.Or il est une autremanière
qui était là, au plus proche, n'est plus là, d'envisagercettemêmesurvieou cettemêmemort,
c'est-à-dire« ici », « de ce monde ». Et, bien que qui appartientà une réflexionsurles conditionsde
nous continuionsà y penser,nous n'entreprenons possibilitésformellesde son existenceen tantque
plus avec lui qu'un rapportunilatéral: nous le paysage.
transformons à notre gré, l'embellissantou le Mais « paysage » est un termeambigu,dans la
dégradant,lui faisantsubirmilleet une métamor- mesure où, d'une part, il désigne ce qui nous
phoses sans qu'il puisse s'entretenirà son tour entoureet qui appartientà l'ordredu vivant- la
avec nous, réagirà nos désirsou répondreà nos flore,la faune,les élémentsnaturelsterre,eau, air,
questions.Peu à peu ce fauxdialogue s'épuise,les feu - ensemble dans lequel s'insèrent des
traitsde l'objet s'érodent,disparaissent,tantil est constructions - habitats,monuments, usines,rui-
vraique l'existencetientà un systèmed'actionset nes - un environnement et,d'au-
culturo-naturel,
de réactionscontinuelles. trepart,il désigneplus spécifiquementce que de
Il est une autre manière d'utiliser le terme cet environnement nous pouvons « voir», appré-
« mort», c'estde désignerpar là le dépérissement,
atta- hender, sous forme de tableaux paysages... Ici,
la vieillesse,la lentedisparitiondes attributs nous avons à faireà une mise en formedu donné
chés à un objet. En ce cas, le dialogue se poursuit
avec acharnement, car une guérison,un redresse- perceptifqui relèved'un momenthistorique: celui
de l'inventionde la perspectiveau Quattrocento.
ment,une conservationsemblenttoujourspossi- Si, pour les Anciens,« paysage » ne désignaitrien
bles. Dans l'action de mourirse jouent diverses d'autre que la mise en situation- une localisa-
formesde luttede partet d'autre.Celui qui sou- tion - qui accompagnait une « histoire» -
tientet celui qui s'effaceet se désorganiseentrent
dans une confrontation qu'elle soit celle des guerreschez Hérodote ou
dramatique,exacerbée. celle de la Bible au Moyen-Age,le termeet la
S'agissantdu paysage,il nous semble que c'est chose prennentune importanceconsidérableavec
la secondeinterprétation du terme« mort» qui est la perspectivepicturale,formantainsi un cadre
généralementconvoquée en ce moment,et les pour la perception,mesurantune distance,situant
discourset opérationsqui accompagnentcet acte les plans1. La forme« paysage » une fois posée,
de mourirsontabondammentdécritset analysés. nous ne pouvons guère lui échapper,et elle per-
Il s'agitde retenir, de préserverou de perpétrerla dure comme conditionnécessairede toutevision
vie d'un « objet » quotidien,si proche qu'il fait étendue.
partiede nous au titrede notreenveloppe,de notre Or l'une et l'autre de ces acceptions ne se
lieu, d'un attributessentiel par lequel et dans
lequel nous nous définissons.Le perdre revien- confondentque par une opérationde passe-passe
drait à entamerpour nous-mêmesle processus à laquelle l'habitude donne le statutd'identité.
d'un long déclin versla mortdéfinitive. Établircettedistinctionn'est pas une fantaisiede
Cependant,ce « paysage» ainsi appelé et rap- philosophe qui coupe les cheveuxen quatre - et
pelé à la vie, dans son aspect concretde « donné par exemple,pour traiterde la « mort» du pay-
là », n'est qu'un des versantsd'une question qui sage, il paraîtindispensableet de savoirde quelle
débordelargementson « existenced'existant». Se morton parle,et de savoirquel est l'objet mortou
prononcersur sa mortou sa survie,c'est en effet qui meurt.
rendrecompte de sa matérialitéobjective,de la Du « paysage-enveloppe» (écologique) on peut
compositionde ses élémentset de leur équilibre: parleren termede soins et de remèdes,d'homéo-
c'est le tenirpour issu directement de la nature,et pathieou de chirurgie,en termede vieillissement

française,XIX, 1989,3,
Ethnologie

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210 Anne Cauquelin, Henri PierreJeudy

1. et 2. Paris(XlVe), Pare Montsou-


ris. Jardinpaysagerau sud de la
capitale.Cliché MNATP, 90.14.29.
Photo ThierrySylvainBaudart.

et de correction. Il s'agitd'un corps,de son anato- ralitésqui ne pourrontpas toujours être traités
mie et de sa physiologic commedes tabous.L'incendiedu parcde Yellows-
Pour le « paysage» donné par la formesym- tone aux États-Unisa révélé,une fois de plus,
bolique de la perspective, nous devonschangerde combienle feu est aussi un élémentnécessaireà
registreet la question se pose de savoir si les la reproductionde la nature.Les discourstenus,
conditionsde possibilité qu'il nous apparaisse les imagestélévisuellesmettent en scène une catas-
commetableausonttoujoursremplies,si elles sont trophequi n'est pas vécue comme une tragédie.
encoreles mêmesqu'à la Renaissance,et jusqu'à Les animauxparviennentà s'enfuir,les multiples
nos jours, et si la formedans laquelle il se donne foyerss'éteignentd'eux-mêmessous le regarddes
à saisir - et qui est d'ordre perceptuel- se visiteursqui n'hésitentpas à planterleurstentesà
maintientvivace ou est déjà « morte». Pouvons côté des fumerolles,les pompiersinterviennent,
nous voir autrementqu'en plans successifs,en maisils comptentsurla neigequi, satisfaisant tous
« prospect», dans un cadrage que nous fabri- les espoirs, finitpar se mettreà tomber...Sans
quons à notreinsu, en tenantcomptedu jeu des doute s'agit-ild'un cas particulier.Les séismeset
éléments- l'eau, la terre,le feu,l'air - ces élé- les inondationsne prennentjamais cettetournure
mentsindispensablesà notrecroyanceque ce que « heureuse».
nous voyonsest bien un paysage ? - Comment peut-on encore parler de « pay-
- La gestiondes risques majeurs,me dit Henri sage » quand il est question de cettegestiondes
Pierre,exclue touteidée d'une appréhensionnon risques,de ces phénomènesde menace et de ru-
meur. Pour admettrel'hypothèsed'un « paysage
dramatiquedes effetsd'une catastrophe« natu- de catastrophe», ne faut-ilpas exclureaussi ce qui
relle». Le désastre(inondation,incendie,tempête,
concernele momentmêmede l'événementdésas-
séisme) est cerné par une étrange scène de sa treux?
gestion.Il s'agità la foisde l'éviteret d'en traiter
les effetscatastrophiques. Les troisgrandesphases - Dans les territoires à risque,les habitantssont
de son dénouement(avant,pendantet après) sont souventorganiséset semblentainsi préparésau-
réunies sous le même principe de l'urgence. tantà prévenirla catastrophepossiblequ'à encou-
Pourtant,l'après-désastreouvre un contextespa- rirson éventualité.Les rythmes des activitésconci-
tialettemporelqui outrepasselargement la gestion lientdes modalitésdifférentes et complémentaires,
de l'urgence,car il peut durerun tempsplus long depuis des tactiques de prémunitionjusqu'à des
que celui des opérations immédiatesde survie. dispositionsde survie.Par exemple,dans certaines
L'après-désastre crée des espaces, crée des tempo- régionsdes montagnessavoyardes,il existetoutun

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Dialoguesurla natureet le paysage 211

Paris (XVIej, Parc de Bagatelle.


Composition paysagère: pièces
d'eau, grottes,rocailles,ornement
végétal.Cliché MNATP, 90.15.6.
Photo Daniele Adam.

système de para-avalanche, qui traduit bienl'anti- - Justement, l'idéed'unesub-culture de la catas-


cipationdes événements etleurconjuration prati- trophene concordepas avecle cadreformel de la
que ettechnique. Il estalorsdifficile de diresi les définitionculturelle du paysage.Il ne s'agitlà que
habitants de territoires à risqueviventdans une d'unegestionde l'environnement. Comment l'ac-
phasetemporelle déterminée de l'atmosphère de la cidentaurait-ille pouvoirde provoquerl'émer-
menace.Même s'il ne se passe rien au temps genced'un paysage?
présent, il s'est déjà passé quelque chose,et le
désastrepeutse reproduire. La configuration du
territoireest métamorphique. Peu de gens vont - Tu veuxdireque dans un paysage,l'accident
abandonner« leur» régionà cause d'une telle estvoulu,qu'il faitpartiede la forme, qu'il a été
menace.Des villesse reconstituent là mêmeoù délibérément choisiet qu'il devientlui-même une
elles ontdisparusous le coup fatald'un séisme forme... Un désastrelaissedes tracesqui ne sont
(Ambato, en Equateur)etdes habitants de Tcher- pas seulement les signesmnémoniques d'un mal-
nobylreviennent habiterdansun paysageapoca- heur,il produitune architecture de l'espace.Une
lyptique.Alléguerla seule puissancedes « raci- terredévastéeest aussi un paysage.Une telle
nes» n'estguèreuneexplication ! La dramaturgie affirmation nese fondepas surle seulpointde vue
de la catastrophe laissesupposerqu'il existeune esthétique, ellese soutient des formes d'appréhen-
sub-culture du désastrepourlaquelleles tempo- sion sociale,des modes d'appropriation qui se
ralitéset les espaces se constituent commeun jouentdans ou autourdes espacespost-catastro-
horizondu monde.Parexemple, unevillecomme phiques.Une forêtbrûléen'est pas a priorile
celle de Pouzzolesen Italie(baie de Naples)vit territoire de l'horreur, elle s'intègreelle-même
avec des dispositifs d'étayagedes bâtiments car, dans un espaceplus vasteau seinduquelelle se
suruneduréeindéterminée, elles'enfonce dansla constitue commelieu,commesitepropre.On n'en
merou remonte.Certaineshabitationsont été estpas encoreau pointde fairevisiterdes terres
abandonnées maistoutun quartierprésente l'as- calcinéescommeon le faitpourles friches indus-
pectd'unétatéquivoqueentrela démolition et la triellesmaison ne voitpas pourquelleraisonde
reconstruction. Lesgenssonthabituésà circuler et telslieuxseraient sansmémoire niidentité. S'ilsne
à existerdansce lieucirconscrit où l'éventualitéde représentaient que l'échecd'une gestionpréven-
l'effondrement demeurevisible.Ce n'estpas un tivedes risques,ils ne feraient que confirmer les
« paysage» maisce n'estpas nonplusun simple limitesdes stratégies développées.Or,un espace
décor,untelespacemétamorphique intègrel'acci- sinistréexisteen soi, il trahitune configuration
dentpossibleau rythme de la quotidienneté. singulièreavecune symbolique propre.

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212 Anne Cauquelin, Henri PierreJeudy

Les fonctionssociales des espaces indéterminés - Il est bien vrai,lui accordais-je,que débarras-
ont été analyséespar la sociologie urbaine,sou- sée des stéréotypes du « beau » paysage,la nature
cieuse de définirdes modes d'appréhensionso- semble à la fois « nouvelle» et plus ancienne.Le
ciale rendus complexes par cette « inquiétante paysage-enveloppeen mourantdonneraitvie à
étrangeté» de « territoires sans nom », mais les une nature-lieuqui ne posséderaitplus aucun des
espaces qui ont subi des catastrophessemblent traitssusceptiblesde satisfaireà la définitiond'un
être tenus pour neutres,pour des non-espaces. paysagetel que nous l'entendonscommunément...
Leurprégnancepourtantsi fortene traduiraitque Sans doute, le paysage comme tableau est-il
l'expectativede leur prochain renouveau.Toute « mort», tandisque la naturecontinueà aller son
une mythologieexisteautourde leur occupation, train.Ainsi,quand l'étendued'une inondationest
de leurparcours.Cettemétamorphose de la nature telle que nous n'avons pas le moyende rétablir
ne suspend pas les activités,les perceptionssen- perceptivement la lignedu rivage,et que l'ensem-
sibles, les aménagementsdes habitations,des ble de ce que nous voyonsestuniquementde l'eau,
chemins...Un tel universse trouveré-investipar la règle des quatre unitésélémentairesse trouve
une dynamiquedes archétypeset des symboles, sans emploi. Le cadrage devientimpossible,de
commesi la nature,qu'on avait oubliée à forcede mêmeque la situationdes plans étagesdu schéma
culture,trahissaitde nouveau sa logique propreet classique. On étaitalorstrèsloin de la « fabrique»
son essence.La volontéd'adaptationà des espaces de ruinesartificielles à l'aide desquellesun Hubert
sinistrésne concordepas a prioriavec un quelcon- Robertmontraitla fuitedu tempsou de la miseen
que désir de fatalité.L'envie de destin demeure évidencedes traces,fragments arrangésdu passé,
sournoise,elle se mesureau pouvoir des risques, exhibéspour pédagogie morale.De fait,la dévas-
mais elle s'épanouitaussi dans l'après coup de la tationprenaitl'allured'une négationabsolue et de
catastrophe. nos esthétiqueset du rapportde l'art et de la
- Que « montre» la nature quand le paysage nature.
auquel nous sommes accoutumés disparaît,de- - Mais commentéviterce piège de l'esthétisme?
mandais-je à Henri Pierre. Se montre-t-elle me dit Henri Pierre.Ou commentdéterminer une
« elle-même» dans sa maturité,ou bien recons-
approche des paysages sinistrésqui ne soit sou-
truisonsnous sans coup férirune formepour la mise ni à une gestionde la menace,ni à une pure
percevoir,qui se logeraitdans la formegénérique esthétiquedu désastre? Les territoires calcinésou
« paysage» ?
ravagéspar les eaux peuventêtrefascinantsmême
- Il n'y a pas de mortd'un paysage. Le désastre s'ils révèlentles formesles plus squelettiquesde la
introduit un changement de formeet n'appelle pas natureavec des arbresbriséset dépouillésde leur
nécessairement une culturede la pulsion de mort. verdure,ils fontpartie d'un universoù la puis-
Si les exercicesde survierévèlentune obsessionde sance de la destructionse poursuivraautantque
la gestionhumainedes catastrophes,les habitants touteformede renaissance.Il y a un enchaînement
des territoires dévastés outrepassentune logique des calamitésqui manifesteune logique parodiant
techniquede la survie,ils continuentà vivreou à l'idée même de fatalitéau cœur de la métamor-
revenirvivrelà où s'est effondréela configuration phose. L'ouragan qui a secoué la Bretagneen
de leur environnement.La reconstructiondes octobre 1987 a été un désastreécologique, mais,
modes d'existencen'effaceen rien les traces du dès le printemps, il paraissaitnécessairede com-
désastrequi perdurentcommele malingénied'un battreles insectesravageurssusceptiblesde multi-
lieu devenu un espace mythique.Malgré l'essor plieret d'augmenterles dégâts.Les arbresaux sols
des technologies,ce lien énigmatique entre le devaientdonc êtreramassésau plus vite,les arbres
mytheet la catastrophedemeureré-activépar les trèsaffaiblisdevantserviren quelque sorted'ap-
calamités.Comme une ville engloutieet mysté- pâtsen attirant des massesd'insectes...Les territoi-
rieuse (la ville d'Ys dans la cultureceltique), le ressinistrésou menacéssontgérésde plus en plus
paysage dévasté par un désastre « naturel» de- avec des pièges pour enrayerle rythmedes catas-
vient ou demeure le lieu de transmissiond'une trophes.Cettemutationconstanterévèlecomment
légende du défi avec le destin.Les choses et les le rapport à l'espace n'est plus similaire à la
êtresportésdisparus sont encore là, le territoire relation d'un sujet à un objet. Dans ces lieux
n'estpas vide parce qu'il a subi un ouraganou un sinistrés,les hommesfaçonnentindéfiniment leur
incendie,il esthanténon par des spectresmais par espace, ils travaillent son architectonique. Ce n'est
des hallucinationsmnémoniques.C'est l'étrange plus comparable aux « friches» qui participent
silence de l'hystériede la mémoire. d'une logique de l'abandon. Est-ilalors incongru

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Dialogue sur la natureet le paysage 213

de parlerde paysage ? Il s'agit de l'aménagement - A mon tourd'admettreque si les distances,la


d'un territoire, du traitement de l'environnement... perspective,les élémentsnaturelseux-mêmessont
mais il resteinsatisfaisant de considérerque seule bouleversés,on peut assister à un retraitde la
une intervention « artistique» puisse êtreconsa- formepaysage...au profitsans doute d'une élabo-
crée comme création de paysage. Un cinéaste ration, d'une constructiondifférente,qui nous
brésilienmontre, par exemple,commentun espace permettrait d'appréhenderl'informe,le disparais-
ravagé par le feu peut devenirun « autre» lieu sant,le catastrophiqueet la constructionmentale
grâceà un traitement esthétiquesans la volontéde à laquelle il conviendraitde donnerun nom autre
reconstitution d'un environnement « perdu» mais que « paysage ».
en prenant en compte l'effetdu désastre. On - Quel nomdonnerà des territoires
imaginebientoutesles possibilitéscréatricesdans qui fascinent
un espace dévasté,toutela puissance d'engendre- et captentl'attentionpar leurs structureset leurs
mentde formes...cette métamorphosesuppose- proportionsnées d'un désastre? Ni décor,ni site,
t-elleune conceptiona prioridu paysage ? ni environnement... de tels espaces contraignent
par leur seule présenceà modifierles représenta-
- Ce qu'induisent les destructionsconcrètes, tions usuelles de la perspectiveou de la scène.
événementielles, c'est donc à la fois la perted'un Leurslimitesprésentent une découpe arbitrairede
environnement et la perted'une formepour l'ap- la nature et tracent pourtant des lieux dont
préhender.Et peut-êtreplus encore : la pertede l'étrangealtéritéévoque le pouvoir d'abstraction
l'idée d'un rapportde transparenceentrel'image de la vision. Une telle rupturede la spatiabilité
(le paysage) et la chose (la nature). est-ellecomparableau bouleversement de la pers-
Au principede toute appréhensionde la na- pective dans la créationpicturaledu xxe siècle ?
ture-paysage,en effet,se trouvecette condition Dans ce sens, l'admirationpour les ruinesaurait
- un a priori,un allerde soi - qui ne nous paraît perpétuéla traditionde la scénographieà l'ita-
pas dans la mesureoù la détermination historique lienne, et de la perspectivede la Renaissance,
qui l'a instituéeest si lointaine,si profondément tandis que ces territoires dévastés introduiraient
enracinéedans nos façonsde penser,qu'elle nous une ruptured'un tel cadrage de la perceptionen
estinvisible.Ce principeformelc'est l'équivalence bouleversantles habitudes mentales qui partici-
entrel'imageque nous formonsde la natureet la pentde l'architectoniquedu paysage.Cetteanalo-
natureelle-même.Le paysage serait cette image gie a ses limites: la définitionculturelledu pay-
transparentelà qui refléterait la nature. Elle ne sage fonctionnetrop comme un a prioripour
nous seraitvisibleque dans la forme« paysage ». risquer son propre effondrement. Une question
Cette formepatiemmentélaborée au cours des reste posée : plutôt que la mort des paysages,
sièclesestune construction mentaledontles règles n'est-cepas une telle définitionculturellequi est
sontdevenuesla loi de notrerapportà la nature. menacée de perdrel'apparence de sa pérennité?
Nous ne voyonsd'elle que ce que nous en présente
le cadre paysage. Je dis bien le cadre et non le La propositionà laquelle nous nous arrêtâmes
contenu du cadre, car nous pouvons bien par alors futla suivante: Toutedestruction partielleou
ajointement,soustractionou ajout, changer les complètedes élémentsnaturelsde notreenvironne-
élémentsqui y sontmis en forme,ce serontlà des mentprovoqueune restructuration de notreappré-
variationsde lexique,mais la grammaire,elle, est hensionsensibleet ceci dans le cadreformelde la
celle d'une langue que n'atteignentpas les trans- définition culturelledu paysage.
formations de ses termes.Ainsi,nous ne pourrions Pour fairedroità l'ensemblede nos réflexions,
envisagerla disparitiond'une formequi maintient il nous fallutajouterun corollaireindispensable:
un rapportsi constantentrel'apparencede ce qui cettedéfinition culturelleest soumiseà des change-
est donné et l'essence que nous supposons lui être ments,car de nouveaux« profilsperspectivistes » se
liée que si cetteformeconsentaità se métamor- créentqui,pourunepériodedonnéejouentle rôled'à.
phoseren une autre: autrement dit,que changece priori,d'allerde soi.
rapportlui-même. - Cela signifietrèsexactement,remarquaHenri
- Ce rapportne peut-ilsubirune profondetrans- Pierre,qu 'il n'ya pas « mortdu paysage », ni dans
formation si les élémentsnaturels,ce que tu appel- le sensqueje donneà cetteexpression dans ma visée
les l'existant,se donne de manièresi extraordi- événementielle - quand je critiquele pointde vue
naire que le rapportne puisse plus signifierquoi gestionnaire et sécuritairede son traitement- car
que ce soit ? ce pointde vueprendau pied de la lettrel'acception

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214 Anne Cauquelin, Henri PierreJeudy

de la mortcommedestinà éviter- ni selonta visée « paysages» d'une « seconde nature», celle qui
formelle- quand tufais appel à un changement peut à l'infinicalculer et recalculersa mise en
nécessairedu cadrea prioride sa perception.Mais forme.C'est donc bien le principemême d'une
sans doute y a-t-ilbien « crise» du paysage... transparencedu signe-paysageà la chose-nature
- Si criserenvoiebien à la crisis,c'est-à-direà la qui est ici critiqué.Cette expériencetechnologi-
que, si elle n'estpas encoreuniversaliséeet intério-
distinction,mince ligne de crête par quoi nous riséedans notrevisionperspective, peutcependant
séparonspar l'analyse ce qui se donne d'un seul êtreconsidéréecomme un changementvirtuelde
tenant.Car si, d'une part,l'érosionde la Nature, nos pointsde vue,et déjà nous hanteà notreinsu.
ses sautes d'humeurbrutales,nous inquiètent,et Et pourtant,nous parlonstoujoursde « paysa-
nous contraignent à reformuler la définitiondu
ges » et nous les voyonsbien en tantque tels : les
paysage jusqu'à en détruirepeut-êtrele bien images de synthèsenous offrentdes soleils cou-
fondé,d'autrepart,nos cadresformelssontébran- chantset des palmiersorangesà n'en plus finir.
lés par l'arrivéedes « nouvellesimages».
- Veux-tu dire que les deux mouvementsse - Certes,et la questionn'est pas de la réalitéou
rejoignentet culminentdans l'avènementde cette de la véritéou de la ressemblancedes
de l'irréalité,
crise? imagesproduitesavec la nature,mais,tu me l'ac-
- Ils s'aggravent mutuellement en ce qui corderas,du principede leur mise en forme.
concernele schéma « classique » encore en vi- Le paysage classique,ajoute alors HenriPierre,
et il faudraitentendrepar là non un style de
gueur. Pense en effetà ce que peut représenter
commenonpaysagel'imagefractaled'un rivagede paysage,mais ce que tu appelles sa miseen œuvre
la mer.Dirais-tuque c'est là un paysage ? Ce ne suivantle schémaperspectif, le paysageclassique,
sont que trous et bosses, infractuosités« sans donc,seraitun purprétexte, comme
il se trouverait
ordre». Illimitée,en expansion,l'image qui nous débrayé...horsde toutepossibilitéde diremainte-
estdonnéene recoupeabsolumentpas celle d'une nantla nature?
harmonieréglée.Le point de vue ou le point de - Quelque chose commeune panne.
fuitesontabolis.
Avec l'image de synthèseaussi nous avons à
faireà une redéfinition indéfiniment malléablede A. C. et H.P. J.,Paris

I Notes
1. Voir « L'inventiondu paysage», A. Cau-
quelin 1989, Paris, Pion, pour les références
sur l'invention de la perspective, et la
constructionde la notion du paysage. Voir
aussi « La perspectivecommeforme symbo-
lique», E. Panofsky Paris, Ed. de Minuit.
« L'origine de la perspective», H. Damish,
1988, Paris, Flammarion.

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