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ARISTOTE
DE LA GÉNÉRATION
ET LA CORRUPTION
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ARISTOTE
DE LA GÉNÉRATION
ET LA CORRUPTION
MARWAN RASHED
Chargé de recherche au C.N.R.S.
2004
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AVANT-PROPOS
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viii AVANT-PROPOS AVANT-PROPOS ix
à l’identification, pour la première fois à ma connaissance, Je voudrais enfin exprimer ma gratitude à trois maîtres
d’un courant néo-empédocléen abondamment critiqué dans le qui m’on guidé avec une exigence et une bienveillance sans
De generatione et corruptione ; la deuxième, au dépassement pareilles, Madame Joëlle Bertrand, Professeur de khâgne
aristotélicien, par la biologie, de l’analytique syntaxique du au Lycée Louis-le-Grand, Prof. Dr. Athanasios Kambylis, de
devenir caractéristique de nombreux présocratiques ; la troi- l’Académie d’Athènes et Professeur à l’Université de Hambourg
sième, aux déclarations explicites d’Aristote, dans l’ensemble et Philippe Hoffmann, mon caïman à l’École normale supé-
de son corpus, sur la subordination de la biologie à la phy- rieure. À celui-ci, je voudrais adresser un remerciement tout
sique, profondément marquées par la théorie eudoxéenne de spécial pour les heures innombrables qu’il a consacrées à relire
l’articulation des différentes sciences mathématiques. Aussi le avec moi une traduction qui, je l’avoue avec un peu de honte
De generatione et corruptione paraît-il devoir intéresser un et beaucoup de plaisir, n’était pas celle que je peux grâce à lui
philosophe des sciences d’aujourd’hui, tant par sa construction rendre publique.
de la biologie comme norme et comme problème de la phy-
sique, que par l’origine mathématique, qui hante tout le corpus M. R., novembre 2003.
naturel d’Aristote, de la distinction entre unité générique et
analogique.
Il n’est peut-être pas inutile de préciser qu’à mesure que je
progressais dans l’étude du De generatione et corruptione,
j’appréciais davantage la qualité théorique et formelle de l’édi-
tion commentée de H.H. Joachim (1922). C’est la raison pour
laquelle j’ai évité, autant que possible, de répéter dans mes
notes ce qui avait déjà été excellemment dit par ce grand scho-
lar, auquel je me permets dès le seuil de renvoyer mes éventuels
lecteurs.
Ce m’est un plaisir de remercier ici les amis, collègues et ins-
titutions qui ont rendu ce travail possible. L’Aristoteles Archiv
de Berlin, dirigé par Prof. Dr. Dieter Harlfinger, m’a apporté
une aide inestimable en me fournissant la copie de tous les ma-
nuscrits grecs du De generatione et corruptione. Le Centre
de recherches sur la pensée antique du CNRS, où Monsieur
Gilbert Romeyer Dherbey m’a fait l’honneur de m’accueillir,
et dirigé actuellement par Monsieur Jonathan Barnes, a été un
lieu idéal pour travailler. Mes amis et maîtres Jacques Brunsch-
wig, Riccardo Chiaradonna, Mylène Dufour, David Lefebvre,
Pierre Pellegrin, Jean-Claude Picot, Alain-Philippe Segonds et
Gudrun Vuillemin-Diem ont relu tout ou partie du présent livre.
Je me suis efforcé de tenir le plus grand compte des suggestions
qu’ils ont bien voulu me faire.
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INTRODUCTION
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xii INTRODUCTION INTRODUCTION xiii
au demeurant — de ceux qui ont cru qu’il y avait encore, tité, prédication, substance 1. L’idée sous-jacente à une telle
dans ce minerai idéologique, quelque pépite scientifique à entreprise est que si la science qualitative aristotélicienne
redécouvrir 1. La condamnation historique est sans appel : est morte, l’investigation analytique du γενσθαι a encore
ce n’est pas au nom de cette histoire des sciences qu’on réha- quelque chose à nous apprendre. C’est la thèse du dernier
bilitera le GC. Même si, par les traditions de recherches qu’il traducteur en anglais, C. J. F. Williams 2, et c’est le parti pris
a suscitées, ce texte est bel et bien « à la source » de l’alchi- des organisateurs du Symposium Aristotelicum 1999, consa-
mie, ou a fourni à l’astrologie le fondement naturaliste qui cré significativement au seul premier livre du GC 3.
a longtemps été le sien, ce n’est pour ainsi dire qu’acciden- Face à cette option exégétique, une position plus — ou
tellement qu’il faut y voir l’ancêtre de la chimie ou de la différemment — traditionnelle, qui affleure ici et là mais
climatologie modernes. dont le traducteur italien Maurizio Migliori est pour le GC
Cela étant dit — et compliment de rigueur une fois dé- l’unique représentant systématique. Fort de la manière dont
cerné à l’un des marbres du Musée de la culture antique les thématiques métaphysiques parcourent et orientent le
— on se demandera peut-être quel intérêt actuel le GC traité en profondeur, Migliori a insisté sur son rôle décisif
présente encore. Deux types de réponses se détachent. Un dans la constitution de la physique aristotélicienne comme
premier courant de recherches, éminemment majoritaire, ontologie du sensible. À la croisée d’une métaphysique sub-
s’est essentiellement intéressé au premier livre du traité et tile et d’une physique mécaniste sachant rester discrète, le
à l’analytique du devenir (γενσθαι) qu’Aristote y développe. GC vaudrait ainsi surtout comme exemple fascinant d’« ar-
Cette ligne, privilégiée dans le monde anglo-saxon, a rejoint chitectonique intellectuelle » 4.
mais aussi suscité des réflexions sur les notions d’unité, iden-
1. Pour la dernière mise à jour du « néo-aristotélisme »
de David Wiggins, voir Sameness and Substance Renewed, Cam-
bridge, 2001.
mocrite (cf. D. J. Furley, « Indivisible Magnitudes », dans Two 2. Cf. Williams, p. xv : « His (sc. Aristotle’s) doctrine of ge-
Studies in the Greek Atomists, Princeton, 1967, p. 111-130 en part., neration and corruption as substantial change and his doctrine
D. Konstan, « Ancient Atomism and Its Heritage : Minimal of prime matter are thus two sides of a single coin : Aristotle’s
Parts », Ancient Philosophy 2, 1982, p. 60-75 et A. Laks, « Épicure attempt to deal with the problem of tensed existence. This is a
et la doctrine aristotélicienne du continu », dans F. De Gandt live problem today, and it is its concern with this problem which
et P. Souffrin (éd.), La physique d’Aristote et les conditions d’une more than anything else makes the De Generatione et Corruptione
science de la nature, Paris, 1991, p. 181-194), ne paraît pas en a book which present-day philosophers will find it worth their
revanche avoir été influencée par son qualitativisme, lui aussi while to read ». On ne saurait être plus clair ...
structurellement anti-démocritéen. La première réfutation sys- 3. J’ai eu le privilège d’assister à ce Symposium, organisé
tématique du GC est celle, perdue, du théologien mutazilite à Deurne (Pays-Bas) par le Prof. Jaap Mansfeld. J’ai pu ainsi
Abū Hāsim al-Gubbāı̄ (m. en 933). Rappelons que l’orthodoxie bénéficier de la version écrite des conférences avant leur paru-
faite homme, Averroès, n’a pas hésité à se déclarer en faveur de tion (prévue sous peu aux presses d’Oxford) et des discussions
minima naturalia. orales entre les participants.
1. Pour une prise de position unitariste et continuiste 4. Cf. Migliori, p. 45 : « Quindi uno schema metafisico, ma
(thèse du développement harmonieux d’Aristote à la chimie mo- meno ingenuo di quello tradizionale, un meccanismo fisico, ma
derne), voir J. Althoff, Warm, Kalt, Flüssig, Fest bei Aristoteles [= meno schematico e “materialistico” di quello tradizionale. È in
Hermes Einzelschriften 57], 1992, p. 11-12 et les quelques sources questo gioco sottile di sistematizzazione, che richiede e gius-
par lui rassemblées. tifica un continuo confronto con il passato, che va ricercata,
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Ces deux voies sont philosophiquement fructueuses et Il est certes important d’étudier pourquoi la physique d’Aris-
exégétiquement justifiées. Aussi bien l’analytique du devenir tote n’a rien à voir avec la discipline moderne du même nom,
d’Aristote (Livre I, chap. 2-10 en part.) que son ontologie du et dans quelle mesure sa cosmologie générale se rapproche
sensible (Livre II, chap. 9-11 en part.) atteignent dans le GC d’une métaphysique. Reste que la génération et la corrup-
à leur expression la plus épurée. Ces deux lignes interpré- tion posent des problèmes scientifiques et philosophiques
tatives pâtissent cependant de faiblesses, certaines propres, particuliers, qu’un appel à l’« ontologie du sensible » ne suf-
certaines communes, qui en limitent la portée. La première, fira pas à résoudre. La détermination du rapport exact entre
centrée sur l’analytique du γενσθαι, outre qu’elle néglige les analyses du GC et leurs objets spécifiques demeure à l’état
une partie de l’œuvre et son contexte historique (influences d’ébauche.
présocratiques, polémiques du temps d’Aristote etc.) — mais C’est qu’il faut revenir, pour comprendre le GC, au projet
on pourrait ne voir là qu’une loi du genre, pardonnable du scientifique qui anime cette œuvre. Nous devons, autrement
moment qu’elle permet de faire de la bonne philosophie dit, replacer au centre de notre lecture la question de la
— paraît trop éloignée du projet scientifique d’Aristote. Le génération sous son double aspect, celui de la transmuta-
γενσθαι, notion « logique » jusqu’à un certain point chez le tion des éléments d’une part et celui des transformations
Stagirite, ne tire sa signification véritable que de sa fonc- biologiques, au premier rang desquelles la genèse, d’autre
tion épistémique, physique et en particulier biologique. Que part. Cet angle d’attaque signifie tout autre chose que de
le GC, en d’autres termes, soit un bon prétexte pour faire se demander si, et dans quelle mesure, Aristote est l’aïeul
de la philosophie analytique, on le concèdera sans peine ; de la chimie moderne. Ce qui importe, c’est de saisir les
mais penser qu’on épuiserait ainsi la portée épistémique de conditions épistémiques et idéologiques qui ont présidé à
l’œuvre d’Aristote, c’est une erreur, dévastatrice si elle se la constitution de la théorie aristotélicienne des éléments —
mue en principe exégétique. L’analytique du devenir est bien et qui selon nous en expliquent les traits principaux. Ce sera
présente dans le GC, mais y demeure ancillaire. l’objet de la première section de l’introduction. On montrera
La lecture la plus appropriée passerait-elle dès lors, que cet aspect de la doctrine aristotélicienne n’est pas une
comme chez Migliori, par la considération du traitement pièce surgie on ne sait comment dans le Corpus physique,
aristotélicien des choses mêmes ? Encore faut-il s’entendre mais qu’il s’insère dans un débat scientifique et méthodolo-
sur la nature des « choses » en question. Que les principes gé- gique mettant aux prises Aristote et les médecins-physiciens
néraux de l’ousiologie aristotélicienne ne soient jamais bien contemporains. Cette reconstitution du cadre du GC nous
loin dans le GC, il n’y a là, à la limite, qu’une position de bon permettra de réenvisager les apories liées à l’analytique du
sens. Il serait pour le moins incongru qu’un type particulier γενσθαι sous leur véritable lumière : c’est la biologie, on le
de substances s’écarte des prémisses métaphysiques géné- verra, qui en oriente le surgissement et la résolution. Cette
rales. Il y a donc une dilution de la teneur propre au GC si constatation nous conduira à formuler quelques hypothèses
on tire trop brutalement ce traité du côté de l’ontologie pure. sur la nature du rapport entre physique et biologie chez Aris-
tote. On suggérera que la physique aristotélicienne est moins
une « ontologie du sensible » autosuffisante, qu’une science
a nostro parere, la grandezza storica di Aristotele ; è questo des fondements de la biologie, en tant que telle happée par le
complesso edificio di pensiero che costituisce, anche per noi questionnement de cette dernière. Il faut donc prendre à la
moderni, un modello di “architettonica intellettuale” di indub- lettre la description d’un corpus physico-biologique unitaire
bio fascino ».
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présentée par Aristote dans le prologue des Météorologiques. 1. La notion d’hypothèse avant Aristote
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première dans l’ordre de l’être, constitue la fin dernière de un principe premier anhypothétique (République) soit vers
la pratique du médecin (il ne sera d’ailleurs plus nécessaire un principe intermédiaire jugé seulement « suffisant » — à
de tester par la suite la validité de ce postulat qui fournit sa l’image des axiomes mathématiques, qui restent condition-
règle opérationnelle au praticien). L’hypothèse de ses col- nels du point de vue du dialecticien philosophe. Le texte du
lègues n’est donc, pour l’auteur anonyme, ni suffisante ni Phédon est explicite à ce dernier égard : la première hypo-
nécessaire. Elle n’est pas suffisante parce que bien des mala- thèse que nous formulons est appelée à être confirmée par
dies échappent à ses simplifications — comme une pratique d’autres hypothèses dont logiquement elle dépend, le pro-
médicale élémentaire l’enseigne. Pas nécessaire, parce que cessus ne s’arrêtant qu’à « quelque chose de suffisant » (π¬
rien dans la pratique médicale ne l’a fondée. Surgie tout τι ¯καν¾ν). Que l’on en reste à une hypothèse supérieure,
armée du cerveau de médecins en mal de généralisations dans le cas où l’on choisit de s’arrêter à une vraisemblance
philosophiques, l’hypothèse ne tire pas sa pertinence d’un (Phédon), ou qu’on remonte au Bien suprême (République),
contact véritable avec l’objet étudié. Si l’on admet — et tous on ne saurait cependant, sous peine de tomber dans l’éris-
les éléments paraissent converger pour qu’on l’admette 1 — tique et de voir s’évanouir l’objet de la recherche, confondre
une datation « moyenne » (dernier quart du v e siècle) pour la discussion de ce qui conditionne notre hypothèse initiale
l’Ancienne Médecine, il faut croire que cette question était avec celle de ce qui découle de ce principe 1. Il ne s’agit sans
débattue avant que Platon ait rédigé ses premiers dialogues. doute pas d’une question de pure méthode 2, mais d’une dis-
Malgré toutes les difficultés posées par les évolutions, les tinction entre l’hypothèse au sens ancien (= postulat), qu’on
énigmes et peut-être aussi les hésitations platoniciennes, retrouve chez l’auteur de l’Ancienne Médecine ainsi que dans
on peut raisonnablement affirmer la théorisation, dans le la tradition mathématique 3 et le sens platonicien, renvoyant
Ménon, le Phédon et la République, d’une série ascen- aux intermédiaires entre le fait dont il faut rendre compte
dante d’hypothèses remontant progressivement soit vers et ce principe. On ne saurait, selon Platon, s’en prendre à
des hypothèses au second sens du terme comme à des prin-
de la médecine oralement ou par écrit après s’être donné comme cipes, ni croire que l’on pourrait reprocher au principe de
hypothèse (Îπ¾θεσιν αÍτο αÎτοEv Îποθµενοι) le chaud, le froid, l’hu- n’être fondé sur rien d’antérieur in ordine essendi. L’hypo-
mide, le sec ou quoi que ce soit d’autre qu’ils préfèrent, simplifiant thèse platonicienne, essentiellement intermédiaire, en tire
la cause originelle des maladies et de la mort chez les hommes
son orientation. Elle nous invite à remonter vers un prin-
et attribuant à tous les cas la même cause parce qu’ils n’ont
posé comme hypothèse (Îποθµενοι) qu’un ou deux facteurs, se cipe toujours plus sûr, plus proche de l’anhypothétique pur.
révèlent des esprits faux rien que par ce qu’ils énoncent là ; Au-dessous d’elle, seule une contradiction logique pourrait
mais ils sont surtout à blâmer en ceci que leur erreur porte sur l’affecter, jamais une donnée de l’empirie. Ce qui, du point
un art qui existe bien réellement, puisque tous les hommes en de vue méthodologique, et sans qu’il soit encore question de
font emploi dans les occasions les plus importantes et qu’ils
l’honorent singulièrement dans la personne des bons praticiens
et professionnels ». Festugière traduisait correctement Îπ¾θεσιv 1. Phédon 101e.
par « postulat ». Nous ne l’avons pas suivi pour laisser percep- 2. Thèse, entre autres, de R. Robinson, Plato’s Earlier Dia-
tible l’ambiguïté caractéristique de toute la tradition grecque lectic 2, Oxford, 1953, p. 141.
ultérieure, où l’hypothèse n’est plus forcément un postulat. 3. Cf. Á. Szabó, « Anfänge des euklidischen Axiomensys-
1. Sur la question de la datation, voir la mise au point de tems », dans O. Becker (éd.), Zur Geschichte der Griechischen
J. Jouanna, Hippocrate : De l’Ancienne Médecine, Paris, 1990, pp. Mathematik, Darmstadt, 1965, pp. 356-461, pp. 363-364 en par-
81-85. ticulier (Die Îπ¾εσιv als « Grundlage »).
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physique, implique qu’on néglige, à toutes les étapes du pro- médiaire de Timée est non satisfaisante, et ne doit pas être
cessus, l’immédiateté sensible ou, plus exactement, qu’on prise comme un aboutissement, mais comme une invitation
l’intègre dans une analogie qui l’oriente. implicite à aller plus loin en direction de l’absolu. Comme
Un texte essentiel du Timée fait appel à cette notion d’hy- les êtres mathématiques dont elle reflète et sans doute même
pothèse. Il s’agit de la déduction des principes corporels partage le statut, l’hypothèse platonicienne renvoie princi-
(53c-54a) : palement à tout ce qu’il y a au-dessus d’elle, connu du dieu
Tout d’abord, que le Feu, la Terre, l’Eau et l’Air soient et de celui qui lui est cher. Sa force est plus négative que
des corps, voilà qui est sans doute évident pour tout positive. Ce moyen terme « indique, par sa double relation
le monde ; or toute forme de corps possède aussi la avec un terme donné et un grand terme inconnu, une mé-
profondeur ; or il est tout à fait nécessaire que la pro-
thode qui permet, lorsque la relation est irréductiblement
fondeur englobe la nature du plan ; or toute surface
plane rectiligne est composée de triangles ... Nous irrationnelle, comme c’est le cas pour la section d’or, d’affir-
supposons donc (Îποτιθµεθα), en procédant suivant mer l’existence de ce terme inconnu, d’ailleurs transcendant
ce logos vraisemblable accompagné de nécessité, que et réfractaire à toute détermination conceptuelle positive » 1.
nous avons là le principe du Feu et des autres corps ; et
quant aux principes (ρχv) encore plus haut que ceux-
là, c’est le Dieu qui les connaît et celui des hommes 2. La critique aristotélicienne de l’hypothèse du Timée
qui lui sera cher.
Aussi faut-il dire quels peuvent bien être les quatre Cette conception du Timée n’a pas laissé Aristote indif-
corps les plus beaux, dissemblables les uns des autres férent 2. Il lui suggère même une des réflexions méthodolo-
mais doués de la capacité, pour certains d’entre eux,
giques les plus intéressantes du De caelo (III, 7, 306a 1-20) :
de naître les uns des autres par dissociation. Si nous
y parvenons, nous détiendrons la vérité concernant la Si les éléments naissent à la faveur d’une disloca-
génération de la Terre, du Feu et des éléments qui, tion en surfaces, il est [...] absurde de refuser que
dans l’intervalle, obéissent à une proportion (τFν τε tous soient engendrés les uns des autres — or c’est
ν λ¾γον ν µσ}). Car nous n’accorderons à personne pourtant ce que eux sont obligés de dire, et ce qu’ils
qu’il existe quelque part des corps visibles plus beaux disent. Il n’est en effet guère rationnel qu’un seul élé-
que ceux-là, qui chacun représentent une espèce. Il ment reste à l’écart de cette transmutation et cela,
faut donc tenter d’accorder ensemble (συναρµ¾σασθαι) d’ailleurs, est clairement infirmé par la sensation :
ces quatre espèces surpassant par leur beauté les tous les éléments sans distinction se transforment
autres corps et dire que nous avons saisi leur nature les uns dans les autres. Il arrive donc (συµàα¬νει) à
de manière satisfaisante (¯κανFv). ces gens qui traitent des phénomènes d’énoncer des
choses contraires aux phénomènes (µ Áµολογο˵ενα
L’hypothèse des triangles élémentaires est bien intermé-
diaire entre quelque chose de supérieur et le donné des sens.
Référence explicite est faite à des archai au-dessus de cette dans J. Wippern (éd.), Das Problem der ungeschriebenen Lehre Pla-
hypothèse (il faut sans doute voir ici une allusion à la ligne et tons, Darmstadt 1972, pp. 329-393], p. 268, n. 48 : « Annahme
von Elementardreiecken zwischen ‘höheren Prinzipien’ (Linie,
au nombre, dont la discussion dépasse le niveau d’un simple Zahl) und körperlichen Erscheinungen ».
« discours vraisemblable » sur la nature) 1. L’hypothèse inter- 1. J. Vuillemin, Mathématiques pythagoriciennes et platoni-
ciennes, Paris, 2001, p. 104.
1. Cf. K. Gaiser, « Platons Menon und die Akademie », Ar- 2. Cf. H. Cherniss, Aristotle’s Criticism of Plato and the Aca-
chiv für Geschichte der Philosophie 46 (1964), pp. 241-292 [repris demy, Baltimore, 1944, p. 146-154.
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λγειν τοEv φαινοµνοιv). Cela provient de la faute qu’ils recours massif d’Aristote à la terminologie des dialecticiens,
commettent en posant leurs principes premiers (τv c’est-à-dire à la démarche consistant à développer vers le bas
πρÞταv ρχv), et aussi de leur désir de faire remonter les prémisses de l’adversaires pour en faire surgir l’absurde
tout à certaines opinions arrêtées. En effet, il faut,
sans doute, que les principes des choses sensibles
(« il arrive », συµàα¬νει ; « n’importe quelle conséquence »,
soient sensibles, que ceux des choses éternelles soient παν τ¿ συµàαEνον ; « aux conséquences qui en découlent »
éternels et que ceux des choses corruptibles soient su- κ τFν ποàαιν¾ντων ; « la conclusion », συµàα¬νει δL αÍτοEv)
jets à la corruption. D’une manière générale, il faut n’est pas fortuit 1. Il ne s’agit plus de remonter, à l’aide de
qu’il y ait communauté de genre entre les principes l’analogie, vers un grand terme essentiellement inconnu,
et les choses qui en dépendent. D’un autre côté, par mais de poser des principes (= ρχα¬ = Îποθσειv) qui ren-
attachement à leurs opinions, ces gens ont l’air de se
comporter comme ceux qui, dans leurs discours, dé-
dront au mieux compte des phénomènes. C’est en ce sens
fendent leurs hypothèses envers et contre tout (τοEv que « ce qui se révèle de manière constante et décisive à la
τv θσειv ν τοEv λ¾γοιv διαφυλττουσιν). Ils supportent connaissance sensible » peut être caractérisé comme une fin
sans fléchir n’importe quelle conséquence (παν τ¿ (τλοv) par Aristote. C’est la fin que se pose l’activité du
συµàαEνον), convaincus qu’ils sont de détenir des prin- physicien. Ce qui se passe « au-dessus » n’a en soi que peu
cipes vrais. Comme si certains principes ne devaient d’importance et ne tire sa vérité que dans la mesure où le
pas être jugés aux conséquences qui en découlent (κ
τFν ποàαιν¾ντων), et surtout à leur fin ! Cette fin, c’est sensible, en s’y accordant, le légitime 2.
pour la science poétique l’œuvre produite, et pour la Les exégètes ont rapproché l’acception aristotélicienne de
physique, ce qui se révèle de manière constante et l’hypothèse du plus ancien sens du terme chez les mathé-
décisive à la connaissance sensible. Or leur système maticiens 3. Le modèle en jeu dans le débat médical paraît
conduit à la conclusion (συµàα¬νει δL αÍτοEv) que la terre plus déterminant. Le point le plus remarquable, c’est que
est l’élément par excellence ... la question de savoir si l’hypothèse choisie dépend ou non
La critique est exclusivement méthodologique, et se d’une hypothèse plus haute cesse de se poser. Platon n’a
concentre sur le maniement platonicien de l’hypothèse 1. pas tort ou raison de postuler des lignes et des points au-
Platon refuse de respecter l’ordre légitime en ne confron- dessus des surfaces, mais se fourvoie en posant cette question
tant pas son principe initial (les triangles élémentaires) aux dans le cadre de sa physique. L’hypothèse n’a de comptes
conséquences, absurdes selon Aristote, qui en découlent. Le à rendre qu’aux phénomènes. Or c’est bien là que réside
le nœud du débat médical. Certains auteurs, critiqués dans
l’Ancienne Médecine, refusaient de voir que leurs hypothèses,
1. Selon A.Po. 72a 14 sqq., la thèse (θσιv) englobe d’un restreintes et arbitraires, ne rendaient pas compte des phéno-
côté l’affirmation de l’existence et de la non-existence (il s’agit mènes nosologiques. Aristote reproche ainsi à une réalité qui
alors d’une hypothèse) et de l’autre la seule définition (« la
monade est l’indivisible selon la quantité »). La thèse dont il
s’agit en DC est donc un cas typique d’hypothèse : les gran- 1. Il s’agit en effet là du terme classique des dialecticiens
deurs principielles sont des triangles et, en tant que grandeurs pour exprimer la conséquence.
principielles, existent. Ceci est à opposer à un arithméticien qui 2. Voir aussi la discussion de ce texte dans J. J. Cleary,
pose des monades — l’exemple d’Aristote est parfaitement bien Aristotle and Mathematics. Aporetic Method in Cosmology and Me-
choisi, puisque savoir si elles existent (sous forme d’atomes élé- taphysics, Leiden / New York / Köln, 1995, p. 111 sqq.
mentaires) relèvera justement de la science du physicien. Cf. par 3. Cf. K. Gaiser, « Platons Menon und die Akademie », p.
exemple DA I 5, 409b 7-11. 265, n. 45.
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s’apparente à celle de l’Ancienne Médecine — que le chaud de maladie. Il est ainsi probable que le médecin visé par
soit le principe de toutes les maladies ou que les surfaces l’Ancienne Médecine liait ses conceptions de la maladie à des
élémentaires soient les principes de tous les corps, le type théories physiologiques symétriques. Deux traités de la Col-
d’hypothèse est, du point de vue aristotélicien, identique 1 lection hippocratique se signalent pour cela à l’attention, la
— de ne pas se conformer à une procédure auto-régulatrice Nature de l’homme et le Régime. Ils ont en effet l’un et l’autre
stricte, utilisée dans les milieux éléates et pressentie par l’au- conservé une réduction élémentaire, qui avait tout pour
teur de l’Ancienne Médecine 2. Aristote reconstruit le fond déplaire à l’auteur de l’Ancienne Médecine et qui annonce
d’une ancienne critique (celle de l’auteur de l’Ancienne Mé- indéniablement la théorie aristotélicienne des éléments 1. Le
decine) autour d’une armature logico-démonstrative plus Feu, selon Aristote, est chaud et sec, la Terre froide et sèche,
lourde, élaborée durant les décennies précédentes 3. l’Eau froide et humide et l’Air chaud et humide 2. Or on
retrouve dans la Nature de l’homme ces quatre couples, à
l’identique, associés respectivement à la Bile jaune, à la Bile
3. Le débat médical et la réappropriation aristotélicienne
noire, au Phlegme et au Sang 3. Ce texte, qu’Aristote connais-
sait sans doute, n’associe cependant pas les quatre couples
Le retour d’Aristote au modèle empirique des médecins
aux quatre éléments. C’est dans le Régime qu’on trouve cette
lui impose une réévaluation de la sensation. Les débats des
historiens de la médecine montrent assez qu’il serait vain de
vouloir assigner un auteur précis aux théories critiquées par
1. Aussi étrange que cela puisse paraître, le nom d’Hip-
l’Ancienne Médecine 4. Remarquons seulement la connexion pocrate n’apparaît chez aucun citateur, annotateur ou com-
entre la question de l’élément de maladie et celle de la consti- mentateur du GC. La question du rapport entre le corpus
tution du corps humain. Si la chaleur est l’élément unique du hippocratique et la théorie aristotélicienne des éléments n’a
corps humain, son contraire, le froid, sera l’élément unique fait l’objet que de très rares allusions, jamais semble-t-il d’un
traitement exhaustif. Cf. J. Althoff, Warm, Kalt, Flüssig, Fest
bei Aristoteles, p. 12-13, n. 8 et 9. J. Althoff, lui-même, dans
1. On remarque de ce point de vue l’écho entre le DC (πντα un article intitulé « Aristoteles als Medizindoxograph », dans
βοËλεσθαι πρ¾v τιναv δ¾ξαv äρισµναv νγειν) et le passage de P. Van Der Eijk, Ancient Histories of Medicine. Essays in Medical
l’Ancienne Médecine c. 15 déjà cité (γοντεv [...] π Îπ¾θεσιν τν Doxography and Historiography in Classical Antiquity [= Studies in
τχνην). Ancient Medicine 20], Leyde, 1999 n’évoque pas la question. Pour
2. Il est probable que l’armature technique formelle du quelques discussions du rapport entre Aristote et les traités hip-
procédé lui est inconnue. Il ne parle ainsi à aucun moment de pocratiques, voir F. Poschenrieder, Die naturwissenschaftlichen
συµàα¬νοντα. Schriften des Aristoteles in ihrem Verhältnis zu den Büchern der hip-
3. Il vaudrait la peine de rechercher dans ce type de discus- pokratischen Sammlung (Programm der k. Studienanstalt Bamberg),
sions, auxquelles participaient aussi bien des philosophes que Bamberg, 1887, M. Manquat, Aristote naturaliste, Paris, 1932, S.
des mathématiciens, des médecins et des dialecticiens, les pré- Byl, Recherches sur les grands traités biologiques d’Aristote : sources,
mices des débats ultérieurs sur le critère de vérité. G. Striker, écrits et préjugés, (= Académie Royale de Belgique, Mémoires de la
« Κριτριον τCv ληθε¬αv », dans Essays on Hellenistic Epistemology Classe des Lettres LXIV 3], Bruxelles, 1980. Mais là non plus, la
and Ethics, Cambridge, 1996, dans son étude sur ce classique question du rapport des chap. II, 1-5 au corpus hippocratique
de l’épistémologie hellénistique, ne remonte malheureusement n’est pas abordée, ni même évoquée — preuve éclatante du suc-
pas au-delà de Platon et d’Aristote. cès de la récupération aristotélicienne.
4. Cf. J. Jouanna, Hippocrate : De l’ancienne médecine, p. 22- 2. GC II 3.
34 (« la critique d’une médecine philosophique »). 3. Nature de l’homme, c. III-IV.
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xxvi INTRODUCTION INTRODUCTION xxvii
association explicitement faite. Elle ne l’est pourtant que Nature de l’homme montre qu’il serait aussi absurde de ne
partiellement : l’auteur se borne à caractériser le Feu comme pas distinguer le phlegme du sang, par exemple, que le feu
chaud et sec et l’Eau comme froide et humide 1. Parce que de l’eau 1 :
selon lui seuls ces deux éléments constituent les créatures, il J’avais dit que ce dont je dirais l’homme constitué, je
n’éprouve visiblement pas le besoin d’énoncer la formule de révélerais qu’il s’agirait là d’éléments toujours iden-
la Terre et de l’Air. Il va de soi qu’à partir de telles théories tiques aussi bien selon la convention que selon la
— et à supposer même que la doctrine complète n’ait pas nature. Eh bien je dis qu’il s’agit du sang, du phlegme
et de la bile jaune ou noire. Et je dis premièrement
été développée dans un traité que nous ne possédons plus — que la convention distingue leurs quatre noms —
nul besoin d’avoir le génie d’Aristote pour aboutir à la doc- nul d’entre eux n’ayant le même nom que tel ou
trine des quatre couples de qualités primordiales telle qu’on tel autre —, deuxièmement que selon la nature, leur
la trouve développée en GC II 1-4 (feu = chaud + sec, terre forme est bien distincte, puisque le phlegme ne res-
= sec + froid, eau = froid + humide, air = humide + chaud) 2. semble pas davantage au sang que le sang à la bile
L’auteur de l’Ancienne Médecine, on l’a vu, reprochait à ou que la bile au phlegme. Comment en effet se res-
sembleraient des choses qui n’offrent à la vue les
certains confrères de choisir arbitrairement leur hypothèse : mêmes couleurs ni ne paraissent identiques à la main
rien ne prédispose tel état qualitativo-physique à être davan- qui les touche ? Ces choses ne sont ni semblablement
tage « élément » que tel autre. Cette critique, d’où qu’elle chaudes, ni semblablement froides, ni semblablement
émane à l’origine, n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. sèches, ni semblablement humides ; il est par consé-
L’auteur de la Nature de l’homme souligne ostensiblement quent nécessaire, puisque leur forme et leur puissance
l’apodicticité de sa démarche 3 : diffèrent à ce point les unes des autres, qu’elles ne
soient pas une, si du moins le feu et l’eau ne sont pas
Car quant à moi, ce que je dirai constituer l’homme, je une seule et même chose.
démontrerai (ποδε¬ξω) que cela est toujours identique,
aussi bien selon la convention que selon la nature, que C’est donc en se fondant sur l’évidence sensible que l’au-
l’on soit jeune ou vieux ou que la saison soit froide teur de la Nature de l’homme assigne un couple de qualités
ou chaude ; je fournirai des preuves (τεκµρια παρξω) et élémentaires à chaque élément du corps humain.
je révélerai les causes nécessaires (νγκαv ποφανF) en Ces brèves remarques permettent d’éclairer l’un des pas-
raison desquelles chaque élément de notre corps croît sages les plus étranges du GC, la déduction des éléments des
et décroît.
chapitres II 1-4. Aristote tente d’y fonder en raison les quatre
En quoi consiste une telle « démonstration » ? En un ap- qualités tactiles primitives, c’est-à-dire celles « auxquelles se
pel raisonné à deux des cinq sens, la vue et le toucher. La ramènent toutes les autres » 2.
Mais même ainsi, il n’en faut pas moins énoncer quels
1. Régime, c. IV. et combien sont les principes du corps. Car tout le
2. On sait qu’Aristote disposait très probablement du traité monde [Aristote a cité le Timée une vingtaine de lignes
De la nature de l’homme, qu’il attribuait à un certain Polybe (cf.
HA III 3, 512b 12-513a 7), en qui on a longtemps vu le gendre
d’Hippocrate (pour le problème prosopographique et la vrai-
semblance qu’il s’agisse de la construction hellénistique d’une 1. Nature de l’homme, c. V.
« tradition familiale », voir J. Althoff, « Aristoteles als Medizin- 2. Cf. GC II 2, 30a 24-26 : δCλον το¬νυν Åτι πAσαι α¯ λλαι
doxograph », p. 75). διαφορα νγονται ε®v τv πρÞταv ττταραv, αØται δ οÍκτι ε®v
3. Nature de l’homme, c. II. λττουv.
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xxviii INTRODUCTION INTRODUCTION xxix
plus haut] se contente de les supposer et de s’en ser- On comprend dès lors le sens de la longue déduction des
vir (ο¯ µν γρ λλοι Îποµενοι χρFνται) sans dire pour éléments à laquelle on assiste dans le GC 1. Aristote va démon-
quelle raison ce sont ceux-ci ni pour quelle raison ils trer physiquement que les contrariétés se réduisent aux deux
sont en tel nombre 1.
couples chaud-froid et humide-sec. La fameuse physique qua-
Au moment de lancer une démonstration si proche des litative d’Aristote n’est que la réponse à cette apparence de
théories médicales qu’il connaît, Aristote en appelle exacte- contradiction dans les termes. La critique de l’Ancienne Mé-
ment aux présupposés méthologiques sur lesquels certaines decine enseigne à Aristote que s’il veut privilégier telle ou
d’entre elles se fondent. On a vu plus haut que le De caelo telle contrariété, il ne peut le faire a priori, c’est-à-dire en
(III 7) s’attaquait au recours à l’hypothèse-postulat dans le défendant dialectiquement une hypothèse fixée sans appel à
domaine de la physique. Cela est réaffirmé. Aristote est ce- l’expérience. Ce ne sont pas des considérations sur les so-
pendant loin de suivre en tout point l’auteur de l’Ancienne lides réguliers qui dictent la forme des éléments, mais une
Médecine. Comme l’auteur de la Nature de l’homme et contre analyse de notre perception qui conduit à poser telle et telle
le projet le plus essentiel de l’Ancienne Médecine, il sou- contrariété comme élémentaire.
tient la nécessité d’un nombre réduit de principes : on En transposant la critique médicale sur le plan physique,
peut réduire les innombrables contrariétés sensibles à des Aristote donne à sa science de la nature sa physionomie
contrariétés élémentaires desquelles elles découlent 2. Enfin, propre 2. Celle-ci cherche à concilier une exigence maintes
en accord avec ses deux prédécesseurs, Aristote reconnaît fois réaffirmée d’apodicticité (la physique est théorétique)
que les contrariétés sensibles ne se laissent appréhender et une révolution dans le traitement scientifique de l’hy-
qu’empiriquement, dans leur singularité et leur autonomie pothèse 3. C’est ce tiraillement qui explique à son tour les
propres 3 :
Puis donc que nous recherchons les principes du corps
1. GC II, 1-5.
perceptible, c’est-à-dire tangible, et que le tangible est
2. Il n’est bien sûr pas encore question, à ce stade, de la
ce dont la perception est le toucher, il est évident que
transformation probable du statut ontologique de ces qualités.
toutes les contrariétés ne produisent pas des formes
Sur ce point, voir infra, p. cxxv-cxxvi et la remarque de M. Frede,
et des principes du corps, mais uniquement celles qui
« Substance in Aristotle’s Metaphysics », dans A. Gotthelf (ed.),
relèvent du toucher.
Aristotle on Nature and Living Things. Philosophical and Historical
Studies Presented to David. M. Balme on his Seventieth Birthday,
Pittsburgh / Bristol, 1984, p. 17 : « ... it would be important to
1. GC II 1, 329b 3-6. discuss the question whether it was not Aristotle who first took
2. Ce point ne doit d’ailleurs pas nous conduire à rejeter la the notion of an object sufficiently seriously and who, as a result
proximité de l’Ancienne Médecine et de la Nature de l’homme. Les of this, was able to make the clear distinction between objects
exégètes se bornent cependant trop souvent à constater que les and properties which now seems so trivial to us that we have dif-
deux auteurs refusent l’idée d’un élément unique. Mais il faut ficulty understanding how some of the Presocratics and some
ajouter que la Nature de l’homme accepte l’idée d’une réduction of the Hippocratic doctors, as well as many Hellenistic philoso-
à quatre contrariétés élémentaires — et se rapproche de la sorte phers and physicians, could try to reconstruct the world from
d’un schème naturaliste empédocléen — alors que l’Ancienne properties like, e. g., warmth and cold, dryness and wetness ».
Médecine reste indéterministe. 3. Voir aussi la discussion, chez W. Jaeger, Diokles von Ka-
3. Ironie de l’histoire : les oppositions polaires, qu’Aristote rystos. Die griechische Medizin und die Schule des Aristoteles, Berlin,
reprend aux médecins, seront pour les médecins du Moyen Âge 1938, pp. 45-51, du rapport entre l’éthique aristotélicienne et
des acquis spécifiques de la physica des philosophes. l’Ancienne Médecine.
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xxx INTRODUCTION INTRODUCTION xxxi
reconstructions historiques auxquelles se livre Aristote dans au niveau des causes, comme le montrera le chapitre II,9
tout son traité. du GC, que les platoniciens d’un côté, des physiciens maté-
rialistes de l’autre, sont renvoyés plus ou moins dos à dos
(les Platoniciens, à la suite de Socrate, n’ayant entrevu que
4. La reconstruction aristotélicienne : le plan du GC
la cause formelle, et les physiciens la cause matérielle, Aris-
tote pensant pour sa part avoir révélé la cause efficiente).
a. Platon, Démocrite et Empédocle
Ici, dans le problème de la méthode, Aristote est du côté des
Un passage fait écho, dans le GC, au texte méthodologique physiciens : on ne parle pas λογικFv de physique 1.
du De caelo 1 : Démocrite a-t-il systématisé le bon usage de l’hypothèse
La raison de cette relative incapacité [sc. des platoni- que semble lui prêter le satisfecit d’Aristote ? C’est peu
ciens] à embrasser les faits reconnus d’un seul regard, probable. Remarquons en tout cas que le terme n’apparaît
c’est l’absence de pratique ; c’est la raison pour la- pour ainsi dire pas dans les fragments des présocratiques
quelle tous ceux qui sont davantage chez eux dans conservés, a fortiori dans ceux des Atomistes. L’opposition
les questions physiques parviennent mieux à poser
(Îποτ¬θεσθαι) des principes pouvant relier entre eux
Démocrite-Platon, sur ce sujet, est sans doute une recons-
un grand nombre de faits ; quant aux autres, demeu- truction d’Aristote 2.
rant, au terme de leurs discours (λ¾γων) pléthoriques,
insoucieux de l’observation des réalités concrètes —
et n’ayant jeté les yeux que sur une minorité d’entre 1. C’est un peu par dérapage (platonicien !) de cette pro-
elles — ils ont trop beau jeu dans leurs déclarations. blématique sur l’autre qu’Aristote se laisse aller à suggérer que
On constate ici encore tout ce qui sépare l’examen la cause matérielle est « plus physique » que les autres en ce
physique de l’examen logique (λογικFv). Quant à qu’elle est plus liée au mouvement ; il se reprend d’ailleurs
l’existence de grandeurs atomiques, les uns disent que aussitôt pour distinguer le moteur et l’être mû, duquel seul par-
le Triangle en Soi sera multitude, tandis que Démo- ticipe véritablement la matière.
crite paraît s’en remettre à des arguments appropriés, 2. Le traitement des atomistes Leucippe et Démocrite dans
physiques en l’occurrence. le GC demanderait une véritable monographie, qui pourrait
Peu importe que le tenant historique de la thèse pla- contribuer à éclairer la redoutable question de la théorie démo-
critéenne de la connaissance. On sait que les exégètes récents
tonicienne mentionnée ici par Aristote soit Platon ou
se sont opposés sur sa nature. Les textes sont si contradictoires
Xénocrate 2, puisque ce passage s’inscrit immédiatement à qu’on a pu y voir un scepticisme à peine voilé (J. Barnes, The Pre-
la suite d’un développement où Aristote comparait le bon socratic Philosophers, vol. 2, Empedocles to Democritus, Londres,
atomisme de Démocrite aux théories insatisfaisantes du Ti- 1979, p. 257-262) aussi bien qu’un empirisme radical, postu-
mée 3. S’il faut en croire Aristote, Démocrite ou ses partisans lant la thèse atomique comme une présupposition nécessaire.
usent eux aussi de la méthode « hypothétique » — ils en usent Entre les deux voies se trouve celle attribuant à Démocrite un
empirisme modéré, selon lequel l’inférence à partir des phéno-
même mieux que les platoniciens. Or, malgré un parallélisme mènes est la seule voie possible pour se rapprocher de la vérité
évident, l’opposition ne revient pas à celle des causes. C’est cachée (les atomes), bien que cette voie reste problématique
et invérifiable parce que non sensible. L’énigme historique est
en fait double : il faut concilier de la moins mauvaise façon la
1. GC I 2, 16a 6-14. déclaration d’Aristote (cf. Metaph. Γ 5, 1009b 11-12) semblant
2. Pour notre interprétation littérale, voir infra, p. 7, n. 8. rapprocher la thèse de Démocrite du relativisme protagoréen et
3. GC I 2, 15b 28-16a 4. celles où le Stagirite semble plutôt voir en Démocrite un empi-
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xxxii INTRODUCTION INTRODUCTION xxxiii
L’entreprise idéologique est donc complexe : alors que et Démocrite. Il serait vain de vouloir cerner ici toutes les
nulle allusion n’est apparemment faite à la tradition physico- motivations d’Aristote. On remarquera plutôt que cette op-
médicale du débat, les positions que cette tradition avait position Platon-Démocrite structure le GC en profondeur.
contribué à isoler sont attribuées sans mot dire à Platon C’est en effet en la développant, au début de I 2, qu’Aristote
donne le plan de presque tout son traité. Je cite le passage en
notant à chaque fois le chapitre du GC mentionné comme en
riste (restant à déterminer si c’est radical ou modéré) ; il faut creux :
en outre comprendre ce à quoi Démocrite renvoyait en parlant
de connaissance authentique (γνÞµη γνησ¬η) et qu’il opposait à la Pour ce qui concerne Platon, son examen ne porta
connaissance ténébreuse (γνÞµη σκοτ¬η). Il peut a priori s’agir soit que sur la façon dont la génération et la corruption
de notre appréhension des phénomènes, soit de notre inférence se produisent dans les choses [I 2-3] ; encore n’a-t-il
vers le caché, en tant qu’application de règles « logiques ». Cette pas examiné la génération tout entière mais seule-
question est indissociable de celle du statut des mathématiques ment celle des éléments [II 1-5] : sur la manière dont
chez Démocrite et pose une énigme supplémentaire, celle du naissent les chairs, les os et les corps semblables, pas
rapport Démocrite-Platon. Si en effet la connaissance authen- un mot [II 7-8] ; rien non plus, ni sur l’altération [I
tique est celle du géomètre œuvrant sur le continu (en un sens 4] ni sur l’augmentation [I 5] se rapportant à la façon
pré-aristotélico-euclidien), tandis que la connaissance ténébreuse dont elles se produisent dans les choses. Mais d’une
désigne celle du physicien aux prises avec un monde nécessaire- manière générale personne n’a consacré à ce sujet
ment atomique, ce sont tous les aspects du travail de ce dernier autre chose qu’une étude superficielle, hormis Démo-
qui passent du côté de la connaissance obscure. On aboutit dès crite qui, lui, paraît bien avoir médité sur la totalité
lors à une position rappelant fortement celle du Timée de Pla- des problèmes, et dont les solutions se distinguaient
ton, où la réalité physique est interprétable en termes de pure dès l’époque. Car nul, comme nous le disons, ne s’est
approximation d’un modèle intelligible. La question se complexi- risqué à la moindre définition de l’augmentation [I 5],
fie cependant encore du fait que la justification du volume du si ce n’est par ce qu’en pourrait dire le premier venu,
cône par Démocrite consistait sans doute dans un technique ar- que les choses croissent par le semblable à la faveur
chaïque d’encadrements. C’est donc que notre appréhension du d’une agrégation : sur la manière selon laquelle ce pro-
continu mathématique ne serait pas entièrement indépendante cessus s’accomplit, on ne trouve plus rien ; rien non
de la connaissance obscure. Sans rentrer dans le détail de tous les plus sur la mixtion [I 10], ni pour ainsi dire sur aucun
arguments, on peut d’ores et déjà remarquer que la reconsti- des autres thèmes qui nous importent ; par exemple,
tution du texte fondamental de GC I 8 (cf. infra, p. 38, n. 4 et concernant l’agir et l’être-affecté [I 7-9], selon quel
n. 5) corrobore la filiation historique entre les Éléates et Leu- mode telle chose agit et telle autre subit les actions
cippe. On peut ainsi postuler que les atomistes reconnaissaient naturelles.
l’entière validité de raisonnements effectués sur l’Être-Un, la
nécessité de les « démultiplier » pour les rendre explicatifs des
Quatre passages du GC semblent échapper à ce plan : I
apparences, mais aussi l’impossibilité radicale de rattacher chaque 1 ; I 6 ; II 6-8 ; II 9-10 et II 11. I 6 ne pose en réalité aucun
aspect précis de ces apparences à une situation atomique précise. Au- problème : chapitre consacré au contact, Aristote le conçoit
tant donc, en Metaph. Γ 5, Aristote insiste sur le lien impossible comme un préliminaire nécessaire à l’étude de l’action et de
entre les deux niveaux mis en jeu par toute explication physique la passion, qui elle-même mènera à celle de la mixtion. II
— et l’obligation de s’en remettre aux seuls phénomènes qui
9-10 orchestre le véritable dépassement de Démocrite, dont
en découle —, autant il serait sensible dans le GC à la force du
modèle explicatif général. L’hypothèse atomiste, à un niveau des- on avait jusque là suivi le programme : ce dernier n’a entrevu
criptif général, semble bien rendre compte du mouvement et du ni la nécessité ni a fortiori la nature de la cause efficiente. II
multiple. 11 est une discussion des caractéristiques modales propres à
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xxxiv INTRODUCTION INTRODUCTION xxxv
la nécessité de la génération — il s’agit sans doute pour Aris- place essentielle de l’altération dans les processus de trans-
tote d’un aspect formel du phénomène — et constitue une formation. La génération doit passer par un changement des
véritable unité thématique, distincte de ce qui la précède. qualités constitutives. Les corps ne sont pas composés d’élé-
Un schéma exposera plus clairement cet équilibre architec- ments différents comme les murs le sont de pierres et de
tonique du GC : briques. Aristote reviendra en II 6, 33a 16-19 sur cette idée :
I,1
« on est vraiment fondé à se demander, dès lors qu’on af-
I,2 exclusion du firme, à la manière d’Empédocle, la pluralité des éléments
discontinu
et l’absence de changement des uns aux autres, comment on
I,3 génération peut considérer ces éléments comme comparables ».
I,4 altération
b. Le frère-ennemi du GC : le néo-empédocléisme
I,5 changements augmentation
« simples »
Empédocle était le seul philosophe mentionné explicite-
I,6 contact
ment et critiqué dans l’Ancienne Médecine 1. De fait, c’était
I,7-9 agir-pâtir (cause matérielle)
I,10 mixtion lui qui pouvait avoir influencé tout le courant médical « élé-
II,1-5 génération des mentariste » aboutissant entre autres à la Nature de l’homme
éléments
et au Régime 2. Le premier chapitre du GC est donc bien bien
II,6
plus actuel que ne le laisseraient croire ses allures d’introduc-
II,7
tion dialectique.
II,8 génération des
On ne semble pas l’avoir encore remarqué : c’est moins
homéomères
II,9-10 étude du mou- (causes finale et Empédocle que des Empédocléens qu’Aristote critique tout
vement solaire efficiente) au long du GC. Cette constatation ressort de la façon même
II,11 logique du de- (cause formelle ?) dont Aristote discute les théories matérielles faisant l’objet
venir
du débat. Il fait ainsi toujours la différence entre le bien de
Qui hante donc ces passages antérieurs à II 9 et étran- certains Empédocléens, présentés anonymement au pluriel,
gers à l’opposition Platon-Démocrite ? La réponse, dans un et une série d’éléments doctrinaux, qui se rattachent géné-
premier temps du moins, semble aisée : c’est Empédocle. Le ralement aux propriétés du cycle cosmique d’Empédocle et
premier chapitre est de ce point de vue de loin le plus impor- qu’Aristote lui attribue en propre. Tout se passe comme si les
tant, car il défend préventivement ce qui sera le fondement Empédocléens anonymes connus d’Aristote avaient négligé
de la théorie « médicale » d’Aristote. Alors qu’on pouvait la cosmologie de leur maître pour ne retenir de son ensei-
croire qu’Aristote associerait altération et élément unique gnement qu’une théorie des éléments matériels — amendée
d’un côté, pluralité des éléments et génération de l’autre 1,
l’argumentation se fait plus complexe : contre Empédocle,
Aristote fausse la symétrie et oppose, au couple altération-
unicité, une triade génération-altération-pluralité 2. Il ne faut 1. Ancienne Médecine, c. XX.
en aucun cas que la pluralité des éléments conduise à nier la 2. Sur l’école médicale sicilienne, voir M. Wellmann, Frag-
mentsammlung der Griechischen Ärtze, Bd I : Die Fragmente der
Sikelischen Ärtze Akron, Philistion und des Diokles von Karystos, Ber-
1. Cf. GC I 1, 14a 6-13. lin, 1901.
2. GC I 1, 14b 17-26.
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xxxvi INTRODUCTION INTRODUCTION xxxvii
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xxxviii INTRODUCTION INTRODUCTION xxxix
LΕµπεδοκλv κα τéν λλων sens vrai l’un — Leucippe ( οÍ γρ ν ν λλο¬ωσιv ), α¯ δL que prétendent Empédocle et
τινv φασι πσχειν δι π¾ρων tient cela pour impossible. ναντιÞσειv οÍ µεταàλλουσιν. d’autres personnes (sinon, il
οÏτω πAσαν λλο¬ωσιν κα πAν En revanche, à la façon n’y aurait pas d’altération),
τ¿ πσχειν τοÖτον γ¬νεσθαι dont Empédocle et certains tandis que les contrariétés,
τ¿ν τρ¾πον [...]. σχεδ¿ν δ autres affirment que le pro- elles, ne se transforment
κα LΕµπεδοκλεE ναγκαEον cessus d’affection met en pas.
λγειν èσπερ κα ΛεËκιππ¾v jeu des conduits, chez Leu-
φησιν· [...] νγκη ρα τ µν cippe, c’est toute altéra- ‘f ’ (II 6, 33a 16-20)
πτ¾µενα εµναι δια¬ρετα, τ δ tion et tout processus d’af- θαυµσειε δL ν τιv τéν Mais on pourrait peut-
µεταξÌ αÍτFν κεν, ο×v κεEνοv fection qui ont lieu ainsi λεγ¾ντων πλε¬ω ν¿v τ être s’étonner des gens qui
λγει π¾ρουv. [...] κα περ [...]. Mais Empédocle est στοιχεEα τFν σωµτων èστε disent, à la manière d’Em-
µν τοËτων, κα πFv λγουσι, presque forcé d’en arriver µ µεταàλλειν ε®v λληλα, pédocle, que les éléments
δCλον, κα πρ¿v τv αÍτFν aux même affirmations que καπερ LΕµπεδοκλv φησι, des corps sont multiples
θσειv α¶v χρFνται σχεδ¿ν Leucippe. [...] il est donc né- πFv νδχεται λγειν αÍτο´v sans se transformer les uns
Áµολογουµνωv φα¬νεται συµàαEνον·cessaire que les corps qui εµναι συµàλητ τ στοιχεEα dans les autres : comment
το´v δL λλοιv ττον, ο¶ον sont en contact soient indi- κα¬τοι λγει οÏτω, ταÖτα γρ leur est-il alors possible
LΕµπεδοκλε´ ... visibles, et vides les inter- µσ τε πντα. de dire que les éléments
valles entre eux — ce que lui sont comparables — Empé-
dit être des « conduits ». [...] docle dit pourtant bien que
On peut dire des uns que « ceux-ci, de fait, tous, sont
leur mode d’argumentation égaux » — ?
est clair et qu’il se produit
manifestement à peu près ‘g’ (II 7, 34a 26-28)
en accord avec leurs hypo-
thèses de départ ; mais c’est κε¬νοιv τε γρ το´v λγουσιν äv Et pour ceux qui parlent
moins vrai pour les autres, LΕµπεδοκλv τ¬v σται τρ¾ποv ; comme Empédocle, quel sera
comme Empédocle ... νγκη γρ σËνθεσιν εµναι le processus ? Une com-
καθπερ κ πλ¬νθων κα λ¬θων position, nécessairement, à
‘d’ (I 8, 26b 10-26) τοEχοv. la façon dont un mur est
composé de briques et de
τι δ πFv νδχεται περ En outre, comment est-il pierres.
τοÖ διορAν συµàα¬νειν äv possible que la vision au
λγουσιν ; [...] Åτι µν ο×ν travers des corps se fasse
οÏτωv λγειν τοÌv π¾ρουv èv comme ils le prétendent ? [...] On pourrait peut-être, dans un cas ou deux (texte ‘g’
τινεv Îπολαµàνουσιν, ψεÖδοv Il ressort donc clairement en particulier), supposer qu’Aristote dramatise sa critique
µταιον, φανερ¿ν κ τοËτων de ce qu’on a dit qu’affir- en étendant son adversaire aux dimensions d’un groupe ou
στ¬ν. mer des conduits à la façon d’une école ; mais le nombre et la structure des passages
dont certains les conçoivent, mentionnés interdisent cette interprétation. Il ne faudrait
cela est faux ou inutile.
pas croire non plus qu’il s’agisse de pluriels abstraits, au
‘e’ (II 1, 29a 35-b 3) sens où nous dirions : « s’il prenait l’envie à quelqu’un de
ταÖτα µν γρ µεταàλλει Car ces derniers se trans- se ranger à l’explication d’Empédocle, ... ». Les choses sont
ε®v λληλα, κα οÍχ äv forment les uns dans les toujours présentées de telle sorte par Aristote que l’on dis-
LΕµπεδοκλv κα τεροι λγουσιν autres, à la différence de ce cerne la charge indicative de l’allusion : il y a des gens en
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xl INTRODUCTION INTRODUCTION xl i
chair et en os qui ont adopté la doctrine d’Empédocle sur GC s’insère donc dans un débat vivant, à l’époque d’Aristote,
un certain nombre de points. Le mouvement des citations sur le sens et la portée du qualitativisme physique.
aristotéliciennes exclut d’autre part une simple coïncidence Mais ne parle-t-on pas trop vite d’école d’Empédocle ?
doctrinale entre ces penseurs et Empédocle. L’insistance des S’agit-il vraiment d’autre chose que de la reprise de quelques
comparatifs (‘b’ : èσπερ κα LΕ. ; ‘c’ : èσπερ LΕ., ο¶ον LΕ. ; idées générales par des physiciens éclectiques de l’époque
‘e’ : äv LΕ. ; ‘f ’ : καθπερ LΕ. ; ‘g’ : äv LΕ.) prouve une d’Aristote ? Pour tenter de répondre à cette question
choix doctrinal conscient. Le passage ‘a’ est peut-être encore difficile, il faut commencer par recenser les thèses empé-
plus révélateur, dans la mesure où il glisse presque subrep- docléennes qu’Aristote attribue à plusieurs auteurs. Il y en a
ticement de la citation d’Empédocle, qui fonctionne dans trois, la troisième se particularisant à son tour en trois sub-
l’argumentation d’Aristote comme le dogme du maître, à la divisions :
confusion théorique de nos anonymes, acceptant la lettre — (1) pluralisme élémentaire strict 1 : ‘a’, ‘e’, ‘f ’ ;
dudit dogme mais incapables de s’y tenir dans les déve- — (2) admission de l’altération : ‘a’, ‘c’ ;
loppements effectifs de leur thèse. Dernière confirmation : — (3) postulat des conduits (π¾ροι) ...
quand Aristote, dans le GC, évoque d’autres auteurs, il ne
les flanque jamais de ce type d’anonymes. Tout au plus lui ... (3a) pour expliquer la sensation : ‘b’, ‘d’ ;
arrive-t-il de parler de ο¯ περ ... (comme en 14a 24-25 : ... (3b) pour expliquer l’action et l’affection : ‘b’, ‘c’ ;
ναντ¬ωv γρ φα¬νονται λγοντεv ο¯ περ LΑναξαγ¾ραν τοEv ... (3c) pour expliquer le mélange : ‘b’.
περ LΕµπεδοκλα) mais cela n’a bien sûr rien à voir 1. Le vo- Chacun de ces trois éléments nous paraît assez bien as-
cabulaire employé par Aristote est d’ailleurs d’une précision suré. C’est en effet de la conjonction des deux premiers
impeccable : les vers du poème Sur la Nature sont toujours qu’Aristote tire sa critique fondamentale contre les Empédo-
attribués à l’individu singulier Empédocle, même s’il est par- cléens, qu’il accuse de professer à la fois l’incommunicabilité
fois dit que la thèse qu’ils expriment est endossée aussi par totale des quatre corps premiers (pluralisme élémentaire
d’autres que lui 2. Plus significatif encore, toutes les allusions strict) et l’altération. Le nerf de la critique aristotélicienne
au cycle cosmologique, ainsi qu’à la succession chronolo- consiste à montrer qu’admettre la première thèse implique
gique de l’Amour et de la Discorde, ne font jamais l’objet qu’on refuse la seconde (si pluralisme strict, alors pas d’al-
d’une référence plurielle 3. On comprend d’autant mieux, s’il tération ; mais altération ; donc pas de pluralisme strict).
s’agit de points de doctrine délaissés par l’école d’Empédocle Malgré son apparence anodine, la seconde thèse nous paraît
elle-même, pourquoi Aristote se permet d’être aussi ironique recéler un précieux indice sur l’identité, au moins profes-
à l’égard de la cosmologie générale de son prédécesseur. Le sionnelle, des auteurs visés par Aristote. Car dans le passage
‘a’, Aristote ne dit pas seulement que les anonymes admet-
1. Contre L.S.J., s. v., sens C 1, qui n’atteste le sens faible taient de facto l’altération, mais prend la peine de préciser
qu’à partir de Plutarque, on se rangera au verdict de Bonitz, In- qu’ils étaient contraints de reconnaître son existence à côté
dex Aristotelicus, s. v. : formula ο¯ περ¬ τινα ... interdum ita usurpatur, de la génération : ναγκα´ον δ κα τοËτοιv τν λλο¬ωσιν
ut ab ipso personae nomine non multum differat.
2. Voir 14b 7-8 ; 14b 20-23 ; 33a 19-20 ; 33a 35-b 3 ; 33b
14-15 ; 33b 35-34a 5. 1. J’appelle « pluralisme élémentaire strict » le fait d’ad-
3. Le chapitre II 6, à partir de 33b 3, est ainsi clairement mettre que les éléments sont (1) multiples et (2) non suscep-
dirigé contre Empédocle lui-même. tibles de changement les uns vers les autres.
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εµναι µν τι φναι παρ τν γνεσιν. On pourrait tout d’abord Même si la troisième thèse, l’existence des conduits,
supposer qu’il s’agit là d’une évidence du sens commun : semble très répandue dans l’Antiquité 1, son association
tout être doué de raison est forcé de reconnaître que les aux deux premières confirme nos premiers soupçons. On
choses s’altèrent autour de lui. Mais qu’est-ce qui suggé- peut tout d’abord noter que le terme de « conduit » (π¾ροv)
rait à Aristote d’opposer son dilemme aux Empédocléens en n’apparaît pas dans son sens physique dans les fragments
général plutôt qu’à Empédocle qu’il venait de citer ? La ré- conservés d’Empédocle. Il s’agit d’une doctrine que nous
ponse à cette question passe par l’analyse de ‘c’. Empédocle n’associons à l’Agrigentin que sur la foi de nombreux témoi-
et ses partisans, selon ce texte, expliquent toute altération gnages antiques, le GC au premier chef 2. Il serait donc aussi
(πAσαν λλο¬ωσιν) à l’aide des conduits. Ils pouvaient donc naïf de la refuser en bloc que de l’admettre sans autre forme
se contenter d’objecter que ce qu’Aristote appelle « change- de procès. On pourrait en particulier supposer, puisque cette
ment d’affections » n’est qu’un changement au niveau des théorie apparaît toujours dans un contexte pluriel dans le
constituants corpusculaires du mélange. Rien ne devient GC, que le recours massif au terme π¾ροι a été le fait de nos
« plus chaud » ou « plus humide », mais des particules de feu Empédocléens anonymes, à la suite d’indications de leur ins-
ou d’eau s’introduisent dans les interstices d’un agglomérat pirateur. Or nous pouvons bel et bien mettre en relation la
matériel déjà existant. Il n’y a d’altération que pour notre doctrine des π¾ροι avec deux « Empédocléens » susceptibles
sensation (la différence avec l’atomisme d’un Démocrite te- d’avoir été la cible d’Aristote : Philistion de Locres et Héra-
nant seulement à ce que les « éléments » existent en tant que clide du Pont.
tels et sont effectivement dotés de qualités primaires). L’inté- Commençons par le second 3. De nombreuses sources font
rêt stratégique du détour par les Empédocléens proviendrait d’Héraclide un élève de Platon. Il est même probable qu’il
ainsi de ce que, pour eux, l’altération en un sens grosso modo
aristotélicien (changement d’affections d’un substrat stable)
devait relever, dans les faits, c’est-à-dire une fois passées les 1. Aëtius IV 9 6 (= D.-K. 28. 47 [I, 226, 23]) : « Par-
déclarations de principe sur l’existence des conduits, d’une ménide, Empédocle, Anaxagore, Démocrite, Épicure, Héra-
quasi nécessité. clide disent que les sensations partielles se produisent en
Mais dans quels faits ? Sans doute, bien sûr, dans les faits fonction de la commensurabilité des conduits, chaque élé-
ment propre aux sentis s’adaptant à chacune » (Παρµεν¬δηv,
thérapeutiques. Ce sont avant tout des médecins soucieux de
LΕµπεδοκλCv, LΑναξαγ¾ραv, ∆ηµ¾κριτοv, LΕπ¬κουροv, HΗρακλε¬δηv
tempérer les éléments constitutifs du corps humains les uns παρ τv συµµετρ¬αv τFν π¾ρων τv κατ µροv α®σθσειv γ¬νεσθαι
par les autres, qui pouvaient être contraints de reconnaître τοÖ ο®κε¬ου τFν α®σθητFν κστου κστ| ναρµ¾ττοντοv ).
l’existence d’une altération par changement des affections. 2. On ne dénie bien sûr pas que le terme ait été employé en
L’unité du vivant rend en effet particulièrement difficile de son sens physique dans une partie perdue du poème (on peut
concevoir la maladie comme une simple perte ou adjonction d’ailleurs noter qu’en D.-K. 3. 12, Empédocle semble jouer sur
le mot en relation avec les sensations). Mais il n’y a là rien de
de particules chaudes, froides, humides, etc. et la thérapie lourdement scolastique, à la différence des mentions qu’en font
comme une simple adjonction, dans des intervalles vacants, Plutarque (sous B 77), Alexandre (sous B 84 et A 89) et surtout
de corpuscules dotés de la qualité défectueuse. Il faut tôt ou Théophraste (sous A 86 : 7, 12, 13, 15). Les π¾ροι n’étaient cer-
tard admettre que c’est le tissu organique lui-même, tel qu’il tainement pas chez Empédocle ce factotum de la physique qu’ils
est, qui pâtit et qu’on soigne. sont devenus dans les philosophies naturelles hellénistiques.
3. Voir la monographie de H. B. Gottschalk, Heraclides of
Pontus, Oxford, 1980.
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xl iv INTRODUCTION INTRODUCTION xl v
est demeuré à l’Académie sous le scholarquat de Speusippe, changement de chaud à froid ou de froid à chaud, de l’ab-
à l’époque où Aristote, Xénocrate et d’autres l’avaient quit- sorption d’éléments inassimilables ou corrompus. La bonne
tée. Il faillit succéder à Speusippe. Il était donc tout désigné constitution du corps est en grande partie conditionnée par
pour s’attirer les foudres d’Aristote, dont il était le contem- la bonne circulation du pneuma. Nous ne respirons pas seule-
porain. Il est dès lors notable qu’Héraclide, partisan avéré ment par le nez et la bouche, mais par tout le corps.
des conduits 1, a composé un dialogue Περ τCv πνου, Sur Wellmann avait déjà remarqué que certaines théories de
la femme en état d’apnée, traitant de la résurrection par Em- Philistion, celle en particulier de la respiration par les pores,
pédocle d’une femme décédée depuis plusieurs jours. Ce étaient reprises par Platon dans le Timée 1. Cette remarque
dialogue est par bien des aspects une apothéose du sage était passée relativement inaperçue, peut-être sous l’effet
d’Agrigente, qui seul, ou tout au moins le premier, aurait d’une mauvaise compréhension de la théorie de la respira-
compris la nécessité d’une prise en compte du macrocosme tion d’Empédocle telle qu’elle apparaissait dans la longue
dans un traitement du microcosme 2. citation du De respiratione d’Aristote 2. Cornford, à la suite
Philistion est un candidat encore plus sérieux. Physicien de Wellmann (lui-même s’inspirant de Zeller), avait ainsi in-
contemporain de Platon — les deux hommes ont pu se terprété à tort l’image de la clepsydre comme une illustration
rencontrer en Sicile et une tradition fait de Philistion le de la respiration directe et cutanée 3. L’interprétation cor-
maître en médecine d’Eudoxe —, il est le représentant prin- recte proposée par O’Brien montre au contraire que pour
cipal de l’école médicale sud-italique. De même que son Empédocle, la respiration a lieu par la bouche et les narines
quasi compatriote Akron d’Agrigente, contemporain d’Em- à l’exclusion des pores 4. Il faut donc plus que jamais s’en
pédocle et antérieur à Hippocrate 3, il semble avoir accordé tenir au parallèle déjà relevé par Wellmann entre la théo-
à la diététique une place prépondérante dans le traitement rie du Timée et les thèses de Philistion. Platon ne fait pas
des maladies. Les maladies se produisent quand le chaud naïvement de l’Empédocle mais, comme le conclut O’Brien,
et l’humide deviennent excessifs, ou quand la chaleur in- propose une « version mise à jour d’Empédocle » 5.
terne s’exténue. Le médecin doit conserver la bonne santé L’exemple de Platon a pour nous valeur de précédent.
en veillant, par la nutrition, au bon équilibre des qualités Philistion était sans doute connu des philosophes de l’Aca-
élémentaires 4. Les maladies surgissent de l’extérieur sous démie. Il touchait des milieux non exclusivement médicaux.
l’effet de blessures, de chaleur ou de froid excessifs, d’un
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Solmsen ne s’y était d’ailleurs pas trompé : c’est Philis- de la constitution — et de la variabilité — qualitative des
tion qu’il suppose avoir informé l’Académie sur la pensée êtres et maintenir l’intangibilité des quatre corps premiers 1.
d’Empédocle 1. Il y a donc tout lieu de supposer que ces Ces constatations pourraient enfin permettre d’élucider
« gens » qu’Aristote associe systématiquement à Empédocle l’identité des auteurs matérialistes visés par Aristote en GC
dans certains contextes physiques incluent le médecin sici- II 9. Ceux-ci, nous dit-il, n’admettant de causalité que maté-
lien. La comparaison entre les quelques thèses rapportées rielle mais ne pouvant dénier la complexité constitutive des
par l’Anonyme de Londres et celles réfutées par Aristote êtres (biologiques), sont contraints d’outrepasser, dans leur
dans le GC est alors éloquente : sans même évoquer à nou- interprétation de cette cause, ce qui relève de son véritable
veau la doctrine des conduits, qui faisait l’originalité de domaine d’influence, pour finalement prêter à de simples
sa théorie de la respiration, Philistion a maintenu l’exis- corps un comportement d’outils, voire d’artisans 2. Si leur
tence des corps élémentaires et le qualitativisme était à la couple de qualités agentes fondamentales est le chaud et le
base de ses principes thérapeutiques. C’est lui, en outre, froid, ils admettent que les autres qualités agissent ou sont
qui semble avoir le premier chez les Empédocléens atta- affectées selon des modalités qui leur sont propres. On ne
ché une qualité primordiale à chacun des éléments 2. Ce peut s’empêcher de rapprocher cet accent mis par Aristote
rapport de filiation indépendante à l’égard des théories sur le rôle du chaud et du froid de la conception que se faisait
physico-médicales d’Empédocle présentait tous les ingré- Philistion de la maladie. L’idée d’un matérialisme qualita-
dients pour qu’Aristote s’estimât autorisé à lancer son assaut tiviste oublieux de la causalité formelle s’adapterait bien à
dialectique. En substance : on ne peut être aussi soucieux notre néo-empédocléen.
Tout se passe donc comme si Empédocle avait joui d’une
seconde vie chez les médecins physiciens du quatrième
1. Cf. F. Solmsen, Aristotle’s System of the Physical World,
siècle. Un Empédocle amendé, privé sans doute des grandes
Ithaca/New York, 1960, p. 346. N’oublions pas qu’Empédocle eaux de sa cosmologie, infléchi dans un sens plus direc-
était considéré comme un médecin par les sources anciennes tement biologique et médical, mais un Empédocle quand
(cf. Diogène Laërce, Vies, VIII 58, 60-61, 69-70 et 77, où Dio-
gène mentionne le Discours médical d’Empédocle en 600 vers).
Il n’y a donc rien d’absurde, bien au contraire, à remarquer son
rôle déterminant dans la constitution d’une certaine tradition 1. Un léger indice supplémentaire du contexte philis-
médicale. tionien du GC est fourni par l’histoire de la transmission
2. Cf. H. Diels, Anonymi Londinensis ex Aristotelis Iatricis de l’Anonyme de Londres. Ce papyrus du I er siècle contient
Menoniis et Aliis Medicis Eclogae, [= C.A.G., Supplementum Aris- des notes doxographiques qui dérivent en dernière instance
totelicum III.1] Berlin, 1893, p. 36, § XX, ll. 25 sqq. : « Philistion de matériaux doxographiques du Péripatos (cf. D. Manetti,
est d’avis que nous sommes composés de quatre formes, c’est- « ‘Aristotle’ and the Role of Doxography in the Anonymus Lon-
à-dire de quatre éléments : de feu, d’air, d’eau, de terre. Des diniensis (PBrLibr Inv. 137) », dans Ancient Histories of Medicine,
puissances appartiennent à chacun, le chaud au feu, le froid à cit. supra, p. xxv, n. 1, p. 95-141). C’est donc que les aristotéli-
l’air, l’humide à l’eau, le sec à la terre » (Φιλιστ¬ων δL ο°εται κ ciens étaient au fait de l’intérêt que présentaient les doctrines
δ´ ®δεFν συνεστναι µAv, τοÖτL στιν κ δ´ στοιχε¬ων· πυρ¾v, ροv, physico-médicales de Philistion. On ne peut exclure que la
Ïδατοv, γCv. εµναι δ κα κστου δυνµειv, τοÖ µν πυρ¿v τ¿ θερµ¾ν, recherche doxographique en ce domaine ait été initiée par Aris-
τοÖ δ ροv τ¿ ψυχρ¾ν, τοÖ δ Ïδατοv τ¿ Îγρ¾ν, τCv δ γCv τ¿ ξηρ¾ν). Il tote lui-même.
est impossible de fixer une chronologie relative entre Philistion 2. GC II 9, 36a 2. Pour les problèmes posés par ce chap.,
et la Nature de l’homme. voir infra, p. 75, n. 7.
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xl viii INTRODUCTION INTRODUCTION xl ix
même, et probablement autant revendiqué par certains phy- Un rapport de maître à élève entre Démocrite et Hippo-
siciens qu’il était critiqué par l’auteur de l’Ancienne Médecine crate, à travers la médiation de Métrodore de Chio, n’est
... et par Aristote. Il y a des contemporains réels derrière attesté que par une seule source, la notice de la Souda
la discussion, toujours comprise comme historique ou gé- consacrée à l’Abdéritain 1. Le reste des témoignages — la cor-
nérale, du GC. L’aporie fondamentale de notre texte, celle respondance pseudépigraphe au premier chef — se borne à
d’une génération (γνεσιv) qui ne peut pas ne pas être aussi rapporter des anecdotes plus improbables les unes que les
une altération (λλο¬ωσιv) — et ce contre la lettre d’une doc- autres 2. Le caractère extrêmement ancien de la correspon-
trine des catégories scolastiquement comprise — n’est pas dance étant par ailleurs hors de doute, la notice de la Souda
sortie d’une réflexion en vase clos, mais s’est imposée dans doit faire l’objet des plus grandes réserves. Il était par trop
le cadre d’un débat serré avec la tradition empédocléenne. aisé de tirer de textes où l’on voit le médecin, parti soigner
Nicomaque, le père d’Aristote, qui lui aussi était un médecin Démocrite d’une prétendue folie, devenir son plus fervent
physicien, mais dans la tradition doctrinale hippocratique admirateur, l’idée d’une filiation simplement scolaire. Cela
(au sens large) 1, avait-il critiqué, oralement ou par écrit, ne résout cependant pas l’énigme de l’origine de cette mise
la théorie physique de ses rivaux d’Italie du Sud ? Aristote en rapport.
aurait-il bénéficié, avant même son arrivée chez Platon, du Quels éléments objectifs pourraient nous inciter à accor-
fruit de telles réflexions médico-physiques ? Nous l’ignorons der foi aux dires des biographes ? Il est possible que la théorie
malheureusement. Mais le GC demeure la meilleure trace, à du progrès humain de l’Ancienne Médecine se fasse l’écho de
ce jour, d’un Aristote moins anti- que non-platonicien. thèses démocritéennes. La question, toutefois, est difficile et
a fait l’objet de bien des discussions 3. Notons qu’à ce compte,
c. Démocrite et Hippocrate : une filiation idéologique
on trouverait dans le corpus hippocratique une filiation avec
Revenons à la structure globale du GC et aux trois toute une série de penseurs présocratiques, Anaxagore en
grands interlocuteurs, Platon, les Empédocléens et Démo- particulier 4.
crite. Platon n’a pas su comprendre ce que devait être une Les éléments négatifs sont beaucoup plus forts. Remar-
hypothèse physique et sa théorie des triangles élémentaires quer la quasi absence de toute référence, évidente ou
était absurde. Sa doctrine pèche à la fois matériellement et implicite, à Démocrite, ne se réduit pas à un argument e
formellement. Les Empédocléens s’approchaient de la bonne silentio. Le qualitativisme de traités aussi importants que la
hypothèse matérielle mais sans bien en saisir les réquisits et Nature de l’homme ou le Régime est opposé à l’indifférencia-
la portée. Démocrite, enfin, avait compris et respecté dans tion atomique affirmée par Démocrite et Leucippe.
ses œuvres les critères formels de l’hypothèse physique. L’hy-
pothèse des atomes n’est que matériellement fausse. Une
1. Cf. D.-K. II, p. 84, ll. 36 sqq. (voir aussi p. 85, ll. 36
question historique surgit alors : quels sont les rapports des
sqq.). Cf. S. Luria, Democritea, Leningrad, 1970 fr. LXXIX, p.
milieux médicaux à la pensée démocritéenne ? 24 : µαθητv δ αÍτοÖ διαφανv γνετο... HΙπποκρτηv Á ®ατρ¾v.
2. Cf. D.-K. II, p. 225-228. Cf. Luria, Democritea, fr. XXIX,
XXXVI, LXIII, LXV.
1. Cf. P. Pellegrin, « Aristote, Hippocrate, Œdipe », dans 3. Cf. J. Jouanna, Hippocrate : De l’Ancienne Médecine, p. 46-
R. Wittern et P. Pellegrin (eds.) Hippokratische Medizin und antike 48.
Philosophie, Hildesheim, 1996, pp. 183-198, p. 198 en particu- 4. Voir R. Joly, Recherches sur le traité pseudo-hippocratique
lier. Du régime, Paris, 1960.
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l INTRODUCTION INTRODUCTION li
Ce n’est pas la matière des théories démocritéennes que traité De l’art dit en particulier que la raison supplée à la
le mythe biographique a pour vocation de fonder, mais leur sensation dès que celle-ci ne peut plus s’exercer 1 :
forme. S’il n’est pas question pour les qualitativistes du Sans doute personne qui ne peut voir qu’avec ses yeux
continu de reprendre ses atomes à Démocrite, les médecins peut tout savoir de ce qui vient d’être décrit. C’est pour
physiciens devaient être sensibles à sa façon de mettre en cette raison que j’ai appelé ces choses obscures ...
rapport — ne fût-ce même que pour signaler le caractère Il est intéressant que l’auteur fasse explicitement réfé-
aporétique de ce rapport — le connu et l’inconnu. Deux pas- rence, dans ce contexte, à des choses « obscures » (δηλα). Ce
sages, l’un tiré de l’Ancienne Médecine, et l’autre du traité De n’est plus ici au démocritisme sceptique que nous avons af-
l’art, nous paraissent exemplaires à cet égard. Commençons faire, mais à l’empirisme modéré que de nombreuses sources
par l’Ancienne Médecine 1 : prêtent à Démocrite-2. Notre texte médical rappelle ainsi
C’est la raison pour laquelle je n’ai quant à moi pas l’extrait célèbre des Canons rapporté par Sextus Empiricus 2.
jugé qu’elle eût besoin d’une hypothèse d’invention L’auteur de l’Art et Démocrite-2 admettraient l’un et l’autre
nouvelle comme ce qui est hors de la vue et pro- deux types de connaissance, l’une passant par les sens et
blématique, sur quoi on est bien forcé, dès là qu’on l’autre par une construction qui en serait plus ou moins
entreprend d’en traiter, de se servir d’une hypothèse,
par exemple sur les choses qui sont au ciel ou sous abstraite. Les deux auteurs seraient en outre d’avis que la se-
la terre. Ces choses-là, quand même on les définirait conde catégorie rentre en action lorsque la première se voit
comme elles sont, ni celui qui parle ni ceux qui l’en- contrainte, par ses limites internes, d’abandonner la partie.
tendent ne verraient clairement si c’est vrai ou faux, Conscients de la part d’obscurité irréductible à laquelle nous
car il n’y a pas de critère auquel on doive s’en rappor- sommes automatiquement confrontés lors de ce « passage à
ter pour savoir exactement ce qu’il en est.
l’obscur », ils ne voient cependant pas là, à la différence de
Les « choses hors de la vue et problématiques » (τ φανα l’auteur de l’Ancienne Médecine, une objection qui ruinerait
τε κα πορε¾µενα), cousines des δηλα démocritéens, sont cette démarche de fond en comble.
identifiées non pas à une quelconque réalité atomique, mais Une différence capitale distingue donc l’Ancienne Méde-
à ce qui est au ciel et sous la terre. À cette différence près, cine des deux autres textes : le recours à la connaissance
le scepticisme de l’auteur quant à la possibilité de toute obscure n’est pour Démocrite-2, et sans doute aussi pour
connaissance non directement sensible ressemble étrange- l’auteur du traité De l’art, qu’une solution de facilité — ou,
ment à la ligne d’interprétation sceptique de Démocrite-1. dans certains cas, l’unique chemin pratiquable — mais ja-
Seuls les phénomènes, à nous du moins (le µEν γε de Me- mais un contact direct avec la vérité des choses, qui n’est
taph. Γ 5, 1009b 12), sont accessibles. À supposer même accessible qu’à la connaissance légitime. C’est le contraire
qu’au niveau verbal, nous formulions la bonne explication pour Démocrite-1 et l’Ancienne Médecine, qui insistent sur
physique de telle ou telle apparence, nous n’avons pas les
moyens expérimentaux de vérifier nos dires.
1. [Hippocrate], De l’art, § 11, l. 2-3.
On trouve cependant une autre approche du rapport 2. Adversus Mathematicos VII, 138-139. Cf. P.-M. Morel, Dé-
connu-inconnu dans le corpus hippocratique. Un passage du mocrite et la recherche des causes, Paris, 1997, pp. 448-458 (« ...
Quand la connaissance bâtarde ne peut plus, ni voir ce qui est
devenu trop petit, ni entendre, ni goûter, ni toucher, mais <que
la recherche exige> plus de subtilité, <un instrument plus subtil
1. Ancienne Médecine 1, 36,15-21 H. doit être adopté »).
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l ii INTRODUCTION INTRODUCTION l iii
le caractère arbitraire de la connaissance non directement Le démocritisme d’Aristote et celui de la tradition mé-
empirique. On peut supposer que les auteurs critiqués dans dicale tient avant tout dans cette option méthodologique :
ce dernier traité tentaient, eux, à la manière de Démocrite-2, une hypothétisation, plus ou moins triomphante selon les
d’inférer légitimement sur les causes (obscures) de la maladie. cas mais présente au moins comme tentation, de l’inconnu
Quelles que soient les solutions particulières des uns et qui rende compte du connu. C’est pour tempérer cet en-
des autres, quelles que soient même les différentes solu- thousiasme, qu’il jugeait sans doute naïf, des physiciens de
tions qu’un auteur unique a pu apporter à ce problème à l’époque de Socrate que Platon a révolutionné la question de
différentes époques ou dans différents contextes, cet aperçu l’hypothèse et montré sa dépendance essentielle d’une vérité
suffit à montrer que la question elle-même du rapport plus haute. En ce sens, la stratégie du Timée revient à repro-
connu/inconnu était discutée au même moment, à peu près cher tacitement à Démocrite-2 de ne pas se contenter d’être
dans les mêmes termes, par Démocrite et par les médecins- un Démocrite-1 : les atomes eux-mêmes (surfaces élémen-
physiciens. taires chez Platon) dépendent d’une hypothèse supérieure.
Or c’est précisément sur le thème optique de la vision des Erich Frank avait jadis bien vu comment Platon, en s’atta-
δηλα, en filigrane chez Démocrite 1, que brode l’auteur de la quant à Démocrite, était conscient de s’élever contre l’état
correspondance entre le philosophe et le médecin. Les Abdé- le plus achevé de l’Aufklärung ionienne 1. Avant que les vicis-
ritains, trompés par les dehors de Démocrite, l’ont cru fou. Il situdes historiques en décident autrement, jusqu’à Cicéron
a fallu qu’Hippocrate, encouragé par le philosophe, saisisse au moins, c’est Platon qui fait figure de trouble-fête 2.
les causes profondes de cette apparence pour comprendre Il est temps de résumer les conclusions auxquelles nous
que ses concitoyens avaient été victimes d’une illusion. Dé- pensons avoir abouti. Avec les médecins-physiciens hip-
mocrite est tellement éloigné de la folie qu’Hippocrate le pocratiques, Aristote partage l’essentiel de sa doctrine
trouve en train de rédiger un traité médical sur ce thème. Le
philosophe tire la morale de la fable : « le médecin ne doit pas Mademoiselle — bonjour Madame » transmise par Athénodore,
juger les affections seulement d’après l’apparence extérieure auteur de date inconnue mais antérieure à Diogène Laërce qui le
(plutôt que “la vue” ; cf. Ãψιv τFν δλων τ φαιν¾µενα) mais cite, va dans le même sens. Sur l’inauthenticité de tout ce fatras
aussi en fonction de ce qu’elles sont en réalité » 2. comico-biographique, voir D. O’Brien, « Démocrite d’Abdère »,
dans R. Goulet (ed.), DPhA II, Paris, 1994, p. 677-678.
1. Voir E. Frank, Platon und die sogenannten Pythagoreer, p.
1. Cf. E. Frank, Platon und die sogenannten Pythagoreer, 118-124.
Halle, 1923, p. 23 : « Man kann zum mindesten die Philo- 2. Les perfidies de l’aristotélicien Aristoxène de Tarente
sophie Demokrits geradezu eine Philosophie der Perspektive (cf. Diogène Laërce, Vies, IX, 40) sont bien connues. On re-
nennen, nicht nur weil er den stereometrischen ‘Körper’ (τ¿ marque moins que la thématique Platon vs. Démocrite n’est pas
σFµα) für das Absolute überhaupt erklärt, — die Ausbildung der « péripatéticienne » sans davantage de précisions, mais condi-
Lehre von der Subjektivität der sekundären Sinnesqualitäten tionne déjà la construction et la lettre du GC. Le parti pris
ist durch das Vorbild der perspektivischen Täuschung sichtlich hippocratique du même GC nous paraissant maintenant établi,
stark beeinflußt. ‘Die optische Wahrnehmung ist die Erschei- il est tentant de voir dans le rapport mythique Démocrite-
nung des Unsichtbaren’ ». Voir aussi A. Rouveret, Histoire et Hippocrate une invention de l’historiographie du premier
imaginaire de la peinture ancienne, Rome, 1989, pp. 65-127 en Péripatos, avant que la filiation sceptique ne finisse, pour
part. des raisons historiques évidentes, par s’imposer chez les bio-
2. Lettre 18 (IX, 382,15 Littré) : χρ ο×ν τ¿ν ®ητρ¿ν µ µοÖνον graphes. Cela ne peut cependant rester, en l’état actuel des
Ãψει τ πθεα κρ¬νειν, λλ κα πργµατι. L’anecdote du « bonjour connaissances, qu’une hypothèse invérifiable.
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l iv INTRODUCTION INTRODUCTION lv
« matérielle » des éléments et de sa théorie de l’hypothèse les atomes de Démocrite. La théorie à supplanter, Aristote
physique. La première est la sœur ennemie de celle des Em- le reconnaît, est efficace 1. Elle est même intrinsèquement
pédocléens — Philistion au premier chef — d’autant qu’elle non-contradictoire. Tout au plus peut-on montrer — c’est à
dérive d’une manière ou d’une autre de l’enseignement cela que s’emploiera Aristote — qu’elle est physiquement,
d’Empédocle. La seconde relève d’un débat interne à la phy- c’est-à-dire en fait biologiquement, fort peu vraisemblable.
sique et à la médecine grecques des v e-iv e siècles, qui tourne Le mouvement d’Aristote, qu’il s’agisse de la génération
autour de la possibilité de notre connaissance des causes « ca- (γνεσιv), de l’altération (λλο¬ωσιv), de l’augmentation
chées ». Le foisonnement probable des réponses proposées, (αÑξησιv) ou de la mixtion (µ¬ξιv) est à chaque fois le même :
leurs nuances dictées par l’insistance plus ou moins grande partant d’une analyse neutre parce que physique (faite d’ap-
sur l’aspect théorique ou pratique des choses, n’ont pas em- pel aux endoxa, d’expérience courante et de spéculations
pêché les contemporains de voir que la question était au logico-linguistiques), Aristote dépasse l’explication atomiste
centre de la théorie démocritéenne de la connaissance. Dans en glissant vers une ontologie biologisante des substances
un cas comme dans l’autre, Aristote est resté le fils de son sensibles. L’atomisme n’est donc pas à proprement parler
médecin hippocratique de père. En combattant les Empédo- réfuté. Il est juste convaincu d’incapacité dans un monde
cléens, c’était aux membres de l’école de médecine rivale obéissant aux catégories biologiques aristotéliciennes. La
qu’il s’en prenait 1 ; en se rangeant à l’hypothèse démocri- force d’Aristote tient évidemment à ce que la science des
téenne contre Platon, il donnait des acteurs philosophiques animaux et des plantes est naturellement plus substantia-
prestigieux à une pièce somme toute connue du répertoire liste — d’où d’ailleurs l’intérêt encore actuel pour la théorie
médical. aristotélicienne de l’identité 2 — que ce qu’une simple « phy-
sique » exige. Autant rien n’empêche d’être démocritéen en
physique (c’est-à-dire abstraitement), autant Aristote a mis le
II. L’analytique du devenir doigt, en s’intéressant presque exclusivement aux substances
animées, sur les apories suscitées par un monde biologique
Nous sommes maintenant mieux armés pour comprendre discret.
les enjeux de l’analytique du devenir de GC I. Il s’agit
de faire valoir, au nom des mêmes exigences méthodolo-
1. γνεσιv entre « genèse » et « devenir »
giques que son adversaire, l’hypothèse du continu contre
L’élaboration philosophique du concept de γνεσιv ne date
1. Un passage célèbre de l’introduction de la Méthode de
pas d’Aristote. Cependant, dans toute la tradition antérieure
Galien (T. X, p. 5-6 Kühn) atteste la rivalité de bon aloi qu’entre- à ce dernier, jusqu’à Platon inclusivement, l’emploi du terme
tenait les deux branches des hippocratiques entre elles et avec
la tradition sud-italique. Certes, les distinctions tranchées entre
« écoles » sont dans une certaine mesure inadéquates et la tenta- 1. Cf. GC I 2, 15a 26-b 15 et I 8, 24b 35 sqq.
tive galénique pour exposer l’histoire ancienne de sa discipline 2. Cet intérêt n’est pas toujours dépourvu de malentendus
selon une typologie idéalisée est évidente. Il n’empêche que tous quant au projet même des œuvres biologiques d’Aristote. Il reste
les témoignages doctrinaux à notre disposition pointent vers que la façon dont Aristote a mis la question du vivant au centre
une spécificité « physicaliste » de la médecine italique, qui a in- de sa réflexion physique et métaphysique, même oblitérée, n’a
téressé pour cette raison le Platon du Timée et l’Aristote du GC. jamais été complètement oubliée.
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l vi INTRODUCTION INTRODUCTION l vii
se fonde sur la seule fonction déverbative des suffixes indo- La réflexion la plus développée sur cette γνεσιv ancienne se
européen en *-tei 1. Le terme γνεσιv, ainsi, appartient à la trouve dans le passage du Phédon où Platon met en scène le
langue des philosophes. On ira même jusqu’à dire qu’il n’ap- retour d’un Socrate mourant à une manière de cosmologie
partient qu’au lexique philosophique. (Tout surprenant que présocratique 1. Il y a, entre les deux termes de tout couple
cela paraisse, on ne décèle qu’un seul sens profane, celui de contraires, une double γνεσιv. Mais ce terme, que Léon
de « source » ou de « naissance », propre à la langue homé- Robin traduit par « génération », renvoie également au sens
rique.) Le mot est alors pris au plus près de son sens, et du verbe sur lequel il calque son paradigme 2. Il s’agit tou-
indique le « fait de naître », synonyme, dans cet emploi, de jours en arrière-plan — et même si c’est bien d’une naissance
φËσιv 2. qu’on est en train de parler — du fait de devenir, d’une deve-
Ainsi, le nom γνεσιv est immédiatement perçu comme nance. Cette donnée linguistique explique au moins en partie
nom d’action du verbe γενσθαι, devenir. Il se trouve opposé
à οÍσ¬α, compris comme nom d’action du verbe εµναι, être 3.
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l viii INTRODUCTION INTRODUCTION l ix
la facilité des Grecs à reconduire les deux procès opposés à Cette tentative pour préciser les choses est nécessitée,
une même réalité naturelle. chez Aristote, par l’absence de tout critère platonicien suffi-
Mais le texte de Platon fait surgir deux questions supplé- sant à disqualifier la physique démocritéenne. Il n’y a rien,
mentaires, auxquelles Aristote — qui cite le Phédon un peu dans l’analytique platonicienne du devenir telle qu’elle ap-
plus loin dans le GC 1 — semble avoir été plus sensible que paraît dans le Phédon — pour ne rien dire des surfaces
les modernes. La première est celle de la difficulté qu’il y a élémentaires du Timée —, qui s’oppose à l’hypothèse des
à parler de deux contraires dans les cas de naissance et de atomes et du discontinu. Tout au contraire même puisque,
dépérissement. Autant l’on saisit sans peine en quel sens il on l’a vu, Platon évoque la composition et la décomposition
y a procès du blanc vers le noir et retour ou du chaud vers en lieu et place de la génération et de la corruption.
le froid, autant l’on perçoit mal d’où part la naissance et où Le chapitre I 3 est consacré à dégager de l’intérieur ces
aboutit le dépérissement. trois questions rectrices, ainsi qu’à apporter des éléments
La seconde question, qui pour Aristote est liée à la pre- de réponse à la première et, partiellement, à la seconde. La
mière, est celle de la catégorisation aveugle du réel à laquelle troisième fait l’objet des chapitres subséquents (I 4-10). No-
se livre Platon, qui anticipe le cadastre catégorial. Car So- tons cependant dès maintenant que la réponse à la première
crate évoque d’une part la génération en général, celle qui question, qui passe par la mise en lumière d’une polarité
va de l’un des contraires à l’autre et, d’autre part, les trois op- principielle du sensible, si elle peut être apportée à un niveau
positions suivantes : accroissement/décroissement (αÑξησιv formel dès le chap. I 3, ne sera véritablement justifiée qu’une
κα φθ¬σιv), composition/décomposition (διακρ¬νεσθαι κα fois démontré dans les faits — c’est-à-dire dans les faits bio-
συγκρ¬νεσθαι), échauffement/refroidissement (ψËχεσθαι κα logiques 1 — qu’on peut et doit accorder un « plus d’être » à
θερµα¬νεσθαι). Pour peu qu’on précise qu’Aristote considère, certaines réalités. Cette nécessaire polarisation étant com-
dans le GC, le couple composition-décomposition comme la mune à tous les changements, ce sera par conséquent sur
façon commune dont, avant lui, les Atomistes ont compris la l’ensemble de la discussion du GC que se fera sentir l’orien-
génération et la corruption 2, on s’aperçoit immédiatement tation biologique de cette physique générale.
que les trois exemples de Platon correspondent aux trois ca-
tégories aristotéliciennes de la quantité, de la substance et
1. La « génération » proprement dite : GC I 3
de la qualité. Aussi le premier livre du GC se donne-t-il pour
tâche principale de résoudre les trois questions laissées pen-
Le rôle sous-jacent du Phédon dans la constitution du GC
dantes dans le Phédon. Il faudra :
permet de saisir l’unité du chapitre I 3, au premier abord
— (1) dépasser l’indifférentiation linguistique de la « deve- assez disparate : celui-ci, comme on vient de le suggérer, se
nance » ; propose de résoudre de manière connexe les trois problèmes
— (2) distinguer naissance et dépérissement d’entre tous les pro- que le texte de Platon fait surgir. Soit, dans l’ordre :
cessus ;
— (3) étudier chaque changement selon ses modalités propres.
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lx INTRODUCTION INTRODUCTION l xi
— (1) Mise au jour de la réduction syntaxique du deve- du changement, le substrat, la forme et la privation 1, de
nir conditionnant les physiques présocratiques. même il montre, en GC I 3, que la langue, suffisamment
Aristote, de manière plus moderne que le Platon analysée, présuppose la polarisation de toute γνεσιv.
présocratisant du Phédon, mais en dernière ins-
tance similaire, explique comment la « naissance » a. La réduction syntaxique
(resp. le « dépérissement »), part de (resp. aboutit
à) quelque chose (aporie archaïque : 17a 32-b 18 ; En faisant jouer entre elles les trois oppositions nom/ad-
aporie moderne : 17b 18-35 ; solution, elle-même jectif, γ¬γνεσθαι/φθε¬ρεσθαι et γ¬γνεσθαι-X/γ¬γνεσθαι-∅ 2, on
présentée aporétiquement : 18a 1-27). obtiendrait sept expressions verbales bien formées (N mar-
— (2) Mise au jour de la réduction sémantique du devenir au quant les noms, A les adjectifs) :
fondement de la physique aristotélicienne : Aristote
explique pour quelle raison ontologique (reflétée — (1) N γ¬νεται (le feu advient) ;
partiellement dans la langue) deux « devenirs » pré- — (2) N φθε¬ρεται (le feu est détruit) ;
socratiques A→B et B→A sont moins indifférenciés — (3) N a γ¬νεται N b (le feu devient terre) ;
qu’il n’y paraît (énoncé de la question fondamen- — (4) N γ¬νεται A (le feu devient rouge) ;
tale : 18a 27-35 ; réduction sémantique proprement — (5) Aa γ¬νεται Ab (le jaune devient rouge) ;
dite : 18b 35-19a 3).
— (6) A γ¬νεται (le jaune advient) ;
— (3) Conclusion (avec retour à l’énoncé de la ques-
— (7) A φθε¬ρεται (le jaune est détruit).
tion fondamentale) et aboutissement de la réduction
sémantique, soit : explication de la raison pour Qu’entendons-nous exactement dans chaque cas ? On
laquelle deux « devenirs » dans deux catégories peut commencer par (1) et (2), dont la discussion réduit une
différentes A→B et a→b sont eux aussi moins in-
différenciés qu’il n’y paraît (19a 3-22). aporie qu’Aristote a toujours considérée comme archaïque 3.
Selon les présocratiques et le Phédon, quand nous disons
En prenant le texte de Platon au pied de la lettre, le seul qu’un objet désignable par un substantif — sans qu’il s’agisse
problème — encore n’en est-ce pas vraiment un pour l’au- nécessairement d’une substance au sens aristotélicien — (1)
teur — est celui (1) des « deux générations » de sens opposé 1. « advient » ou (2) « est détruit », il faut comprendre qu’il ne
Car à propos de ce qui constitue pour Aristote les inter- s’agit là que d’expressions inadéquates pour (3). Même si,
rogations (2) et (3), Platon n’établit ici aucune différence au niveau physique, le processus peut être plus complexe
entre les multiples changements. Mais cette simplicité pla- — plusieurs objets se corrompant pour en produire un seul,
tonicienne intéresse d’autant plus le GC ; car le chapitre I ou un seul objet se corrompant en plusieurs autres — nous
3, qui se veut une analyse de comment la génération se dit, avons bien au moins un objet au début et à la fin du processus
prendra justement comme point de départ le langage proto- (rien ne naît de rien).
catégorial de Platon : le texte du Phédon pose un problème Les propositions (4) (5) (6) (7) sont elles aussi des
sémantique à partir duquel Aristote bâtit sa propre ontologie variantes verbales d’un même processus physique. L’éva-
du changement. De même qu’en Physique I 7, Aristote s’était cuation de la catégorie grammaticale du nom ne saurait
appuyé sur le langage ordinaire pour isoler les trois éléments
1. Cf. M. L. Gill, Aristotle on Substance. The Paradox of Unity,
Princeton, 1989, p. 98 sqq. et les références citées p. 98 n. 25.
2. Sur cette notation, voir infra, p. lxv.
1. Voir supra, p. lvii. 3. Cf. GC I 3, 317b 29-31.
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l xii INTRODUCTION INTRODUCTION l xiii
entraîner celle de la catégorie physique de l’objet. La né- La différence avec le GC est patente, puisque dans ce traité,
cessité, dans ce cas, de substantiver l’adjectif — entendu comme on le verra, cette absoluité de la génération tient
comme une désignation de l’individu concret substrat de la pour l’essentiel à la présence d’οÍσ¬αι au début et surtout à
propriété concernée et non comme cette propriété elle-même la fin du processus. On trouve tout au contraire énumérés,
— indique assez le réquisit physique sous-jacent. dans le texte cité de la Physique, aussi bien des modèles ato-
On aboutit donc par réduction à deux schèmes linguis- mistes réfutés dans le GC (juxtaposition) que des exemples
tiques — insistons encore une fois sur le fait qu’il ne s’agit de changements selon des catégories autres que la sub-
pas encore d’analyse physique 1 mais du rapport du langage stance (quantité, qualité) 1. C’est donc que la catégorie de
au monde : la substance ne saurait être première dans l’analyse aris-
— (1) (2) (3) → (I) N a γ¬νεται N b ; totélicienne de la γνεσιv, pas davantage qu’elle ne l’était
— (4) (5) (6) (7) → (II) N γ¬νεται A.
pour les philosophes antérieurs, pour lesquels la γνεσιv,
c’est le devenir. En proposant sa γνεσιv catégoriale, Aristote
La première réduction est celle des théoriciens présocra- technicise un terme déjà technique. La position à combattre
tiques du devenir 2. Qu’Aristote n’ait pas méconnu le sens est donc bien celle, qu’on retrouve chez les physiciens pré-
non substantiel d’une telle γνεσιv-devenir, il suffit de lire le socratiques et dans le Phédon, d’un devenir indéterminé,
texte suivant de Physique I 7 pour s’en convaincre 3 : englobant tous les procès pouvant être décrits à l’aide du
Mais en général les choses adviennent absolument verbe γενσθαι.
(γ¬γνεται δ τ γιγν¾µενα πλFv), les unes par chan-
gement de forme (µετασχηµατ¬σει), par exemple une b. Sémantique aristotélicienne contre syntaxe présocratique
statue, d’autres par addition (προσθσει), par exemple du devenir
les choses qui croissent (τ αÍξαν¾µενα), d’autres par
soustraction (φαιρσει), par exemple l’Hermès à par- Si Aristote n’admet pas les voies syntaxiques prises par
tir de la pierre, d’autres par composition (συνθσει), la technicisation présocratique du problème du devenir,
par exemple une maison, d’autres par altération c’est qu’elles négligent une polarisation du sensible à la-
(λλοιÞσει), par exemple les choses qui changent du quelle la sémantique naturelle, suivie par certains rares
point de vue de la matière. prédécesseurs 2, est parfaitement sensible. Aristote va donc
Parce qu’il était surtout occupé, dans ce chapitre, à isoler
les trois éléments du changement (matière, forme, priva- 1. Un indice particulièrement clair de la différence des
tion), Aristote a aligné tous les « devenirs » sur le même points de vue nous est fourni par la notion de changement de
modèle, allant jusqu’à les qualifier d’« absolus » (cf. πλFv). forme (µετασχηµτισιv). Alors qu’il s’agit d’une γνεσιv forte dans
la Physique, GC II 9, 35b 26 semble identifier le facteur de l’al-
tération et celui du changement de forme (τ¿... λλοιοÖν κα τ¿
1. Si ce n’est peut-être dans l’élimination du problème spé- µετασχηµατ¬ζον) à l’une des causes les plus importantes de l’en-
cifique du φθε¬ρεσθαι. gendrement (α®τιÞτερ¾ν τε τοÖ γεννAν). Alors donc que dans la
2. Par souci de clarté, on ne rentrera pas ici dans la dis- Physique, nous avons affaire à une γνεσιv-devenir, le GC, sans
cussion complexe dont les différents présocratiques envisagent revenir sur cet acquis, insiste sur la distance séparant de tels
le rapport de (I) et (II). Les réponses apportées engagent leurs changements d’une γνεσιv-genèse. La genèse peut présupposer
conceptions du rapport entre l’objet physique et ses détermina- une série de devenirs locaux (altération, changement de forme,
tions. etc.) mais elle ne s’y réduit pas.
3. Phys. I 7, 190b 5-9. 2. Comme le Parménide de la doxa. Cf. infra, p. 16, n. 4.
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l xiv INTRODUCTION INTRODUCTION l xv
s’employer à reconduire la syntaxe présocratique à la syntaxe problème et de ne conférer de primauté ontologique qu’aux
naturelle, pour mieux observer comment l’être se dit (sé- états exprimables simplement. Le test linguistique n’a de
mantiquement) en cette dernière. À rebours donc du schème vérité que partielle, la langue naturelle n’allant pas aussi
[N a γ¬νεται N b ], il remarque que le principe de distinction loin qu’une ontologie conséquente l’exigerait. S’il est vrai
véritable entre (I) et (II) — le test, pour parler anachronique- qu’un devenir-X non reconductible à un devenir-∅ ne peut
ment — tient au fait que (I) peut toujours s’exprimer à l’aide être considéré comme une génération au sens le plus par-
du verbe γ¬γνεσθαι construit absolument, tandis que (II) ne fait, un devenir-∅ (en français, « advenir ») peut cependant
le peut pas. Il faut donc abandonner la position physique ne pas constituer non plus cette sorte de génération totale
conquise par les présocratiques et prêter davantage atten- recherchée. Nous, locuteurs naturels, pouvons dire « de la
tion au langage. L’opposition (I0 )/(II) qui le structure est la terre est advenue », voire « du jaune est advenu », sans saisir
suivante : que nous nous exprimons ainsi à l’encontre de la polarité du
(I0 ) N γ¬νεται sensible 1.
vs. Il faut donc dépasser une analyse purement linguistique
(II) N γ¬νεται A de l’opposition πλFv/τιv. Si en effet l’analyse se bornait à
tirer les conséquences d’un fait de langue, le système des
C’est là, après la caractérisation d’un non-être aussi absolu
catégories suffirait à tout expliquer : la substance se verrait
qu’archaïque 1, le deuxième sens de l’opposition πλFv/τιv.
conférer une génération pure et simple (le feu devient, la
La structure verbale (II) présuppose dans tous les cas un at-
terre devient) et les catégories qu’on lui attribue une gé-
tribut du verbe γ¬γνεσθαι. Elle s’oppose donc à l’ensemble
nération relative (l’homme devient blanc). Or Aristote va
des cas (I) — qui, à défaut de le supporter toujours dans
proposer trois exemples où l’on peut penser que la géné-
l’usage, admettent l’emploi absolu de devenir au niveau de
ration d’une substance n’est qu’une génération relative. La
la constructibilité linguistique (I0 ). πλFv signifie que l’on
question, signalée par les premiers commentateurs 2, est de
n’ajoute rien au verbe qu’il accompagne, τιv sa construction
attributive 2. On ne s’intéresse pas pour l’instant à une quel-
conque primauté ontologique, mais seulement aux modalités 1. Cf. Philopon, In GC, 54,14-16 : « Il atteste maintenant
de l’expression verbale : il s’agit de « devenir-∅ » (tout court, que l’usage ne distingue pas le devenir pur et simple du devenir
πλFv), ou de « devenir-X » (quelque chose, τι ). L’erreur se- relatif en se bornant seulement à dire attributivement que telles
rait cependant, aux yeux d’Aristote, d’inverser les termes du choses déterminées deviennent quelque chose : il y a des cas
où l’on n’emploie pas d’attribut <et où la génération n’en est
pas moins relative>. C’est la raison bien compréhensible pour
1. Cf. GC I 3, 17b 5 sqq. laquelle il faut poursuivre la recherche ».
2. Cf. Philopon, In GC, 45,27-31 : « Car nous ne parlons 2. L’histoire de l’exégèse au GC n’est pas encore faite.
pas du devenir des accidents [sc. de toutes les catégories autres Notons seulement qu’au moins sur le point précis qui nous oc-
que la substance] sans employer d’attribut. S’il se trouve en ef- cupe, Philopon fait allusion à des commentateurs indéterminés
fet qu’un homme change selon la couleur, nous ne disons pas (τινv, 52,20 ; 54,19) pour qui l’opposition aristotélicienne ne
que cet homme est devenu, pour la raison que le “être devenu” renvoie qu’à celle séparant tous les types de substance. Cette
purement et simplement, c’est-à-dire sans attribut [πλFv κα thèse simpliste n’étant évidemment pas, comme on le verra un
νευ προσθκηv], signifie le changement selon la substance, mais peu plus loin, celle d’Alexandre, deux solutions nous paraissent
nous disons qu’il est devenu quelque chose, blanc par exemple ou envisageables : ou Philopon présente, par l’intermédiaire du
noir ». commentaire de l’Exégète, les tentatives encore incertaines des
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l xvi INTRODUCTION INTRODUCTION l xvii
savoir dans quelle mesure il reprend à son compte les cas en- Le point délicat consiste dans le statut exact de l’exemple.
visagés. Considérons brièvement les trois grands moments Déroutés par la référence parménidienne et l’apparente en-
de ce texte capital 1. Dans le premier, Aristote oppose deux torse à une absoluité passant par la seule substantialité des
substances A et B, le feu et la terre par exemple 2, et postule deux termes du procès, Alexandre et nombre de commenta-
que le devenir de A en B est absolu (γνεσιv πλC) tandis que teurs à sa suite insistent sur le fait qu’Aristote ne reprend
celui de B en A n’est que relatif (γνεσ¬v τιv) 3 : pas à son compte le modèle qu’il propose 1 :
Nous faisons souvent la différence entre ce qui signifie ... la première différence, qui passe par l’être et le
une individualité propre et ce qui ne la signifie pas — non-être, n’a pas l’accord d’Aristote, mais au cas où
or c’est là que se noue la recherche présente : diffère en quelqu’un supposerait l’existence de l’être et du non-
effet ce vers quoi change ce qui change ; ainsi, la voie être — à la façon dont Parménide disait que le feu
menant au feu serait une génération pure et simple et était être et la terre non-être —, il s’ensuivra de cette
une corruption de quelque chose — de la terre, par hypothèse que le chemin vers le non-être est une cor-
exemple — tandis que la génération de la terre se- ruption pure et simple et une génération relative,
rait sans doute une génération relative, mais non pas tandis que pour le chemin à partir du non-être ce sera
une génération absolument : absolument, c’est une le contraire, à savoir une corruption relative et une
corruption, par exemple du feu — pour reprendre le génération pure et simple.
couple de Parménide lorsqu’il affirme que l’être et le
L’Exégète — s’il s’est vraiment exprimé de la sorte 2 — a
non-être sont le feu et la terre. Et il n’y a évidemment
aucune différence à supposer ces deux-là ou tels ou ici tort et raison. Raison, en ce qu’Aristote n’endosse bien
tels autres : notre investigation porte sur la manière, sûr pas la thèse parménidienne de l’Être et du non-Être dans
non sur le substrat. Aussi la voie menant au non-être toutes ses implications physiques : toute la première par-
absolu est-elle une corruption absolue, et celle me- tie de la Physique avait pour tâche de montrer qu’une telle
nant à l’être absolu est-elle une génération absolue. Du opposition était archaïque et simpliste. Tort, car Aristote ré-
couple sous-jacent à la distinction, que ce soit le feu et
la terre ou d’autres choses,on tiendra donc un terme
introduit ici un principe de hiérarchie « parménidien » dans
pour l’être et l’autre pour le non-être. D’une certaine la catégorie de la substance. On comprend cependant le point
manière donc, c’est ainsi que le fait d’être absolument qui gêne Alexandre : la thèse présentée par Aristote paraît
engendré ou corrompu différera du fait de celui de ne admettre qu’une substance provienne d’une non-substance,
pas l’être absolument.
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l xviii INTRODUCTION INTRODUCTION l xix
contre nombre de déclarations explicites du Philosophe 1. thèse 1 est conforme au système aristotélicien, à savoir le
Alexandre juge pour cette raison que seule la deuxième passage de ce qui est « moins substance » à ce qui l’est « da-
vantage ».
Mais cela fait surgir deux difficultés au moins. La pre-
1. Aristote fait allusion au problème un peu plus haut (GC mière est qu’Aristote suggère lui-même, ici et là, que le
I 3, 17b 13-14 : περ µν ο×ν τοËτων [le problème de la généra- feu se comporte comme la forme et la terre comme la ma-
tion à partir du néant] ν λλοιv τε διηπ¾ρηται κα διÞρισται τοEv tière 2. L’isonomie substantialiste est ainsi pour le moins
λ¾γοιv). Philopon, In GC, 47,29 sqq., repris par les commenta- relative, et ce dès les premiers niveaux de l’information. La
teurs modernes, Joachim, p. 91, Tricot, p. 25, propose la glose seconde est qu’Aristote ne révoque pas en doute l’analyse
explicative suivante : « il parle de l’origine de la génération de la
substance et de la façon dont à partir du non-être pur et simple
parménidienne ; ou plus exactement, il ne révoque pas en
a lieu la génération pure et simple. Il affirme donc qu’il a ex- doute la polarisation qu’elle implique. Bien sûr, il n’a que
posé ailleurs qu’ici la résolution de cette aporie — on trouve faire d’une assimilation de l’être au feu et du non-être à la
cela dans le premier livre de la Physique ». Cependant, comme terre. Comme il le dit lui-même, supposer ces deux-là ou
le dit bien Williams, p. 83-84, « the reference here to other ac- deux autres contraires n’importe guère. En revanche, Aris-
counts or arguments is usually taken to be Physics, I. 6-9, or
tote rejoint le Parménide de la doxa dans le projet d’une
some part of it. But the summary which Aristotle proceeds to
give makes the distinction between actuality and potentiality do polarisation de toute génération. Tout couple de contraires,
the whole work of resolving the difficulty about what it is that a selon le Stagirite, est constitué d’un pôle « positif » et d’un
thing comes to be from simpliciter. The notions of actuality and pôle « négatif ». Dans le cas du feu et de la terre, celui-là
potentiality, however, play an exiguous role in these chapters est positif, celle-ci négatif. Parménide a radicalisé les choses
of the Physics ». Aristote (17b 14-18) poursuit cependant en don- en allant jusqu’à assimiler ce couple (parmi bien d’autres) à
nant lui-même quelques informations supplémentaires : « mais,
pour résumer, on dira que d’une certaine manière, il y a géné-
l’Être et au non-Être. Son choix archaïque avait au moins le
ration à partir de non-être pur et simple, et d’une autre, que mérite de montrer, face à des physiciens qui n’auraient vu là
ce qui est engendré l’est toujours à partir de l’être. Car l’être que du devenir indéterminé, que la génération, même dans
en puissance et non-être en entéléchie, il faut bel et bien qu’il les cas en apparence indifférenciés, est en fait polarisée.
préexiste [προϋπρχειν], puisqu’on le dit être et ne pas être ». La suite du texte confirme cette lecture 3 :
Cette phrase se donne donc explicitement pour un résumé d’un
développement sur la question. Or il nous semble que ce dé-
Une autre manière consiste à s’interroger sur la
veloppement n’est pas celui de Physique I 6-9, mais qu’Aristote détermination de la matière : celle dont les diffé-
fait plutôt référence au livre III de DC et à la théorie de la gé- rences signifient davantage une individualité propre
nération mutuelle qu’il met alors en place : il y prouve en effet est davantage substance et celle dont les différences
la nécessité, pour tout système physique cohérent, d’accepter signifient davantage une privation est plus non-être
la génération mutuelle des éléments, pour que la génération, — ainsi, s’il est vrai que le chaud est une prédication
tout en étant totale, n’ait pas lieu à partir de rien. Les paral- à titre de forme, tandis que le froid n’est qu’une priva-
lèles sont frappants — ainsi, en DC III 2, 302a 3-9 : « un corps tion, la terre et le feu se distinguent précisément par
peut naître d’un autre ; par exemple, le feu peut naître de l’air. ces différences.
Mais naître absolument, sans qu’une autre grandeur prééxiste
[προϋπρχοντοv], c’est là chose impossible. Bien sûr, c’est de ce
qui est en puissance un certain corps que peut naître un corps en 1. Cf. infra, p. 16, n. 6.
acte ; mais si ce qui est un corps en puissance n’est pas au préa- 2. Cf. par exemple GC II 8, 35a 14-20.
lable un autre corps en acte, il existera du vide à l’état séparé ». 3. GC I 3, 18b 14-18.
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l xx INTRODUCTION INTRODUCTION l xxi
On aurait là, selon l’exégèse traditionnelle, la « thèse « ça se corrompt », absolument, tandis qu’ils tiennent
propre d’Aristote » 1. Aristote se contente cependant de pous- pour une génération le changement qui a lieu vers le
ser plus avant sa conception de la polarité. Celle-ci, nous tangible ou la terre), mais selon la vérité, ils sont plus
individualité propre et forme que la terre.
dit-il, apparaissait déjà dans l’opposition entre une substance
« formelle » comme le feu et une substance « matérielle » L’intuition attribuée au vulgaire (τοEv πολλοEv), est en dé-
comme la terre. On peut cependant sonder les êtres à un finitive la seule thèse qu’Aristote paraisse à première vue
autre niveau, celui des affections (ici, constitutives). On ne critiquer : les hommes sans éducation, en se fiant à leurs
s’intéressera plus alors de but en blanc aux substances réa- sens, voient un être plus déterminé dans ce qu’ils perçoivent
lisées, mais à leur structure entitative (feu = chaud + sec, mieux. Ils assimilent indûment, par conséquent, science et
terre = froid + sec). Le chaud étant davantage une « positivité sensation. Mais l’intérêt du passage réside moins dans cette
et une forme » (κατηγορ¬α τιv κα εµδοv) que le froid, cette critique — au demeurant assez banale dans la tradition pla-
différence rejaillira sur notre représentation du devenir : la tonicienne 1 — que dans l’accord partiel qui unit malgré tout
polarisation n’apparaît pas seulement au niveau épiphanique le Stagirite aux tenants d’une telle théorie. De fait, Aristote
des substances achevées, mais étend sa loi jusqu’aux profon- écrit que ceux-ci « sont sur les traces de la vérité mais ce
deurs des affections constitutives. qu’ils disent n’est pas en tant que tel vrai ». C’est que le vul-
Le troisième moment est peut-être, de ce point de vue, le gaire a raison de vouloir orienter le devenir mais, en s’en
plus intéressant 2 : remettant exclusivement à la sensation, il le fait à contre-
Mais l’opinion courante est plutôt d’avis que la diffé- sens 2.
rence tient à la possibilité et à l’impossibilité d’être
objet de perception : quand en effet il y a changement
vers une matière perceptible, les gens disent qu’il y 1. On notera la récurrence, dans les contextes où affleurent
a un processus de génération, mais quand c’est vers les thèses de Protagoras, de la référence au « vulgaire », chez
une matière inapparente, de corruption. Ils jugent Platon (cf. Théétète 152c) comme chez Aristote. Les deux phi-
en effet de l’être et du non-être à l’aune de ce qu’ils losophes ne dissocient guère la critique épistémologique du
perçoivent et ne perçoivent pas (le connaissable est critère de vérité de Protagoras de la critique éthico-axiologique
être et l’inconnaissable non-être, dès lors que la per- de sa théorie démocratique de la vérité — cf. F. Wolff, « Dé-
ception a force de connaissance). Il en irait ainsi des mocratie et vérité », Centro de lógica, epistemologia e história da
choses comme d’eux-mêmes, qui pensent vivre et exis- ciência, 1987, p. 151-171. Il ne faut donc pas prendre la réfé-
ter du fait qu’ils perçoivent ou peuvent percevoir ; en rence au vulgaire pour une simple mention de l’homme de la
un sens, ils sont sur les traces de la vérité, mais ce rue, mais y voir une disqualification commode de ce que Platon
qu’ils disent n’est pas en tant que tel vrai. Car juste- et Aristote percevaient comme une position théorique à plu-
ment, la vérité du processus de génération-corruption sieurs titres embarrassante.
absolue diffère de ce qui nous en apparaît : le souffle 2. Philopon, In GC, 57,27-58,2 exprime la même idée un
en effet et l’air sont moins selon la perception (c’est peu différemment : « le fait de penser que ce qui est davan-
pourquoi, de ce qui se corrompt, les gens disent, parce tage connu est davantage être et que ce qui est moins connu
que le changement se produit vers ces matières, que est moins être ou, tout simplement, définir l’être et le non-être
par la science et l’ignorance, cela est vrai (ce qui, de par sa na-
ture propre, est inconnaissable, est en effet non-être) ; mais il
1. Cf. Joachim, p. 99 : « the second alone is endorsed by est faux de réduire la sensation à la même chose que la science ».
him as sound ». Implicitement, Philopon pose donc la possibilité d’une polari-
2. GC I 3, 18b 18-33. sation de l’être, qui calque son degré de cognoscibilité. C’est
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l xxii INTRODUCTION INTRODUCTION l xxiii
Aristote récapitule alors son développement 1 : Aristote n’a pas ici l’ombre d’un rejet pour cette théorie
Ainsi donc, du fait qu’on a d’un côté la génération dualiste parménidienne que par ailleurs il refuse. C’est au
absolue qui est corruption de quelque chose, et d’un terme d’une pétition de principe que les commentateurs af-
autre côté la corruption absolue qui est génération de firment qu’Aristote n’admet que la deuxième des trois thèses.
quelque chose, on a dit la cause ; c’est en effet parce Ce qu’Aristote cherche plutôt à illustrer, c’est en quel sens
que la matière diffère, ou par le fait d’être ou de ne
pas être substance (τG οÍσ¬αν εµναι), ou par le fait d’être il accepte les trois. La première, parce qu’il reconnaît le pas-
plus ou moins substance, ou par le fait que la matière à sage de l’indéterminé au déterminé ; la deuxième, parce qu’il
partir de laquelle ou vers laquelle a lieu le changement reconnaît celui du moins déterminé au plus déterminé ; la
est plus ou moins perceptible. troisième, parce qu’il reconnaît le bien-fondé de l’idée de
Les commentateurs sont en général silencieux sur ces passage à du plus déterminé. Nul hasard, dès lors, si dans
quelques lignes. On comprend pourquoi : elles contredisent l’exposé de la deuxième thèse, Aristote parle de catégorie,
l’auto-implication apparente de la génération et de la sub- κατηγορ¬α, dans un sens manifestement différent de celui
stance (au sens catégorial). Aristote ne pouvant dire qu’une des Catégories. Il y a, pour chaque couple de contraires, une
substance provient d’une non-substance, il ne reste plus qu’à « catégorie » et une « forme ». Restera bien sûr à exhiber les
voir dans ce résumé un rappel, non endossé, de l’opinion de critères permettant de les caractériser en tant que telles.
Parménide. La solution est sans doute que le terme οÍσ¬α Il ne faudrait pas davantage interpréter le rappel de la
n’a pas ici son sens scolastique et que c’est cette différence troisième thèse comme une simple citation du vulgaire. Aris-
qui explique qu’Aristote puisse autant se rapprocher de Par- tote reste vague, c’est-à-dire se contente de croiser deux
ménide dans l’exposé de la première thèse. L’objet de GC à deux les couples « à partir de »/« vers » et « plus percep-
I 3 étant d’échapper au devenir indifférencié, soit de réin- tible »/« moins perceptible », sans dire quel produit il associe
troduire une polarisation dans la γνεσιv, l’οÍσ¬α fonctionne à la γνεσιv πλC et quel autre à la γνεσ¬v τιv. On est donc
moins comme substance au sens catégorial du terme que fondé à supposer qu’il a maintenant en tête non pas la thèse
comme positivité ontique. Il ne s’agit plus seulement de ce erronée du vulgaire, mais la position correcte qu’elle lui a
sujet dernier des Catégories duquel tout s’affirme et qui n’est permis de dégager (soit : les objets physiquement les plus
affirmé de rien, mais de la forme en tant que forme, c’est- subtils sont ontologiquement les plus denses).
à-dire de l’idée de réalisation en tant que telle : l’οÍσ¬α, Nous devons donc renoncer à l’idée, diffusée par Joa-
« individu pris dans son essence », peut viser la réalisation chim 1, d’une confrontation des théories aristotéliciennes
de la forme dans cet individu 2. Est-il à ce stade nécessaire de avec les « singularités (peculiarities) de l’usage linguistique ».
souligner comme nous nous rapprochons de la terminologie La langue la moins artificielle est sur ce point beaucoup plus
platonicienne classique, où οÍσ¬α n’est perçu que comme aristotélicienne qu’on ne le suppose généralement : selon
la substantivation de εµναι 3 ? C’est la raison pour laquelle Joachim, « si la théorie aristotélicienne de la γνεσιv sub-
stantielle est vraie, nous ne devrions jamais parler de πλC
γνεσιv ou de πλC φθορ, mais toujours et uniformément
l’exigence de polarisation, au contraire de son fondement épis- d’un processus à double face qui est à la fois la γνεσιv
témique concret, qu’Aristote partage avec les sensualistes. de quelque chose et ipso facto la φθορ de quelque chose
1. GC I 3, 18b 33-19a 3.
2. Cf. Metaph. ∆ 8, 1017b 23-26.
3. Cf. supra, p. lvi, n. 3. 1. Joachim, p. 98 sqq.
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l xxiv INTRODUCTION INTRODUCTION l xxv
d’autre. Mais l’usage linguistique apparaît contredire une légèrement le tir sur la question du rapport entre les deux
telle théorie » 1. La théorie attribuée à Aristote par Joachim termes du processus : Aristote ne ferait que développer, dans
reviendrait donc à la seule formalisation, grâce au système le GC, l’opposition forme/privation de la Physique. Cette ob-
des catégories, de l’argument des contraires sous sa forme jection est forte, car elle pointe une véritable difficulté de
phédonienne : la génération d’un contraire est la corruption la subordination de la biologie à la physique. Avant de re-
de l’autre contraire. Aristote noterait que la langue parlée venir plus longuement sur ce point en dernière partie 1, on
ne respecterait pas cette symétrie mais, d’elle-même, orien- se contentera pour l’instant de signaler que l’exemple de la
terait l’opposition. Il nous semble cependant que son but est terre et du feu est moins abstrait qu’il n’y paraît. La terre et le
diamétralement opposé. Aristote n’oppose pas trois usages feu, sous un point de vue important, ne sont pas des choses,
linguistiques à sa théorie de la génération, mais montre com- des objets, comme la statue ou le mur, mais des individus du
ment celle-ci est confirmée par trois intuitions — reflétées cosmos qui se comportent comme des substances achevées
dans le langage — du devenir. (les animaux et les plantes) : ils sont en particulier dotés d’un
Ce parti pris, qui rompt avec l’indifférenciation du devenir lieu, d’une forme et d’un mouvement naturels. Plus donc
présocratico-phédonien et infléchit jusque la thèse de Phy- qu’une remise en cause du schème biologique, la mention
sique I 7, engage notre lecture du GC dans son unité et son de la terre et du feu pose la question du rapport entre cos-
rapport au corpus biologique. Car si le facteur essentiel de mologie et biologie. Un renvoi de la Physique au GC affirme
toute génération devient la polarisation de ses deux termes, d’ailleurs explicitement l’existence de ce sens non simple-
il faudra tôt ou tard s’expliquer sur les critères permettant de ment objectal (objet comme agglomérat de matière dans un
définir une positivité supérieure (une κατηγορ¬α au second lieu donné), mais cosmologico-métaphysique 2 :
sens du terme). Cette explication n’étant jamais fournie, C’est là le rapport de l’air à l’eau : car comme pour
mais toujours latente, dans le GC, il y a des présomptions une matière, il est forme, tandis que l’eau est matière
fortes pour en assigner la réalisation aux traités biologiques. de l’air — lui est comme un acte de celle-ci : l’eau est
L’idée d’Aristote serait alors justement que la positivité ne se en effet air en puissance, tandis que l’air est eau en
puissance d’une autre manière. On doit traiter de ces
démontre pas, mais s’exhibe dans la recherche biologique. À points par la suite.
rebours, cet aboutissement confère sa signification à la théo-
Aristote admet par là, en contexte cosmologique, un se-
rie du devenir du GC : il s’agit d’une formalisation encore
cond type, hautement polarisé, du rapport entre deux
abstraite, mais déjà travaillée par les catégories — biolo-
éléments, qui tient à deux acceptions différentes du couple
giques — des fonctions du vivant, dont il faudra plus tard
acte/puissance. Alors que la terre est feu en puissance et
rendre compte.
réciproquement si l’on se place du point de vue physique
Va-t-on trop vite en besogne ? Même à admettre que le
et de la possibilité du changement, il y a un sens, cosmo-
devenir biologique soit incompréhensible sans polarisation,
logique cette fois, où la terre est puissance du feu mais où
les exemples d’Aristote (le feu et la terre) n’ont rien de
celui-ci n’est que forme de la terre ; en cosmologie, l’acte ou-
particulièrement biologique. On pourrait donc tout à fait ré-
blie d’être acte d’une puissance et se contente de renvoyer à
introduire cette sorte de théorie a priori de la génération
chère aux lectures analytiques, en se contentant de rectifier
1. Cf. infra, p. cxl sqq.
2. Phys. IV 5, 213a 1-5. Voir les précisions intéressantes en
1. Id., p. 98. Suivi par Tricot, p. 30-31. DC IV 3, 310b 11-15.
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l xxvi INTRODUCTION INTRODUCTION l xxvii
une densité ontologique supérieure. Il ne serait pas naturel correcte, d’être sémantiquement intenable. En d’autres
d’affirmer que le feu, absolument parlant, est terre en puis- termes, il fait fond sur le caractère non signifiant de (1) resp.
sance ; il est seulement davantage en acte. Et c’est la seule (20 ) — c’est-à-dire sémantiquement non immédiatement ré-
relative isonomie entre les quatre éléments d’ici-bas qui per- ductible à (3) resp. (30 ) 1 — et s’en sert comme d’un indice
met d’employer à leur sujet les deux sens de l’opposition. pointant vers sa propre théorie des substances individuelles 2.
Revenons pour le moment au cas simple du vivant. Parce La préférence accordée par tout locuteur à (2) et (10 ) sur (1)
que le langage est rationnel, il rend la polarisation du monde et (20 ) reflète l’ancrage sensible de la positivité formelle. Au
biologique, c’est-à-dire n’exprime pas de la même manière terme de ce passage, Aristote n’a donc dit qu’une chose : il
des processus identiques au niveau d’une description abs- y a, dans dans tout couple définissant le devenir, une borne
traite. (I0 ) recouvre ainsi deux processus indiscernables au positive et une borne négative.
niveau de la structure linguistique qui les exprime, mais de
c. Devenir et catégories
nature biologico-métaphysique distincte selon Aristote, soit
(avec S+ substance de densité ontologique supérieure à S- ) : Tout le passage centré sur l’asymétrie de la génération ré-
— S+ γ¬νεται S- ; ciproque est suivi d’un paragraphe où, selon l’interprétation
— S- γ¬νεται S+ . classique, Aristote distingue la génération selon la substance
de la génération selon les autres catégories 3. Mais qu’est-ce à
C’est parce que tout locuteur sent bien qu’il s’agit là de dire ? Parce que les commentateurs, à l’exception peut-être
deux orientations distinctes et opposées qu’il polarise na- d’Averroès 4, ne saisissent pas bien le rapport de ce dévelop-
turellement son discours en fonction de ce qu’il juge — pement avec ce qui le précède, ils ne comprennent pas non
parfois à tort — ontologiquement le plus dense. Prenons plus la position argumentative du « passage aux catégories ».
le cas le plus évident, habituel chez Aristote, de l’embryon, Les considérant comme des faits acquis — quoi de plus aristo-
de l’homme et du cadavre et envisageons le changement du télicien que les catégories ? — ils ne peuvent plus expliquer
premier au deuxième ([− → +]) et du deuxième au troi- que cet apparent fondement de la théorie de la génération
sième ([+ → −]) : apparaisse comme une conclusion de tout l’argument de I 3
• homme → cadavre ([+ → −]) ; ni, surtout, qu’Aristote en appelle à chaque fois à la notion
— (1) le cadavre est engendré (γ¬νεται) ; de τ¾δε τι. Il faut dire que la thèse scolastique de la γνεσιv
— (2) l’homme est corrompu (φθε¬ρεται) ; comme mouvement-dans-la-catégorie-de-l’οÍσ¬α a tôt fait de
— (3) l’homme devient (γ¬νεται) cadavre.
• embryon → homme ([− → +]) ;
— (10 ) l’homme est engendré (γ¬νεται) ; 1. (1) et (20 ) ont bien un sens immédiat, mais celui-ci n’est
pas le même que celui de (3) et (30 ). (1) reviendrait à la produc-
— (20 ) l’embryon est corrompu (φθε¬ρεται) ;
tion d’un cadavre à partir d’éléments encore plus simples — de
— (30 ) l’embryon devient (γ¬νεται) homme. la terre et de l’eau, par exemple — tandis que (20 ) suggère l’anni-
La syntaxe présocratique du devenir consistait à ramener hilement de l’embryon, dans les quatre corps élémentaires par
exemple.
(1) et (2) à (3) et (10 ) et (20 ) à (30 ) en attaquant à chaque fois 2. Aristote affirme explicitement qu’un homme n’est pas
les deux premières expressions, linguistiquement bien for- un cadavre en puissance en Metaph. H 5, 1044b 34-1045a 2.
mées, comme physiquement inadéquates. Aristote procède 3. GC, 319a 8 sqq.
à l’inverse. Il reproche à une telle réduction, physiquement 4. Et, en un sens, de Williams qui le suit.
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l xxviii INTRODUCTION INTRODUCTION l xxix
refluer sur la lecture des occurrences du verbe γ¬γνεσθαι chez Il faut dire que la formulation du GC prête à confusion.
Aristote. On interprétera alors les schèmes linguistiques na- Après sa récapitulation des trois « intuitions de polarisa-
turels, qui ne constituent que le point de départ d’Aristote, tion », Aristote revient sur le dernier exemple verbal du
comme le reflet de l’ontologie des catégories dans cette passage qui avait donné lieu à cet exposé en le distinguant ex-
langue technico-naturelle propre au Stagirite. Cette erreur pressément de ceux qui le précédaient. C’était des tournures
d’orientation ferait de l’effort aristotélicien pour penser la comme « voilà que ça se corrompt », « il y a génération »,
γνεσιv une quasi tautologie, de la forme suivante : il y a des « il y a corruption », dont l’intuition de polarisation rendait
substances (οÍσ¬αι) ; le mouvement dans la catégorie des sub- compte. « Mais, dit Aristote, la dernière chose dite (τ¿ δL
stances s’appelle (par définition quasi arbitraire) : γνεσιv ; Ïστερον ε®ρηµνον) ne s’enquérait pas de ce point, mais de
une phrase du type : « du feu se produit », πÖρ γ¬γνεται, pro- savoir pourquoi ce qui apprend n’est pas dit, absolument,
noncée sans y penser par le vulgaire, reflète, à un certain devenir, mais devenir savant, tandis que ce qui surgit de terre
niveau d’analyse, le cadastre ontologique du sensible. Tout est dit devenir » 1. La question du rapport entre les deux déve-
le travail d’Aristote aurait donc consisté dans l’identification loppements pose un problème qu’escamotent la plupart des
d’une substance-substrat. commentateurs modernes — qui se contentent de prendre
Il faut en réalité comprendre que la définition de la sub- Aristote au mot et d’y voir deux discussions séparées de deux
stance, en ce qu’elle met en jeu l’unité-identité de l’objet, structures syntaxiques distinctes. Ainsi, Joachim, suivi par
n’est pas si antérieure au problème de la génération, ni si in- Tricot, considère les deux séries d’exemples comme des ins-
dépendante de lui, qu’elle puisse tenir lieu de donnée connue tances, essentiellement linguistiques, paraissant contredire
à partir duquel le résoudre. Or la génération entretient avec la réduction syntaxique (présocratique) du devenir mais ne
le devenir un rapport dont la complexité est reflétée, en reflétant en réalité qu’une différence de potentiel entre deux
grec, par l’identité du vocable γνεσιv. On ne peut donc pôles. Pour Migliori, la seconde opposition déborde le cadre
parler de « substances » sans être au clair sur leur identité linguistique 2, ce qui implique sans doute que la première en
(génération/perdurance), ainsi que sur leur comportement relève. Williams, qui déclare suivre les « Médiévaux » 3, tend
chimique (altération) et spatial (augmentation). Supposons d’un côté à unifier les deux séries (il reproche à Joachim de
en effet le traitement naïf du problème, qui présupposerait les trop les distinguer) ; mais, d’un autre côté, bien qu’ayant
catégories. L’adversaire physicien refusera que X quel qu’il considéré les trois intuitions polarisantes comme « trois rai-
soit demeure identique à soi entre t1 et t2 , ou révoquera en sons pour distinguer génération et corruption simpliciter
doute la distinction entre une altération et une génération et génération et corruption secundum quid », il revient en-
au profit d’un « devenir » générique indéterminé. C’est donc suite à la vieille idée d’une « confusion » (il faut sans doute
presque davantage la considération du changement qui dicte comprendre : linguistique) entre ce qui devient et ce qui
celle de l’être, que l’inverse. Dilemme dont Aristote n’est devient-savant. 4. Le mot « raisons » (reasons), en outre, est
peut-être jamais tout à fait sorti, mais qu’on ne peut lui re- ambigu : la vérité que celles-ci dévoilent se referme-t-elle
procher de ne pas avoir aperçu ni tenté de résoudre 1.
1. GC I 3, 19a 8-11.
2. Cf. Migliori, p. 167.
1. Pour notre interprétation de la résolution biologique de 3. Williams, p. 91.
l’aporie aristotélicienne de l’identité, cf. infra, p. cxxx sqq. 4. Ibid., p. 94.
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l xxx INTRODUCTION INTRODUCTION l xxxi
analytiquement sur ces trois cas ou, comme nous le croyons, d’intention (maqs.ūd bi-dātihi = quod intenditur per se) et de
est-elle indicative d’un autre niveau, plus profond, de réa- substantialité (al-gawhariyya = substantialitas) 1. Cette rédu-
lité, qu’on s’apprête à retrouver dans l’opposition entre le plication du τ¾δε τι dans une terminologie sans équivalent
devenir selon la substance et celui selon les catégories ad- aristotélicien suggère qu’Averroès a perçu qu’il fallait sor-
jectivales ? Dans ce dernier cas, il est exclu de parler de tir de la substance catégoriale pour être en mesure d’asseoir
« confusion » entre les deux types de devenir, puisque leur la suprématie ontique de cette dernière. Le Commentateur,
opposition relève de la même structure que celle que poin- qui travaille sur les seules versions arabes d’Aristote, est au
taient les trois « raisons ». Il reste que Williams fait plus que bord de retrouver, à partir d’une analyse philosophique, la
s’approcher de la solution en voyant, dans tous les exemples connexion étymologique entre οÍσ¬α et Ãν/εµναι, et de fon-
d’Aristote, la distinction fondamentale entre le plus d’être et der clairement la substance sur la détermination. Pourquoi
le moins d’être 1. s’arrête-t-il au seuil du renversement explicite ? Première-
Le commentateur qui a posé explicitement la question du ment, sans doute, par respect du texte commenté. Aristote
rapport entre les deux oppositions (interne aux substances, lui-même hésite à dire clairement les choses et maintient
entre les substances et les accidents), pour conclure à une l’antériorité systémique du τ¾δε τι sur l’οÍσ¬α au niveau de
certaine identité, est le « médiéval » Averroès 2 : l’indice. C’est aussi qu’en dernière instance, le τ¾δε τι est
La raison de ces deux usages, je veux dire celui dans l’οÍσ¬α. D’une manière plus fondamentale, Averroès est un
le cadre des substances et celui dans le cadre des acci- héritier de la séparation, entérinée par Alexandre d’Aphro-
dents et des substances, est, en un certain sens, une dise, entre les corpus physique et biologique 2. Il lit donc la
raison unique, à savoir : il se trouve là deux classes, <et
il se trouve dans ces deux classes deux classes>, l’une
parfaite et l’autre imparfaite ; on dit donc, pour le 1. Ibn Rusd, Talhı̄s., p. 34, l. 2-7 : « Il semble qu’il en aille de
changement à partir du parfait et vers le parfait, dans même pour les substances les unes avec les autres, puisque les
les deux classes, « génération absolue » et « corruption substances qui changent sont différentes en ce que certaines
absolue » et, pour le changement vers le déficient et à signifient l’individu déterminé selon l’antériorité et la réali-
partir du déficient, « génération relative » et « corrup- sation, je veux dire ce qui est substance première et visé par
tion relative ». soi, tandis que d’autres ne signifient pas un semblable indi-
Où Averroès situe-t-il la perfection et la déficience ? Il vidu déterminé, mais ne signifient qu’un individu déterminé
postérieur quant à la substantialité ». Cf. Averrois Cordubensis
l’a dit plus haut, en discutant les trois polarisations : dans Commentarium Medium in Aristotelis De Generatione et Corruptione,
les notions de détermination (al-musār ilayhi = τ¿ τ¾δε τι), rec. F. H. Fobes, Cambridge (Ma.), 1956 [= Corpus Commentario-
rum Averrois in Aristotelem, Versionum Latinarum IV, 1], 158ra, ll.
62-67 (p. 28).
1. Cf. p. 91 : « Just as accidental being is allowed to be said 2. Cf. infra, p. clxxxv, n. 1. On pourra d’ailleurs se deman-
to ‘be’ only because of its relation to substantial being, so within der la part qui revient au commentaire perdu d’Alexandre à GC
the category of substantial being some things are more, some I 3 dans la lecture d’Averroès. Philopon polémique contre des
less, entitled to the description ousia (the verbal noun from the auteurs anonymes (In GC 52, 20 et 54,19 : τινεv) selon lesquels
Greek verb ‘to be’) according as they are more or less identifiable Aristote n’aurait pas parlé de « génération relative » à propos de
with eidos (form) ». substances, mais seulement au sujet d’accidents. S’agit-il seule-
2. Ibn Rusd, Talhı̄s., p. 37, l. 8-12. Averroès parler égale- ment de l’exégèse de 18a 27-b 2 ou de tout le passage 18a 27-19a
ment d’une « similitude/ressemblance » (33,15 : sabı̄h ; 37,22 : 3 ? Philopon n’est pas clair sur ce point. Le passage était à tout
alā gihatin sabı̄hatin) entre les deux oppositions. le moins disputé.
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l xxxii INTRODUCTION INTRODUCTION l xxxiii
« physique » comme un tout suffisant, à soi seul, à fonder exprimées : même dans son rôle le plus catégorial, la « sub-
la substance. Aristote, qui s’apprête à suivre le déploiement stance » vaut avant tout comme principe d’individualité
du τ¾δε τι dans le corpus zoologique et botanique, n’a pas concrète. La génération dans le domaine de la « substance »
cette contrainte et peut laisser plus ouverte la question de est plus « absolue » parce que la substance est davantage être
la nature exacte de la réalisation. Averroès, en revanche, ne que les autres catégories. Aristote tient tellement à main-
saurait renoncer à une catégorisation achevée, analytique- tenir les prérogatives d’une positivité structurante qu’il ne
ment close, de la « substance » au centre de la physique, sous peut s’empêcher, en conclusion de ce rappel de la distinction
peine de prêter le flanc aux attaques des ontologies rivales 1, catégoriale, d’y revenir 1 :
qui en appelleront précisément à des réductions syntactico- Il reste cependant que, semblablement dans toutes les
présocratiques du devenir. La positivité n’est donc plus catégories, la génération est dite selon l’un des termes
dictée par l’orientation, abstraite comme toute relation, de la polarisation binaire : par exemple, dans la sub-
quoiqu’éminemment attestée, du devenir biologique, mais stance, si c’est le feu et non si c’est la terre ; dans la
qualité, si c’est le savant et non si c’est le non-savant.
tend à se confondre avec la substance monadique dont on
prédique le devenir. Le processus [terre → feu] est réductible au schème S+
Retenons d’Averroès l’idée d’une liaison forte entre les γ¬νεται (πÖρsujet γ¬νεται) tandis que le processus [feu → terre]
deux développements d’Aristote : Aristote doit fonder la sub- ne peut être légitimement exprimé par la formule γCsujet
stance dans la positivité et non la positivité dans la substance. γ¬νεται et sa structure se rapprochera de celle des attribu-
Ce n’est pas parce que les substances sont les objets les plus tions adjectivales (πÖρsujet γ¬νεται γCattribut ). La typologie se
achevés, les plus réalisés, du sensible, qu’elles dicteraient de complexifie ici légèrement dans la mesure où Aristote sug-
manière simplement analytique ce que nous devons entendre gère que même dans le cas d’un processus qualitatif ([savant
par réalisation. Cette exigence explique qu’Aristote, dans → non-savant] ou [non-savant → savant]), il y a une façon
l’ordre de l’exposition, traite d’abord de la positivité puis de (1) d’affirmer et (2) de polariser le γ¬νεσθαι. Malgré ces pe-
l’opposition substance/catégories adjectivales et, comme on tits détours, l’idée directrice subsiste : dans tous les cas, il
va le voir, lit le cadastre catégorial lui-même (cf. 19a 11 : s’agit de déterminer ce qui fonde la génération absolue —
ταÖτα διÞρισται ταEv κατηγορ¬αιv) au travers du prisme de conçue comme déterminable en droit par le test du « deve-
la positivité. La première phrase du développement est à cet nir absolu », γ¬νεσαι-∅ — contre ses types « inférieurs » ;
égard significative 2 : dans tous les cas, Aristote fait passer sa théorie par l’idée de
Certaines choses signifient en effet une individualité réalisation — la génération est définie par le terme auquel
concrète (τ¾δε τι), d’autres une qualité, d’autre une elle aboutit et elle est d’autant plus absolue que le terme est
quantité : toutes celles donc qui ne signifient pas une plus parfait. Et dans tous les cas, Aristote s’estime justifié
substance (οÍσ¬αν) ne sont pas dites absolument « de- à dire que la génération au sens le plus plein est orientée
venir », mais « devenir quelque chose ». primordialement vers l’οÍσ¬α-εµναι.
Aristote introduit d’abord le τ¾δε τι, qu’il reprend ensuite Revenons au texte de la Physique déjà cité 2. Aristote dis-
par l’οÍσ¬α. Les priorités notionnelles sont ainsi clairement tinguait deux relations de la puissance à l’acte, une relation
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l xxxiv INTRODUCTION INTRODUCTION l xxxv
symétrique et horizontale à l’intérieur de chaque catégorie Le chapitre I 3 laisse donc une question ouverte, celle
(physique) et une relation asymétrique et hiérarchique (cos- de la réalisation. Si l’on comprend bien que le devenir est
mologique). Cette dualité fonde l’aporie du GC : d’un côté, un processus orienté, Aristote ne nous dit encore nulle part
Aristote s’emploie, dans le livre II principalement, à mon- explicitement que c’est un processus que le vivant oriente
trer l’isonomie des quatre corps élémentaires ; de l’autre, le éminemment. Les allusions, il est vrai, sont déjà assez trans-
schème ordonnateur est celui d’une tension vers la forme et parentes, puisqu’on assiste au remplacement du devenir par
la réalisation. Le système aristotélicien, avec sa dichotomie la génération. Il faudra toutefois attendre la suite du traité,
entre sublunaire et supralunaire, transpose la limite consti- et surtout la suite du corpus biologique, pour les trouver
tuée par Platon entre notre monde et celui des Formes dans confirmées.
l’univers proprement dit : la réalisation n’est plus extérieure Il reste un long chemin à parcourir avant cette confir-
à l’univers mais lui est immanente. Si la forme d’Aristote mation, qui passe par la discussion de toutes les formes de
conserve quelque chose de celle de Platon, c’en est avant générations « faibles » indiquées en I 3, altération et augmen-
tout la fonction polarisante 1. tation au premier chef. L’idée, en quelque sorte purement
rationnelle, de l’unité du changement, impose qu’on en
suive les ramifications. Ce parcours, indépendamment de sa
1. Le statut de critère ainsi accordé par Aristote à la po-
larisation de l’énoncé naturel (point de vue sémantique) de nécessité interne, corrobore la lecture proposée de la « phy-
préférence à la phrase grammaticalement correcte (point de vue sique » aristotélicienne : les changements ont beau y être
syntaxique) évoque de manière frappante les développements envisagés aussi abstraitement que possible, le projet biolo-
modernes de la linguistique cognitive. S’y manifeste en effet gique n’est jamais loin.
un souci caractéristique de mettre en évidence la façon dont
l’expérience du monde perçu par les locuteurs informe l’usage
linguistique jusque dans sa dimension syntaxique : les construc- 3. Les générations « faibles » :
tions syntaxiques elles-mêmes s’y voient attribuer une valeur altération, augmentation, mixtion
symbolique, c’est-à-dire relèvent encore de la sémantique. On
pense plus précisément aux notions de natural path et de starting
point élaborées par R. Langacker, Foundations of Cognitive Gram- Dans les chapitres subséquents du premier livre du GC,
mar, Stanford, 1991. Elles visent en effet à rendre compte du rôle Aristote étudie l’altération (I, chap. 4), l’augmentation (I,
que jouent, dans la formulation nécessairement orientée des chap. 5) et la mixtion (I, chap. 10), l’étude de cette dernière
procès, les schèmes cognitifs fondés sur la perception naturelle passant par celle du contact (I, chap. 6) et du couple action-
que le sujet en a, elle-même structurée en fonction de la circu- affection (I, chap. 7-9). Les deux premiers changements
lation de l’énergie, du statut des participants dans la hiérarchie
discursive, de l’autonomie conceptuelle des éléments et du dé-
étudiés sont considérés comme des « générations relatives »,
roulement temporel. En fait de linguistique « aristotélicienne », γενσειv τινv, non seulement en raison d’un fait de langue
c’était jusqu’à présent surtout au rapport entre catégories de (A devient blanc, devient grand), mais parce que la réali-
langue et catégories de pensée que les spécialistes avaient consa- sation qu’ils qualifient, sans être jamais totale, ne touche
cré leur attention. On a maintes fois tranché, à bon droit, en qu’un degré inférieur de l’échelle du en acte. C’est parce
faveur de l’autonomie des catégories de pensée (sur ce point,
cf. infra, p. cxxxiv, n. 3). Pourtant, cette conclusion n’est se-
lon nous justifiée que dans la mesure où Aristote, au sein du ainsi dire amphibie, ni pur langage ni pur réel, ni pure subjec-
discours (« être dans/se dire de »), retrouve moins un cadastre tivité ni pure objectivité, et qu’il ne sera pas absurde d’appeler,
neutre que des hiérarchies prenant naissance dans une zone pour faute de mieux, le « cognitif ».
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l xxxvi INTRODUCTION INTRODUCTION l xxxvii
que l’opposition πλFv/τιv n’est pas seulement linguistique pur monisme de l’altération sans pour autant sombrer dans
qu’elle se retrouve au sein de chaque catégorie : la γνεσιv un pluralisme oublieux de l’unité transgénérique de tous les
πλC mène au blanc, la γνεσ¬v τιv au noir, alors que dans corps.
les deux cas, la forme linguistique de la proposition reste
Affections vs qualités
identique (A devient blanc ou devient noir). Chacun de ces
changements posant cependant un certain nombre de pro- Au début de I 4, Aristote adopte un principe de distinction
blèmes spécifiques, on les étudiera séparément. entre génération et altération au premier abord contradic-
toire avec ce qu’il vient d’opposer, en I 3, à ceux qui jugent
a. L’altération (chap. I 4)
de la génération par leur sensation des termes du processus 1 :
La théorie de l’altération est le point le plus difficile du l’altération ne se distingue de la génération qu’en raison du
GC. C’est elle qui supporte le poids de la critique de l’ato- fait que celle-là n’affecte jamais le sujet au point de le rendre
misme, du fait que Leucippe et Démocrite, selon Aristote, méconnaissable aux sens, tandis que celle-ci annihile tout
sont incapables, malgré les réussites de leur modèle alpha- substrat sensible 2. Tout d’abord, on tient là un indice supplé-
bétique, de rendre compte de l’affection des corps. Il faut mentaire de ce qu’Aristote ne s’oppose pas entièrement à ces
donc distinguer le traitement pour ainsi dire officiel de l’al- amis des sens. Certes, l’air est davantage « être » que la terre,
tération, c’est-à-dire la tentative pour la distinguer de la même s’il est moins perceptible. Il reste que la dissolution
génération (I 4), de son rôle diffus dans toute la critique, pa- d’un objet a bien quelque chose à voir avec sa corruption 3. Il
tente ou latente, de l’atomisme. Cela se double d’une autre est très rare que la corruption ne passe pas, à un niveau ou un
difficulté : Aristote envisageant à la fois, dans le GC, (1) les autre, par une altération du corps considéré. Le changement,
différents types de changements et (2) les causes du sensible 1, identique à un certain niveau logique (vide), se produit alors
la clarté du traitement de l’altération souffre du rôle central dans des proportions telles qu’il rompt l’harmonie princi-
qu’elle joue à ces deux niveaux. En tant que catégorie propre- pielle et précipite la dislocation. Aristote veut dire qu’on ne
ment biologique, l’altération tient une place essentielle non saurait opposer, à sa réduction de la génération à des proces-
seulement dans la conceptualisation humorale de la maladie sus mettant en jeu les seules affections, qu’il la confond avec
mais aussi, et même surtout, dans la théorie aristotélicienne l’altération légère. Il y a une différence de degré qui affecte
de la sensation 2. En tant que catégorie physique générale, la forme du phénomène. L’identité, apparente aux sens, de
l’altération est au fondement des composants matériels du
monde et de leurs interactions. On ne saurait donc traiter de
la cause matérielle sans l’envisager. 1. GC I 3, 18b 18-33. Cf. supra, p. lxx sq.
Le second axe (théorie de la cause matérielle) est envi- 2. GC I 4, 19b 13-21. Un peu plus haut, en I 2, 17a 23-
sagé par Aristote à travers une question plus précise, celui 27, Aristote a réduit l’identification de tout sujet (Îποκ嬵ενον)
à celle d’un aspect matériel (Ïλη) et d’un aspect définitionnel
des rapports entre altération et génération. Expliquer le mé- (λ¾γοv). Il y a génération quand la transformation est consta-
canisme exact de la causalité matérielle, c’est dépasser un table à ces deux niveaux, altération quand la transformation est
« selon les affections et l’accident ».
3. Pour exprimer l’idée aristotélicienne en termes ana-
1. Pour le plan « démocritéen » du traité, cf. supra, p. chroniques, si la température du corps humain passe de 37° à
xxxiii sqq. 38°, il y a là une simple altération ; si c’est à 50°, l’altération
2. Cf. infra, p. cxxxvi sqq. entraîne automatiquement la corruption.
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l xxxviii INTRODUCTION INTRODUCTION l xxxix
telle ou telle substance, est garante de la perdurance tempo- changement « selon l’affection et la qualité » (κατ πθοv κα
relle du même individu. Aristote, tout à son projet physique, τ¿ ποι¾ν).
n’éprouve visiblement aucun intérêt pour la question logique
L’altération et la cause matérielle
— on songe à tous les paradoxes mégariques possibles — des
seuils en deçà et au delà desquels il y aurait soit altération soit Une telle restriction des qualités à l’affection s’explique
génération. parce qu’Aristote est déjà en train de mettre en place les
Plus profondément, on retrouve, au plan de l’λλο¬ωσιv, fondements de la théorie du changement matériel dévelop-
ce qu’on avait déjà constaté pour la γνεσιv : de même que pée en GC II 1-5. L’altération envisagée ne l’est pas pour
celle-ci se séparait d’un devenir indifférencié pour caracté- elle-même, mais dans la mesure où on ne saurait, sans elle,
riser la genèse d’un individu réalisé, celle-là accorde moins comprendre le mécanisme de la causalité matérielle. Les
d’intérêt au changement des qualités en général qu’à la dis- autres qualités mentionnées n’ont donc de valeur qu’analo-
cussion du statut des affections (πθη), qui ne sont, d’après gique et argumentative. La différence fondamentale avec le
les Catégories, que l’une — la troisième selon l’ordre de l’ex- traitement de la génération, sur laquelle nous aurons à re-
position — des quatre grandes classes de ποι¾τητεv 1. Le venir dans la Section III, tient au fait que GC I 3 contient
devenir en général, c’est le passage d’un état à un autre ; de manière générale et abstraite, mais directe, les cas de gé-
la qualité en général, c’est le simple fait d’être qualifié. Le nération biologique, tandis que GC I 4 décrit un processus
projet physique impose de restreindre le spectre des déter- qui, au fondement certes du changement biologique, n’en
minations à celles qui sont significatives pour l’identité et la est lui-même un qu’indirectement 1. Les critères mis en place
constitution intrinsèque des substances. On assiste ainsi, au pour cerner l’« altération » procèdent par conséquent moins
cours du chap. 4, à une réduction de la qualification (ποι¾ν) du verbalisme sourcilleux des Catégories que des impératifs
changeante à l’affection (πθοv) 2. Aristote introduit sa dis- d’une théorie de la matière qualifiée.
cussion en opposant, au changement selon la substance, le Cela explique certains aspects déroutants du chapitre I 4.
changement du rond à l’anguleux pour l’airain et du bien- Aristote y décompose l’objet changeant en deux éléments,
portant au malade pour le corps. Il s’agit respectivement, dont l’un au moins est une affection 2. Si l’affection est
dans la typologie des Catégories, de figures/formes (σχCµ une affection par soi 3 de l’autre élément, il y a altération ;
τε κα... µορφ) 3 et de dispositions (διαθσειv) 4. Quelques dans le cas contraire, génération. Or cette caractérisation
lignes plus bas, il évoque le changement de la culture à l’in- s’adapte aussi bien à la génération élémentaire (puisque
culture qui, sans être mentionné expressis verbis dans les les deux couples d’affections élémentaires, chaud-froid et
Catégories, relève néanmoins des habitus (ξειv) 5. Et il li- sec-humide, ne sont pas prédiqués les uns des autres)
mite finalement, dans sa récapitulation, l’altération au seul qu’aux altérations des substances informées (qui se résument
effectivement toujours au changement d’affections nécessai-
rement inhérentes à ces substances). Mais il est révélateur
1. Cf. Cat. 8, 9a 14-10a 10. qu’Aristote n’envisage pas le cas d’une altération des corps
2. Cette réduction est menée, de manière plus détaillée en- élémentaires (supposons que la température de l’air dans une
core, en Phys. VII 3.
3. Cf. Cat. 8, 10a 11-12 (quatrième genre des qualités).
1. Cf. infra, p. clxx-clxxvi.
4. Cf. Cat. 8, 8b 35-9 a 1 (premier genre des qualités).
2. 19b 21-24.
5. Cf. Cat. 8, 8b 26-35.
3. Cf. infra, p. 21, n. 1.
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xc INTRODUCTION INTRODUCTION xci
salle passe de 20° à 30° : il y a changement d’une affection GC I 4 renverse donc la préséance de la substance sur
constitutive mais pourtant pas génération) ni celui de la gé- la qualité : l’altération y dicte son régime à la génération,
nération d’une substance informée (c’est-à-dire vivante, au parce qu’elle est, des deux notions, la plus immédiatement
sens de GA) qui pose des problèmes très spécifiques. Aris- adhérente aux arcanes naturelles. L’altération est une mo-
tote se borne, quand il s’agit de génération, à évoquer les dalité essentielle du processus de génération. Le langage
corps premiers (l’eau et l’air) et, quand il s’agit d’altération, du γ¬νεσθαι s’interpose entre la γνεσιv et le réel. L’affec-
l’homme cultivé devenant inculte. C’est le résultat qui pour tion, dans sa brutale évidence, est garante d’un changement
l’instant lui importe : le passage de l’eau à l’air, même s’il de tout le corps. C’est elle qui rejaillit sur la génération et
n’a lieu que par le changement d’une affection, et si ces deux assure que cette dernière est elle aussi un processus im-
corps ne sont « constitués » que d’affections — deux points pliquant toute la matière en jeu. À rebours, l’altération —
qu’il appartient à la suite du traité de mettre en lumière 1 entendue cette fois comme changement « biologique » des
— ne doit pas être pris pour une altération. Nous aurons affections de la substance — nécessite un cadastre matériel
à revenir sur cette double thèse, qui comporte une double où les éléments soient clairement distincts les uns des autres,
exclusion 2. c’est-à-dire ne se résument pas à des flexions « qualitatives »
Ce rapprochement contrasté de la génération élémentaire d’un corps primordial — sous peine de confondre les mé-
et de l’altération est important. Car il s’intègre dans la stra- canismes d’interaction entre le monde et le vivant avec des
tégie anti-démocritéenne d’Aristote consistant à réduire le transformations radicales de ce dernier, assimilables alors à
changement verbalement décrit — et notre approche des des « générations absolues » 1. Ainsi, la fondation de la biolo-
phénomènes ne peut être que verbale — à une transformation gie implique le développement d’une théorie non biologique
intégrale du continu. Jamais le discours physique sur la géné- de la génération.
ration ne pourra établir, sans prendre l’altération en compte, C’est ce qu’Aristote veut dire en insistant sur le fait qu’il
que toute la matière, dans toute sa continuité géométrique, y a génération réciproque des quatre corps premiers. Cette
se transforme. Un atomiste pourrait à la rigueur admettre la thèse ne découle pas d’une admission a priori des éléments au
lettre des résultats de GC I 3. Il ne peut en revanche accep- titre d’οÍσ¬αι. En toute rigueur, Aristote considère les seuls
ter la théorie aristotélicienne de l’altération sans renoncer à
tous ses présupposés 3.
que l’airain devient statue), il ne peut en revanche accepter que
l’airain, en restant topologiquement identique à soi (sans varia-
tion de l’orientation des atomes) s’altère, ni a fortiori que cette
1. GC II, chap. 1-5. altération, poussée à l’extrême, produise un autre corps. La phé-
2. Cf. infra, p. cxxxix. noménologie aristotélicienne de la génération est transposable
3. En Phys. VII 3, 245b 1-246a 9, Aristote exprime obscu- dans un monde atomiste. Rien de sa théorie de l’altération ne
rément ce fait en se plaçant à un autre niveau du langage : non l’est.
pas l’ambiguïté du γ¬νεσθαι (génération vs. devenance), mais le 1. Cf. infra, p. clxx-clxxi. En DA III 13, 435b 7-14, Aristote
fait que dans les changements de forme par exemple, l’objet précise que la sensation (qui est « un certain type d’altération »,
n’est plus appelé « airain » mais « d’airain », « cire » mais « de cf. infra, p. cxxxvii) ne détruit le sens ou, dans le cas du toucher,
cire » etc., tandis que lors d’un changement d’affection, de 20° le vivant tout entier, qu’en cas d’excès. En tant que telle, la sen-
à 30° par exemple, on continue à appeler l’airain « airain ». Or sation n’a même pour but que de préserver la substance : cf. DA
si un atomiste peut tout à fait admettre qu’il y a « génération » III 12, 434b 9-27 ; III 13, 435b 19-25 ; Sens. I 1, 436b 12-437a
d’une statue à partir d’un bloc informe d’airain (en ce sens 17.
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xcii INTRODUCTION INTRODUCTION xciii
individus achevés comme des substances, allant jusqu’à dé- élément A se transforme en un élément B, l’une ou l’une et
nier que les femmes, les enfants ou les mules (naturellement l’autre des deux qualités constitutives de A change en son
stériles) en soient ; il refuse alors expressément qu’on consi- contraire, et c’est tout ce qu’il y a à dire du processus 1.
dère les éléments corporels comme des substances 1. Le GC, À bien y regarder, Aristote s’est prononcé contre la prima
même sans déclaration rigoriste sur ce point, porte trace materia mais, pour son malheur posthume, dans un passage
de ces réticences. Les quatre éléments sont en général dé- extrêmement difficile. En I 3, 19a 27-33, il commence par
signés comme de simples « corps ». L’insistance à voir des concéder l’existence d’un « non-être » au départ de la géné-
générations dans leurs transformations réciproques est ainsi ration et se demande « s’il est ou non l’un des contraires
davantage dictée par le refus de les considérer comme des al- (la terre et le lourd étant par exemple le non-être, le feu et
térations que par on ne sait quel traitement analytique d’un le léger l’être) ; à moins que la terre aussi soit être et que
statut substantiel donné a priori : la génération n’est pas ici le non-être soit la matière, celle de la terre tout autant que
le corrélat obligé de la substance, mais découle de la consta- celle du feu ». La seconde branche de l’alternative entraîne
tation de l’existence d’une structure clairement polarisée, une question supplémentaire : « mais ne dira-t-on pas cepen-
dont les deux termes sont ontologiquement distincts et ca- dant, que la matière de chacun des deux est différente ? Dans
ractérisables 2. ce cas en serait-il pas impossible qu’ils proviennent les uns
des autres et des contraires ? Car à ceux-là appartiennent les
Aristote sans prima materia
contraires, à savoir au feu, à la terre, à l’eau et à l’air. Ou
Cette ligne interprétative s’accommode bien d’un rejet bien la matière est-elle en un sens la même, en un autre sens
d’une prima materia aristotélicienne. À soi seule, elle ne suf- différente ? » ( στι µν äv αυτ, στι δLäv τρα ;). Suit
fit bien sûr pas à le justifier. Deux thèses s’opposent : soit l’on la phrase problématique 2 :
considère qu’Aristote a maintenu l’existence d’un substrat Ä µν γρ ποτε Âν Îπ¾κειται, τ¿ αÍτ¾, τ¿ δL εµναι οÍ τ¿ αÍτ¾.
incorporel subsistant identique à soi durant la transforma- Depuis Joachim, les traducteurs comprennent cette re-
tion d’un élément A (p. ex. la terre) à un élément B (p. ex. marque de la même manière : « For that which underlies
le feu) ; soit l’on tient pour l’explication suivante : quand un them, whatever its nature may be qua underlying them, is the
same : but its actual being is not the same » (Joachim) 3. Dans
1. Cf. Metaph. Z 16, 1040b 5-10. Sur l’argument, voir l’étude
de E. G. Katayama, Aristotle on Artefacts. A Metaphysical Puzzle,
New York, 1999. 1. La bibliographie sur ce sujet est imposante. Pour un ré-
2. On pourrait se demander ce qui empêche de concevoir le sumé de la querelle, voir en particulier W. Charlton, Aristotle
jeu des quatre corps premiers comme celui qu’entretiendraient Physics. Books I and II, Oxford, 1992 (reprise, « with additio-
une masse d’air chaud et une masse d’air froid. Mais il n’y a là nal material », de l’édition de 1970), p. 129-147, Williams, p.
qu’une équivoque. Comme « haut » / « bas », « chaud » / « froid » 211-219 et B. Besnier, notice « Aristote : De generatione et corrup-
et « sec » / « humide » indiquent pour Aristote des états absolus. tione—tradition grecque », dans R. Goulet (éd.), Dictionnaire des
Le nier reviendrait à retomber dans les erreurs du relativisme philosophes antiques, Supplément à la lettre A, 2004, p. 302.
universel stigmatisées en DC III 5, 303b 22-304a 7. Les quali- 2. GC I 3, 19b 3-4.
tés n’existant pas séparées des corps — sous peine d’en revenir 3. « En effet, ce qui est le sujet de ces contraires, quoi que
aux égarements de certains présocratiques — les corps qu’elles ce soit, c’est une même chose, mais son être n’est pas le même »
déterminent doivent être substantiellement, et non seulement (Tricot) ; « Car l’être en tant que sujet reste le même, mais le
qualitativement, distincts. mode d’existence ne le reste pas » (Mugler) ; « Infatti, quanto al
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xciv INTRODUCTION INTRODUCTION xcv
le contexte des lignes précédentes, la conclusion semble in- pour le Feu et la Terre, l’humide pour l’Eau et l’Air, le froid
évitable : le substrat est la matière commune (première) et pour la Terre et l’Eau) :
les extériorisations consistent dans les quatre éléments que chaud feu sec
nous appréhendons par nos sens. 1
Cette interprétation semble fautive. On ne peut en effet air 4 2 terre
comprendre Ä µν γρ ποτε Âν Îπ¾κειται à la fois comme une
périphrase pour désigner l’Îποκ嬵ενον et comme une moda- 3
lisation généralisante (ou affaiblissante) de ce substrat. Si en humide eau froid
effet Ä Îπ¾κειται n’est qu’une façon de dire τ¿ Îποκ嬵ενον Considérons le passage d’un élément à un autre. En t1 ,
— ce à quoi rien ne s’oppose — on ne peut alors construire nous avons du Feu, en t2 de la Terre. Ainsi, ce que (Å) la
ποτε Âν comme signifiant « quel qu’il soit ». Il faudrait pour matière (<Ïλη>) est (Ãν) en t1 et en t2 (ποτε), cependant qu’elle
cela soit réintroduire une seconde relative du type ÁτιοÖν ν sert de pivot substratique (Îπ¾κειται) au changement, c’est la
ποτL ε°η, soit renoncer à comprendre Îπ¾κειται comme « est même chose (τ¿ αÍτ¾), à savoir le sec :
substrat », pour se ranger au sens conditionnel du verbe : t1 chaud feu sec
« ce qu’on suppose être ». Même ainsi cependant, il est très
difficile de tenir Ä µν γρ ποτε Âν pour une généralisation af- terre
faiblissante. Il faudrait pour cela au moins un ν, et un verbe
à l’optatif (type : Ä µν γρ ν ποτL Âν Îποτεθε¬η ...).
froid
Une autre lecture, prenant en compte la totalité des
passages où Aristote emploie l’expression, qu’il a forgée, t2
de Å ποτε Ãν, a été proposée par Rémi Brague et je m’y
rallie 1. Celui-ci s’appuie sur deux constatations : (1) le Il ne faudrait cependant pas conclure, de cette identité
ποτε n’a aucune valeur affaiblissante mais conserve bien du pivot substratique du changement, qu’être la matière du
son sens temporalo-distributif : « à quelque moment que Feu est la même chose qu’être la matière de la Terre. Car la
ce soit » ; (2) Aristote n’a pas présenté, deux lignes plus matière n’est jamais privée de quelque autre état qualitatif,
haut, les quatre éléments dans un ordre aléatoire, ni selon forme qualitative fluante entre le chaud et le froid. Ainsi,
les sphères concentriques de l’univers, mais en fonction de condition logico-physique du changement, l’entité [X+froid]
leur σ˵àολον commun (le chaud pour le Feu et l’Air, le sec (X changeant continûment) est invariante. Mais en tant que
réalité physique pure, la matière-feu n’a rien à voir avec la
matière-terre (on fait bien la différence entre une certaine
configuration de Feu et la même configuration de Terre) :
leur εµναι diverge.
Cette reconstitution permet-elle de venir à bout de l’un
sostrato, comunque sia, essa rimane identica, quanto all’esis-
tere invece no » (Migliori) ; « For the substratum, whatever it des passages favoris des défenseurs de l’authenticité aristo-
may be, is the same, but the being is not the same » (Williams). télicienne de la prima materia, GC II 1 29a 24-35 ?
1. R. Brague, « Sur la formule aristotélicienne Å ποτε Ãν »,
dans Du temps chez Platon et Aristote, Paris, 1982, p. 97-144, p. Pour notre part, nous affirmons qu’il y a une sorte de
111-114 pour l’analyse du texte du GC. matière (τινα Ïλην) des corps perceptibles, mais que
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celle-ci, sans être séparée, existe toujours avec une naisons des quatre contraires. Corollaire : la puissance pure
contrariété ; c’est d’elle que sont engendrés ceux que n’est pas une réalité de l’univers aristotélicien. Ou plus exac-
l’on appelle « éléments ». Même si l’on a effectué à leur tement, c’est la borne architectonique externe du sensible,
propos des distinctions plus précises dans d’autres
études, il faut, puisque c’est précisément cette voie
non l’entité présente à l’intérieur même des choses (certes
qu’emprunte la génération des corps premiers à partir jamais instanciée) postulée par l’École.
de la matière, traiter aussi de ces derniers en songeant Matière et genre
bien que ce qui est principe et premier, c’est la matière
non séparée et substrat des contraires (car le chaud Il est des disputes entre exégètes dont l’acharnement at-
n’est pas matière du froid ni celui-ci du chaud, mais teste une tension dans le texte lui-même. Il va de soi que
c’est le substrat des deux qui est matière). En sorte que
c’est en premier lieu le corps perceptible en puissance
même si les passages commentés enlèvent un argument dé-
qui est principe, en deuxième lieu les contrariétés, cisif aux champions de la prima materia, il y a bien une
comme par exemple la chaleur et le froid, en troisième hésitation, chez Aristote, quant à l’unité « générique » des
lieu, enfin, le feu, l’eau et les corps semblables. quatre corps premiers. Une indécision argumentative, au
chap. I 7, permet de localiser le lieu exact de cette hésita-
Aristote affirme que la matière, « loin d’être séparée,
tion.
n’existe jamais qu’avec une contrariété » (µετL ναντιÞσεωv).
Dans sa discussion de l’action-affection 1, Aristote veut
Nulle négligence dans ce singulier, mais la poursuite du dé-
établir le lien étroit entre trois relations possibles liant deux
veloppement de I 3. Non seulement la prima materia en tant
corps A et B :
que telle n’est qu’une abstraction logique, mais, surtout, ce
n’est pas l’abstraction logique que ses défenseurs croient — [I] Action/affection : A agit sur B.
nécessaire pour expliquer le changement. C’est un être essen- — [II] Contrariété : A est le contraire de B.
tiellement variable, une matière, si l’on veut, produite par — [III] Identité générique et altérité spécifique : A appar-
l’association d’un pivot et d’un flux. La véritable abstraction tient au même genre et à une espèce autre que B.
logique à l’œuvre dans la description du changement élé- Il commence donc par le raisonnement suivant :
mentaire, c’est la description comme unique d’une matière
changeante. Mais cette association fait accéder à un type de [II] ⇒ [I]
réalité dépassant la sphère simplement logique. La présence et [III] ⇒ [II]
d’une seconde qualité changeante permet une « coagula- donc [III] ⇒ [I] 2
tion », une « fixation » matérielle : y aura une « zone » froide
pointable tout au long du changement. 1. GC I 7, 23b 29-24a 8.
Aristote affirme ainsi précisément le contraire de ce qu’on 2. GC I 7, 23b 29-24a 3 : « Mais puisque n’importe quoi n’a
lui a souvent fait dire. Il ne soutient pas que quelque chose pas forcément la capacité d’agir [I] et que seules sont dans ce
demeure identique à soi derrière les quatre qualités primor- cas les choses qui possèdent une contrariété ou sont contraires
diales, mais que le substrat du changement est une matière [II], il est nécessaire que ce qui agit et ce qui est affecté soient
semblables et identiques par le genre, mais dissemblables et
« semi-qualifiée ». Il n’y a par conséquent qu’une différence
contraires par l’espèce [III] (il est dans la nature d’un corps
modale, en aucun cas réelle (même non empirique) entre la d’être affecté par un corps, d’une saveur par une saveur, d’une
matière et les éléments. La matière, c’est le rôle matériel que couleur par une couleur, bref, de l’homogène par l’homogène ;
jouent, sous un certain point de vue, les homéomères combi- la raison en est que tous les contraires [II] sont dans le même
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c INTRODUCTION INTRODUCTION ci
substratique commune. Chacun est le substrat dont les autres mère particuliers 1. Si c’est avant tout le mâle et, dans ce
sont engendrés. cadre, tel mâle particulier qui doit dicter sa forme au reje-
C’est en raison de cette structure espèce-genre qu’Aris- ton, un échec est toujours possible, qui laisse la place à des
tote peut parler de ce substrat au singulier (τινα Ïλην) et antécédents potentiels, tels la mère ou les ancêtres. Ainsi, au
le dire principe et premier (ρχν µν κα πρÞτην) par rap- mâle et à la femelle « en général » correspondent les quatre
port aux contrariétés et aux quatre « éléments » considérés corps premiers, aux caractéristiques biologiques du mâle et
dans leur spécificité formulaire. Dans la réalité n’existe que de la femelle les qualités primordiales constitutives des corps
l’« élément » spécifique. Celui-ci contient cependant en lui premiers, et à l’espèce considérée le statut de corps pre-
la puissance de se transformer en l’« élément » spécifique mier 2. On peut ranger ces parallèles dans le tableau suivant :
contraire. Cette puissance, attestée par l’induction, est cela
même qui confère au genre sa réalité, qui le distingue d’une Génération biologique Génération élémentaire
chimère. Il faut qu’il y ait unité générique pour que le chan- Cheval prima materia
gement puisse avoir lieu. Le blanc ne se transforme pas en
mouvement mâle / Chaud / Froid / Sec /
sucré, mais en noir. Le pas consistant à postuler d’abord mouvement femelle Humide
le genre, ensuite l’espèce, est ainsi vite franchi, dès lors en
Étalon / Jument Feu / Air / Eau / Terre
particulier que l’analyse se focalise sur la question du change-
ment. La tradition ultérieure a réifié, toujours davantage, ce Bucéphale / Cocotte ce feu / cet air / cette eau /
cette terre
qui ne fonctionnait chez Aristote qu’à un niveau syntaxique.
La méprise a été favorisée par le fait que ce qui faisait office La logique de la génération est conçue en termes rigoureu-
de genre logique dans le changement corporel (la corpora- sement identiques. De même que la génération d’un cheval
lité) pouvait aisément se confondre avec le substrat (le corps) mobilise, syntaxiquement, quatre strates de généralité et
des changements secondaires. On a ainsi subrepticement in- d’extension distinctes, celle d’un corps premier est fonction
terprété le statut de genre affecté au corps-corporalité lors non seulement de son statut de corps premier, mais égale-
du changement élémentaire comme celui d’un mystérieux ment des formes spatiales des corps premiers à sa source
substrat des affections. La prima materia était née. hic et nunc. Nous n’avons donc pas davantage besoin d’une
Reconduisons donc cette dernière au royaume logique
qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Quel est alors le substrat
physique de la génération des « éléments » ? Aristote a déjà 1. GA IV 3, 767b 16-768b 1.
suggéré la réponse en I 3 : la contrariété jouant le rôle de 2. Qu’Aristote a bien cette structure logique présente à l’es-
pivot de fixation, « concrétisée » grâce à son association per- prit semble confirmé par un passage de GC I 5 (22a 16-18)
manente à une contrariété fluante. consacré à l’augmentation : « Mais la quantité, prise univer-
sellement, n’est pas engendrée, pas plus qu’il n’y a d’animal
C’est en dernière instance le parallèle entre la génération engendré qui ne soit ni un homme ni aucun des animaux par-
animale et la génération des corps premiers qui confirmera ticuliers (l’universel correspondant ici à la quantité) ». Il n’y
cette lecture logique de la prima materia. En GA IV 3, Aris- a qu’un pas pour affirmer que le corps, pas davantage que la
tote distingue, dans le cadre d’une espèce animale donnée, quantité, n’est engendré « en soi ». Le corps « en général », la
entre le mâle et la femelle « en général » et tel père et telle quantité « en général », sont engendrés en tant qu’ils qualifient
notionnellement le corps particulier et la quantité particulière
auxquels aboutit le processus.
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cii INTRODUCTION INTRODUCTION ciii
prima materia existant réellement, indépendante du Feu et confonde les structures syntaxiques et les objets du monde 1.
de l’Eau instanciés dans ces deux parcelles que nous avons Aucune de ces considérations sur l’altération ne convain-
sous les yeux, que nous n’avons besoin d’un Cheval en soi cra un atomiste. Démocrite, tant qu’on s’en tient à la
distinct de l’Étalon et de la Jument instanciés par Bucé- physique, est moins réfuté que contredit. Aristote n’oppose
phale et Cocotte. La génération nécessite seulement que la à l’atomisme qu’une pétition de principe en faveur du conti-
victoire du mouvement mâle revienne à la défaite du mou- nuisme. Quelle que soit la finesse de son traitement de
vement femelle, et la victoire du mouvement femelle à la l’altération, il est toujours contraint de faire jouer une pré-
défaite du mouvement mâle — ce que souligne Aristote 1. misse physique cachée dans sa description du changement
On peut à la rigueur reprocher à Aristote — si on ne saisit d’une masse élémentaire a en une autre b, à savoir : que tous
pas le contexte polémique et théorique du GC exposé plus les points matériels de b résultent exclusivement de points
haut 2 — d’admettre trop candidement le damage qualitatif matériels de a. Or cette prémisse est indémontrable : même
et la contrariété des quatre éléments 3 ; l’adéquation de nos après avoir lu GC I 4, on pourrait continuer de penser que
sens au monde pose une énigme que nous ne sommes pas le passage de l’eau au feu est illusoire, ou ne revient qu’à un
près d’élucider ; on ne saurait prétendre, en revanche, qu’il remplacement imperceptible, en un lieu donné, de certains
atomes par certains autres. Mais le qualitativisme d’Aristote
vaut moins par ses principes que par sa vraisemblance médi-
cale et ses résultats biologiques. Ceux-ci, pour être appréciés,
1. GA IV 3, 768a 2-9 : « Or, comme toute chose se trans- demandent qu’on entende correctement la théorie aristoté-
forme non pas en n’importe quoi mais en son contraire, il en licienne de l’augmentation et du mélange ; celle-là tient à
est de même au cours de la genèse, où ce qui n’a pas été dominé une apparence : le médecin agit quotidiennement sur des tis-
doit nécessairement se transformer en son contraire, suivant la
puissance que l’agent générateur et moteur n’a pas dominée. Si sus sans se livrer à un travail de dentelière sur les éventuels
ce dernier est un mâle, il naît une femelle ; si c’est Coriscos ou atomes qui les composent — ce qui, admise l’impassibilité
Socrate, l’enfant ne ressemble pas au père mais à la mère. Car atomique, serait contradictoire 2.
de même que mère s’oppose à père en général, de même telle
génitrice particulière à tel géniteur particulier » (trad. P. Louis b. L’augmentation (chap. I 5)
très modifiée).
Une bonne part des difficultés concernant l’altération
2. Cf. supra, p. liii-liv.
3. Ce constat trouve une confirmation dans l’analyse tient à sa double fonction : cheville ouvrière de la physique
qu’Aristote propose de la formation des homéomères. Ceux-ci aristotélicienne, elle renvoie autant à toute transformation
résultent de mélanges des quatre corps premiers, mais jamais
d’une évolution simple de l’un à l’autre. Envisagé selon nos
catégories thermodynamiques, une telle proposition est sim- 1. Ce parallélisme entre la matière et le genre est devenu
plement inintelligible. La chaleur du feu ne peut que mitiger une véritable identification pour ceux qui ont interprété l’ap-
le froid de l’eau et sa sécheresse l’humidité de cette dernière. Il partenance à un même genre biologique en termes d’origine
n’en va cependant pas de même pour Aristote : actionné de l’ex- embryologique commune. Voir surtout A.C. Lloyd, « Genus,
térieur, un corps premier soit reste lui-même substantiellement Species and Ordered Series in Aristotle », Phronesis 7, 1962, p.
tout en variant légèrement qualitativement, soit se transforme 67-90 et R.M. Rorty, « Genus as Matter : a Reading of Meta-
dans un autre corps premier. Même si le sang est composé de physics Z-H », dans E.N. Lee, A.P.D. Mourelatos et R. M. Rorty,
terre et d’eau, le passage de la terre à l’eau ne comportera jamais Exegesis and Argument, Phronesis suppl. vol. 1, 1973, p. 393-420.
de phase sanguine. 2. Cf. p. 11, n. 7.
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civ INTRODUCTION INTRODUCTION cv
physique — c’est-à-dire impliquant la matière — qu’à l’af- pas seulement qu’un corps accroisse son volume, mais qu’il
fection au sens strict. L’altération recouvrait du même coup le fasse à l’aide d’un autre corps. Les apories, à partir de ce
une double formalité, celle de la formule et celle de la moment, se rapportent moins à l’augmentation qu’à la nu-
silhouette. Quand l’altération des corps premiers produit trition, c’est-à-dire à la façon dont un corps peut en assimiler
une génération — dans le cas en particulier des éléments un autre. La solution d’Aristote est éminemment biologique,
— le continuant du changement, à notre regard, se ré- puisqu’elle se fonde sur la transformation des affections élé-
sume à la continuité spatio-temporelle d’un parcours liant mentaires du corps assimilé 1 :
deux masses corporelles spécifiquement différentes et géné- Le tout [...] est devenu plus grand par l’ajout de
riquement semblables. Dans les autres cas, la forme semble quelque chose de contraire, qu’on appelle nourriture,
assurée d’un principe de stabilité plus ferme, parce que ga- qui a changé vers la même forme, comme si par
ranti non par une conception, somme toute contestable — exemple l’humide venait s’ajouter au sec et, ce faisant,
changeait et devenait du sec. Car en un sens, le sem-
puisque contestée par les Atomistes — de la continuité 1, blable augmente par le semblable, mais en un sens,
mais par les phénomènes biologiques et, surtout, par l’admi- par le dissemblable.
rable coïncidence de l’εµδοv et de la µορφ qu’ils déploient.
L’augmentation biologique, soit la croissance, présup-
Le primat de la forme sur la matière, et la justifi-
pose une altération, ce qui n’aurait aucun sens selon la
cation biologique qu’il appelle, apparaît dans l’étude de
seule considération catégoriale (métrique) du phénomène
l’augmentation. Après quelques considérations formelles se
de l’augmentation. Autre trait qui la rapproche de l’altéra-
rapportant à ce phénomène dans sa neutralité métrique
tion : de même que cette dernière mettait en jeu une double
(accroissement du volume de l’objet considéré) 2, puis un
puissance, celle de l’altérant et celle de l’altéré — puisque
passage obligé par l’aporie « zénonienne » de l’augmenta-
l’altération, dans le GC, est une affection — l’augmentation
tion 3, Aristote en vient très vite à se concentrer sur la
met en jeu une double puissance, celle de l’augmentant et
croissance par nutrition 4, c’est-à-dire celle qui n’implique
celle de l’augmenté. Contrairement à ce que laisserait suppo-
ser la forme grammaticale de l’opposition, c’est l’augmenté
1. Le soin avec lequel Physique VI établit le continu n’est qui, en s’assimilant ce qui le fait augmenter, détient le rôle
pas gratuit. Tout l’édifice subséquent de la science naturelle en actif. L’augmentation biologique est par conséquent incom-
dépend. préhensible sans une étude de l’âme nutritive. L’analytique
2. GC I 5, 20a 19-27. du devenir présuppose une perdurance de la forme substan-
3. GC I 5, 20a 27-b 34 : un corps occupant toujours le même tielle 2.
espace que lui-même, comment donc peut-il croître ? Dans son
état initial il n’a pas encore crû, dans son état final il a déjà crû ; On pourrait se demander, dans ces conditions, ce qui dis-
il faut donc qu’il n’y ait naissance à partir de rien, ou à partir de tingue l’augmentation de la génération animale, puisqu’on a
vide. Cf. les notes à la traduction. Le passage est d’autant plus
condensé qu’Aristote est pressé de passer à la suite, qui seule
l’intéresse véritablement.
4. Joachim, p. 122 note bien que le terme αÑξησιv est em- Aristote souligne explicitement, dans ce passage de la Physique,
ployé de manière plus large — et non biologique — à d’autres qu’une augmentation par altération (λλοιÞσει) est une solution
endroits du corpus. Il est particulièrement significatif que le cas plus efficace que celle des Atomistes.
de l’augmentation du volume d’eau en air sous forme de vapeur 1. GC I 5, 21b 35-22a 4.
(Phys. 214a 32-b 3) soit expressément exclu ici même (21a 9-17). 2. Cf. infra, p. cxxxi-cxxxv.
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cvi INTRODUCTION INTRODUCTION cvii
dans les deux cas une conservation de la forme et un change- « altérationnel » au cœur de l’assimilation alimentaire. Cette
ment continu de la matière. Il convient de distinguer quatre première conclusion rend très probable qu’il en va de même
niveaux. lors de la période de croissance, à cette différence près que
— (1) La forme-silhouette (µορφ) : grossière homothétie la nutrition produit alors un surcroît de tissus organiques.
pour l’augmentation, simple reconductibilité (qui Le cadastre biologique d’Aristote n’a plus alors qu’à
n’exclut pas l’invariance) pour la génération ; décrire en termes continuistes les phénomènes nutrition-
— (2) La forme-définition (λ¾γοv) : invariance pour l’aug- nels qu’il entend sauver 1. Les facteurs d’individuation, tout
mentation, transformation pour la génération ; d’abord, à savoir les formes (2) et (4), doivent être préservés,
— (3) La forme-de-la-matière (Ïληv εµδοv) : invariance pour puisque c’est à l’évidence le même individu qui s’accroît. Le
l’augmentation, transformation pour la généra- divorce entre ces deux formes dans le cas de la génération
tion ; tient aux modalités extrêmement complexes de la génération
— (4) La forme-principe (εµδοv) : invariance pour l’augmen- biologique par transmission d’une forme cinétique 2 : alors
tation, invariance pour la génération.
que la semence, l’embryon et l’enfant sont définitionnelle-
Ce réseau de formalités a pour charge d’endiguer toute ment distincts, ils accueillent tour à tour, et sous des formes
tentative mécanico-événementialiste. À un atomiste qui différentes, la même forme-principe (4) léguée par le père.
déniera la pertinence d’une distinction tranchée entre aug- La rupture définitionnelle rend toutefois oiseuse la ques-
mentation et génération — on devient « plus grand », donc tion d’une éventuelle augmentation. Celle-ci ne peut avoir
« autre », lors d’une adjonction d’atomes — Aristote répond lieu que sur le même segment définitionnel (forme-λ¾γοv).
en biologiste. L’alimentation de l’adulte pose de fait un sé- Les critères positifs, et formulés par Aristote, concernent
rieux problème à l’Atomiste. Car s’il est vrai qu’il y a un cependant davantage les formes (1) et (3). Aristote sou-
sens où un mur « augmente » quand on lui ajoute une ran- ligne explicitement le réquisit de l’homothétie — manifeste
gée de briques, il est très difficile de concevoir la croissance dans le cas des anhoméomères comme la main — et de
des plantes et des animaux sur ce modèle. En outre, il fau- l’invariance matérielle de l’augmentant 3. Cette invariance
drait soit que nous grandissions toujours, soit — à volume
constant — que nous puissions évacuer une quantité de ma-
1. Sur cette présentation « astronomique » de la recherche
tière égale à celle que nous absorbons 1. Cette proposition biologique, cf. infra, p. clxviii et n. 1.
semblant contredite par les faits, il faut postuler un travail 2. GA II 3.
3. GC I 5, 21b 16-34. Aristote a en tête, à l’évidence, la défi-
nition mathématique des figures semblables (Euclide, Éléments
1. Même s’il est possible qu’Aristote interprète la concomi- VI, déf. 1) qu’il cite explicitement en A.Po. II 17, 99a 13-14.
tance de la la fin de la croissance et du début de la production Pour qu’on puisse ne voir qu’une augmentation dans un passage
spermatique comme un indice que la matière de la nutrition d’une configuration C1 à une configuration C2 , il faut donc que
est utilisée d’abord à cette fin-là puis à cette fin-ci (cf. DA II 4, chaque parcelle, aussi petite soit elle, c2 de C2 soit reconductible
416b 14-20 et R. Bodéüs, Aristote : De l’âme, Paris, 1993, p. 158, à une parcelle c1 de C1 telle que c1 et c2 soient homothétiques.
n. 3), il n’insiste pas sur ce point pour deux raisons au moins : Il faut en outre que la formule chimique de c2 et de c1 soit
la « concomitance » en question est pour le moins approxima- la même. Il ne s’agit pas dans tout cela d’un choix arbitraire,
tive ; l’équivalence volumique est invérifiable et il est probable comme semble le penser Joachim, p. 122, mais d’une réfuta-
que des assimilations différentes produisent des volumes diffé- tion de l’atomisme sur le terrain où il ne peut se maintenir : le
rents. Il ne faut donc pas surinterpréter la coïncidence. vivant.
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cviii INTRODUCTION INTRODUCTION cix
interdit non seulement les générations déguisées, mais les « ce n’est pas l’âme dans son ensemble qui est l’origine du
solutions pseudo-mécaniques que l’on pourrait être tenté mouvement, ni toutes ses parties. La croissance tire son ori-
de substituer à l’atomisme en postulant, par exemple, des gine de la même partie que chez les plantes, l’altération
vides intersticiels qui se rempliraient ou plusieurs corps dans de l’âme perceptive, le transport d’une autre partie encore
un même lieu qui se sépareraient. Ce sont les homéomères qui n’est pas l’intellective » 1. Contre I 4, qui admettait, au
qui, en croissant quantitativement tout en conservant leur niveau élémentaire, de parler des affections des corps pre-
forme matérielle (3) et les proportions métriques de leur miers, I 5 adopte une théorie exclusivement biologique :
contour, sont au fondement de l’augmentation biologique 1. l’altération présuppose un certain type d’âme capable de
Aristote est donc justifié, dans ce contexte, à dire que la forme « récupérer » des changements externes dans le cadre de son
du même individu s’agrandit progressivement tandis que la activité propre. Non seulement les corps inanimés sont ex-
matière dissemblable, rendue semblable, s’agrège et se désa- clus de ce processus, mais même les plantes soulèvent une
grège en permanence 2. difficulté, puisqu’Aristote semble leur dénier l’âme percep-
Il est révélateur que les allusions à l’altération qui ap- tive.
paraissent au cours de la discussion de l’augmentation Ce déplacement de l’augmentation à la nutrition explique
redressent la barre, après la discussion fondationnelle et les réponses proposées par Aristote. Celles-ci sont même
partiellement « physique » de GC I 4, du côté d’une biolo- doublement obliques, du fait qu’elles se concentrent prin-
gie générale. Aristote insiste ainsi sur le fait que le facteur cipalement sur deux apories subsidiaires, celle de ce qui
de l’augmentation, comme celui de l’altération, réside dans arrive à « ce par quoi l’animal augmente » (la nourriture) 2
le corps qui augmente ou qui s’altère. Il ne fait alors nul et celle de la distinction entre l’état de croissance et l’état
doute que les changements considérés sont ceux du vivant de simple nutrition (αÑξησιv vs τροφ). L’intérêt stratégique
et que le GC annonce ce qui sera dit explicitement en PA : de ces deux apories tient à ce qu’elles mettent en lumière la
supériorité du continu homéomérique sur les atomes.
La première réponse n’a pas été bien comprise des mo-
1. Notons qu’Aristote semble aussi peu sensible à la ques- dernes parce que le texte n’était pas correctement édité. Une
tion des variations proportionnelles des proportions lors de la fois dûment établi, il se laisse traduire comme suit :
croissance qu’il l’est à celle de l’accélération dans sa théorie du
mouvement naturel. Mais quelle est l’affection subie par le corps de la part
2. On retrouve l’ensemble de ces réquisits, de manière plu- de ce facteur d’augmentation, qui a fait qu’il a été
tôt inattendue, en Pol. V 3, 1302b 33-a 1 : « Des changements de augmenté ? Est-ce que mélangé à la façon dont on ajou-
constitutions adviennent aussi du fait de l’accroissement hors terait de l’eau à du vin et qu’on puisse ainsi (comme le
de proportion d’une de leurs parties. De même, en effet, qu’un feu qui s’est emparé du combustible) rendre vin le mé-
corps est composé de parties et doit s’accroître de manière pro- lange, de même, le principe d’augmentation interne
portionnée pour que l’équilibre de l’ensemble demeure (et si ce à la chair en entéléchie qui augmente à fait, par ad-
n’était pas le cas il serait détruit, si, par exemple, le pied d’un jonction de la chair en puissance, une en entéléchie ?
animal avait quatre coudées et le reste de son corps deux em-
pans ; il y aurait même éventuellement passage à la forme d’un
autre animal si cet accroissement hors de proportion concernait
non seulement la quantité mais aussi la qualité), de même une 1. PA I 1, 641b 5 sqq. Sur toute cette thématique, voir infra,
cité est composée de parties, dont souvent l’une s’est subrepti- p. cxxx sqq.
cement accrue ... ». 2. GC I 5, 22a 4-5 : τ¿ ö αÍξνεται.
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cx INTRODUCTION INTRODUCTION cxi
Pour exprimer sa conception de la croissance, Aristote se également quantité en puissance, croissance. Mais cela ne
sert d’une double comparaison, soit d’une comparaison-2 (le nous dit pas ce qui provoque, à l’âge adulte, l’arrêt de la
feu qui s’assimile le combustible) à l’intérieur même de la croissance. Le texte, tel qu’il est conservé dans les manus-
comparaison-1 (le vin qui s’assimile l’eau). La comparaison- crits, est le suivant 1 :
1 donne une première idée de la croissance par nutrition : K\ µν γρ στι τ¿ προσι¿ν δυνµει ποσ σρξ, ταËτ| µν
de même que le vin coupé d’eau demeure du vin, la cuisse αÍξητικ¿ν σαρκ¾v, « δ µ¾νον δυνµει σρξ, τροφ. ΤοÖτο
qui s’assimile un chou demeure une cuisse. Cette première δ τ¿ εµδοv νευ Ïληv, ο¶ον υλοv δËνᵬv τιv ν Ïλ| στ¬ν.
étape, bien que favorisée par les realia œnologiques grecs, ν δ τιv προσ¬| Ïλη, ο×σα δυνµει υλοv, χουσα κα τ¿
ποσ¿ν δυνµει, οØτοι σονται µε¬ζουv υλοι. LΕν δ µηκτι
conserve cependant quelque chose d’insatisfaisant, puisque ποιεEν δËνηται, λλL ο¶ον Ïδωρ ο°ν} ε πλεEον µιγν˵ενον
même si le vin coupé d’eau reste du vin, ce n’est qualitati- τλοv ÎδαρC ποιεE κα Ïδωρ, τ¾τε φθ¬σιν ποισει τοÖ ποσοÖ·
vement pas le même vin que le vin pur. Cette distinction τ¿ δL εµδοv µνει.
appelle la comparaison-2 : pour Aristote, la combustion En ce que le corps qui vient s’adjoindre est en puis-
n’est pas une mixtion 1 ; son processus a cependant ceci sance « une certaine quantité / de chair », il est facteur
de remarquable qu’il donne à voir une assimilation sans d’augmentation pour la chair, mais en ce qu’il est,
transformation qualitative du corps assimilant par le corps en puissance, seulement chair, c’est une nourriture.
Cette forme sans matière est cependant comme une
assimilé. Mais l’analogie s’arrête là. On peut désormais certaine puissance immatérielle dans la matière ; si
conclure : la croissance est comme une mixtion où l’un des une certaine matière vient s’accoler, qui soit en puis-
deux corps périrait : c’est une assimilation totale de l’un des sance immatérielle et qui possède aussi la quantité en
deux corps par l’autre. L’augmentation biologique revien- puissance, ceux-ci (?) seront plus grands immatériels
drait à un vin pur qui, coupé d’eau, resterait qualitativement (?). Si cependant disparaît ce pouvoir actif et qu’on se
aussi identique à soi que du feu consumant un morceau trouve comme avec de l’eau encore et encore mélan-
gée à du vin, qui rend finalement ce dernier aqueux
de bois. puis qui en fait de l’eau, cela provoquera alors la di-
La réponse à la seconde aporie est plus difficile, car le minution de la quantité.
texte est encore plus obscur, sans doute corrompu. Aris-
On a vite soupçonné les υλοv et υλοι de la phrase
tote commence par un développement, à première vue assez
centrale. Non seulement le terme est absent des traités
scolastique, opposant verbalement croissance et nutrition 2.
d’Aristote, mais les masculins pluriels οØτοι σονται µε¬ζουv
Quand, dit-il, ce qui est assimilé ne vaut qu’en tant qu’il est
υλοι, ne pouvant renvoyer ni à la forme (εµδοv), ni à la ma-
potentiellement l’assimilant, il y a nutrition ; quand il est
tière (Ïλη), ni à la puissance (δËναµιv), sont incohérents 2.
S’appuyant sur le commentaire de Philopon et la traduction
1. Cf. GC I 10, 27b 10-13 : « ... nous ne disons ni que le bois de Vatable, Joachim a proposé de changer l’accentuation du
s’est mélangé au feu, ni, lorsqu’il brûle, qu’il se mélange, lui- terme litigieux en αÍλ¾v, αÍλο¬, « conduit(s) ». Il a en outre
même avec ses propres parties ou avec le feu ; nous disons au
contraire qu’il y a génération du feu et corruption du bois ». Et
de poursuivre (27b 13-15) : « De la même façon, nous ne disons 1. GC I 5, 22 26-33.
pas non plus que la nourriture se mélange au corps ni que c’est 2. Des traducteurs modernes, seul Migliori, p. 73 a
en se mélangeant au bloc de cire que la figure s’imprime sur conservé sur ce point le texte des manuscrits. Sa traduction (...
lui ». « allora queste forme immateriali saranno piú grandi ») est ar-
2. GC I 5, 22a 16-26. bitraire.
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cxii INTRODUCTION INTRODUCTION cxiii
condamné le νευ Ïληv, indûment introduit, selon lui, pour certaine matière vient s’accoler, qui soit en puissance
gloser la corruption (chronologiquement antérieure) υλοv 1. hautbois et qui possède aussi la quantité en puissance,
D’où la traduction qui s’est imposée chez les traducteurs ré- il n’y aura certes pas de hautbois plus grands. <5> Si
cependant disparaît ce pouvoir actif et qu’on se trouve
cents : « Cette forme est cependant, comme un conduit, une comme avec de l’eau encore et encore mélangée à du
certaine puissance dans la matière. Si une certaine matière vin, qui rend finalement ce dernier aqueux puis qui en
vient s’accoler, qui soit en puissance conduit et qui possède fait de l’eau, cela provoquera alors la diminution de la
aussi la quantité en puissance, il y aura ainsi des conduits quantité.
plus grands ». En d’autres termes, Aristote explique ici les deux états où
Même ainsi amendé, le texte reste pour le moins difficile. la nutrition ne se solde pas par un accroissement du corps
Tricot et Mugler suivent aveuglément Joachim. Williams, de l’animal. Il envisage tout d’abord le cas de la perdurance
plus avisé, renonce à traduire et condamne tout le passage. de l’adulte dans un même volume. Celle-ci est due à une
On propose deux corrections, une transposition et une nou- forme active qui, en tant que principe psychique, est en soi
velle accentuation : il faudrait (1) considérer la dernière immatérielle mais n’existe qu’en tant qu’information de la
phrase du passage, Τ¿ δL εµδοv µνει, comme déplacée et matière. Cette forme est de ce point de vue exactement com-
la transposer juste avant ΤοÖτο δ τ¿ εµδοv κτλ. ; et surtout parable à celle du hautbois. Aristote veut dire ici la même
(2), à la différence des manuscrits grecs, ne pas lire οØτοι, chose qu’à propos des haches en DA II 1, 412b 11-15 et,
« ceux-ci », mais οÑτοι, « certes ne ... pas » 2. Au plan sé- surtout, des hautbois de Meteor. IV 12, 390a 1 1 : il y a certes
mantique, enfin, il convient d’interpréter αÍλ¾v non comme une forme spatiale (µορφ) du hautbois, constituée de la sil-
un « conduit » mais bien, suivant le sens le plus commun, houette de ses parties, de leurs tailles respectives et de leur
comme un « hautbois ». Je propose donc le texte et la traduc- agencement les unes par rapport aux autres. En ce sens, cette
tion suivants : forme existe indépendamment de la matière du hautbois 2.
K\ µν γρ στι τ¿ προσι¿ν δυνµει ποσ σρξ, ταËτ| µν
αÍξητικ¿ν σαρκ¾v, « δ µ¾νον δυνµει σρξ, τροφ. Τ¿ δL
εµδοv µνει. ΤοÖτο δ τ¿ εµδοv νευ Ïληv, ο¶ον αÍλ¾v, δËνᵬv 1. « La main du cadavre se dit donc de manière tout
τιv ν Ïλ| στ¬ν· ν δ τιv προσ¬| Ïλη, ο×σα δυνµει αÍλ¾v, aussi homonyme que des hautbois de pierre (καθπερ κα αÍλο
χουσα κα τ¿ ποσ¿ν δυνµει, οÑτοι σονται µε¬ζουv αÍλο¬. λ¬θινοι) ». Cf. aussi PA I 1, 640b 35-641a 3.
LΕν δ µηκτι ποιεEν δËνηται, λλL ο¶ον Ïδωρ ο°ν} ε πλεEον 2. Je ne crois pas qu’il y ait lieu de condamner, avec Joa-
µιγν˵ενον τλοv ÎδαρC ποιεE κα Ïδωρ, τ¾τε φθ¬σιν ποισει chim, le νευ Ïληv en 22a 28. Dans une phrase qui a donné lieu
τοÖ ποσοÖ. à bien des polémiques ces dernières années, DA II 12, 424a 17-
<1> En ce que le corps qui vient s’adjoindre est en 19, Aristote définit le sens (α°σθησιv) comme : τ¿ δεκτικ¿ν τFν
puissance « une certaine quantité / de chair », il est α®σθητFν ε®δFν νευ τCv Ïληv, « le réceptacle des formes sensibles
facteur d’augmentation pour la chair, mais en ce qu’il sans la matière ». Quelle que soit la signification exacte d’une
est, en puissance, seulement chair, c’est une nour- telle indication, tous les exégètes s’accordent à dire qu’Aristote
riture. <2> Mais la forme demeure. <3> Cette forme s’oppose ici aux théories présocratiques expliquant la percep-
sans matière est cependant, comme un hautbois, une tion par des mouvements d’effluves matérielles. Même si cette
certaine puissance dans la matière : <4> si donc une forme sera accueillie par une matière — le liquide oculaire par
exemple — ce n’est pas la matière du corps perçu qui est « in-
corporée » par l’organe percevant. Mutatis mutandis, il en va de
1. Joachim, p. 135. même ici : la forme du corps qui se nourrit subsiste indépendam-
2. Cf. les occurrences dans Bonitz, Index , s.v. ment des matières transitoires qui « l’habitent », mais elle existe
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cxiv INTRODUCTION INTRODUCTION cxv
Mais que l’on essaie de faire des hautbois de pierre et l’on En d’autres termes, Aristote, après avoir distingué de ma-
s’apercevra aussitôt que la forme du vrai hautbois, qui n’est nière verbale croissance et nutrition, fait ici allusion à la
certes pas la matière, est toutefois une puissance dans la ma- cause biologique de cette distinction : il s’agit non pas d’une
tière du hautbois. C’est une positivité effective de la matière différence dans l’aliment, mais de deux comportements dif-
du hautbois que de se laisser informer en sorte de devenir un férents, à son égard, de l’âme nutritive.
vrai hautbois. Cette puissance n’existe pas dans la matière de Qu’est-ce qui, selon Aristote, provoque un beau jour l’ar-
la pierre, même si l’on y sculpte un hautbois formellement rêt de la croissance ? Il est probable que les schèmes finalistes
(µορφ) indiscernable du hautbois réel. dissipaient quelque peu le problème : la croissance s’ar-
Supposons maintenant un morceau de bois — de celui rête quand le corps atteint son plein développement. On
dont on fait les hautbois —, d’une certaine taille, qu’on ac- comprend fort bien, dans ce contexte, que la fonction de
colerait à un hautbois déjà existant. Le hautbois initial ne reproduction soit assurée par l’âme nutritive : une fois que
devient certes pas plus grand. La cause en est-elle une défi- cette dernière a porté le corps de l’animal à un développe-
cience quelconque de notre morceau de bois ? Non, puisque ment suffisant pour qu’il se reproduise, elle cesse de le faire
et la forme du hautbois et la quantité de matière y sont pré- grandir. Elle n’a plus alors qu’à le maintenir quelque temps
sentes en puissance. C’est bien plutôt à la forme du hautbois en cet état, jusqu’à ce que, à force d’avoir servi, prenne fin sa
en tant que telle, déjà réalisée dans un hautbois, qu’il faut capacité nutritionnelle elle-même. Il y aura alors consomp-
imputer l’impossibilité de l’augmentation : puissance de réa- tion interne et diminution des tissus. Le schème mécanique
lisation musicale (perfection du hautbois achevé), elle n’est est ici exactement le même que celui de l’usure des poumons
pas puissance d’assimilation d’un éventuel hautbois en puis- qui, à terme, provoque l’échauffement interne et la mort 1.
sance. La restitution, à peu près certaine dans le premier cas,
Qu’entend Aristote, dans le contexte précis de la nutri- globalement probable dans le second, du texte de la résolu-
tion sans augmentation, par cette analogie ? Qu’il n’y a tion des deux apories finales de GC I 5, confirme l’ancrage
rien, dans l’aliment, qui explique qu’il n’y ait pas augmenta- biologique du chapitre. Aristote est passé d’une brève dis-
tion. Toutes les puissances requises de lui par le processus cussion stéréométrique à une explication, par la matière
d’augmentation y sont réunies, tout autant que lorsqu’il y et la forme, de la croissance biologique, permettant d’en
avait augmentation. C’est l’âme nutritive de l’animal qui sauver les réquisits. À son tour, celle-ci a induit quelques
est seule responsable de l’invariance volumique des tissus. remarques, allusives parce que prospectives, sur l’âme nutri-
L’âme nutritive se comporte à partir d’un certain moment tive. Au terme du chapitre, l’atomisme est biologiquement
comme la forme du hautbois dans la matière du hautbois : dépassé.
elle accomplit une fonction donnée dans et par le corps —
c. La mixtion
la reproduction — 1, mais elle ne fait plus grandir le corps,
même en présence de matières qui auraient toutes les quali- Le cas de la mixtion est un peu différent, puisqu’il ne s’agit
tés requises pour l’accroître. pas d’un changement selon l’une des catégories 2. Certes, la
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cxvi INTRODUCTION INTRODUCTION cxvii
mixtion présuppose que chacun des deux corps s’altère ; elle — <2> soit au moins un corps périt et le mélange n’est
est donc, tout comme l’augmentation d’ailleurs, condition- qu’un type de génération/corruption doublé selon
née par le jeu des affections. Son trait caractéristique réside les cas d’une augmentation ;
cependant non pas dans la catégorie selon laquelle le chan- — <3> soit les deux corps subsistent « dans » le com-
posé, avec des affections différentes de celles qu’ils
gement a lieu, mais dans le degré et le mode de l’affection.
avaient à l’état séparé ; mais alors, les corps ne sont
La mixtion, en elle-même, s’apparente à un raccourci du lan- pas caractérisés de manière nécessaire et suffisante
gage, visant à décrire le comportement réciproque de deux par leurs affections (contre GC I 4).
corps qui, en agissant l’un sur l’autre, en produisent un troi-
sième dont les affections s’expliquent comme une moyenne Aristote déniant <1>, il lui faut aménager soit <2>, soit
— arithmétique, géométrique ou autre — de celles des deux <3>, soit <2> et <3>. La solution à cette aporie proposée
premiers. en GC I 10 ne peut de toute façon pas être entièrement
cohérente, ou du moins univoque, puisqu’Aristote, dans le
Analytique de la mixtion 1 corpus physique, considère alternativement les homéomères
Aristote écarte deux modèles, la juxtaposition de parties comme des mélanges des quatre éléments et comme des sub-
extrêmement petites (modèle atomiste) et la juxtaposition de stances définitionnellement individuées. La création d’une
parties infinimement petites (modèle anaxagoréen). Le pre- mixture a donc bien quelque chose à voir avec une géné-
mier n’est pas tenable pour des raisons physiques, le second ration. On se retranchera sur une aporie plus modeste, à
parce que des infiniment petits en acte sont logiquement im- savoir : même si l’on ne peut se débarrasser de <2> et que
possibles. C’est donc encore une fois l’altération qui permet le mélange, d’une certaine manière au moins doive être une
de sauver les phénomènes. Reste à savoir, et c’est toute la génération, en quel sens peut-on accorder également que les
difficulté, comment. L’atomiste aura tôt fait d’opposer aux corps subsistent tout en étant substantiellement différents de
continuistes le trilemme suivant 2 : ce qu’ils étaient (<3>) ?
La solution d’Aristote, au niveau analytique, passe par
— <1> soit les deux corps subsistent à l’état parcellaire une précision du concept de puissance (δËναµιv). Quand on
(solution atomiste) ;
dit que le feu est puissance (puissance-1) de l’eau et l’eau
puissance-1 du feu, on signifie que le feu peut se muer en
recouvrait la substance, celle de l’altération la qualité, celle eau et l’eau en feu. Mais les effets sensibles de l’un (chaud
de l’augmentation la quantité. On pourrait être ainsi tenté de
et sec) sont opposés aux effets sensibles de l’autre (froid et
mettre en relation l’étude du mélange avec la catégorie de la re-
lation. Bien sûr, Aristote dénie qu’il y ait un mouvement selon humide). Ce principe a des conséquences directes en méde-
la relation (cf. en part. Metaph. N 1, 1088a 31-34 : κατ τ¿ ποσ¾ν cine, par exemple, puisque l’on introduira tel ou tel élément
αÑξησιv κα φθ¬σιv, κατ τ¿ ποι¿ν λλο¬ωσιv, κατ τ¾πον φορ, κατ pour réparer un déséquilibre de l’organisme causé par un ex-
τν οËσ¬αν πλC γνεσιv κα φθορ, λλL οÍ κατ τ¿ πρ¾v τι). Mais il cès de l’élément contraire. Cette conception de la puissance
y a bien une relation changeante entre les deux corps qui se mé- ne peut être celle qu’Aristote a ici en tête. Son critère dis-
langent et l’on peut postuler, dans ce cas, un « changement de
Cambridge » (cf. P.T. Geach, God and the Soul, Londres, 1969,
tinctif du mélange est en effet que la mixture a la puissance
p. 71-72) : une entité change en tant que son rapport à certain de redonner ses éléments initiaux 1. Mais les éléments eux-
référent change.
1. GC I 10, 27b 31-28a 18.
2. Cf. GC I 10, 27a 32-b 31. 1. GC I 10, 27b 27-29 : φα¬νεται δ τ µιγν˵ενα πρ¾τερ¾ν τε κ
κεχωρισµνων συνι¾ντα κα δυνµενα χÞριζεσθαι πλιν.
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cxviii INTRODUCTION INTRODUCTION cxix
mêmes étant susceptibles de se transformer les uns dans les dant là que d’une description des effets de la puissance-2.
autres, on ne voit pas en quoi cette caractéristique suffirait Même si nous nous sommes déjà rapprochés, avec ce type
à distinguer le mélange de la génération. de discussions, d’un traitement « biologique » du problème
Une première clé nous est fournie par une glose d’Aristote — la puissance-2 étant par excellence celle des médecins-
à son introduction de la puissance comme critère distinctif : physiciens — nous demeurons encore du côté analytique de
les éléments, dit-il, garde leur efficace même une fois mélan- la frontière : au point où nous en étions, pour l’augmenta-
gés 1. La puissance typique du mélange (puissance-2) serait tion, au moment d’établir que cette dernière avait lieu selon
donc non pas la capacité — d’ordre semi-logique, à tout le la forme et non la matière. Le « tournant biologique » va
moins ontologique — à recouvrer un état initial, mais l’effi- s’opérer en des termes assez similaires.
cience conservée par les éléments initiaux alors même qu’ils
Mélange et matière
sont « cachés » dans la mixture. C’est à cette présence « in-
tensive », et à elle seule, qu’on reconnaîtra avoir affaire à Ce qui correspond au recours à l’âme nutritive en GC I
une mixtion et non à une génération. Ainsi, la mention de 5 est la distinction, en GC II 7, entre « mélange » (µ¬ξιv) et
la δËναµιv de 27b 31 viserait à couvrir trois fonctions corré- « matière » (Ïλη). Rappelons une distinction de statique aris-
lées mais distinctes : (1) prendre en charge la puissance-1, totélicienne. Il y a, pour le Stagirite, deux types de repos,
les éléments d’un mélange pouvant être redissociés par des naturel et contraint 1. Le premier cas est exemplifié par la
processus physiques ou chimiques appropriés ; (2) désigner Terre, au repos dans son lieu propre au centre géométrique
l’efficace, la puissance-2, des composants initiaux préservée de l’Univers. Le second cas englobe tous les objets mainte-
dans le mélange ; (3) en corollaire, renvoyer à un amoindris- nus en une même position spatiale par des forces d’intensité
sement de leur efficience une fois qu’ils sont intégrés dans la égale et de direction opposée, une pierre tenue à bout de
mixture. C’est en ce dernier sens que Philopon, par exemple, bras par exemple. Pour Aristote, tout sépare ces deux repos.
entend la potentialité — puissance-3 — des éléments une La raison la plus profonde de l’opposition tient à l’état de
fois mélangés. Le commentateur les compare, non pas à un simplicité ou de complexité des objets considérés. Un repos
géomètre encore enfant ou à un géomètre endormi, ni bien naturel ne peut concerner qu’une substance simple, livrée à
sûr à la pleine et saine activité démonstrative d’un géomètre elle seule, non perturbée par une autre ; un repos contraint
éveillé, mais à celle d’un géomètre ivre. Si celui-ci, à la dif- implique la réunion de plusieurs agents. Le repos naturel est
férence du géomètre endormi, sera en état de produire des un état, le repos contraint une action. Mutatis mutandis, le
théorèmes, son esprit émoussé par l’alcool ne fonctionnera problème que la notion de mélange pose à Aristote est du
pas aussi bien qu’en état de sobriété 2. Il ne s’agit cepen- même ordre. De manière grossièrement anachronique, nous
pourrions fixer le Froid élémentaire aux alentours de +4°
et le Chaud élémentaire aux alentours de +70°. Les tempé-
1. GC I 10, 27b 30-31 : σÞζεται γρ δËναµιv αÍτFν.
2. Cf. In GC 188,21-23 : « De même que le géomètre ivre qui
ratures au delà et en deçà de l’intervalle [+4°, +70°] sont
entreprend de géométriser est en acte selon son habitus, mais
non de manière pure, de même l’eau et le vin dans le mélange :
chacun, dans la mixtion, est en acte de manière réduite » (λλL 1. Cf. DC I 8, 276a 22-30 et A.Po. II 11, 94b 36-95a 3, où Aris-
Äν τρ¾πον Á µεθËων γεωµτρηv κα πιχειρFν γεωµετρεEν νεργεE µν tote évoque le caractère « double » de la nécessité ( δL νγκη
κατ τν ξιν, οÍκ ε®λικρινFv δ, οÏτωv κα τ¿ Ïδωρ κα Á οµνοv χει ν διττ), selon qu’une pierre se dirige vers le haut quand elle est
τG κρµατι· κτεροv γρ ν τD µ¬ξει κεκολασµνωv νεργεE). jetée ou vers le bas quand elle suit son impulsion naturelle.
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cxx INTRODUCTION INTRODUCTION cxxi
pour Aristote des excès (Îπερàολα¬) de chaleur et de froid. seule expression du plus et moins 1. Quelque chose qui n’est
Ainsi, la glace représente un excès de Froid élémentaire et plus Froid et qui n’est pas encore Chaud n’est donc à propre-
la flamme du forgeron un excès de Chaud élémentaire 1. Le ment parler rien. C’est une déchéance d’une positivité vers
Feu élémentaire est ainsi bien moins chaud que celui que un néant. Cette positivité peut être plus ou moins achevée :
nous fabriquons, puisqu’il rentre dans la composition, sans le Chaud est davantage être, le Froid davantage non-être ; la
les consumer, des êtres vivants. Il suit que la « température » forme, dans un cas comme dans l’autre, est cependant plus
moyenne entre le Froid élémentaire et le Chaud élémentaire « lisible » que la zone indistincte et intermédiaire où les corps
n’est pas, pour Aristote, froide ou chaude au toucher, mais premiers se sont fondus sans rien devenir 2.
précisément ni froide ni chaude. Si l’on en croit la doctrine On peut se demander, si l’état thermique et hygromé-
du DA, il s’agit de la « température » du corps humain 2. trique est identique, ce qui distingue un corps porté au
Supposons maintenant que nous mélangions un corps élé- non-Froid (ou au non-Chaud) d’une mixture dans laquelle le
mentaire chaud et un corps élémentaire froid (le feu et la Chaud et le Froid des deux composants se contrebalancent.
terre) en sorte que le Chaud et le Froid élémentaires se C’est sans doute l’état de cohérence corporelle produit lors
contrebalancent. Le corps homéomère résultat du mélange du mélange qui permet à Aristote d’opposer µ¬ξιv et Ïλη. Car
ne sera ni chaud ni froid. Supposons d’autre part que nous des quatre qualités élémentaires, deux — le Sec et l’Humide
échauffions la terre, sans la mettre au contact du feu, pour — jouent un rôle dans les processus de délimitation de la
qu’elle parvienne au même état thermique que celui de cet substance et les deux autres — le Chaud et le Froid — dans
homéomère. Parvenue à ce point médian, très éloigné de son sa fixation solide 3. Il y a là un saut fonctionnel des qualités,
Froid naturel, la terre aura déjà perdu sa spécificité consti-
tutive ; mais, trop éloignée de la Chaleur élémentaire, elle
1. L’existence des « contraires gradués » est l’une des plus
ne sera pas encore transformée en feu. Quel est cet état ? grandes difficultés de l’aristotélisme physique. En tant que po-
Pour répondre à cette question, il faut lâcher la rampe ana- sitivités distinctes, les contraires, même gradués, sont séparés
chronique des températures. Le Froid et le Chaud existent par un abîme métaphysique ; en tant que moments d’une même
absolument. Même s’ils sont reliés par une série de degrés, progression scalaire, ils ne sont que des variations du même. La
ils ont une individualité propre, qui ne les réduit pas à la doctrine de l’altérité spécifique et de l’unité générique, coup
d’état ou de génie métaphysique dans la république du préso-
cratisme, est un palliatif. Cette crux induit toutes les apparentes
incongruités des grilles multiples du classement des animaux.
Cf. infra, p. cliv-clxiii.
1. Cf. GC II 3, 30b 25-30. 2. Cf. Metaph. I 5, 1056a 22-25, et le commentaire de O. Be-
2. DA II 11, 424a 2-5 : « C’est la raison pour laquelle nous cker, Eudoxos-Studien III, p. 239-240 (je traduis) : « Par rapport
ne sentons pas ce qui n’est chaud ou froid, dur ou mou, qu’à à l’inégal, l’égal se caractérise comme une sorte de Privation,
notre semblance, mais les excès : le sens est comme la moyenne parce qu’il se trouve entre (µεταξË ) les deux pôles de l’inégal (qui
de la contrariété inhérente aux sensibles ». Voir aussi Meteor. IV s’apparente à une δυv [...]). Il en va de manière semblable de ce
4, 382a 18-21 (à propos du dur et du mou) et DA III 13, 435a qui n’est ni bien ni mal, qui, sans nom (νÞνυµον) et, eu égard à
20-24. La température moyenne correspond donc à « notre » 37° sa catégorie, non déterminé, se trouve entre les deux ; et, plus
(c’est la raison pour laquelle nous avons fixé plus haut Froid et encore, de ce qui n’est ni noir ni blanc, mais entre les deux ».
Chaud élémentaires à +4° et +70° : par symétrie, leur moyenne 3. La théorie classique est articulée en GC II 2. On trouve
arithmétique doit être égale à 37° et le Froid élémentaire l’est une application, décisive pour notre propos, en DA II 11, 423a
moins que la glace, qui en constitue un « excès »). 12-15 : « Il est impossible que le corps animé soit constitué d’air
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qui n’est pas la moindre difficulté de la physique aristotéli- leurs puissances se fixent mutuellement et permettent ainsi
cienne. l’existence d’un composé stable. Absents comme états sub-
Si l’on en croit Meteor. IV, Aristote semble voir la « ma- stantiels, ils subsistent comme forces plastiques et cohésives.
tière » issue de la dégradation des éléments comme une Mais cette stabilité ne doit pas faire illusion : il s’agit, comme
« putréfaction » ou une « liquéfaction » (σCψιv). Plus encore pour le repos contraint, d’une situation destinée à se défaire.
que l’idée d’une fluidité, c’est celle d’une inconsistance On retrouve finalement le grief habituel du GC à l’en-
amorphe qu’il faut retenir 1. Y a-t-il une part scientifique dans contre de la chimie atomiste. Le mélange de Démocrite,
ce morceau d’idéologie ? Ou toute la pensée d’Aristote se qui consiste dans la juxtaposition de petites particules dif-
réduit-elle à une vision culturellement codée de ce qui n’a de férentes les unes aux autres, s’il peut à la rigueur rendre
nom dans aucune langue ? C’est encore une fois la biologie, compte de l’impression sensorielle macroscopique, est in-
et non la physique, qui fournira la réponse : les « composés capable d’expliquer les phénomènes de solidification et de
fins » sont des habitacles appropriés pour l’âme en ce qu’ils cohérence. Les tissus biologiques seraient proprement dés-
sont en tant que tels, par eux-mêmes, animés en puissance ; intégrés. À supposer même qu’on explique leur cohérence
les matières décomposées n’ont plus le dynamisme requis macroscopique par un nombre immense de jonctions méca-
pour se laisser habiter — elles ont perdu leur capacité d’ani- niques — chose bien invraisemblable — il est une série de
mation intrinsèque 2. dix-huit autres caractéristiques de la matière homéomère,
L’essentiel de la discussion de GC II 7 est consacré développées en Meteor. IV 8, que l’Atomiste sera bien en
à exposer, en termes généraux, les tenants — plus que peine d’expliquer 1.
les aboutissants — d’une telle théorie. Dans le langage
L’analogie de la peinture
archaïque, sur ce point, qui est le sien, Aristote tente d’expri-
mer la distinction entre une sommation de deux « mesures Une confirmation de l’importance du critère de « puis-
algébriques » de signe opposé, dont les deux « positivités » sance cohésive » peut être tirée du pont que dresse Aristote
déterminent le résultat final, et l’amoindrissement d’une entre sa critique du mélange atomiste et sa théorie de la
grandeur positive 3. Le mélange (biologique) est algébrique ; vision. Dans son étude détaillée des couleurs (Sens., chap.
la matière est le décrément maximal possible d’une valeur 3), il évoque trois façons de produire les couleurs : la jux-
absolue. On aboutit donc à une quatrième notion de puis- taposition, la superposition et le mélange intégral. Ces trois
sance : les ingrédients perdurent dans la mixture en tant que manières sont utilisées par les peintres de son temps 2. Même
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si Aristote ne rapporte aux peintres que le procédé par super- Sa réponse tient à la conception qu’il se fait du degré de
position (consistant à appliquer l’une sur l’autre différentes passibilité nécessaire d’un corps cohérent. C’est en effet là
couches de pigments pour produire la nuance désirée) 1, il que réside la différence fondamentale entre la couleur et le
ne peut ignorer que les deux autres types correspondent eux corps. Le peintre peut, en juxtaposant deux pigments mi-
aussi à des procédés en usage. On aboutit donc au résultat néraux, produire une nuance intermédiaire pour les yeux
paradoxal qu’au niveau de l’analyse de la vision, il n’y a rien du spectateur situé à une distance suffisante. Rien n’impose
à redire au modèle atomiste. La peinture par juxtaposition alors que les deux fragments minéraux s’accrochent l’un à
des couleurs démontre que les couleurs primaires n’ont pas l’autre, car il suffit que le peintre dispose d’un enduit assez
besoin de se fondre « chimiquement » les unes dans les autres adhérent pour que chaque pigment reste fixé au support. Dès
pour produire les nuances intermédiaires. On ne réfute pas lors cependant qu’on raisonne sur des corps, il ne suffit pas
un fait, et la peinture par juxtaposition est un fait suffisam- que les deux éléments soient dans un rapport harmonique ou
ment établi, à l’époque d’Aristote, pour que celui-ci ne se disharmonique, il faut encore que leurs matières respectives
risque pas à attaquer ce modèle en tant que tel. C’est la rai- interagissent l’une sur l’autre. Le modèle corporel impose
son pour laquelle il doit expressément recourir, en Sens., aux donc la prise en compte d’une condition supplémentaire,
résultats de GC I 10, et non l’inverse 2. L’argument atomiste à celle d’un pouvoir de fixation réciproque des deux corps.
contrer est le suivant : puisque les couleurs se mélangent par Ce modèle trouve lui aussi sa mise en pratique picturale,
simple juxtaposition et qu’il y a une liaison intime entre le lorsque le peintre mélange sur sa palette les deux pigments
mélange des couleurs et celui des corps qui les sous-tendent, humidifiés avant de les déposer sur le support 1.
il est probable que les corps se mélangent par simple juxta- Nous avons la chance, dans le cas de la mixtion, de dispo-
position. Aristote doit donc défaire cette liaison intime entre ser du passage connexe de Sens., qui nous permet de mieux
le mélange des couleurs et celui des corps. saisir la stratégie anti-atomiste d’Aristote. On peut revenir
un instant, en s’appuyant sur ce cas, au traitement de l’altéra-
tion et de l’augmentation. Le modèle atomiste, irréprochable
topologiquement — il peut y avoir « altération » du composé
des effets visuels particuliers, au moyen de mélanges de pig- par variation atomique et « augmentation » par juxtaposi-
ments sophistiqués, par des techniques de superposition de couches
tion —, ne l’est pas au niveau, organique cette fois, de la
colorées ou par mélange réel » (je souligne). Les superbes photo-
graphies microscopiques des coupes d’échantillons (pl. 5 et 6)
prises par l’auteur illustrent bien la différence entre les deux
procédés. Il ne faut pas confondre la question d’user de l’analo- 1. Il y a peut-être, bien qu’Aristote ne le dise nulle part
gie du mélange des pigments à certaines fins et celle d’expliquer explicitement, une raison physique à exclure l’humide de la défi-
toutes les couleurs par des mélanges de pigments, à laquelle nition des couleurs. Si en effet, comme le croit Aristote, toutes
P. Struycken, « Colour Mixtures According to Democritus and les couleurs résultent du mélange du noir et du blanc et que
Plato », Mnemosyne 56, 2003, p. 273-305, a dénié toute perti- le feu est le corps blanc par excellence, la terre le noir, il faut
nence antique. conclure que la couleur, en tant que telle, ne fait pas appel à
1. Sens. 3, 440a 7-9. l’humide (le feu étant chaud et sec, la terre froide et sèche). La
2. Cf. Sens. 3, 440a 30-b 25 (on notera les deux références différence avec le monde du vivant serait bien ici : le modèle du
à GC I 10 en 440b 3-4 et 13). Aristote s’appuie sur sa discussion mélange corporel ne saurait se réduire à celui de la juxtaposi-
du mélange du GC pour montrer l’inanité de toute réduction ato- tion de couleurs, parce que c’est l’humide qui, dans toutes les
miste. combinaisons biologiques, assure le rôle de liant.
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cohérence des homéomères. Comment expliquer l’unité de l’univers aristotélicien, actes qualitatifs ou puissances sub-
telle ou telle partie de chair si on la conçoit comme un stantielles. Ils offrent une réalité physique, une manière
assemblage d’atomes ? Qu’est-ce qui soude entre eux deux d’extériorisation à la négativité de la puissance intégrale,
atomes distincts ? Les atomistes ne peuvent répondre à cette ainsi qu’un fondement matériel au monde des substances
question sans introduire une réalité supplémentaire, outre le achevées 1 : celui d’une matière déjà dégrossie, sur laquelle
plein et le vide, ou sans postuler des liaisons mécaniques trop pourra s’exercer l’unification substantielle, la σ˵φυσιv (on
ad hoc pour ne pas disqualifier leur hypothèse de départ. ne voit la chair que parce qu’on voit les membres, le bois
C’est le fondement de l’apparente contradiction dans le les arbres, l’airain la sphère d’airain). Les homéomères sont
traitement aristotélicien de la qualité. Celle-ci est bien sûr la première détermination de l’indéterminé pur. L’affection
avant tout quelque chose que nous appréhendons par le seule permet de donner tel ou tel logos (formule proportion)
toucher. Mais au niveau de la constitution des substances, à un homéomère, car c’est elle qui actualise la matière : la
c’est le principe de cohésion lui-même : s’il n’y avait pas seule forme de l’homéomère consiste dans le rapport quan-
de « veines de qualités » parcourant le monde sublunaire, titatif des quatre affections primordiales qui le constituent.
la constitution des objets, a fortiori des substances, serait Mais ce n’en est une qu’en une acception très spéciale. L’ho-
impensable 1 ; il y a donc nécessairement une présence la- méomère est une matière qualitative à la façon dont les astres
tente de qualités-1 assurant l’existence (la cohérence) des sont des matières locales 2. Son principe d’individuation,
substances qui nous entourent et dont nous percevons les sans être inexistant, est imparfait. On assiste à une simpli-
qualités-2. Cette analyse est confirmée par le traitement des fication du réel, qui comble les degrés reliant puissance et
homéomères. acte purs. Les homéomères d’un côté, les astres de l’autre,
font toucher le sensible aux bornes de la cosmologie aris-
d. Les homéomères
totélicienne 3. La structure encore inachevée des premiers
Les homéomères font l’objet d’une double indécision de suggère d’elle-même que l’épicentre de cette physique est
la part d’Aristote. Celui-ci hésite tout d’abord, comme nous
l’avons déjà noté, sur leur statut substantiel : s’ils sont le
résultat d’un mélange, ils ne sauraient être des substances en- 1. Ils sont ainsi au fondement des deux échelles matérielles
de la biologie, proposées respectivement en PA II 1 et en HA I 1.
gendrées à part entière ; ensuite, sur leurs composants réels :
Sur ces deux textes, voir infra, p. clxxii sqq.
s’agit-il des quatre corps premiers (Feu, Air, Eau, Terre), 2. Suivant l’hapax fameux de Metaph. H 1, 1042b 6 (Ïλην ...
ou des quatre puissances premières (Chaud, Froid, Sec, Hu- τοπικν).
mide) ? 3. Une question se pose de savoir si ces bornes sont ex-
La première interrogation, si l’on ne se résout pas à des ternes ou internes à la cosmologie. La borne inférieure nous
distinguo qui en diluent la portée, paraît inextricable. Il va de paraît externe, puisque la prima materia n’est par définition ja-
mais réalisée, même si des états de putréfaction-liquéfaction
soi qu’elle se ramène à celle de la relativité de la substance l’approchent qualitativement (tout en s’en distinguant ontolo-
comme réalisation : les homéomères sont à la charnière de giquement : la prima materia est une pure abstraction — ce qui
ne veut pas dire une chimère — comme le Cheval ou l’Animal,
tandis que la pourriture, à défaut d’être informée, est objec-
1. Le modèle de la « veine » qualitative (cf. GC I 9, 26b 34- tale). La borne supérieure, le Premier Moteur, acte pur, pose
27a 1 : διατε¬νουσι τοÖ παθητικοÖ φλεàv συνεχεEv) est développé des problèmes logiques, systémiques et évolutifs qu’il serait dé-
dans tout le chap. I 9 de GC. raisonnable de vouloir aborder ici.
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ailleurs, au niveau des substances véritablement informées, de la causalité matérielle, sur la génération et le devenir,
c’est-à-dire des êtres vivants. il doit envisager les homéomères du point de vue non pas
La seconde question nous ramène elle aussi au fondement seulement de leur composition formulaire, mais également
de la biologie. En tant qu’on explique l’être des homéomères, de leur genèse.
on peut se passer des quatre corps premiers. Chaque ho- Ce point fait l’objet du chap. II 8. Pour démontrer que
méomère se définit plus par une proportion des qualités tous les homéomères de la région sublunaire sont composés
primitives que par celle des corps premiers. En tant cepen- des quatre corps simples, Aristote s’appuie sur la nutrition
dant qu’on explique leur devenir, on ne peut faire l’économie des être vivants 1. Tous, d’une manière ou d’une autre, se
des corps. C’est la raison d’une apparence d’indécision. En nourrissent de tous les corps simples. Le vivant se nourris-
PA, Aristote revient de manière appuyée sur la priorité, fon- sant des éléments mêmes qui constituent ses tissus, tous les
damentale pour la méthodologie scientifique, de l’être sur tissus sont composés de tous les corps simples. Si l’on ne
le devenir 1. Celui-là détermine celui-ci et non l’inverse. Les prend pas garde à la distinction entre être et devenir, ce rai-
briques sont en vue de la maison, non la maison en vue des sonnement peut paraître grossier et en désaccord avec PA
briques 2. On pourrait dire que, semblablement, les corps II 1. Mais il ne l’est qu’en apparence. La chaîne nutrition-
premiers sont « en vue » des qualités premières et non celles- nelle [omnivores → carnivores → herbivores → végétaux →
ci « en vue » de ceux-là. Les corps premiers vont véhiculer (eau+terre)] aboutit toujours aux quatre éléments, puisque
les qualités premières, qui constitueront les homéomères, l’eau et la terre ne peuvent subsister sans leurs contraires,
qui eux-mêmes constitueront les parties anhoméomères, but l’air et le feu. Même donc si aucun animal ne peut se nour-
ultime de la nature artiste. La description biologique ser- rir directement des quatre éléments et que la médiation des
rée des homéomères de PA II met en pratique les réquisits végétaux est nécessaire aussi bien à l’alimentation des herbi-
théoriques défendus dans les passages épistémologiques du vores que des carnivores, ce sont les corps premiers qui sont
même traité : c’est au niveau le plus pleinement causal, celui au fondement de la constitution du vivant. Il y a là plus qu’un
de l’être, qu’Aristote les considère. Démocrite s’est fourvoyé jeu « abstrait » des qualités, du fait qu’on ne saurait nourrir
en pensant que le devenir — matériel — suffirait à donner les végétaux d’autre chose que de ces corps 2.
la cause des phénomènes. C’est la raison pour laquelle la Si donc, sur la question des homéomères, le GC semble
balance penche clairement alors en faveur des qualités primi- aller à l’encontre de PA, ce n’est pas par déni de la
tives. La chair n’est pas composée de Terre, d’Eau, etc. mais biologie mais pour des raisons « surbiologiques ». Aristote
des puissances qualitatives primitives 3. La situation est dif- annonce bien, en GC II 8, de quelle façon les qualités primi-
férente dans le GC. Ce traité se concentrant, dans son étude tives se retrouveront dans tous les corps vivants, au niveau
principalement de leur composition sanguine : c’est par l’ali-
1. PA I 1, 639b 21-640a 9. mentation que ce phénomène se produit et l’alimentation est
2. Cf. Phys. II 9 et GC II 11.
en dernière instance fondée sur l’intégration des quatre corps
3. PA II 1, 646a 12-20. HA I 1, 486a 514, présente égale-
ment l’échelle de la réalisation, mais la fait commencer aux premiers.
homéomères. De manière allusive, ceux-ci sont cependant ca-
ractérisés, quelques lignes plus bas (487a 1-10), davantage par qui leur ont primordialement donné naissance.
leurs qualités — notons d’ailleurs qu’il ne s’agit que des qualités 1. GC II 8, 35a 9-10.
passives : Aristote ne mentionne pas le chaud et le froid, mais 2. Cela n’empêche pas les végétaux d’être essentiellement
seulement l’humide, le sec et le dur) que par les corps premiers terreux. Cf. infra, p. cxxxvi.
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1. 416b 20-29.
2. Notons d’ailleurs qu’en de nombreux endroits, Aristote Somn. 3, 456b 5-6 est même rétrospective. Il y aurait donc quatre
évoque des recherches biologiques « Sur l’augmentation ». Les strates scientifiques, de généralité variables, concernées.
allusions sont en général prospectives (DA II 4, 416b 30-31 ; PA 1. GA II 6, 744b 32-36.
II 3, 650b 9-11, III 14, 674a 19-21 ; GA V 4, 784b 2-3) ; celle de 2. GA II 4, 740b 25-37 (trad. P. Louis).
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La théorie du sens ou de la perception (α°σθησιv) 1 et celle l’essentiel de la question, que les exégètes les plus auto-
de la locomotion 2, malgré leur difficulté, confirment que l’un risés disputent aujourd’hui encore de l’existence et de la
des pans de l’étude de l’altération du GC — celui qui n’est pas nature d’une altération physiologique du medium qui serait
directement déterminé par l’étude de la causalité matérielle à la conscience de la sensation ce que la matière est à la
— est bien de tonalité biologique. À vrai dire, le cas est à la forme. Pour R. Sorabji, la substance aqueuse de l’œil, par
fois plus compliqué et plus révélateur encore des motivations exemple, s’altère au sens propre lors de la vision 1 ; pour M.
d’Aristote. Plus compliqué, parce que l’augmentation ne se Burnyeat au contraire, il ne se produit rien de plus en elle que
produit à proprement parler que dans les êtres biologiques, lorsqu’un milieu diaphane externe laisse voir à son travers la
tandis que l’altération et la locomotion prennent évidem- couleur de l’objet vu : une variation relationnelle, dans un jeu
ment place dans des substances inanimées. Une pomme verte à trois termes voyant-milieu-vu 2. Ce changement de relation
rougit, une pierre tombe. Pourquoi donc postuler une liai- ne peut être considéré comme une « altération » (λλο¬ωσιv)
son privilégiée entre l’altération et la faculté sensitive, la qu’en un sens très spécial. Le τιv qu’Aristote emploie alors
locomotion et l’appétitive ? La réponse est encore une fois (λλο¬ωσ¬v τιv) ne veut pas dire « une altération » mais : « un
conséquence directe du substantialisme biologique d’Aris- autre type d’altération » 3. Il est hors de question de rouvrir
tote. Si les seuls êtres véritables sont des êtres animés, il faut ici un dossier aussi complexe. On se contentera de noter que
étudier les changements que ces êtres subissent non en gé- dans un cas comme dans l’autre, la liaison qu’établit Aristote
néral, mais en tant qu’ils sont des êtres véritables, c’est-à-dire entre les facultés psycho-physiologiques et les catégories se
en tant qu’ils sont animés de tel ou tel type d’âme. Soit un trouve confirmée. Cela est hors de doute si l’on adopte la lec-
arbre. Ses fibres durcissent sous l’effet du gel, ses branches ture de Sorabji, mais c’est tout aussi vrai — et plus révélateur
s’agitent au vent. Nul ne déniera qu’il s’agit là d’altération encore — avec celle de Burnyeat, du fait qu’Aristote, quelle
et de locomotion. Mais la question ontologique n’est pas là. qu’ait été la réalité physique exacte sous-jacente à la percep-
C’est de savoir si c’est en tant que l’arbre est ce qu’il est — tion, a tenu à la décrire comme une altération. Il ne désigne
telle âme nutritive forme de tel corps majoritairement ter- rien d’autre, dans ce contexte, que ce que nous entendons en
reux — qu’il s’altère et se meut. Pour Aristote, la réponse parlant d’action objective de l’environnement sur l’animal.
est négative, quant à la locomotion bien sûr, mais également De manière pour nous beaucoup plus décisive, et quoi qu’il
à l’altération. Cette dernière, dans les végétaux, relève de la
part matérielle qui est en eux, et non de la faculté psychique
à laquelle se résume leur identité. Les fibres du pommier 1. Cf. R. Sorabji, « Body and Soul in Aristotle », Philoso-
durcissent parce que le gel les dessèche. Il ne s’agit pas d’un phy 49, 1974, p. 63-89 et « Intentionality and Physiological
processus dirigé par l’âme (nutritive) du pommier, qui se Processes : Aristotle Theory of Sense-Perception », dans M. C.
contente d’assimiler la terre humide captée par les racines. Nussbaum et A. Oksenberg Rorty (eds), Essays on Aristotle’s De
Anima, Oxford, 1992, p. 195-225.
Le règne du sensitif, quant à lui, semble se caractériser 2. Cf. M. F. Burnyeat, « Is an Aristotelian Philosophy of
par l’altération. Notons tout d’abord, mais ce n’est pas là Mind Still Credible ? (A draft) » et « How Much Happens When
Aristotle Sees Red and Hears Middle C ? Remarks on De Anima
2. 7-8 », dans Essays on Aristotle’s De Anima (cf. n. précédente),
resp. p. 15-26 et p. 421-434 (1992b). Reprise exhaustive des ar-
1. DA II 6-III 2. guments dans « De Anima II 5 », Phronesis 47, 2002, p. 28-90.
2. DA III 7-13. 3. Cf. DA II 5, 416b 34.
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se passe dans la zone externe des organes sensitifs, il y a bien Nous avions noté plus haut qu’Aristote opposait la gé-
altération de la zone centrale où aboutissent les sensations. nération de substances-masses à l’altération de substances
Car les données des différents sens sont transmises au cœur informées sans envisager les deux autres termes du tableau
qui les synthétise. Elles affectent donc l’individu (puisque le croisé 1. On comprend pourquoi. L’altération relève par soi
cœur est le représentant local de l’âme sensitive) 1 — et pas des animaux. Si une substance végétale naît ou grandit en
seulement sa matière, comme dans le cas d’une plante altérée tant que telle, elle ne s’altère qu’en tant qu’elle participe de
par la chaleur avoisinante — et ces affections se traduisent la matière brute et non de l’âme. La seule substance qui ac-
par l’adaptation immédiate de son comportement. cepte l’altération dans la constitution de son activité propre,
Une fois informé, le cœur fait office de point fixe où s’ap- c’est l’animal. Toute la difficulté dans l’interprétation du GC
puieront, de la manière la plus mécanique, les mouvements est de saisir qu’Aristote voit alors dans l’altération aussi bien
des différents membres (fuite, chasse, saisie, esquive, etc.) 2. le principe au fondement de sa chimie élémentaire que l’an-
Il pourra donc y avoir, chez les animaux (supérieurs) do- ticipation générale de théories biologiques plus délicates.
tés de cette faculté, une réaction-locomotion, assurée par Reste que cette association développée en DA justifie théo-
la faculté appétitive, à une action-altération relevant de riquement la constatation faite à la lecture du GC. Aristote
l’affective. Cette structure de va-et-vient, associée à l’ana- n’y propose pas une analyse a priori de la génération, mais,
logie altérationnelle qu’Aristote dresse entre la sensation et une fois posés quelques principes analytiques, d’ordre quasi
la réflexion 3, ainsi que la définition physique de la colère définitionnels, infléchit sa réflexion vers une discussion des
(« ébullition du sang et du chaud dans la région du cœur ») 4 changements des êtres véritables. En d’autres termes, il s’agit
semblent indiquer que l’altération spécifique que représente d’une étude physique des substances sensibles et non d’une
la sensation se rapproche fort, par ses modalités de saisie logique de la devenance. C’est la raison pour laquelle la
interne, d’une altération matérielle par changement des af- biologie dicte son orientation à la physique. On ne force-
fections qualitatives. Dès qu’au niveau du cœur, la sensation rait guère le trait en disant, comme première approximation
se mue en perception, elle s’accompagne d’une conscience — et avant de s’interroger plus techniquement sur le type
de plaisir et de peine 5 qui met en branle la mécanique de la d’unité scientifique que cela présuppose — que cette phy-
chaleur vitale, responsable à son tour des mouvements 6. sique des changements est une biologie générale. Aristote
discute moins du devenir que de la genèse, de l’altération
que de l’affection corporelle, de l’augmentation que de la
1. Cf. MA 9, 703a 2-3. croissance et sa mixtion est presque ostensiblement celle des
2. Cf. Somn. 2, 456a 3-10. médecins-physiciens.
3. DA II 5.
4. DA I 1, 403a 30-b 1.
5. DA II 3, 414b 1-6.
6. Voir surtout MA, chap. 9, en part. 702b 20-25 : « La fa-
culté sensitive (τ¿ α®σθητικ¾ν), d’après nous, est en effet là [au
milieu du corps], en sorte que lorsque le lieu autour du principe
est altéré par la sensation (λλοιουµνου δι τν α°σθησιν τοÖ τ¾που
τοÖ περ τν ρχν) et qu’il transforme les choses adjacentes, il produit le mouvement des animaux ». Cf. aussi MA 10, 703a 14-
transforme du même coup, en les étirant et en les comprimant, 16.
les parties, en sorte que nécessairement, par ces dernières, se 1. Cf. supra, p. lxxxix-xc.
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aussi que somme organisée révélant la cause 1. Il n’y a plus comme d’autres textes d’Aristote invitent à le faire 1, on ne
qu’à suivre l’analogie et transposer ces deux moments au voit dans l’astronomie qu’une science subordonnée à la géo-
rapport entre physique et biologie : la démonstration bio- métrie, la restriction des objets d’étude n’aura lieu qu’au
logique serait une application de la physique « théorique » stade même de l’astronomie. La question est donc : y a-t-il
à une récolte systématique de faits biologiques permettant une physique qui, toute physique qu’elle soit, puisse être
d’en exhiber les causes 2. spécifiquement « pré-biologique » ? Or, cette question est
Ce passage de PA a le charme et la difficulté des textes encore obscurcie par le fait que les êtres vivants sont, pour
programmatiques. De loin, tout y paraît lisse. Les choses Aristote, les seules substances au sens plein du terme. Il y a
se compliquent dès qu’on tente de pénétrer les raisons de donc une évidente réalisation de la physique dans la biologie
l’analogie. La première difficulté reflète la complexité du qui pourrait faire croire que la physique dans son ensemble
statut mathématique « pur » de l’astronomie. Si en effet on est « pré-biologique ».
comprend cette dernière — comme Aristote le fait en A.Po. Une seconde difficulté tient à l’hétérogénéité de l’acte
I 13 — comme une science mathématique au même titre d’abstraction. On peut concevoir que la « cause » appliquée
que la géométrie et la stéréométrie, soit comme une science aux phénomènes astronomiques soit de nature mathéma-
générale appliquée à des objets tout aussi généraux mais tique parce que la formalité de l’astronomie n’est rien d’autre
conceptuellement plus déterminés, il faut semblablement que celle des mathématiques et que la causalité recherchée
poser que la physique au fondement de la biologie est une est tout entière du côté de cette formalité. Aristote joue
physique déjà orientée vers la biologie 3. Si en revanche, précisément sur l’équivocité de l’astronomie supérieure,
entre « sphérique » et théorie du mouvement des planètes.
Le « que » et le « parce que » appartiennent ici, selon deux
1. Les φαιν¾µενα (cf. n. précédente), en d’autres termes,
sont supérieurs à, et d’un autre ordre que l’« astronomie nau- points de vue différents, à une ou à deux sciences. Mais dans
tique », qui consiste sans doute dans la connaissance empirique le cas de la biologie, la biologie « supérieure » — celle déve-
du ciel que possède le marin : position des constellations, mou- loppée en PA — est tout aussi différente de Phys. et de GC
vements nocturnes apparents. que l’est HA. Les deux strates sont donc en apparence bien
2. On laisse de côté l’astronomie nautique (cf. n. pré- plus unitaires, et forment un bloc bien plus clairement déta-
cédente) qui trouverait bien sûr sa contrepartie dans la
ché de la science « physique » sur laquelle elles se fondent :
connaissance qu’un paysan peut avoir de son bétail, un chas-
seur de son gibier, etc. Ces catégories ne valent en définitive la biologie demeure la biologie et l’on ne voit finalement pas
que parce qu’elles sont intégrées, à un niveau exhaustif et mé- bien pourquoi c’est le physicien, et non un biologiste (le mot,
thodique, aux φαιν¾µενα. significativement, est absent du corpus) qui fournira les dé-
3. La géométrie à l’œuvre dans l’astronomie d’Eudoxe se monstrations.
concentre sur les propriétés des sphères en mouvement. Elle D’aucuns seront tentés de banaliser la référence au « phy-
a donc des traits caractéristiques qui l’isolent aussi bien de
la géométrie que d’une stéréométrie indifférenciée. Ou, pour
sicien », en arguant de l’équivocité du terme : il s’agit autant,
formuler autrement cette distinction : l’astronomie d’Eudoxe pour Aristote, de celui qui s’occupe de la physique au sens
est une science abstraite conçue pour s’adapter à une certaine
catégorie de phénomènes. Elle a de la géométrie la pureté for-
melle, des sciences dérivées l’anticipation d’un substrat. Mais pée indépendamment d’eux avant d’être appliquée, le mieux
elle n’est pas purement et simplement abstraite des données possible, à ces derniers.
sensibles comme peuvent l’être les φαιν¾µενα. Elle est dévelop- 1. Cf. Phys. II 2, 194a 7-8.
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propre (la discipline à l’œuvre dans la Physique ou le GC) que d’individus matériels (les quatre éléments, l’écliptique, le
du savant engagé dans l’étude de tel ou tel aspect de la nature soleil) et (5) de méthodes (la question de l’hypothèse, la cri-
(φËσιv) 1. L’analogie du texte de PA n’en serait donc pas une, tique des prédécesseurs). Ces grandes catégories dament le
ou faible. La mention du physicien n’y ferait pas pendant à corpus physique de manière à peu près exhaustive. Même
celle du mathématicien, mais se contenterait de redoubler sans prendre en compte le cas très particulier des discussions
l’évocation implicite du biologiste. Mais il y a un parallèle méthodologiques — Aristote ne séparant jamais vraiment,
au moins rhétorique dans le texte de PA. Le principe de cha- dans sa propre recherche, l’« épistémologie » de la science
rité exige qu’on en fasse tout d’abord un parallèle doctrinal et effective — on doit tout d’abord noter une certaine concaté-
qu’on juge sur pièces du succès de l’enquête. En second lieu, nation entre les catégories (1)-(2)-(3)-(4). Les opérations (2)
la détermination du statut du physicien biologiste n’étant ici ont un rôle recteur qui, pour s’effectuer, présuppose les no-
que l’analogue de celle du mathématicien astronome, il ne tions (1). Ainsi, si Aristote étudie des notions telles que le
faudrait pas charger davantage celui-là que celui-ci. L’astro- lieu, le temps et la continuité dans la Physique, c’est avant
nomie débordant le statut d’une simple science subordonnée tout pour élucider la question du mouvement, qu’il faut sau-
à la géométrie, il en ira exactement de même pour la biologie ver des sapes zénoniennes. En outre, ce sont les opérations
à l’égard de la physique. qui dictent, à un niveau général, le déroulement de la science
physique : la place accordée à l’étude de la translation, dans
b. Meteor. I 1, 338a 20-339a 9
la Physique, est capitale, et précède démonstrativement celle
La difficulté la plus grave suscitée par le texte de PA n’a des autres changements dans le GC. Notons qu’ici, l’ordre
pas encore été abordée : c’est l’impossibilité évidente qu’il y de l’exposition épouse celui de la nature. La translation est
a, chez Aristote, à comprendre de façon à peu près unitaire première en tant qu’elle est impliquée dans tous les autres
les quatre traités « physiques » que celui-ci, dans le Prologue changements 1.
de Meteor., place en tête de sa philosophie naturelle. Si les re- Mais les opérations présupposent également les causes (3).
cherches physiques sont aussi hétérogènes que peuvent l’être La physique demande qu’on s’interroge non seulement sur
la discussion des principes de Physique I et celle des fleuves les modalités des opérations, mais également sur leur pour-
et des montagnes de Meteor., toute entreprise visant à saisir quoi.
ce qui, de la physique, permet de démontrer les faits biolo- Enfin, le classement des individus matériels (4) s’opère
giques, n’est-elle pas vouée à l’échec ? selon la délimitation des opérations. Aristote les divise en
La réponse à cet ensemble de questions passe par une ceux qui sont sujets à la translation seule, à savoir les êtres
considération attentive de certaines spécificités du corpus supralunaires, ou à tous les changements, comme les êtres
physique. La lecture du GC nous a déjà mis sur la voie. sublunaires. Ceux-ci sont à leur tour subdivisés en êtres
Aristote y traite aussi bien (1) de notions (la continuité) inanimés, envisagés dans les trois premiers livres des Mé-
que (2) d’opérations (génération, altération, augmentation, téorologiques, et en êtres biologiquement animés.
mixtion), (3) de causes (matérielle, efficiente et finale), (4) On pourrait se demander ce qui prime dans une telle phy-
sique, des opérations ou des individus qui les réalisent. Le
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fonctionalisme latent des traités biologiques pourrait laisser corruption, Météorologiques, Recherches sur les animaux, Re-
croire qu’il s’agit surtout des opérations. Mais il y a un pro- cherches sur les plantes. Autant que possible, le traité le plus
jet de cadastre fixiste des substances telles qu’elles sont, qui général précède le traité le plus particulier. Mais la linéarité,
résiste à cette lecture 1. Une chose est sûre : les opérations nécessaire évidemment au niveau de la lecture des pragma-
se réalisent dans des individus et les individus se caracté- ties, n’est qu’apparente. Elle recouvre une progression par
risent par leurs opérations. C’est ce lien intrinsèque des uns embranchements, qui impose qu’on règle la conséquence
aux autres qui explique qu’il ne faille pas lire la suite des particulière et terminale d’un principe — ce que avons dé-
traités de philosophie naturelle présentée dans le Prologue nommé l’individu matériel — avant d’envisager celle qui fait
de Meteor. comme une progression linéaire, mais bien plu- elle-même office de principe général à l’égard d’une division
tôt comme une structure arborescente. Commençons par en supplémentaire — et qui est en fait une opération. Ce n’est
citer la première partie 2 : donc que par souci de brièveté qu’on parle de « suite » des
Nous avons traité antérieurement des premières traités d’Aristote :
causes de la nature et du mouvement naturel dans
son ensemble, puis des astres dans l’ordonnance de
leurs déplacements supérieurs, des éléments corpo- Principes généraux
rels (dont nous avons dit le nombre et la nature, et (Phys. I-II)
décrit les transformations réciproques), de la géné-
ration et de la corruption en général. Il nous reste opération translation et notions induites
à considérer la partie de cette enquête que tous nos (Phys. III-VIII)
devanciers ont désigné sous le nom de météorologie.
individus mus inengendrés opérations génération, altération ...
Après avoir énuméré nombre de têtes de chapitre de Me- (DC I-II) (DC III-IV + GC I-II)
teor. — énumération qui nous prouve que ce développement
individus mus engendrés inanimés opération âme
a bien pour fonction première d’insérer cette œuvre dans la
(Meteor. I-III) (biologie)
suite des traités physiques — Aristote poursuit de la manière
suivante : en général séparément1
Ces sujets une fois explorés, nous verrons si nous pou-
vons rendre compte, selon nos principes directeurs, 1. La première recherche « moderne » sur la suite du
des animaux et des végétaux, pris à la fois en général corpus biologique aristotélicien est à mettre au compte de l’aris-
et séparément (καθ¾λου τε κα χωρ¬v) ; cela fait, nous au- totélisme padouan. Voir en particulier la recherche de Daniele
rons à peu près atteint le terme du projet d’ensemble Furlani, In libros Aristotelis de Partibus animalium Danielis Furlani
que nous nous sommes fixé au départ. Cretensis Commentarius primus, positis ante singulas declarationes
Malgré quelques incertitudes, qui ne sont pas que de dé- Graecis Philosophi verbis, iisdemque latine redditis a Theodoro Gaza.
tail, sur l’identification et l’extension des renvois d’Aristote, Additus est Index rerum et verborum insignium, Venise, 1574. Les Al-
lemands du xix e siècle ont consacré beaucoup d’efforts à cette
la démarche d’ensemble est relativement claire. Aristote pro- question, sans jamais cependant remettre en cause la structure
pose l’enchaînement Physique, Du ciel, De la génération et la linéaire de la « Reihenfolge » aristotélicienne. Voir J. G. Schnei-
der Saxo, Aristotelis de animalium historia libri X, 4 vol., Leipzig,
1811, T. I, Epimetrum III, p. xciv-cxxv en part. : « De libro-
1. Sur cette opposition, voir infra, p. clviii-clxiii. rum aristotelicorum, praecipue physicorum, descriptione et
2. Meteor. I 1 338a 20-339a 9. ordine » et p. cxvii Pour une discussion de Furlani ; F. N. Titze,
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Cette structure permet d’apercevoir un premier type il s’agit des opérations, qui se retrouvent toutes au niveau
d’items physiques déterminants dans le cadre biologique : des animaux 1. Il faut à ce sujet dissiper deux légères am-
biguités. La première, et la plus importante, est celle du
statut des astres. En tant que vivants animés, ils semblent
Aristoteles über die wissenschaftliche Behandlungsart der Naturkunde
überhaupt, vorzüglich aber der Thierkunde, Leipzig, 1823 ; id., De amoindrir la cohérence globale de la dichotomie. Mais la dif-
Aristotelis operum serie et distinctione, Leipzig / Prague, 1826 ; ficulté n’est qu’apparente. L’animation des animaux et des
C. Prantl, De Aristotelis librorum ad Historiam Animalium perti- plantes, parce qu’elle repose sur la présence d’une âme nu-
nentium ordine atque dispositione, Munich, 1843 ; L. Spengel, tritive, est hétérogène à celle du dieu-univers 2. Ce n’est donc
« Ueber die Reihenfolge der naturwissenschaftlichen Schriften en réalité pas tant la vie simpliciter qui préside à la classi-
des Aristoteles », Abhandlungen der philosophisch-philologischen
Classe der königlich bayerischen Akademie der Wissenschaften, V,
fication physique que celle du vivant sublunaire défini par
2, Munich, 1849, p. 143-167 ; p. 147 : « Die verschiedenen l’obligation de perdurer quelque temps et de (pour) se re-
physikalischen Schriften des Aristoteles bilden eine zusam- produire. Les vivants immortels apparaissent davantage par
menhängende Reihe, mögen sie nun schon von Anbeginn im le type très particulier d’opération qui leur est propre —
Geiste des Autors so geordnet und in dieser Folge nach einan- la translation ininterrompue, donc circulaire — que par leur
der ausgearbeitet, oder einzelne Werke theilweise schon früher
vie dont, comme en témoigne le DC, il n’y a finalement rien à
ausser ihrer Stellung als für sich bestehend ausgegeben und
erst später der Gesammtreihe einverleibt worden sein. Ihre dire si ce n’est qu’elle est. Cette remarque permet de dissiper
Ordnung lässt sich noch jetzt grossentheils aus dem innern la seconde ambiguïté : les opérations ne définissent pas les
Zusammenhange, in welchem die Schriften zu einander ste- êtres qu’elles affectent, mais elles les caractérisent comme
hen, angeben. Den Eingang bilden die acht Bücher der Φυσικ objets de telle ou telle science. Elles correspondent en outre
LΑκρ¾ασιv, eine Metaphysik der Physik, wie sie Hegel nicht à des strates cosmiques identifiables. Pas plus que les astres
unpassend nennt, etc. ». Citation intéressante à deux titres :
Spengel laisse la voie ouverte aux spéculations évolutionistes
ne sont définis par leur translation, ne le sont les objets mé-
mais les juge de toute façon sans importance, le corpus phy- téorologiques par leur translation et leur génération ou les
sique ayant bel et bien une organisation doctrinale. L’évocation objets biologiques par leur translation et leur génération et
de Hegel pourrait donner le cadre doctrinal de la multiplication
des études, vers 1840, sur l’unité du système physique aris-
totélicien ; H. Thiel, De zoologicorum Aristotelis librorum ordine
ac distributione, Breslau, 1855 ; A. Goedeckemeyer, Die Glie-
derung der aristotelischen Philosophie, Halle, 1912, en part. p. 1. Les plantes posent un problème, en ce qu’elles ne sont
60-101. Ce sont les études génétiques qui ont causé la lente ex- pas dotées d’un principe locomoteur.
tinction des recherches trop ouvertement « systématiques » du 2. Il y a chez Aristote une ambiguïté fructueuse, bien notée
xix e siècle. Voir en particulier W. W. Jaeger, Aristoteles. Grundle- par les commentateurs anciens, entre οÍραν¾v compris comme
gung einer Geschichte seiner Entwicklung, Berlin, 1923 ; I. Düring, « ciel » (éthéré) et/ou comme « univers ». Pour la structure com-
Aristotle’s De Partibus Animalium : Critical and Literary Commen- posée du dieu-univers, cf. DA I 1, 402b 5-8 et surtout I 5, 409b
taries, Göteborg, 1943 ; F. J. C. J. Nuyens, L’évolution de la 32-410a 1. Y a-t-il, entre le dieu-univers et les vivants biolo-
psychologie d’Aristote, trad. du Néerlandais, Louvain / Paris, giques, une unité d’analogie ou une simple homonymie ? Les
1949. Pour un étrange hybride, voir P. Thielscher, « Die relative textes de DA semblent pointer vers la seconde solution, tan-
Chronologie der erhaltenen Schriften des Aristoteles nach den dis que MA fait un usage constant de l’analogie entre monde
bestimmten Selbstzitaten », Philologus 97 (1948), p. 227-265. et corps vivant. Toutefois, le point qui importe et que les deux
Nous voudrions ici montrer que la structure, bien comprise, types de réalités ne sauraient être homogènes seulement parce
est heuristiquement plus féconde qu’une génétique incertaine. qu’elles sont animées.
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leur animation nutritive 1. Il y a là cependant des caracté- Ce rapport entre la physique des opérations et la biologie
ristiques communes qui permettent de traiter d’une seule des individus animés serait presque comparable à celui de la
démonstration un ensemble de faits 2. mathématique générale à la géométrie, dans l’interprétation
Dégager cette structure arborescente permet donc d’abou- qu’Aristote donne de la réforme d’Eudoxe 1. Non seulement
tir à un premier résultat concernant la liaison entre physique parce que toute la mathématique générale se retrouve dans
et biologie, ainsi que de comprendre au plan des structures la géométrie, mais aussi parce que les objets de la mathéma-
la constatation faite à propos du GC. Si l’étude des opéra- tique générale sont profondément « marqués » par les objets
tions de GC I 3-10 était systématiquement orientée vers la
biologie, c’était parce qu’Aristote ne perdait pas de vue la
Ïδωρ κα γCν γ¬γνεσθαι ξ λλλων, κα καστον ν κστ} Îπρχειν
position pré-biologique de cette œuvre. Mais l’on pourrait se τοËτων δυνµει, èσπερ κα τFν λλων ο¶v ν τι κα ταÍτ¿ν Îπ¾κειται,
demander pourquoi, dans ce cas, la Physique, qui elle aussi ε®v Ä δ ναλËονται σχατον). Mais ce sont les vivants qui, en
traite essentiellement de l’opération translation, n’est pas tant que « substances par excellence » orientent le déploiement
aussi clairement biologisante. La réponse est évidente : plus physique. En Metaph. H 3, 1043b 21-23, Aristote affirme explici-
l’on se rapproche du stade individuel ultime, plus l’on traite tement que les « vents » ne sont pas des substances. De manière
caractéristique, Aristote soutient cependant qu’on doit traiter
adéquatement la catégorie dont il relève. Comme Aristote le
de tels objets de manière analogue aux substances, c’est-à-dire
dit ailleurs, on ne s’oppose pas à la prescription médicale en isolant le principe formalo-définitionnel. Cf. Metaph. H 2,
de la promenade digestive en se réclamant de l’impossibilité 1043a 4-7.
zénonienne du mouvement 3. La translation est encore loin 1. Quelle que soit la théorie de l’Eudoxe historique, la
de la marche des animaux terrestres bipèdes. La génération lecture qu’en fait Aristote est bien sûr conceptualiste. L’expres-
est déjà beaucoup plus proche de la genèse. Objectera-t-on sion « grandeur » (µγεθοv), n’apparaît jamais, chez Aristote,
pour désigner les objets de la mathématique générale. Lors-
que Meteor. envisage aussi des générations, des altérations, qu’Aristote parle de « grandeur », c’est pour désigner d’une
etc. ? Il n’est pas difficile de voir que les objets étudiés dans appellation générique l’ensemble des quantités géométriques
ce traité, dans le cadre d’une ontologie aussi massivement continues. Cette position se reflète dans toutes les considéra-
substantialiste que celle d’Aristote, ne font pas le poids. tions d’Aristote concernant la possibilité d’une science plus
Les opérations du GC ne peuvent sémantiquement conduire générale que l’arithmétique et la géométrie (sans qu’il s’agisse
toujours de la théorie générale des proportions inaugurée par
qu’aux individus des traités biologiques 4.
Eudoxe). Aristote envisage par exemple sur ce modèle le do-
maine et les conditions de validité d’une proposition, qui n’a
rien de spécificiquement eudoxéen, telle que : « si on ôte des
1. Les plantes et certains animaux inférieurs ne se choses égales de choses égales, les restes sont égaux » (A.Po. I
meuvent pas, mais les transformations qu’ils subissent sup- 10, 76a 37-b 2). Bien que commun indifféremment à toutes les
posent la translation des particules matérielles. branches des mathématiques, ce principe n’est utile (χρσιµον)
2. Cf. PA I 1, 639a 12-b 10. qu’employé à chaque fois dans un genre particulier, que ce soit
3. Ref. Soph. 11, 172a 8-9. les nombres ou les lignes. En d’autres termes, le fait de savoir
4. On insiste sur le fait que cela ne veut pas dire que l’es- que ce principe est commun à toutes les branches des mathé-
sentiel de Meteor. I-III ne soit pas fondé sur la théorie du GC matiques ne nous avance en rien quand nous l’employons dans
(cf. l’introduction de I 3, 339a 33-b 3 : LΑναλαà¾ντεv ο×ν τv ξ telle ou telle branche particulière. Or nous ne l’employons ja-
ρχCv θσειv κα τοÌv ε®ρηµνουv πρ¾τερον διορισµοËv, λγωµεν περ¬ mais que dans la branche particulière où nous nous trouvons
τε τCv τοÖ γλακτοv φαντασ¬αv κα περ κοµητFν κα τFν λλων démontrer quelque théorème. Ce principe relève des choses
Åσα τυγχνει τοËτοιv Ãντα συγγενC. Φαµν δ πÖρ κα ρα κα « communes par analogie » (κοιν κατL ναλογ¬αν).
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géométriques qu’ils englobent. L’objet biologique prédéter- considérée comme partie intégrante de la distinction suivant
mine la physique comme l’objet géométrique prédétermine la généralité, mais comme une simple accrétion propédeu-
la mathématique générale. Il reste que la biologie ne se réduit tique. La science biologique véritable à laquelle il est fait
pas, très loin de là, aux opérations envisagées dans les traités allusion dans le Prologue ne commence en réalité qu’en HA
physiques, GC en particulier. Les causes biologiques, celles I 6, 491a 14, avec le recensement des parties du corps et de
qu’il appartient au physicien de démontrer, sont ailleurs. leurs propriétés.
Il faudrait du même coup supposer que la recherche
c. La biologie et l’analogie eudoxéenne
historique (HA) corresponde à l’étude des animaux « pris
La question biologique, dans le Prologue de Meteor., se séparément », tandis que la démonstration proprement dite
pose en des termes apparemment peu soucieux des jeux (PA et GA) serait générale 1. On retrouverait donc en quelque
causaux. Aristote n’y mentionne pas d’autres principes d’or- sorte la thématique connue de A.Po. — il n’y a de science que
ganisation que la partition καθ¾λου τε κα χωρ¬v, « en général du général. Le texte de A.Po. consacré à la réforme d’Eudoxe
et séparément ». C’est d’autant plus étrange que le cor- vient cependant compliquer les choses 2 :
pus biologique semble obéir à d’autres règles : l’exposition Et il pourrait sembler que la proportion alterne pour
méthodologique de PA I n’est pas de pure forme, et les spé- autant qu’il s’agit de nombres, et de lignes, et de so-
cialistes du corpus biologique sont d’accord, on l’a dit, pour lides, et de temps, à la façon dont c’était jadis prouvé
voir dans HA la collecte des faits que PA et GA auront à séparément (χωρ¬v), bien que cela puisse être mon-
tré pour tous (κατ πντων) par une démonstration
charge d’expliquer. Face à ces deux échelles organisatrices unique. Mais comme la chose unique que sont toutes
(« en général / séparément » vs « faits / causes »), la première ces choses — nombres, longueurs, temps, solides —
tentation est bien entendu de rechercher si, et dans quelle se trouve être sans nom, et comme elles diffèrent les
mesure, elles sont superposables. unes des autres par la forme, elles étaient prises sé-
On pourrait tout d’abord voir dans le Prologue une allu- parément (χωρ¬v). Mais maintenant, c’est démontré
sion à une spécificité des premiers chapitres du Livre I de au niveau général (καθ¾λου). Car ce ne leur était pas
une propriété caractéristique en tant que lignes ou en
HA, qui se présentent à deux reprises comme une esquisse tant que nombres, mais en tant que précisément cette
(ν τËπ}) destinée à donner un avant goût de recherches pré- chose qu’ils supposent exister au niveau général.
cises (διL κριàε¬αv) à venir 1. Aristote distinguant lui-même,
On note que l’opposition entre la démonstration générale
dans ces recherches précises, une phase « historique » et une
d’Eudoxe et les démonstrations particulières à chaque genre
phase explicative, il faudrait admettre que les deux classifi-
cations (en général/séparément et faits/causes) n’ont rien
à voir. Mais ce serait aller trop vite en besogne. Car Aris-
tote insiste sur le fait que la démonstration (τν π¾δειξιν) 1. Alors qu’en HA I 13, 493b 1-2, des recherches à la fois
« précises » (διL κριàε¬αv) et « générales » (καθ¾λου) sur la physio-
ne peut avoir lieu que « quand l’histoire de chacun est à la logie des organes génitaux sont annoncées, qui renvoient aussi
disposition » (ÎπαρχοËσηv τCv ¯στορ¬αv τCv περ καστον) 2. Il bien à HA VII qu’à GA, la considération « séparée » (χωρv) des
est donc probable que l’introduction de HA ne doive pas être quadrupèdes vivipares, en HA I 6, 491a 4-6 n’est pas propre à
un traité particulier succédant à HA, non plus que celle, tout
aussi « précise » (διL κριàε¬αv), des mœurs animales en I 1, 488b
1. HA I 1, 487a 10-14 et I 6, 491a 6-10. 27-28 (annonçant clairement HA VIII-IX).
2. HA I 6, 491a 6-10. 2. A. Po. I 5, 74a 17-25.
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cl iv INTRODUCTION INTRODUCTION cl v
mathématique qui avaient cours auparavant sont caractéri- que nous disons identiques les uns aux autres par la
sées comme se déployant, respectivement, καθ¾λου et χωρ¬v. forme. En effet, de même que le tout se comporte à
Il ne s’agit donc pas ici d’une opposition entre l’histoire et l’égard du tout, chaque partie le fait à l’égard de la
partie.
la démonstration. Les démonstrations mono-génériques des
savants de jadis n’étaient pas moins apodictiques que celle D’autres parties sont certes identiques, mais diffèrent
d’Eudoxe. Elles ne consistaient aucunement dans une simple selon l’excès et le défaut, toutes celles dont le genre
mise en place des problèmes à résoudre. Elles étaient telle- est identique. Je veux dire par « genre » quelque chose
comme oiseau et poisson. Chacun d’eux comporte en
ment fondées en raison, d’ailleurs, que la réforme d’Eudoxe effet différence en fonction du genre, et il y a plusieurs
n’a pas mis en péril la validité de la séparation des diffé- formes de poissons et d’oiseaux. La grande majorité
rents genres de quantité. Eudoxe n’a fait qu’en dévoiler un des parties diffèrent entre elles selon les contrarié-
nouvel aspect commun. Si donc Aristote a quelque chose de tés des affections, telles celle de la couleur et celle
semblable en tête quand il rédige son Prologue aux Météoro- de la figure, par le fait que certaines parties sont af-
logiques, nous devons en conclure que l’opposition entre le fectées davantage, d’autres moins, ainsi que par la
multitude et la rareté, la grandeur et la petitesse,
général et le séparé n’est pas celle de l’explication et de l’en- bref, l’excès et le défaut. Car certains animaux ont
quête. C’est une caractéristique qui doit parcourir le stade la chair molle, d’autres la chair ferme, certains ont
causal et, en tant que telle, se refléter au niveau de la col- le bec long, d’autres court, certains ont beaucoup
lecte des faits. de plumes, d’autres peu. Certes, il arrive à certains
d’avoir des parties différentes de celles des autres.
L’analogie eudoxéenne et la méthode biologique Ainsi, les uns ont des ergots et les autres non, les uns
ont une crinière et les autres non — mais pour ainsi
Ici encore, nous avons la chance de disposer d’indications dire, la plupart des parties constitutives de la masse
explicites, au reste bien connues, chez Aristote 1. Celui-ci totale du corps soit sont identiques soit diffèrent par
s’étend longuement, dans des passages théoriques du corpus les contraires et selon l’excès et le défaut (on peut po-
zoologique, sur ce qui constitue une évidente transposition ser que le plus et le moins sont une sorte d’excès et de
de l’analogie eudoxéenne à la biologie. Le texte le plus dé- défaut).
veloppé apparaît dans le premier chapitre de HA 2 : Mais certains animaux n’ont leurs parties identiques
Certains des animaux ont toutes leurs parties iden- ni par la forme ni selon l’excès et le défaut, mais selon
tiques les uns aux autres, d’autres leurs parties l’analogie, à laquelle se conforment l’os dans son rap-
différentes. Identiques, certaines parties le sont par port à l’arête, l’ongle au sabot, la main à la pince et,
la forme, comme le nez et l’œil d’un homme par rap- à la plume, l’écaille. De fait, ce qu’est la plume dans
port au nez et à l’œil d’un homme, ou la chair par l’oiseau, cela est l’écaille dans le poisson.
rapport à la chair et l’os par rapport à l’os. Il en va de
même pour le cheval et les autres animaux, tous ceux Aristote distingue trois cas d’identité, de la plus stricte
à la plus lâche, qui calquent trois relations mathématiques
dûment distinguées par les géomètres grecs :
1. Bien connues mais rarement comprises. Une prise en
— A et B peuvent être identiques ε°δει, selon la forme,
compte de l’étude de J. Vuillemin, De la logique à la théologie, p.
17-18 en part., ignorée par la quasi totalité des auteurs récents, c’est-à-dire appartenir à la même espèce, comme deux lignes
aurait évité à ces derniers bien des platitudes. commensurables l’une à l’autre (de longueur 1 et 2 par
2. HA I 1, 486a 14-b 22. exemple).
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cl vi INTRODUCTION INTRODUCTION cl vii
— A et B peuvent également relever de deux espèces — Enfin, A et B peuvent être hétérogènes — A poisson,
différentes coordonnées sous un même genre, n’être donc B oiseau — comme le sont les nombres et les grandeurs. Il
identiques que γνει. On n’a pas assez remarqué que faudra alors introduire un terme C relié à A, un terme D
lorsqu’Aristote affirme également qu’A et B diffèrent se- relié à B, et montrer qu’en appliquant une théorie formelle
lon l’excès et le défaut (Îπεροχ κα λλειψιv), il ne fait de l’analogie (cf. Top. III 1, 116b 27-36 et EN V 6-7, 1131a
rien d’autre que s’inspirer de la connexion, exprimée par 10-b 24), on aura une identité entre le rapport de A à C et
l’axiome d’Eudoxe-Archimède, entre l’incommensurabilité
√ celui de B à D, soit une identité κατL ναλογ¬αν. Les deux
de deux quantités linéaires (longueurs 1 et 2 par exemple) derniers cas permettent à la biologie de s’exercer en évitant
1
et leur homo-généité qui permet d’affirmer que la plus pe- les redites et en exhibant, simultanément aux identités, les
tite, multipliée un nombre suffisant de fois, excèdera la plus structures causales des attributions.
grande 2. Dans ce cas, A et B sont identiques « en puissance », Dès lors qu’on croise dans les eaux eudoxéennes, la ques-
δυνµει. Cet usage aristotélicien est une pièce importante à tion n’est pas tant celle du général et du particulier que
verser au dossier des origines eudoxéennes du lemme d’Ar- des deux niveaux légitimes auxquels s’exercera la démons-
chimède. L’insistance terminologique d’Aristote montre que tration, l’homogène commensurable δυνµει et l’hétérogène
l’importance de ce dernier n’avait pas échappé aux savants formellement comparable κατL ναλογ¬αν. De même que les
du iv e siècle. mathématiques effectives ne peuvent se résumer à la théo-
rie des proportions d’Eudoxe, mais que la compréhension
1. Cf. Euclide, Éléments V, déf. 3 : « le rapport est une du niveau propre de l’arithmétique et de la géométrie est
certaine relation selon la taille de deux grandeurs homogènes » indispensable au mathématicien accompli, de même le biolo-
(Λ¾γοv στ δËο µεγεθFν Áµογενéν κατ πηλικ¾τητ ποια σχσιv ). giste ne peut se contenter de démonstrations générales mais
2. Cf. Euclide, Éléments V, déf. 4 : « des grandeurs sont dites
être en rapport l’une avec l’autre, si, multipliées, elles peuvent
doit également prendre en compte les rapports internes à
s’excéder l’une l’autre (λλλων Îπερχειν) ». Les spécialistes de chaque genre. En d’autres termes, la mention du général et
la biologie aristotélicienne n’ont pas relevé cet ancrage mathé- du séparé renvoie moins à des grands ensembles du corpus
matique de la notion aristotélicienne du « plus et moins » (sur biologique qu’à un mouvement de va-et-vient qui le traverse
celle-ci, cf. J. G. Lennox, « Kinds, forms of kinds, and the more de part en part. La démarche de PA est à cet égard assez
and the less in Aristotle’s biology », dans A. Gotthelf et J. G. Len-
significative : la discussion est toujours tenue, dans sa part
nox (eds), Philosophical Issues in Aristotle’s Biology, Cambridge,
1987, p. 339-359, p. 342-345). Si deux lignes commensurables démonstrative, à un haut degré de généralité, mais des ré-
(longueurs 1 et 2) vérifient l’axiome d’Eudoxe-Archimède, cette férences sont souvent faites à des formes particulièrement
caractéristique√devient déterminante dans le cas des incommen- instructives dans le cadre de la propriété physiologique dis-
surables (1 et 2). Il est intéressant qu’Aristote se sente obligé cutée. Il s’agit en général soit d’une espèce qui détient ce
de justifier son utilisation de l’expression Îπεροχ κα λλειψιv par caractère de manière exemplaire, soit au contraire d’une ex-
un recours au plus banal « selon le plus et le moins » (µAλλον
κα ττον). Qu’il ne se soit pas contenté de cette désignation- ception à première vue curieuse qu’il s’agit de justifier 1.
ci montre son souci d’expliciter l’inspiration mathématique de
sa théorie de l’identité. L’expression Îπεροχ κα λλειψιv est
expressément rapportée aux rapports entre grandeurs incom- 1. Le cas le plus intéressant est peut-être celui des vivants
mensurables dans la discussion des couleurs de Sens. 3. Cf. 439b qui, même sectionnés, continuent à vivre. Aristote y revient à de
30 (καθL Îπεροχν δ τινα κα λλειψιν σ˵µετρον) et 440b 20 (καθL très nombreuses reprises et dans de très nombreux contextes,
Îπεροχν). mais s’en sert pour problématiser, nuancer et finalement dé-
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cl viii INTRODUCTION INTRODUCTION cl ix
L’espèce particulière sur laquelle s’opère la démonstration affaire de point de vue, le Stagirite pouvait se contenter de
est préférentiellement l’homme. L’outil de l’analogie permet parler de « genre de genres » quand le besoin s’en serait
ainsi d’étendre de manière générale ce qui a fait l’objet d’une fait sentir — c’est-à-dire dans les (rares) cas où l’opposi-
démonstration séparée au niveau des parties humaines. tion εµδοv-γνοv aurait déjà été réservée, dans le cadre de
la même discussion, à un autre couple, de généralité au
Le modèle mathématique et le relativisme εµδοv-γνοv-ναλογ¬α
moins partiellement inférieure. L’analogie semble donc té-
Le modèle mathématique d’Aristote, qui isole le genre des moigner d’un certain fixisme de la part d’Aristote, fixisme
nombres de celui des lignes de manière absolue dès qu’il qui, admis, contaminerait vite le γνοv. Le relativiste répon-
est question de leur nature propre, et alors même qu’on dra qu’Aristote répugne, en PA, à considérer les groupes
peut admettre qu’une même théorie des proportions les en- analysés commes des ε°δη mais les appelle presque toujours
globe, s’accorde mal avec une doctrine relativiste du rapport des genres, γνη — au sens du genre-sujet scientifique. Il n’y
genre-espèce. Si, comme l’a suggéré P. Pellegrin, εµδοv et a pas là de sens biologique, mais seulement usage biologique
γνοv n’ont de signification que l’un par rapport à l’autre, d’un outil logique 1. Le Stagirite serait donc naturellement
en tant que groupe et sous-groupe permettant de caractéri- conduit à subsumer ces genres sous une rubrique distincte,
ser les parties de l’animal sur lequel porte l’analyse ; si, en signalant, dès le stade terminologique, son extension comme
d’autres termes, ce qui est εµδοv à un certain niveau phé- supérieure à celle de ce genre-sujet scientifique. Cette solu-
noménologique peut être γνοv en tant que sujet de science tion, acrobatique pour peu qu’on évoque l’absoluité avec
— on perd vite le contact avec la fixité du cadastre mathé- laquelle Aristote évoque sa tripartition en HA et en PA, en-
matique qui lui, tout en admettant la variabilité de l’échelle core corroborée par quelques passages de la Métaphysique
modale, se caractérisait précisément par l’intangibilité de ses consacrés à définir l’identité/différence 2, est néanmoins dé-
grands genres entitatifs (nombres, lignes). fendable. Elle le sera d’autant plus qu’on se résoudra à mettre
La question, on le montrera un peu plus tard, est sur- en contradiction les passages programmatiques d’Aristote —
tout terminologique au niveau εµδοv-γνοv, mais recèle une dans lesquels la tripartition εµδοv-γνοv-ναλογ¬α est massi-
véritable difficulté à celui de l’ναλογ¬α. On se concentrera vement représentée — à sa pratique scientifique « réelle » de
donc sur ce dernier. Selon Pellegrin, dans la ligne de sa re- la biologie.
mise en cause générale d’un Aristote taxinomiste, l’analogie Il y a cependant un glissement, dans la position relati-
est aussi relative que le genre, du fait même qu’elle est ce viste, qu’il nous faut discuter. Le cas des mathématiques
qui relie un genre à un autre. Si donc, là où il y avait deux a ici encore valeur paradigmatique. Sous certains aspects,
genres, il n’y en a plus qu’un seul, on passe par définition les nombres et les lignes relèvent de la même science, la
d’une identité analogique à une identité selon le plus et le mathématique générale. Celle-ci établit des relations qui
moins. La question immédiate qui vient à l’esprit est celle s’appliqueront aussi bien aux uns qu’aux autres. Il y a donc
de la nécessité qu’il y avait pour Aristote d’ajouter l’ana-
logie aux deux autres niveaux. Car si tout est finalement
1. Cf. P. Pellegrin, « Aristotle : a Zoology without Species »,
fendre son cardiocentrisme et son « atopisation » de l’âme. Voir dans Aristotle on Nature and Living Things, cit. supra, p. xxix, n. 3,
D. Lefebvre, « L’argument du sectionnement des vivants dans p. 95-115.
les Parva naturalia : le cas des insectes », Revue de philosophie 2. Cf. en part. Metaph. ∆ 6, 1016b 31-1017a 3 ; ∆ 9, 1018a
ancienne 20, 2002, p. 5-34. 12-13.
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cl x INTRODUCTION INTRODUCTION cl xi
un genre-sujet scientifique qui englobe aussi bien les nombres titre par Vuillemin 1 et Pellegrin, accorde tout de même à
que les lignes. On ne peut cependant confondre ce genre- la répartition mathématisante des types d’identité, une fois
sujet scientifique avec le genre « entitatif » des nombres ou des passé l’écho verbal, ses droits conceptuels minimaux. Notons
lignes. Celui-ci est absolu, celui-là relatif au mode de l’exa- tout d’abord que la moriologie, à laquelle on avait confié la
men. Ce fait mathématique est d’autant plus frappant que détermination du γνοv, est également moyen d’analogie. Il
dans le cadre du conceptualisme aristotélicien, tous les êtres ne faudrait donc pas croire que, le γνοv une fois fixé, au ras
mathématiques sont, à un degré ou un autre, le fruit d’une du sol, par une considération des parties du vivant, l’analogie
construction mentale et sembleraient garantir, par leur rap- n’en soit que l’ombre portée au plafond. La considération des
port même au réel (physique), toutes facilités à une théorie parties fixera le γνοv aussi bien que l’ναλογ¬α — davantage
relativiste où le point de vue du savant projette son cadastre même cette dernière, puisque sa structure quaternaire est la
sur ce qu’il explore 1. Eu égard à ce fixisme strict des abs- seule à présupposer qu’on recoure aux parties. Aussi l’ana-
tracta, il serait pour le moins étrange qu’Aristote se range à logie doit-elle remplir deux conditions : être assez variable
un relativisme pragmatique dès lors qu’il commence à consi- pour permettre l’unité modale, sous tel ou tel point de vue,
dérer les seuls êtres véritables de son parc ontologique. des genres qu’elle subsume ; être assez puissamment définie
Il existe peut-être une réponse qui, sans faire retomber pour que cette unité ne concurrence jamais la distinction
dans le non-sens de l’Aristote taxinomiste stigmatisé à juste réelle de certains genres biologiques.
On peut illustrer ce propos à l’aide de l’exemple favori des
1. Notons sous forme de digression que la solution de ce relativistes : la théorisation de l’os et du cartilage. Balme et
problème réside justement dans le fait que l’ontologie mathéma- Pellegrin attirent ainsi l’attention sur la contradiction appa-
tique d’Aristote n’est pas, à la différence de ce qu’on a longtemps rente entre deux passages voisins de PA :
cru, un abstractionnisme. Une remise en cause de cette thèse
a eu lieu avec l’article pionnier de I. Mueller, « Aristotle on Les animaux qui n’ont pas d’os ont quelque chose
Geometrical Objects », Archiv für Geschichte der Philosophie 52 d’analogue : pour les poissons, par exemple, dans cer-
(1970), p. 156-171, et s’est poursuivi jusqu’à la synthèse de W. tains il y a des arêtes, dans d’autres du cartilage. (II
Detel, Aristoteles. Analytica posteriora, 2 vols, T. I, Berlin, 1993, p. 8, 653b 35)
189-232. Le fait que notre esprit construise, par abstractions de La nature du cartilage est la même que celle de l’os,
propriétés non relevantes, des objets géométriques (plutôt qu’il mais ils diffèrent selon le plus et le moins. (II 9, 655a
ne les voie « par abstraction ») n’implique pas que le genre où a 33)
lieu cette opération soit une pure et simple création mentale. « Y a-t-il entre le cartilage et l’os une différence analogique
Dans la terminologie de A.Po. I 10, 76a 31-36, ce genre fait l’objet ou une différence de degré ? » s’interroge Pellegrin, et de ré-
d’une « saisie » mais non d’une « démonstration », impossible à
ce niveau. De manière fort instructive, Aristote note un peu plus
pondre : « Ce n’est pas une question aristotélicienne » 2. Car
bas que rien n’empêche de ne pas supposer l’existence du genre
quand celle-ci est évidente. « Car il n’est pas pareillement clair 1. Cf. Vuillemin, De la logique à la théologie, p. 18 : « On a
que le nombre est et que le froid et le chaud sont » (76b 18-19). souvent confondu la biologie aristotélicienne avec une théorie
Cette phrase prouve donc à la fois qu’Aristote est convaincu de classificatoire des genres et des espèces. En réalité, elle est aussi
l’existence d’un genre unitaire au fondement de l’arithmétique, et même avant tout une biologie générale, théorie des fonctions
et que cette existence est moins immédiatement évidente que et des organes, en tant qu’on y peut apercevoir l’organisation
celle des qualités tactiles. En conclusion : l’φα¬ρεσιv d’Aristote même de la vie, dans son unité et sa formalité ».
ne remet pas en cause l’existence objective des êtres mathéma- 2. P. Pellegrin, « Logical difference and biological diffe-
tiques, même si elle détache son régime de celui des οÍσ¬αι. rence : the unity of Aristotle’s thought », dans A. Gotthelf et J.
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cl xii INTRODUCTION INTRODUCTION cl xiii
dans le premier cas, les animaux osseux sont opposés aux qu’il s’agit de la partie de tel animal. Il en va exactement de
animaux cartilagineux comme un genre à un autre. Dans le même que dans le traitement d’une proportion arithmétique
second, le contexte est celui des armatures naturelles. Aris- ou géométrique selon la méthode d’Eudoxe : pour Aristote,
tote s’autorise donc alors à considérer, dans le genre global on l’a vu, la voie générale de l’étude des proportions ne doit
de tous les « supports de la chair », l’os et le cartilage comme être interprétée, même quand cela n’est pas explicité, qu’en
de simples différences de degré. L’os et le cartilage sont ainsi rapport soit avec les nombres, soit avec les lignes. Le « rap-
plus ou moins intimement unis, en extension comme en in- port en soi » n’est qu’une abstraction de l’esprit. Si l’on peut,
tension, selon le point de vue sous lequel le savant les étudie. à la surface syntaxique de la science, étudier fonctionnelle-
Il y a cependant une différence radicale entre les deux ment la chose commune que sont l’os et le cartilage sans les
exemples, à laquelle Pellegrin ne renvoie pas, liée à la struc- rapporter à « leurs » animaux respectifs — et en les considé-
ture de l’analogie. Dans le premier cas, Aristote compare l’os rant donc comme des variations selon le plus et le moins —
et le cartilage dans deux animaux différents. L’analogie y est l’explicitation exacte de son discours exigerait que l’on pré-
alors définie par quatre termes. Dans le second cas, l’os et le cise à chaque fois que les parties, ici et là, en se rapportant
cartilage sont considérés en eux-mêmes, tels d’ailleurs qu’ils à tel ou tel animal, relèvent du même genre ou de genres
coexistent dans la structure d’un même animal, voire d’un distincts.
même organe. C’est seulement alors qu’ils relèvent du plus et Aussi le relativisme de la détermination εµδοv-γνοv ne
du moins. Peut-on dans ces conditions situer ces deux textes peut-il être étendu sans restriction à l’ναλογ¬α. L’εµδοv est
sur un même plan et ne leur faire exprimer qu’une généralité un sous-γνοv, privilégié en raison d’une visibilité essentielle
variable ? Non, si l’on conserve à la « moriologie » son rap- de ses attributs distinctifs. L’ναλογ¬α remédie à une scis-
port nécessaire aux animaux dans leur totalité. Une partie sion plus forte, qui dépend moins de notre point de vue sur
n’existe pas séparée du tout de l’animal, même en pensée 1. la partie seule (théorie de l’X qui, d’un certain point de vue,
Elle serait alors homonyme de la partie « réelle », comme subsume uniment main et pince), que d’un rapport objectif
la main du cadavre est homonyme de la main de l’homme de la partie au tout (main-de-l’homme, pince-du-homard).
vivant. Même lorsqu’on étudie la partie, ce n’est que par
une sorte d’abstraction qu’on omet à chaque fois de dire
2. Les causes dans le GC
G. Lennox, Philosophical Issues in Aristotle’s Biology, Cambridge, a. Fonder l’analogie : physique et causalité
1987, p. 313-338.
1. En Cat. 7, 8a 13-b 24, Aristote note qu’au niveau des sub- Reste à résoudre la question pour ainsi dire symétrique de
stances premières, les parties sont des substances mais pas des celle que nous venons d’envisager : celle, non pas de la di-
relatifs, tandis qu’au niveau des substances secondes, elles sont versité entitative des genres reliés entre eux par une relation
d’une certaine façon relative aux substances « desquelles » elles
sont. C’est donc bien que la relativité de la partie animale au
d’analogie, mais de leur unité. Car il ne s’agit pas tant, pour
tout de l’animal est un objet constitutif de la science de l’animal. Aristote, de se complaire dans la considération du gouffre
Je souscrirais, de ce point de vue eudoxéen, à la thèse du « holisme que de construire un pont entre des genres distincts donnés
substantiel » d’Aristote proposée par T. Scaltsas, « Substantial au départ dans la nature. En A.Po. II 17, 99a 1-16, le Stagi-
Holism », dans D. Charles, T. Scaltsas and M. L. Gill, Unity, Iden- rite distingue soigneusement les rapports d’analogie de ceux
tity, and Explanation in Aristotle’s Metaphysics, Oxford, 1994, p. d’homonymie. Quand on dit qu’une figure est semblable à
107-128.
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cl xiv INTRODUCTION INTRODUCTION cl xv
une autre et qu’une couleur est semblable à une autre, il Aristote ne discute jamais cette aporie ex cathedra. La
s’agit de deux types distincts de qualités et la similitude, solution doit être glanée dans le champ de sa pratique
de ce fait, est homonymique. Fort louable dans sa généra- biologique. C’est là qu’il faut rechercher ce qui lie hori-
lité, ce principe pose de graves questions dès lors qu’on zontalement les « colonnes analogiques ». Dans le cas des
tente d’en restreindre les usages biologiques. Sans même différents types de quantité, ce principe est évident, quoique
parler d’un mot identique employé dans deux catégories, ou bien mystérieux : c’est la Quantité elle-même, conçue sur ce
sous-catégories, différentes (comme le terme « semblable » point comme la grandeur des post-eudoxéens. Les nombres
appliqué à deux types de qualités, la figure et la couleur), et les lignes ne sont pas si différents qu’ils ne puissent se sou-
le rapprochement de deux qualités distinctes ne va jamais mettre à la même syntaxe — pour peu qu’on la découvre. Hors
sans difficultés. Mais si la question reste cantonnée aux ma- de cette catégorie, les choses sont beaucoup plus floues. On
thématiques, quel sens y a-t-il pour Aristote à en traiter, en ne voit pas de prime abord le principe horizontal assez solide
A.Po., en des termes aussi universels ? Qu’est-ce qui finale- pour jouer un tel rôle unificateur.
ment suggère à Aristote que les mathématiques n’épuisent Si ce principe existe, c’est dans le GC, dernier traité phy-
pas tout ce qu’il y a à dire sur l’analogie ? sique avant la biologie, qu’Aristote doit l’exhiber. Or un
Le seul texte des Analytiques où apparaît l’analogie biolo- fait marquant apparaît dès la première lecture : Aristote y
gique est très bref 1 : traite des quatre causes sous-jacentes à la constitution du
En outre, une autre façon [sc. de constituer des pro- sensible. Par l’usage « analogique » qu’on peut en faire, les
blèmes] est de sélectionner l’analogue. On ne peut causes se distinguent radicalement des opérations. Les opé-
prendre une seule et même chose dont il faudrait don- rations décrites abstraitement dans le GC sont inhérentes
ner le nom au dos de seiche, à l’arête et à l’os. Mais aux substances biologiques, dont elles constituent un champ
il y aura des choses qui les suivent tous, comme si on
avait là quelque nature unique de ce type. d’application privilégié, voire unique 1. Mais elles ne peuvent
jouer le rôle de la Quantité générale en mathématiques
Aristote tient pour la validité de l’analogie entre le dos de
en raison de leur indifférence à tout principe définition-
seiche, l’arête et l’os mais n’explique pas ce qui permet de
nel. La quantité est un attribut par soi de toute proposition
fonder cette communauté sur un sol plus ferme que celui de
mathématique, alors que les opérations ne font que carac-
l’homonymie, d’autant moins que le principe d’inexistence
tériser certains types d’êtres et, à l’occasion, certaines de
des objets généraux est réaffirmé. Un indice est peut-être
leurs fonctions biologiques essentielles : les plantes sont des
donné dans la mention des « conséquents » identiques (τ
âmes nutritives et participent par là de l’opération genèse-
π¾µενα) de ces trois notions. Mais la question se pose à leur augmentation, tandis les animaux sont des âmes perceptives
niveau aussi bien : une communauté apparente des consé-
et relèvent de l’opération altération. Mais l’âme perceptive
quents ne peut-elle pas s’expliquer, en dernier ressort, sur la
n’est pas une âme nutritive additionnée d’une différence
base d’une homonymie ? Pourquoi y a-t-il homonymie entre
spécifique. L’âme nutritive, par conséquent, n’est pas un
deux mouvements, la translation et l’altération par exemple 2
principe explicatif suffisant de la sphère animale. Chacune
— qui eux aussi ont des conséquents identiques — et unité
des quatre causes, a contrario, se déploie à tous les niveaux
d’analogie entre l’arête et l’os ?
du sensible. Or, elles ne peuvent être théorisées que dans le
1. A.Po. II 14, 98a 20-23.
2. Cf. Phys. VII 4, 248a 10-249b 26. 1. Cf. supra, p. cxxxvi-cxxxvii.
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cl xvi INTRODUCTION INTRODUCTION cl xvii
cadre de la physique. C’est cette science qui en déterminera phénomènes optiques. En ce sens, il s’agit de la seconde
le nombre et les attributions. Mais les causes dont traitera conceptualisation de l’astronomie : non plus la science de
la physique ne sont pas précisément celles à l’œuvre dans même rang que l’arithmétique et la géométrie, mais la
l’explication de telle ou telle partie animale. 1 Il y a une cau- science purement et simplement subordonnée à cette der-
salité matérielle, formelle, finale et motrice à l’œuvre dans nière 1.
la constitution de toute partie homéomère ou anhoméomère Si donc le rapport de la biologie à la physique est sem-
qu’il appartient au physicien de découvrir, parce qu’elle ne blable à celui de l’astronomie aux mathématiques, c’est
peut être comprise que dans son rapport aux causes gé- jusque dans l’hésitation de ce dernier, au sujet duquel Aris-
nérales envisagées dans la physique 2. À cette exhaustivité, tote balance entre un schème de réalisation (l’astronomie
et cette justification, causales tient la différence essentielle réalise pleinement la mathématique générale) et un schème
entre science biologique et art médical. Le physicien sauve d’application de la géométrie à la « matière locale » des
les phénomènes biologiques en les ramenant à quatre causes sphères. Les opérations considérées par le physicien se réa-
dont il connaît, outre la forme générale, le caractère à la fois lisaient, on l’a vu, dans les êtres biologiques 2 ; les causes
nécessaire et suffisant. Il sait donc qu’une partie animale étudiées par le physicien s’y appliquent. Passons aux moda-
se résoudra, du point de vue de sa matière, dans les quatre lités de cette application.
éléments « homéomérisés », du point de vue de sa fin-forme b. Les doubles causalités du sensible
dans sa fonction, du point de vue de son mouvement dans ses
points fixes primaires et dérivés. Ces quatre questions éluci- L’unité de l’analogie biologique — le principe qui la dis-
dées, il n’y aura rien à ajouter à l’explication biologique 3. tingue de l’homonymie — tient à la dépendance, commune à
Nous sommes revenus, à ce niveau, à une schème clas-
sique de science appliquée. Le physicien reconnaît les quatre
causes dans les phénomènes biologiques à la façon dont 1. Cf. supra, p. cxlii-cxliii.
le géomètre reconnaît les formes géométriques dans les 2. Malgré ce point capital, on pouvait objecter que l’usage
effectif, dans le corpus biologique, de l’étude de la translation,
de la génération, de l’altération, de l’augmentation et de la mix-
1. Cf. A. Gotthelf, « First Principles in Aristotle’s Parts of tion n’est pas manifeste au point d’asseoir une interprétation
Animals », dans Philosophical Issues in Aristotle’s Biology, p. 167- « lourde » du Prologue de Meteor. Mais une telle objection né-
198, p. 193. glige, indûment selon nous, l’importance sous-jacente de telles
2. Phys. II 7, 198a 14-24. opérations dans les structures décrites par PA et GA. Malgré
3. À vrai dire, seul le physicien en tant que physicien pourra l’anachronisme qu’il y a à évoquer encore une fois (cf. supra, p.
se contenter de ces résultats. Le « métaphysicien de la phy- cxliii) dans ce contexte une science qu’Aristote ne nomme pas,
sique » devra quant à lui se demander ce qui fonde la mondanité l’étude des opérations du GC correspond davantage, répétons-
commune des quatre causes. C’est ce qui pourrait expliquer la le, à une science des sphériques déjà déterminée, du sein même
nécessité, ressentie par Aristote, d’intégrer au cœur de son cor- de son abstraction, par les besoins de l’astronomie, qu’à une
pus biologique les traités psychologiques, dont la théorie de géométrie pure. La biologie ressemble alors moins à une science
l’âme jouait un rôle unificateur. J’étudie ce phénomène dans subordonnée à une branche des mathématiques qu’au rapport
« Agrégat de parties ou vinculum substantiale ? Sur une hésita- que l’une de ces branches elles-mêmes entretient avec la ma-
tion conceptuelle et textuelle du corpus aristotélicien », dans thématique générale. La biologie occupe dans ce cas la place de
A. Laks et M. Rashed (éds), Aristote et le mouvement des animaux. l’astronomie conçue comme science mathématique à part en-
Dix études sur le De motu animalium, Lille, 2004, p. 185-202. tière, aux côtés de l’arithmétique et de la géométrie.
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cl xviii INTRODUCTION INTRODUCTION cl xix
tous les animaux (et à leurs parties), des quatre causes. Com- fondement de premier ordre 1. Dans ce cas, il pourrait être
ment a lieu l’articulation entre les causes générales et leurs plus opportun de parler de physique, ou de cosmologie, que
particularisations ? de biologie, même générale.
On peut repartir de la distinction entre cause et opération. Pour ce qui concerne la notion de relative généralité cau-
Au niveau des changements, la physique est une biologie sale, le GC est bien sûr un témoin d’importance, puisqu’à
générale qui contient tels qu’en eux-mêmes tous ses cas chacune des quatre « causes » est consacrée une étude, ou
particuliers 1. Telle ou telle croissance biologique vérifiera au moins une brève analyse, et qu’Aristote y souligne expli-
exactement les critères et les modalités établis en GC I 5 dans citement — en conclusion de son étude de la cause matérielle
l’étude de la prétendue augmentation. Il en va autrement et en introduction à celle de la cause efficiente — la néces-
pour les causes. Une cause « générale » n’est pas un concept saire variabilité générique de l’analyse causale 2. La cause
universel n’ayant pour référent que des causes particulières. matérielle fait l’objet de tous les chapitres sur les éléments,
On peut très bien supposer qu’une cause « générale » préside le dépassement de la cause matérielle d’un côté, formelle
réellement au déploiement des causes partielles, en tant que de l’autre, est orchestré en II 9 et le traitement des causes
efficiente et finale a lieu en II 10. Mais, encore une fois,
qu’entend-on exactement quand on parle ici de la cause
1. Il est d’ailleurs révélateur que dans son étude « phy- matérielle, de la cause efficiente ? Un universel ou un fon-
sique » de l’augmentation, GC I 5, Aristote évoque par trois fois dement de premier ordre — ou un universel parce qu’un
la nécessité de « sauver » (σÞζειν) les réquisits de ce phénomène fondement de premier ordre 3 — ?
dans l’explication qu’on en donnera (cf. 21a 17-18 : δεE γρ σÞζειν Il apparaît qu’en conformité avec une tendance profonde
τG λ¾γ} τ Îπρχοντα τG αÍξανοµν} κα φθ¬νοντι, repris en 21a 28- de l’aristotélisme, les causes se déploient sur deux plans
29 et 21b 12). Cet emploi imagé du verbe évoque la tâche que,
selon une tradition fameuse remontant à Eudème de Rhodes
distincts. Patzig avait caractérisé la métaphysique, dans le
(cf. Simplicius, In De Caelo 488,3-24), Platon donnait aux astro- cadre du rapport ontologie/théologie, comme « science dou-
nomes — il s’agit encore une fois avant tout d’Eudoxe — et qui blement paronymique », doppelt paronymische Wissenschaft 4.
s’est imposée à toute l’astronomie ancienne : en admettant que
les mouvements des astres soient tels et tels (circulaires, uni-
formes et réguliers), comment sauver les apparences ? Eudème 1. Il s’agira de « l’universel parce que premier » de Metaph.
étant un disciple immédiat d’Aristote, à la fiabilité reconnue, E 1, 1026a 30-31 : καθ¾λου οÏτωv Åτι πρÞτη.
il n’y a pas lieu de rejeter a priori ce renseignement, d’autant 2. GC II 9, 35a 24-28 : « Puisque certains êtres sont sujets
moins que Platon emploie une expression similaire pour carac- à la génération et la corruption et que la génération se ren-
tériser la réduction atomique à l’œuvre dans le Timée (cf. 56a : contre dans le lieu qui est autour du centre, nous devons dire,
διασÞζειν τ¿ν ε®κ¾τα λ¾γον). Si donc Aristote connaissait le ren- pour toute génération indifféremment, le nombre et le type de
seignement fourni par Eudème ou, à tout le moins, partageait ses principes. Car nous étudierons plus facilement les choses
sa reconstitution de la théorie platonicienne de l’astronomie — particulières quand nous aurons d’abord compris les principes
ce qui est fort probable — il faut en conclure qu’il entendait universels ».
remplir, pour l’augmentation, le programme fixé aux astro- 3. Cf. n. précédente. Il faut évidemment prendre cette ca-
nomes pour l’étude des translations astrales. Compte tenu du ractérisation de manière lâche. Elle est contredite explicitement
fait qu’Aristote, en PA, compare la biologie (et non la physique) en EE VII 2, 1236a 23-25.
à l’astronomie, la terminologie de GC I 5 constituerait un indice 4. Cf. G. Patzig, « Theologie und Ontologie in der ‘Me-
supplémentaire, si besoin en était, du contexte biologisant de taphysik’ des Aristoteles », Kant-Studien 52, 1960-1961, p.
la démonstration. 185-205, p. 196. Thèse reprise et développée par M. Frede,
« The Unity of General and Special Metaphysics : Aristotle’s
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cl xx INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxi
Car l’étant quel qu’il soit se définit d’une part en fonction l’unité organique est constituée 1. Cette matière n’est cepen-
de la substance et, d’autre part, de la substance suprême, dant pas exactement celle dont traite le GC, et l’hiatus entre
Dieu, en tant qu’elle est la cause de toutes les autres. Cette les deux pans de la réflexion aristotélicienne permet en re-
structure n’est cependant pas cantonnée au cas, en un sens tour de déterminer la position de ce traité par rapport au
particulier (et plus difficile), du rapport ontologie-théologie. corpus biologique. Les interprètes ont été intrigués par une
Elle nous paraît régir, aussi bien, la causalité matérielle et apparente contradiction de DA : alors qu’Aristote considère
efficiente. Si tel est le cas, on sera du même coup en mesure d’un côté la matière comme une simple puissance, il semble
d’affirmer que l’unité de la physique et de la biologie n’est ni d’un autre côté reconnaître aux composants matériels du
purement analogique ni focale, mais correspond à une orga- corps animal un statut essentiellement (et non accidentel-
nisation qu’on peut effectivement qualifier de « doublement lement) animé, donc informé 2. La chair du cadavre n’est
paronymique » 1. chair que de manière homonyme 3. Une contradiction frap-
perait ainsi à la racine l’hylémorphisme aristotélicien. On
La cause matérielle : GC et HA-PA
peut résoudre cette aporie en rapprochant le passage de DA
L’ambiguïté la plus grande apparaît avec la cause maté- des théories du GC 4. Aristote entend deux choses lorsqu’il
rielle. Car autant on se représente ce que peut être la relation évoque la matière (Ïλη) d’un animal. En tant qu’il s’agit du
d’une fin première à une fin seconde ou d’un agent premier corps organique lui-même, l’animation est essentielle ; en
à un agent second, autant la relation d’une matière première tant qu’il s’agit de la pure et simple quantité des éléments
à une matière seconde apparaît problématique et même in- entrant dans sa composition, l’animation est accidentelle.
fondée. Il y a pourtant un contexte, biologique cette fois, et En d’autres termes, Aristote considère de deux manières
non cosmologique ou physique, où l’on peut distinguer deux distinctes tel ou tel corps organique, sous son aspect fonc-
niveaux de causalité matérielle. tionnel d’un côté, compositionnel de l’autre. En tant que
On a déjà fait allusion au fait qu’Aristote a aligné fonction, le corps est essentiellement animé ; en tant que
ses trois grandes recherches conservées, HA, PA, GA, résultat d’une composition, il l’est accidentellement 5.
sur la répartition des causes soit, respectivement : maté-
rielle, formalo-finale, efficiente. HA pouvait être considérée
1. Cf. GA I 1, 715a 9-11.
comme traitant de la cause matérielle parce que ce traité en- 2. DA II 1, 412b 11-12 : l’âme est « la détermination qui
visage les parties des animaux non du point de vue finaliste fait essentiellement de telle sorte de corps ce qu’il est » (trad.
qui sera celui de PA, mais se contente d’en faire le recen- Bodéüs). Cf. J. L. Ackrill, « Aristotle’s Definition of psuchê »,
sement raisonné (qui n’est pas un simple catalogue). Pour Proceedings of the Aristotelian Society 73, 1972-3, p. 119-133.
Aristote, les parties sont bien, en un sens, la « matière » dont 3. GA II 1, 734b 24-27.
4. La primeur du recours au GC pour résoudre ce conflit
revient à J. Whiting, « Living Bodies », Essays on Aristotle’s De
Anima (cit. supra, p. cxxxvii, n. 1).
5. Cette distinction a un rapport qui n’est pas seulement
Conception of Metaphysics », dans Essays in Ancient Philosophy, formel avec la discussion de la chaleur du sang en PA II 2. La
Minneapolis, 1987, p. 81-95. chaleur, sans entrer dans la définition compositionnelle du sang
1. On retrouve par certains aspects la structure « cumula- (qui n’est par nature qu’une mixture de terre et d’eau, donc
tive » mise en lumière par M. Wilson, Aristotle’s Theory of the dépourvue de chaleur), fait néanmoins partie de son λ¾γοv, en
Unity of Science, Toronto, 2000, p. 207-242. tant que c’est elle qui, à la suite d’une coction, permet au sang
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cl xxii INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxiii
Si la matière dont il est question dans le GC était la comme les chairs en chairs, les autres sont compo-
cause matérielle propre des οÍσ¬αι, c’est-à-dire des vivants, sées, toutes celles qui se divisent en anoméomères,
le GC ne ferait que traiter généralement de ce qui n’existe comme la main qui ne se divise pas en mains ni le vi-
sage en visages. Parmi celles qui sont telles, certaines
dans la nature que sous forme de cas particuliers. Il anti- ne sont pas appelées seulement parties, mais égale-
ciperait maladroitement les analyses détaillées des traités ment membres. Ce sont toutes les parties-touts qui
biologiques. Mais une fois opérée la distinction entre les contiennent en elles d’autres parties, comme la tête,
deux aspects de la matière du vivant, les choses deviennent la jambe, la main, l’ensemble du bras, le tronc. Ce sont
plus claires. Le GC envisage en tant que telle la matière en effet là des parties-touts qui contiennent d’autres
« brute » (les quatre éléments). Cette matière, une fois dé- parties. Tous les anoméomères sont constitués d’ho-
méomères, comme la main de chair, de tendons et
grossie et adaptée à sa fonction organique par une série d’os.
d’opération « chimiques » — la coction de l’eau terreuse
aboutissant au sang en est le meilleur exemple — devient Quant au début de l’étude des Parties des animaux propre-
essentiellement la matière « fine », susceptible d’animation. ment dite — une fois passé le discours méthodologique de
Certes, les matières « brutes » perdurent dans le composé, PA I — il débute ainsi 1 :
mais à la façon des éléments d’un mélange : par leurs effets Il y a trois types de composition. On peut poser que
(leurs « puissances ») et non en tant que telles. C’est précisé- le premier est celle de ce que certains appellent « élé-
ments », comme la terre, l’air, l’eau, le feu. Mais
ment la raison pour laquelle le GC a tendance à insister sur d’ailleurs, il est peut-être meilleur de dire que cela se
les quatre corps premiers, tandis que PA le fait sur les quatre produit à partir des puissances, non de toutes, comme
puissances 1. on l’a dit dans d’autres recherches antérieures. Car
Le GC constitue donc le socle sur lequel Aristote fait re- l’humide, le sec, le chaud et le froid sont matière
poser, en HA I 1 et en PA II 1, son échelle ascendante de la des corps composés, tandis que les autres différences
suivent celles-là, comme la lourdeur, la légèreté, la
causalité matérielle. Les puissances sont au fondement des
densité, la subtilité, la rugosité, le lisse et toutes les
homéomères, ceux-ci des parties simples, celles-ci des par- autres affections corporelles de ce type. C’est comme
ties complexes, ces dernières des constitutions animales. La une deuxième constitution à partir d’éléments pri-
structure est assez importante pour qu’Aristote y revienne mordiaux que la nature des homéomères est dans les
au début de deux textes liminaux. Les premiers mots de HA animaux, comme celle de l’os, de la chair et des corps
sont les suivants 2 : de ce type. La troisième et dernière de la liste est celle
des anhoméomères, comme le visage, la main et ce
Parmi les parties des animaux les unes sont incom- type de parties.
posés, toutes celles qui se divisent en homéomères,
Ces deux textes, leur position stratégique décisive, ex-
priment au mieux l’étroitesse et la complexité du lien entre
GC et le corpus biologique. Toutes les recherches sur la
d’être ce qu’il est. composition élémentaire des parties animales sont mises
1. On peut mettre en relation cette distinction et la critique
adressée au matérialisme brutal d’Empédocle en DA II 4, 415b
d’emblée sous le signe de l’étude physique de la causalité
28-416a 9 : si les éléments subsistent encore de manière trop
« présente », qu’est-ce qui empêche la dislocation de l’ensemble,
chaque corps premier se dirigeant vers son lieu propre ?
2. HA I 1, 486a 5-14. 1. PA II 1, 646a 12-24.
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cl xxiv INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxv
matérielle. Mais elles n’en constituent pas un simple dé- termes fonctionnalistes, ce qui est beaucoup plus difficile
calque. Les corps premiers ne sont même pas mentionnés dans le cas où il n’y aurait de matière que « fine ».
en HA — où la classification commence aux homéomères, Mais peut-être Aristote cherche-t-il surtout à expliquer
seuls biologiquement significatifs — et les recherches de GC les conséquents (π¾µενα) communs à la constitution maté-
sont décrites comme « autres » en PA. Dans les deux cas, le rielle de tous les vivants, leur perception (altération) et leur
GC, malgré le caractère fondateur de ses analyses, est trop nutrition (augmentation) au premier chef, en prenant acte
loin des phénomènes biologiques pour en livrer l’explication de l’impossibilité de réduire ces phénomènes à des transfor-
adéquate 1. mations purement mécaniques. La nutrition telle qu’elle est
On pourrait penser qu’une telle théorie vise avant tout décrite en GC II 8 prouve que la matière absorbée doit su-
— plus encore qu’à expliquer contre Platon et Démocrite le bir une assimilation de la part de l’organisme. Cette matière,
phénomène de la vie — à rendre compte de l’identité et de la pour nous en tenir au cas simple des périodes de croissance,
singularité de la génération forte (γνεσιv πλC) par rapport conservera donc son essence quantitative, mais devra re-
aux autres types de changement 2. Accorder une trop grande configurer sa constitution qualitative sous l’effet de l’âme
place à la matière « brute » aurait pour effet de tout niveler nutritive. Un morceau de pain dans l’estomac, par exemple,
sur l’altération, une telle matière fonctionnant en effet alors est dissout en une matière où subsistent les quatre puissances
comme substrat de tout individu possible (sensible). Mais il et ces dernières sont utilisées par l’organisme pour accroître
ne s’agirait là que d’un point de vue et la matière « fine », a ses parties homéomères. C’est ce qui explique, encore une
contrario, serait déjà essentiellement animée, donc informée, fois 1, que PA II 1 soit plus intéressé aux puissances qu’aux
donc individualisée. Cette explication, qui se heurte au fait corps premiers.
qu’Aristote situe la γνεσιv πλC dès le niveau élémentaire Ainsi, la matière du GC est au fondement de tous les
(inanimé), paraît surtout motivée par le souci de sauver une corps biologiques mais ne se retrouve telle quelle dans au-
lecture fonctionnaliste de la psychologie d’Aristote 3. Car si cun d’eux. Cette « racine » du vivant n’est même pas ce
l’on distingue matière « brute » (essentiellement inanimée) qui le définit comme tel. D’où la tension entre une théorie
et matière « fine » (essentiellement animée), on peut effec- physico-biologique de la matière et une théorie biologique
tivement lire le rapport de l’âme à la matière « brute » en de la génération. Le monisme larvé d’Aristote ne s’explique
que comme un moment dans une économie naturelle qui en
compte un second, celui de l’assimilation biologique. Mais
cela ne doit pas nous conduire à confondre cette matière
1. F. Solmsen, Aristotle’s System of the Physical World, p. 347 du GC avec une pure modalité de la matière animée. Aris-
a bien vu la scission entre les deux théories élémentaires, phy- tote n’est pas un vitaliste, il y a dans l’univers des matières
sique et biologique, mais la renvoie seulement à la difficulté inanimées, ontologiquement plus proches des quatre corps
qu’il y aurait, pour un biologiste et a fortiori un médecin, à s’em-
barquer dans les considérations qualitatives du GC. C’est vrai, premiers. La matière physique que le physicien reconnaît
mais ce n’est selon nous pas la seule raison des divergences. derrière la matière biologique possède une existence phy-
2. Cf. Whiting, « Living Bodies », p. 85-88. sique réelle, indépendante de celle des substances animées.
3. Raison pour laquelle M. C. Nussbaum et H. Putnam,
« Changing Aristotle »s Mind », Essays on Aristotle’s De Anima,
p. 35 n. 17, se réclament empressément de J. Whiting, « Living
Bodies » sur ce point de physiologie aristotélicienne. 1. Cf. supra, p. cxxviii-cxxix.
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cl xxvi INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxvii
Bien sûr, ces dernières sont les substances les plus vérita- C’est la raison pour laquelle la durée et la vie de chaque
blement substances du monde sensible. Mais l’existence de être possèdent un nombre qui le définit. Il y a en effet
corps inanimés suffit à elle seule à montrer pourquoi — ce un ordre pour toute chose, et toute durée, toute vie,
sont mesurées par un cycle, à ceci près que, différent
qui était notre question initiale — c’est le physicien qui ex- pour chaque être, le cycle est ici plus court et là plus
pliquera les apparences biologiques : c’est lui, et lui seul, qui long : si, pour certaines êtres, le cycle, leur mesure, est
est en mesure de mener à terme la fondation de la causalité d’une année, il est dans certains cas plus long, dans
matérielle de la biologie dans la causalité matérielle de la d’autres plus bref.
physique. Au premier abord, cette remarque est une anticipation de
La cause efficiente : GC et GA GA 1 :
Il est fondé en raison que chez tous les animaux, les
On observe, mutatis mutandis, quelque chose d’assez simi- périodes des gestations, des générations et des vies
laire avec le traitement de la cause efficiente. Ici aussi, le GC tendent, dans le cours normal des choses, à être me-
propose moins une théorie abstraite que le traitement d’un surées par des cycles.
individu éminent, à la fois en et hors le monde du vivant : GA a beau être plus précis en évoquant, à côté des « vies »,
le soleil et son mouvement sur l’écliptique 1. Pas plus que les « gestations » et les « générations », ainsi qu’en mettant
la matière envisagée dans le GC n’était au sens propre celle en relation directe la longueur de la gestation et celle de
des vivants, pas davantage le soleil n’est leur cause efficiente la vie, l’identité foncière des deux développements est frap-
directe. En d’autres termes, c’est en déclenchant une série pante et démontre à elle seule l’orientation biologique de la
de processus thermiques complexes que le mouvement sur cosmologie du GC. Celle-ci est encore confortée par la rela-
l’écliptique produit le monde biologique sublunaire. L’apo- tion qu’Aristote établit, en termes quasi identiques, dans les
rie a été signalée dès l’Antiquité : comment se fait-il, si la deux traités, entre l’irrégularité relative des périodes et le
chaleur est cause de génération et le froid de corruption, que substrat matériel sous-jacent à toute génération. À la phrase
l’hiver et l’été ne se contrebalancent pas chaque année, en du GC 2 :
sorte que la durée de vie d’un individu de n’importe quelle es- La période de la génération naturelle, de fait, est égale
pèce ne serait que d’une année solaire (dans notre décompte, à celle de la corruption naturelle. Mais, s’il arrive sou-
six mois de croissance et six mois de dépérissement) ? 2 La vent qu’il y ait corruption en une période plus courte,
réponse tient justement au fait que la biologie est un effet c’est du fait de l’interpénétration réciproque : la ma-
non pas primaire, mais secondaire, de la physique cosmolo- tière étant en effet irrégulière et non point partout
identique à soi, il est nécessaire que les générations
gique. La fin du Livre IV de GA illustre cette liaison intime, elles aussi soient irrégulières, les unes plus rapides et
mais aussi la différence de point de vue, entre les théories les autres plus lentes ; en sorte qu’il arrive, du fait de
cosmologiques et biologiques de la périodicité 3. Dans le GC, la génération de tels corps, que d’autres soient cor-
après avoir décrit le mouvement du soleil sur l’écliptique, rompus...
Aristote enchaîne sur la remarque suivante 4 : répond ainsi celle du GA 3 :
1. Cf. GC II 10.
2. Cf. Alexandre d’Aphrodise, Quaestio III 4, p. 87 Bruns. 1. GA IV 10, 777b 17-19.
3. Cf. GA IV 10, 777a 31-778a 9. 2. GC II 10, 36b 18-24.
4. GC II 10, 36b 11-15. 3. GA IV 10, 778a 4-9.
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cl xxviii INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxix
Ainsi donc, la nature tend à mesurer les générations annuelle de chaud-et-froid qui, jusqu’à un certain moment,
et les morts par les nombres qui régissent ces astres [i. suscite la génération, puis le dépérissement et la mort. Dans
e. le soleil et la lune], mais elle ne peut le faire exac- le GC comme dans le GA, Aristote précise enfin que la ma-
tement à cause de l’indétermination de la matière et
d’une multiplicité de principes qui empêchent les gé-
tière est seule responsable des irrégularités temporelles des
nérations et les corruptions de suivre l’ordre naturel, périodes. L’influence décisive du refroidissement sur la gé-
et causent souvent des accidents contre nature. nération explique qu’Aristote assimile, en Vit., la croissance
Malgré ces convergences fortes, il ne s’agit dans le GC au développement des organes respiratoires et le déclin bio-
que d’une orientation, d’un premier moment, et non d’une logique à leur usure 1 :
simple réduplication. Car même si la périodicité solaire ne La jeunesse correspond à la croissance de la partie
qui est la première à accomplir le refroidissement ;
semble trouver de réalisation que dans les cycles biologiques
la vieillesse correspond à son déclin, la maturité est la
qu’elle induit, ceux-ci obéissent à des critères propres. Il est phase intermédiaire.
intéressant de remarquer que ces critères dépendent eux-
La cause efficiente propre, chez chaque être vivant, est
mêmes du principe efficient propre à chaque être vivant, à
donc son cœur. Même s’il y a une relation intime entre la
savoir son cœur. Cet organe est en effet le seul producteur et
chaleur vitale qu’il diffuse et la chaleur solaire 2, on ne saurait
diffuseur (par transmission ondulatoire) de la chaleur vitale 1.
confondre ces deux niveaux de l’efficience. La théorie des
Il faut donc éviter que la production de chaleur s’emballe
causes du GC se révèle donc encore une fois en surplomb
car, comme Aristote se plait à le répéter, trop de chaleur
sur la biologie, qu’elle n’« anticipe » pas inutilement, mais
tue la chaleur 2. La fonction refroidissante est dévolue, se-
qu’elle fonde. En retour, comme pour la cause matérielle, la
lon Aristote, aux poumons et sans doute aussi au cerveau 3.
biologie oriente la cosmologie.
La chaleur du cœur a donc besoin, pour se conserver, à la
fois d’un environnement relativement chaud — on vit plus La cause finale : GC et DA-GA
longtemps dans les pays plus chauds 4 — et d’un principe de
Le seul passage du GC consacré à la cause finale est d’une
refroidissement pour la maintenir à un niveau constant. Le
brièveté déconcertante. Il s’agit de quelques lignes de GC II
rôle joué par les poumons et le cerveau au niveau propre-
10, dont la célébrité dès l’Antiquité n’a d’égal que la diffi-
ment physiologique est anticipé par les phases annuelles de
culté théorique 3 :
froid. C’est ce qui explique le passage subséquent de GA 5 :
... mais toujours, comme il a été dit, la génération et
Les poussées de chaleur et de froid, jusqu’à un certain
la corruption seront continues et jamais, en raison
équilibre, produisent les générations, et ensuite les
de la cause que nous avons dite, elles ne s’interrom-
corruptions.
pront. Cela se produit de façon conforme à la raison.
On notera qu’Aristote, dans le GA, ne lie pas la chaleur et Car puisque pour toutes choses, nous disons que c’est
la génération, le froid et la corruption. C’est la combinaison
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cl xxx INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxxi
toujours le meilleur que « désire » la nature, qu’être un végétal, de manière à participer à l’éternel et au di-
est meilleur que ne pas être (en combien de sens nous vin autant que possible. Tous, en effet, tendent à cela
disons être, on l’a expliqué ailleurs) et qu’il est im- et c’est à cette fin que visent toutes leurs actions lors-
possible que l’être appartienne à la totalité des choses qu’elles suivent la nature. Fin qui s’entend d’ailleurs
du fait de leur position éloignée du principe, c’est de de deux façons : le but visé, d’une part, et de l’autre,
la façon qui restait que le dieu a assuré la complétude le sujet servi. Vu, donc, l’impossibilité d’avoir part à
du Tout, rendant la génération perpétuelle. C’est ainsi l’éternel et au divin par continuité, parce que rien,
que peut se réaliser au plus haut point la concaténa- dans l’ordre du corruptible, n’est en état de conser-
tion de l’être [τ¿ εµναι], du fait de l’extrême affinité ver son identité et son unité numériques, chacun y a
qu’entretiennent avec l’essence [τCv οÍσ¬αv] le devenir part dans la mesure de ses moyens, l’un plus, l’autre
[τ¿ γ¬νεσθαι] et la génération [τν γνεσιν] perpétuels. moins. Et ce qui se conserve, ce n’est pas lui-même,
mais une réalité qui lui ressemble, l’unité, non pas
On discutera sans doute encore longtemps du statut d’une
numérique, mais spécifique.
telle finalité 1. Une difficulté, et non des moindres, tient au
contexte de ce passage. Celui-ci fait en effet immédiatement Ce texte entretient le même rapport avec l’exposé du GC
suite à l’exposé de la cause efficiente de la génération (cf. que celui qu’on a pu établir entre des passages du corpus
supra). Or le mouvement de l’écliptique, en tant que tel, suf- biologique et les discussions physiques des causes matérielle
firait à expliquer tous les phénomènes sublunaires, sans donc et efficiente. Encore une fois, le GC défend une théorie
qu’il y ait besoin de faire appel à une finalité suscitant, par cosmologique qui n’est pas purement et simplement biolo-
imitation, la perpétuité des générations : le mouvement du gique mais qui, une fois son « aboutissement » biologique
Tout assure la continuité, celui de l’écliptique la contrariété supprimé, serait sans la moindre pertinence. Ici, en DA, le
garante de la génération et de la corruption. Quelle est donc contexte de la discussion est ouvertement biologique et la
cette fin qui habite le sensible et quelles sont les modalités finalité déplacée du niveau cosmique général à celui de l’in-
de son déploiement objectif dans les choses ? dividu vivant particulier. La fonction « la plus naturelle » des
Il faut envisager, pour répondre à cette question, un pa- êtres vivants est de produire un individu semblable à soi.
rallèle au texte du GC en DA II 4. Aristote y dévoile la C’est dans ce contexte qu’Aristote se voit obligé de distinguer
fonction de l’âme nutritive, la « première faculté de l’âme deux plans de la finalité, « le but visé » (οØ) et le « sujet servi »
et la plus commune, celle en vertu de laquelle la vie appar- (ö) 1. Celui-ci est l’individu lui-même, qui cherche seulement
tient à tous », dans les termes suivants 2 : à perpétuer son propre être en se reproduisant ; celui-là est
Les fonctions <de l’âme nutritive> consistent à assurer
une finalité transcendante, qui correspond à ce dont il est
la reproduction et la nutrition. En effet, la plus na- question dans le GC, et qui n’est compréhensible qu’au plan
turelle des fonctions dévolues à tous les vivants, s’ils
sont complets et non atrophiés ou le produit de la gé-
nération spontanée, c’est de produire un autre vivant
tel que lui : un animal génère un animal et un végétal 1. Sur cette distinction et sa gestation dès le Περ
φιλοσοφ¬αv, voir K. Gaiser, « Das zweifache Telos bei Aris-
totles », dans I. Düring (ed.), Naturphilosophie bei Aristoteles und
1. Pour un aperçu de certains problèmes en jeu, cf. J. G. Theophrast [= Proceedings of the fourth Symposium Aristotelicum],
Lennox, « Are Aristotelian Species Eternal ? », dans Aristotle on Heidelberg, 1969 et W. Kullmann, « Different Concepts of the
Nature and Living Things, cit. supra, p. xxix, n. 2, p. 67-94. Final Cause in Aristotle », dans Aristotle on Nature and Living
2. DA II 4, 415a 25-b 7. Things, cit. supra, p. xxix, n. 2, p. 169-175.
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cl xxxii INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxxiii
d’une architectonique globale du cosmos. Ici encore, il se- tout comme les éléments y étaient cause matérielle im-
rait faux de vouloir identifier d’un côté, trop distinguer de propre, mais cause matérielle quand même, et le soleil cause
l’autre, la cause générale (cosmologique) du GC et la cause efficiente impropre, mais cause efficiente quand même 1.
propre au vivant des traités biologiques. Un troisième texte
Conclusion
parallèle le confirme. En GA, dans le contexte éminemment
biologique de la reproduction des êtres sexués, Aristote men- Aristote, par un jeu d’échos forts, a conçu les deux pans
tionne en effet l’impératif cosmologique global sans souffler de son corpus physico-biologique comme unis par une liai-
mot de la reproduction « personnelle » du vivant 1 : son théorique étroite. Le GC présente une théorie physique
des causes qui n’aurait pas de sens indépendamment des
Il faut dire maintenant pourquoi naissent et existent substances biologiques. La subtilité de sa position tient ce-
d’un côté la femelle, de l’autre le mâle. L’explication
par la nécessité, c’est-à-dire par le premier moteur, pendant dans le souci de ne pas succomber à la tentation
et par la qualification de la matière, notre propos inverse en considérant ce niveau, général certes, et géné-
à mesure qu’il progressera doit l’apporter. Quant à ral parce que premier, comme une simple généralisation
l’explication par le meilleur, c’est-à-dire par la cause du biologique. Il y a une sphère cosmologique différenciée
finale, elle a son principe sur un plan supérieur. Puis- et presque indépendante. Cette distinction aristotélicienne
qu’en effet parmi les choses les unes sont éternelles a une raison profonde, dictée par la nécessité, elle-même
et divines tandis que les autres peuvent être ou ne pas
être ; que le beau et le divin, par leur nature même, d’ordre biologique, de sauvegarder le statut des substances
sont toujours causes du meilleur des possibles, tan- individuelles tout en maintenant leur mondanité analogique
dis que ce qui n’est pas éternel peut exister ou non et commune. Parce que les animaux et les végétaux sont les sub-
participer au pire ou au meilleur ; comme enfin l’âme stances par excellence du monde sensible, voire ses seules
est meilleure que le corps, l’animé meilleur que l’in- substances, on ne peut les ramener toutes à quatre causes
animé, parce qu’il a une âme, comme être est meilleur
générales indifférenciées. Chaque substance individuelle dis-
que n’être pas et vivre que ne pas vivre, pour toutes
ces raisons il y a génération des animaux. Puisqu’il pose nécessairement de ses quatre causes propres. Mais on
est impossible que la nature de ce genre d’êtres soit courrait d’un autre côté trop grand risque de dissoudre
éternelle, c’est seulement dans la mesure où il le peut l’unité analogique du cosmos si l’on ne voyait pas quatre
que ce qui naît est éternel. Numériquement il ne le grands principes physiques réellement à l’œuvre dans sa
peut pas, car la réalité des êtres réside dans le particu- structuration. La crise des mathématiques qu’Eudoxe, à la
lier : et s’il était tel, il serait éternel. Mais il peut l’être
suite de Théétète, a tenté de juguler, tenait à l’irruption des
spécifiquement. Voilà pourquoi il existe un genre des
hommes, des animaux, des végétaux. grandeurs continues dans la théorie des proportions numé-
riques. Aristote a conçu et résolu le grand problème de la
Il n’est pas fait mention, dans ce texte, de la cause fi- physique en des termes voisins : partant de la constatation
nale comme « sujet servi » (ö). Le « but visé » (οØ) agit
donc bien à l’intérieur même de la sphère biologique,
1. Je reviens sur la question dans mon article sur la σωτηρ¬α
(cit. supra, p. clxvi, n. 3) pour montrer comment les différences,
plus encore que les similitudes, entre ces trois textes sur la cause
finale, sont significatives et pointent toutes vers un occasionna-
1. GA II 1, 731b 20-732a 1. lisme des causes.
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cl xxxiv INTRODUCTION INTRODUCTION cl xxxv
d’un divers tirant sa diversité de la matière étendue, il a mis entre un Aristote praticien ou théoricien (« philosophe ») de
en place des procédures d’unification impliquant identité nu- la science de la vie. Aristote n’a pas pour projet de bâtir une
mérique, identité spécifico-générique et identité analogique. physique mathématisée, mais il paraît insatisfaisant de quali-
Mais il ne lui suffisait pas d’avoir emprunté cette ossature fier son projet d’« ontologie du sensible » sans davantage de
classificatoire à Eudoxe pour considérer la science de la na- précision 1. C’est d’une fondation épistémique qu’il s’agit,
ture comme fondée. Le mathématicien lui a certes fourni et l’épistémè en question est moins celle du sensible que du
— ou l’a aidé à dégager 1 — un modèle de ce que pouvait vivant. Les traités sur les animaux en tirent à leur tour une
être l’unité du sensible ; on ne fonde toutefois une science position qui ne correspond ni à une biologie moderne ou pré-
qu’en la pratiquant de l’intérieur. Cette exigence explique le moderne, ni à une manière d’épistémologie avant la lettre.
très long détour par la collecte des faits, HA bien sûr, mais Il s’agit d’une recherche sur le vivant où la prise en compte
également ces Dissections que nous ne possédons plus. Seule combinée des quatre causes physiques vise à répondre le plus
l’observation minutieuse des organismes vivants assure des exhaustivement possible, et de manière non platonicienne,
bases saines à l’analogie au fondement de l’explication cau- à une question métaphysique : pourquoi le sensible est-il ap-
sale. Seule la physique procure un fondement à son étiologie. paremment si divers ?
Aussi le GC est-il comme la clé de voûte de la philosophie La biologie aristotélicienne est la preuve par le fait du ca-
naturelle d’Aristote. C’est dans cette œuvre qu’en articulant ractère non parcellaire du sensible. On ne peut, après la mise
sa « physique » à sa « biologie », le philosophe dévoile non en place des analogies aristotéliciennes (corpus zoologique
seulement le projet de la première et la signification de la proprement dit), feindre de considérer le monde du deve-
seconde mais, surtout, l’unité de ses recherches naturelles. nir comme régi par un atomisme de l’événement. Tous les
Une lecture attentive du GC permet donc de sortir, en amont ε°δη biologiques naissent et croissent à l’approche du soleil,
et en aval, de deux faux dilemmes — au niveau de la Phy- ce qui signifie qu’il n’y a aucun être qui se corrompe alors.
sique, de l’opposition entre un Aristote précurseur d’une Tout X susceptible de formulation est la détermination for-
physique mathématisée ou tenant d’une ontologie du sen- melle (εµδοv) d’un genre-sujet scientifique (γνοv) et tous les
sible 2 ; et, au niveau des traités biologiques, de l’opposition
perspective : la physiologie ne saurait se réduire à une expres-
1. On ne peut d’ailleurs exclure, étant donné l’état pi- sion mathématisée des phénomènes car elle n’atteindrait dans
toyable de nos sources, que les filiations soient plus complexes. ce cas que leur cause formelle. La Physique se distingue de la Mé-
Les recherches communes à Platon et au jeune Aristote ont taphysique parce que celle-ci étudie l’étant dans ses conditions
même très bien pu inciter Eudoxe à dépasser l’exigence théé- théoriques de possibilité tandis que celle-là se contente d’envi-
tétienne d’homogénéité des deux rapports l’un à l’égard de sager l’étant sensible à un niveau certes très général, mais qui
l’autre. n’implique aucunement une recherche formalo-logique sur la
2. Il ne s’agit ni de dénier qu’Aristote exprime sous forme substance, l’unité ou la puissance. Ces trois notions, dans la
mathématique certaines données de l’expérience commune Physique, sont toujours plus ou moins posées comme acquises.
(cf. en part. E. Hussey, « Aristotle’s Mathematical Physics : A 1. C’est à la tradition du commentarisme, et en particulier
Reconstruction », dans L. Judson (ed.), Aristotle’s Physics. A Col- à l’Exégète par excellence, Alexandre d’Aphrodise (vers 200 ap.
lection of Essays, Oxford, 1991, p. 213-242), ni qu’il existe une J.-C.), que revient d’avoir substitué l’idée d’une ontologie du
liaison intime entre la Physique et les livres centraux de la Mé- sensible à ce projet fondationnel, en resserrant le corpus naturel
taphysique (voir dernièrement P. Pellegrin, Aristote : Physique, d’Aristote aux traités que nous qualifions aujourd’hui encore de
Paris, 2000, p. 50). Mais il faut insister sur la différence de « physiques » par opposition aux œuvres dites « biologiques ».
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cl xxxvi INTRODUCTION
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cl xxxviii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cl xxxix
manuscrits bien connus des éditeurs d’Aristote depuis un Andrea Tessier en 1984, accompagnée d’une traduction la-
siècle. L’édition critique du texte grec peut donc négliger la tine more Gerardi à l’intention du lecteur non hébraïsant 1 ;
tradition gréco-latine médiévale. Giuseppe Serra a annoncé en 1973 l’édition de la première,
Autant les leçons gréco-latines mentionnées dans l’appa- transmise dans huit manuscrits médiévaux mais ne l’a pas
rat critique de Joachim sous le sigle Γ n’ont aucune valeur encore publiée.
textuelle indépendante 1, autant la traduction arabe de la Il faut, pour bien comprendre l’intérêt de la tradition
seconde moitié du ix e siècle, jusqu’ici inexploitée par les édi- arabe du GC, commencer par le status quaestionis byzantin
teurs du GC, jette une lumière considérable sur le texte et son et expliquer pourquoi, pour les traités physiques d’Aristote,
histoire. Cette traduction, réalisée sans doute par Ish.āq ibn une étude rigoureuse de toute la tradition manuscrite s’im-
H. unayn (m. en 910), de même que son modèle syriaque dû pose à l’éditeur. C’est un fait connu des historiens du texte
àH . unayn ibn Ish.āq (m. en 873), est perdue dans la langue que l’ensemble des manuscrits byzantins du corpus physique
originale, mais reconstituable à l’aide de sa version latine d’Aristote se divise en deux grandes familles textuelles 2. La
faite par Gérard de Crémone au xii e siècle et de sa version première (famille a) se compose avant tout du Paris. gr.
hébraïque faite par Zerah.yiah ibn Ish.āq au xiii e siècle 2. La 1853, le fameux « manuscrit E » d’Aristote, du milieu du x e
seconde, transmise dans deux manuscrits, a été éditée par siècle 3, tandis que la seconde (famille b) regroupe la grande
d’Aristote : Laur. 87.7 et Laur. 81.18 », Recherches de Théologie 1. Voir A. Tessier, « La traduzione arabo-ebraica del De ge-
et Philosophie médiévales (Forschungen zur Theologie und Philo- neratione et corruptione di Aristotele », Atti dell’ Accademia dei
sophie des Mittelalters) 64, 1997, p. 136-198. Pour Guillaume Lincei, Serie VIII, vol. XXVIII, fasc. 1, 1984, p. 5-123.
de Moerbeke, voir G. Vuillemin-Diem, « La traduction de la 2. Voir surtout H. Diels « Zur Textgeschichte der aris-
Métaphysique d’Aristote par Guillaume de Moerbeke et son totelischen Physik », Abhandlungen der Kgl. Pr. Akademie der
exemplaire grec : Vind. Phil. gr. 100 (J) », dans J. Wiesner (ed.), Wissenschaften zu Berlin. 1882. Phil.-hist. Klasse, 1882, p. 3-42 [re-
Aristoteles Werk und Wirkung Paul Moraux gewidmet, Berlin / New pris dans Kleine Schriften zur Geschichte der antiken Philosophie
York, 1987, T. II, p. 434-486 et ead., « La liste des œuvres d’Hip- hrsg. von W. Burkert, Darmstadt, 1969, p. 199-238], F.H. Fobes,
pocrate dans le Vindobonensis phil. gr. 100 : un autographe de « Textual Problems in Aristotle’s Meteorology », Classical Philo-
Guillaume de Moerbeke », dans J. Brams et W. Vanhamel (éds), logy 10, 1915, p. 188-214, A. Mansion, « Étude critique sur le
Guillaume de Moerbeke. Recueil d’études à l’occasion du 700 e anni- texte de la Physique d’Aristote (L. I-IV) », Revue de Philologie 47,
versaire de sa mort (1286), Leuven, 1989, p. 135-183. 1923, p. 5-41 et id., « Le texte d’Aristote Physique H, 1–3 dans
1. Cf. Joachim, p. ix-x. La traduction d’où Joachim extrait les versions arabo-latines », The Journal of Hellenic Studies 77,
ses variantes puise aux deux traductions latines médiévales, 1957, p. 81-86, D.J. Allan, « On the Manuscripts of the De Caelo
s’accordant donc tantôt avec J et tantôt avec F. La leçon le plus of Aristotle », The Classical Quarterly 30, 1936, p. 16-21, P. Mo-
remarquable qui y figure est la conjecture, en 326a 3, de calidum raux, « Notes sur la tradition indirecte du ‘De caelo’ d’Aristote »,
pour σκληρ¾ν. Hermes 82, 1954, p. 145-182.
2. Voir G. Serra, « Note sulla traduzione arabo-ebraica del 3. Étude paléographique (aux conclusions de laquelle je
‘De generatione et corruptione’ di Aristotele », Giornale Critico ne souscris pas) : M. Hecquet-Devienne, « Les mains du Pari-
della filosofia italiana 52, 1973 p. 383-427 et « Alcune osserva- sinus Graecus 1853. Une nouvelle collation des quatre premiers
zioni sulle traduzioni dall’arabo in ebraico e in latino del De livres de la Métaphysique d’Aristote (fol. 225v.-247v.) », Scrittura
generatione et corruptione di Aristotele e dello pseudo-aristotelico e Civiltà 24 (2000), p. 103-171 ; étude historico-philologique :
Liber de causis », in Scritti in onore di Carlo Diano, Bologne, 1975, A. Förster, Aristotelis De anima, Budapest, 1912 ; P. Moraux,
p. 385-433. « Le Parisinus graecus 1853 (Ms. E) d’Aristote », Scriptorium
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cxc HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cxci
majorité des autres témoins. Or, non seulement E est seul, ou la famille a, qui est aussi la meilleure, nous est transmise
à peu près, face à tous les autres témoins byzantins, mais son par un seul manuscrit non massivement contaminé par la
texte, en nombre de passages, est indubitablement meilleur famille b, le manuscrit E ; son copiste du x e siècle se signale
toutefois par une grande négligence.
que celui de la famille b. De deux passages, est « meilleur »
celui qui, à niveau d’indépendance textuelle égal, dans la C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’étudier
syntaxe la moins correcte ou la plus banale, et dans le vocabu- toute la tradition arabo-byzantine. L’éditeur d’Aristote doit
laire le moins technique ou le plus plat, offre le sens le moins tout mettre en œuvre pour tenter de reconstruire stemma-
scolaire ou le plus paradoxal. Certains solécismes sont a tiquement la famille a, c’est-à-dire pour retrouver, dans la
priori « meilleurs » que leur équivalent attique, des passages masse des sources encore inexploitées, des descendants de
dont la lettre contredit ou ignore telle définition célèbre des l’hyparchétype Ω1 (voir stemma, p. cclii). Cette tâche, qui
Catégories ou de la Physique sont a priori « meilleurs » que des a pu être menée à bien dans le cas du GC, reste encore à
platitudes exprimées dans un aristotélisme clinquant. Éditer accomplir dans celui de la Physique.
Aristote, c’est donc principalement dégager le texte originel
de ses corrections plus ou moins malvenues.
Deux problèmes se posent aussitôt. Le premier surgit de la I. La famille A
rencontre entre la négligence stylistique d’Aristote et la com-
pétence de ses lecteurs antiques et médiévaux : il peut arriver Il faut renoncer à l’idée, diffusée par Paul Moraux dans la
— il arrive — qu’une correction soit à tous points de vue préface de son édition au De caelo, que les traces byzantines
meilleure que le texte originel. Et surtout, en second lieu, de la famille a dérivent d’un exemplaire de translittération
un grand nombre de fautes de transmission, les omissions datable de la première moitié du ix e siècle 1. Les deux hy-
en particulier, qui donnent aux phrases un tour plus heurté, parchétypes sont bien plus anciens, et les translittérations
peuvent être prises, à tort, pour des « négligences authen- n’ont fait que tailler divers sous-groupes à l’intérieur de deux
tiques ». C’est la difficulté dont a souffert, jusqu’à présent, le grandes familles depuis bien longtemps constituées. On le
recours des éditeurs au manuscrit E. Car ce témoin, qui se si- montrera un peu plus bas. Voici les témoins indépendants,
gnale par une âpreté du meilleur aloi, est néanmoins souvent connus à ce jour, de la famille a :
défiguré par d’évidentes fautes de copie, iotacismes et ho- Paris. gr. Vat. gr. Paris. Suppl. gr.
méotéleutes en particulier. Ajoutons à cela un grand nombre 1853 (E) 253 (L) 314 (W)
de cas intermédiaires où rien ne permet de se prononcer de Physique + - -
manière sûre. Cette situation pour le moins déséquilibrée De caelo + + -
GC + + +
engendre le problème fondamental de l’ecdotique aristotéli-
Météor. + + +
cienne :
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cxcii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cxciii
Vat. gr. 253 et Paris. Suppl. gr. 314 d’origine, propre à la famille b, reste lisible. Les lecteurs de
J disposaient donc d’éléments notables d’information sur les
Le Vat. gr. 253 et le Paris. Suppl. gr. 314 sont des ma- deux familles textuelles, comme des lecteurs actuels à l’aide
nuscrits fortement contaminés, à la fois par la famille b et d’un apparat critique 1.
par la vulgate des éditeurs byzantins, dérivant elle-même W remonte lui aussi à un exemplaire ancien, le manuscrit
d’une fusion des deux familles assaisonnée de conjectures perdu ι 2 : le correcteur — et sans doute premier proprié-
parfois intéressantes mais sans la moindre noblesse hérédi- taire — du manuscrit E s’en est servi dès le x e siècle pour
taire. Ils n’ont donc qu’une valeur confirmative ; seul leur corriger son texte ; certaines fautes d’onciales laissent sup-
accord avec E prouve qu’une leçon de ce dernier ne lui est pas poser qu’un ancêtre au moins de ι est indépendant de tous
propre mais provient de l’hyparchétype Ω1 . Un désaccord ne les manuscrits byzantins conservés 3.
sera au mieux qu’un indice d’une faute propre à E, qui de- Aussi bien L que W, copiés tous les deux vers 1300, s’in-
vra ensuite être établie philologiquement. Cette restriction sèrent dans le cadre de l’activité philologique des érudits
apportée, il demeure que les deux manuscrits L et W sont byzantins. L est copié par un scribe qui, comme l’a montré
souvent d’un grand secours dans le diagnostic des leçons de Dieter Harlfinger, a travaillé pour Jean Bardalès, corres-
E. Le cas le plus difficile, et de loin, est celui de la Physique, pondant et collègue de Maxime Planude 4. J’ai suggéré pour
pour laquelle on ne connaît pas, à ce jour, de témoin byzan- ma part que W est un manuscrit offert par l’aristotélicien
tin autre que E 1. Le GC jouit au contraire dès ce stade, avec Nicéphore Choumnos à l’impératrice Théodora Rhaulaïna
les Météorologiques, d’une position comparativement privilé- Palaïologina, ou un témoin directement apparenté 5. Nous
giée, puisqu’il est conservé dans les trois témoins byzantins sommes donc au cœur de l’aristocratie lettrée de Constan-
connus de la famille a 2. tinople. Du point de vue de l’éditeur, c’est précisément ce
L est le descendant très fidèle d’un témoin perdu remon- caractère artificiel qui empêche de se fonder sur L et W seuls
tant au moins au milieu du ix e siècle. Il a en effet servi comme pour reconstituer la transmission de la famille a au Moyen-
exemplaire de collation au scribe du codex vetustissimus de la Âge byzantin.
tradition, le Vind. phil. gr. 100 (J), qui en a recopié toutes
les variantes entre les lignes de son manuscrit. Il est intéres-
sant de remarquer qu’il a toujours fait en sorte que la leçon
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cxciv HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cxcv
Le manuscrit perdu ε et le Matr. 4563 textes, copiés par Lascaris dans le Matr. 4563, proviennent
du manuscrit Marc. gr. 214 (ce dernier, qui appartenait alors
L’étude de la tradition a permis de contourner, dans une à Bessarion, ayant fait pour l’occasion le voyage aller-retour
certaine mesure, les difficultés exposées. Le progrès tient à Rome-Messine) et surtout, Georges de Trébizonde a dû em-
la reconstruction d’un frère ou d’un proche cousin de E, le ployer le père de M (ε lui-même ?) pour sa traduction latine
manuscrit perdu ε 1. Celui-ci a donné naissance à deux ma- du GC, réalisée alors qu’il se trouvait dans l’entourage de
nuscrits, le Marc. gr. 210 et le Matr. 4563 et influencé de Bessarion, à Rome, vers 1445 1.
manière notable la constitution du Vat. gr. 499 et la révi- Le recours au manuscrit M permet donc pour la première
sion interlinéaire du Laur. 87.7. Or si le Marc. gr. 210 (copié fois de se faire une idée précise des compétences du copiste
au xiii e s.) est trop contaminé pour qu’on puisse l’utiliser de E. Le résultat est étonnant et, en un certain sens, déce-
efficacement, le manuscrit de Madrid (M), copié en 1470 vant : celui-ci fait beaucoup moins de fautes individuelles
à Messine par le philologue byzantin Constantin Lascaris, que ce que la comparaison avec les autres témoins jusqu’ici
est resté pratiquement vierge de toute collation interlinéaire connus, y compris ceux de la famille a, laissait supposer. La
ou marginale 2. Le manuscrit M, copié moins de trente ans grande majorité des variantes « propres » à E se retrouvent
avant la première édition imprimée des œuvres d’Aristote, dans M ; le manuscrit de Paris est le reflet assez fidèle d’un
est donc le seul témoin à permettre le contrôle mot-à-mot exemplaire proto-byzantin α. Par conséquent, même si nous
du texte de E. avons progressé dans un nombre appréciable de cas, il en est
Nous savons très peu de choses sur ε. Le terminus ante bien d’autres où le problème n’a fait que reculer d’un degré
quem est la date des annotations marginales du Laur. 87.7 dans le temps, les questions que nous nous posions sur E se
— vers 1136 3. C’est peut-être Bessarion qui a apporté le retrouvant maintenant au niveau de l’exemplaire commun α.
manuscrit ε en Occident. Nous savons en effet que d’autres Ici encore, de nouvelles données permettent d’affiner notre
approche.
1. Cf. Überlieferungsgeschichte, p. 63-78.
2. Voir en particulier p. 69-70.
3. L’auteur est celui qu’à la suite des études magistrales de La traduction arabe
N.G. Wilson, « A Mysterious Byzantine Scriptorium : Ioanni-
kios and his Colleagues », Scrittura e civiltà 7, 1983, p. 161-176 ; Il y a, avons-nous dit, des erreurs communes à E et ε par
« New Light on Burgundio of Pisa », Studi italiani di filologia clas- rapport aux autres témoins de la famille a. Tant qu’on ne
sica, Terzia Serie, IV, Fasc. 2, 1986, p. 113-118 ; « Ioannikios disposait que de L et W, toute erreur de E pouvait être consi-
and Burgundio : a Survey of the Problem », dans G. Cavallo et
al. (ed.), Scritture, libri e testi nelle aree provinciali di Bisanzio (=
dérée comme une erreur de l’hyparchétype Ω1 , corrigée à
Atti del seminario di Erice [18-25 settembre 1988]), Spoleto, 1991, l’aide d’un manuscrit de la famille b dans l’ancêtre respectif
p. 447-455, on a pris l’habitude de désigner comme le « Col- des manuscrits L et W. La prise en compte de la traduction
lègue anonyme ». Il s’agit d’un helléniste latin qui a copié dans
les marges et entre les lignes des traités d’Aristote une foule de
notes exégétiques tirées en partie du matériau exégétique byzan-
tin disponible. C’est également lui qui a numéroté les groupes de Pise et ses manuscrits grecs d’Aristote : Laur. 87.7 et Laur.
de mots des phrases d’Aristote les plus difficiles avec un système 81.18 » (cité supra, p. clxxxvii, n. 3) p. 164-165 et pl. 29-33 ainsi
de petites lettres latines (a, b, c, d, ...) pour en faciliter la com- que Überlieferungsgeschichte, p. 131-159.
préhension. Voir G. Vuillemin-Diem et M. Rashed, « Burgundio 1. Cf. Überlieferungsgeschichte, p. 75-78.
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cxcvi HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cxcvii
arabe change les termes du problème 1. Celle-ci également H. unayn avait à sa disposition un manuscrit de la famille a. Il
est loin de toujours s’accorder avec E et M dans leur leçon est dans ces conditions fort vraisemblable que H . unayn pos-
particulière. C’est donc que leur ancêtre direct est déjà sen- sédait un manuscrit contenant le corpus physique d’Aristote
siblement plus fautif que Ω1 . — c’est-à-dire au moins la tétralogie Phys., GC, Cael., Me-
La version arabe ne constitue cependant pas une pana- teor. — et qu’il s’en est servi à la fois pour sa traduction de
cée. Non seulement trois couches de traduction s’interposent la Physique et pour celle du GC. J’ai émis l’hypothèse, en me
entre le texte grec que lisait H
. unayn et nous mais, surtout, fondant sur des notices syro-arabes remontant à l’autobiogra-
les variantes affectant les particules et, souvent, l’ordre des phie de H . unayn, attestant un voyage de celui-ci « en Grèce » à
mots, sont intraduisibles en syriaque et en arabe. Le contrôle l’occasion duquel il aurait fait tout son possible pour acquérir
ne sera donc possible que dans les cas où la variante en jeu « des livres de philosophie », que cet exemplaire de traduc-
est effectivement traduisible. Les résultats, dans ces passages tion si proche de nos anciennes sources byzantines devait
favorables, permettront toutefois un certaine extrapolation lui aussi provenir de Constantinople 1. Mais ces manuscrits
dans ceux où le texte de E et de M est en lui-même fort dou- constantinopolitains, remontant au plus tard au début du
teux. ix e siècle et sans doute à une époque bien antérieure, d’où
provenaient-ils eux-mêmes ?
Les citations du GC que nous trouvons sous le calame
« Andronicus auctus »
de Simplicius et d’Alexandre d’Aphrodise concordent tou-
jours avec le texte de la famille a, mais sont trop rares pour
C’est au bout du compte notre vision de la transmission du
valoir argument. L’indice est cependant confirmé par l’affi-
corpus aristotélicien qui se trouve transformée. Le manuscrit
nité entre le texte de E et celui des commentateurs anciens
E ne doit plus apparaître comme un phénomène inexplicable
pour la Physique, le De caelo et les Météorologiques 2. C’était
et isolé, mais comme un témoin de la famille majoritaire à
jusqu’à présent le nombre présumé de fautes personnelles
la fin de l’Antiquité. Cette famille se laisse désormais appré-
de E qui interdisait qu’on mène jusqu’au bout la compa-
hender comme une constellation d’au moins cinq témoins
raison. La version arabe et ε suggèrent maintenant qu’une
très anciens (exemplaire grec de H . unayn, E, ε, ι, ancêtre fois éliminées les fautes propres aux manuscrits byzantins,
commun de L-J 2). Elle semble en outre avoir été au fonde-
les convergences entre Ω1 et les commentateurs sont en-
ment du texte dont disposait Simplicius ; elle joue enfin un
core plus massives. S’étendant aux quatre grands traités
rôle fondamental dans celui, plus composite, de Philopon.
physiques, celles-ci montrent de plus que c’est un même
Pour tenter d’expliquer cette suprématie tardo-antique de la
manuscrit-corpus, contenant au moins les quatre grands trai-
famille a, il nous faut considérer la transmission du corpus
tés physiques, dont nous percevons encore les effets.
physique et métaphysique dans son ensemble.
L’exemplaire grec de la traduction syriaque de H . unayn, on
l’a dit, appartient exclusivement à la famille a. Particularité 1. Überlieferungsgeschichte, p. 86-87.
d’autant plus intéressante qu’elle se retrouve à l’identique 2. Le fait est bien connu des éditeurs d’Aristote. Cf. H.
Diels « Zur Textgeschichte der aristotelischen Physik », p. 7-8,
pour la Physique. Ici aussi, comme A. Mansion l’a montré,
F.H. Fobes, « Textual Problems in Aristotle’s Meteorology », p.
205-208, D.J. Allan, « On the Manuscripts of the De Caelo of
Aristotle », p. 16, P. Moraux, « Notes sur la tradition indirecte
1. Sur celle-ci, voir Überlieferungsgeschichte, p. 78-93. du ‘De caelo’ d’Aristote », p. 180-182.
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cxcviii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cxcix
Quel est donc ce manuscrit dont l’éclat a rayonné sur la dronicienne, un « Andronicus auctus » 1. Il semble que cette
fin de l’Antiquité et jusqu’à la période byzantine ? Un pre- suggestion, vite oubliée par les éditeurs ultérieurs, trouve
mier élément de réponse nous est fourni par la transmission certains éléments de confirmation. Il est fort peu probable
de la Métaphysique de Théophraste. Ce traité apparaît en ef- que le fils de H . unayn, Ish.āq, à qui l’on doit la traduction
fet dans E flanqué de la scholie fameuse : « Andronicus et de l’opuscule de Théophraste et celle de plusieurs livres
Hermippe ignorent ce livre, car ils n’en font pas la moindre de la Métaphysique d’Aristote, ait découvert ces deux trai-
mention dans la liste des livres de Théophraste ; Nicolas, en tés à l’état isolé. Ceux-ci faisaient probablement déjà partie
revanche, dans sa Considération de la Métaphysique d’Aris- d’une collection aristotélicienne. H . unayn ayant mis la main
tote, le mentionne, en disant qu’il est de Théophraste. Il sur un corpus des œuvres d’Aristote, nous sommes justi-
contient comme quelques apories préliminaires à tout ce fiés à supposer que c’est ce même manuscrit qui contenait,
champ d’étude » 1. L’auteur de la scholie remarque que le tout comme E, les traités physiques d’Aristote et les deux
titre de l’opuscule de Théophraste — il entend sans doute Métaphysiques 2. La ressemblance entre le manuscrit E et
par là déjà l’appellation « Métaphysique » — est absent des l’exemplaire grec des traducteurs arabes est frappante, d’au-
listes des œuvres de cet auteur dressées par l’élève alexandrin tant que le texte arabe, certes moins corrompu que celui
de Callimaque, Hermippe, et d’Andronicus et se réclame des manuscrits grecs conservés, n’en est pas moins stem-
finalement de Nicolas de Damas pour l’attribuer à Théo- matiquement très proche 3. H . unayn et Ish.āq disposaient,
phraste 2. Ces renseignements remontent nécessairement à
l’Antiquité.
W. Jaeger s’était appuyé sur cette seule scholie pour sug-
gérer que la Métaphysique de Théophraste avait été ajoutée
1. Cf. Aristotelis Metaphysica, recognovit brevique adnotatione
« sub imperio Romano » aux traités d’Aristote, le corpus ainsi critica instruxit W. Jaeger, Oxford, 1957, p. vi-vii : « haec collec-
formé constituant selon lui une extension de l’édition an- tio [E] a grammaticis Byzantinis quidem instaurata est, sed ab
iis ex editione perantiqua repetita videtur, quae scholae Per-
ipateticae editione celeberrima nitebatur. testis est scholium
ad Theophrasti Fragmentum Metaphysicum, quod in E sub
1. 12a 4-b 5 : τοÖτο τ¿ βιàλ¬ον LΑνδρ¾νικοv µν κα IΕρµιπποv calcem Metaphysicorum Aristotelis additur. [...]. apparet auc-
γνοοÖσιν, οÍδ γρ µνε¬αν αÍτοÖ Åλωv πεπο¬ηνται ν τD ναγραφD torem editionis e qua recensio codicis Parisini fluxit et ipsum
τFν Θεοφρστου βιàλ¬ων· Νικ¾λαοv δ ν τD θεωρ¬{ τFν LΑριστοτλουv Peripateticum fuisse qui sub imperio Romano floruit et iudi-
Μετ τ φυσικ µνηµονεËει αÍτοÖ, λγων εµναι Θεοφρστου. ε®σ δL ν cium Nicolai Damasceni secutus Andronici editionem libello
αÍτG ο¶ον προδιαπορ¬αι τινv Àλ¬γαι τCv Åληv πραγµατε¬αv. Theophrasteo adiecto auxit. quare recensionem codicis E ‘an-
2. Sur Hermippe de Smyrne, voir maintenant J. Bollansée, dronicum auctum’ appello ».
Hermippos of Smyrna and his Biographical Writings. A Reapprai- 2. Je ne sais pourquoi J. Irigoin, « Deux traditions dissy-
sal [= Studia Hellenistica 35], Leuven, 1999 ; sur Andronicus de métriques : Platon et Aristote (suite) », Annuaire du Collège de
Rhodes, P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von An- France 1986-1987, 87 e année, p. 599-613 (repris dans : Tradition
dronikos bis Alexander von Aphrodisias, vol. I : Die Renaissance des et critique des textes grecs, Paris, 1997, p. 171-190), p. 608 suspend
Aristotelismus im I. Jh. v. Chr. [= Peripatoi 5], Berlin/New York, son jugement quant à l’unité des deux parties du manuscrit E,
1973, p. 97-141 ; sur Nicolas de Damas, J. H. Drossaart Lulofs, qui paraît bien établie par P. Moraux, « Le Parisinus graecus
Nicolaus Damascenus On the Philosophy of Aristotle. Fragments of the 1853 (Ms. E) d’Aristote » (cité supra, p. clxxxix, n. 3).
first five Books translated from the Syriac, Leyde, 1965 et Moraux, 3. Cf. A. Laks et G. W. Most, Théophraste : Métaphysique,
ibid., p. 445-514. Paris, 1993, p. lxxv-lxxvi.
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cc HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cci
pour la Physique, le GC et la Métaphysique de Théo- On retrouve les mêmes parallèles entre la tradition an-
phraste, d’un manuscrit très proche de E, meilleur que E 1. cienne du péripatétisme, le commentarisme grec ancien et
la tradition arabe du ix e-x e siècle dans le cas des Recherches
sur les plantes de Théophraste. On sait que le manuscrit by-
1. Il serait imprudent de vouloir s’appuyer sur la position
relative des deux Métaphysiques dans E et J pour reconstituer zantin archétype, le Vat. Urb. 41 1, a conservé une scholie
l’ordonnance de codices ou de volumina antiques. Il paraît même de forme très semblable à celle de la Métaphysique, puis-
difficile de tirer des conclusions définitives sur la diffusion de qu’elle aussi mentionne des titres donnés par Andronicus
la scholie à la Métaphysique à date ancienne. La mutilation de J et Hermippe : Θεοφρστου περ φυτFν τ¿ Η. IΕρµιπποv δ
avant son acquisition par Moerbeke (ca 1260), qui affecte la fin περ φρυγανικFν κα ποιωδFν, LΑνδρ¾νικοv δ περ φυτFν
de la Métaphysique de Théophraste, le livre A de la Métaphysique
d’Aristote et le début de α, interdit de se prononcer sur la pré-
¯στορ¬αv 2. Cette scholie prend tout son sens si l’on se remé-
sence éventuelle de la scholie dans l’exemplaire du copiste du ix e
siècle. On peut toutefois noter que Moerbeke a trouvé la scholie, oublier que l’exemplaire grec d’Ish.āq peut être sensiblement
peut-être sans sa dernière phrase, dans un deuxième manuscrit plus ancien que le dernier ancêtre commun de E et J. Ce qui ap-
grec à l’aide duquel il a effectué une révision partielle d’une tra- paraît comme caractéristique de la famille représentée par ces
duction antérieure de la Métaphysique (l’« Anonyma ») — et non derniers est peut-être une faute « récente ». Malgré toutes ces
dans un état antérieur de J lui-même comme le sous-entendent restrictions, il paraît indéniable que les apports d’Ish.āq à Ust.āt
A. Laks et G. W. Most, Théophraste : Métaphysique, p. xi, n. 9 ; présupposent, dans trois cas au moins — pour nous en tenir au
cf. G. Vuillemin-Diem, « La liste des œuvres d’Hippocrate dans livre α —, un texte apparenté à celui de E. • (α 1, 993b 22) οÍ τ¿
le Vindobonensis phil. gr. 100 : un autographe de Guillaume α°τιον καθL αÎτ¿ E Alγρ laysa ... an illa la-hā fı̄ nafsihā Ish.āq : οÍκ
de Moerbeke », cit. p. clxxxvii, n. 3, p. 167-169 —. Ce second ¬διον A b Al οÍκ ¬διον καθL αÎτ¿ recc. graeci lam yakun ... li-nafs
manuscrit appartenait quoi qu’il en soit sûrement à la branche al-fı̄l wa lā al-mudāwama alā al-fil sarmadiyyan Ust.āt ; • (α 3,
représentée par E et J. À supposer même que J ait contenu la 995a 3) γνωριµÞτερον EJ araf Ish.āq : γνÞριµον A b marūfa Ust.āt ;
scholie de Théophraste, cela ne va pas à l’encontre d’une liaison • (α 3, 995a 5-6) ®σχËει ... δι τ¿ θοv E mā ... , bi-sabab al-ulfati ...,
privilégiée de celle-ci avec la famille a, puisqu’il est fort probable agall Ish.āq : ®σχËει ... τ¿ θοv A b J quwwa al-āda Ust.āt. Ish.āq ne
que J dérive, pour la Métaphysique, d’un ancêtre de la famille a. s’écarte pas du texte d’Ust.āt quand celui-ci est déjà du côté de
Cette possibilité, purement théorique avant la prise en compte E (cf. 994b 9). Le cas contraire (E + Ust.āt vs. A b + Ish.āq) ne se
de la tradition arabe, est maintenant corroborée par la proxi- produit en revanche jamais.
mité stemmatique entre les quatre œuvres traduites par H . unayn 1. Sur ce manuscrit, qui remonte aux environs de l’an 900,
et/ou Ish.āq (Physique, GC, Métaphysique d’Aristote, Métaphysique voir J. Irigoin, « Une écriture du x e siècle : la minuscule bou-
de Théophraste) et le manuscrit E. La question est cependant letée », dans La paléographie grecque et byzantine, Colloque de
compliquée par le fait qu’Ish.āq recourait certainement, en plus Paris, oct. 1974, éd. J. Glénisson, J. Bompaire et J. Irigoin, Pa-
de son ou de ses manuscrit(s) grec(s), à la traduction de son ris, 1977, p. 191-199, en part. p. 195-196, repris par S. Amigues,
prédécesseur Ust.āt. Synthèse des discussions dans C. Martini, Théophraste : Recherches sur les plantes, Paris, 1988, p. xliv-xlv.
« La tradizione araba della Metafisica di Aristotele. Libri α-A », 2. Cf. Theophrasti Eresii Historia Plantarum emendavit, cum
dans Aristotele e Alessandro di Afrodisia nella tradizione araba, a adnotatione critica instruxit F. Wimmer, Bratislava, 1842, p.
cura di C. D’Ancona e G. Serra, Padoue, 2002, p. 75-112. Une 264 (la scholie est placée à la fin du Livre VII dans l’arché-
autre difficulté provient du fait que nous n’avons conservé de type). Cf. O. Regenbogen, RE Suppl. VII, 1940 (1940) c. 1373, A.
traduction intégrale d’Ish.āq que dans les lemmes du Grand Laks et G. W. Most, Théophraste : Métaphysique, p. xii, n. 12 et S.
Commentaire d’Averroès au bref livre α. Des fragments sup- Amigues, Théophraste : Recherches sur les plantes, p. xliii, n. 84.
posés de ses autres traductions n’apparaissent qu’en tant que Il n’est pas exclu qu’une scholie-titre au début du livre III, Περ
citations dans le corps du même commentaire aux livres ΓΘΙ. γρ¬ων δνδρων, remonte elle aussi à Hermippe. Cf. J. Bollansée,
Ils posent donc des problèmes spécifiques. Enfin, il ne faut pas Hermippos of Smyrna and his Biographical Writings, p. 167.
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ccii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE cciii
more que le De plantis d’Aristote, encore connu de Nicolas de l’historique d’une œuvre de Théophraste dont on pouvait à
Damas, était déjà perdu pour Alexandre d’Aphrodise. Notons bon droit, et à la différence des traités aristotéliciens clas-
tout d’abord que la proximité stylistique des deux scholies à siques, ne pas connaître le pedigree. Autrement dit : il s’agit
Théophraste contraint de postuler un même auteur ou, à la moins pour lui de mettre en doute l’authenticité théophras-
rigueur, deux personnes œuvrant de concert. Seules ces deux tienne de l’opuscule métaphysique que de nous décrire les
scholies attestent l’existence d’un catalogue andronicien des vicissitudes de sa tradition.
œuvres de Théophraste et seules ces deux scholies associent Une solution à première vue satisfaisante, et qui a eu la
Hermippe — lui-même rarement mentionné par ailleurs 1 — faveur des récents éditeurs 1, serait de penser que l’opuscule
et Andronicus dans le contexte d’un problème d’authenti- métaphysique de Théophraste, à l’époque où notre scholiaste
cité théophrastienne. On ne peut donc discuter l’une de ces l’annote, était depuis déjà quelques siècles transmis comme
scholies sans prendre l’autre en compte. une introduction d’Aristote à sa propre Métaphysique. L’in-
Commençons par la seconde, moins complexe. Celle-ci tervention du scholiaste se serait bornée à souligner, avec
ne vise pas seulement à résoudre une question d’authenti- Nicolas et contre Andronicus, que ce que ce dernier consi-
cité, mais nous délivre un renseignement sur le titre de l’un dérait comme une pré-Métaphysique d’Aristote revenait en
des livres de notre Historia plantarum. Le scholiaste oppose réalité à Théophraste. Cette solution se heurte cependant à
une désignation précise trouvée chez Hermippe au titre gé- deux difficultés : on comprendrait mal la numérotation des
nérique d’Andronicus. Il s’agit de préciser le statut exact deux premiers livres de la Métaphysique en A et α (vestiges
d’un texte perçu — pour une raison restant à déterminer de deux recensions différentes de l’œuvre) 2 et surtout l’ou-
— comme mal connu, en tous cas moins bien connu que les bli — pire qu’un déni — du choix andronicien qu’il faudrait
œuvres d’Aristote (qui elles, y compris la si problématique prêter à Alexandre (dont les cinq premiers livres du commen-
Métaphysique, ne font pas de sa part l’objet d’annotations) 2. taire à la Métaphysique sont conservés) et à toute la tradition
Il faut donc probablement supposer un même souci anti- gréco-arabe.
quaire au fondement de la scholie à la Métaphysique. Le Sans aller jusqu’à affirmer que c’est le scholiaste lui-même
scholiaste, recourant toujours à Andronicus et Hermippe, qui a introduit l’opuscule métaphysique dans le corpus aris-
mais leur associant cette fois Nicolas de Damas, nous fait
1. Cf. A. Laks et G. W. Most, Théophraste : Métaphysique, p.
xiv-xv.
1. Cf. P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d’Aristote, 2. Pour une synthèse des explications possibles, voir E.
Louvain, 1951, p. 221 et n. 57. Berti, « Note sulla tradizione dei primi due libri della Metafisica
2. La scholie à la Métaphysique de E, écrite par la main E 2 de di Aristotele », Elenchos 3, 1982, p. 5-38. On pourrait répondre
P. Moraux, « Le Parisinus graecus 1853 (Ms. E) d’Aristote », n’a à cette objection que les deux œuvres, toujours associées dans
rien à voir. G. Vuillemin-Diem, « La traduction de la Métaphy- les manuscrits, auraient cependant conservé une désignation au-
sique d’Aristote par Guillaume de Moerbeke et son exemplaire tonome. Mais dans ce cas, on ne comprend pas pourquoi le
grec : Vind. Phil. gr. 100 (J) », p. 174-182, a montré qu’il s’agis- catalogue de Ptolémée al-Ġarı̄b, qui remonte à peu près cer-
sait d’une adaptation à partir d’Asclépius, In Metaph. 4,17-35. Le tainement aux pinakes d’Andronicus et présentant les traités
« rapprochement » qu’A. Laks et G. W. Most, Théophraste : Mé- acroamatiques dans l’ordre idéal de lecture, ne mentionne pas
taphysique, p. xi, n. 9, attribuent à Gudrun Vuillemin-Diem ne l’introduction, sous un titre ou sous un autre, aux côtés de la
concerne donc chez celle-ci que la place des scholies par rapport Métaphysique en treize livres (sur cette liste, voir P. Moraux, Les
au livre auquel elles se réfèrent. listes anciennes des ouvrages d’Aristote, p. 289-309).
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cciv HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccv
totélicien — même si cela n’aurait rien d’absurde —, il nous l’Antiquité tardive, de traité aristotélicien canonique. La si-
paraît néanmoins probable que son zèle philologique n’est tuation n’est guère différente à l’époque abbasside (qui se
pas sans rapport avec la paternité des deux œuvres sur les- signale cependant également par son recours au De plan-
quelles il s’exerce et, plus précisément, avec la constatation tis en deux livres de Nicolas de Damas). Nous savons ainsi
suivante : un éditeur du Péripatos de l’époque impériale avait qu’Ibrāhı̄m ibn Bakkūs a traduit les Recherches sur les plantes
certaines raisons de vouloir intégrer et l’opuscule métaphy- dans la première moitié du x e siècle 1, ce qui laisse supposer
sique et les recherches botaniques de Théophraste dans un une version syriaque, peut-être même arabe, antérieure 2.
corpus des traités d’Aristote. Le premier, on l’a dit, en tant De ces remarques philologiques, on peut tirer deux
qu’il paraissait constituer une introduction à la Métaphysique conclusions historiques. Tout d’abord, la tradition arabe —
d’Aristote 1, à la façon dont l’Ε®σαγωγ de Porphyre s’est le manuscrit de H . unayn au premier chef — confirme que
imposée plus tard en tête des manuscrits de l’Organon 2. Les dans le cas de la Métaphysique, les manuscrits transmettant
secondes, pour remplir le programme fixé dans le Prologue la famille b pour les traités physiques se sont alignés sur l’ar-
des Météorologiques — qui présentait la philosophie naturelle chétype de la famille a. Ensuite, l’organisation des grands
comme une suite unitaire de pragmaties joignant la Physique manuscrits des ix e-x e siècles reflète celle de corpus bien plus
aux recherches περ φυτFν 3. La perte du De plantis d’Aris- anciens, contemporains du passage du rouleau au codex 3 et
tote conduisait à se rabattre sur le traité homonyme de son
disciple. Les deux scholies « Andronicus-Hermippe » ont été
transmises dans un contexte similaire. Elles témoignent sans 1. Pour la datation de ce savant, cf. Überlieferungsgeschichte,
doute d’un travail de clarification historique occasionné par p. 80.
la greffe, sur le corpus proprement aristotélicien, de deux 2. Ibn Bakkūs est vraisemblablement un traducteur à par-
tir du syriaque et non un helléniste, puisqu’il s’associe avec
œuvres de Théophraste. Des traités qui, de notoriété pu- un helléniste professionnel, Ibn Fatı̄la, pour réviser la version
blique, n’étaient pas ceux d’Aristote exigeaient ce surcroît arabe des Réfutations sophistiques (d’après Al-Nadı̄m et une scho-
de précautions. lie d’Ibn Suwār dans le ms. BN Ar. 2346, fol. 380v.).
C’est en parfait accord avec ce choix que les introduc- 3. Ce passage s’est étalé grosso modo sur les quatre pre-
tions alexandrines à la philosophie d’Aristote renvoient aux miers siècles de notre ère. Il a été plus rapide hors d’Égypte (à
Athènes et à Rome en particulier), où la concurrence du rou-
Recherches sur les plantes de Théophraste ceux qui veulent
leau de papyrus était moins forte. L’édition des Ennéades de
compléter leur lecture de la philosophie naturelle aristotéli- Plotin par Porphyre, vers 300, présuppose trois codices. Présen-
cienne 4 : ces dernières avaient manifestement valeur, dans tation et analyse des données archéologiques et textuelles chez
J. Irigoin, Le livre grec des origines à la Renaissance, Paris, 2001,
p. 64-73. Voir aussi l’étude détaillée du projet porphyrien dans
1. Le scholiaste insiste d’ailleurs lui-même sur ce point. M.-O. Goulet-Cazé, « L’arrière-plan scolaire de la Vie de Plotin »
2. À cette différence près que Théophraste ne voulait dans L. Brisson, M.-O. Goulet-Cazé, R. Goulet et D. O’Brien,
certainement pas introduire aux recherches métaphysiques Porphyre. La vie de Plotin I. Travaux préliminaires et index grec
d’Aristote en composant son opuscule. complet, Paris, 1982, p. 232-327, p. 280-327. Il est a contrario
3. Cf. Meteor. I 1, 338a 20-339a 9. caractéristique que dans le cas des Météorologiques, à la fois E et
4. Je discute le témoignage de Simplicius dans l’article J ont conservé la trace d’un ancêtre commun sur rouleau. Cf.
« De Cordoue à Byzance. Sur une ‘prothéorie’ inédite de la P. Louis, Aristote : Météorologiques, Paris, 1982, p. xliv. Tout se
Physique d’Aristote », Arabic Sciences and Philosophy. A Historical passe donc comme si une édition sous forme de codex (famille a)
Journal 6 (1996), p. 215-262, p. 237, n. 42. avait succédé à une édition plus ancienne sur rouleaux (famille
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ccvi HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccvii
dont la genèse est indissociable de l’activité philologique pé- seulement une mise en ordre et, sans doute, comme on l’a
ripatéticienne. Il y a donc eu insertion, à un moment donné dit 1, le choix technique de passer du volumen au codex.
de l’histoire du texte aristotélicien, de l’opuscule théophras- L’énigme à résoudre est la suivante : dans le pinax
tien en tête de la Métaphysique d’Aristote. Le corpus ainsi des œuvres d’Aristote composé par Andronicus et transmis
créé a eu un poids textuel décisif. Les indices combinés de par Ptolémée al-Ġarı̄b, — sans doute Ptolémée Chennos,
l’histoire du texte de la famille a avant le x e siècle et de la grammairien contemporain de Néron 2 —, l’opuscule mé-
tradition de la Métaphysique nous paraissent ainsi aller dans taphysique de Théophraste est absent et le traité Sur les
le sens de l’hypothèse d’un « Andronicus auctus » datable des plantes est encore celui d’Aristote, en deux livres 3. Quelques
premiers siècles de notre ère. siècles plus tard, l’œuvre d’Aristote est perdue et les deux
traités de Théophraste ont fait leur apparition dans le cor-
pus. Nous avons supposé que l’édition à la source du texte
Une « schola Peripatetica » introuvable
de la famille a et l’édition ayant intégré ces morceaux théo-
phrastiens étaient une et la même, notre manuscrit Ω1 . Où
Si le corpus « Andronicus auctus » a eu une telle impor-
et quand ce travail est-il susceptible d’avoir eu lieu ?
tance, c’est très probablement qu’il a été confectionné dans
Envisageons tout d’abord l’hypothèse qui nous semble
une école influente. Dans la préface de son introduction à
sous-jacente à la remarque sibylline de W. Jaeger, soit l’école
la Métaphysique, W. Jaeger y voyait la griffe de la (d’une ?)
péripatéticienne entre Andronicus et Alexandre d’Aphro-
schola Peripatetica, mais sans davantage de précisions 1. Les
dise. On assiste effectivement, tout au long du ii e siècle, à une
renseignements sont à vrai dire bien maigres. L’Antiquité
spécialisation croissante des études aristotéliciennes, culmi-
tardive est une période d’intense activité sophistique et phi-
nant avec l’enseignement officiel d’Alexandre, à Athènes,
losophique et rien ne prouve en outre que le maître d’œuvre
— à supposer qu’il soit unique — de notre « Andronicus
auctus » doive être recherché parmi les plus grands noms
1. Cf. supra, p. ccv, n. 3.
des études aristotéliciennes. Un philosophe de second ordre, 2. En interprétant, comme on sait, l’épithète « al-ġarı̄b »
mais grammairien compétent, a très bien pu réaliser ce tra- comme le résultat d’une mauvaise lecture de l’adjectif Χννοv,
vail, qui n’implique aucune réédition totale du corpus, mais confondu avec Ξνοv. Ptolémée Chennos était un Alexandrin po-
lymathe qui semble avoir gravité autour de la cour de Néron.
Remarquons que selon Ibn Abı̄ Us.aybia, Kitāb Uyūn al-Anbā fı̄
a + famille b). La famille b remonte à une édition elle-même sur T.abaqāt al-At.ibbā, Le Caire / Göttingen, 1884, p. 60, son écrit
rouleaux. Voir infra, p. ccxxiii. Sur la vie d’Aristote, son histoire, son testament et la liste de ses ou-
1. Dans son compte rendu (Gnomon 8, 1932, p. 289-295) vrages était dédié à un certain Gallus (ġls). Ce nom pourrait être
de W. D. Ross et F.H. Fobes, Theophrastus. Metaphysics, Oxford, un indice d’une activité à Rome. On ne peut malheureusement
1929, W. W. Jaeger était en revanche allé jusqu’à affirmer, en pas tout à fait exclure l’hypothèse d’une confusion entre ce Pto-
s’appuyant sur un raisonnement codicologico-philologique trop lémée et un autre — qui aurait été le véritable auteur de la liste
audacieux, que l’intégration de l’opuscule de Théophraste au transmise en arabe — à date ancienne, dans la sphère grecque.
corpus aristotélicien était antérieure à Alexandre d’Aphrodise. Sur ce point, voir P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages
Faut-il interpréter son silence sur ce point, dans son édition de d’Aristote, p. 289-294 et A. Dihle, « Der Platoniker Ptolemaios »,
la Métaphysique de 1957, comme une réaffirmation implicite ou Hermes 85, 1957, p. 314-325.
comme une rétractation ? La seconde solution n’est pas la plus 3. Cf. P. Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d’Aristote,
invraisemblable. p. 297.
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dans les premières années du iii e siècle. Cette ambiance sco- Arrien 1. Le règne d’Hadrien, que ce soit à Alexandrie avec
laire expliquerait donc bien un retour au texte, qu’on aurait Vestinus ou à Athènes avec Juncus et Arrien, marque l’apo-
voulu fixer sous une forme canonique. gée du contrôle des institutions universitaires et culturelles
Les choses sont cependant plus compliquées dès qu’on par les proches de l’Empereur.
rentre dans les détails. La question de l’aristotélisme Rien ne laisse donc supposer, avant 176, qu’une insti-
universitaire est indissociable, au ii e siècle, de la poli- tution ait pris soin d’établir un « Andronicus auctus », ni
tique culturelle impériale. Après une période de reflux surtout qu’elle ait eu la force de l’imposer urbi et orbi comme
sous les Julio-Claudiens, durant laquelle on ne rencontre le texte canonique. Il faut au surplus remarquer qu’aucun
aucun diadoque, la fonction semble renaître autour du philosophe médio-platonicien ou aristotélicien n’apparaît
règne de Vespasien (69-79). Les trois écoles (platonico- parmi les diadoques dont l’histoire et l’archéologie ont
aristotélicienne, stoïcienne, épicurienne) 1 sont confirmées conservé le nom. Tout se passe comme si ceux-ci avaient
dans leur existence mais, en contrepartie, leur diadoque res- composé leurs livres innombrables indépendamment de ces
pectif est un Romain et les actes officiels importants rédigés carrières officielles 2. Rien ne paraît en outre indiquer que
en latin 2. De légères entorses à cette règle apparaissent sous dans la première moitié du ii e siècle, Athènes, Rome ou
le règne d’Hadrien, sous l’influence en particulier de Plo- Alexandrie aient été des lieux de passage obligés pour une
tina, gagnée à l’épicurisme hellénique. Mais la possibilité, carrière de philosophe, et surtout de philosophe aristotéli-
acquise en 121 et confirmée en 125, de choisir un diadoque cien, digne de ce nom 3. Autant Alexandrie semble conserver
grec (c’est-à-dire non romain) ne signifie pas que le pouvoir sa suprématie pour ce qui est des sciences exactes et
central ait relâché son contrôle. C’est en effet vers cette pé-
riode que semblent apparaître les « philosophes consulaires »
(Îπατικο φιλ¾σοφοι), hauts fonctionnaires à la fois au fait
de leur mission diplomatique auprès des cités grecques et 1. Cf. J. H. Oliver, ibid. et, du même, Marcus Aurelius. Aspects
philosophiquement compétents. Les deux exemples les plus of Civic and Cultural Policy in the East [Hesperia : Supplement
marquants sont Aemilius Juncus, consul en 127, beau-fils XIII], Princeton, 1970, p. 105-107.
du diadoque platonico-aristotélicien Varius Caelianus et lui- 2. Sur l’absence curieuse d’attestation des auteurs médio-
platoniciens dans l’onomastique athénienne, voir J. H. Oliver,
même sans doute philosophe ; et, peu de temps après Juncus,
The Civic Tradition and Roman Athens, p. 93. Cette absence est
peut-être à mettre en relation avec le fait que dans la Vie de Plo-
tin, § 20, Porphyre cite une lettre de Longin où celui-ci distingue
explicitement les professeurs qui ont écrit et ceux qui se sont
contentés d’enseigner les doctrines des fondateurs de l’école. Il
1. J. H. Oliver, « The Diadochê at Athens under the Hu- y avait visiblement, à Athènes, une population de professeurs-
manistic Emperors », American Journal of Philology 98, 1977, p. diadoques dont l’archéologie a gardé trace, mais non l’histoire
160-178, défend avec de bons arguments la thèse qu’il y avait de la philosophie.
trois diadoques, un diadoque principal représentant les inté- 3. Le fait que les deux plus grands aristotéliciens du ii e
rêts des platoniciens, des aristotéliciens et des éclectiques, puis siècle, Adraste et Alexandre, soient originaires d’Aphrodisias
deux diadoques, l’un pour les stoïciens et l’autre pour les épi- (sans doute la ville de Carie) peut difficilement être un hasard.
curiens. On ne connaît au surplus aucun philosophe important de la pre-
2. Voir J. H. Oliver, The Civic Tradition and Roman Athens, mière moitié du ii e siècle dont le nom soit indissociablement
Baltimore/Londres, 1983, p. 69-70. attaché à l’une de ces trois métropoles.
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ccx HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxi
historico-linguistiques 1, autant la pratique de la philosophie siècles de somnolence, d’une activité philosophique de très
semble plus éparpillée. Galien conseille les commentaires haut niveau à Athènes.
aristotéliciens d’Adraste et d’Aspasius 2, et le fait qu’aussi On dispose de plusieurs signes tangibles du succès de
bien Adraste qu’Alexandre — et peut-être même Herminus, la mesure. Il suffit de comparer le premier professeur
si c’est dans cette ville qu’Alexandre a suivi ses cours — de philosophie péripatéticienne, Alexandre de Damas, et
soient originaires d’Aphrodisias montre que cette cité, dans son successeur un quart de siècle plus tard, Alexandre
le domaine des études aristotéliciennes, faisait au moins jeu d’Aphrodise : alors que Galien nous présente celui-là comme
égal avec les grandes métropoles. « connaissant sans doute les doctrines de Platon, mais da-
Il faut en fait attendre le quatrième quart du siècle pour vantage attaché à celles d’Aristote » 1 — c’est-à-dire comme
voir les choses changer et la logique universitaire prendre le un diadoque ancienne manière, flottant encore entre les
pas, en apparence tout au moins 3, sur les impératifs direc- deux autorités tutélaires — une telle remarque, appliquée à
tement politiques : en 176, Marc Aurèle crée quatre chaires l’Aphrodisien, n’aurait proprement aucun sens. En un quart
de philosophie à Athènes. Le pouvoir romain accepte pour de siècle, il est donc probable que l’on a vu se constituer une
la première fois de nommer des professionnels de la phi- véritable école péripatéticienne, consciente de sa spécificité
losophie, qui seront à l’évidence plutôt des Grecs que des doctrinale y compris par rapport au platonisme. L’itinéraire
Romains, à la tête des écoles. Même s’il est possible que d’Alexandre d’Aphrodise, fonctionnaire intellectuel, n’hési-
cette réforme se soit accompagnée de la mise en place d’un tant pas à dédier un traité aux Empereurs Septime Sévère
« directeur du Musée » ayant à charge de contrôler adminis- et Caracalla mais n’allant pas jusqu’à se déplacer pour le
trativement et politiquement les activités des professeurs 4, leur offrir et se contentant d’une dédicace un peu lourde
il demeure indéniable que la réorganisation de Marc Aurèle pour se dédommager, est révélateur 2. En d’autres temps,
dut entraîner le regain, si ce n’est l’apparition après de longs Alexandre aurait quitté Aphrodise pour Alexandrie, Rhodes,
Rome ou Pergame, certainement pas pour Athènes. Tout
dans la dédicace du De fato laisse voir qu’à son époque,
la chaire de philosophie d’Athènes est la position la plus
1. Le Musée est encore assez florissant pour accueillir les enviable. Si la mesure de Marc Aurèle n’a certainement
recherches d’un Claude Ptolémée en astronomie et en optique,
d’un Menelaus en géométrie, d’un Apollonius Dyscole en gram-
pas créé la tendance philologisante et professionnalisante
maire, d’un Nicanor en philologie. des commentateurs péripatéticiens, son rôle a été décisif
2. De libris propriis 11, p. 118,17-119,2 Müller. Voir aussi pour la domicilier à Athènes. Plotin semblant déjà considé-
la notice biographique sur Adraste de R. Goulet dans DPhA I, rer, quelques années plus tard, à Rome, les commentaires
1989, p. 56-57. d’Alexandre et d’Aspasius comme des classiques 3, il y a tout
3. En 175, Marc Aurèle avait réprimé une dangereuse ré- lieu de supposer qu’Athènes a fait office d’« entonnoir » pour
volte à Alexandrie. On peut se demander si, dans ce contexte, la
création des quatre chaires de philosophie à Athènes ne fait pas
figure de récompense pour cette ville qui a su rester calme du-
rant les troubles. Il s’agirait là d’une tentative pour abattre ou, 1. Galien, T. XIV K., De praenotione ad Epigenem 5, 627,3-5 :
tout au moins, contrebalancer l’influence culturelle d’Alexan- ...LΑλεξνδρ} τG ∆αµασκηνG, γιγνÞσκοντι µν κα τ τοÖ Πλτωνοv
drie. λλ τοEv LΑριστοτλουv προσκειµν} µλλον...
4. Cf. J. H. Oliver, The Civic Tradition and Roman Athens, p. 2. Cf. Alexandre, De fato, § 1.
62-65. 3. Cf. Porphyre, Vie de Plotin, § 14.
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ccxii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxiii
l’exégèse savante d’Aristote. Les textes du Maître et de ses mal, dès lors, quel sens il peut bien y avoir à supposer que
commentateurs y ont afflué, y ont été travaillés, puis ont ce manuscrit nous transmette un texte canonique antérieur
été rediffusés, enrichis du dernier stade exégétique, vers les à l’Aphrodisien. Ensuite, Alexandre n’éprouve visiblement
centres culturels importants du bassin méditerranéen. pas le moindre intérêt pour la Métaphysique de Théophraste
On tiendrait la solution. Il serait en effet difficile — en- ou pour son De plantis. Il ne les cite en tout cas jamais. On
core que nous n’ayons sur ce point aucune donnée concrète peut enfin remarquer qu’un lexique philosophique transmis
— d’imaginer que les responsables des différentes sectes sous le nom d’Alexandre, qui pioche à une série d’œuvres du
n’aient pas mis sur pied un système de contrôle, de pré- corpus physique et métaphysique d’Aristote, n’utilise pas les
servation et de diffusion de leur texte canonique. La plus deux traités théophrastiens 1.
grande diffusion de la famille a à date ancienne s’expli- On ignore malheureusement tout de la durée et du mode
querait par la suprématie institutionnelle et intellectuelle de fonctionnement de l’éventuelle « école d’Alexandre » 2.
de l’école, péripatéticienne tout d’abord, néoplatonicienne
ensuite. L’« Andronicus auctus » serait ainsi à mettre en
rapport avec l’activité exégétique d’Alexandre d’Aphrodise, du texte s’effondrent. On comparera, de ce point de vue, la
démarche exemplaire de P. Moraux, dans les « Notes sur la tra-
soit que celui-ci ait contribué, depuis sa position dominante dition indirecte du ‘De caelo’ d’Aristote » de 1954, qui fait bien
athénienne, à imposer un corpus concocté quelques années la différence, dans le cas du De caelo, entre la position de Sim-
auparavant par ses maîtres d’Asie Mineure, soit qu’il ait plicius par rapport aux variantes attestées comme telles à son
lui-même enjoint à des collaborateurs ou à des disciples de époque et par rapport aux variantes apparaissant dans les mss.
réaliser pareille tâche. byzantins. On remarque d’ailleurs que dans le premier cas, Sim-
Aussi naturelle et séduisante qu’elle paraisse, une telle plicius est presque toujours en accord avec la famille a, tandis
qu’il se partage à peu près équitablement dans le second. Il y a
hypothèse ne se heurte pas moins à de sérieuses objections. là un indice fort que la famille a a plus souffert de corruptions
Tout d’abord — ce que W. Jaeger omet de rappeler — le à date postérieure à Simplicius. Voir infra, p. ccxliii.
texte de la Métaphysique commenté par Alexandre pourrait 1. Cf. S. Kapetanaki et R. W. Sharples, « A Glossary At-
n’avoir aucun rapport privilégié avec E 1. On comprendrait tributed to Alexander of Aphrodisias », Bulletin of the Institute
of Classical Studies 44, 2000, p. 103-143. Malgré le contenu as-
sez décevant de ce lexique, je n’exclurais pas, au vu de son
1. Le conditionnel est ici de mise, car la démarche de W. contexte de transmission, qu’il dérive, sinon d’Alexandre, du
D. Ross, Aristotle’s Metaphysics. A revised text with introduction and moins de son école. Cf. M. Rashed, « Textes inédits transmis
commentary by W. D. Ross, 2 vol., Oxford, 1924, qui se borne par l’Ambr. Q 74 sup. Alexandre d’Aphrodise et Olympiodore
à comparer les variantes des manuscrits byzantins et les le- d’Alexandrie », Revue des sciences philosophiques et théologiques
çons d’Alexandre, est de notre point de vue à peu près sans 81 (1997), p. 219-238. Voir aussi R.W. Sharples, « Alexander and
valeur. Une telle comparaison n’aurait en effet de sens qu’en pseudo-Alexanders of Aphrodisias, Scripta minima. Questions and
isolant les couples de variantes attestés à date ancienne et en Problems, makeweights and prospects », dans W. Kullmann, J. Al-
observant de quel côté se range Alexandre. On ne peut en ef- thoff et M. Asper (Hrsg.), Gattungen wissenschaftlicher Literatur
fet exclure que la majorité des cas où Alexandre est d’accord in der Antike, Tübingen, 1998, p. 383-403, p. 394.
avec l’une des branches byzantines de la tradition s’explique 2. Voir H. B. Gottschalk, « Aristotelian Philosophy in the
tout simplement par une faute postérieure au iii e siècle, voire Roman World from the Time of Cicero to the End of the Second
extrêmement récente, de l’autre branche. Il suffirait donc que Century AD », dans W. Haase et H. Temporini (eds), Aufstieg
le texte du manuscrit E contienne ce type de fautes « récentes » und Niedergang der römischen Welt, Berlin/New York, 1987, T. II,
pour que toutes les conclusions de Ross sur l’histoire ancienne Bd. 36/2, p. 1079-1174 et R. W. Sharples, « The school of Alexan-
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ccxiv HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxv
Pour des raisons que nous ignorons, la chaire péripatéti- Rien n’interdit de penser qu’un Aspasius ou un Adraste ait
cienne semble tomber en décadence, voire disparaître, peu « édité » Aristote sans qu’Alexandre ait accordé à cette en-
de temps après avoir été occupée par l’Aphrodisien. L’his- treprise beaucoup d’importance.
toire n’a conservé le nom d’aucun disciple. Nous savons qu’à
Rome, Plotin lisait assidûment Aristote, que Porphyre a com-
La fin de l’Antiquité
menté jusqu’à sa Physique 1. On imagine cependant très mal
ces deux hommes se mêler de le rééditer. Il est a contra-
Demeure la possibilité que l’édition remonte à la renais-
rio révélateur que lorsque Porphyre édite les Ennéades, il
sance universitaire des iv e-v e siècles, époque où précisément
ne connaît d’édition aristotélicienne que celle d’Androni-
fleurissent les grands codices dont quelques uns sont encore
cus 2 — d’autant plus que, comme on l’a suggéré plus haut 3,
conservés 1. On remarquera ainsi que dans son Discours IV
l’« Andronicus auctus » participe probablement des mêmes
à Constance II, Thémistius célèbre l’ouverture, vers 360,
principes codicologiques que l’édition porphyrienne des En-
d’une nouvelle bibliothèque accompagnée d’un centre de
néades en trois sômatia. Cette dernière constatation pourrait
copie 2. Malgré l’imprécision inhérente à ces morceaux de
même corroborer l’idée que l’« Andronicus auctus » n’est pas
rhétorique, Thémistius y révèle néanmoins qu’on y recopiait,
antérieur à Porphyre ou, s’il l’est, que son influence ne s’est
outre de nombreux textes littéraires, Platon, Aristote et « les
pas fait immédiatement sentir dans tous les cercles philoso-
chœurs entiers du Lycée et de l’Académie ». Le renseigne-
phiques.
ment ne pouvant être entièrement fantaisiste — sous peine
Ce coup de sonde dans l’érudition péripatéticienne des
de voir l’éloge se muer en ironie féroce — et la copie de
ii e et iii e siècles laisse une impression mitigée. L’élément
Platon et d’Aristote étant plus vraisemblable que celle de
le plus négatif est qu’Alexandre ne parle nulle part, dans
leurs disciples — pour ne rien dire de Chrysippe, Zénon et
ses nombreux écrits conservés, d’un quelconque travail édi-
Cléanthe, eux aussi mentionnés 3 — nous avons là un indice,
torial de ses maîtres ou de lui-même. En outre, il se sert
qui s’ajoute à celui des paraphrases mêmes de Thémistius,
à l’évidence de plusieurs exemplaires d’Aristote lors de
d’une résurgence contemporaine de la philologie aristotéli-
son commentaire à la Métaphysique, et ne semble jamais
cienne.
privilégier l’un d’entre eux sur une base historique ou pra-
Quelques décennies plus tard, à Athènes, sous l’impulsion
tique. Est-ce à dire que l’exemplaire le plus proche de E
du préfet du prétoire Herculius (407-412), la bibliothèque
à la disposition d’Alexandre n’est pas le reflet d’une édi-
d’Hadrien, tombée entre-temps en désuétude, est réorgani-
tion péripatéticienne ? On ne saurait non plus l’affirmer.
sée par un certain Philtatios 4. Trace indubitable de la volonté
der ? », dans Aristotle Transformed. The Ancient Commentators and 1. On pense bien sûr au Codex Vaticanus et au Codex Sinai-
Their Influence edited by R. Sorabji, Londres, p. 83-111. ticus de la Bible.
1. Pour une analyse des témoignages, voir P. Moraux, 2. Thémistius, Or. IV, 59D-60C, p. 256-258 éd. Maisano,
« Porphyre, commentateur de la Physique d’Aristote », Aristote- Turin, 1995. Cf. J. Irigoin, Le livre grec des origines à la Renais-
lica, Mélanges offerts à Marcel de Corte, Liège / Bruxelles, 1985, p. sance, p. 74-75.
227-239 et F. Romano, « Porfirio e la fisica aristotelica », Sym- 3. Aucun indice ne semble attester un usage direct de ces
bolon 3, Catane, 1985. auteurs à cette époque.
2. Cf. Porphyre, Vie de Plotin, § 24. 4. Cf. A. Frantz, « Honors to a Librarian », Hesperia 35,
3. Voir supra, p. ccv, n. 3. 1966, p. 377-380.
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de préserver, autant que possible, un patrimoine littéraire de qui pourrait se muer en suprématie écrasante si l’on ne
plus en plus menacé. Selon Saffrey et Westerink, l’Académie prenait en considération que les variantes attestées à leur
aurait, à la même époque et suivant les mêmes principes édi- époque 1.
toriaux, renouvelé son fonds manuscrit 1. La réorganisation On s’étonnera peut-être que des renseignements sur An-
de Philtatios, qui nous est connue par Olympiodore l’his- dronicus, Nicolas et Hermippe soient encore disponibles à la
torien, trouve en effet un écho explicite dans l’œuvre de fin de l’Antiquité. Mais l’érudition présocratique d’un Sim-
Proclus. Celui-ci fait ici et là allusion à des nouveaux exem- plicius est bien plus frappante, et l’existence d’une source
plaires de l’œuvre de Platon 2. péripatéticienne ancienne discutant de la constitution philo-
À tout prendre, il semble que c’est à cette époque (autour logique du corpus aristotelicum suffit à expliquer la présence
de 400), dans ce contexte de revivification du patrimoine de telles données dans les marges des manuscrits byzantins.
philosophique antique, qu’on pourrait situer la naissance de Nous avons d’ailleurs conservé, via le seul Simplicius (est-
l’« Andronicus auctus ». Un bibliothécaire estimé de l’école ce un hasard ?) trois fragments d’un écrit d’Adraste intitulé
néoplatonicienne aurait décidé de répartir, sur quelques Περ τCv τξεωv τFν LΑριστοτλουv συγγραµµτων (ou :
grands codices de parchemin, une édition complète du cor- τCv LΑριστοτλουv φιλοσοφ¬αv) Sur l’ordonnance des traités
pus aristotélicien. Cette édition aurait été utilisée par les d’Aristote, qui pourrait ainsi fort bien avoir été la source du
néoplatoniciens à Athènes et rapidement exportée à Alexan- scholiaste. Le premier passage concerne le placement des
drie dont elle innervera au moins partiellement la vulgate Topiques juste après les Catégories 2 ; le deuxième passage
aristotélicienne. Au moment de s’exiler pour la cour perse mentionne l’existence d’un autre traité d’Aristote appelé lui
de Chosroès, les philosophes païens d’Athènes auraient em- aussi Catégories 3. Adraste en aurait caractérisé le style, cité
porté cet exemplaire lui-même, ou une copie fidèle 3. Cela le début et compté le nombre de stiques. Le troisième texte,
expliquerait que le texte du De caelo de Simplicius soit aussi tiré du commentaire à la Physique de Simplicius, est le sui-
proche de l’archétype Ω1 . Cela s’accorde également au fait vant 4 :
que même pour ce qui est de la bipartition actuelle de la
Métaphysique, alors qu’Alexandre, comme on l’a vu, semble
piocher de manière à peu près égale aux deux groupes, 1. Cf. supra, p. ccxii, n. 1. Ross, Aristotle’s Metaphysics, p.
clxi et clxiii, note que pour ce qui est des variantes impliquées
les commentateurs néoplatoniciens Asclépius et Syrianus af- par le tissu du commentaire (les seules sûres), Alexandre s’ac-
fichent une nette préférence pour la famille a — préférence corde 161 fois (+ 18 cas douteux) avec E(J) et 121 fois (+ 37 cas
douteux) avec A b ; Asclépius 257 fois avec EJ et 110 fois avec
A b ; Syrianus 5 fois avec EJ et 2 fois avec A b. Pour ce qui est des
1. Cf. H. D. Saffrey et L. G. Westerink, Proclus : Théologie lemmes et des citations, Alexandre s’accorde 78 fois avec E(J)
platonicienne, Livre I, Paris, 1968, p. xlviii. et 78 fois avec A b ; Asclépius 357 fois avec EJ et 110 fois avec
2. Cf. H. D. Saffrey et L. G. Westerink, ibid. et n. 2. A b ; Syrianus 40 fois avec EJ et 19 fois avec A b.
3. La question de la bibliothèque des néoplatoniciens en 2. Cf. Simplicius, In Cat. 16,1-4. Le commentateur semble
exil est abordée par Ph. Hoffmann, « Bibliothèques et formes distinguer entre cette répartition des traités, propre à Adraste,
du livre à la fin de l’antiquité. Le témoignage de la littérature et qui ne lui paraît pas invraisemblable, et la désignation des
néoplatonicienne des v e et VIe siècles », dans I manoscritti greci Catégories sous le titre Pré-Topiques, qui serait pour sa part ab-
tra riflessione et dibattito [Atti del V Colloquio Internazionale di Pa- surde, et qu’il n’attribue pas explicitement au péripatéticien.
leografia Greca (Cremona, 4-10 Ottobre 1998)] a cura di Giancarlo 3. Cf. Simplicius, In Cat. 18,16-21.
Prato, Florence, 2000, p. 601-632. 4. Simplicius, In Phys. 4,11-16.
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Mais Adraste, dans son Ordonnance des livres d’Aristote, Livre VI (fol. 41v.) :LΑριστοτλουv περ κινσεωv τFν ε®v γ´ τ¿
rapporte que chez certains, le traité est intitulé Des β´ : ΖΗ
principes, par d’autres Entretiens de Physique et affirme Livre VII (fol. 50) :LΑριστοτλουv περ κινσεωv τFν ε®v γ´ τ¿
que d’autres encore intitulent les cinq premiers livres α´ : ΖΗ
Des principes et les trois derniers Du mouvement. C’est Livre VIII (fol. 54v.) :LΑριστοτλουv περ κινσεωv τFν ε®v γ´ τ¿
ainsi qu’Aristote en fait mention à de nombreux en- γ´ : Θ
droits.
Cette discussion sur les titres de la Physique n’est visible- Ces traces de discussions tardo-antiques sont intéres-
ment qu’une esquisse de l’argument d’Adraste et Simplicius santes pour plusieurs raisons. La première, et la plus
rentre davantage dans les détails lors de son introduction évidente, est que le rédacteur à l’origine des titres de E s’ac-
au livre VI. Il évoque alors Théophraste, Eudème, Androni- corde avec Simplicius et les anciens péripatéticiens contre
cus, Adraste lui-même, en faveur d’une répartition 5 + 3, la Porphyre et Philopon 1. On constate donc, une nouvelle fois,
répartition 4 + 4 semblant n’avoir eu le soutien que de Por- l’accord entre E et une tradition attestée par le néoplato-
phyre qui, pourtant, nous dit Simplicius dans l’introduction nisme athénien. Le rédacteur fait bien passer la frontière
de son commentaire au livre V, était au fait de la position de entre les cinq premiers livres et les trois derniers. Ce choix
ses devanciers. Même si l’on ne peut exclure que Simplicius nous paraît découler de l’interprétation des cinq premiers
n’ait connaissance du débat qu’au travers du commentaire livres — et non pas du seul livre I — comme somme « Sur
de Porphyre à la Physique et que les renseignements sur l’au- les principes » et des trois derniers livres comme une mono-
thenticité et la place des Catégories remontent également au graphie unitaire « Sur le mouvement ». La désignation des
commentaire de Porphyre à cette œuvre, il est sans doute trois derniers livres (VI-VIII) est de fait remarquablement
plus probable que Simplicius, qui véritablement se distingue — sans doute volontairement — indifférenciée : alors que
de ses collègues d’Alexandrie en citant Adraste, a pu mettre l’on pouvait sans peine désigner les livres VI ou VIII comme
la main sur un exemplaire conservé du traité. des traités « Sur le continu » ou « Sur le Premier Moteur »,
Cela étant dit, on doit attirer l’attention sur un fait trou- le rédacteur se cantonne à l’unité du περ κινσεωv. Troi-
blant, qui concerne encore une fois le manuscrit E. De même sième particularité, la décision éditoriale de considérer le
qu’il avait gardé la trace d’une discussion philologique ser- livre VII comme précédant de droit le livre VI. Il faut exclure
rée sur l’opuscule métaphysique de Théophraste, il nous a l’éventualité d’une simple erreur graphique, car le rédac-
transmis une désignation très spéciale — elle n’apparaît à teur, à neuf folios d’intervalle, désigne le livre VI comme
ma connaissance qu’ici dans la tradition manuscrite — des le deuxième livre des recherches Sur le mouvement, (« Des
trois derniers livres de la Physique d’Aristote 1 : trois livres sur le mouvement d’Aristote, le deuxième ») et le
livre VII comme le premier (« Des trois livres sur le mouve-
ment d’Aristote, le premier »). Il savait donc ce qu’il faisait.
1. Les titres des cinq premiers livres qu’on trouve dans E
(φυσικCv κροσεωv τ¿ Α ; Β περ α®τ¬ων ; φυσικCv κροσεωv Γ. περ
πε¬ρου ; φυσικCv κροσεωv ∆. περ τ¾που κα περ κενοÖ ; φυσικCv
κροσεωv τ¿ Ε. περ µεταβολCv ) ont été ajoutés par un scholiaste 1. On ne s’engagera pas ici dans la discussion de la diver-
plus tardif. Ils ne sauraient donc relever de la même strate phi- gence entre le commentaire à la Physique et celui au De caelo,
lologique et procèdent de constatations bien plus banales sur le 226,19-23, où Simplicius défend la répartition 4 +4 comme al-
sujet respectif des différents livres. lant de soi, sans même mentionner la thèse concurente 5 +3.
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On ne peut que spéculer sur ses raisons, d’autant que la jux- hypothèse. Il est impensable, encore une fois, que l’écrit
taposition, aussi bien à l’occasion du livre VI que du livre d’Adraste n’ait pas renfermé d’exposé détaillé de cette ques-
VII, des lettres ZH (soit : « VI-VII ») est parfaitement sibyl- tion philologique.
line. Qu’il y ait là une trace eudémienne d’un traité sur le Résumons-nous et concluons. Étant donné que :
mouvement commençant avec notre livre V, ce qui aurait 1. Alexandre connaît (certainement) des variantes qu’on
obligé à considérer le livre VII comme le « deuxième » puis retrouve dans les manuscrits de la famille a ;
à intégrer le livre VI, à sa suite, comme le « premier », ne 2. Les deux scholies à Théophraste dérivent (très vrai-
convainc guère 1. Il paraît plus vraisemblable que le rédac- semblablement) d’une unique entreprise ecdotique de
teur des titres ait voulu resserrer l’unité formée par les livres grande envergure (corpus) ;
VI et VIII, considérés comme deux moments auto-suffisants 3. Il y a (probablement) un rapport étroit entre cette en-
et achevés de la cinématique aristotélicienne. L’antéposition treprise ecdotique et Ω1 ;
du livre VII permettait de le ravaler au rang de préliminaires 4. Il y a (certainement) un rapport privilégié entre le corpus
inadéquats aux démonstrations proprement scientifiques. de Simplicius et Ω1 ;
Cette décision a ceci d’intéressant qu’elle ne calque directe- 5. Il y a (certainement) un rapport privilégié entre le corpus
de H . unayn et Ω1 ;
ment aucune discussion des commentateurs conservés, tout
en se rattachant de manière forte et originale au « problème le scénario suivant serait probable : une famille tex-
êta » qui les agite 2. Simplicius souligne même explicitement, tuelle, remontant à la fin de la période hellénistique ou
dans son introduction au livre VI, que celui-ci vient « mani- au début de la période romaine, utilisée par Alexandre, a
festement » (δCλον) avant le livre VII 3. Réagit-il de la sorte perduré en milieu universitaire athénien jusqu’à la Renais-
à une position historique instanciée, reflétée par la rédac- sance néo-platonicienne du iv e siècle 1. Des universitaires
tion de E ? Ce n’est pas à exclure mais doit rester une pure dans l’entourage de Plutarque d’Athènes et de ses disciples
ont dû éprouver le besoin, vers cette époque, de réaliser
1. C’est l’explication proposée par W. D. Ross, Aristotle’s pour Aristote ce que Porphyre avait fait pour Plotin : une
Physics. A revised text with introduction and commentary, Oxford, édition canonique des œuvres complètes — en recourant
p. 3-4. à Théophraste par souci de complétude — consignée dans
2. Alexandre d’Aphrodise, en réponse à des attaques de Ga-
lien contre le livre VII, semble avoir insisté sur son caractère
logico-dialectique, le discours apodictique ne venant selon lui 1. On a un autre exemple de ces continuités avec le
qu’avec le livre VIII. Cf. Simplicius, In Phys. 1036,8-17 ; Voir corpus d’Arrien transmis par le manuscrit de la « Collection
aussi la réfutation, transmise seulement en arabe, des attaques philosophique » Palatinus Heidelbergensis gr. 398. D. Marcotte,
de Galien dans N. Rescher and M. E. Marmura, The refutation by Géographes Grecs t. I, Introduction générale. Ps. Scymnos, Circuit
Alexander of Aphrodisias of Galen’s Treatise on the theory of motion, de la Terre, Paris, 2000 p. cxxxviii-cxli, est parvenu à mon-
translated from the Medieval Arabic Version, with an Introduc- trer que ce témoin remontait sans doute, via les milieux des
tion, Notes, and an Edition of the Arabic Text, Islamabad, 1965, compilateurs byzantins de la fin de l’Antiquité et, plus ancienne-
60a 20 et 61b 13-14 du texte arabe (trad. anglaise p. 26 et 29). ment encore, via une bibliothèque néoplatonicienne où puisait
3. Cf. Simplicius, In Phys. 924,23-925,2. Simplicius se Priscien de Lydie, à un corpus géographique confectionné par
fonde sur le fait que l’impossibilité du mouvement de ce qui Arrien lui-même. Les liens d’Arrien avec Athènes étant avérés,
n’a pas de partie, la finitude de tout changement et l’impossi- on ne peut qu’être frappé par les similitudes entre l’histoire de
bilité d’un mouvement infini en un temps fini, démontrées en la transmission de ce corpus géographique et celle du la tradi-
VI, sont posées comme acquises en VII. tion aristotélicienne.
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quelques gros σωµτια. C’est d’un codex au moins de cette L’hyparchétype Ω2 dont dérivent ζ, π et η représente cer-
édition que Simplicius s’est servi et c’est elle qu’on perçoit tainement, à en juger par la présence des premiers mots du
encore comme hyparchétype Ω1 au fondement du texte de la livre II également à la fin du livre I, une édition sur rouleaux
famille a. de l’Antiquité. Celle-ci est au moins partiellement indépen-
dante de la famille a. Elle présente en effet de nombreuses
leçons indubitablement supérieures à cette dernière. C’est
II. La famille B en étudiant les rapports exacts entre les deux familles que
nous avons à ce stade le plus de chance de progresser dans
L’hyparchétype Ω2 notre connaissance de chacune.
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couple de variantes, l’une au moins, sauf à admettre double — <R6> les tournures grammaticales les plus relâchées
rédaction ou correction supralinéaire, est étrangère à Aris- et les plus ambiguës sont préférables ;
tote. Mais nous ne pouvons raisonner, en matière de critique — <R7> l’ordre et le choix des mots les plus ambigus sont
textuelle, qu’a fortiori : une faute caractérisée ne peut re- préférables ;
monter à Aristote ; une variante le peut toujours, quand bien — <R8> la dissymétrie est préférable, les ordres de mots
même nous la trouverions faible, voire plus faible que la va- non chiastiques (a—b κα a0 —b0 ) sont préfé-
rables aux groupements en chiasme (a—b κα
riante concurrente. b0 —a0 ) ;
L’énigme de la transmission aristotélicienne peut se ré-
— <R9> l’hiatus et l’assonance lourde sont préférables ;
sumer au paradoxe suivant : alors que les hyparchétypes Ω1
— <R10> dans la présentation de notions couples, le pôle
et Ω2 s’opposent en près de 400 leçons, ils ne font presque positif vient en second lieu.
aucune faute. Il serait donc aberrant de voir dans toutes les
— N.B.1 : il arrive que les trois dernières règles entrent en
variantes qui les opposent le résultat d’inattentions de leur contradiction. Si l’hiatus n’est pas intolérable,
copiste respectif. Il suffit de se rappeler les divergences entre R8 et R10 priment sur R9. R8 prime sur R10.
un manuscrit byzantin, même copié avec soin, et ses proches — N.B.2 : ces règles stylistiques font système, mais peuvent
ancêtres, pour saisir que nous avons affaire ici à un tout autre être contrariées par d’autres données, paléo-
type de transmission. Une telle quantité de variantes ne sau- graphiques en particulier. On indiquera ces
rait s’expliquer que par un projet délibéré de recension. perturbations par la lettre <P>.
Aussi convient-il, malgré ce qu’un tel procédé peut avoir — N.B.3 : toutes ces règles s’effacent devant le principe sé-
d’un peu lourd, de présenter ici un tableau exhaustif des 384 mantique <S>, plus difficile à décrire mais lui
aussi susceptible de lectio difficilior. Sa mise en
passages où les deux familles s’opposent. Nos prédécesseurs lumière passe par une analyse philosophique du
n’étant pas allé au-delà de jugements assez impressionnistes texte et une prise en compte des éventuelles dif-
sur la supériorité — totale selon certains, mitigée selon ficultés de lecture (techniques ou idéologiques)
d’autres — de la famille a, nous avons tenté de mettre au de ses transmetteurs antiques.
point les règles sinon objectives, du moins invariantes, que
voici : 14a 8-9 εµναι λγουσι FHJVW || 14 κα τ¿ FJV || 21
— <R1> à sens plus ou moins égal, il est plus probable
τλλα : ταÖτα EWF
que le texte ait subi un ajout qu’une omission ; • 8-9 a > b (R3) || 14 a > b (R1) || 21 b > a
— <R2> la troisième personne pluriel après un sujet 14b 19 µαλακ¿ν σκληρ¿ν FHJVW : σκληρ¿ν µαλακ¿ν E 1LM
neutre pluriel a plus de chances d’être authen- 1
H. unayn || 21 Åρα E L Vat. gr. 258 (H in hoc loco non jam
tique que la troisième personne singulier ; legitur) Plut. De prim. frig. 949F ÁρB Simpl. In Phys. 33, 8
— <R3> l’ordre verbe-complément a plus de chances Diels (cod. F) : ÁρAν FJVMW et fort. H . unayn Simpl. (codd.
d’être authentique que l’ordre inverse, plus DE et Aldina) et 159,15 (consensus) || 22 δνοφοντ E 1
élégant ; de même, l’ordre nom-complément Simplicius in utroque ad v. 21 citato loco : δνοφ¾εντ FJ 1VM
resp. nom-adjectif est plus probable que l’ordre
Plut. ibid. : ζοφ¾εντ HL γνοφ¾εντ W ζοφοντ J 2 || π
complément-nom resp. adjectif-nom ;
E 1L : περ FHJVMW || 23 γενσθαι ELM : γ¬νεσθαι FHJVW
— <R4> le vocabulaire le plus banal est préférable ;
• 19 b > a (R10) || 21 a = b || 22 a > b (R8) || 23 a
— <R5> la syntaxe la moins soulignée est préférable ; =b
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15a 27-28 τv λλαv FHJVLW Philop. l : τv λλαv πλAv • 13 a > b (R8+R10) || 21 b > a (S+P) || 22 b > a
E 1M H
. unayn || 30 πFv HJVW : Åπωv FELM (S+P) || 22 a > b (R7) || 25 a = b || 28 a > b (R4+S)
|| 29 a > b (R5) || 31 a = b (S vs R1) || 35 a = b
• 27-28 b > a (R1) || 30 b > a (R5)
15b 2 διÞρικεν EW : διÞρισεν FHJVL ε°ρηκεν M || Á 17b 2 τι ELMWF Philop. l H 1
. unayn ut vid. : om. HJ V ||
τυχáν FHJ 1VLW : Á µ τυχáν EJ 2M || 14-15 κ τFν 3 Îπρχει τισ ELF Philop. l+c : Îπρχει HJ 1VMW et ut vid.
2
αÍτFν γρ τραγ}δ¬α κα κωµ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων ELM H. unayn fort. recte || 4 µ κ λευκοÖ EJ || : κ
1 1
versio arabo-latina et Averroes κ τFν αÍτFν γρ τραγ}δ¬α FJ V || 9 τ¿ HJ V : om. ELMWF || 20 οÍσ¬αv LMW
c 3 1
γ¬νεται κα κωµ}δ¬α γραµµτων HJVW κ τFν αÍτFν γρ H. unayn Philop. : ο×σα FJVE οÍσ¬α H ουσαv (sic) ut vid. E
1
κωµ}δ¬α κα τραγ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων F Philop. l || 16 || 22 κα ποÖ ELMH : κα τοÖ ποÖ FJ VW || 24 ξ v...
κα γ¬νεσθαι µν ELM H.unayn : γ¬νεσθαι µν γρ FHJVW || κα seclusi : non habent E 1M hab. J 1VW et (σται tamen post
21 λ¾γοι τεροι ELMWF : τεροι λ¾γοι HJV || 24 Âν om. γνεσιv addito) FHL ex qua fit generatio hab. H.unayn || 29
EJ 2 : Ä H || 34 καθπερ ε°ρηται non habent ELW H µ οÏτωv ELMW H.unayn Philop. l : οÏτωv µ FJ 1V οÏτω µ
. unayn :
hab. FHJV èσπερ ε°ρηται M H || 32 οÍσ¬α EMWF : οÍσ¬αν HJVL || µ E 1M : οÍχ
• 2 a = b || 2 faute de a || 15 a = b || 16 a > b (R5)
FHJVLW || 35 ε κα τν πλCν εµναι ELMW : ε εµναι
|| 21 a > b (R3) || 24 b > a (P) || 34 a > b (R1) κα τν πλCν FHJV Philop. l
16a 1 χροιν ELMF : χροιν HJVW || 11-12 εµναι τ µεγθη • 2 a > b (P+S) || 3 a = b (S vs R1) || 4 a > b (R6+R7)
l || 4 a = b (R1 vs R9) || 9 a = b (P vs R1) || 20 a > b
EM H . unayn fort. recte || 15 θσει Philop. fort. H
. unayn (R7) || 22 a = b (P vs R1) || 24 a > b + Ar. (R1+S)
(ponat Gerardus) : φσει EM θε¬η FHJVLW || 16 Åπερ : || 29 a > b (R9 + R7) || 32 a > b (R6+R8) || 32 a =
παρ EW H.unayn || 20 µσον E 1M Philop. l+c : τ¿ µσον b || 35 a > b (R5)
FHJVWL || 29 ª om. EMW fort. recte || 32 πλε¬ω HJ 1VL
18a 5 τραv E 1M H . unayn : κιντου FHJVLW || post
Philop. l+c : πλε¬ουv EMJ 2WF
ρχCv add. τCv HLW et in marg. V || 6 προτραv E(a.c.)LW
• 1 a > b (R4) || 11-12 a = b || 15 a > b (R6) || 20 a H 1
> b (R1) || 29 a = b (R1 vs R9) || 32 b > a (R9) . unayn : τραv κα προτραv FHJ VM || 15 οÍδν LMW :
οÍδν µ E µηδν FH µηθν JV || 17 νλωται HJ 1V
1
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20 b > a (P) || 21 b > a (R1) || 22 a (EM) = b || || Ïλην FHJ 1VW || 14 τG ριθµG ELMFH : ριθµG J 1VW
25 a = b (S vs R1) || 28 a > b (R1) Philop. c (excepto codice Z) || 16 ν ELMW : ν ν FHJ 1V
19a 8 ε®v λληλα non hab. EW H . unayn : hab. cett. || 16 || 19 δ ε ντελεχε¬{ EMW H . unayn : δ ντελεχε¬{ FHJVL
οÍκ : οÍχ EM || 18 µ E 1LW H.unayn : πC FHJVME 3 || κα Philop. l || 19-20 ÁµοειδοÖv ÁµογενοÖv ELM H . unayn Phi-
sec. FHJVM H l
. unayn Philop. : om. EWF || αÍταEv FHJVW lop. l : inv. ord. FHJVW || 27-28 κεν¾ν EMWF 1 H . unayn :
H. unayn : om. ELM Philop. l
|| 20 στιν ante θατρου κοιν¾ν HJVLF 2 : utrumque agnovit Philop. c || 31 δ ELMH
FHJV et in utroque loco MW habent || 21 φθορ EW Philop. c : δεE FJVW || τι δεE LMH Philop. c : τι EFVW τοδει
H. unayn : λλου φθορ FHJVLM || 24 γ¬νεσθαι ELW : J1
τ¿ γ¬νεσθαι FHJVM || 26 γ¬νεται κ µ Ãντοv non habent • 1 a > b (R1+R5) || 9-10 a > b (R4) || 11 a = b ||
ELMW H . unayn : add. FHJV || 27 κ µ Ãντοv om. FH J V
1 1 1 13 a > b (R1) || 14 a = b (R9 vs R1+R8) || 16 a > b
|| 30 πορσει τιv non habent J 1V 1W Philop. l (codd. GT) : (R1+P) || 19 a = b (P vs R1) || 19-20 a > b (S) ||
27-28 a > b (S) || 31+31 a = b
hab. FHLM πορσειεν ν τιv Philop. (codd. RZ) dubitat
homo H . unayn πορσει τιv πλFv E || post ναντ¬ων hab. 21a 4 τι EMW : τι δ FHJVL || 5 LΑνγκη EML : ναγκαEον
στ¬ν FHJVMW non habent E 1L || 31 τ¿ Ãν ELMW : Ãν FHJ 1VW || δ EM δL W : δ FHJVL || 13 µετàαλλεν ELM
FHJV || 32 om. FJ 1VW (µετàαλεν W) : µεταàλλει FHJ 1V || 14 µφοEν FHJ 1VW
• 8 a > b (R1) || 15 a (EM) = b || 18 a > b (R4) || Philop. l : µφω ELM (et Philop. l codd. GT) || 14-15 τG
18 b + Ar. > a (S) || 18 b + Ar. > a (P) || 20 a = b || φθαρντι κα τG γινοµν} LMW (τG φθ. κα τG γενοµν}
21 a > b (R1) || 24 a > b (R1) || 26 a > b (R1) || 27 Philop. l) : τG γ. κα τG φθ. HJV H
. unayn ut vid. τG γ. κα φθ.
a > b (S et cf. 26 (donc P)) || 30 b > a (R1) || 31 a > F : τG φθαρντι E || 19 µεEζον µροv E 1M : µροv µεEζον
b (R8+R9) || 32 a > b (R9+P) FHJVLW || 26 γε ELW : τε FHJV ποτε M
19b 12 pr. om. F(a.c.)HJ 1V || 14 γωνοειδv E Max. • 4 a > b (R5) || 5 a = b || 5 a = b || 13 a = b || 14
Confessor PG IV 381B : γωνιοειδv cett. || 21 Îποµε¬νη faute de a ? || 14-15 a > b (R10) || 19 a > b (R7) ||
EW || 22 κα ELM : κα τG FHJVW || 23 ε® FJ 1VL : W 26 a > b (S+P) || 32 faute de b
κα ε® E 1MHJ 2 || 25 µουσοv δL νθρωποv MW (µουσοv 21b 5-6 Áτ δ (οÍδL Áτ F) κκεEνο ELFHJ 1V : Áτ δ λλυται
Á νθρωποv E) : νθρωποv δL µουσοv FHJVL || 29 E 1M οÍσ¬α κκεEνο λλο¬ωται W οÍδL λλο¬ωται οÍσ¬α, Áτ δ
c 1
H. unayn : κα FHJVLW Philop. ut vid. || 31 τ¿ om. E F κκεEνο Philop. l+c M Áτ δ λλο¬ωται οÍσ¬α J 2 et fortasse
l
Philop. alterata est substantia eius Zerah.yah melius quam Gerardus
• 12 a > b (R9) || 14 a (?) = b || 21 a (?) = b || 22 a (et fortasse dissoluitur substantia eius), qui radices h.ll et h.āl
> b (R1+R5) || 23 b > a (S) || 25 a = b || 29 a > b non discreverit || 9 ο¶ον ε® HJVLW : ο¶ον EMF || 19 τοËτων
(R9) || 31 a (?) = b (R1 vs P) EM Philop. l : τοËτων καστον FHJVLW || 26 οÍχ ELMW
20a 11 π¾τερον FHJV : π¾τερον µ¾νωv ELMW H . unayn || Philop. l : οÍχ FHJV || 35 γγονε τ¿ Åλον ELMW : τ¿ Åλον
12 ante 11 πρ¿v ponunt FHJVL || 15 κ δυνµει ELMW : γγονε FHJ 1V Philop. l
κ τFν δυνµει FHJ 1V • 5-6 b > a (R1+R7) || 9 b > a (S+P) || 19 a > b (R1)
• 11 b > a (R1) || 12 a > b (R9) || 15 a > b (R1+R5) || 26 a = b || 35 a > b (R3)
20b 1 στιγµ EM Philop. l (codd. RZ) : στιγµ τιv cett. || 22a 2 µεταàλοι ELM : µεταàλλοι FHJVW || 9 ο°ν}
9-10 εµναι ELMW : νεEναι FHJ 1V || 11 οÍδL ELF 1 (om. FJVLW : ÎγρG ο°ν} ME 2 Philop. c ut vid. (cf. p. 117,27-32)
M) : οÍχ HJ 1VW Philop. l || 13 τν Ïλην E 1LM : εµναι τν cum humiditate aut cum uino H
. unayn fort. recte ÎγρG ο°ν}
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• 1 a > b + Ar. (R1) || 6 a > b (R6) || 12 a > b (R1+R6) οÑτL νυπρχει FJ 1V οÍδ νυπρχει W οÍδL νυπρχει H κα
|| 13 a > b (R8) || 14 a > b (R4) || 17 faute de b || οÍδ νÖν Îπρχει conieceris || 21 σκληρ E 1LMW : τ
18 a > b (R6) || 19 a > b (R6) || 27+27 a = b || 29 a σκληρ FHJ 1V || 24 στ ELM : σται FHJ 1VW || 25
> b (S) || a > b (S) || 30 b + H . unayn > a (S faute de
a ?)
µεταàλλοντοv FHJVM Philop. : µεταàαλ¾ντοv E 1LW
• 4 a > b (R6) || 5 a > b (R1) || 14 a > b (R1) || 19
25b 2 π¾ρων ELM : τFν π¾ρων FHJVW || 7 κα δια¬ρετα δ b > a (saut du m. au m.) || 20 a > b (S) || 21 a > b
EM : δια¬ρετα δ FHJVL Philop. l δια¬ρετα W || 8 στερε¿ν (R1+S) || 24 a = b || 25 b > a (R8+P)
1
ELMW H . unayn : τερον στερε¿ν FHJ V || 35 πλον ELMW 27b 1-2 νÖν µεµEχθα¬ φασι ELM : µεµEχθα¬ φασι νÖν FHJ 1V
l 1
Philop. : πλεEον FHJ V || θεωρεEσθαι F µεµEχθα¬ φασι W || 4 κν ELMWV : κα FHJ || 7
• 2 a > b (R1) || 7 a (EM) > b (R6) || 8 a > b (R1+P) τ¬νι ELMW Philop. l : τ¬ FHJ 1V || 8 γεννητοÖ E 1LM :
|| 35 a = b γενητοÖ FHJVW || 10 λËοιντL ELMWH : λËοιτL FJ 1V Phi-
26a 3 ψυχρ¿ν οÑτε σκληρ¿ν ELM H . unayn : σκληρ¿ν οÑτε lop. l || 14 οÍδ pr. ELMW : οÑτε FHJ 1V || 16 µ¬γνυσθαι
ψυχρ¿ν FHJ 1VW Philop. c || 8 Îπρξει EMFH : Îπρχ| ELM : µεµEχθαι FHJ 1VW || 20 ÁµοÖ κα φσκοντεv ELM :
JVLW || 14 τG πσχειν ELM H . unayn : δη τG πσχειν ÁµοÖ φσκοντεv FHJVW || 30 φθε¬ρεται ELM : φθε¬ρονται
FHJ 1V τG πσχειν δη W || 15 λλ EM Philop. l et (ut FHJ 1VW || 32 συνεχv δ ELM Philop. l : δ συνεχv FHJVW
vid.) W 1 : λλL FHJVL λλL ε® (ut vid.) W 2 || 16-17 τ¿ || 33 τ¬ στιν ELM : στιν FHJ 1VW
µν σκληρ¿ν τ¿ δ θερµ¿ν E 1LMH H.unayn Philop. l (τ¿ µν • 1-2 a = b || 4 a = b || 7 a = b || 8 a > b (R7+S) ||
θερµ¿ν τ¿ δ σκληρ¿ν W) : τ¿ µν ψυχρ¿ν τ¿ δ θερµ¿ν FJ 1V 10 a > b (R2) || 14 a > b (R6+R8) || 16 a = b || 20
|| 17 φËσιv ELWF : φËσιv HJV ( s. l. add. M pr. m.) || a = b (R6 vs R1) || 30 a > b (R8) || 32 a > b (R6) ||
26 µεγλα EMW H 33 a = b (S vs R1)
. unayn : µε¬ζω FHJVL || 30 φËσιv EMW
Philop. l : φËσιv FHJVL || 32 φËσιv ELMW : φËσιv στν 28a 10 δL ELM : δ δεEν FHJ 1VW || µεµEχθαι EJ 2 : µµικται
FHJ 1V F 1HJ 1VW (cf. K.-G. II 2 p. 550-552 p. 552 b) δεE µεµEχθα¬
• 3 a = b || 8 a > b (R6) || 14 a > b (R1) || 15 a > b τι L µµικτα¬ τι M || 15 τι ÀξË E 1LMF : ÀξË HVJ 1W ||
(R1) || 16-17 a = b || 17 a = b (R1 vs P+R9 cf. tamen 22 µν EM : µν ο×ν FHJVLW Philop. l || 27 χουσν E 1J 2 :
32) || 26 a > b (R4) || 30 a > b (R1 cf. 17) || 32 a > χοεÖσιν LMFHJ 1VW || 28 µεταàλλεται ELM : µεταàλλει
b (R1) FHJVW || 31 ταÖτL στ ELMW : στ ταÖτα HJ 1V et F
26b 9 τι πσχει EM (τι πσχοι W) : πσχει τι FHJV τι om. qui στ supra lin. add. || 32-33 γρ δ ÎπL λλλων στ
L || 14 χειν π¾ρουv E 1LM : π¾ρουv χειν FHJ 1VW Philop. l E 1LM : γρ στι ÎπL λλλων FHJ 1VW
|| στν EMW : σται FHJVLE 2 || 15 ε® EF Philop. l : ε® κα • 10 a > b (R1) || a > b (R6) || 15 a = b (R7+R9 vs
HJVLMW R1) || 22 a = b (P vs R1) || 27 a = b || 28 a = b ||
• 9 a = b || 14 a > b (R3+R9) || a = b || 15 a > b (R1) 31 b > a || 32-33 a = b (R9 vs R1)
27a 4 θερµα¬νειν EJ 2 : θερµα¬νει FHJ 1VLMW || 5 ποιεEν 28b 2 µικρ ELMW : µικρ ταÖτα FHJ 1V || 5 µ¾νον om.
ELMW : κα ποιεEν FHJ 1V || 14 τοÖτον EJ 2 : τ¿ τοÖτον HJ 1VMW || 7 ρµα FJVM : ρµα ELWH H . unayn Phi-
FHJ 1VLMW Philop. l || 19 µεταταχθν οÑτε µετατεθν lop. l+c (fort. ª ρµα in archetypo) || 11 IΟπερ ELMW :
HJ 1V : µετατεθν EM H IΟπερ κα FHJ 1V || 13 παv E 1LM H.unayn : Á πAv J 1 πεισι
. unayn µετατεθν οÑτε µεταàαλ¿ν FHVW || 22 νωσιv. περ µν ο×ν µ¬ξεωv κα φCv κα περ
L et F (qui τν φËσιν post µετατεθν ponit) µεταταχθν
οÑτε µεταàεàληκ¿v W || 20 οÍδ νÖν Îπρχει E 1LM : τοÖ ποιεEν κα πσχειν ε°ρηται HJ 1V et (omisso µν) F 1
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ccxxxiv HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxxxv
• 2 a > b || 5 a = b (R1 vs S) || 7 faute de a || 11 a || 29 ξηροÖ θερµοÖ EM : ξηροÖ κα θερµοÖ JVW θερµοÖ κα
> b (R1) || 13 a > b (R5+R8) || 5 a > b (R1) ξηροÖ FHL
29a 3 κα ELMW H l 1
. unayn Philop. : FHJ V || 7 sec. • 18 a > b (R1+R5) || 20 a = b || 21 a = b || 23 a =
EM H b || 28-29 a > b (R1)
. unayn : κα FHJVLW || 11 α®σθητ¿ν EMW H . unayn :
α®σθητCv HJ 1V α®σθητ¿ν Âν L τ¿ α®σθητ¿ν F || 24 φαµεν 31a 1 Κα κτερα ELMW Simplicius : κα κτερα δ FHJ 1V
µν E 1M : φαµεν FHJVLW Philop. l || 29 µν ELMW : om. κτερα δ Philop. l || 4 µν ξηροÖ ELMW : µν γρ ξηροÖ
F 1JV || 29-30 πρÞτην ELMW : πρFτον F 1HJ 1V || 34 α¯ FHJ 1V || 10 λλο¬ωσιv FHJVL Philop. l : λλο¬ωσιv EMF
om. EW || 12 γ¬γνεσθαι FHJVLW Philop. l : γενσθαι E 1M || 14
• 3 a > b (S) || 7 a > b (R7) || 11 a = b || 24 a > b γρ E 1LM : µν γρ FHJ 1VW || 17 θερµ¿ν κα ξηρ¿ν
1
(R7+P) || 29 a = b (R8 vs R1) || 29-30 a > b (S) || ELMW H . unayn : ξηρ¿ν κα θερµ¿ν FHJ V || 29 πλιν
1
34 a = b (R1 vs P) ELMW : πλιν δ FHJ V || 30-31 θερµ¿ν κα Îγρ¿ν ELMF
29b 3 κα èv FHJLWV : èv E 1(ut vid.)M κα E 2 || 10 µ¾νον H. unayn : Îγρ¿ν κα θερµ¿ν HJVW
ELMW : µ¾ναι FHJV || 13 λλων τFν ELMW : λλων FHJV • 1 a > b (R1+R5) || 4 a > b (R1+R5) || 10 a = b (R1
vs R9) || 12 a = b || 14 a > b (R1+R5) || 17 a = b
|| 17 τFν HJ 1V : πρFτον E 1 πρFτον τFν LWF 2 πρFτον κα || 29 a > b (R1+R5) || 30-31 a = b
τFν F 1 πρÞτων τFν M πρÞτων E rec. || ποEαι δ πρFται HJ 1V
|| 22 τερον : πρ¾τερον E 1 H 31b 1 ν ELMW : ν FHJV || 10 πυρ¿v κα ροv Ïδωρ κα
. unayn || 23-24 µ¬γνυται γρ
ELM H 1 γC ELMWF H.unayn : γCv κα Ïδατοv πÖρ κα ρ HJ 1V ||
. unayn : γ¬γνεται γρ κα µ¬γνυται FHJ V γ¬γνεται γρ
W || 25 Îγρ¿ν κα ξηρ¿ν E 1LM H unayn Philop. c
: ξηρ¿ν κα τ EMW H.unayn (om. L) : γρ FHJV || 13 µεταàολ EW
.
1
Îγρ¿ν FHJ VW Philop. l Alexander ut vid. (cf. Philop. c 234.19 sqq.) : µετàασιv FLM
τοËτων µετàασιv HJ 1V Philop. l || 21 ψυχρ¿ν EM H.unayn :
• 3 a = b (R1 vs S) || 10 a = b || 13 a > b (R9) || 17 Îγρ¿ν FHJVLW || Îγρ¾ν EM H.unayn : ψυχρ¾ν FHJVLW ||
b > a (R1) || a > b (R1) || 22 faute de a || 23-24 a
> b (R1) || 25 a = b 34 φεξCv ELM Alexander apud Philop. c Philop. l+c : ξCv
FHJ 1V
30a 11 σκληρ¿ν γρ : ξηρ¿ν γρ E H . unayn || 22 • 1 a = b || 10 a = b || a > b (R5) || 13 a > b (R1+R4)
βεàρεγµνον ... ν τG βθει EMWFJ 2 H.unayn (et infusum est || 21 (bis) a = b || 34 a = b
in cuius profundo est humiditas extranea Gerardus) Alexander
32a 10 ρ ELMWF : ρα HJ 1V Philop. l || 12 τ¾ γε πÖρ
. ayyān, Kitāb al-tas.rı̄f, Paris. Or. 599, fol.
ap. Ps.-Gābir b. H
FHJ 1V : τ¿ πÖρ EM γε τ¿ πÖρ LW || 14 πυρ¿v ELMW : τοÖ
00 : om. HJ 1VL || 32-33 ξηρ¿ν κα Îγρ¿ν ELMW H . unayn : πυρ¿v FHJ 1V || 16 θερµ¿ν ρα ELM : ρα θερµ¿ν FHJ 1VW
Îγρ¿ν κα ξηρ¿ν FHJ 1V || 34 κα θερµοÖ κα ÎγροÖ E 1M || 18 ρL EMW H l+c 1
H 1 . unayn ut vid. Philop. : ρα παρL F HJVL
. unayn (θερµοÖ κα ÎγροÖ W) : κα ÎγροÖ κα θερµοÖ HJ V || 22 EMFH H
ψυχροÖ κα ÎγροÖ L . unayn : κα JVLW || δ ELMF : δ λλων
H 1J 1VW || 29 παντα ELMW : πντα FHJ 1V || 31 κα
• 11 faute de a || 22 faute de b (saut du m. au m.) ? Åτι E 1M : Åτι FHJVLW
|| 28 a = b || 32 a = b || 34 a = b
• 10 a > b (R6) || 12 a = b (R1 vs P) || 14 a > b (R1)
30b 18 κα EMF : κα ο¯ HJVLW Philop. l || 20 èσπερ || 16 a = b || 18 a > b (R7+S) || 22 a > b (R7+S) ||
E 1LM : ο¶ον FHJ 1VW || 21 τλλα πντα EMWF : πντα a > b (R1) || 29 a > b (R9) || 31 a = b
τλλα HJVL || 23 ε° τι E 1M H.unayn : τ¿ F 1HJVLW Philop. l 32b 3 φα¬νονται ELM : φα¬νεται FHJ 1VW || 9 τG ELMW :
|| 28-29 ÎγροÖ ψυχροÖ E 1M : ÎγροÖ κα ψυχροÖ FHJVLW τ¿ FHJV || γCv εµναι ELM : κ γCv εµναι HJ 1VW εµναι
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ccxxxvi HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxxxvii
κα γCv F ξ ροv εµναι Philop. c || 10 èσπερ ELMWF : E 1LM Philop. l : φα¬νεται FHJVW || 27 ο¶ον E 1L : ο¶ον τ¿
ο¶ον HJ 1V Philop. l || 13 µ ELMWF Philop. l : οÍκ HJ 1V FHJ 1VMW || 33 µ HJV Philop. l : µ E 1LMF W ||
|| 14 γρ ELMW Philop. c : γρ α¯ FHJV || 16 Π ELW : 34 : κα EW H . unayn ut vid.
τ¿ Π FHJ 1VM || 17 ε® ELM : πε FHJ 1VW || 22 µλαν • 2 a = b || 5 a > b (R1) || 9 a = b || 11 a > b (S) ||
λευκ¿ν ELM H.unayn ( µλαν λευκ¿ν W) : λευκ¿ν µλαν 15 faute de a || 20 faute de a || 23-24 faute de a ||
FHJ 1V || 25 τ¿ γρ E 1LMF : τ¿ µν γρ HJ 1VW || 25-26 26 a > b (R2) || 27 a > b (R1) || 33 b > a (R9+P) ||
πÖρ τ¿ πρFτον E 1MV : πÖρ τ¿ µν πρFτον HJL πÖρ πρFτον 34 b > a (R9)
F 1W Π τ¿ πρFτον F 2 || 28 τG Γ ELMW : ν τG Γ FHJV 34a 6 π¬ τε FHJ 1VMW Philop. l+c fort. Alexander (cf. Philop.
|| 31 µελλσαντεv HJVL : µελσαντεv EMWF Philop. l (cf. 268.1-2) : π E 1L || 12 λθη ELMW : κα λθη HJ 1V
appar. cr.) κα λθη F || 15 ργον στ ELMF : στν ργον HJ 1VW
• 3 a > b (R2) || 9 a > b (S) || a > b (R1) || 10 a = || 17 τι εµναι ELM : εµνα¬ τι FJ 1V εµνα¬ τι H εµναι τ¿ W
b || 13 a > b (R9) || 14 a > b (R1) || 16 a > b (R1) Philop. l || 23 παρL αÍτ ELM : παρ ταÖτα FHJ 1VW ||
|| 17 a = b || 22 a > b (R7+R10) || 25 a > b (R1+R5) στιν κ πυρ¿v ELMW : κ πυρ¿v στιν FHJ 1V || 29 τοÖτο
|| 25-26 a > b (R1) || 28 a > b (R1) || 31 faute de a
|| 34 a (EM) = b E 1LM : τ¿ ν FHJ 1VW || 34 κα E 1LM (om. W) : γε FHJ 1V
33a 2 ε®v E 1M et fort. H • 6 b > a (P+S) || 12 a > b (R9) || 15 a = b || 17 a =
. unayn : γρ ε®v FHJVL γε ε®v W || b || 23 a = b || a > b (R3) || 29 a > b (R7) || 34 a
3 µπω ELM : µηδπω FHJVW || 5 τG Ψ ELMW H . unayn > b (S)
ut vid. : κα τG Ψ FHJ 1V Philop. l || 12 τι E 1LMW : τι δL
FHJV || 13 γρ πσαv ELMW : γρ πσαv FV παραπασαv 34b 4 κ θερµοÖ κα ψυχροÖ EW H . unayn : ψυχροÖ κα θερµοÖ
J 1 γρ H Philop. l || 18 λγει ELM : φησι FHJ 1VW || FHJVLM || 6 σËνθεσιv FHJVW : σËνθεσιν E συνθσει LM
20 µσ τε EMW Philop. c : µσα F 1HJVL || πντα FHJVL || 7 γρ θατρου ELMWF : γρ κ θατρου HJV || ποιεE
Philop. c : πντα εµναι EMW || τ¿ ποσ¾ν HJVLMW : ποσ¾ν ELMW : πο¬ει FHJ 1V || 15 τοÖτον τ¿ν EMJ 2F H . unayn : τ¿ν
E 1F 1 Philop. l || 26 οÏτωv E 1L : κα οÏτωv FHJ 1VMW || τοËτων HJVLW || διπλασ¬ωv EMW : κα τG λ¾γ} διπλασ¬ωv
29 λευκ¿ν τ¾δε θερµ¾ν ELMW H F 1HJV κα διπλασ¬ωv L || 17 δ FHJ 1VL H c
. unayn Philop. :
. unayn : θερµ¿ν τ¾δε λευκ¾ν 1 2
FHJ 1V Philop. c ut vid. || σηµα¬νει E 1W Philop. l et verisim. µ E MJ δ W || 19 οÏτω ELMWF H.unayn ut vid. : τοÖτο
H HJ 1V Philop. l+c || 23 µεταàλλει ε®v FHJ 1VW : µεταàλλει
. unayn : ν µν ποιG σηµα¬νει LM : σηµα¬νει ν µν ποιG
FHJV || 35 ε°η λλη E 1M : ε°η FHJVLW Philop. l || E 1LM || 27 λθωσιν HJ 1V : λθ| ELMWF || 30 τλλα
E 1LM : λλL J λλL FHVW Philop. l ELMW : τλλα τ τοιαÖτα FHJ 1V || 31 IΑπαντα ELMFH :
• 2 a > b (R5) || 3 a = b || 5 a > b (R1) || 12 a > b πντα J 1VW Philop. l
(R5+R1) || 13 a = b || 18 a = b || 20 a > b (R1) || • 4 a = b (R1 vs R8) || 6 faute de a ? || 7 a > b (R1)
b > a (EM) (R1) || a = b (R1 vs P) || 26 a > b (R1) || a = b || 15 a > b (R1+S) || 17 faute de a || 19 a
|| 29 a = b || a > b (R1+S) || 35 (bis) a > b (R9) > b (S vs R6) || 23 b > a (R9+P) || 27 b > a (R2) ||
33b 2 γνοv ELMWF H 1 29 b > a (R1) || 30 a > b (R1) || 31 a = b
. unayn : δµαv HJ V || 5 ε ELMWF
1 1
H. unayn : ε äδ HJ V || 9 οÍ γρ E LM H . unayn : λλL 35a 7 θτερα κρα EMJ 2F (θτερον κρον L) : θτερα
οÍχ FHJ VW Philop. || 11 τοËτου E MJ 2 H.unayn : τοËτων
1 c 1
HJ 1VW || 12 δ¾ξειεν ν µ¾ν} τρφεσθαι ELM : δ¾ξειεν
FHJ 1VLW || 15 ΤËχη FHJVL : φËσιv EMW H . unayn Philop.
c
µλιστα ν µ¾ν} τρφεσθαι J 1VL δ¾ξειεν ν µ¾ν} τρφεσθαι
l
|| 20 τ γε HJV Philop. : τ τε ELMF γε τ W || 23- µλιστα H µλιστα δ¾ξοιεν ν µ¾ν} τρφεσθαι W || 15
24 φιλ¬{ FHJ 1VM Philop. l : φιλ¬αν ELW || 26 φα¬νονται συνειληµµνη EM : συνειληµµνη J 1V συνειληµµνον FHLW
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ccxxxviii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxxxix
τ¿ συνειληµµνον Philop. || 20-21 ε®v τν αυτοÖ χÞραν || 23 θττον ELM : θττουv FHJ 1VW || βραδυτραv εµναι
φρεσθαι ELMW : ε®v τν αÍτοÖ φρεσθαι χÞραν HJ 1 φρεσθαι ELMW : βραδυτραv FHJ 1V || 30 δËνατον ν πασιν LM :
ε®v τν αÍτοÖ χÞραν V ε®v τν αυτοÖ φρεσθαι χÞραν F || δËνατον τ¿ ν πασιν E ν πασιν δËνατον FHJVW
27 καθL καστον ELMW : καθL καστα FHJ 1V || 31 γρ • 7 a = b || 8 a = b || 10 b > a (R1) || 12 b > a (R8)
FHJVMW : γρ ν EL || 31-32 α¯ δËο FHJ 1VW : δËο ELM || 13 a > b +Ar. (R1) || 23 a > b (R8) || 23 a = b (R1
H vs R9) || a > b (R1) || 30 a = b
. unayn ut vid.
• 7 a > b (P vs R1) || 12 a > b (R1) || 15 a > b (R1) 37a 5 πυρ¿v ELMW : τοÖ πυρ¿v FHJ 1V || 10 πL EM :
|| 20-21 a = b (R3 vs clausula byzantina) || 27 a = b ε®v FHJVLW || 16 α®τ¬αν FHJ 1VW H.unayn Philop. l : α°τιαν
|| 31+32 a = b (R9) ε°ρηται E 1LM || 21 ταËταv ELMW Philop. l : ταËταv νγκη
35b 6 νεκεν E Philop. l+c : νεκα cett. || 7 Á λ¾γοv ELM : FHJ 1V || 23 νευ FHJ 1VW : χωρv E 1LM || 25 δL ELMF :
Á λ¾γοv Á FHJVW || τCv κστου οÍσ¬αv ELMF : κστου δ HJ 1VW || 31 συνεχv EL H.unayn Philop. c ut vid. : ε
τCv οÍσ¬αv HJ 1VW τCv κστηv οÍσ¬αv J 2 || 20 τι HJ 1V : συνεχv FHJ 1VM
τι δL ELMWF || 21 α°τιον Ãν ELMW : α°τιον F 1HJ 1V || • 5 a > b (R1) || 10 a = b || 16 faute de a ? || 21 a
25 λεγ¾ντων FHJ 1VW : λεγοµνων ELM H > b (R1) || 23 b > a (R4+R7 + usus) || 25 faute de b
. unayn || 28 π¿ || 31 a > b (R1)
τχνηv ELMW H.unayn : π¿ τχνηv, π¿ τχνηv δ F 1HJV
|| 31 ποιεEν ELMW : τ¿ ποιεEν FHJV || 32 οÍ ELMWF : 37b 2 Å τι E 1MJ 2F : τι Ä HJ 1VW || 8 πειδ FJ 1V Philop. l :
οÑτε HJV || 33 οÍδ ELMW : οÑτε FHJ 1V πε ELMWH || 9 γιν¾µενα EJ 2F : τ γιν¾µενα HJ 1VLMW
|| 11 γ¬νεσθαι ELW : γενσθαι FHJ 1VM || 16 ο®κ¬αν LMW :
• 6 a > b (R7) || 7 a = b || a = b || 20 b > a (R1+R5)
|| 21 a > b (P vs R1) || 25 b > a (S+P) || 28 faute de ο®κ¬α E κα ο®κ¬αν FHJ 1V || 20 πρ¾τερον EMWV Philop. l :
b ? || 31 a = b (R1 vs P) || 32 a = b || 33 a = b πρ¾τερον γενσθαι FHJL || 31 ο®κ¬αν, Åταν θεµλιοv γνηται
1
FHJVL H . unayn : ο®κ¬αν E MW || 34 αÍτοÖ στιν ELMW :
36a 2 Àργανικv ELMWH Philop. l+c : ÀργανικFv FJV ||
στν αÍτοÖ FHJV
3 LΕπειδ ELMW : πε FHJV || 12 οÍχ ÁρFσιν E 1LMF
1 2 a > b (R6) || 8 a = b || 9 a > b (R1) || 11 a = b ||
H. unayn : οÍ προσθεωροÖσιν J VW οÍ προθεωροÖσιν H || 16 a > b (R1) || 20 a > b (R1) || 31 faute de a (saut
24-25 γνεσιv FHJ 1VW Philop. l+c : κα γνεσιv ELM || 29 du m. au m.) || 34 a = b
σται ε FHJ 1VW : ε σται ELM || 31 ναντ¬α α°τια 38a 4-5 νακυκλεEν ELMW Philop. l : περικυκλεEν HJ 1V περι
EH . unayn : τ ναντ¬α α°τια MW τναντ¬α α°τια L α°τια τ νακυκλεEν F || 6 ε® µ, E 1LM H.unayn : ε® µ FJW
ναντ¬α F α°τια τναντ¬α HJ 1V || 33 στι ELMW : νεστι HV || 8 κτω E 1 Alexander H.unayn ut vid. : κτω
FHJ 1V || 34 ε° γε ε LM (ε° τε ε E 1) : ε® FHJ 1VW
äv FHJVLMW || 9 νω E 1 Alexander H.unayn ut vid. :
• 2 a > b (R6) || 3 a = b || 12 a > b (R4) || 19-20 a νω äv FHJVLMW || γενοµνων FHJLM : γεινοµνων E
= b || 24-25 b > a (R1) || 29 b > a (R3) || 31 a > b
(R9) || 33 a > b (R4) || 34 a > b (P)
γιγνοµνων W γινοµνων HV Alexander fort. recte || 11
τοδ LMWFHJ 1V : τ¿ EJ 2 || 12 κα τ¿ πρ¾τερον ELMW :
36b 7 ταÍτ¿ν τοÖτο κα π¾ρρω γ¬νεσθαι ELM H . unayn : κα εµναι κα τ¿ πρ¾τερον FHJ 1V || 13 δ ELMW Philop. l : δη
π¾ρρω γ¬νεσθαι τοÖτο αÍτ¿ J 1V κα π¾ρρω γ¬νεσθαι τ¿ αÍτ¿ FHJV || 16 γ¬νεσθαι ELMWF H l
. unayn Philop. : γενσθαι
τοÖτο HF 2 κα π¾ρρω γ¬γνεσθαι F 1 τοÖτο αÍτ¿ κα π¾ρρω 1
HJ V
γενσθαι W || 8 προσελθεEν ELMW Philop. l : προσιναι • 4-5 a > b (R9) || 6 a > b (S) || 8-9 a > b (R1) || 9
FHJ 1V || 10 φθορ HJ 1VW Philop. l : κα φθορ E 1LMF a = b (S) || 11 faute de a ? || 12 a > b (R1) || 13
|| 12 χρ¾νοv κα β¬οv FHJ 1VW : β¬οv κα χρ¾νοv ELM H. unayn faute de b ? || 16 a = b
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ccxl HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxl i
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ccxl ii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxl iii
indices de diorthose pointent indubitablement vers l’hypar- dégage d’une telle situation est qu’il faut privilégier la fa-
chétype de la famille b, le rapport de supériorité relative mille a autant que possible, mais avec bon sens. Notons, en
étant presque de 1 à 5 (40 contre 188). La règle d’or de la confirmation de ces conclusions, qu’elles rejoignent de ma-
critique aristotélicienne, <R1>, est particulièrement claire à nière frappante celles que Paul Moraux tirait de son étude
cet égard : elle penche presque toujours en faveur de la fa- de la tradition indirecte du De caelo. Il y remarquait l’appa-
mille a. À moins de supposer que le copiste ou le réviseur de rente contradiction suivante : alors que pour les variantes du
Ω1 se soit amusé à supprimer des mots insignifiants à chaque traité à la fois départageant a et b et dûment attestées à date
page ou presque, il faut admettre que Ω2 a visé à produire un antique, Simplicius se range presque toujours du côté de a,
texte aplani, plus lisible et, de notre point de vue, plus fade. il s’accorde de manière à peu près égale avec a et b dans le
Il ne fait toutefois aucun doute que le texte de la famille a, cas des variantes « récentes ». C’est donc qu’après l’utilisa-
même s’il est généralement meilleur que celui de la famille tion par Simplicius d’un état encore non altéré de la famille
b, a lui aussi subi des corrections érudites, ayant occasionné, a, « celle-ci a eu sa vie propre, au cours de laquelle elle a
entre autres, une faute due à une trop bonne connaissance — acquis quantité de traits nouveaux : l’accord de Simplicius et
pour ainsi dire — du poème d’Empédocle 1. Il est par ailleurs de b ne représenterait alors rien autre qu’un état ancien, dis-
frappant qu’une bonne partie des fautes et des variantes né- paru accidentellement de a » 1. Et de conclure : « Autrement
gatives de la famille a se concentrent au cœur du second livre dit, toutes les variantes qui opposent aujourd’hui a et b ne
du GC. L’exemplaire recopié par Ω1 aurait-il été défecteux à sont pas également anciennes : les unes remontent sûrement
cet endroit ? L’attention du diorthote s’y serait-elle quelque aux premiers siècles de notre ère, sinon plus haut ; d’autres
peu relâchée ? Nous l’ignorons. Un phénomène de ce genre risquent fort d’être apparues plus tard ... » 2. La tradition
doit cependant nous engager à la plus grande vigilance : on arabe joue ainsi pour le GC un rôle de témoin « géologique »
ne peut s’en remettre tout uniment à la leçon de la famille a. assez semblable à celui de Simplicius pour la tradition du De
Un paradoxe apparent du tableau ne manquera pas de caelo.
frapper le lecteur. Alors que les règles de probabilité Il faut renoncer à toutes les explications romanesques que
penchent en faveur de la famille a, celle-ci fait deux fois plus l’existence de cette double recension pourrait faire surgir.
de fautes patentes que la famille b. Mais ce fait confirme plu- Il n’y a aucun indice, d’aucun ordre que ce soit, suggérant
tôt nos soupçons de diorthose à l’encontre de cette dernière. que nous ayons affaire au premier jet du texte d’Aristote et
On peut tout d’abord noter que l’on a considéré ici comme à sa révision par l’auteur 3, ou à l’éventuelle édition alexan-
faute de a des cas où la version arabe se rangeait du côté de drine et à la presque aussi éventuelle édition andronicienne.
b. Il est ainsi fort possible que le dernier ancêtre commun
des manuscrits byzantins conservés de la famille a soit pos-
térieur à la source qu’ils partagent avec l’exemplaire de la
1. P. Moraux, « Notes sur la tradition indirecte du ‘De cae-
traduction syro-arabe. La famille a, en d’autres termes, bien lo’ d’Aristote », p. 181.
que procédant d’un lointain hyparchétype plus authentique, 2. Moraux, ibid.
a davantage souffert de la dégradation mécanique due à la 3. Le cas de nos deux familles n’a rien à voir avec celui des
transmission que la famille b. La conclusion pratique qui se versions multiples de Physique VII, 1-3 ou de De anima II par
exemple, où les changements textuels sont motivés en partie par
des accentuations philosophiques différentes. Nous en restons,
1. Cf. GC II 6, 33b 15. avec nos deux familles, à un niveau strictement formel.
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ccxl iv HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxl v
Contentons-nous, en attendant de disposer de renseigne- sont nées. Mentionnons en particulier, vers 1300, l’entou-
ments supplémentaires, de ce que nous avons : deux états rage immédiat de Grégoire de Chypre, Georges Pachymère,
textuels, l’un et l’autre remarquablement corrects, dont l’un Maxime Planude et Nicéphore Choumnos ainsi que, plus
trahit une légère recension, effectuée cependant assez tôt tard, celui d’Andronicos Callistos. C’est autour de telles per-
pour nous avoir préservé seul, ici et là, le texte authentique sonnalités que s’est constituée la vulgate byzantine qui, par
d’Aristote. l’intermédiaire de l’édition aldine puis d’Immanuel Bekker,
exerce encore aujourd’hui une influence aussi décisive qu’in-
due sur l’esprit des éditeurs.
III. Manuscrits, constitution du texte Les sources utilisées dans l’apparat sont les suivantes :
E = Parisinus graecus 1853.
J’ai visé, dans l’édition du GC, à me rapprocher aussi près
Courant du x e siècle (ff. 345-353 : xiv e siècle). Parchemin.
que possible des critères dégagés il y a plus d’un demi-siècle
355 x 260. 453 ff. Contenu : An., Phys., Cael., (ff. 106v.—
par Alphonse Dain 1. Ceux-ci n’ont rien perdu de leur per-
129) GC, Mete., An., Sens., Mem., Somn. Vig., Insomn., Div.
tinence. Plutôt que d’entasser les variantes byzantines sans
Somn., Mot. An., Metaph., Théophraste : Metaph., Col., Part.
signification historique dans mon apparat, ce qui l’aurait vite
An., Gener. An., Inc. An., EN, MM. Le manuscrit E, copié
rendu illisible, je me suis contenté de choisir les manuscrits
à Byzance, a été plusieurs fois annoté et corrigé. La seule
les plus significatifs dans chaque famille en vue de la reconsti-
strate corrective textuellement signifiante revient au pre-
tution des deux hyparchétypes. Car la notion d’indépendance
mier annotateur (fin x e siècle, début xi e au plus tard), qui
stemmatique est bien différente selon qu’on l’envisage théo-
fut peut-être aussi le premier possesseur, du manuscrit, bap-
riquement ou pratiquement. En théorie, un manuscrit est
tisé E 2 par Moraux. Celui-ci puise en effet systématiquement
indépendant si au moins l’une des chaînes de transmission
au manuscrit perdu ι ou à l’un de ses proches descendants.
le reliant à l’archétype a entièrement disparu. En pratique,
J’ai négligé le reste, qui n’aurait fait qu’encombrer l’apparat
un manuscrit est indépendant s’il n’a ni ancêtre ni nombreux
des variantes de la vulgate.
collatéraux. Des manuscrits matériellement perdus peuvent
être parfaitement reconstituables à l’aide de deux seulement F = Laurentianus Pluteus 87.7.
leurs descendants. Vers 1135. Papier occidental. 290 x 190. 302 ff. Contenu :
J’ai en revanche tenu à présenter dans l’apparat, comme Phys., Cael., (ff. 199v—246) GC, Mete. Le manuscrit F
telles, toutes les conjectures byzantines que mon étude de la constitue, avec quatre autres témoins aujourd’hui conser-
tradition textuelle m’a fait croiser dans des manuscrits que je vés, une édition complète des œuvres d’Aristote réalisée sans
n’ai pas utilisés — et pour cause — comme témoins du texte. doute à Byzance pour le traducteur Burgundio de Pise. Il a
J’ai souvent pu identifier les milieux universitaires où elles été copié par le scribe Ioannikios et massivement annoté par
le « Collègue anonyme ». Celui-ci a porté un certain nombre
de variantes et de corrections entre les lignes et en marge,
tirées en règle générale du manuscrit ε. Je les ai négligées
1. Cf. A. Dain, Les manuscrits, Paris, 1949, p. 158 : « La pra- quand elles ne font que répéter les leçons de M (voir infra,
tique de l’apparat chargé a ses adeptes convaincus : le prestige p. cxciv).
de l’érudition formelle, qui est souvent paresse chez les vieux,
exerce sur les jeunes une sorte de mirage ».
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ccxl vi HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxl vii
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ccxl viii HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccxl ix
À ces représentants de la tradition directe, il faut ajouter Bien que les manuscrits grecs restants soient absents
les deux témoins, posant chacun des difficultés spécifiques, de l’apparat critique, je donne ici la liste exhaustive des
de la tradition indirecte : 67 témoins suivie du stemma codicum, afin de permettre à
— Le commentaire de Philopon, édité par H. Vitelli 1. l’aristotélisant d’apprécier la valeur des leçons mentionnées
J’ai repris, quand c’était nécessaire, les sigles des manus- dans l’apparat critique, au byzantiniste de rayonner facile-
crits adoptés par l’éditeur. J’ai noté les leçons des lemmes ment à partir d’une variante. Les manuscrits sont classés
Philop. l, les leçons attestées dans le tissu du commentaire dans l’ordre alphabétique des bibliothèques. Je me borne
Philop. c et les leçons attestées à la fois dans les lemmes et à indiquer leur date entre parenthèses, des renseignements
dans le commentaire Philop. l+c. J’ai noté les variantes du supplémentaires pouvant être glanés dans la littérature his-
commentaire à chaque fois qu’il y en avait. Le lecteur ne doit torique spécialisée (cf. Überlieferungsgeschichte, p. 17-32).
donc jamais présupposer, en l’absence d’indication explicite 1. Alexandrinus Bibl. Patr. 87 (1583/4)
de ma part, que Philopon s’accorde, par exemple, avec la le- 2. Berolinensis in fol. 67 (troisième quart du xv e s.)
çon que j’ai choisie, avec la majorité des manuscrits ou avec 3. Bernensis 579 (début du xvi e s.)
telle ou telle famille. Toutes les absences dans mon appa- 4. Bonon. Bibl. Univ. 2302 (vers 1500)
rat traduisent des cas où l’on ne peut savoir ce que lisait le 5. Cantabrigiensis add. 1732 (vers 1300)
commentateur alexandrin. 6. Harvardianus 17 (peu avant 1500)
— L’exemplaire grec de la traduction syriaque de H . unayn 7. Scorialensis T. II. 3 (dernier quart du xv e s.)
b. Ish.āq. Si, à la différence du commentaire de Philopon, il
8. Scorialensis T. II. 21 (troisième quart du xv e s.)
nous a conservé tout le texte du GC, les intermédiaires lin-
9. Laurentianus 87,7 (deuxième quart du xii e s.)
guistiques qui s’interposent entre lui et nous (la traduction
10. Laurentianus 87,10 (dernier quart du xiii e s.)
arabe de Ish.āq b. H . unayn et les traductions latine de Gérard 11. Laurentianus 87,11 (dernier quart du xv e s.)
de Crémone et hébraïque de Zerah.yah b. Ish.āq) nous inter-
12. Laurentianus 87,17 (troisième quart du xv e s.)
disent de toujours savoir quelle était la leçon sous-jacente.
13. Laurentianus 87,23 (milieu du xv e s.)
De même que pour Philopon, j’ai noté tout ce qu’il m’a paru
14. Riccardianus 14 (dernier quart du xv e s.)
possible de reconstituer de cet exemplaire. Tous les autres
15. Seragliensis 19 (premier quart du xv e s.)
cas, sauf erreur, se soustraient à une telle reconstruction. Je
16. Lugduno-Batavus Vossianus Q 3 (xii e s.)
me suis appuyé, pour la version hébraïque, sur la tradition la-
17. Matritensis 4563 (1470)
tine « more Gerardi » qu’en a donnée Andrea Tessier ; pour
18. Ambrosianus F 113 sup. (milieu du xiv e s.)
la version latine, sur deux des huit manuscrits médiévaux
19. Ambrosianus G 51 sup. (sigle : A m) (dernière décennie
conservés 2. du xiii e s.)
20. Ambrosianus G 61 sup. (deuxième moitié du xiii e s.)
1. Cf. Ioannis Philoponi In Aristotelis libros de generatione 21. Ambrosianus Q 1 sup. (première moitié du xv e s.)
et corruptione commentaria, ed. H. Vitelli, Berlin, 1897 (CAG 22. Ambrosianus R 119 sup. (vers 1500)
XIV, 2).
23. Mutinensis A. T. 21 (dernier quart du xv e s.)
2. Paris BN lat. 6506 et Marc. lat. VI 37 (2663). Le second
témoin, en particulier, m’a paru fort correct. Pour une liste des 24. Monacensis 200 (vers 1500)
manuscrits connus, voir G. Serra, « Note sulla traduzione arabo- 25. Monacensis 234 (xvi e s.)
ebraica del ‘De generatione et corruptione’ », p. 384. 26. Monacensis 490 (milieu du xv e s.)
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ccl HISTOIRE DU TEXTE HISTOIRE DU TEXTE ccl i
27. Neapol. Gerol. MCF 2.11 (troisième quart du xv e s.) 60. Marcianus 211 (vers 1300)
28. Oxoniensis Bywater 4 (Bodleianus 40036) (1418/19) 61. Marcianus 212 (deuxième quart du xv e s.)
29. Oxoniensis Saibante T.3.21 (Misc. 238) (vers 1500) 62. Marcianus 214 (sigle : H a) (dernière décennie du xiii e s.)
30. Oxoniensis Collegii Corporis Christi 104 (milieu du xv e s.) 63. Vindobonensis phil. 2 (1496)
31. Parisinus 1853 (milieu du x e s.) 64. Vindobonensis phil. 27 (vers 1500)
32. Parisinus 1859 (début du xiv e s.) 65. Vindobonensis phil. 64 (1457)
33. Parisinus 1860 (entre 1401 et 1403) 66. Vindobonensis phil. 75 (1445/6)
34. Parisinus 1861 (dernier quart du xv e siècle) 67. Vindobonensis phil. 100 (vers 850)
35. Parisinus 2032 (deuxième quart du xiv e s.)
Les datations indiquées sont sûres. Elles sont toujours le
36. Parisinus 2035 (troisième quart du xv e s.)
résultat d’une prise en compte combinée des données histo-
37. Parisinus 2042 (milieu du xv e s.)
riques et paléographiques. Les manuscrits désignés dans le
38. Parisinus Coislinianus 166 (vers 1360) stemma par des lettres grecques sont les exemplaires perdus
39. Parisinus Coislinianus 169 (vers 1330) que l’on peut reconstituer avec une grande vraisemblance
40. Parisinus suppl. 314 (vers 1300) sur la base du matériau conservé. Le stemma affiche une
41. Parisinus suppl. 642 (troisième quart du xiii e s.) structure « en entonnoir » caractéristique d’une tradition vi-
42. Parisinus suppl. 643 (troisième quart du xiii e s.) vante, où les deux familles ont vite été mêlées par des érudits
43. Vaticanus 249 (vers 1470) soucieux d’établir le meilleur texte possible.
44. Vaticanus 252 (troisième quart du xv e s.)
45. Vaticanus 253 (vers 1300)
46. Vaticanus 258 (vers 1300)
47. Vaticanus 499 (troisième quart du xiii e s.)
48. Vaticanus 1027 (xii e s.)
49. Vaticanus 2183 (première moitié du xv e s.)
50. Vaticanus 2201 (1473)
51. Vaticanus 2329 (vers 1300)
52. Vaticanus Ottobonianus 188 (seconde moitié du xv e s.)
53. Vaticanus Ottobonianus 293 (vers 1330)
54. Palatinus Vaticanus 161 (vers 1442)
55. Vaticanus Reginensis 123 (vers 1500)
56. Vaticanus Urbinas 37 (deuxième quart du xiv e s.)
57. Marcianus 200 (1457)
58. Marcianus 206 (1467)
59. Marcianus 210 (xiii e s.) 1
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ccl ii HISTOIRE DU TEXTE
SIGLA
Codices graeci :
E = Parisinus graecus 1853, saec. X.
F = Laurentianus 87.7, circa annum 1136.
H = Vaticanu graecus 1027, saec. XII.
J = Vindobonensis philosophicus et philologicus graecus 100,
circa annum 850.
L = Vaticanus graecus 253, circa annum 1300.
M = Matritensis 4563, anno 1470.
V = Lugduno-Batauus Vossianus graecus Q 3, saec. XII.
W = Parisinus suppl. gr. 314, circa annum 1300.
W = consensus codicis W et lectionis in codice E a reui-
sore E 2 ante annum 1000 scriptae.
L = consensus codicis L et lectionis in codice J a scriba
ipso in interlinea scriptae.
E1 = scriba codicis E in scribendo.
E2 = primus reuisor codicis E.
J1 = scriba codicis J in scribendo (uide quae de eo supra
p. cxcii disputaui).
J2 = lectio a scriba ipso codicis J in interlinea scripta.
F 1, H 1, etc. : scriba codicis F, H, etc. in scribendo.
F 2, H 2, etc. : primus reuisor codicis F, H, etc.
F 3, H 3, etc. : tertius reuisor codicis F, H, etc.
Anonymus Collega = primus reuisor codicis F et adiutor
translatoris Burgundionis de Pisa.
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ccl iv SIGLA SIGLA ccl v
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DE LA GÉNÉRATION ΠΕΡΙ ΓΕΝΕΣΕΩΣ ΚΑΙ ΦΘΟΡΑΣ
ET LA CORRUPTION
Α
Livre premier
1. Περ δ γενσεωv κα φθορv τéν φËσει γινοµνων κα 1 314a
<Chapitre 1>
φθειροµνων, Áµο¬ωv κατ πντων, τv τε α®τ¬αv διαιρε-
τον κα τοÌv λ¾γουv αÍτéν, τι δ περ αÍξσεωv κα λ-
L’objet du Des êtres par nature 1 engendrés et corrompus,
il faut maintenant 2, de la même façon pour λοιÞσεωv, τ¬ κτερον, κα π¾τερον τν αÍτν Îποληπτον
traité. εµναι φËσιν λλοιÞσεωv κα γενσεωv, χωρ¬v, èσπερ 5
tous 3, distinguer les causes et les raisons 4 de
la génération et la corruption ; de plus, concernant l’aug- διÞρισται κα το´v Àν¾µασιν.
mentation et l’altération, savoir ce qu’est chacune d’elles ; διÞρισται κα το´v Àν¾µασιν. Τéν µν ο×ν ρχα¬ων ο¯ µν τν
enfin, se demander s’il faut supposer une nature unique à καλουµνην πλν γνεσιν λλο¬ωσιν εµνα¬ φασιν, ο¯ δL τε-
l’altération et à la génération, ou séparée, tout comme leurs ρον λλο¬ωσιν κα γνεσιν. IΟσοι µν γρ ν τι τ¿ πν λ-
noms aussi diffèrent. γουσιν εµναι κα πντα ξ ν¿v γεννéσι, τοËτοιv µν νγκη
Car parmi les anciens, certains disent que τν γνεσιν λλο¬ωσιν φναι κα τ¿ κυρ¬ωv γιγν¾µενον λ- 10
Empédocle,
ce qu’on appelle une génération abso- λοιοÖσθαι. IΟσοι δ πλε¬ω τν Ïλην ν¿v τιθασιν, ο¶ον LΕµ-
Anaxagore et
Leucippe. lue 5 est une altération, tandis que selon πεδοκλv κα LΑναξαγ¾ραv κα ΛεËκιπποv, τοËτοιv δ τε-
d’autres, l’altération et la génération sont ρον. Κα¬τοι LΑναξαγ¾ραv γε τν ο®κε¬αν φωνν γν¾ησεν· λ-
deux choses différentes : tous ceux en effet qui disent que le γει γοÖν äv τ¿ γ¬γνεσθαι κα π¾λλυσθαι ταÍτ¿ν καθστηκε
tout est un et qui engendrent 6 toutes choses à partir d’une
seule sont contraints d’affirmer que la génération est une al-
tération et que ce qui au sens propre est engendré s’altère 7 ;
pour tous ceux, au contraire, qui posent la multiplicité de Tit. — LΑριστοτλουv περ γενσεωv κα φθορAv α´ MWFJV
la matière, à la façon d’Empédocle, d’Anaxagore et de Leu- LΑριστοτλουv φιλοσ¾φου περ γενσεωv κα φθορAv τFν ε®v β´ τ¿ α´
cippe, ce sont deux choses différentes (Anaxagore, toutefois, EL lac. H || 314a 1 δ om. E 1 || 3 αÍτFν διοριστον τι F || 5
φËσιν εµναι L : εµναι φËσιν εµναι E || 6 διÞρισται : κα èρισται E ||
a ignoré 8 le sens propre du mot 9 : il dit bel et bien que
κα om. W || µν τν : µν ο×ν τν E || 8 κα γνεσιν in marg. add.
W || 8-9 εµναι λγουσι FHJVW || 9 γεννFσι : γεγονναι HW || µν
om. HW : µν δ F || 10 λλο¬ωσιν τν γνεσιν HW || γιγν¾µενον :
γιγν¾µενον κα F || 12 δ om. FHL || 13 γε om. FHW || 14 ο×ν
1-9. Voir Notes complémentaires, p. 85-87. ... π¾λλυσθαι in litura add. J pr. m. || κα τ¿ FJV.
le processus de génération-corruption est le même que ce- τô λλοιοÖσθαι, πολλ δ λγει τ στοιχε´α, καθπερ κα 15
lui d’altération 1, tout en affirmant, exactement comme les τεροι. LΕµπεδοκλv µν γρ τ µν σωµατικ ττταρα,
autres, la multiplicité des éléments). Car selon Empédocle, τ δ πντα µετ τéν κινοËντων ξ τ¿ν ριθµ¾ν, LΑναξαγ¾-
les éléments corporels sont quatre, ce qui, avec les éléments ραv δ πειρα κα ΛεËκιπποv κα ∆ηµ¾κριτοv. HΟ µν γρ
moteurs 2, donne un nombre total de six éléments ; chez τ Áµοιοµερ στοιχε´α τ¬θησιν, ο¶ον ÀστοÖν σρκα
Anaxagore, leur nombre est infini, ainsi que chez Leucippe µυελ¿ν κα τéν λλων ëν κστ} συνÞνυµον τ¿ µροv στ¬ν. 20
et chez Démocrite. Le premier pose en effet les homéomères ∆ηµ¾κριτοv δ κα ΛεËκιπποv κ σωµτων διαιρτων τλ-
comme éléments — tels l’os, la chair, la moelle et tout autre
λα συγκε´σθα¬ φασι, ταÖτα δL πειρα κα τ¿ πλθοv εµ-
corps dont la partie est synonyme du tout 3 — tandis que
ναι κα τv µορφv, αÍτ δ πρ¿v αÎτ διαφρειν τοËτοιv
d’après Démocrite et Leucippe, des corps indivisibles —
ξ ëν ε®σ κα θσει κα τξει τοËτων. LΕναντ¬ωv γρ φα¬νον-
infinis tant par leur multitude que par leurs formes — com-
posent les autres corps, qui eux diffèrent les uns des autres 4 ται λγοντεv ο¯ περ LΑναξαγ¾ραν το´v περ LΕµπεδοκλα· 25
par les choses dont ils proviennent, ainsi que par la position HΟ µν γρ φησι πÖρ κα Ïδωρ κα ρα κα γν στοιχε´α
et la situation de ces dernières 5. De fait, la doctrine d’Anaxa- τσσαρα κα πλ εµναι µλλον σρκα κα ÀστοÖν κα
gore est clairement contraire à celle d’Empédocle 6. Celui-ci τ τοιαÖτα τéν Áµοιοµερéν, ο¯ δ ταÖτα µν πλ κα
affirme en effet que le feu, l’eau, l’air et la terre sont les στοιχε´α, γν δ κα πÖρ κα Ïδωρ κα ρα σËνθετα· παν-
quatre éléments simples, plutôt que la chair, l’os et les ho- σπερµ¬αν γρ εµναι τοËτων. 1 314b
méomères équivalents ; selon les partisans d’Anaxagore, ce σπερµ¬αν γρ εµναι τοËτων. Το´v µν ο×ν ξ ν¿v πντα κα-
sont ces corps qui sont élémentaires et simples, tandis que τασκευζουσιν ναγκα´ον λγειν τν γνεσιν κα τν φθορν
la terre, le feu, l’eau et l’air ne sont que des composés — λλο¬ωσιν· ε γρ µνειν τ¿ Îποκ嬵ενον ταÍτ¿ κα ν· τ¿
car ils constituent selon eux une congrégation séminale des δ τοιοÖτον λλοιοÖσθα¬ φαµεν· το´v δ τ γνη πλε¬ω ποι-
premiers 7. οÖσι διαφρειν τν λλο¬ωσιν τv γενσεωv· συνι¾ντων γρ 5
Contre Quant à ceux qui produisent toutes choses κα διαλυοµνων γνεσιv συµàα¬νει κα φθορ. ∆ι¿
Empédocle et à partir d’une seule, ils sont contraints λγει τοÖτον τ¿ν τρ¾πον κα LΕµπεδοκλv, Åτι «φËσιv οÍδεν¾v
ses disciples. d’affirmer que la génération-corruption
est une altération, du fait que le substrat 16 µν prius om. HLW || 18 πειρα post ∆ηµ¾κριτοv ponit W
demeure toujours identique à lui-même (ce qui revient à la || 19 ο¶ον om. HW || κα post ÀστοÖν add. HLW || κα post σρκα
définition de l’altération) ; mais ceux qui posent des genres 8 add. FHLW || 20 µυελ¿ν κα ξËλον κα HW H . unayn || κα τFν :
originels multiples doivent affirmer que l’altération est diffé- τFν δ E || κστ} EMJV : κστου FHLW Philop. l || συνων˵ωv
rente de la génération 9, dès lors que c’est l’association et la FL Philop. l : συνÞνυµον post µροv HW || στ¬ν : κατηγορεEται L
|| 21 τλλα : ταÖτα EWF || 22 φησι L || εµναι post 23 µορφv F
dissociation de ceux-ci qui provoquent la génération et la cor- || 23 πρ¿v αÎτ FH : πρ¿v αÍτ cett. || διαφρει F || 24 θσει :
ruption 10. C’est la raison pour laquelle Empédocle s’exprime θσειv M || γρ : δ FHL Philop. l || 25 περ τ¿ν LΑναξαγ¾ραν F ||
ainsi : « il ne saurait y avoir naissance... mais seulement 26 Á : ο¯ F || στοιχεEα εµναι F || 27 τσσαρα om. J 1VW || µAλλον
εµναι F εµναι om. W || 28 ÁµοιοµερFν : µερFν F || 29 γCν ... Ïδωρ :
πÖρ δ κα Ïδωρ E κα Ïδωρ om. W || κα post πÖρ om. F || 314b
3 ε : δεE V || µνει JW (sed post µνει littera erasa J) Philop. l
|| 4 δ prius om. E || 5 τν λλο¬ωσιν τCv γενσεωv : τν γνεσιν
1-10. Voir Notes complémentaires, p. 87-91. τCv λλο¬ωσεωv W || 6 sec. om. W || 7 λγει κα τοÖτον L λγει
που τοÖτον W.
mélange, et dislocation de ce qui fut mélangé » 1. στιν λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων ».
Que leur 2 discours soit approprié à leur hypothèse, si l’on στιν λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων.»IΟτι µν
peut ainsi parler 3, c’est clair, et il est clair qu’ils discourent ο×ν ο®κε´οv Á λ¾γοv αÍτéν τ© Îποθσει, οÏτω φναι, δλον,
ainsi ; mais eux aussi, cependant, sont dans l’obligation 4 κα Åτι λγουσι τ¿ν τρ¾πον τοÖτον· ναγκα´ον δ κα τοËτοιv 10
d’affirmer que l’altération a quelque existence à côté de la τν λλο¬ωσιν εµναι µν τι φναι παρ τν γνεσιν, δË-
génération, tout impossible que cela soit si l’on suit leurs af- νατον µντοι κατ τ ÎπL κε¬νων λεγ¾µενα. ΤοÖτο δL Åτι
firmations 5. On peut facilement s’apercevoir du bien-fondé λγοµεν Àρθév, øδιον συνιδε´ν. IΩσπερ γρ Áρéµεν ρεµοË-
de notre propos : de même 6 que nous voyons, dans la sub-
σηv τv οÍσ¬αv ν αÍτ© µεταàολν κατ µγεθοv, τν κα-
stance au repos, un changement selon la grandeur — qu’on
λουµνην αÑξησιν κα φθ¬σιν, οÏτω κα λλο¬ωσιν. ΟÍ µν 15
appelle augmentation-diminution — de même on voit en elle
λλL ξ ëν λγουσιν ο¯ πλε¬ουv ρχv ποιοÖντεv µιv, δË-
l’altération. Pourtant, d’après ce que disent ceux qui font
les principes plus qu’un, le processus d’altération est impos- νατον λλοιοÖσθαι. Τ γρ πθη, καθL φαµεν τοÖτο συµ-
sible. Car les affections selon lesquelles nous disons que ce βα¬νειν, διαφορα τéν στοιχε¬ων ε®σ¬ν, λγω δL ο¶ον θερµ¿ν
processus a lieu sont des différences des éléments, comme ψυχρ¾ν, λευκ¿ν µλαν, ξηρ¿ν Îγρ¾ν, µαλακ¿ν σκληρ¿ν κα
par exemple chaud-froid, blanc-noir, sec-humide, mou-dur, τéν λλων καστον, èσπερ κα¬ φησιν LΕµπεδοκλv «λιον 20
etc. Comme justement le dit Empédocle 7 : « vois 8 le soleil µν λευκ¿ν Åρα κα θερµ¿ν πντ|, õàρον δL ν πσιν
blanc 9 et chaud de toute part ... la pluie partout ombreuse 10 δνοφοντ τε øιγαλον τε». HΟµο¬ωv δ διορ¬ζει κα π τéν
et froide » (et il définit ainsi tout le reste 11) ; de sorte que λοιπéν. IΩστL ε® µ δυνατ¿ν κ πυρ¿v γενσθαι Ïδωρ µηδL ξ
s’il est impossible que l’eau soit engendrée du feu ou la terre Ïδατοv γν, οÍδL κ λευκοÖ µλαν σται οÍδν οÍδL κ µαλακοÖ
de l’eau, le noir ne proviendra pas davantage du blanc, ni σκληρ¾ν· Á δL αÍτ¿v λ¾γοv κα περ τéν λλων· τοÖτο δL ν 25
le dur du mou et ainsi de suite ... Mais c’est en cela, nous λλο¬ωσιv. KΗι κα φανερ¿ν Åτι µ¬αν ε το´v ναντ¬οιv Îπο-
l’avons dit, que consiste l’altération 12. Il est par là 13 mani-
feste aussi qu’il faut toujours supposer une matière unique 8 τε κα διλλαξ¬v τε L || 9 αÍτFν : αÍτοEv M || 9 et 11 φAναι J
|| 10 κα Åτι : Åτι κα E || κα sec. om. W || 11 τι : τοι F τινα W
|| 12 ÎπL κε¬νων rescr. E m. post. in loco plurium capace || 13
1. Voir Notes complémentaires, p. 91-92.
øBον W || 15 οÏτωv J 1 || 16 ποιοÖνται L || 17 φαµεν : µν J 1 ||
2. Sur le sens de ce pluriel, qui renvoie selon nous à une
19 λευκ¿ν : κα H || µαλακ¿ν σκληρ¿ν FHJVW : σκληρ¿ν µαλακ¿ν
école physico-médicale empédocléenne encore vivace à l’époque
E 1LM H . unayn || 20 κα¬ φησι : φησ κα FW || 21 λευκ¿ν ... θερµ¿ν
de Platon et d’Aristote — et représentée en particulier par Phi-
codd. : λαµπρ¿ν ... θερµ¿ν P l ut. De prim. frig. c. 13 949F θερµ¿ν ...
listion — voir Introduction, p. xxxiv sqq.
λαµπρ¿ν Gal en. De simpl. med. temp. II, 1, 31 (Kühn T. XI p. 461)
3. οÏτω φναι est difficile. Les traducteurs, sans s’expliquer, Simpl. In Phys. 33,8 et 159,15 || Åρα E 1L Vat. gr. 258 (H in hoc
semblent lui conférer une valeur explétive redoublant λ¾γοv. Se- loco non jam legitur) P l ut. ibid. ÁρB Simpl. In Phys. 33,8 (cod.
lon moi, il s’agirait d’une expression absolue du type äv οÏτωv F) : ÁρAν FJVMW et fort. H
ε®πεEν (cf. LSJ, s. v. φηµι, II 6). Ar. soulignerait, dans une sorte . unayn Gal en. ibid. Simpl. (codd. DE
et Aldina) et 159,15 (consensus) || ν πAσιν : µπAσιν J fort.
d’aparté, le paradoxe qu’il y a à reconnaître l’adéquation d’un recte || 22 δνοφοντ E 1 P l ut. ibid. (codd. gX) Simplicius in
postulat général (Îπ¾θεσιv) et de l’une de ses formulations histo- utroque ad v. 21 citato loco : δνοφ¾εντ FJ 1VM P l ut. (cod. Π ) :
riques. Mais l’incapacité d’Anaxagore (cf. 14a 13) à reconnaître ζοφ¾εντ HL γνοφ¾εντ W ζοφοντ J 2 || øιγαλον τε : øιγαλοντα L
les implications terminologiques de son hypothèse justifie sa || π E 1L : περ FHJVMW || 23 γενσθαι ELM : γ¬νεσθαι FHJVW
présente remarque à propos des Empédocléens. || 26 λλο¬ωσιν E a. c. || « FJVWM : ELH Philop. l || ε ...
4-13. Voir Notes complémentaires, p. 92-96. Îποθετον : Îποθετον εµναι τοEv ναντ¬οιv H : ε ντ¬οιv Îποθετον E.
aux contraires, que le changement se produise selon le lieu, θετον Ïλην, ν τε µεταàλλ| κατ τ¾πον, ν τε κατL
selon l’augmentation-diminution ou selon l’altération. En αÑξησιν κα φθ¬σιν, ν τε κατL λλο¬ωσιν. MΕτι δL Áµο¬ωv
outre 1, affirmer cette nécessité revient à affirmer celle de ναγκα´ον εµναι τοÖτο κα λλο¬ωσιν· ε°τε γρ λλο¬ωσ¬v
l’altération : si en effet l’altération se produit, alors le sub- στι, κα τ¿ Îποκ嬵ενον ν στοιχε´ον κα µ¬α πντων Ïλη 1 315a
strat est un élément unique et il y a une seule matière pour τéν χ¾ντων ε®v λληλα µεταàολν, κν ε® τ¿ Îποκ嬵ενον
tous les termes qui comportent un changement mutuel ; et ν, στιν λλο¬ωσιv.
si le substrat est un, il y a altération. ν, στιν λλο¬ωσιv. LΕµπεδοκλv µν ο×ν οικεν ναντ¬α λ-
Ainsi, Empédocle semble bien en contradiction avec les
γειν κα πρ¿v τ φαιν¾µενα κα πρ¿v αÎτ¿ν αÍτ¾v. IΑµα µν
phénomènes comme avec lui-même : tout en déniant 2 qu’un
γρ οÑ φησιν τερον ξ τρου γ¬νεσθαι τéν στοιχε¬ων οÍδν, 5
élément puisse jamais être engendré à partir d’un autre et en
λλ τλλα πντα κ τοËτων, µα δL Åταν ε®v ν συνα-
affirmant la génération de tout le reste à partir des éléments,
il pose, une fois qu’il a rassemblé en un être unique la nature γγ| τν πασαν φËσιν πλν τοÖ νε¬κουv, κ τοÖ ν¿v γ¬-
entière à l’exception de la discorde, que chaque chose est de γνεσθαι πλιν καστον. IΩστL ξ ν¾v τινοv δλον Åτι διαφορα´v
nouveau engendrée à partir de l’unité ; de sorte que manifes- τισι χωριζοµνων κα πθεσιν γνετο τ¿ µν Ïδωρ τ¿ δ
tement, c’est à partir d’un certain être unique, les choses se πÖρ, καθπερ λγει τ¿ν µν λιον λευκ¿ν κα θερµ¾ν, τν 10
séparant selon certaines différences et certaines affections, δ γν βαρÌ κα σκληρ¾ν· φαιρουµνων ο×ν τοËτων τéν δια-
qu’ont été engendrés l’eau ou le feu, tout comme le soleil φορéν (ε®σ γρ φαιρετα γεν¾µενα¬ γε) δλον äv νγκη
est selon lui blanc et chaud et la terre lourde et dure. Par γ¬γνεσθαι κα γν ξ Ïδατοv κα Ïδωρ κ γv, Áµο¬ωv δ
conséquent, ces différences étant supprimées (elles peuvent κα τéν λλων καστον, οÍ τ¾τε µ¾νον λλ κα νÖν, µετα-
en effet l’être, du moment qu’elles ont été produites), il est βλλοντ γε το´v πθεσιν. MΕστι δL ξ ëν ε°ρηκε δυνµενα 15
inévitable 3 que la terre soit engendrée à partir de l’eau, l’eau προσγ¬νεσθαι κα χωρ¬ζεσθαι πλιν, λλωv τε κα µαχο-
à partir de la terre et ainsi de suite pour chacun des autres µνων λλλοιv τι τοÖ νε¬κουv κα τv φιλ¬αv. ∆ι¾περ κα
éléments, non pas seulement alors, mais aussi maintenant 4, τ¾τε ξ ν¿v γεννθησαν· οÍ γρ δ, πÖρ γε κα γ κα
puisqu’il est avéré qu’ils changent par leurs affections. Et Ïδωρ Ãντα, ν ν τ¿ πν.
d’après ce qu’il a dit, elles sont capables de s’adjoindre et, à
Ïδωρ Ãντα, ν ν τ¿ πν. MΑδηλον δ κα π¾τερον ρ-
rebours, de se séparer, surtout quand la discorde et l’amour
χν αÍτô θετον τ¿ ν τ πολλ, λγω δ πÖρ κα γν 20
se combattent encore ; c’est justement la raison pour laquelle
il y eut alors engendrement à partir de l’unité — car assuré- κα τ σËστοιχα τοËτων. KΗι µν γρ äv Ïλη Îπ¾κειται, ξ
ment, pour peu qu’existassent le feu et la terre et l’eau 5, le οØ µεταàλλοντα δι τν κ¬νησιν γ¬νονται γ κα πÖρ, τ¿
Tout n’était pas un 6.
Mais 7 on ne voit pas bien non plus s’il lui faut poser 27-28 ν τε κατL ... φθ¬σιν om. E || 315a 1 µ¬α FL || 2 ε® :
ª W || 4 αυτ¿ν F || αÍτ¿v om. E || 5 οÑ om. V || ξ τρου
comme principe l’unité ou le multiple, c’est-à-dire le feu, τερον V || 6-7 συναγγ| : συνγ| W || 7 πασαν : πAσαν W || 9
la terre et les éléments qui leur font face 8 : en ce qu’on pose τ¿ pr. om. J 1 || 12 γεν¾µενα¬ FHJVLE 1 : γιγν¾µενα¬ W γιν¾µενα¬
l’unité comme une matière, à partir de quoi, par un change- M || äv om. E || 16 προσγενσθαι J 1 || 18 γενθησαν W || γε
ment opéré au moyen du mouvement, naissent terre et feu, om. F Philop. l || 20 αÍτG : αÍτFν HLW αÍτ F p. c. || τ πολλ
τ¿ ν F || τ¿ πÖρ κα τν γCν W || κα om. F || 22 γ¬γνεται FV
1
|| γC κα πÖρ FJVW H . unayn : πÖρ κα γC FL γC κα τ¿ Ïδωρ E γC
1-8. Voir Notes complémentaires, p. 96-97. κα Ïδωρ E 2 γC κα πÖρ κα τ¿ Ïδωρ M.
l’unité est élémentaire ; mais en ce que celle-ci naît d’une as- ν στοιχε´ον· « δ τοÖτο µν κ συνθσεωv γ¬γνεται συνι¾ντων
sociation due à leur rassemblement et qu’ils naissent quant à κε¬νων, κε´να δL κ διαλËσεωv, στοιχειωδστερα κε´να κα
eux de sa dissolution, ils sont plus élémentaires et antérieurs πρ¾τερα τν φËσιν. 25
par nature.
2. IΟλωv τε δ περ γενσεωv κα φθορv τv πλv
<Chapitre 2> λεκτον, π¾τερον στιν οÍκ στι κα πév στιν, κα περ τv
λλαv κινσειv, ο¶ον περ αÍξσεωv κα λλοιÞ-
Excellence de C’est donc de la façon la plus géné-
σεωv. Πλτων µν ο×ν µ¾νον περ γενσεωv σκψατο κα
Démocrite et rale 1 qu’il nous faut examiner génération
φθορv, πév Îπρχει το´v πργµασι, κα περ γενσεωv 30
Leucippe, plan et corruption absolues — existent-elles,
οÍ πσηv λλ τv τéν στοιχε¬ων· πév δ σρκεv Àστ
n’existent-elles pas, et comment ? —,
du traité. τéν λλων τι τéν τοιοËτων, οÍδν· τι οÍδ περ λλοιÞσεωv
ainsi que les autres mouvements 2, comme
ceux d’augmentation et d’altération. Pour ce qui concerne οÍδ περ αÍξσεωv, τ¬να τρ¾πον Îπρχουσι το´v πργµασιν.
Platon 3, son examen ne porta que sur la façon dont la géné- IΟλωv δ παρ τ πιπολv περ οÍδεν¿v οÍδεv πστησεν ξω
ration et la corruption se produisent dans les choses ; encore ∆ηµοκρ¬του. ΟØτοv δL οικε µν περ πντων φροντ¬σαι, δη 35
n’a-t-il pas examiné la génération tout entière, mais seule- δ ν τô πév διαφρειν. ΟÑτε γρ περ αÍξσεωv οÍδεv οÍδν 1 315b
ment celle des éléments : sur la manière dont naissent les διÞρικεν, èσπερ λγοµεν, Å τι µ κν Á τυχáν ε°πειεν,
chairs, les os et les corps semblables, pas un mot ; rien non Åτι προσι¾ντοv αÍξνονται τô Áµο¬} (πév δ τοÖτο, οÍκτι),
plus, ni sur l’altération ni sur l’augmentation, se rapportant à οÍδ περ µ¬ξεωv, οÍδ περ τéν λλων äv ε®πε´ν οÍδεν¾v, ο¶ον
la façon dont elles se produisent dans les choses 4. Mais d’une τοÖ ποιε´ν τοÖ πσχειν, τ¬να τρ¾πον τ¿ µν ποιε´ τ¿ δ 5
manière générale, personne n’a consacré à ce sujet autre πσχει τv φυσικv ποισειv. ∆ηµ¾κριτοv δ κα ΛεËκιπ-
chose qu’une étude superficielle, hormis Démocrite qui, lui, ποv ποισαντεv τ σχµατα τν λλο¬ωσιν κα τν γνεσιν
paraît bien avoir médité sur la totalité des problèmes, et dont
les solutions se distinguaient dès l’époque. Car nul, comme
nous le disons, ne s’est risqué à la moindre définition de
l’augmentation, si ce n’est par ce qu’en pourrait dire le pre-
mier venu, que les choses croissent par le semblable à la 23 γ¬γνονται E || 24 κεEνα : τ ττταρα κεEνα F || 26 κα : τε
faveur d’une agrégation : sur la manière selon laquelle ce κα W || 27 πFv : Åπωv M || 27-28 τv λλαv FHJVLW Philop. l :
processus s’accomplit, on ne trouve plus rien ; rien non plus τv λλαv πλAv E 1M H 1 1
. unayn || 28 ο¶ον om. J : ο¶ον κα E ||
sur la mixtion, ni pour ainsi dire sur aucun des autres thèmes περ om. W || 29 µ¾νον om. FH || 29-30 κα φθορAv σκψατο L
qui nous importent ; par exemple, concernant l’agir et l’être- || 30 πFv HJVW : Åπωv FELM || 31 τFν πντων στοιχε¬ων F ||
32 τι om. W || οÍδν : οÍδαµFv H || οÍδ om. E : οÑτε δ F: οÑτε
affecté, selon quel mode telle chose agit et telle autre subit LW || 32-33 αÍξσεωv οÍδ λλο¬ωσεωv E(a. c.)M || 33 οÑτε
les actions naturelles. Mais Démocrite et Leucippe 5, après FLW || 35 δL οικε : δ δοκεE H || πντων : πντων W || 315b 1
avoir conçu les figures, produisent à partir d’elles altération διαφρει FHL || οÍδν : οÍδ H || 2 διÞρικεν EW : διÞρισεν FHJVL
ε°ρηκεν M || Á τυχáν FHJ 1VLW : Á µ τυχáν EJ 2M || ε°πειεν JV :
ε°ποιεν ELFHW ε°ποι M (correctura Constantini Lascareos ?) ||
4 µ¬ξεωv : µ¬ξεων J 2 || 5 τοÖ : κα W || τοÖ sec. om. F || 7
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 97-99. τν γνεσιν κα τν λλο¬ωσιν W.
et génération — au moyen de la dissociation et de l’associa- κ τοËτων ποιοÖσι, διακρ¬σει µν κα συγκρ¬σει γνεσιν κα
tion, la génération et la corruption, au moyen de l’ordre et de φθορν, τξει δ κα θσει λλο¬ωσιν. LΕπε δL ðοντο τ-
la position, l’altération. Or, la vérité étant selon eux dans le ληθv ν τô φα¬νεσθαι, ναντ¬α δ κα πειρα τ φαιν¾- 10
paraître et les apparences contraires et infinies, ils ont conçu µενα, τ σχµατα πειρα πο¬ησαν, èστε τα´v µεταàο-
infini le nombre de leurs figures ; ainsi, par les changements λα´v τοÖ συγκειµνου τ¿ αÍτ¿ ναντ¬ον δοκε´ν λλ} κα λλ},
du composé, la même chose semble contraire à deux per- κα µετακινε´σθαι µικροÖ µµιγνυµνου κα Åλωv τερον
sonnes différentes et, par l’insertion d’un petit élément, elle φα¬νεσθαι ν¿v µετακινηθντοv· κ τéν αÍτéν γρ τραγ}δ¬α
est bouleversée, de même qu’elle paraît radicalement diffé-
κα τρυγ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων. 15
rente si un seul de ses éléments est bouleversé 1 — car des
κα τρυγ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων. LΕπε δ δοκε´ σχεδ¿ν
mêmes lettres naissent « tragédie » et « trugédie » 2.
πσιν τερον εµναι γνεσιv κα λλο¬ωσιv, κα γ¬νεσθαι µν
Génération et Mais puisque presque tout le monde est κα φθε¬ρεσθαι συγκριν¾µενα κα διακριν¾µενα, λλοιοÖσθαι
association. ainsi d’avis que la génération et l’altéra-
δ µεταàαλλ¾ντων τéν παθηµτων, περ τοËτων πιστσασι
tion sont deux choses différentes, que les
θεωρητον. LΑπορ¬αv γρ χει ταÖτα κα πολλv κα εÍλ¾-
processus de génération et de corruption reviennent à l’as-
γουv. Ε® µν γρ στι σËγκρισιv γνεσιv, πολλ δËνατα 20
sociation et à la dissociation, tandis que celui d’altération
passe par un changement des affections, c’est sur ces ob- συµàα¬νει· ε®σ δL α× λ¾γοι τεροι ναγκαστικο κα οÍκ εÑ-
jets qu’il nous faut concentrer notre analyse. Ils recouvrent ποροι διαλËειν äv οÍκ νδχεται λλωv χειν. Ε°τε µ στι
en effet des apories à la fois nombreuses et fondées en σËγκρισιv γνεσιv, Åλωv οÍκ στι γνεσιv, λλο¬ωσιv,
raison : si d’une part la génération est association, de nom- κα τοÖτο διαλÖσαι, χαλεπ¿ν Ãν, πειρατον.
breuses impossibilités découlent aussitôt ; mais à l’inverse, κα τοÖτο διαλÖσαι, χαλεπ¿ν Ãν, πειρατον. LΑρχ δ
il y a d’autres arguments contraignants, et bien peu faciles τοËτων πντων, π¾τερον οÏτω γ¬νεται κα λλοιοÖται κα αÍ- 25
à résoudre, qui établissent l’impossibilité qu’il en aille au-
trement : si la génération n’est pas une association, ou bien 9-10 τ¿ ληθv J 1V || 11 πο¬ησεν M || 12 δοκεE EM
la génération n’existe absolument pas, ou bien elle revient à || λλ} κα λλ} fort. delendum vel in λλοτε κα λλοτε
l’altération ; ou alors, ce point aussi, tout difficile que cela corrigendum : λλο κα λλο W κα λλ} om. L || 13
puisse être, il faut tenter de le résoudre 3. µµιγνυµνου : γγινοµνου F || 14-15 κ τFν αÍτFν γρ τραγ}δ¬α
κα τρυγ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων scripsi e coniectura M.L. West
Critique de Au fondement de toutes ces difficultés, il y versione arabo-hebraica (punctuatio et atramentum fiunt ex uerbo
l’atomisme. a la question de savoir si les êtres sont en- uno eodem) confirmata (cf. Rashed) : κ τFν αÍτFν γρ τραγ}δ¬α
gendrés, s’altèrent, augmentent et subissent κα κωµ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων ELM versio arabo-latina et
Averroes κ τFν αÍτFν γρ τραγ}δ¬α γ¬νεται κα κωµ}δ¬α γραµµτων
les processus contraires du fait de l’existence de grandeurs
HJVW κ τFν αÍτFν γρ κωµ}δ¬α κα τραγ}δ¬α γ¬νεται γραµµτων F
Philop. l || 15 πε δ : τι E 1 || 15-16 σχεδ¿ν πAσιν : πAσι σχεδ¿ν
FL Philop. l || 16 γνεσιν κα λλο¬ωσιν F || κα γ¬νεσθαι µν ELM
1
H. unayn : γ¬νεσθαι µν γρ FHJVW || 18 πιστσασι : πιστCσαι J
Îποστσασι W || 19 γρ om. J 1 || 20 πολλ κα δËνατα W || 21
δL α× : δL ο×ν J 1 || λ¾γοι τεροι ELMWF : τεροι λ¾γοι HJV || κα
οÍκ εÑποροι διαλËειν post 22 χειν ponit H || 22 διαλËεσθαι V ||
Ε°τε : ε° γε W || 23 στι : σται J || 24 : ε® V ε® FL || Ãν om.
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 99-100. EJ 2 : Ä H || 25 πντων FLW || οÏτω : ρα H.
premières indivisibles, ou s’il n’existe aucune grandeur in- ξνεται τ Ãντα κα τναντ¬α τοËτοιv πσχει, τéν πρÞτων
divisible 1. La différence est en effet majeure. Et de plus, si Îπαρχ¾ντων µεγεθéν διαιρτων, οÍθν στι µγεθοv δια¬-
grandeurs il y a, celles-ci sont-elles, comme le pensent Démo- ρετον· διαφρει γρ τοÖτο πλε´στον. Κα πλιν ε® µεγθη,
crite et Leucippe, des corps, ou bien, comme dans le Timée 2, π¾τερον, äv ∆ηµ¾κριτοv κα ΛεËκιπποv, σÞµατα ταÖτL
des surfaces ? Cette dernière théorie — qui pousse la division στ¬ν, èσπερ ν τô Τιµα¬} π¬πεδα ; ΤοÖτο µν ο×ν αÍτ¾, 30
jusqu’aux surfaces —, comme nous l’avons dit en d’autres καθπερ κα ν λλοιv ε®ρκαµεν, λογον µχρι πιπδων
lieux 3, est absurde dans les termes. Ainsi, il est davantage διαλÖσαι. ∆ι¿ µλλον εÑλογον σÞµατα εµναι δια¬ρετα.
fondé en raison que les indivisibles soient des corps, mais
LΑλλ κα ταÖτα πολλν χει λογ¬αν. IΟµωv δ τοËτοιv
cela également donne lieu à de nombreuses absurdités. À
λλο¬ωσιν κα γνεσιν νδχεται ποιε´ν [καθπερ ε°ρηται],
l’aide de ces corps, cependant, il leur est possible de rendre
τροπ© κα διαθιγ© µετακινοÖντα τ¿ αÍτ¿ κα τα´v τéν σχη- 35
compte de l’altération et de la génération, en soumettant
le même objet à un bouleversement par « tournure » et par µτων διαφορα´v, Åπερ ποιε´ ∆ηµ¾κριτοv· δι¿ κα χροιν 1 316a
« arrangement » et grâce aux différences des figures 4 (et c’est οÑ φησιν εµναι, τροπ© γρ χρωµατ¬ζεσθαι. Το´v δL ε®v π¬-
bien ce que fait Démocrite, qui dit pour cette raison que la πεδα διαιροÖσιν οÍκτι· οÍδν γρ γ¬νεται πλν στερε συντι-
couleur n’existe pas : c’est selon lui « par tournure » qu’il y θεµνων· πθοv γρ οÍδL γχειροÖσι γεννν οÍδν ξ αÍτéν.
a coloration 5). Mais ceux qui poussent la division jusqu’aux Α°τιον δ τοÖ πL λαττον δËνασθαι τ Áµολογο˵ενα συνορν 5
surfaces ne peuvent plus alors rien faire. Car rien ne sort de πειρ¬α. ∆ι¿ Åσοι ν}κκασι µλλον ν το´v φυσικο´v
la composition des surfaces, si ce n’est des solides ; de fait, µλλον δËνανται Îποτ¬θεσθαι τοιαËταv ρχv α³ π πολÌ
ils n’entreprennent pas non plus d’engendrer la moindre af- δËνανται συνε¬ρειν· ο¯ δL κ τéν λ¾γων πολλéν θεÞρητοι
fection à partir d’elles 6. τéν Îπαρχ¾ντων Ãντεv, πρ¿v Àλ¬γα βλψαντεv, ποφα¬νον-
La raison de cette relative incapacité à embrasser les faits ται øον. MΙδοι δL ν τιv κα κ τοËτων Åσον διαφρουσιν ο¯ 10
reconnus d’un seul regard, c’est l’absence de pratique 7 ; φυσικév κα λογικév σκοποÖντεv· περ γρ τοÖ τοµα εµναι
c’est la raison pour laquelle tous ceux qui sont davantage
chez eux dans les questions physiques parviennent mieux
à poser des principes pouvant relier entre eux un grand
nombre de faits ; quant aux autres, demeurant, au terme
27 οÍδν V || 28 µεγθη τοµα V || 29 π¾τερον : πρ¾τερον E
de leurs discours 8 pléthoriques, insoucieux de l’observation || 29-30 ταÖτL στ¬ν om. H || 30 αÍτ¾ om. LW || 31 κα om. F
des réalités concrètes — et n’ayant jeté les yeux que sur une || λογον : τοπον F || 32 εµναι σÞµατα W || 33 ŵωv LMWFHV
1 1
minorité d’entre elles — ils ont trop beau jeu dans leurs dé- H. unayn : Áµο¬ωv E J || τοËτοιv : τοËτων F || 34 καθπερ ε°ρηται
clarations. On constate ici encore tout ce qui sépare l’examen non habent ELW H . unayn : hab. FHJV èσπερ ε°ρηται M || 35
physique de l’examen logique. Quant à l’existence de gran- τροπD : θσει J 2 || διαθιγD FHVMW Philop. l+c : διαθειγD E 1 ut
vid. διαθηγD LJ || 316a 1 χροιν ELMF : χροιν HJVW || 2
deurs atomiques, les uns disent que le Triangle en Soi sera φασιν F || 3-4 συντιθεµνων κατ πλτοv LM || 4 γχωροÖσι L ||
6 συν}κκασι LM et fort. J 2 || ν om. W || 7 µAλλον om. W
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 100-101. || τv τοιαËταv F || α³ om. E : α¶v FME 2 utramque lectionem
6. Cf., pour résumer, DC III 1, 299a 17-18 : « nombreux agnovit Philop. || π om. F || 8 δËναται J 1 || ο¯ : οÍ W ||
sont les caractères qui ne peuvent appartenir aux indivisibles, λ¾γων π¾λλων EJ 1 : πολλFν λ¾γων FVLW λλων λ¾γων H λ¾γων M
mais appartiennent obligatoirement aux êtres physiques ». Philop. l || 9 ποφα¬νονται : πεκρ¬ναντο L || 10 Åσων E Åσ} LW
7-8. Voir Notes complémentaires, p. 101. || 11 γρ : δ W || 11-12 εµναι τ µεγθη EM H . unayn fort. recte.
multitude 1, tandis que Démocrite paraît s’en remettre à des µεγθη ο¯ µν φασι δι¾τι αÍτ¿ τ¿ τρ¬γωνον πολλ σται,
arguments appropriés, physiques en l’occurrence. Mais ce ∆ηµ¾κριτοv δL ν φανε¬η ο®κε¬οιv κα φυσικο´v λ¾γοιv πε-
que nous disons s’éclaircira quand nous avancerons. πε´σθαι. ∆λον δL σται Ä λγοµεν προιοÖσιν.
L’argument Il y a de fait une aporie 2 à poser un corps ou πε´σθαι. ∆λον δL σται Ä λγοµεν προιοÖσιν. MΕχει γρ πο-
atomiste. une grandeur partout divisible et à poser la ρ¬αν, ε° τιv θσει σéµ τι εµναι κα µγεθοv πντ| διαιρε- 15
possibilité effective 3 de cette division 4. Car τ¾ν, κα τοÖτο δυνατ¾ν. Τ¬ γρ σται Åπερ τν δια¬ρεσιν δια-
qu’est-ce qui pourra bien échapper à la division 5 ? Si, en φεËγει ; ε® γρ πντ| διαιρετ¾ν, κα τοÖτο δυνατ¾ν, κν
effet, le corps est partout divisible et que cette possibilité µα ε°η τοÖτο πντ| δι|ρηµνον, κα ε® µ µα δι¡ρηται·
soit effective 6, il se trouverait simultanément aussi partout κν ε® τοÖτο γνοιτο, οÍδν ν ε°η δËνατον. ΟÍκοÖν κα κατ
divisé, même si la division n’a pas eu lieu simultanément µσον äσαËτωv, κα Åλωv δ, ε® πντ| πφυκε διαιρετ¾ν, 20
(et même si cela avait été le cas, il n’y aurait rien d’impos- ν διαιρεθ©, οÍδν σται δËνατον γεγον¾v, πε οÍδL ν
sible). Qu’il s’agisse par conséquent aussi bien d’un procédé
µυρ¬α µυρικιv δι|ρηµνα ª, οÍδν δËνατον· κα¬τοι °σωv
par moitiés que de tout autre type, si le corps est par nature
οÍδεv ν διλοι.
partout divisible, nulle impossibilité à ce qu’il soit divisé,
οÍδεv ν διλοι. LΕπε το¬νυν πντ| τοιοÖτ¾ν στι τ¿ σéµα,
puisque même s’il y avait des choses divisées dix mille fois
dix mille fois 7, il n’y aurait rien d’impossible — et peu im- δι|ρσθω. Τ¬ ο×ν σται λοιπ¾ν ; µγεθοv οÍ γρ ο¶¾ν τε· σται
porte que personne n’ait sans doute la capacité d’effectuer γρ τι οÍ δι|ρηµνον, ν δ πντ| διαιρετ¾ν. LΑλλ µν ε® 25
une telle division. µηδν σται σéµα µηδ µγεθοv, δια¬ρεσιv δL σται, κ
Puis donc que le corps a partout 8 cette propriété, qu’il στιγµéν σται, κα µεγθη ξ ëν σËγκειται, οÍδν παν-
soit divisé. Que restera-t-il donc ? Une grandeur, c’est en ef- τπασιν, èστε κν γ¬νοιτο κ µηδεν¿v κν ε°η συγκ嬵ενον,
fet impossible : ce serait en effet quelque chose de non-divisé,
or le corps, avons-nous dit, est partout divisible. Pourtant, 12 φασιν : οÍ φασ J 1 || φασι δι¾τι FHJVLW Philop. l : φασιν Åτι
s’il ne subsiste ni corps ni grandeur mais seulement la di- EM || αÍτ¿ τ¿ τρ¬γωνον EM : τ¿ αÍτ¿ τρ¬γωνον JV : τ¿ αÍτοτρ¬γωνον
vision 9, le corps sera ou bien fait à partir de points, et les FHLW Philop. l+c || 13 ο®κε¬ωv L || 14 γρ ELMWF : δ HJ 1V
|| 15 θσει Philop. l fort. H . unayn (ponat Gerardus) : φσει EM
choses qui en seront composées seront sans grandeur, ou θε¬η FHJVLW || 16 κα τοÖτο δυνατ¾ν add. E 3 || Åπερ : παρ EW
bien il ne sera rien du tout, de sorte qu’il pourrait bien n’être H 1
. unayn || διαφεËγειν E διαφυγD M Ä διαφεËγει W H . unayn ||
engendré de rien ni n’être composé de rien — et le tout quant 17 κν : κα E || 18 ε°η τοÖτο : τοÖτο ε°η M ε°η τοÖτο πντ| F ε°η
Philop. l || κα : κν W || 19 ε® om. H || γνηται FH || 20
µσον E 1M Philop. l+c : τ¿ µσον FHJVWL || κα Åλωv δ : Åλωv
τε W || πφυκε om. W || 21 ν prius : κν FLW || διαιρεθε¬η
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 101-104. F || 22 µυρ¬α µυρικιv F 1 : µυρικιv EM ε®v µυρ¬α µυρικιv HLW
3. Ma traduction est loin du texte. Ar. se borne à quali- Bekker Prantl Joachim Mugler ε® µυρικιv J 1 ε® µυρ¬α J 2 ε® µυρ¬α
fier la divisibilité de possible (δυνατ¾ν). Il signifie par là que la µυρικιv V ε®v µυρκιv F 2 || δι|ρηµνα ª ELMWHJV : ε°η δι|ρηµνα
division devra pouvoir s’accompagner d’une disjonction effec- F δι|ρηµνα διαιρεθD proposuit Joachim || 22 κα¬τοι γL °σωv W
tive : on pourra isoler spatialement chaque objet « divisible ». Cf. || 24 τ¬ ο×ν σται λοιπ¾ν ; µγεθοv οÍ γρ ο¶¾ν τε scripsi (cf. Bonitz
Schramm, op. cit., p. 249-250. Index p. 147b 3-12 : γρ interdum non ipsi primo enunciati vocabulo
4-8. Voir Notes complémentaires, p. 104-106. postponitur) : τ¬ ο×ν, σται λοιπ¿ν µγεθοv ; οÍ γρ ο¶¾ν τε scripseris
9. Ici, la « division » signifie le lieu où s’exerce l’action de τ¬ ο×ν σται λοιπ¿ν µγεθοv ; οÍ γρ ο¶¾ν τε plerique mss. et prop. D.
diviser. Sedley fort. recte τ¬ ο×ν σται λοιπ¾ν ; µγεθοv ; οÍ γρ ο¶¾ν τε edd.
à lui ne sera rien d’autre qu’une apparence. Et pareillement, κα τ¿ πν δ οÍδν λλ φαιν¾µενον. HΟµο¬ωv δ κν ª
même s’il est composé de points, ce ne sera pas une quan- κ στιγµéν, οÍκ σται ποσ¾ν. HΟπ¾τε γρ πτοντο κα ν ν 30
tité 1. Quand en effet ils se touchaient, que la grandeur était µγεθοv κα µα σαν, οÍδν πο¬ουν µε´ζον τ¿ πν. ∆ιαι-
une et qu’ils étaient ensemble, ils ne rendaient en rien le tout ρεθντοv γρ ε®v δËο κα πλε¬ω, οÍδν λαττον οÍδ µε´ζον τ¿
plus grand. Qu’il y ait donc division en deux, voire en plu- πν τοÖ πρ¾τερον, èστε κν πσαι συντεθéσιν, οÍδν ποισουσι
sieurs parties, le tout n’est pas plus grand que le précédent ; µγεθοv. LΑλλ µν κα ε° τι διαιρουµνου ο¶ον κπρισµα
aussi, qu’on mette tous les points ensemble, ils ne donne- γ¬νεται τοÖ σÞµατοv, κα οÏτωv κ τοÖ µεγθουv σéµ τι 1 316b
ront aucune grandeur. Toutefois, même si, au moment de
πρχεται, Á αÍτ¿v λ¾γοv· κε´ν¾ πωv διαιρετ¾ν. Ε® δ µ
la division, quelque chose comme une sciure est engendré à
σéµα λλL εµδ¾v τι χωριστ¿ν πθοv πλθεν, κα¬ στι
partir du corps — et qu’ainsi une sorte de corps se détache
τ¿ µγεθοv στιγµα φα τοδ παθοÖσαι, τοπον κ µ
de la grandeur —, l’argument reste identique : cette sorte
de corps est en effet divisible en quelque manière. Et si ce µεγεθéν µγεθοv εµναι. 5
n’est pas un corps qui s’est détaché, mais quelque forme sé- µεγεθéν µγεθοv εµναι. MΕτι δ που σονται, κα κ¬νητοι
parée ou quelque affection, et que la grandeur revienne à des κινο˵εναι α¯ στιγµα¬· φ τε ε µ¬α δυο´ν τινων, äv
points ou à des contacts affectés de telle façon précise, il est Ãντοv τιν¿v παρ τν φν κα τν δια¬ρεσιν κα τν στιγ-
absurde que de non-grandeurs provienne une grandeur. µν. Ε® δ τιv θσεται ÁτιοÖν ÁπηλικονοÖν σéµα εµναι πντ|
En outre, ces points seront quelque part 2, et ils seront im- διαιρετ¾ν, ταÖτα συµàα¬νει.
mobiles ou en mouvement 3. Et un contact unique a toujours διαιρετ¾ν, ταÖτα συµàα¬νει. MΕτι ν διελáν συνθé
lieu entre deux choses, ce qui montre bien qu’il y a quelque τ¿ ξËλον τι λλο, πλιν °σον τε κα ν. ΟÍκοÖν οÏτωv χει 10
chose à côté du contact, de la division et du point 4. Si l’on δηλον¾τι κν τµω τ¿ ξËλον καθL ÁτιοÖν σηµε´ον. Πντ| ρα
pose un corps quelconque, ou plutôt d’une grandeur quel- δι¡ρηται δυνµει. Τ¬ ο×ν στι παρ τν δια¬ρεσιν ; ε® γρ κα
conque, comme étant partout divisible, voilà donc ce qui se στι τι πθοv, λλ πév ε®v ταÖτα διαλËεται κα γ¬νεται
produit. κ τοËτων ; πév χωρ¬ζεται ταÖτα ;
En outre, si, après avoir divisé du bois ou n’importe quoi κ τοËτων ; πév χωρ¬ζεται ταÖτα ; IΩστL ε°περ δËνατον
d’autre, je le recompose, il redevient égal et un ; donc, il
ξ φéν στιγµéν εµναι τ µεγθη, νγκη εµναι σÞµατα 15
en va bien évidemment ainsi même si je coupe le bois en
n’importe lequel de ses points. Il est donc partout divisé 29 λλ EMHJ 1V : λλL FLW || ª om. EMW fort. recte
potentiellement. Qu’y a-t-il donc à côté de la division 5 ? || 30 στι L || 30-31 ν ν µγεθοv J 1 ν µγεθοv V ν µεγθει H
Même si c’est quelque affection, comment la division a-t-elle || 31 οÍδν : κα οÍδν W || 32 κα Philop. l || πλε¬ω HJ 1VL
fait pour aboutir à ces choses-là, et comment peut-il bien Philop. l+c : πλε¬ουv EMJ 2WF || 33 προτρου F || ποιοÖσι F ||
y avoir génération à partir de là ? Comment ces affections 316b 1 τοÖ sec. om. F || 2 κεEν¾ : κεEνο γρ F || πωv διαιρετ¾ν.
scripsi D. Sedley monente : πFv διαιρετ¾ν ; edd. || 3 οÍ χωριστ¿ν
deviennent-elles des réalités séparées ?
J 2W utramque lectionem agnovit Philop. || post πθοv add. Ä
De sorte que s’il est impossible que les grandeurs soient HJ 2VW et in marg. F || 4 στιγµα Âν JE 2 || τοπον ELMWF :
composées de contacts ou de points, il est obligatoire qu’il y τοπον µν τ¿ HJ 1V || κ µ : µ κ H || 5 κα om. W || : κα
ait des corps et des grandeurs indivisibles. M || 6 µ¬α ε W || τινοEν FJ 2VW τ¬ νυν ut vid. J 1 || 8 ÁτιοÖν
θσεται FLW || om. EL || Áπηλ¬κον E πηλ¬κον M || 9 πντα
ταÖτα L || ν : ν E || 10 : ε® J || λλο τι W || τε om. J 2 ||
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 106-108. 11 κν τµω om. E || ρα om. M || 13 σται H || 15 φFν
om. F φFν κ W.
Esquisse d’une Ceux qui toutefois affirment cette δια¬ρετα κα µεγθη.
solution : l’argument thèse n’en doivent pas moins faire δια¬ρετα κα µεγθη. ΟÍ µν λλ κα ταÖτα θεµνοιv
atomiste rénové. face à des impossibilités ; on les a οÍχ ττον συµàα¬νει δËνατα. MΕσκεπται δ περ αÍτéν ν
envisagées ailleurs 1, mais il faut τροιv, λλ ταÖτα πειρατον λËειν· δι¿ πλιν ξ ρχv
essayer maintenant de les résoudre, en reprenant l’aporie τν πορ¬αν λεκτον. Τ¿ µν ο×ν παν σéµα α®σθητ¿ν εµναι
à son fondement. Que 2 tout corps perceptible 3 soit divisible διαιρετ¿ν καθL ÁτιοÖν σηµε´ον κα δια¬ρετον οÍδν τοπον· τ¿ 20
en chacun de ses points et indivisible n’a rien d’absurde : µν γρ δυνµει, τ¿ δL ντελεχε¬{ Îπρξει. Τ¿
la première affirmation se vérifiera selon la puissance 4, la
δL εµναι µα πντ| διαιρετ¿ν δυνµει δËνατον δ¾ξειεν ν
seconde selon l’acte. Mais qu’il soit, en puissance, divisible
εµναι. Ε® γρ δυνατ¾ν, κν γνοιτο (οÍχ èστε µα εµναι
partout simultanément, voilà qui au premier abord paraît
µφω ντελεχε¬{ δια¬ρετον κα δι|ρηµνον, λλ δι|ρη-
impossible. Si de fait c’était possible 5, alors cela pourrait
aussi se réaliser (non pas en sorte qu’on ait les deux à la fois µνον καθL ÁτιοÖν σηµε´ον). ΟÍδν ρα σται λοιπ¾ν, κα ε®v 25
en acte, indivisible et divisé, mais qu’il y ait eu division en σÞµατον φθαρµνον τ¿ σéµα, κα γ¬γνοιτο δL ν πλιν
chaque point 6) : rien dès lors ne subsistera, le corps se dis- τοι κ στιγµéν Åλωv ξ οÍδεν¾v. Κα τοÖτο πév δυνατ¾ν ;
soudra dans l’incorporel et, en sens inverse, il pourra même λλ µν Åτι γε διαιρε´ται ε®v χωριστ κα ε ε®v λττω
être composé de points, voire de rien. Et cela, comment µεγθη κα ε®v πχοντα κα κεχωρισµνα, φανερ¾ν. ΟÑτε
serait-ce possible ? Pourtant, il est bel et bien manifeste que δ κατ µροv διαιροÖντι ε°η ν πειροv θρËψιv, οÑτε µα 30
le corps se divise en grandeurs séparables et toujours plus ο¶¾ν τε διαιρεθναι κατ πν σηµε´ον (οÍ γρ δυνατ¾ν),
petites, distinctes et séparées. Car non seulement, quand on λλ µχρι του. LΑνγκη ρα τοµα νυπρχειν µεγθη
divise par parties, le processus de désintégration ne saurait ¾ρατα, λλωv τε κα ε°περ σται γνεσιv κα φθορ
être infini, mais il est en outre exclu que le corps soit divisé µν διακρ¬σει δ συγκρ¬σει.
simultanément en chacun de ses points (c’est en effet impos- µν διακρ¬σει δ συγκρ¬σει. HΟ µν ο×ν ναγκζειν δοκéν
sible) : on s’arrête quelque part. Des grandeurs insécables λ¾γοv εµναι µεγθη τοµα οØτ¾v στιν· Åτι δ λανθνει πα- 1 317a
et invisibles existent donc nécessairement ; et cela d’autant
plus que la génération et la corruption passent par la disso-
16 οÍ µν λλ EM : λλ µν FHJVLW Philop. l || 16-17
ciation et l’association 7.
θεµνοιv οÍχ ττον om. E || 17 δËνατον FL || 19 λεκτον τν
Solution : l’acte Tel est donc le raisonnement qui πορ¬αν H || 21 post δυνµει add. διαιρετ¾ν ELMW non habent
semble contraindre à affirmer l’exis- FHJV H . unayn || 22 διαιρετ¿ν : διαιρετ¿ν κα δια¬ρετον W ||
et la puissance et le δυνµει suspicatus est Joachim et suppressit doctus Byzantinus
sens du « partout ». tence de grandeurs insécables. Di-
(fort. Georgius Cyprius) in Laur. 87.10 || 23 εµναι µα F ||
sons maintenant qu’il dissimule un
23-24 µφω εµναι W || 24 ντελεχε¬{ µφω FL || 25 δυνµει καθL
paralogisme 8 et où il le dissimule : puisqu’un point n’est F || ρα : τι M || σται λοιπ¿ν : λοιπ¾ν στι W || 26 γνοιτο
M Bekker || 27 κ τFν στιγµFν E || 28 γε om. W || διαιρεEται
ε®v : διαιρεEται ε ε®v H διαιρεEται κα ε®v M || ε om. W || 30
µροv : γνοv W µρη M || 31 ο¶¾ν τε : ο°ονται J 1 || οÍ γρ : οÍκ
1-4. Voir Notes complémentaires, p. 108. ρα E || 32 νυπρχειν µεγθη : µεγθη Îπρχειν Philop. c || 33
5. Ar. utilise donc dans la même démonstration, et à deux ατα... 34 συγ in litura rec. m. E || 33 φθορ κα γνεσιv M et fort.
lignes d’intervalle, ses deux définitions de la puissance. E : γνεσιv κα φθορ cett. H . unayn || 34 ναγκζων F || δοκFν
6-8. Voir Notes complémentaires, p. 108-109. om. F et post λ¾γοv pon. H Philop. l.
pas contigu à un point, la propriété d’être partout divisible ραλογιζ¾µενοv, κα « λανθνει, λγωµεν. LΕπε γρ οÍκ στι
appartient en un sens aux grandeurs, mais en un sens ne στιγµ στιγµv χοµνη, τ¿ πντ| εµναι διαιρετ¿ν στι
leur appartient pas. On croit, cela une fois posé, qu’il y a un äv Îπρχει το´v µεγθεσιν, στι δL äv οÑ. ∆οκε´ δL, Åταν τοÖτο
point à la fois n’importe où et partout, de sorte qu’il faut τεθ©, κα Áπ|οÖν κα πντ| στιγµν εµναι, èστL ναγκα´ον 5
absolument que la grandeur soit divisée jusqu’au rien — il y εµναι διαιρεθναι τ¿ µγεθοv ε®v µηδν· πντ| γρ εµναι
a en effet un point partout, de sorte qu’elle se compose de στιγµν, èστε ξ φéν κ στιγµéν εµναι. Τ¿ δL στιν äv
contacts ou de points. Îπρχει πντ|, Åτι µ¬α Áπ|οÖν στι, κα πσαι äv κστη·
Or que n’importe où, il y a un seul point et que tous les
πλε¬ουv δ µιv οÍκ ε®σ¬ν· φεξv γρ οÍκ ε®σ¬ν, èστL οÍ πντ|·
points sont comme chacun d’entre eux 1, cela, en un certain
ε® γρ κατ µσον διαιρετ¾ν, κα κατL χοµνην στιγµν 10
sens, se vérifie partout 2. En revanche, ils ne sont pas plus
σται διαιρετ¾ν· οÍ γρ στιν χ¾µενον σηµε´ον σηµε¬ου
d’un 3 (car les points ne sont pas consécutifs), de sorte qu’on
ne peut affirmer qu’ils sont partout (ce qui en effet signifierait στιγµ στιγµv. ΤοÖτο δL στ δια¬ρεσιv σËνθεσιv. IΩστL στι
que si un corps est divisible en son milieu, il se trouverait κα δικρισιv κα σËγκρισιv, λλL οÑτL ε®v τοµα κα ξ
aussi divisible en un point contigu à son milieu) ; car un τ¾µων (πολλ γρ τ δËνατα) οÑτε οÏτωv èστε πντ|
point n’est pas contigu à un autre point, ni une incision à δια¬ρεσιν γενσθαι (ε® γρ ν χοµνη στιγµ στιγµv, 15
une autre incision. Or cette contiguïté est le principe de la τοÖτL ν ν), λλL ε®v µικρ κα λττω στ¬, κα σËγκρι-
division et de la composition 4. Par conséquent, dissociation σιv ξ λαττ¾νων.
et association existent, mais non pas l’une vers des insécables σιv ξ λαττ¾νων. LΑλλL οÍχ πλ κα τελε¬α γνεσιv
et l’autre à partir d’insécables (les impossibilités sont en effet συγκρ¬σει κα διακρ¬σει èρισται, èv τινv φασιν, τν δL ν
nombreuses), ni en sorte que la division ait lieu partout (cela τô συνεχε´ µεταàολν λλο¬ωσιν. LΑλλ τοÖτL στιν ν ö
ne serait possible que si un point était contigu à un point) : la σφλλεται πντα. MΕστι γρ γνεσιv πλ κα φθορ οÍ 20
division conduit à des parties petites et toujours plus petites συγκρ¬σει κα διακρ¬σει, λλL Åταν µεταàλλ| κ τοÖδε
et l’association procède de parties plus petites 5. ε®v τ¾δε Åλον. Ο¯ δ ο°ονται λλο¬ωσιν πσαν εµναι τν
L’association Cependant, la génération absolue et com- τοιαËτην µεταàολν· τ¿ δ διαφρει· ν γρ τô Îποκει-
facilite la plète 6 ne se définit pas par l’association et
génération. la dissociation — contrairement à ce que
certains prétendent — pas davantage que 317a 2 λγοµεν V || 3 post στιν add. µν FHL δL W non
« le changement dans le continu est l’altération » 7. C’est de habent EMJV || 4 οÑ om. M || 5 κα πντ| ... 8 Áπ|οÖν om.
fait ici que toutes les théories chancèlent : la génération et L || 5 στιγµ JVM et ut vid. F || 6 εµναι prius om. FW || τ¿
la corruption absolues ne se ramènent pas à l’association et µγεθοv διαιρεθCναι J 2 || 8 Îπρχ| E || Åτι µ¬α πντ| Áπ|οÖν V ||
10 µσων H || κατL χοµνην : κατ µσην W || 11 διαιρετ¾ν· οÍ γρ
à la dissociation, mais ont lieu quand il y a un changement EMWFH Philop. c : διαιρετ¾ν· οÍχ δ· οÍ γρ JV διαιρετ¾ν· οÍκ στι
total de telle chose en telle autre 8. Mais eux pensent que δ, οÍ γρ coni. T.W. Allen ap. Joachim || σηµε¬ου σηµεEον V ||
tout changement de ce type n’est qu’une altération 9. Il y a 12 τοÖτο : τ¿ E 1 || : κα H || 13 δικρισιv κα σËγκρισιv E 1LM
l 1
cependant une différence : dans le sujet 10, il y a d’un côté H. unayn Philop. : inv. ord. FHJ VW || 14 δËνατα : τοπα H ||
15 γενσθαι FHJW : γε¬νεσθαι EM : γ¬γνεσθαι LV || 16 ν om. E
|| 17 ξ : κα ξ H || τελα J || 20 πλC om. J 2 || 21 µεταàλ|
κ τοιοÖδε ELM || 22 τ¾δε : τ¿ν τοι¾νδε E 1 τοι¾νδε M || πAσαν
1-10. Voir Notes complémentaires, p. 109-111. εµναι ELM (s. l. tamen scr. M) : εµναι πAσαν FHJVW.
la définition, et de l’autre la matière. Quand donc le chan- µν} τ¿ µν στι κατ τ¿ν λ¾γον, τ¿ δ κατ τν Ïλην.
gement a lieu à ces niveaux, on aura une génération ou une IΟταν µν ο×ν ν τοËτοιv ª µεταàολ, γνεσιv σται 25
corruption ; mais quand il a lieu selon les affections et selon φθορ, Åταν δL ν το´v πθεσι κα κατ συµàεàηκ¾v,
l’accident, on aura alors une altération 1. λλο¬ωσιv.
Toutefois, en se dissociant et en s’associant, les choses λλο¬ωσιv. ∆ιακριν¾µενα δ κα συγκριν¾µενα εÑφθαρτα
deviennent plus facilement corruptibles 2 — plus les gouttes γ¬νεται. LΕν γρ ε®v λττω Ïδατα διαιρεθ©, θττον
de pluie 3 sont divisées, plus vite elles se transforment en ρ γ¬νεται, κα ν συγκριθ©, βραδËτερον. Μλλον δL σται
air ; pour peu qu’elles soient associées les unes aux autres,
δλον ν το´v Ïστερον. ΝÖν δ τοσοÖτον διωρ¬σθω, Åτι δËνα- 30
le processus se fait plus lent. Cela s’éclaircira par la suite 4.
τον εµναι τν γνεσιν σËγκρισιν, ο²αν δ τινv φασιν.
Contentons-nous pour l’instant d’avoir déterminé que la
génération ne saurait être l’association comme certains l’af-
firment 5. 3. ∆ιωρισµνων δ τοËτων, πρéτον θεωρητον π¾τερ¾ν στ¬
τι γιν¾µενον πλév κα φθειρ¾µενον, κυρ¬ωv µν οÍδν,
<Chapitre 3> ε δL κ τινοv κα τ¬, λγω δL ο¶ον κ κµνοντοv Îγια´-
νον κα κµνον ξ Îγια¬νοντοv, µικρ¿ν κ µεγλου κα 35
La génération absolue Cela une fois examiné, il faut µγα κ µικροÖ, κα τλλα πντα τοÖτον τ¿ν τρ¾πον. 1 317b
et la génération en premier lieu étudier s’il y a µγα κ µικροÖ, κα τλλα πντα τοÖτον τ¿ν τρ¾πον. Ε®
relative : aperçu quelque chose d’engendré ou de γρ πλév σται γνεσιv, πλév ν τι γ¬νοιτο κ µ Ãντοv,
corrompu de façon absolue, ou èστL ληθv ν ε°η λγειν Åτι Îπρχει τισ τ¿ µ Ãν. Τv
des difficultés.
si au sens propre il n’y a rien de µν γρ γνεσιv κ µ Ãντοv τιν¾v, ο¶ον κ µ λευκοÖ
tel, tout provenant toujours de quelque chose pour devenir µ καλοÖ, δ πλ ξ πλév µ Ãντοv. Τ¿ δL πλév 5
quelque chose (par exemple, du malade provient le bien- τοι τ¿ πρéτον σηµα¬νει καθL κστην κατηγορ¬αν τοÖ Ãντοv,
portant et du bien-portant provient le malade, le petit du τ¿ καθ¾λου κα τ¿ πντα περιχον. Ε® µν ο×ν τ¿ πρé-
grand et le grand du petit, etc.) 6.
Si de fait il doit y avoir génération, entendue absolument,
24 τ µν H || στι τ¾δε κατ E 1 || 25 µν om. L || ο×ν om.
quelque chose pourrait bien être absolument engendré d’un
F || τοËτοιv : τοEv E 1 || ª µεταàολ : µεταàλλ| W || σται :
non-être, en sorte qu’il serait vrai de dire que le non-être στιν E 1LM || 27 συγκριν¾µενα δ κα διακριν¾µενα Philop. l || 28
est attribut de certaines choses. Car la génération relative post ν add. µν FHLW non habent EMJ 1V || γρ om. F ||
provient d’un non-être relatif, d’un non-blanc par exemple Ïδατα E 1LMW H 1
. unayn et Philop. ut. vid. : Îδτια FHJ V || 29
ou d’un non-beau, tandis que la génération absolue provient κα ν EM ( κν W) : ν δ FHJVL || 30 τοEv ε®v Ïστερον F ||
d’un non-être absolu. Or « absolu » signifie soit ce qui est pre- τοσοËτ} W || διορ¬σθω F || 31 τν γνεσιν εµναι E Philop. l ||
σËγκρισιν εµναι M || δ om. HJ 1V || 32 πρFτον om. W || 33 τι :
mier dans toute prédication de l’être, soit ce qui est général τ¿ LM τι τ¿ J 2 || 34 κα om. J 2 || ο¶ον om. E 1 || Îγια¬νοντοv
et qui englobe toutes choses 7. Dans le premier cas, on aura E 1 Îγια¬νων V || 35 κα κµνον E 1LM H . unayn : κµνον FHJW
κµνων V || 317b 1 πντα : πAν E 1 || 2 σται : στι W || τι
l 1
ELMWF Philop. H . unayn ut vid. : om. HJ V || 3 Åτι : äv W ||
1. Ar. reviendra sur cette différence dans tout le GC (cf., en l+c 1
Îπρχει τισ ELF Philop. : Îπρχει HJ VMW et ut vid. H . unayn
particulier, I, chap. 3-4 et II, chap. 1-4). fort. recte || 4 µ κ λευκοÖ EJ 2 || : κ FJ 1V || 6 σηµα¬νει :
2-7. Voir Notes complémentaires, p. 111-112. συµàα¬νει L || 7 τ¿ sec. om. FW.
génération d’une substance à partir d’une non-substance ; τον, οÍσ¬αv σται γνεσιv κ µ οÍσ¬αv· ö δ µ Îπρχει
mais ce à quoi l’on n’attribue ni substance ni individualité οÍσ¬α µηδ τ¿ τ¾δε, δλον äv οÍδ τéν λλων οÍδ嵬α κατη-
propre, il est clair qu’on ne peut lui attribuer non plus au- γοριéν, ο¶ον οÑτε ποι¿ν οÑτε ποσ¿ν οÑτε τ¾ποv· χωριστ γρ 10
cune des autres catégories 1, que ce soit la qualité, la quantité ν ε°η τ πθη τéν οÍσιéν. Ε® δ τ¿ µ Âν Åλωv, π¾-
ou le lieu (car sinon, les affections seraient séparées des sub- φασιv σται καθ¾λου πντων, èστε κ µηδεν¿v νγκη γ¬-
stances). Mais s’il s’agit du non-être au sens radical, ce sera νεσθαι τ¿ γιν¾µενον.
la négation universelle de toutes choses, au point que ce qui νεσθαι τ¿ γιν¾µενον. Περ µν ο×ν τοËτων ν λλοιv τε διη-
est engendré sera nécessairement engendré à partir de rien 2.
π¾ρηται κα διÞρισται το´v λ¾γοιv π πλε´ον· συντ¾µωv δ
Nous avons déjà consacré d’assez longues analyses à ces
κα νÖν λεκτον, Åτι τρ¾πον µν τινα κ µ Ãντοv πλév 15
difficiles questions (pour résumer, on dira maintenant en-
γ¬νεται, τρ¾πον δ λλον ξ Ãντοv ε¬· τ¿ γρ δυνµει
core que d’une certaine manière, il y a génération à partir
d’un non-être absolu et que d’une autre manière, ce qui Âν ντελεχε¬{ δ µ Âν νγκη προϋπρχειν λεγ¾µενον µ-
est engendré l’est toujours à partir de l’être : car l’être en φοτρωv. JΟ δ κα τοËτων διωρισµνων χει θαυµαστν πο-
puissance et non-être en entéléchie, il faut bel et bien qu’il ρ¬αν, πλιν παναποδιστον, πév στιν πλ γνεσιv, ε°τL
préexiste, puisque on le dit être et ne pas être) 3. Mais c’est κ δυνµει Ãντοv οÍσ¬αv ε°τε κα¬ πωv λλωv. LΑπορσειε γρ 20
vers ce qui, malgré toutes ces analyses, comporte une remar- ν τιv ρL στιν οÍσ¬αv γνεσιv κα τοÖ τοÖδε, λλ µ τοÖ
quable aporie qu’il faut se retourner à nouveau 4 : comment la τοιοÖδε κα τοσοÖδε κα ποÖ. Τ¿ν αÍτ¿ν δ τρ¾πον κα περ
génération absolue est-elle possible, que l’on admette qu’elle φθορv. Ε® γρ τι γ¬νεται, δλον äv σται δυνµει τιv
ait lieu à partir de ce qui est en puissance substance 5 ou οÍσ¬α, ντελεχε¬{ δL οÑ, [ξ v γνεσιv κα] ε®v ν
de quelque autre façon ? Car l’aporie suivante suscite l’em- νγκη µεταàλλειν τ¿ φθειρ¾µενον. Π¾τερον ο×ν Îπρξει τι 25
barras : la génération est-elle génération de substance et τοËτ} τéν λλων ντελεχε¬{ ; λγω δL ο¶ον ρL σται ποσ¿ν
d’individualité propre, et non de détermination qualitative ποι¿ν ποÖ τ¿ δυνµει µ¾νον τ¾δε κα Ãν, πλév δ µ
ou quantitative ou de localisation (idem pour la corrup-
tion) ? 6 En effet, si quelque chose est engendré, il est clair 8 σται : ν ε°η M || ö : Ä W || Îπρχηι (sed ηι in litura) J
qu’il y aura quelque substance existant en puissance mais || 9 τ¿ HJ 1V : om. ELMWF || οÍδ : οÑτε W || κατηγοριFν :
non pas en entéléchie [à partir de laquelle la génération aura κατηγορ¬α F || 10 τ¾ποv E 1MJV 1 : τ¿ ποÖ FHLV rec. ποÖ W || 12
lieu, et] 7 vers laquelle ce qui se corrompt sera contraint de πντων : παντ¾v W || νγκη om. W || 13 ο×ν om. L || 17 νγκη
om. M || Îπρχειν F || 18 λεγοµνων superposito διωρισµνων
changer. Est-ce donc qu’un des attributs lui appartiendra en F || θαυµαστν χει πορ¬αν Philop. l || 20 οÍσ¬αv LMW H . unayn
entéléchie ? Par exemple, ce qui est en puissance seulement Philop. c : ο×σα FJVE 3 οÍσ¬α H ουσαv (sic) ut vid. E 1 || 21 τοÖ
un individu et un être, mais qui, absolument, n’est ni un τοÖδε : τοÖτο δ ut vid. V || τοÖ sec. om. LV || 22 τοιοÖδε :
individu ni un être, aura-t-il une quantité, une qualité ou τοιοÖτουδε E 1 || κα τοÖ τοσοÖδε F || κα ποÖ ELMH : κα τοÖ ποÖ
FJ 1VW || αÍτ¿ν δ τ¿ν τρ¾πον W || δ : δ FHL || 23 φθορAv :
φορAv J 1 || ε® om. E || τι : τ¾δε τι dubitanter prop. Joachim
|| 24 οÍσ¬α : ο×σα J 1 || ξ v... κα seclusi : non habent E 1M
hab. J 1VW et ( σται tamen post γνεσιv addito) FHL ex qua fit
1. Ici en revanche (cf. n. précédente), κατηγορ¬α signifie generatio hab. H. unayn || ν om. E || 25 τ¿ : τ¿ν E || ο×ν om.
bien la « catégorie » comme ensemble d’items désignés par des M || 26 τοËτ} : τοÖτο F τοËτων M || λγω om. E || ο¶ον om. H
prédicats linguistiquement homogènes. || 26-27 ποι¿ν ποσ¿ν J 1W || 27 τ¿ : τF H || µ¾νον : Âν FLM
2-7. Voir Notes complémentaires, p. 113-114. µ¾νον Âν W || δ : τε E 1.
une localisation ? Car s’il n’est rien du tout 1 et que tout soit τ¾δε µηδL Ãν ; ε® γρ µηδν λλ πντα δυνµει, χωρι-
seulement en puissance, on en arrive alors à ce qu’un tel non- στ¾ν τε συµàα¬νει τ¿ µ οÏτωv Ãν, κα τι, Ä µλιστα φο-
être existe séparé et en outre — ce qui n’a cessé de terroriser βο˵ενοι διετλεσαν ο¯ πρéτοι φιλοσοφσαντεv, τ¿ κ µη- 30
les premiers à faire de la philosophie 2 — à ce que le proces- δεν¿v γ¬νεσθαι προϋπρχοντοv· ε® δ τ¿ µν εµναι τ¾δε τι
sus de génération ne parte de rien de préexistant ; mais si οÍσ¬α µ Îπρξει, τéν δL λλων τι τéν ε®ρηµνων,
on ne peut attribuer le fait d’être un individu propre ou une σται, καθπερ ε°ποµεν, χωριστ τ πθη τéν οÍσιéν. Περ¬
substance, mais qu’on peut attribuer quelque autre des caté- τε τοËτων ο×ν Åσον νδχεται πραγµατευτον, κα τ¬v α®τ¬α
gories mentionnées, les affections existeront, comme nous
τοÖ γνεσιν ε κα τν πλν εµναι κα τν κατ µροv. 35
l’avons dit, séparées des substances 3. Il faut donc, dans la
ΟÑσηv δL α®τ¬αv µιv µν Åθεν τν ρχν εµνα¬ φαµεν τv 1 318a
mesure du possible, traiter ces questions, ainsi que la rai-
κινσεωv, µιv δ τv Ïληv, τν τοιαËτην α®τ¬αν λεκτον.
son pour laquelle la génération est éternelle, aussi bien la
génération absolue que la génération partielle 4. Περ µν γρ κε¬νηv ε°ρηται πρ¾τερον ν το´v περ κινσεωv
λ¾γοιv, Åτι στ τ¿ µν κ¬νητον τ¿ν παντα χρ¾νον, τ¿ δ
Indifférence de la cause Dès lors 5 qu’il y a une
κινο˵ενον ε¬. ΤοËτων περ µν τv τραv ρχv 5
matérielle à l’orientation cause unique que nous af-
προτραv διελε´ν στι φιλοσοφ¬αv ργον· περ δ
du processus de génération. firmons être l’origine du
mouvement, et d’autre part τοÖ δι τ¿ συνεχév κινε´σθαι τλλα κινοÖντοv Ïστερον πο-
une cause unique qui est la matière, c’est de ce dernier type δοτον, τ¬ τοιοÖτον τéν καθL καστα λεγοµνων α°τι¾ν στιν,
de cause qu’il nous faut parler. Car pour ce qui touche à la νÖν δ τν äv ν Ïληv ε°δει τιθεµνην α®τ¬αν ε°πωµεν, διL ν
première, on a déjà évoqué, dans ce qu’on a dit sur le mouve- ε φθορ κα γνεσιv οÍχ Îπολε¬πει τν φËσιν· µα γρ 10
ment, la distinction entre l’être immobile durant la totalité ν °σωv τοÖτο γνοιτο δλον, κα περ τοÖ νÖν πορηθντοv,
du temps et l’être toujours mû 6. Du premier de ces deux πév ποτε δε´ λγειν κα περ τv πλv φθορv κα γε-
principes, il appartient à une philosophie antérieure de trai- νσεωv.
ter 7 ; quant à ce qui, en raison de son mouvement continu,
meut le reste des êtres, il faudra plus loin 8 déterminer la l
29 τε : τι E δ τι W || µ οÏτωv ELMW H . unayn Philop. :
nature d’une telle cause, parmi celles qu’on qualifie d’indi- οÏτωv µ FJ 1V οÏτω µ H || τι om. E || 31 γ¬νεσθαι om. E ||
viduelles. Mais pour l’instant, bornons-nous à dire la cause 31-32 τι : τν J 1 || 32 : κα M W || οÍσ¬α EMWF : οÍσ¬αν
placée pour ainsi dire dans la forme de la matière 9, en rai- HJVL || µ E 1M : οÍχ FHJVLW || Îπρχει FL || 33 χοριστ J
son de laquelle une corruption et une génération éternelles || τ πθη τ M || 34 πραγµατευον E 1 πραγµατον L || 35 ε κα
ne font jamais défaut à la nature (et sans doute d’ailleurs τν πλCν εµναι ELMW : ε εµναι κα τν πλCν FHJV Philop. l ||
318a 1 µιAv om. W || τCv κινσεωv εµνα¬ φαµεν F φαµεν εµναι τCv
s’éclairera du même coup la présente aporie, touchant ce
κινσεωv M || 4 Åτι δ στιν E || πντα E || 5 τοËτων EMJ 1V 1 :
qu’il faut dire sur la corruption et la génération absolues). τοËτων δ FHLW (cf. Kühner-Gerth II 2 343γ : asyndeton «... bei
einem Demonstrative») || µν om. J 2 || τραv E 1M H . unayn :
κιντου FHJVLW || post ρχCv add. τCv HLW et in marg. V || 6
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 114. 1
προτραv E(a.c.)LW H . unayn : τραv κα προτραv FHJ VM (cf.
6. Ar. fait ici allusion à la distinction, envisagée Physique etiam De caelo 298b 19-20) || 7 δι τ¿ om. M || 8 τ¬ : κα τ¬ W
VIII, chap. 6 en part., du premier moteur et du premier mû (la || τοιοËτων L || τFν om. J || 10 ε om. M || φθορ : φορ J 1
sphère des étoiles fixes). || οÍχ om. M || 11 ν om. W || γνοιτο τοÖτο F || 12 δεE om.
7-9. Voir Notes complémentaires, p. 114-115. E 1 || κα pr. om. J 1VMW || φθορAv : φορAv M.
L’interrogation suivante renferme aussi une difficulté non νσεωv. MΕχει δL πορ¬αν ¯κανν κα τ¬ τ¿ α°τιον τοÖ συνε¬-
négligeable : quel peut bien être la cause de l’enchaînement ρειν τν γνεσιν, ε°περ τ¿ φθειρ¾µενον ε®v τ¿ µ Âν πρ-
continu de la génération, si l’on admet que ce qui est cor- χεται, τ¿ δ µ Âν οÍδν στιν· οÑτε γρ τι οÑτε ποι¿ν οÑτε 15
rompu s’en va en non-être et que le non-être n’est rien (car ποσ¿ν οÑτε ποÖ τ¿ µ Ãν. Ε°περ ο×ν ε¬ τι τéν Ãντων πρ-
ce n’est ni une chose, ni une qualité, ni une quantité, ni un χεται, δι τ¬ ποτL οÍκ νλωται πλαι κα φροÖδον τ¿
lieu que le non-être) ? Si sans cesse quelque chose des êtres πν, ε° γε πεπερασµνον ν ξ οØ γ¬νεται τéν γινοµνων
s’en va, pour quelle raison alors le Tout n’est-il pas détruit et καστον ; οÍ γρ δ δι τ¿ πειρον εµναι ξ οØ γ¬νεται, οÍχ
anéanti depuis longtemps, puisque ce dont provient chaque
Îπολε¬πει· τοÖτο γρ δËνατον· κατL νργειαν µν γρ οÍδν 20
être engendré est initialement limité ? Car ce n’est pas en
στιν πειρον, δυνµει δL π τν δια¬ρεσιν, èστL δει ταËτην
raison d’une infinité de ce à partir de quoi il y a génération
εµναι µ¾νην τν µ Îπολε¬πουσαν τô γ¬νεσθα¬ τι ε λατ-
que cette dernière est indéfectible : ce serait impossible, rien
n’étant infini en acte, mais seulement en puissance eu égard τον· νÖν δ τοÖτο οÍχ Áρéµεν. OΑρL ο×ν δι τ¿ τν τοÖδε φθο-
à la division ; de sorte que la seule génération indéfectible ρν λλου εµναι γνεσιν κα τν τοÖδε γνεσιν λλου εµναι
devrait passer par une diminution sempiternelle de ce qui φθορν παυστον ναγκα´ον εµναι τν µεταàολν ; Περ µν 25
est engendré ; mais cela, on ne le constate pas 1. Dès lors, si ο×ν τοÖ γνεσιν εµναι κα φθορν Áµο¬ωv περ καστον τéν
le changement doit être sans terme, n’est-ce pas plutôt du Ãντων, ταËτην ο®ητον εµναι πσιν ¯κανν α®τ¬αν.
fait que la « corruption » de ceci est la « génération » d’autre Ãντων, ταËτην ο®ητον εµναι πσιν ¯κανν α®τ¬αν. ∆ι τ¬ δ
chose, et que la « génération » de ceci est la « corruption » ποτε τ µν πλév γ¬νεσθαι λγεται κα φθε¬ρεσθαι τ
d’autre chose ? 2 Sur l’existence aussi bien de la génération δL οÍχ πλév, πλιν σκεπτον, ε°περ τ¿ αÍτ¾ στι γνεσιv
que de la corruption des individus, contentons-nous de cette µν τουδ φθορ δ τουδ¬, κα φθορ µν τουδ γνεσιv δ 30
cause applicable à tous. τουδ¬· ζητε´ γρ τινα τοÖτο λ¾γον. Λγοµεν γρ Åτι φθε¬-
La polarisation Mais réexaminons 3 pourquoi certaines ρεται νÖν πλév, κα οÍ µ¾νον τοδ¬· κα αÏτη µν γνε-
du sensible : choses sont dites engendrées et cor- σιv πλév, αÏτη δ φθορ. Τοδ δ γ¬νεται µν τι, γ¬νε-
trois indices. rompues absolument, et d’autres non, ται δL πλév οÑ· φαµν γρ τ¿ν µανθνοντα γ¬νεσθαι µν
si vraiment la génération de ceci se πιστµονα, γ¬νεσθαι δL πλév οÑ. 35
confond avec la corruption de cela, et la corruption de
ceci avec la génération de cela. Il est en effet besoin d’une
explication 4. Nous disons : « voilà que ça se corrompt », abso-
lument, et non pas seulement : ceci se corrompt. Nous disons 14 τν : ε τν Philop. l || 15 οÍδν LMW : οÍδν µ E 1 µηδν
FH µηθν JV || 17 νλωται HJ 1V || πλαι in marg. add. F
aussi : « voici une génération », absolument, « voilà une cor-
|| 18 πεπερατωµνον V || ν : η E 1 || γ¬νεται τFν om. E ||
ruption » 5. D’autre part, si ceci devient quelque chose, il ne γιγν¾µενον E τ¿ γιγν¾µενον E 2 || 22 µ¾νην εµναι JVW || 25 τν
devient pas absolument : nous disons en effet que celui qui τοιαËτην µεταàολν M || 26 Áµο¬ωv ε περ F || 27 ο®ητον ¯κανν
apprend « devient savant », non pas, absolument, qu’il « de- πAσιν α®τ¬αν F || 28 πλFv : πλA M || λγεται γ¬γνεσθαι F λγοµεν
vient » 6. γ¬νεσθαι M || κα : τ δ κα E : τ δ Philop. l || κα φθε¬ρεσθαι
om. J 2 || 29 πλFν E || στι om. L || 30-31 φθορ δ ... γνεσιv
δ τουδ¬ om. L || κα φθορ µν τουδ in marg. scr. V ut vid. al. m.
|| 31 λ¾γον τοÖτο W || 32 νÖν : νÖν µν Philop. l || 34 φαµν ...
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 115-116. 35 οÑ om. M.
Premier indice. Nous faisons souvent la différence entre πιστµονα, γ¬νεσθαι δL πλév οÑ. Καθπερ ο×ν πολλκιv
ce qui signifie une individualité propre 1 διορ¬ζοµεν λγοντεv Åτι τ µν τ¾δε τι σηµα¬νει τ δL οÑ, 1 318b
et ce qui ne la signifie pas — or c’est ce qui fait qu’on aboutit δι τοÖτο συµàα¬νει τ¿ ζητο˵ενον. ∆ιαφρει γρ ε®v µε-
au présent problème 2. Car ce vers quoi change ce qui change ταàλλει τ¿ µεταàλλον, ο¶ον °σωv µν ε®v πÖρ Áδ¿v
n’est pas toujours du même type : ainsi, la voie menant au feu γνεσιv µν πλ, φθορ δ τινοv, ο¶ον γv, δ
serait une génération absolue et une corruption de quelque γv γνεσιv τv γνεσιv [γνεσιv δL οÍχ πλév], φθορ δL 5
chose — de la terre, par exemple — tandis que la généra- πλév, ο¶ον πυρ¾v, èσπερ Παρµεν¬δηv λγει δËο, τ¿ Âν
tion de la terre serait une génération relative [mais non pas
κα τ¿ µ Âν εµναι φσκων πÖρ κα γν. Τ¿ δ ταÖτα
une génération absolue] 3 mais une corruption absolue, par
τοιαÖθL τερα Îποτ¬θεσθαι διαφρει οÍδν· τ¿ν γρ τρ¾πον
exemple du feu — pour reprendre le couple de Parménide
ζητοÖµεν, λλL οÍ τ¿ Îποκ嬵ενον. HΗ µν ο×ν ε®v τ¿ µ
lorsqu’il affirme que l’être et le non-être sont le feu et la
terre 4. Et il n’y a évidemment aucune différence à suppo- Âν πλév Áδ¿v φθορ πλ, δL ε®v τ¿ πλév Âν γνε- 10
ser ces deux-là ou d’autres du même type : nous étudions σιv πλ. Ο¶v ο×ν διÞρισται, ε°τε πυρ κα γ© ε°τε λλοιv
la manière, non le substrat. Aussi la voie menant au non- τισ¬, τοËτων σται τ¿ µν Âν τ¿ δ µ Ãν. IΕνα µν ο×ν τρ¾-
être absolu est-elle une corruption absolue et celle menant à πον τοËτ} διο¬σει τ¿ πλév τι γ¬γνεσθαι κα φθε¬ρεσθαι τοÖ
l’être absolu est-elle une génération absolue. Du couple sur µ πλév.
lequel se fonde la distinction, que ce soit le feu et la terre µ πλév. MΑλλον δ τ© Ïλ| Áπο¬α τιv ν ª· v µν γρ
ou d’autres choses, on tiendra donc un terme pour l’être et µλλον α¯ διαφορα τ¾δε τι σηµα¬νουσι, µλλον οÍσ¬α, 15
l’autre pour le non-être. D’une certaine manière donc, c’est v δ στρησιν, µ Ãν, ο¶ον τ¿ µν θερµ¿ν κατηγορ¬α τιv
ainsi que le fait d’être absolument engendré ou corrompu κα εµδοv, δ ψυχρ¾τηv στρησιv, διαφρουσι δ γ κα
différera de celui de ne pas l’être absolument. πÖρ κα ταËταιv τα´v διαφορα´v.
Deuxième indice. D’une autre manière, ce sera par la dé-
termination de la matière : celle dont
les différences signifient davantage une individualité propre
est davantage substance et celle dont les différences signi- 35 οÑ. καθπερ : οÍ γρ καθπερ E || 35-1 διορ¬ζοµεν πολλκιv
fient davantage une privation est plus non-être — ainsi, s’il FHL || 318b 2 : Ä W || 3 om. E || 4 τινοv LMW Philop. l :
est vrai que le chaud est une certaine prédication à titre de τιν¾v στι EFHJV || 5 τv γνεσιv : γνεσιv τv Philop. l || ante
forme 5, tandis que le froid n’est qu’une privation, la terre et φθορ hab. γνεσιv δL οÍχ πλFv FHJV non habent ELMW H . unayn
le feu se distinguent précisément par ces différences 6. Philop. l sed ante φθορ hab. δ erasum E || 6 πλFv : πλC
Philop. l || ο¶ον : ο¶ον Åτι W || 7 φσκων εµναι F εµναι om. W
|| Τ¿ δ : δεE δ J 2 : δεE δ M ε® δ Philop. l ε® δ W || 8 τερα
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 116. Îποτ¬θεσθαι om. Philop. l (hab. tamen Philop. c ) || post διαφρει
3. Ce groupe de mots est absent de la famille a. Bien qu’il hab. γρ EMWJ 2 fort. recte || 9 τ¿ πλFv µ Âν J 1V || 10 Áδ¿v
soit retenu par tous les éditeurs et traducteurs, il s’agit à mon om. W || 11 ε°τε πÖρ ε°τε γC W || γD ε°τε : γC κα H || 13 τοËτ}
sens d’une glose scolaire. διο¬σει : διο¬σει ν τοËτ} F sed ν s. l. addito || τοËτ} : τοÖτον W
4-5. Voir Notes complémentaires, p. 116-117. || πλFv τι γ¬γνεσθαι EL : τι om. cett. || 14 τD Ïλ| ELM : Ïλη
6. Deuxième intuition du devenir, la plus proche de la po- FHJVW || πο¬α L || 15 µAλλον α¯ διαφορα : µAλλον pr. om. M
sition classique d’Ar. Elle ne figure pas ici en tant que telle, mais διαφορα µAλλον W || 16 v : τCv H || ο¶ον EL : ο¶ον ε® FHJVMW
parce qu’elle confirme l’idée de polarisation. || 17 κα τ¿ εµδοv E 1 || δ γC : γρ γC F || 17-18 πÖρ κα γC W.
Troisième indice. Mais l’opinion courante est plutôt πÖρ κα ταËταιv τα´v διαφορα´v. ∆οκε´ δ µλλον το´v
d’avis que la différence tient à la pos- πολλο´v τô α®σθητô κα µ α®σθητô διαφρειν· Åταν µν
sibilité et à l’impossibilité d’être objet de perception : quand γρ ε®v α®σθητν µεταàλλ| Ïλην, γ¬νεσθα¬ φασιν, Åταν 20
en effet il y a changement vers une matière perceptible, δL ε®v φαν, φθε¬ρεσθαι· τ¿ γρ Âν κα µ Âν τô
les gens disent qu’il y a un processus de génération, mais α®σθνεσθαι κα τô µ α®σθνεσθαι διορ¬ζουσιν, èσπερ τ¿
quand c’est vers une matière inapparente, de corruption 1. µν πιστητ¿ν Ãν, τ¿ δL γνωστον µ Ãν· γρ α°σθησιv
Ils jugent en effet de l’être et du non-être à l’aune de ce qu’ils πιστµηv χει δËναµιν. Καθπερ ο×ν αÍτο τô α®σθνεσθαι
perçoivent et ne perçoivent pas (le connaissable est être et
τô δËνασθαι κα ζν κα εµναι νﵬζουσιν, οÏτω κα τ 25
l’inconnaissable non-être, dès lors que la perception a force
πργµατα, τρ¾πον τιν διÞκοντεv τληθv, αÍτ¿ δ λ-
de connaissance) 2. Il en irait ainsi des choses comme d’eux-
γοντεv οÍκ ληθv. Συµàα¬νει δ κατ δ¾ξαν κα κατL
mêmes, qui pensent vivre et exister du fait qu’ils perçoivent
ou peuvent percevoir ; en un sens, ils sont sur les traces de la λθειαν λλωv τ¿ γ¬νεσθα¬ τε πλév κα φθε¬ρεσθαι·
vérité, mais ce qu’ils disent n’est pas en tant que tel vrai. Car πνεÖµα γρ κα ρ κατ µν τν α°σθησιν ττ¾ν στιν (δι¿
justement, la vérité du processus de génération-corruption κα τ φθειρ¾µενα πλév τ© ε®v ταÖτα µεταàολ© φθε¬ρε- 30
absolue diffère de ce qui nous en apparaît : le souffle en ef- σθαι λγουσιν, γ¬νεσθαι δL Åταν ε®v πτ¿ν κα ε®v γν µετα-
fet et l’air sont moins selon la perception (c’est pourquoi, βλλ|), κατ δL λθειαν µλλον τ¾δε τι κα εµδοv ταÖτα
de ce qui se corrompt, les gens disent, parce que le change- τv γv.
ment se produit vers ces matières, que « ça se corrompt », τv γv. ΤοÖ µν ο×ν εµναι τν µν πλν γνεσιν φθορν ο×-
absolument, tandis qu’ils tiennent pour une génération le σν τινοv, τν δ φθορν τν πλν γνεσιν ο×σν τινοv, ε°-
changement qui a lieu vers le tangible ou la terre), mais se- ρηται τ¿ α°τιον· δι γρ τ¿ τν Ïλην διαφρειν τô οÍσ¬αν 35
lon la vérité, ils sont plus individualité propre et forme que εµναι τô µ, τô τν µν µλλον τν δ µ, τô τν 1 319a
la terre.
Le cadastre Ainsi donc, du fait qu’on a d’un côté la géné- 18 κα ταËταιv HLW et κα in marg. add. V || 19 µ :
ration absolue qui est corruption de quelque τG µ W || 20 µεταàλλ| FHJVWM : µεταàλ| E 1L || 21
catégorial. µ Âν FJV Philop. l : τ¿ µ Âν ELMWH || 22 α®σθνεσθαι κα
chose, et d’un autre côté la corruption abso-
τG µ α®σθνεσθαι HJ 1VWM H . unayn (per sensibile et insensibile
lue qui est génération de quelque chose, on a dit la cause ; Gerardus) : α®σθνεσθαι κα µ α®σθνεσθαι F Philop. l α®σθνεσθαι
c’est en effet parce que la matière diffère, ou par le fait κα µ L α®σθνεσθαι E || διορ¬ζουσιν FHJVLW Philop. c ut vid. :
d’être ou de ne pas être substance, ou par le fait d’être plus διακρ¬νουσιν E(a.c.)M || 23 πιστητ¿ν : α®σθητ¿ν E 1 || 25 : κα
ou moins substance, ou par le fait que la matière à partir MW || τG δËνασθαι dupl. E 1 et post τG sec. add. µ E 2 s. l. ||
de laquelle ou vers laquelle a lieu le changement est plus τG : τ¿ J || κα pr. om. EM fort. recte (cf. Bonitz Index 220b
20-22) || 26 δ om. M || 27 δ : δ κα HJ 2 || 28 post λλωv
ou moins perceptible 3. Mais la cause 4 d’après laquelle nous add. κα HJ 2 || φθε¬ρεσθαι ELMW Philop. l : τ¿ φθε¬ρεσθαι FHJV
|| 29 πνε˵ατα γρ καρ E 1 πνε˵ατοv γρ κα ρ M || µν om.
J 1 || 30 τ om. F || 31 λγουσιν om. M || µεταàλ| L || 32
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 117-118. κατL λθειαν δ FHL || τ¾δε τι µAλλον F τ¾δε om. J 1 || 33 τν
4. Ar. passe de la discussion de l’opposition entre deux ob- πλCν L (spatio post τν in L relicto, 59r., l. 8 ab imo) || 34 τν
jets au cas plus spécial de l’opposition entre la substance et les δ ... τινοv in marg. ponit F || τν sec. om. W || ο×σαν γνεσιν
catégories adjectivales. Le principe ordonnateur reste celui du JVW || 319a 1 τG µ ... δ µ om. E || τG µ : τ¿ µ J || τν
τ¾δε τι, que la première discussion a permis de dégager. Cf. In- µν ... τν µν in marg. add. F et om. W || τν µν utrumque om.
J 1V sec. om. EH.
disons, absolument, que certaines choses « deviennent » tan- µν µλλον α®σθητν εµναι τν Ïλην ξ v κα ε®v ν, τν
dis que les autres deviennent seulement « quelque chose », δ ττον εµναι. ΤοÖ δ τ µν πλév γ¬νεσθαι λγεσθαι, τ
indépendamment de la génération réciproque selon la ma- δ τι µ¾νον, µ τ© ξ λλλων γενσει καθL Äν ε°ποµεν
nière que nous venons d’évoquer — nous nous sommes en νÖν τρ¾πον (νÖν µν γρ τοσοÖτον διÞρισται, τ¬ δ ποτε π- 5
effet bornés à définir pourquoi, alors que toute génération σηv γενσεωv οÑσηv φθορv λλου, κα πσηv φθορv οÑσηv
est corruption d’autre chose, et toute corruption généra- τρου τιν¿v γενσεωv, οÍχ Áµο¬ωv ποδ¬δοµεν τ¿ γ¬νεσθαι κα
tion d’autre chose, nous n’attachions pas indifféremment le τ¿ φθε¬ρεσθαι το´v [ε®v λληλα] µεταàλλουσιν· τ¿ δL Ïστερον
processus de génération et celui de corruption aux choses
ε®ρηµνον οÍ τοÖτο διαπορε´, λλ τ¬ ποτε τ¿ µανθνον µν οÍ
qui changent ; la seconde expression 1 ne soulevait cepen-
λγεται πλév γ¬νεσθαι λλ γ¬νεσθαι πιστµον, τ¿ δ 10
dant pas ce problème-là, mais la question de savoir pourquoi
φυ¾µενον γ¬νεσθαι), ταÖτα δ διÞρισται τα´v κατηγορ¬αιv·
ce qui apprend n’est pas dit, absolument, « devenir », mais
« devenir savant », tandis que ce qui éclôt est dit « deve- τ µν γρ τ¾δε τι σηµα¬νει, τ δ τοι¾νδε, τ δ ποσ¾ν.
nir » — cela, donc, se définit par les catégories. Certaines IΟσα ο×ν µ οÍσ¬αν σηµα¬νει, οÍ λγεται πλév, λλ τι γ¬-
choses signifient en effet une individualité propre, d’autres νεσθαι.
une qualité, d’autres une quantité ; toutes celles donc qui ne νεσθαι. ΟÍ µν λλL Áµο¬ωv ν πσι γνεσιv µν κατ τ ν
signifient pas une substance, ne sont pas dites absolument τ© τρ{ συστοιχ¬{ λγεται, ο¶ον ν µν οÍσ¬{ ν πÖρ λλL 15
« devenir », mais « devenir quelque chose » 2. οÍκ ν γ, ν δ τô ποιô ν πιστµον λλL οÍχ Åταν
Il reste cependant que, semblablement dans tous les cas, νεπιστµον.
la génération est dite selon l’un des termes de la liste d’op- νεπιστµον. Περ µν ο×ν τοÖ τ µν πλév γ¬νεσθαι τ δ
posés 3 : par exemple, dans la substance, si c’est le feu et non µ, κα Åλωv κα ν τα´v οÍσ¬αιv αÍτα´v, ε°ρηται, κα δι¾τι
si c’est la terre ; dans la qualité, si c’est le savant et non si τοÖ γνεσιν εµναι συνεχév α®τ¬α äv Ïλη τ¿ Îποκ嬵ενον, Åτι
c’est le non-savant. µεταàλητικ¾ν στιν ε®v τναντ¬α, κα θατρου γνεσιv ε 20
Conclusion de On a donc rendu compte, à la fois de π τéν οÍσιéν λλου φθορ κα φθορ λλου γνε-
l’étude de la la façon la plus globale et dans les sub-
génération. stances elles-mêmes, du fait que certaines 3 λγεσθαι om. LMW || τ sec. : τ¿ Philop. l (codd. GT) s. l.
choses, absolument, deviennent, et cer- corr. J || 4 µ¾νον om. Philop. l || 5 νÖν pr. omittend. notat J 2 et
taines autres non ; on a aussi expliqué la raison pour laquelle om. W || 6 οÑσηv φθορAv ... 7 γενσεωv om. L || 7 τ¿ : τοÖ W ||
le substrat est cause, comme matière, de la continuité de 8 τ¿ pr. : τοÖ W || ε®v λληλα non hab. EW H . unayn : hab. cett.
la génération — il est en effet capable de changement vers || 9 τ¬ δ ποτε FW || 10 λλ γ¬νεσθαι om. M || post λλ add.
les contraires, et la génération de l’un est toujours, pour les τι F Anonymus Collega et hab. W qui etiam ο¶ον ante πιστCµον
add. || 12 τ pr. : τ¿ L et V ut vid. || τ sec. et tert. : τ¿ FL ||
substances, la corruption de l’autre, comme la corruption de 13 σηµα¬νηι in litura J || 14 πασι FW || 15 τρ{ συστοιχε¬{ J :
l’un la génération de l’autre. τρ{ τοÖ κρε¬ττονοv συστοιχ¬{ F || ο×ν ante οÍσ¬{ add. et expunxit
J 2 || 16 οÍκ : οÍχ EM || πιστµων et mox 17 νεπιστµων E a.
c. || 18 µ E 1LW H 3
. unayn : πC FHJVME || κα sec. FHJVM
l
H. unayn Philop. : om. EWF || αÍταEv FHJVW H. unayn : om.
ELM Philop. l || 19 äv om. W || 20 στιν ante θατρου FHJV
troduction, p. lxxx-lxxxv. et in utroque loco MW habent || ε®v : π M || 21 φθορ EW
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 118. H. unayn : λλου φθορ FHJVLM.
fet corruption du « non-être » et la corruption génération du κα τ¿ βαρÌ µ Ãν, πÖρ δ κα τ¿ κοÖφον τ¿ Ãν, οÑ, λλL
« non-être » 3. στ κα γ τ¿ Ãν, τ¿ δ µ Âν Ïλη τv γv, κα πυρ¿v
Mais ce « non-être » absolu, on pourrait se demander s’il äσαËτωv ; Κα ρ γε τρα κατρου Ïλη ; οÍκ ν γ¬-
est ou non l’un des contraires (la terre et le lourd étant par νοιτο ξ λλλων οÍδL ξ ναντ¬ων ; τοËτοιv γρ Îπρχει 1 319b
exemple le non-être, le feu et le léger l’être) ; à moins que τναντ¬α, πυρ¬, γ©, Ïδατι, ρι. NΗ στι äv αÍτ,
la terre aussi soit être et que le non-être soit la matière, στι δL äv τρα· Ä µν γρ ποτε Âν Îπ¾κειται τ¿ αÍτ¾,
celle de la terre tout autant que celle du feu ? Mais ne dira- τ¿ δL εµναι οÍ τ¿ αÍτ¾. Περ µν ο×ν τοËτων π τοσοÖτον
t-on pas que la matière de chacun des deux est différente ? ε®ρσθω. 5
Cependant, dans ce cas, ne serait-il pas impossible qu’ils pro-
viennent les uns des autres et des contraires ? Car à ceux-là 4. Περ δ γενσεωv κα λλοιÞσεωv λγωµεν τ¬ διαφ-
appartiennent les contraires, à savoir au feu, à la terre, à ρουσιν· φαµν γρ τραv εµναι ταËταv τv µεταàολv λ-
l’eau et à l’air 4. Ou bien la matière est-elle en un sens la
même, en un autre sens différente ? Car ce qui lui permet,
22 α®ε HJLM : ε VW ε® E τι ε F || 23 φαµεν E 1 || 24
du fait qu’elle est cela à tout moment, d’être substrat, cela
γ¬νεσθαι ELW : τ¿ γ¬νεσθαι FHJVM || 24-25 κ τοÖ µ F || 26
est identique ; son être, toutefois, n’est pas identique 5. Mais γ¬νεται κ µ Ãντοv non habent ELMW H . unayn : hab. FHJV || 26
cessons ici la discussion de ces points. èστε Áµο¬ωv ... 27 Ãντοv om. E || post Áµο¬ωv add. κα FHJ 2V(s.l.)
|| 27 κ µ Ãντοv om. FH 1J 1V 1 || 27 κα φθε¬ρεται ... 28 Ãντοv om.
<Chapitre 4> ex homoeot. M || 29 τοÖτο om. J 1 s. l. add. J 2 || 30 πορσει τιv
non habent J 1V 1W Philop. l (codd. GT) : hab. FHLM πορσειεν
ν τιv Philop. (codd. RZ) dubitat homo H . unayn πορσει τιv
Distinction de la Disons maintenant en quoi diffèrent πλFv E || π¾τερον τ¿ τερον : π¾τερον E 2 || post ναντ¬ων add.
génération et génération et altération, puisque nous στ¬ν FHJVMW non habent E 1L || 31 τ¿ Ãν ELMW : Ãν FHJV ||
de l’altération. affirmons que ces transformations ne 32 κα γC J 1V || om. FJ 1VW || τοÖ πυρ¿v W || 33 γ¬νοιτο :
reviennent pas l’une à l’autre. Etant γνοιντο W || 319b 2 στι EJ 1V(s.l.) et Paris. Suppl. 643 : στι µν
LMWFH Philop. l || add. J pr. m. || 3 τ¿ : Ä W || 4 ο×ν om.
E 1 || 4-5 τοσοËτων ε®ρε¬σθω J || 6 λγοµεν HV et Paris. Suppl.
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 118-119. 643 || τ¬ : τ¬νι W Philop. l || 7 ταËταv om. W.
donné que le substrat est quelque chose et que l’affection λλων. LΕπειδ ο×ν στ¬ τι τ¿ Îποκ嬵ενον κα τερον τ¿ πθοv
dite par nature du substrat est quelque chose d’autre, et Ä κατ τοÖ Îποκειµνου λγεσθαι πφυκεν, κα στι µεταàολ
qu’il y a un changement de l’un comme de l’autre, il y a κατρου τοËτων, λλο¬ωσιv µν στιν, Åταν Îποµνοντοv τοÖ 10
altération, quand, alors que le substrat subsiste et reste per- Îποκειµνου, α®σθητοÖ Ãντοv, µεταàλλ| ν το´v αυτοÖ πθε-
ceptible 1, il change dans ses affections, que celles-ci soient σιν, ναντ¬οιv ο×σιν µεταξË, ο¶ον τ¿ σéµα Îγια¬νει
des contraires ou des intermédiaires (par exemple, le corps κα πλιν κµνει Îποµνον γε ταÍτ¾, κα Á χαλκ¿v στρογ-
guérit et tombe à nouveau malade tout en subsistant dans son γËλοv, Áτ δ γωνοειδv Á αÍτ¾v γε åν. IΟταν δL Åλον µετα-
identité, l’airain est parfois incurvé et parfois anguleux tout
βλλ| µ Îποµνοντοv α®σθητοÖ τιν¿v äv Îποκειµνου τοÖ 15
en demeurant le même) 2 ; mais, quand il y a un changement
αÍτοÖ, λλL ο¶ον κ τv γονv ᶵα πσηv ξ Ïδατοv ρ
dans la totalité, sans que rien de perceptible, comme sub-
ξ ροv παντ¿v Ïδωρ, γνεσιv δη τ¿ τοιοÖτον, τοÖ δ
strat, ne subsiste identique à soi (lorsque par exemple de la
semence dans son ensemble naît le sang, ou l’eau de l’air, ou φθορ, µλιστα δ ν µεταàολ γ¬νηται ξ ναισθτου
l’air de l’eau dans son ensemble), c’est alors nécessairement ε®v α®σθητ¿ν φ© πσαιv τα´v α®σθσεσιν, ο¶ον Åταν
la génération qui se produit, et la corruption d’autre chose, Ïδωρ γνηται φθαρ© ε®v ρα· Á γρ ρ πιεικév να¬- 20
surtout si le changement a lieu de l’imperceptible vers le per- σθητον.
ceptible, que ce soit au toucher ou à tous les sens. C’est le σθητον. LΕν δ τοËτοιv ν τι Îποµν| πθοv τ¿ αÍτ¿ ναντιÞ-
cas lorsque l’eau est engendrée, ou bien qu’elle se corrompt σεωv ν τô γενοµν} κα φθαρντι, ο¶ον Åταν ξ ροv
en air. Le degré d’imperceptibilité de l’air est en effet assez Ïδωρ, ε® µφω διαφαν ψυχρ, οÍ δε´ τοËτου θτερον
important 3. πθοv εµναι ε®v Ä µεταàλλει. Ε® δ µ, σται λλο¬ωσιv,
Un critère Mais dans ces processus, si une affection ο¶ον Á µουσικ¿v νθρωποv φθρη, µουσοv δL νθρωποv γ- 25
formel de appartenant à une contrariété 4 subsiste iden- νετο, Á δL νθρωποv Îποµνει τ¿ αÍτ¾. Ε® µν ο×ν τοËτου µ
distinction. tique à soi dans ce qui a été engendré et πθοv ν καθL αÎτ¿ µουσικ κα µουσ¬α, τοÖ µν γνε-
corrompu (par exemple, dans le passage de σιv ν ν, τοÖ δ φθορ· δι¿ νθρÞπου µν ταÖτα πθη,
l’air à l’eau, s’ils sont translucides l’un et l’autre ou froids 5 νθρÞπου δ µουσικοÖ νθρÞπου µοËσου γνεσιv κα φθορ·
l’un et l’autre), la seconde affection 6, vers laquelle il y a
changement, ne doit pas être une affection de la première : 8 πε H || 9 πφυκε λγεσθαι FL || 10 µν ο×ν στ¬
on aurait là une altération, à la façon dont homme-cultivé a FH(a.c.)LW || 11 µεταàλλ| LMWFHV : µεταàλ| E 1J fort.
pu se corrompre et homme-inculte être engendré, tandis que recte || αυτοÖ ELV Philop. l+c : αÎτοÖ J αÍτοÖ FHW || 12
l’homme subsiste en tant que tel : si la culture et l’inculture pr. om. F(a.c.)HJ 1V || ο×σιν om. FL || 13 ταÍτ¾ : αÍτ¾ E 1F ||
n’étaient pas des affections par soi 7 de l’homme, on aurait 14 γωνοειδv E et Maximus Confessor Schol. in lib. De Div. Nom.
PG IV 381B : γωνιοειδv cett. || γε om. J 1V 1 || µεταàλ| E ||
génération d’untel et corruption d’untel. C’est pourquoi ce 15 τινοv α®σθητοÖ F || äv : τοÖ E || 18 δ ν : δL ν J 1 ||
sont des affections de l’homme, bien qu’il y ait génération de om. F || 20 γ¬νηται F || 21 δ : δ L || Îποµε¬νη EW || 22 ν :
l’homme-cultivé et corruption de l’homme-inculte : au niveau κα ν V || κα ELM : κα τG FHJVW || 23 ε® FJ 1VL : W κα
ε® E 1MHJ 2 || ψυχρ διαφανC W || : « Philop. c ª M ||
οÍ δεE : οÍ δL ε® J ε® δεE M || τοËτων θατρου W || 25 Á om. F
|| µουσοv δL νθρωποv MW ( µουσοv Á νθρωποv E) : νθρωποv δL
µουσοv FHJVL || 26 µ om. W || 27 αÎτ¿ : αÎτ¿ν E || 28 ν
1-7. Voir Notes complémentaires, p. 119-120. ν E 1M ( ν s. l. add.)J 1V : ν ν FHLW || 29 E 1M H
. unayn :
κα FHJVLW Philop. c ut vid.
réel, il s’agit là d’une affection du sujet subsistant, et c’est la νÖν δ πθοv τοÖτο τοÖ Îποµνοντοv. ∆ι¿ λλο¬ωσιv τ τοι- 30
raison pour laquelle on est en présence d’une altération 1. αÖτα.
Matière et Ainsi, quand le changement de la contrariété αÖτα. IΟταν µν ο×ν κατ τ¿ ποσ¿ν ª µεταàολ τv ναν-
contrariété. a lieu selon la quantité, on a augmentation τιÞσεωv, αÑξη κα φθ¬σιv, Åταν δ κατ τ¾πον, φορ,
et diminution ; selon le lieu, déplacement ; Åταν δ κατ τ¿ πθοv κα τ¿ ποι¾ν, λλο¬ωσιv, Åταν δ µηδν
mais celui qui se produit selon l’affection et la qualité est alté- Îποµν| οØ θτερον πθοv, συµàεàηκ¿v Åλωv, γνεσιv, 1 320a
ration et, quand rien ne subsiste dont l’autre terme 2 soit une τ¿ δ φθορ. LΕστ δ Ïλη µλιστα µν κυρ¬ωv τ¿ Îπο-
affection ou, généralement, un concomitant, c’est la généra- κ嬵ενον γενσεωv κα φθορv δεκτικ¾ν, τρ¾πον δ τινα κα
tion et, d’autre part, la corruption. La matière est le substrat τ¿ τα´v λλαιv µεταàολα´v, Åτι πντα δεκτικ τ Îπο-
capable d’accueillir éminemment et proprement la généra- κ嬵ενα ναντιÞσεÞν τινων. Περ µν ο×ν γενσεωv, ε°τε 5
tion et la corruption et, d’une certaine manière également, στιν ε°τε µ, κα πév στι, κα περ λλοιÞσεωv, διωρ¬σθω
le substrat des autres changements — tous les substrats sont
τοÖτον τ¿ν τρ¾πον.
en effet capables d’accueillir certaines contrariétés 3. Sur la
génération, son existence ou son inexistence, et sur l’altéra-
5. Περ δ αÍξσεωv λοιπ¿ν ε®πε´ν, τ¬ τε διαφρει γεν-
tion, tenons-nous en à ces distinctions.
σεωv κα λλοιÞσεωv, κα πév αÍξνεται τéν αÍξανοµ-
<Chapitre 5> νων καστον κα φθ¬νει ÁτιοÖν τéν φθιν¾ντων. Σκεπτον δ 10
πρéτον π¾τερον ν τô περ Å στιν αÍτéν πρ¿v λ-
Il nous reste à traiter de l’augmenta- ληλα διαφορ, ο¶ον Åτι µν κ τοÖδε ε®v τ¾δε µεταàολ,
L’augmentation.
Distinctions tion, à la distinguer de la génération ο¶ον κ δυνµει οÍσ¬αv ε®v ντελεχε¬{ οÍσ¬αν, γνεσ¬v στιν,
formelles. et de l’altération et à comprendre com- δ περ µγεθοv αÑξησιv, δ περ πθοv λ-
ment augmente tout ce qui augmente
et diminue chaque chose qui diminue. Aussi faut-il d’abord 30 νÖν δ ... Îποµνοντοv ante 28 δι¿ νθρÞπου µν... e Philoponi
examiner si ce qui les distingue l’une de l’autre tient au coni. transtulerunt aliqui docti Byzantini et Joachim || 30-31
type de sujet (le changement d’une individualité concrète τ τοιαÖτα codd. omn. : ταÖτα Philop. c || 31 τ¿ om. E 1F Philop. l
|| ª om. W || 32 αÑξη EJ 1V : αÑξησιv LMWFH || 32-33 φορ,
à une individualité concrète — c’est-à-dire d’une substance Åταν δ κατ π- om. E 1 || 33 τ¿ πθοv FHJ 1M : πθοv LWV ||
en puissance à une substance en entéléchie — serait ainsi 320a 1 Îποµνει J 1 Îποµε¬νη W || : κα F || 2 τ¿ δ : τοÖ δ W
une génération, et celui qui se rapporte à la grandeur une || δ sec. om. J || om. L || post µν add. κα L || 4 τ¿ om.
augmentation, celui qui se rapporte à l’affection une altéra- W || 5 ναντιÞσεÞν τινων : τFν ναντιÞσεων L || Περ : κα περ
J 2 || ο×ν om. FL || γενσεωv : γενσεωv κα φθορAv V et Bekker,
qui κα φθορAv perperam tribuit codici E || 6 post µ add. κα
τ¬ στι W || κα πFv ... λλοιÞσεωv om. F || 7 τ¿ν τρ¾πον τοÖτον
MW || 8 λοιπ¿ν στιν W || τ¬ : τ¬νι LW Philop. l+c || 9 αÍξνεται
1. Voir Notes complémentaires, p. 120-121. τFν om. F 1 || 10 καστον ante 9 τFν ponit J 1VW || 11 πρFτον
2. Ar. est ici brachylogique, mais l’idée reste claire : om. L || π¾τερον FHJV : π¾τερον µ¾νωv ELMW H . unayn || ν
« l’autre terme » (θτερον), c’est en fait le terme-arrivée du se- τG om. E || 12 ante 11 πρ¿v ponunt FHJVL || 13 ο¶ον κ
cond couple de contrariétés, celui qui supporte dans son être H || ε®v ντελεχε¬{ οÍσ¬αν FHVLMW : ε®v ντελχειαν οÍσ¬αν E 1J
propre le changement général de l’objet. ε®v ντελχειαν fort. coniciendum || στιν add. in marg. E 2 || 14
3. Voir Notes complémentaires, p. 121. περ τ¿ µγεθοv E 1 || αÑξησιv κα φθ¬σιv W et F Anonymus Collega.
tion, ces deux dernières consistant dans le changement allant λο¬ωσιv, µφ¾τερα δ κ δυνµει Ãντων ε®v ντελχειαν 15
de certaines choses en puissance à l’entéléchie des choses µεταàολ τéν ε®ρηµνων στ¬ν, κα Á τρ¾ποv διαφρει τv
qu’on a dites) ou bien si la différence tient également au µεταàολv· φα¬νεται γρ τ¿ µν λλοιο˵ενον οÍκ ξ νγ-
mode de changement. Car à l’évidence, il n’est pas nécessaire κηv µεταàλλον κατ τ¾πον, οÍδ τ¿ γιν¾µενον, τ¿ δL αÍξα-
que ce qui s’altère change selon le lieu, ni ce qui est en- ν¾µενον κα τ¿ φθ´νον, λλον δ τρ¾πον τοÖ φεροµνου. Τ¿
gendré, tandis que ce qui augmente et diminue, si, quoique µν γρ φερ¾µενον Åλον λλττει τ¾πον, τ¿ δL αÍξαν¾µε- 20
d’une autre manière que l’objet transporté 1. Ce qu’on trans- νον èσπερ τ¿ λαυν¾µενον· τοËτου γρ µνοντοv τ µ¾ρια
porte, en effet, change de lieu dans sa totalité, tandis que ce
µεταàλλει κατ τ¾πον, οÍχ èσπερ τ τv σφα¬ραv· τ
qui augmente change comme un objet qu’on serait en train
µν γρ ν τô °σ} τ¾π} µεταàλλει τοÖ Åλου µνοντοv,
de distendre : alors même que ce dernier demeure, ses par-
τ δ τοÖ αÍξανοµνου ε π πλε¬ω τ¾πον, πL λττω δ
ties changent selon le lieu, mais non pas comme celles de
la sphère — car celles-ci changent à l’intérieur d’un lieu de τοÖ φθ¬νοντοv. IΟτι µν ο×ν µεταàολ διαφρει οÍ µ¾νον 25
dimension égale, le tout demeurant au même endroit, tandis περ Ä λλ κα çv τοÖ τε γινοµνου κα λλοιουµνου κα
que les parties de ce qui augmente occupent un lieu toujours αÍξανοµνου, δλον.
plus grand, et les parties de ce qui diminue un lieu toujours αÍξανοµνου, δλον. Περ δ Ä µεταàολ στιν τv αÍ-
plus petit 2. Il est donc manifeste que le changement de ce ξσεωv κα τv φθ¬σεωv (περ µγεθοv δ δοκε´ εµναι τ¿
qui est engendré, de ce qui s’altère et de ce qui augmente se αÍξνεσθαι κα φθ¬νειν), ποτρωv Îποληπτον, π¾τερον κ
spécifie non seulement selon le type de sujet concerné mais δυνµει µν µεγθουv κα σÞµατοv, ντελεχε¬{ δL σωµ- 30
aussi selon les modalités d’après lesquelles ce changement a του κα µεγθουv γ¬νεσθαι σéµα κα µγεθοv ; κα τοËτου
lieu. διχév νδεχοµνου λγειν, ποτρωv αÑξησιv γ¬γνεται, π¾-
L’augmentation Mais le sujet des changements τερον κ κεχωρισµνηv αÍτv καθL αÎτν τv Ïληv, νυ-
part d’une grandeur d’augmentation et de diminution παρχοËσηv ν λλ} σÞµατι ; δËνατον µφοτρωv ; Χω-
préexistante. (transformations qui semblent bien ριστ µν γρ ο×σα οÍδνα καθξει τ¾πον ο¶ον στιγµ, 1 320b
concerner la grandeur), qu’en faut- κεν¿ν σται κα σéµα οÍκ α®σθητ¾ν. ΤοËτων δ τ¿ µν οÍκ
il supposer ? 3 Que c’est à partir d’une grandeur et d’un corps νδχεται, τ¿ δ ναγκα´ον ν τινι εµναι· ε γρ που σται
en puissance, d’un incorporel et d’une non-grandeur en en- τ¿ γιγν¾µενον ξ αÍτοÖ, èστε κκε´νο, καθL αÎτ¿ κατ
téléchie, que sont engendrés grandeur et corps ? Et cela
pouvant être compris de deux façons, comment l’augmen- 15 µφοτρων F || κ δυνµει ELMW : κ τFν δυνµει FHJ 1V
tation a-t-elle lieu ? (a) D’une matière en soi et en tant que || 16 om. J 1 || 18-19 αÍξνον M || 19 τ¿ pr. om. J 1VW || 20
telle séparée, ou (b) existante dans un autre corps 4 ? Ou les ναλλττει τ¿ν τ¾πον F || 21 τοËτου µν γρ F 1 || 22 τ pr. om. M
deux solutions sont-elles l’une et l’autre impossibles ? Car || 23 τG om. M || 24 δ sec. om. J 1 || 25 τοÖ EFHJ 1V : τ τοÖ
si la matière est (a) séparée 5, soit (i) elle n’occupera aucun MLW || φθ¬νοντοv : φθινοµνου M || µεταàολ διαφρει ELMFH :
lieu, sinon 6 comme un point 7, soit (ii) elle sera du vide et 8 διαφρει µεταàολ J 1VW || 26 τε om. W || 27 δ Ä : Ä δ MH ||
στιν µεταàολ FHL || sec. om. L || 28 om. J 1 || δ om.
un corps non perceptible. De ces deux choses 9, l’une est J 1 || εµναι om. W || 320b 1 µν om. E 1 || ο¶ον ( seclusit
impossible et l’autre doit nécessairement être dans quelque Joachim) : λλL ο¶ον W ο¶ον γρ ( γρ.) Philop. c || στιγµ EM
Philop. l (codd. RZ) : στιγµ τιv cett. || 2 κα EFHJVW Gerardus
Philop. c : LM Zerah.yiah || τ¿ µν dupl. E 1 || 3 ναγκαEον
1-9. Voir Notes complémentaires, p. 121-122.
δηλον¾τι ν F.
chose (ce qui est engendré à partir d’elle sera en effet tou- συµàεàηκ¾v. LΑλλ µν ε° γL ν τινι Îπρξει, ε® µν κε- 5
jours quelque part, de sorte qu’elle aussi sera quelque part, χωρισµνον οÏτωv èστε µ κε¬νου καθL αÎτ¿ κατ συµ-
ou par soi ou par accident 1). Pourtant, si la matière existe βεàηκ¾v τι εµναι, συµàσεται πολλ κα δËνατα, λγω
dans quelque chose tout en étant séparée au point de n’être δL ο¶ον ε® γ¬γνεται ρ ξ Ïδατοv, οÍ τοÖ Ïδατοv σται µετα-
rien de ce quelque chose ni en soi ni par accident, alors beau- βλλοντοv, λλ δι τ¿ èσπερ ν γγε¬} τô Ïδατι εµ-
coup d’impossibilités découleront : l’air engendré 2 à partir ναι τν Ïλην αÍτοÖ. LΑπε¬ρουv γρ οÍδν κωλËει Ïλαv εµναι, 10
de l’eau, par exemple, ne viendra pas d’une transformation èστε κα γ¬γνεσθαι ντελεχε¬{. MΕτι οÍδL οÏτω φα¬νεται
de l’eau, mais de ce que sa matière était contenue dans l’eau
γιγν¾µενοv ρ ξ Ïδατοv, ο¶ον ξιáν Îποµνοντοv. Βλτιον
comme dans un récipient. Rien n’empêcherait alors qu’il
το¬νυν ποιε´ν πσιν χÞριστον τν Ïλην äv ο×σαν τν αÍτν
y ait un nombre infini de matières, au point même qu’un
κα µ¬αν τô ριθµô, τô λ¾γ} δ µ µ¬αν. LΑλλ µν οÍ-
nombre infini en soit engendré en entéléchie 3. De plus, il est
évident que ce n’est pas même de cette façon que l’air est en- δ στιγµv θετον οÍδ γραµµv τν τοÖ σÞµατοv Ïλην δι 15
gendré à partir de l’eau, comme s’il se détachait d’une chose τv αÍτv α®τ¬αv. LΕκε´νο δ οØ ταÖτα σχατα Ïλη, ν
subsistante. Il est dès lors préférable de poser, pour tous οÍδποτL νευ πθουv ο¶¾ν τε εµναι οÍδL νευ µορφv.
les corps, (b) la matière non séparée, dans l’idée qu’elle est οÍδποτL νευ πθουv ο¶¾ν τε εµναι οÍδL νευ µορφv. Γ¬γνεται
identique et une numériquement, mais non pas une dans sa µν ο×ν πλév τερον ξ τρου, èσπερ κα ν λλοιv διÞρι-
définition 4. Reste qu’il ne faut pas non plus poser les points σται, κα Îπ¾ τινοv δ ε ντελεχε¬{ Ãντοv, ÁµοειδοÖv
ni les lignes 5 comme matière du corps, pour les mêmes rai- ÁµογενοÖv, ο¶ον πÖρ Îπ¿ πυρ¿v νθρωποv ÎπL νθρÞπου, 20
sons : la matière est ce dont ceux-ci sont les extrémités, et ÎπL ντελεχε¬αv· σκληρ¿ν γρ οÍχ Îπ¿ σκληροÖ γ¬νεται.
elle ne saurait jamais exister sans affection ni forme 6. LΕπε δL στ κα οÍσ¬αv Ïλη σωµατικv, σÞµατοv δL δη τοι-
Ainsi donc, comme nous l’avons défini ailleurs 7, une ουδ¬ (σéµα γρ κοιν¿ν οÍδν), αÍτ κα µεγθουv κα π-
chose ne tire sa génération absolue que d’autre chose ; et
elle est engendrée sous l’action de quelque chose existant 6 νου... συµàεàηκ¿v om. E et καθL ... συµàεàηκ¿v om. Philop.
toujours 8 en entéléchie, de même espèce ou de même genre 9 fort. recte || καθL : καθL L τι καθL J 2 τι καθL W || 7 τι del. J 2 : τινι
(comme le feu du feu ou un homme d’un homme), ou sous W || εµναι συµàσεται post πολλ κα δËνατα ponit W || 8 γ¬γνοιτο
l’action d’une entéléchie (le dur ne naît pas du dur) 10. Et V || 9-10 εµναι ELMW : νεEναι FHJ 1V || 10 οÍθν V || εµναι Ïλαv
VW || 11 MΕτι EFJ 1VW Philop. l : MΕτι δL LMH || οÍδL ELF 1
puisque la matière de la substance corporelle et a fortiori de
(om. M) : οÍχ HJ 1VW Philop. l || 12 Á ρ M Philop. l || ξιáν :
tel ou tel corps concret (car il n’est rien qui soit un corps ξ ëν W || 13 ποιεEν post χÞριστον ponit F || τν Ïλην E 1LM :
en général 11), ainsi que de la grandeur et de l’affection, est εµναι τν Ïλην FHJ 1VW || äv om. L || 14 τG ριθµG ELMFH :
une et la même 12, elle est séparable dans sa définition mais ριθµG J 1VW Philop. c (excepto codice Z) || τG sec. om. W ||
non selon le lieu, à moins de considérer aussi les affections µ µ¬αν LWH : µηδ µ¬αν F µηδ嵬αν JM οÍ µ¬αν V µ om. E || 16
comme séparables 13. ν ELMW : ν ν FHJ 1V || 17 ο¶¾ν τε : ο°ονται J || 18 πλFv
ÁµογενοÖv τερον F || κα om. W || λλοιv : τροιv Philop. l+c
οιv E 1 || 19 Îπ¾ : π¾ F || δ ε ντελεχε¬{ EMW H . unayn : δ
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 123. ντελεχε¬{ FHJVL Philop. l || 19-20 ÁµοειδοÖv ÁµογενοÖv ELM
3. Et l’infini en entéléchie est impossible. Cf. Phys. III 8. H l
. unayn Philop. : inv. ord. FHJVW || 20 νθρωποv : κνθρωποv
4. Pour le sens de cette phrase, cf. supra, I 3, 19b 3-4 et E κα νθρωποv W || 21 ντελεχε¬{ M || γρ om. E 1 || 22 σÞµατοv
Introduction, p. xciii sqq. ... 23 οÍδν post 25 χωριστ ponit L || δL δη : δη F || 23 κοιν¿ν
5-13. Voir Notes complémentaires, p. 123-124. γρ F || αÍτ iteravit EM ( αÍτ αÏτη lege).
Il ressort clairement de l’examen de ces apories que l’aug- θουv, στ τô µν λ¾γ} χωριστ, τ¾π} δL οÍ χωριστ, ε® µ
mentation n’est pas une transformation à partir de ce qui, κα τ πθη χωριστ. 25
grandeur en puissance, n’aurait en entéléchie aucune gran- κα τ πθη χωριστ. Φανερ¿ν δ κ τéν διηπορηµνων Åτι
deur : sinon, le vide 1 serait séparé, et l’on a déjà montré οÍκ στιν αÑξησιv µεταàολ κ δυνµει µεγθουv, ντελε-
ailleurs que c’était impossible 2. En outre, une telle trans- χε¬{ δ µηδν χοντοv µγεθοv· χωριστ¿ν γρ ν ε°η τ¿ κε-
formation ne serait assurément pas propre à l’augmentation ν¾ν, τοÖτο δL Åτι δËνατον, ε°ρηται ν τροιv πρ¾τερον. MΕτι
mais, fondamentalement, à la génération 3. L’augmentation δL γε τοιαËτη µεταàολ οÍκ αÍξσεωv °διοv λλ γεν-
est en effet un accroissement de la grandeur existante, la di-
σεωv Åλωv. HΗ γρ αÑξησ¬v στι τοÖ Îπρχοντοv µεγθουv π¬δο- 30
minution son amoindrissement. C’est justement pourquoi ce
σιv, δ φθ¬σιv µε¬ωσιv. ∆ι¿ δ χειν τι δε´ µγεθοv τ¿
qui augmente doit nécessairement avoir quelque grandeur,
αÍξαν¾µενον, èστL οÍκ ξ µεγθουv Ïληv δε´ εµναι τν αÑξη-
si bien que l’augmentation ne doit pas se produire d’une
matière sans grandeur à l’entéléchie d’une grandeur, car il σιν ε®v ντελχειαν µεγθουv· γνεσιv γρ ν ε°η σÞµατοv
s’agirait là davantage de la génération d’un corps que de son µλλον, οÍκ αÑξησιv.
augmentation. µλλον, οÍκ αÑξησιv. Ληπτον δ µλλον ο¶ον πτοµνουv
τv ζητσεωv ξ ρχv, πο¬ου τιν¿v Ãντοv τοÖ αÍξνεσθαι 1 321a
Les réquisits Aussi, reprenons la recherche comme
si nous ne faisions que l’aborder : à τοÖ φθ¬νειν τ α°τια ζητοÖµεν. Φα¬νεται δ τοÖ αÍξανοµνου
de l’augmentation. ÁτιοÖν µροv ηÍξσθαι, Áµο¬ωv δ κα ν τô φθ¬νειν λαττον
quelle sorte de processus renvoient
augmentation et diminution, sur les causes desquelles porte γεγονναι, τι προσι¾ντοv τιν¿v αÍξνεσθαι κα πι¾ντοv
notre recherche ? On constate que de ce qui augmente, n’im- φθ¬νειν. LΑνγκη δ σωµτ} αÍξνεσθαι σÞµατι· 5
porte quelle partie a augmenté et que, semblablement, dans ε® µν ο×ν σωµτ}, σται χωριστ¿ν κεν¾ν· δËνατον δ
le processus de diminution, toute partie est devenue plus µεγθουv Ïλην εµναι χωριστν, èσπερ ε°ρηται πρ¾τερον. Ε® δ
petite ; on constate également que le processus d’augmen- σÞµατι, δËο ν τô αÍτô [σÞµατα] τ¾π} σται, τ¾ τε αÍ-
tation résulte d’une addition, et celui de diminution d’une ξαν¾µενον κα τ¿ α×ξον· στι δ κα τοÖτο δËνατον. LΑλλ µν
perte. Or 4 il est nécessaire que l’augmentation ait lieu sous οÍδL οÏτωv νδχεται λγειν γ¬νεσθαι τν αÑξησιν τν φθ¬- 10
l’effet d’un incorporel ou d’un corps. Si donc c’est par un σιν, èσπερ Åταν ξ Ïδατοv ρ· τ¾τε γρ µε¬ζων Á Ãγκοv
incorporel, il y aura un vide séparé — mais il est impossible
que la matière d’une grandeur soit séparée, comme on vient 24 στ om. L || 25 τ om. E || δ L || 27-28 κεν¾ν EMWF 1
de le dire 5 ; si toutefois c’est par un corps, il y aura deux H unayn : κοιν¾ν HJVLF 2 : utrumque agnovit Philop. c || 28
.
êtres dans le même lieu, ce qui augmente et le facteur d’aug- τοÖτο : τοÖ L || ν τροιv om. F 1HL ν τοEv W || 29 δL om.
mentation, et cela aussi est impossible. Et pourtant, il n’est L || 30 Åλωv om. F || νυπρχοντοv F 1HL || 31 δ ELMH
pas possible de dire que l’augmentation ou la diminution se Philop. c : δεE FJVW || τι δεE LMH Philop. c : τι EFVW τοδει J 1 ||
32 εµναι δεE Ïλαv M || 33 ε®v ... µεγθουv om. W || ν om. M ||
produisent quand par exemple l’air provient de l’eau, même
33-34 µAλλον σÞµατοv F || 321a 2 δ ο×ν τοÖ L || 4 τι EMW :
si le volume est alors effectivement devenu plus grand : il τι δ FHJVL || πι¾ντοv τιν¿v W || 5 LΑνγκη EML : ναγκαEον
FHJ 1VW || δ EM δL W : δ FHJVL || 6 τ¿ ante κεν¿ν add. FL
|| κεν¾ν : κοιν¾ν F 2 et ( γρ.) Philop. c || 8 σÞµατα FHJV : non
1. Voir Notes complémentaires, p. 124.
hab. E 1 ante ν ponit L post τ¾π} W Philop. l+c post σται M ||
2. Cf. Phys. ∆, chap. 6-9.
8-9 αÍξ¾µενον HL || 9 α×ξον : αÍξνον M || τοÖτο : αÍτ¿ L || 10
3-5. Voir Notes complémentaires, p. 124-125. οÍδL : δL W || : κα LW || 11 µεEζον V.
ne s’agit pas là d’une augmentation, mais d’une génération γγονεν· οÍ γρ αÑξησιv τοÖτο λλ γνεσιv µν τοÖ ε®v Ä
de ce vers quoi avait lieu le changement et d’une corruption µετàαλλεν σται, φθορ δ τοÖ ναντ¬ου, αÑξησιv δ οÍδετρου,
de son contraire, sans que ni l’un ni l’autre n’« augmente » ; λλL οÍδεν¿v ε° τι κοιν¿ν µφο´ν Îπρχει τô φθαρντι
rien donc n’augmentera, ou alors quelque chose qui appar- κα τô γινοµν}, ο¶ον ε® σéµα. Τ¿ δL Ïδωρ οÍκ ηÑξηται οÍδL 15
tiendrait en commun à tous les deux — ce qui a subi une Á ρ, λλ τ¿ µν π¾λωλε τ¿ δ γγονεν, τ¿ σéµα δ,
corruption et qui est en train de s’engendrer —, un corps ε°περ, ηÑξηται. LΑλλ κα τοÖτL δËνατον· δε´ γρ σÞζειν
supposons 1 : alors que l’eau n’a pas été augmentée, ni l’air, τô λ¾γ} τ Îπρχοντα τô αÍξανοµν} κα φθ¬νοντι. ΤαÖ-
mais que celle-là a été détruite et celui-ci engendré, le corps
τα δ τρ¬α στ¬ν, ëν ν µν στι τ¿ ÁτιοÖν µε´ζον µροv εµναι
(dans notre supposition) 2 a été augmenté. Pourtant, cela
τοÖ αÍξανοµνου µεγθουv, ο¶ον ε® σρξ, τv σαρκ¾v, κα 20
même est impossible. Il faut en effet sauver dans la défini-
προσι¾ντοv τιν¾v, κα τρ¬τον σωζοµνου τοÖ αÍξανοµνου κα
tion les propriétés de ce qui augmente et de ce qui diminue 3.
Celles-ci sont au nombre de trois : (1) toute partie de la gran- Îποµνοντοv· ν µν γρ τô γ¬γνεσθα¬ τι πλév φθε¬ρε-
deur qui augmente augmente — comme dans le cas où la σθαι οÍχ Îποµνει, ν δ τô λλοιοÖσθαι κα αÍξνεσθαι
chair provient de la chair —, (2) quelque chose d’autre vient φθ¬νειν Îποµνει τ¿ αÍτ¿ τ¿ αÍξαν¾µενον λλοιο˵ενον,
s’ajouter et troisièmement, (3) ce qui augmente est préservé λλL νθα µν τ¿ πθοv νθα δ τ¿ µγεθοv τ¿ αÍτ¿ οÍ µ- 25
et subsiste. Quand, de fait, une chose est engendrée ou se νει. Ε® δ σται ε®ρηµνη αÑξησιv, νδχοιτL ν µηδεν¾v γε
corrompt absolument, rien ne subsiste, tandis que dans les προσι¾ντοv µηδ Îποµνοντοv αÍξνεσθαι (κα µηδεν¿v πι¾ν-
processus d’altération et d’augmentation ou de diminution, τοv φθ¬νειν) κα µ Îποµνειν τ¿ αÍξαν¾µενον. LΑλλ δε´
ce qui augmente ou s’altère subsiste identique à soi, à ceci τοÖτο σÞζειν· Îπ¾κειται γρ αÑξησιv τοιοÖτον.
près que c’est ici l’affection, là la grandeur qui ne demeurent τοÖτο σÞζειν· Îπ¾κειται γρ αÑξησιv τοιοÖτον. LΑπορσειε
pas identiques. Et si justement il fallait tenir ce qu’on a men- δL ν τιv κα τ¬ στι τ¿ αÍξαν¾µενον, π¾τερον ö προστ¬θετα¬ 30
tionné pour une augmentation, alors il serait possible que, τι, ο¶ον ε® τν κνµην αÍξνει, αÏτη µε¬ζων, ö δ αÍξ-
sans que rien ne vienne s’ajouter ni ne subsiste, il y ait aug- νει, τροφ, οÑ. ∆ι τ¬ δ ο×ν οÍκ µφω ηÑξηται ; µε´ζον
mentation (et sans que rien ne s’en aille, diminution) et ne
subsiste pas ce qui augmente. Mais il faut sauver cet en-
13 µετàαλλεν ELM ( µετàαλεν W) : µεταàλλει FHJ 1V ||
semble de conditions : telle est, selon notre assomption, la
φθορ : φορ J || 14 µφοEν FHJ 1VW Philop. l : µφω ELM (et
définition de l’augmentation. Philop. l codd. GT) || 14-15 τG φθαρντι κα τG γινοµν} LMW
Le facteur de Mais on pourrait également être em- ( τG φθ. κα τG γενοµν} Philop. l ) : τG γ. κα τG φθ. HJV H
. unayn
barrassé pour définir la nature de ce ut vid. τG γ. κα φθ. F : τG φθαρντι E || 15-16 οÍδL Á : οÍδ W ||
l’augmentation. 17 ε°περ : ε® E 1 || ηÑξηται : suprascr. ο M || 18 κα¬ τι E 1 ||
qui augmente : est-ce ce à quoi quelque
19 δ om. W || ν om. E 1 || µεEζον µροv E 1M : µροv µεEζον
chose vient s’ajouter (l’augmentation du mollet implique FHJVLW || εµναι : γ¬γνεσθαι L || 20 µεγθουv om. E 1 fort. recte
que celui-ci devient plus grand, mais ce par quoi on l’aug- || ο¶ον ε® HJVMW : ο¶ον EF 1 ο¶ον L || 22 γ¬γνεσθα¬ : φθε¬ρεσθαι
mente, la nourriture, non) ? Pourquoi donc n’y a-t-il pas W || τι del. J 2 || φθε¬ρεσθαι : γ¬γνεσθαι W || 23 κα : FHLW
eu augmentation des deux ? Ce qui augmente et le facteur || αÑξεσθαι F || : κα W || 24 τ¿ αÍτ¿ om. F 1 || τ¿ sec. om. L
d’augmentation deviendraient tous les deux plus grands, || 25 τ¿ πθοv : τ¿ πθοv τ¿ αÍτ¿ W || οÍ : Îπο (sc. Îποµνει ) J 2 ||
26 γε ELW : τε FHJV ποτε M || 27 µηδ Îποµνοντοv suspectauit
Joachim || 31 ö : Ä F || 32 οÑ om. HJVLMW || δ : δεE J 1 ||
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 125. ο×ν om. E.
comme quand on mélange de l’eau à du vin : on a, indiffé- γρ κα Ä κα ö, èσπερ Åταν µ¬ξ|v οµνον Ïδατι· Áµο¬ωv
remment, plus de l’un et plus de l’autre. La cause serait-elle γρ πλε´ον κτερον. NΗ Åτι τοÖ µν µνει οÍσ¬α, τοÖ δL οÑ,
que la substance de l’un demeure mais celle de l’autre, la ο¶ον τv τροφv ; LΕπε κα νταÖθα τ¿ πικρατοÖν λγεται ν 35
nourriture, non ? De fait, dans ce cas aussi, c’est du nom de τ© µ¬ξει, ο¶ον Åτι οµνοv· ποιε´ γρ τ¿ τοÖ ο°νου ργον λλL οÍ 1 321b
l’élément qui prévaut qu’on qualifiera le mélange, quand on τ¿ τοÖ Ïδατοv τ¿ συν¾λον µ¬γµα. HΟµο¬ωv δ κα πL λ-
dit par exemple que c’est du vin. Car le mélange des compo- λοιÞσεωv, ε® µνει σρξ, ο×σα κα τ¿ τ¬ στι, πθοv δ τι
sants produit l’effet du vin, non de l’eau 1. Il en va de même Îπρχει τéν καθL αÎτ¾, Ä πρ¾τερον οÍχ Îπρχεν, λλο¬ω-
dans le cas de l’altération : si la chair demeure, étant égale-
ται τοÖτο· ö δL λλο¬ωται, Áτ µν οÍδν ππονθεν, Áτ δ 5
ment l’essence, mais qu’elle se met à posséder une affection
κκε´νο. LΑλλ τ¿ λλοιοÖν κα ρχ τv κινσεωv ν τô
par soi qu’elle ne possédait pas auparavant, on a eu là une
αÍξανοµν} κα τô λλοιουµν}· ν τοËτοιv γρ τ¿ κινοÖν,
altération ; or ce par quoi elle s’altère tantôt ne subit aucune
affection et tantôt s’altère aussi. Mais le facteur d’altération πε κα τ¿ ε®σελθ¿ν γνοιτL ν ποτε µε´ζον κα τ¿ πο-
et le principe de mouvement sont dans ce qui augmente ou λαÖσαν αÍτοÖ σéµα, ο¶ον ε® ε®σελθ¿ν γνοιτο πνεÖµα· λλL
dans ce qui s’altère, car c’est en eux que réside le facteur de φθαρτα¬ γε τοÖτο παθ¾ν, κα τ¿ κινοÖν οÍκ ν τοËτ}. 10
mouvement 2. De fait, le corps qui vient s’ajouter a bien pu, φθαρτα¬ γε τοÖτο παθ¾ν, κα τ¿ κινοÖν οÍκ ν τοËτ}. LΕπε δ
comme le corps qui l’a absorbé, se trouver agrandi, si par διηπ¾ρηται περ αÍτéν ¯κανév, δε´ κα τv πορ¬αv πειρ-
exemple, une fois introduit, il est devenu souffle 3 ; toujours σθαι λËσιν εÎρε´ν, σÞζονταv τ¿ Îποµνοντ¾v τε τοÖ αÍξανο-
est-il qu’il s’est corrompu en subissant cette affection — et µνου κα προσι¾ντοv τιν¿v αÍξνεσθαι, πι¾ντοv δ φθ¬νειν,
le facteur de mouvement n’est pas en lui. τι δ τ¿ ÁτιοÖν σηµε´ον α®σθητ¿ν µε´ζον λαττον γεγο-
Retour à Puisqu’on a poussé l’examen de ces apo- νναι, κα µτε κεν¿ν εµναι τ¿ σéµα µτε δËο ν τô αÍ- 15
l’augmentation. ries autant qu’il était nécessaire, il faut τô τ¾π} µεγθη µηδ σωµτ} αÍξνεσθαι. Ληπτον δ
aussi tenter de leur trouver une solu- τ¿ α°τιον διορισαµνοιv πρéτον ν µν Åτι τ νοµοιοµερ
tion, en sauvant le fait que l’augmentation repose sur la αÍξνεται τô τ Áµοιοµερ αÍξνεσθαι (σËγκειται γρ κ
subsistance de ce qui est augmenté et l’adjonction de quelque
chose d’autre, la diminution sur le départ de quelque chose 33 κα pr. om. F || Ä κα ö om. E 1 || èσπερ κα Åταν
et qu’en outre, tout point perceptible devienne plus grand ou MWF 2 (Anonymus Collega) || 34 s. l. add. M || 35 λγεται
plus petit ; et cela, sans que le corps soit du vide, sans qu’il y τ¿ πικρατοÖν V || 321b 5 τοÖτο om. E fort. recte : τ¾τε H || ö δL
ait deux grandeurs dans le même lieu, et sans que le proces- λλο¬ωται om. E || 5-6 Áτ δ ( οÍδL Áτ F) κκεEνο ELFHJ 1V : Áτ
sus d’augmentation se fasse sous l’action d’un incorporel 4. δ λλυται οÍσ¬α κκεEνο λλο¬ωται W οÍδL λλο¬ωται οÍσ¬α, Áτ δ
Or, pour saisir la cause de l’augmentation, il faut distinguer κκεEνο Philop. l+c M Áτ δ λλο¬ωται οÍσ¬α J 2 et fortasse alterata
est substantia eius Zerah.yiah melius quam Gerardus (et fortasse
tout d’abord que les anhoméomères augmentent par l’aug- dissoluitur substantia eius), qui radices h.ll et h.āl non discreverit
mentation des homéomères (chacun d’eux en est composé), (cf. Überlieferungsgeschichte p. 87-89) || 7 κα τG : κα M κα ν
τG W || 9 ο¶ον ε® HJVLW : ο¶ον EMF || 10 γε : τε E 1 || παθων J 1
|| πε δ : πειδ δ FL πειδ vel πειδ δ Philop. l || 12 τε om.
1. D’autant plus que le vin, en Grèce, était bu coupé d’eau. WJ 2 : τινοv E 1M || 13 κα : W || αÑξεσθαι FL || 15 τ¿ om. L
2-3. Voir Notes complémentaires, p. 126. || 16 εµναι µεγθη W || µηδ EMWJV: µτε FHL || αÑξεσθαι JV
4. Réaffirmation des trois réquisits fondamentaux de || δ : δ FL Philop. l || 17 τ¿ α°τιον om. H || διωρισαµνοιv J ||
l’augmentation. ν om. L || ÁµοιοµερC E.
et ensuite que la chair, l’os et chacune des parties de ce type τοËτων), πειθL Åτι σρξ κα ÀστοÖν κα καστον τéν
(comme d’ailleurs tous les corps qui ont leur forme dans la τοιοËτων µορ¬ων στ διττ¾ν, èσπερ κα τéν λλων τéν ν 20
matière) sont à prendre en deux sens, du fait que la matière Ïλ| εµδοv χ¾ντων· κα γρ Ïλη λγεται κα τ¿ εµδοv
comme la forme peuvent être désignées par « chair » ou par σρξ κα ÀστοÖν.
« os » 1. σρξ κα ÀστοÖν. Τ¿ ο×ν ÁτιοÖν µροv αÍξνεσθαι κα προσι¾ντοv
L’augmentation a Or, que toute partie augmente et que τιν¿v κατ µν τ¿ εµδ¾v στιν νδεχ¾µενον, κατ δ τν Ïλην
lieu selon la ce soit par l’ajout de quelque chose, οÍκ στιν· δε´ γρ νοσαι èσπερ ε° τιv µετρο¬η τô αÍτô µ-
forme et non selon la forme, cela est possible, mais τρ} Ïδωρ· ε γρ λλο κα λλο τ¿ γιν¾µενον. ΟÏτω δL 25
selon la matière, cela ne l’est pas. Il αÍξνεται Ïλη τv σαρκ¾v, κα οÍχ Áτ}οÖν παντ προσγ¬-
selon la matière.
faut en effet concevoir le problème νεται, λλ τ¿ µν Îπεκρε´ τ¿ δ προσρχεται, τοÖ δ σχ-
comme si quelqu’un mesurait une certaine quantité d’eau µατοv κα τοÖ ε°δουv Áτ}οÖν µορ¬}. LΕπ τéν νοµοιοµερéν δ
à l’aide de la même mesure 2 : ce qui se présente est à chaque
τοÖτο µλλον δλον, ο¶ον χειρ¾v, Åτι νλογον ηÑξηται·
fois différent ; c’est ainsi qu’augmente la matière de la chair :
γρ Ïλη τρα ο×σα δλη µλλον τοÖ ε°δουv νταÖθα π 30
elle ne s’adjoint pas à toute partie que ce soit (mais l’une
σαρκ¿v κα τéν Áµοιοµερéν· δι¿ κα τεθνεéτοv µλλον ν
s’écoule subrepticement tandis que l’autre s’agrège), mais
à toute partie de la figure et de la forme 3. C’est toutefois δ¾ξειεν εµναι τι σρξ κα ÀστοÖν χε´ρ κα βραχ¬ων. IΩστε
pour les anhoméomères, comme la main, qu’on voit plus στι µν äv ÁτιοÖν τv σαρκ¿v ηÑξηται, στι δL äv οÑ. Κατ
clairement que l’augmentation conserve les proportions : la µν γρ τ¿ εµδοv Áτ}οÖν προσελλυθεν, κατ δ τν Ïλην οÑ.
matière est plus clairement différente de la forme ici que Με´ζον µντοι γγονε τ¿ Åλον προσελθ¾ντοv µν τινοv, Ä κα- 35
dans le cas de la chair et des homéomères — raison pour la- λε´ται τροφ, κα ναντ¬ου, µεταàλλοντοv δ ε®v τ¿ αÍτ¿ 1 322a
quelle on sera plus autorisé à attribuer encore la chair et l’os εµδοv, ο¶ον ε® ξηρô προσ¬οι Îγρ¾ν, προσελθ¿ν δ µεταàλοι
à un cadavre que la main et le bras 4. De sorte qu’en un sens, κα γνοιτο ξηρ¾ν· στι µν γρ äv τ¿ ŵοιον Áµο¬} αÍξνεται,
toute partie de chair a augmenté et en un sens non : selon la στι δL äv νοµο¬}.
forme, il y a eu adjonction à toute partie, mais non selon la στι δL äv νοµο¬}. LΑπορσειε δL ν τιv πο´¾ν τι δε´ εµναι τ¿
matière. Le tout est pourtant devenu plus grand par l’ajout ö αÍξνεται. Φανερ¿ν δ Åτι δυνµει κε´νο, ο¶ον ε® σρξ, 5
de quelque chose de contraire, qu’on appelle nourriture, qui δυνµει σρκα. LΕντελεχε¬{ ρα λλο· φθαρν δ τοÖτο
a changé vers la même forme, comme si par exemple l’hu-
mide venait s’ajouter au sec et, après adjonction, changeait 19 τοËτων EM Philop. l : τοËτων καστον FHJVLW || 19-20
et devenait du sec. Car en un sens, le semblable augmente καστον τFν τοιοËτων : τοËτων καστον τFν L || 20 διττFν E ||
par le semblable, mais en un sens, par le dissemblable 5. 22 κα pr. EJ 1VH H. unayn : FLMW || 25 λλο pr. : λλο τι
W || δL : δ F κα L δ κα W || 26 οÍχ ELMW Philop. l : οÍχ
Assimilation Car il y a bien une aporie à s’interroger
FHJV || Áτ}οÖν : οÑτωοÖν E || 28 ÁτοοÖν µ¾ριον E 1 || ante τFν
du facteur sur la nature du facteur de l’augmen- ponunt δ FHL || 31 ν om. F || 32 τι εµναι J 1VW || βραχε¬ων
d’augmentation. tation 6. De toute évidence, il doit être J 1 || 34 µν : µντοι F || 35 γγονε τ¿ Åλον ELMW : τ¿ Åλον
en puissance : s’il s’agit de chair, par γγονε FHJ 1V Philop. l || µν om. W || 322a 1 ναντ¬ου EMJ 1V :
ναντ¬ον FHLW || 2 προσ¬οι FHJ 1V : προστεθC E προστεθε¬η M
προσ¬η LW || προσελθ¾ντοv W || µεταàλοι ELM : µεταàλλοι
FHJVW || 3 äv om. J 1 || 4 πορσαι E || δL : γρ V || τ¿ om.
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 126-127.
E || 5 αÑξεται F || δ : δL W || 6 ρα : τι M.
exemple 1, il doit être chair en puissance. En entéléchie, il σρξ γγονεν· οÍκοÖν οÍ τοÖτο αÍτ¿ καθL αÎτ¾· γνεσιv γρ ν ν,
est par conséquent autre chose : c’est justement quand cette οÍκ αÑξησιv· λλ τ¿ αÍξαν¾µενον τοËτ}. Τ¬ ο×ν παθ¿ν Îπ¿
autre chose a été corrompue qu’il 2 est devenu chair (non τοËτου ηÍξθη ; µιχθν èσπερ ο°ν} ε° τιv πιχοι Ïδωρ, Á
lui-même en lui-même, cela va de soi — on aurait en effet δ δËναιτο οµνον ποιε´ν τ¿ µιχθν (èσπερ τ¿ πÖρ ψ- 10
une génération et non une augmentation — mais plutôt ce µενον τοÖ καυστοÖ), οÏτωv ν τô αÍξανοµν} κα Ãντι ντελε-
qui augmente sous son effet) 3. Mais quelle est l’affection su- χε¬{ σαρκ τ¿ ν¿ν αÍξητικ¿ν προσελθ¾ντοv δυνµει σαρ-
bie par le corps de la part de ce facteur d’augmentation, qui κ¿v πο¬ησεν ντελεχε¬{ ; ΟÍκοÖν µα Ãντοv· ε® γρ
a fait qu’il a été augmenté ? Est-ce que mélangé à la façon
χωρ¬v, γνεσιv. MΕστι µν γρ οÏτω πÖρ ποισαι π τ¿ Îπ-
dont on ajouterait de l’eau à du vin et qu’on puisse ainsi
ρχον πιθντα ξËλα. LΑλλL οÏτω µν αÑξησιv, Åταν δ 15
(comme le feu qui s’est emparé du combustible) rendre vin
αÍτ τ ξËλα φθ©, γνεσιv.
le mélange, de même, le principe d’augmentation interne à
la chair en entéléchie qui augmente a fait, par adjonction de αÍτ τ ξËλα φθ©, γνεσιv. Ποσ¿ν δ τ¿ µν καθ¾λου
la chair en puissance, une en entéléchie ? 4 Dans ce cas, les οÍ γ¬νεται, èσπερ οÍδ ζôον Ä µτL νθρωποv µτε τéν
deux corps sont ensemble : s’ils étaient séparés, ce serait une καθL καστα (λλL äv νταÖθα τ¿ καθ¾λου, κκε´ τ¿ ποσ¾ν),
génération. On peut en effet faire du feu de cette manière, σρξ δ ÀστοÖν χερ κα τοËτων τ Áµοιοµερ· προσελ-
en plaçant du bois sur un feu existant, et c’est une augmen- θ¾ντοv µν δ τινοv ποσοÖ, λλL οÍ σαρκ¿v ποσv. KΗι µν ο×ν 20
tation ; cependant, quand le bois s’enflamme de lui-même, δυνµει τ¿ συναµφ¾τερον, ο¶ον ποσ σρξ, ταËτ| µν αÑ-
il y a génération. ξει· κα γρ ποσν δε´ γ¬νεσθαι κα σρκα· « δ µ¾νον
Mais la quantité, prise universellement, σρξ, τρφει· ταËτ| γρ διαφρει τροφ κα αÑξησιv τô
Augmentation
et nutrition. n’est pas engendrée, pas plus qu’il n’y a λ¾γ}. ∆ι¿ τρφεται µν ωv ν σÞζηται κα φθ´νον, αÍξ-
d’engendrement d’un animal qui ne soit
ni un homme ni aucun des animaux particuliers (l’univer- 7 τοÖτο om. L || καθL αÎτ¾ om. E || ν om. F || 8 ν τοËτ}
sel correspondant ici à la quantité) 5 ; en revanche, la chair, W || 9 ο°ν} FJVLW : ÎγρG ο°ν} ME 2 Philop. c ut vid. (cf. p.
l’os, la main et les homéomères qui les composent sont en- 117,27-32) cum humiditate aut cum uino H . unayn fort. recte (cf.
Überlieferungsgeschichte p. 342-343) ÎγρG ο°ν} E 1 ν ο°ν} H || ε°
gendrés, dès lors qu’une certaine quantité de quelque chose 1
om. E et ε° τιv ante ο°ν} ponit L || πιχαι HJ πιχει W || 10
est venue s’adjoindre : assurément, quelque chose d’une cer- δËνατο E 1 δËναται F || τ¿ µιχθν om. W || èσπερ ELMWFJV :
taine quantité est venu s’adjoindre, qui n’était pas de la κα èσπερ H || 11 Ãντι : Åτι W || 13 ντελεχε¬{ E 1M H . unayn :
chair d’une certaine quantité. En ce que donc l’ensemble ντελεχε¬{ σρκα FHJVLW || ε® : ut vid. J 2 || 14 στι ... 16
des deux (« une certaine quantité / de chair ») est en puis- γνεσιv om. L || 14 π : πε W || 15 πιθντα : πειθεν τ W ||
sance, nous aurons là une augmentation — de fait, il faut 17 èσπερ om. M || µτε τι τFν VH Philop. l || 18 κκεE : κεE W
|| 19 δ : δ γοÖν L 2 || χερ ÀστοÖν J 1VW Philop. l || post χερ
que ce qui s’ajoute devienne à la fois « une certaine quan- add. νεÖρα doctus Byzantinus in Marc. gr. 211 circa 1300 (cf.
tité » et « de chair » ; mais en ce que seule la chair est en Überlieferungsgeschichte p. 282) βραχ¬ων coni. Joachim || κα :
puissance, il s’agit d’une nutrition. C’est en effet ce qui dis- κα τ W || 20 µν δ om. L : µν om. Philop. l || 21 µφ¾τερον
tingue dans la définition la nutrition et l’augmentation. C’est E 1 || 22 δεE : ε E || γ¬νεσθαι ELFH Philop. l : γενσθαι J 1VMW
la raison pour laquelle on se nourrit aussi longtemps qu’on || « : Ä W || µ¾νη Philop. l || 23 τρφει· ταËτ| γρ HJVLW : τρφει
ταËτ|· κα γρ ταËτ| E 1M H . unayn et F (Anonymus Collega)
τρφει ταËτ|· κα γρ Philop. l || 24 φθEνον : φθ¬ν| vel φθ¬νει E 1HF
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 127-128. || 24-25 αÍξνεται ELM : αÑξεται FHJVW.
perdure, même si l’on diminue, tandis que l’on n’augmente νεται δ οÍκ ε¬, κα τροφ τ© αÍξσει τ¿ αÍτ¿ µν, τ¿ 25
pas perpétuellement ; ainsi, la nutrition est la même chose δL εµναι λλο· « µν γρ στι τ¿ προσι¿ν δυνµει ποσ
que l’augmentation, mais sa forme d’être est différente 1. En σρξ, ταËτ| µν αÍξητικ¿ν σαρκ¾v, « δ µ¾νον δυνµει
ce que le corps qui vient s’adjoindre est en puissance « une σρξ, τροφ. | 33 Τ¿ δL εµδοv µνει· | 28 τοÖτο δ τ¿ εµδοv νευ
certaine quantité / de chair », il est facteur d’augmentation Ïληv, ο¶ον αÍλ¾v, δË|νᵬv τιv ν Ïλ| στ¬ν· ν δ τιv
pour la chair, mais en ce qu’il est, en puissance, seulement προσ¬| Ïλη, ο×σα δυνµει | 30 αÍλ¾v, χουσα κα τ¿ ποσ¿ν 30
chair, c’est une nourriture. Mais 2 la forme demeure. Cette δυνµει, οÑτοι σονται µε¬ζουv | αÍλο¬. LΕν δ µηκτι
forme sans matière est cependant, comme un hautbois, une
ποιε´ν δËνηται, λλL ο¶ον ο°ν} Ïδωρ | ε πλε´ον µιγν˵ενον
certaine puissance dans la matière ; si donc une certaine ma-
τλοv Îδαρ ποιε´ κα Ïδωρ, τ¾τε | 33 φθ¬σιν ποισει τοÖ ποσοÖ.
tière vient s’accoler, qui soit en puissance hautbois et qui
possède aussi la quantité en puissance, il n’y aura certes pas 3
de hautbois plus grands. Si cependant disparaît ce pouvoir
actif et qu’on se trouve comme avec de l’eau encore et encore 6. LΕπε δ πρéτον δε´ περ τv Ïληv κα τéν καλουµνων 1 322b
mélangée à du vin, qui rend finalement ce dernier aqueux στοιχε¬ων ε®πε´ν, ε°τL στιν ε°τε µ, κα π¾τερον ¬διον κα-
puis qui en fait de l’eau, cela provoquera alors la diminution στον γ¬γνοντα¬ πωv, κα ε® γ¬γνονται, π¾τερον ξ λλλων
de la quantité. γ¬γνονται πντα τ¿ν αÍτ¿ν τρ¾πον τι πρéτον ν αÍτéν στιν,
νγκη πρ¾τερον ε®πε´ν περ ëν διορ¬στωv λγεται νÖν. 5
<Chapitre 6> Πντεv γρ ο² τε τ στοιχε´α γεννéντεv κα ο¯ τ κ τéν
στοιχε¬ων διακρ¬σει χρéνται κα συγκρ¬σει κα τô ποιε´ν
Introduction générale : Mais puisqu’il faut d’abord trai- κα πσχειν. MΕστι δL σËγκρισιv µ¬ξιv· πév δ µ¬γνυσθαι
les réquisits d’une ter de la matière et de ce qu’on λγοµεν, οÍ διÞρισται σαφév. LΑλλ µν οÍδL λλοιοÖσθαι
étude des éléments. appelle les « éléments » 4, dire si
ces derniers existent ou non et 25 αÍξσει ELMWF Philop. l : αÑξ| HJV || τ¿ sec. : τG F ||
si chacun est éternel ou s’ils sont, en un sens, engendrés ; se 26 δL om. E || 27 σρξ, Ä ταËτ| E || 28 uerba Τ¿ δL εµδοv µνει,
demander, au cas où ils sont engendrés, si tous sont engen- quae in codd. omnibus post lin. 33 φθ¬σιν ποιεEται τοÖ ποσοÖ, huc
drés les uns des autres de la même façon ou si l’un d’entre transtuli || 28 νευ Ïληv del. Joachim sed v. p. cxiii, n. 2 ||
eux est premier — c’est une nécessité préalable de traiter ο¶ον : ο¶ον γρ V || 28, 30 αÍλ¾v αÍλο¬ Philop. c et fort. V 1 : ϋλοv
de ce dont on parle à présent sans faire encore les distinc- ϋλοι codd. omn. || 29 post στ¬ν add. Áµο¬ωv δ κα λλο τι οÖν
[ λλο ÅτιοÖν J 2 ] Ãργανον J 1 || δ EM : δ FHJVLW Philop. l ||
tions adéquates 5. Car tous les partisans de l’engendrement προσ¬οι F || 30 οÑτοι σονται H . unayn (non fit penitus Gerardus
des éléments, et ceux de la génération des corps composés recte non nocet penitus Zerah.yiah qui male d.arra nocere pro s.āra
d’éléments, recourent aussi bien à la dissociation et l’asso- fieri intellexerit) : οØτοι σονται codd. edd. omn. Philop. l+c inde
ciation qu’à l’agir et l’être-affecté 6. Or l’association est un οÑτοι σται µε¬ζων αÍλ¾v conieceris || 31 δËναται EF || ο°ν} Ïδωρ
mélange ; mais en quel sens nous disons que s’effectue le mé- ELM Philop. l : Ïδωρ ο°ν} FHJ 1VW || 32 ποιεE : ποιD E 2 ( 6= W) ||
33 ποισει : ποιεEται FL || 322b 1 πε : πειδ F || 3 γ¬γνοντα¬
lange, cela n’est pas encore distingué clairement. Bien plus :
πωv EMW Philop. l+c : γ¬γνετα¬ πωv FHJVL || πωv ... γ¬γνονται
l’altération non plus n’est pas possible, ni la dissociation et om. E 1 || γ¬γνονται MW : γ¬γνεται FHJVL || 4 γ¬γνονται EMW :
γ¬γνεται FHJVL || τ¿ν αÍτ¿ν τρ¾πον om. M || : ε® J || πρFτον
ELMW : πρ¾τερον FHJ 1V || 5 νγκη EM Philop. l+c : νγκη δ
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 128-129. FHJVLW || πρ¾τερον : πρFτον L || 6 τε om. LW || 8 κα τG
πσχειν FHW.
l’association, si rien n’agit ni n’est affecté. De fait, ceux qui δυνατ¾ν, οÍδ διακρ¬νεσθαι κα συγκρ¬νεσθαι, µηδεν¿v ποιοÖν- 10
tiennent pour la multiplicité des éléments les engendrent τοv µηδ πσχοντοv· κα γρ ο¯ πλε¬ω τ στοιχε´α ποιοÖν-
au moyen de l’agir et de l’être-affecté, et ceux qui dérivent τεv γεννéσι τô ποιε´ν κα πσχειν [ÎπL λλλων], κα το´v ξ
tout d’un élément unique sont contraints de reconnaître le ν¿v νγκη λγειν τν πο¬ησιν· κα τοÖτL Àρθév λγει ∆ιο-
rôle de l’action 1. Diogène est dans le vrai, qui affirme que si γνηv, Åτι ε® µ ξ ν¿v ν παντα, οÍκ ν ν τ¿ ποιε´ν κα
tous les êtres ne provenaient pas d’un seul, l’action et l’af- τ¿ πσχειν ÎπL λλλων, ο¶ον τ¿ θερµ¿ν ψËχεσθαι κα 15
fection réciproques seraient impossibles 2 : ce qui est chaud, τοÖτο θερµα¬νεσθαι πλιν· οÍ γρ θερµ¾τηv µεταàλλει
par exemple, ne pourrait se refroidir puis redevenir chaud
κα ψυχρ¾τηv ε®v λληλα, λλ δλον Åτι τ¿ Îποκε¬-
— car ce ne sont pas le chaud et le froid qui changent l’un
µενον, èστε ν ο¶v τ¿ ποιε´ν στι κα πσχειν, νγκη
vers l’autre, c’est évidemment leur substrat ; de sorte que les
τοËτων µ¬αν εµναι τν Îποκειµνην φËσιν. Τ¿ µν ο×ν πντα
choses entre lesquelles il y a action et affection doivent néces-
sairement avoir une seule et même nature pour substrat. On εµναι τοιαÖτα φσκειν οÍκ ληθv, λλL ν Åσοιv τ¿ ÎπL λ- 20
ne saurait donc prétendre véridiquement que cela concerne λλων στ¬ν. LΑλλ µν ε® περ τοÖ ποιε´ν κα πσχειν κα
tous les êtres, mais il ne s’agit que de ceux entre lesquels il y περ µ¬ξεωv θεωρητον, νγκη κα περ φv· οÑτε γρ
a interaction. Quoi qu’il en soit, l’étude de l’action et de l’af- ποιε´ν ταÖτα κα πσχειν δËναται κυρ¬ωv µ ο¶¾ν τε
fection comme celle du mélange présuppose nécessairement ψασθαι λλλων οÑτε, µ ψµεν πωv, νδχεται µι-
aussi celle du contact. En effet, il n’est rien qui puisse agir et χθναι πρéτον. IΩστε περ τριéν τοËτων διοριστον, τ¬ φ κα 25
être affecté au sens propre à quoi le contact mutuel serait im- τ¬ µ¬ξιv κα τ¬ πο¬ησιv.
possible et il n’est pas possible qu’avant d’entrer en contact τ¬ µ¬ξιv κα τ¬ πο¬ησιv. LΑρχν δ λàωµεν τνδε. LΑνγκη
de quelque manière, des choses se soient mélangées. Nous γρ τéν Ãντων ο¶v στ µ¬ξιv, εµναι ταÖτL λλλων πτι-
avons donc trois sujets à distinguer : ce qu’est le contact, ce κ· κν ε° τι ποι©, τ¿ δ πσχει κυρ¬ωv, κα τοËτοιv
qu’est le mélange et ce qu’est l’action. äσαËτωv. ∆ι¿ πρéτον λεκτον περ φv. Σχεδ¿ν µν ο×ν,
Le contact. Mais commençons ainsi : il est nécessaire à èσπερ κα τéν λλων Àνοµτων καστον λγεται πολλα- 30
tous les êtres pour lesquels il y a mélange χév, κα τ µν Áµων˵ωv τ δ θτερα π¿ τéν τρων
d’être en mesure de se toucher les uns les autres, et il en
va de même lorsque de deux choses, l’une agit et l’autre est 10 οÍδ γρ διακρ¬νεσθαι H || κα : οÍδ W || 11 ο¯ : ε® W
affectée au sens propre. Traitons donc d’abord du contact. || 12 τG : τ¿ E || κα πσχειν ELMWF : κα τG πσχειν HJV
À peu près à la manière dont tout autre nom se dit en plu- || ÎπL λλλων non habent EMWJ 1V H . unayn : add. FHL ||
sieurs sens, dans certains cas de manière équivoque, dans κα τοEv : κα¬τοι (addito s. l. v ) J : κα¬τοι ( γρ.) s. l. F || 14 ξ
d’autres à partir de ce qui est à la fois différent et anté- ν¿v ν ELM Philop. l : ν ξ ν¿v FHJ 1VW || 15 τ¿ pr. om. L
Philop. l || 16 τοÖτο FHJVLW : τ¿ Ïδωρ EM frigidum H . unayn ( τ¿
ψυχρ¿ν conieceris) || 18 στι om. FH || πσχειν EM : τ¿ πσχειν
FHJVLW || 20 εµναι τοιαÖτα ELM : τοιαÖτα εµναι FHJ 1VW || 22
περ pr. om. M || 23 δËνανται W || ο¶¾ν τε : ο°ονται J 1E 2 || 24
λλλων ψασθαι F || ψµενα λλλων πωv F || 25 τριFν τοËτων :
τFν τοιοËτων H || 27 τFν Ãντων post µ¬ξιv ponit F || ο¶v EMWH
1. Voir Notes complémentaires, p. 129. Philop. l : Åσοιv FJVL || 28 ποιD ELMFHVW : ποιεE J 1 || πσχει :
2. Sur ce témoignage, cf. A. Laks, Diogène d’Apollonie. La πσχ| MWHV(ut vid.) || 29 äσαËτωv om. W || 30 λλων om.
dernière cosmologie présocratique, Lille, 1983, p. 83-85. W || 31 Áµον˵ωv J || τFν om. F.
rieur 1, il en va de même pour le contact. Toutefois, au sens κα τéν προτρων, οÏτωv χει κα περ φv. IΟµωv δ τ¿
propre, le terme s’applique aux choses dotées d’une position, κυρ¬ωv λεγ¾µενον Îπρχει το´v χουσι θσιν, θσιv δL ο¶σπερ
et la position à celles qui possèdent aussi un lieu (il n’est κα τ¾ποv· κα γρ το´v µαθηµατικο´v Áµο¬ωv ποδοτον 1 323a
jusqu’aux êtres mathématiques auxquels on ne saurait sem- φν κα τ¾πον, ε°τL στ κεχωρισµνον καστον αÍτéν ε°τε
blablement accorder contact et lieu, que chacun d’eux soit τρ¾πον λλον. Ε® ο×ν στ¬ν, èσπερ διωρ¬σθη πρ¾τερον, τ¿ πτε-
une réalité séparée ou qu’ils aient un autre statut) 2. Si donc σθαι τ¿ τ σχατα χειν µα, ταÖτα ν πτοιτο λλ-
être en contact c’est, comme on l’a défini auparavant, avoir λων Åσα διωρισµνα µεγθη κα θσιν χοντα µα χει τ 5
les extrémités « ensemble » 3, les seules choses qui auront la
σχατα. LΕπε δ θσιv µν Åσοιv κα τ¾ποv Îπρχει, τ¾που
possibilité d’être en contact seront celles qui, étant à la fois
δ διαφορ πρÞτη τ¿ νω κα κτω κα τ τοιαÖτα τéν
des grandeurs discrètes 4 et dotées de position, auront leurs
ντικειµνων, παντα λλλων πτ¾µενα βροv ν χοι
extrémités « ensemble ». Or, puisque tout ce qui possède un
lieu possède aussi une position et que la première différence κουφ¾τητα, µφω θτερον. Τ δ τοιαÖτα παθητικ
du lieu, c’est haut-bas et les opposés de ce type, toutes les κα ποιητικ· èστε φανερ¿ν Åτι ταÖτα πτεσθαι πφυκεν 10
choses qui sont en contact les unes avec les autres possé- λλλων, ëν δι|ρηµνων µεγεθéν µα τ σχατ στιν,
deront pesanteur et légèreté, soit ces deux déterminations Ãντων κινητικéν κα κινητéν ÎπL λλλων.
à la fois, soit seulement l’une des deux ; or de telles choses Ãντων κινητικéν κα κινητéν ÎπL λλλων. LΕπε δ τ¿ κινοÖν
sont susceptibles d’être affectées et d’agir 5. Il suit manifes- οÍχ Áµο¬ωv κινε´ τ¿ κινο˵ενον, λλ τ¿ µν νγκη κινο˵ε-
tement que les choses naturellement aptes à se toucher sont νον κα αÍτ¿ κινε´ν, τ¿ δL κ¬νητον Ãν, δλον Åτι κα π τοÖ
les grandeurs séparées ayant leurs extrémités « ensemble » et ποιοÖντοv ροÖµεν äσαËτωv· κα γρ τ¿ κινοÖν ποιε´ν τ¬ φασι 15
qui sont capables de se mettre en mouvement et d’être mues κα τ¿ ποιοÖν κινε´ν.
les unes sous l’effet des autres 6. κα τ¿ ποιοÖν κινε´ν. ΟÍ µν λλ διαφρει γε κα δε´ διο-
Toucher, agir Puisque cependant ce qui meut ne meut ρ¬ζειν· οÍ γρ ο¶¾ν τε πν τ¿ κινοÖν ποιε´ν, ε°περ τ¿ ποιοÖν
et mouvoir. pas le mû de semblable manière, mais ντιθσοµεν τô πσχοντι, τοÖτο δL ο¶v κ¬νησιv πθοv,
que parfois il doit nécessairement être lui- πθοv δ καθL Åσον λλοιοÖται µ¾νον, ο¶ον τ¿ λευκ¿ν κα τ¿
même mû pour mouvoir, tandis que parfois, c’est en étant θερµ¾ν· λλ τ¿ κινε´ν π πλον τοÖ ποιε´ν στιν. LΕκε´νο δL ο×ν 20
immobile, il est clair que nous dirons la même chose aussi à
propos de ce qui agit 7. De fait, on dit couramment que ce qui 323a 2 στ : σται L || 3 τρ¾πον λλον E 1M Philop. l : λλον
meut, d’une certaine façon, agit et que ce qui agit, meut 8. τρ¾πον FHJVLW || 4 πτοιντο MWF || 5 διωρισµνα codd. omnes
Les deux choses diffèrent malgré tout, et il faut assuré- H c
. unayn Philop. : δι|ρηµνα coni. Joachim || χει : χειν LE
2
ment faire la distinction : il n’est pas possible que tout ce || 7 πρÞτη post κτω pon. F || κτω ELM : τ¿ κτω FHJ 1VW
qui meut agisse — si du moins nous opposons ce qui agit Philop. l || 8 λλλων EM : τ λλλων FHJVLW || χοι : χ|
F χει suprascr. οι M || 10-11 λλλων πφυκεν M || 12 κινητFν
à ce qui est affecté, et que cette détermination a trait aux
κα κινητικFν FHL || πε : π E || 14 κινεEν : κινο¬η W ||
choses pour lesquelles le mouvement est une affection 9— ; Ãν om. J 1VW post Ãν add. κινεEν M || 15 κινοÖν : κινεEν L || 16
or il n’y a l’affection que pour autant que la chose est seule- ποιοÖν : ποιεEν L || οÍ µν λλ : λλ V || διαφρει κα δεE E
ment altérée — dans le cas, par exemple, du blanc et du manu recentiore (ca. 1300) et in loco plurium capace || 17
πAν τ¿ κινοÖν ELM : τ¿ κινοÖν πAν FHJ 1VW || ποιοÖν ELMW :
ποιεEν FHJ 1V || 19 τ¿ utrumque om. J 1VW || 19-20 τ¿ θερµ¿ν
1-9. Voir Notes complémentaires, p. 129-132. κα τ¿ λευκ¾ν F || 20 κινεEν : κινοÖν E.
chaud. Le mouvement, en revanche, a plus d’extension que φανερ¾ν, Åτι στι µν äv τ κινητικ τéν κινητéν πτοιτL ν,
l’action 1. Ce point-ci, donc, est manifeste, qu’il y a un sens στι δL äv οÑ.
où les choses susceptibles de mouvoir 2 sont en contact avec στι δL äv οÑ. LΑλλL Á διορισµ¿v τοÖ πτεσθαι καθ¾λου µν Á
les choses suceptibles d’être mues et un sens où elles ne le τéν θσιν χ¾ντων κα τοÖ µν κινητικοÖ τοÖ δ κινητοÖ, πρ¿v
sont pas 3. λληλα δ κινητοÖ κα κινητικοÖ ν ο¶v Îπρχει τ¿ ποιε´ν
Mais la définition du contact, considéré généralement, est κα τ¿ πσχειν. MΕστι µν ο×ν äv π πολÌ τ¿ πτ¾µενον 25
celle de choses dotées de position, l’une étant motrice et πτοµνου πτ¾µενον· κα γρ κινε´ κινο˵ενα πντα σχε-
l’autre susceptible d’être mue et, pris du point de vue de la
δ¿ν τ µποδÞν, Åσοιv νγκη κα φα¬νεται τ¿ πτ¾µενον
relation réciproque, celle d’un mû et d’un moteur suscep-
πτεσθαι πτοµνου· στι δL äv ν¬οτ φαµεν τ¿ κινοÖν πτε-
tibles d’action et d’affection 4. La plupart du temps, ce qui
σθαι µ¾νον τοÖ κινουµνου, τ¿ δL πτ¾µενον µ πτεσθαι πτο-
est en contact est en contact avec quelque chose qui est elle-
même en contact avec lui — de fait, presque toutes les choses µνου· λλ δι τ¿ κινε´ν κινο˵ενα τ Áµοιογεν νγκη δοκε´ν 30
qui nous entourent ne meuvent qu’en étant mues et pour ce εµναι πτοµνου πτεσθαι. IΩστε ε° τι κινε´ κ¬νητον Ãν, κε´νο
qui les concerne, il est nécessaire et il apparaît qu’elles ne µν πτοιτο τοÖ κινητοÖ, κε¬νου δ οÍδν· φαµν γρ ν¬οτε
touchent qu’en étant elles-mêmes touchées. Mais il y a des τ¿ν λυποÖντα πτεσθαι µéν, λλL οÍκ αÍτο κε¬νου. Περ µν
cas, parfois, où nous disons que le moteur se borne à tou- ο×ν φv τv ν το´v φυσικο´v, διωρ¬σθω τοÖτον τ¿ν τρ¾πον.
cher le mû, et non pas que ce qui est touché touche ce qui le
touche — mais du fait que les choses homogènes ne meuvent 7. Περ δ τοÖ ποιε´ν κα πσχειν λεκτον φεξv· παρει- 1 323b
qu’en étant mues, il est nécessaire qu’elles ne touchent qu’en λφαµεν δ παρ τéν πρ¾τερον Îπεναντ¬ουv λλλοιv λ¾γουv.
étant touchées ; en sorte que si quelque être meut en restant Ο¯ µν γρ πλε´στοι τοÖτ¾ γε Áµονοητικév λγουσιν, äv τ¿
lui-même immobile, il touche bien alors le mû, mais le mû ne µν ŵοιον Îπ¿ τοÖ Áµο¬ου πν παθv στι δι τ¿ µηδν
le touche en aucune manière. Nous affirmons en effet parfois
que celui qui s’en prend à nous nous touche 5 sans que nous- 21 κινητικ HJ : κινοÖντα LWV Philop. l+c κ¬νητα κινητικ E 1M
mêmes ne le touchions 6. C’est donc ainsi qu’il faut définir κ¬νητα F mouens H 1
. unayn || κινητFν om. E : κινουµνων
le contact entre choses naturelles. Philop. l+c || πτοιντο W || 22 äv om. E 1 || Á sec. om.
Philop. l (codd. RZ) || 23 κινητικοÖ τοÖ δ κινητοÖ : κινητοÖ τοÖ
δ κινητικοÖ W || 24 δ om. E 1 || κινητοÖ κα κινητικοÖ EMW
<Chapitre 7> H l+c
. unayn Philop. : κινητικοÖ κα κινητοÖ FHJVL || Îπρχειν E
|| 25 τ¿ pr. om. L et s. l. add. M || π πολÌ EMV : π τ¿ πολÌ
L’action et Passons immédiatement à l’agir et à l’être- FHJLW Philop. l+c || 26 κινο˵ενα πντα : κινο˵ενον παντα W ||
affecté. Nous ont été transmises de nos 27 Åσοιv : ο¶v Philop. || κα om. J 1 || 28 στι ... 29-30 πτοµνου
l’affection. om. F || 29 µ¾νον : µ¾νου MF || 30 ÁµοιογενC EMWHJ 2 Philop. l :
Préliminaires prédécesseurs des théories contradictoires
entre elles : d’un côté, la grande majo- ÁµογενC FJ 1VL Philop. c (bis) || δοκεEν EMJ 2FH : δοκεE J 1VLW
historiques || 31 κεEνο E 1 || 32 πτοιτο J 1H Philop. c (cf. Bonitz Index
rité est unanime, sur ce point-là du moins, 41b 6 sqq. qui tamen omissio part. ν ap. optat. potentialem
pour affirmer que le semblable ne saurait en aucun cas être librariorum errori tribuit necnon Kühner-Gerth II 1 § 395,2) :
affecté par le semblable, du fait qu’aucun des deux n’est ν πτοιτο ELMWVF πτοιτο ν Al e xander In Phys. (ut patet e
glossa in Paris. Suppl. 643 fol. 135v. servata) S impl icius In Phys.
1243,30 || κε¬νου E 1 || 33 αÍτο : αÍτ¿ W || 323b 2 προτρων
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 132-133. FH || Îπεναντ¬οιv L.
plus susceptible d’agir ou d’être affecté que l’autre (car les µλλον ποιητικ¿ν παθητικ¿ν εµναι θτερον θατρου (πντα 5
semblables possèdent à titre semblable toutes les mêmes γρ Áµο¬ωv Îπρχειν ταÍτ το´v Áµο¬οιv), τ δL ν¾µοια
propriétés), mais que ce sont les choses dissemblables et κα τ διφορα ποιε´ν κα πσχειν λληλα πεφυκναι·
différentes qui, par nature, agissent et sont affectées mu- κα γρ Åταν τ¿ λαττον πÖρ Îπ¿ τοÖ πλε¬ονοv φθε¬ρηται,
tuellement — quand en effet un petit feu est corrompu par δι τν ναντ¬ωσιν τοÖτ¾ φασι πσχειν· ναντ¬ον γρ εµναι
un feu plus abondant, ils disent qu’il est affecté à cause de τ¿ πολÌ τô Àλ¬γ}. ∆ηµ¾κριτοv δ παρ τοÌv λλουv ®δ¬ωv 10
la contrariété, « beaucoup » étant contraire à « peu » 1. Mais λεξε µ¾νοv· φησ γρ τ¿ αÍτ¿ κα ŵοιον εµναι τ¾ τε ποι-
Démocrite s’est écarté de tous les autres pour proposer, seul,
οÖν κα τ¿ πσχον· οÍ γρ γχωρε´ τ τερα κα διαφ-
un discours qui lui était propre 2 : il dit que ce qui agit et ce
ροντα πσχειν ÎπL λλλων, λλ κν τερα Ãντα ποι©
qui est affecté sont identiques et de même nature. Il n’ac-
τι λληλα, οÍχ « τερα λλL « ταÍτ¾ν τι Îπρχει,
corde 3 pas, en effet, que des choses autres et différentes
soient mutuellement affectées ; et si, même en étant autres, ταËτ| τοÖτο συµàα¬νειν αÍτο´v. 15
deux choses agissent en quelque manière l’une sur l’autre, ταËτ| τοÖτο συµàα¬νειν αÍτο´v. Τ µν ο×ν λεγ¾µενα ταÖτL
ce n’est pas en ce qu’elles sont autres, mais en ce qu’elles στ¬ν, ο¬κασι δ ο¯ τοÖτον τ¿ν τρ¾πον λγοντεv Îπεναντ¬α φα¬-
possèdent quelque chose d’identique que cela leur advient. νεσθαι λγειν. Α°τιον δ τv ναντιολογ¬αv Åτι δον Åλον τι
Voilà donc les théories en présence ; on θεωρσαι µροv τι τυγχνουσι λγοντεv κτεροι· τ¾ τε γρ
Synthèse des ŵοιον κα τ¿ πντ| πντωv διφορον εÑλογον µ π-
deux théories a tout l’impression de positions manifes-
tement contraires. Mais la raison de cette σχειν Îπ¿ τοÖ Áµο¬ου µηθν (τ¬ γρ µλλον σται θτερον 20
en présence. ποιητικ¿ν θτερον ; ε° τε Îπ¿ τοÖ Áµο¬ου τι πσχειν δυνατ¾ν,
contradiction tient à ce que ces théories
ne se trouvent chacune envisager que partiellement ce qu’il κα αÍτ¿ ÎφL αÎτοÖ· κα¬τοι τοËτων Ãντων οÏτωv, οÍδν ν ε°η
faudrait comprendre en totalité 4. De fait, que ce qui est sem- οÑτε φθαρτον οÑτε κ¬νητον, ε°περ τ¿ ŵοιον « ŵοιον ποιη-
blable et, en tout point et de toutes les façons, indifférencié τικ¾ν· αÍτ¿ γρ αÎτ¿ κινσει πν), τ¾ τε παντελév τερον
ne soit en rien affecté par son semblable, c’est fondé en rai-
son (pourquoi en effet l’un des deux sera-t-il davantage actif
5 θτερον θατρου : θατρου θτερον J 1V || 6 Îπρχει FH ||
que l’autre ? et s’il est possible qu’un être soit affecté par ταÍτ : ταÍτ¿ν W || 7 τ om. F || πσχειν ε®v λληλα LMWF ||
ce qui lui est semblable, il sera aussi possible qu’il le soit πεφυκναι EMWHJ 1V : πφυκεν LF || 8 φθε¬ρηται : ε°ρηται E 1 || 9
par lui-même — les choses étant telles, il n’y aura rien ni πσχειν ante τοÖτο ponit E 1 || εµναι post 10 τ¿ πολÌ ponit L || 11
d’incorruptible ni d’immobile, si du moins c’est en tant que λεγξεν E 1 || φασν E || κα om. E 1 || 12 γχωρεE EW : γχωρεEν
semblable que le semblable est actif : toute chose en effet FHJVLM || 14 τι pr. om. L || ε®v λληλα LMWF || οÍχ : λλL
οÍχ M || 15 τοÖτο s. l. scr. M || αÍτοEv : λλλοιv H || ταÖτL :
τοιαÖτα WH || 17 ναντιολογ¬αv Åτι om. E || τι om. ME 2 || 18
γρ post µροv add. J 2 || κτεροι : µφ¾τεροι F || 19 κα τ¿ : τ¿
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 133-134. κα τ¿ E duabus tamen litteris post κα deletis || 19-20 πσχει
4. Il y a ici une imbrication du philosophique et de l’his- E 1 || 20 µηδν V || γρ om. E 1 || θτερον σται FH : σται
torique qui donne des accents hégéliens aux considérations θατρου E 1 || 21 om. E || τι πσχειν E 1L : πσχειν τι FHJV
dialectiques d’Ar. La dette à l’égard de la science suprême plato- πσχειν MW || 22 αÎτοÖ ELMH : αυτοÖ FJVW || τοËτων : τFν
nicienne est lourde : pour l’ναντιολογ¬α que le philosophe doit E || Ãντων οÏτωv FHJ 1V : οÏτωv οÏτωv E 1 οÏτωv χ¾ντων LWM
dépasser, voir Sophiste 236e et, pour le philosophe συνοπτικ¾v, χ¾ντων οÏτωv coniiciendum ? || 23 οÑτε pr. : οÍδ E || 24 αÎτ¿
République 537c. ELM : αυτ¿ FHJVW || κινσει duplicavit W || τε : γε M.
se mouvra elle-même) et, pour ce qui est totalement diffé- κα τ¿ µηθᵩ ταÍτ¿ν äσαËτωv· οÍδν γρ ν πθοι λευ- 25
rent et en aucune manière identique, il en va pareillement : κ¾τηv Îπ¿ γραµµv γραµµ Îπ¿ λευκ¾τητοv, πλν ε®
la blancheur ne saurait en aucune façon être affectée par la κατ συµàεàηκ¾v, ο¶ον ε® συµààηκε λευκν µ-
ligne, ni la ligne par la blancheur, si ce n’est par accident, par λαιναν εµναι τν γραµµν· οÍκ ξ¬στησι γρ αυτ τv
exemple s’il arrive à la ligne d’être blanche ou noire. Toutes φËσεωv Åσα µτL ναντ¬α µτL ξ ναντ¬ων στ¬ν. LΑλλL πε
les choses qui ni ne sont des contraires ni ne dérivent de οÍ τ¿ τυχ¿ν πφυκε πσχειν κα ποιε´ν, λλL Åσα ναν- 30
contraires 1 ne peuvent en effet se dépouiller elles-mêmes de τ¬ωσιν χει ναντ¬α στ¬ν, νγκη τ¿ ποιοÖν κα τ¿
leur nature. Mais puisque n’importe quoi n’a pas forcément
πσχον τô γνει µν ŵοιον εµναι κα ταÍτ¾, τô δL ε°δει
dans sa nature la capacité d’être affecté et d’agir et que seules
ν¾µοιον κα ναντ¬ον· πφυκε γρ σéµα µν Îπ¿ σÞµα-
sont dans ce cas les choses qui possèdent une contrariété ou
τοv, χυµ¿v δL Îπ¿ χυµοÖ, χρéµα δL Îπ¿ χρÞµατοv π-
qui sont contraires, il est nécessaire que ce qui agit et ce
qui est affecté soient une chose semblable et identique par σχειν, Åλωv δ τ¿ Áµογενv Îπ¿ τοÖ ÁµογενοÖv· τοËτου δL α°- 1 324a
le genre, mais dissemblable et contraire par l’espèce : il est τιον Åτι τναντ¬α ν τô αÍτô γνει πντα, ποιε´ δ κα π-
dans la nature d’un corps d’être affecté par un corps, d’une σχει τναντ¬α ÎπL λλλων. IΩστL νγκη πév µν εµναι
saveur par une saveur, d’une couleur par une couleur, bref, ταÍτ τ¾ τε ποιοÖν κα τ¿ πσχον, πév δL τερα κα ν¾-
de l’homogène 2 par l’homogène ; la raison en est que tous µοια λλλοιv. LΕπε δ τ¿ πσχον κα τ¿ ποιοÖν τô 5
les contraires sont dans le même genre, et que ce sont les µν γνει ταÍτ κα ŵοια τô δL ε°δει ν¾µοια, τοιαÖτα
contraires qui agissent et sont affectés mutuellement. Il est δ τναντ¬α, φανερ¿ν Åτι παθητικ κα ποιητικ λλλων
donc nécessaire qu’en un sens, ce qui agit et ce qui est af- στ τ τL ναντ¬α κα τ µεταξË· κα γρ Åλωv φθορ
fecté soient la même chose, mais qu’en un autre, ils soient κα γνεσιv ν τοËτοιv.
différents et mutuellement dissemblables. Puisque d’autre κα γνεσιv ν τοËτοιv. ∆ι¿ κα εÑλογον δη τ¾ τε πÖρ θερ-
part 3 ce qui est affecté et ce qui agit sont identiques et sem- µα¬νειν κα τ¿ ψυχρ¿ν ψËχειν, κα Åλωv τ¿ ποιητικ¿ν Áµοι- 10
blables par le genre, mais par l’espèce dissemblables, et que οÖν αÎτô τ¿ πσχον· τ¾ τε γρ ποιοÖν κα τ¿ πσχον ναν-
les contraires vérifient cela 4, il est manifeste que ce sont les
contraires et leurs intermédiaires qui sont susceptibles d’être
25 µηθαµD EM 1 (Indici Aristotelico et LSJ addendum) : µηδαµC
affectés et d’agir mutuellement — de fait, c’est en eux que
HJVLW µηδαµFv F || λευκ¾τηv Îπ¿ γραµµCv : λευκ¾τητοv Ïπο
résident globalement la corruption et la génération. γραµµ E || ν om. W || 26 : οÍδ M || ε® E 1J 1V : ε® µ
On comprend dès lors aussitôt la raison 5 pour laquelle που FHL ε® µ MW || 27-28 µλεναν E 1 : µλανα F || 28 αυτ
le feu chauffe, le froid refroidit et, d’une façon générale, FHJ 1V Philop. l : λληλα ELW (cf. Kühner-Gerth II 1 p. 573 sqq.)
l’agent s’assimile ce qui est affecté : ce qui agit et ce qui λληλα ταÖτα M || 29 πειδ F || 30 πφυκε : οικεν W || habent
ELFH Philop. c : om. J 1VMW Philop. l || ναντ¬ωσιν χει post
31 ναντ¬α στ¬ν ponunt FHL ( στ¬ν tamen in L omisso) || 31
1. Ar. pense sans doute ici aux intermédiaires, qui jouent τ¿ ποιοÖν ELMW : κα τ¿ ποιοÖν FHJ 1V || 32 τG pr. om. M || 33
le rôle de contraires par rapport à chacun des deux termes. πφυκε µν γρ E || 324a 1 Áµοιογενv H || ÁµοιογενοÖv E 1H ||
2. « Homogène », c’est-à-dire « de même genre » au sens 2 ταÍτG E || ποιεEν δ κα πσχειν H ποιεEν κα τ¿ πσχειν V || 3
aristotélicien. Voir cependant infra, n. 4. πFv s. l. add. M || 5 πε : π E || δ κα τ¿ πσχον FH || 6 κα
3. Sur la circularité de l’argument, voir Introduction, p. τ ŵοια E 1 || 7 Åτι τ παθητικ EV || 8 τL om. W || 9 δι¿ κα
xcvii sqq. usque ad 13 µεταàλλειν citat S impl. In Phys. 1236,22-25 || 10
4-5. Voir Notes complémentaires, p. 134. Åλωv τ¿ : Åλωv τι E || 11 αÎτG E Simpl. 1236,23 : αÍτG cett.
est affecté sont des contraires, et la génération procède en τ¬α στ¬, κα γνεσιv ε®v τοÍναντ¬ον. IΩστL νγκη τ¿ πσχον
direction du contraire. De sorte qu’il est nécessaire que ce ε®v τ¿ ποιοÖν µεταàλλειν· οÏτω γρ σται ε®v τοÍναντ¬ον
qui est affecté change vers ce qui agit, car c’est ainsi que γνεσιv. Κα κατ λ¾γον δ τ¿ µ ταÍτ λγονταv µφο-
la génération procédera en direction du contraire. Et il est τρουv Áµο¬ωv πτεσθαι τv φËσεωv. Λγοµεν γρ πσχειν Áτ 15
conforme à la raison que les deux partis, sans dire les mêmes µν τ¿ Îποκ嬵ενον, ο¶ον Îγιζεσθαι τ¿ν νθρωπον κα
choses, effleurent l’un comme l’autre la nature des choses. θερµα¬νεσθαι κα ψËχεσθαι κα τλλα τ¿ν αÍτ¿ν τρ¾πον,
Car ce que nous disons « être affecté », c’est parfois le sujet Áτ δ θερµα¬νεσθαι µν τ¿ ψυχρ¾ν, Îγιζεσθαι δ τ¿ κ-
(par exemple l’homme qui guérit, est échauffé, se refroidit
µνον· µφ¾τερα δL στν ληθ· τ¿ν αÍτ¿ν δ τρ¾πον κα
et ainsi de suite) mais parfois, nous disons que le « froid »
π τοÖ ποιοÖντοv· Áτ µν γρ τ¿ν νθρωπ¾ν φαµεν θερµα¬- 20
est échauffé et que le « malade » 1 guérit. Les deux affirma-
νειν, Áτ δ τ¿ θερµ¾ν· στι µν γρ äv Ïλη πσχει, στι
tions sont vraies (et il en va de même aussi pour ce qui agit :
parfois nous disons que l’homme chauffe quelque chose, par- δL äv τοÍναντ¬ον. Ο¯ µν ο×ν ε®v κε´νο βλψαντεv ταÍτ¾ν τι
fois que c’est le chaud) 2. Il y a un sens où c’est la matière δε´ν îθησαν τ¿ ποιοÖν χειν κα τ¿ πσχον, ο¯ δL ε®v θ-
qui est affectée, un autre où c’est le contraire. Ainsi les uns, τερα τοÍναντ¬ον.
après avoir considéré la première possibilité, ont pensé que τερα τοÍναντ¬ον. Τ¿ν αÍτ¿ν δ λ¾γον Îποληπτον εµναι περ
ce qui agit et ce qui est affecté devaient nécessairement avoir τοÖ ποιε´ν κα πσχειν Åνπερ κα περ τοÖ κινε´σθαι και κινε´ν· 25
quelque chose d’identique, et les autres, après avoir consi- διχév γρ λγεται κα τ¿ κινοÖν· ν ö τε γρ
déré la seconde, se sont rangés à l’avis contraire 3. ρχ τv κινσεωv, δοκε´ τοÖτο κινε´ν ( γρ ρχ πρÞτη
Mais il faut tenir le même discours sur τéν α®τ¬ων), κα πλιν τ¿ σχατον πρ¿v τ¿ κινο˵ενον κα
Les relations
mixtes. l’agir et être affecté que sur le mouvoir et τν γνεσιν. HΟµο¬ωv δ κα περ τοÖ ποιοÖντοv· κα γρ τ¿ν
l’être-mû 4. Ce qui meut, aussi, peut être ®ατρ¾ν φαµεν Îγιζειν κα τ¿ν οµνον. Τ¿ µν ο×ν πρéτον κινοÖν 30
pris en deux sens : ce dans quoi réside le principe du mou- οÍδν κωλËει ν µν κινσει κ¬νητον εµναι· πL ν¬ων δ κα
vement semble mouvoir (le principe est de fait la première ναγκα´ον· τ¿ δL σχατον ε κινε´ν κινο˵ενον. LΕπ δ ποι-
des causes) et d’autre part, le terme dernier du côté du mû σεωv τ¿ µν πρéτον παθv, τ¿ δL σχατον κα αÍτ¿ π-
et de la génération. Il en va de même pour ce qui agit : nous σχον· Åσα γρ µ χει τν αÍτν Ïλην, ποιε´ παθ
disons que ce qui guérit, c’est aussi bien le médecin que
le vin. Rien n’empêche donc la première chose qui meut, 12 om. E || ε®v om. J 1 || 13 σται post 14 γνεσιv pon.
au sein même du mouvement, d’être immobile (dans cer- F || 13-14 γνεσιv dupl. M || 14 δ : δ E || τ¿ : τοÌv W ||
tains cas c’est même nécessaire), mais la dernière, quand 15 Áµο¬ωv ELMFHJ 1V H 2 c
. unayn : ŵωv J W Philop. || λγοµεν :
elle meut, est toujours en mouvement 5. Dans le cas de l’ac- λεγ¾µενον M || Áτ : τ¾τε E || 16 ο¶ον τ¿ Îγιζεσθαι LM || κα :
tion, la première chose à agir ne peut être affectée, mais la κα L κα τ¿ θερµ¿ν κα E 1 || 17 κα ψËχεσθαι : τ¿ν λ¬θον H Philop. c
|| 20 τ¿ν om. F || 21 Ïλη E 1M : Ïλη FHJVLW || πσχει :
dernière est elle aussi affectée. Toutes les choses en effet
πσχειν M || 22 τοÍναντ¬ον EM : τ¿ ναντ¬ον FHJVLW || κεEνο :
dont la matière est différente agissent sans être affectées, à κεEνα W || τι om. FHJ 2 || 23-24 θτερα : θτερον F || 24 δ
λ¾γον : τρ¾πον F || 25 κινεEσθαι κα κινεEν FHJ 1VW Philop. l : κινεEν
κα κινεEσθαι ELM H . unayn || 26 διχFv τε W || om. E || 27
γρ om. E 1 || 30 κινοÖν om. E || 31 µν : µν ο×ν E 1 µν τD F
τD M || 32 τ¿ : τG E 1 τ¿ν F || κινεE VW || π : πε E 1 || 34
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 134-135. χει : πσχει E 1 χ| J.
la façon de la médecine qui, en produisant la santé, ne subit Ãντα, ο¶ον ®ατρικ· αÍτ γρ ποιοÖσα Îγ¬ειαν οÍδν π- 35
aucune affection de la part de ce qui est guéri, tandis que l’ali- σχει Îπ¿ τοÖ Îγιαζοµνου, τ¿ δ σιτ¬ον ποιοÖν κα αÍτ¿ π- 1 324b
ment, en agissant, est lui aussi affecté de quelque manière : il σχει τι· γρ θερµα¬νεται ψËχεται λλο τι πσχει
est échauffé, ou refroidi, ou affecté d’une quelconque autre µα ποιοÖν. MΕστι δ µν ®ατρικ äv ρχ, τ¿ δ σιτ¬ον τ¿
manière au moment précis où il agit 1. La médecine s’ap- σχατον κα πτ¾µενον. IΟσα µν ο×ν µ ν Ïλ| χει τν
parente au principe, l’aliment est le dernier terme, celui qui µορφν, ταÖτα µν παθ τéν ποιητικéν, Åσα δL ν Ïλ|, 5
est au contact 2. Ainsi donc, tous les agents qui n’ont pas leur παθητικ. Τν µν γρ Ïλην λγοµεν Áµο¬ωv äv ε®πε´ν τν
forme dans la matière demeurent sans affection, tandis que
αÍτν εµναι τéν ντικειµνων ÁποτερουοÖν, èσπερ γνοv Ãν, τ¿
tous ceux qui sont dans la matière sont susceptibles d’être
δ δυνµενον θερµ¿ν εµναι παρ¾ντοv τοÖ θερµαντικοÖ κα πλη-
affectés — nous affirmons en effet que la même matière re-
σιζοντοv νγκη θερµα¬νεσθαι· δι¾, καθπερ ε°ρηται, τ
vient pour ainsi dire à part égale aux deux opposés, étant
comme un genre 3, et que ce qui peut être chaud doit néces- µν τéν ποιητικéν παθ τ δ παθητικ. Κα èσπερ π 10
sairement, en présence, voire à l’approche, de ce qui peut κινσεωv τ¿ν αÍτ¿ν χει τρ¾πον κα π τéν ποιητικéν·
chauffer, s’échauffer. C’est la raison pour laquelle, comme κε´ τε γρ τ¿ πρéτον κινοÖν κ¬νητον, κα π τéν ποιητι-
on a dit, parmi les agents, les uns ne peuvent être affectés et κéν τ¿ πρéτον ποιοÖν παθv.
les autres le peuvent, et qu’il en va de même pour les agents κéν τ¿ πρéτον ποιοÖν παθv. MΕστι δ τ¿ ποιητικ¿ν α°τιον äv
que pour le mouvement. Car là, le premier moteur est sans Åθεν ρχ τv κινσεωv, τ¿ δL οØ νεκα οÍ ποιητικ¾ν· δι¿
mouvement et, pour les choses qui agissent, le premier agent Îγ¬εια οÍ ποιητικ¾ν, ε® µ κατ µεταφορν· κα γρ τοÖ 15
n’est pas susceptible d’affection. µν ποιοÖντοv Åταν Îπρχ|, γ¬νετα¬ τι τ¿ πσχον, τéν δL
Mais c’est comme principe du mouvement que ce qui agit ξεων παρουσéν οÍκτι γ¬νεται, λλL στιν δη· τ δL ε°δη
est cause, la cause finale n’étant pas active (raison pour la- κα τ τλη ξειv τινv, δL Ïλη « Ïλη παθητικ¾ν.
quelle la santé n’est pas quelque chose d’actif, si ce n’est par κα τ τλη ξειv τινv, δL Ïλη « Ïλη παθητικ¾ν. Τ¿ µν
métaphore) 4 ; de fait, quand ce qui agit est là, ce qui est af- ο×ν πÖρ χει ν Ïλ| τ¿ θερµ¾ν· ε® δ τι ε°η θερµ¿ν χωριστ¾ν,
fecté devient quelque chose tandis que lorsque ce sont les τοÖτο οÍθν ν πσχοι. ΤοÖτο µν ο×ν °σωv δËνατον εµναι 20
états qui sont présents, la chose n’a plus à devenir, puis-
χωριστ¾ν· ε® δL στν νια τοιαÖτα, πL κε¬νων ν ε°η τ¿
qu’elle est déjà ; or les formes et les fins sont des sortes
d’états 5 — quant à la matière en tant que matière, elle n’est
que passivité 6. 35 αÍτ E : αÏτη FHJVLMW || 324b 1 ποιοÖν ELM : τ¿ ποιοÖν
FHJ 1VW || 2 τι pr. om. F || τι ... θερµα¬νεται in lit. J ||
Pour le feu en tout cas, il a sa chaleur dans la matière ; ψËχεται om. E || 3-4 τ¿ δ σιτ¬ον τ¿ σχατον EMW : τ¿ δ σιτ¬ον τ¿
mais s’il existait quelque chaleur séparée, cette dernière ne äv σχατον HJVL τ¿ δ σχατον τ¿ σιτ¬ον F (sed post σιτ¬ον erasum
serait en rien affectée. Il est peut-être impossible que la cha- habet äv σχατον ) || 4 ο×ν om. M || 5 µν ο×ν παθC E || 6
leur existe séparée ; mais si certains êtres admettent cette Áµο¬ωv del. J 2 || äv om. V || 6-7 τν αÍτν äv ε®πεEν F || 7
possibilité, alors ce qu’on dit pourrait bien, dans leur cas, ÁποτερονοÖν E ÁποτερωνοÖν HJ 2 || Ãν del. J 2 || 8 θερµαντικοÖ :
se vérifier 7. On a donc distingué ce que sont l’agir et l’être θερµοÖ H || 11 τρ¾πον χει F || 12 πρÞτωv FL || 13 πρÞτωv FL
|| τ¿ µν ποιητικ¿ν L ποιητικ¿ν W || 15 om. F || 16 Åταν γρ
Îπρχ| E 1 || τι del. J 2 || 17 δη : ε°δη EF 1 δ W || 18 τ om. F
|| « Ïλη om. Philop. c || τ¿ παθητικ¿ν F || 19 ε°η θερµ¿ν χωριστ¾ν
ELMW : ε°η χωριστ¿ν θερµ¿ν HJ 1V χωριστ¿ν θερµ¿ν ε°η F || 20 ν
1-7. Voir Notes complémentaires, p. 135-136. om. F || 21 στν om. H.
affecté, à quels êtres ils appartiennent, pour quelle raison et λεγ¾µενον ληθv. Τ¬ µν ο×ν τ¿ ποιε´ν κα πσχειν στ
comment. κα τ¬σιν Îπρχει κα δι τ¬ κα πév, διωρ¬σθω τοÖτον τ¿ν
τρ¾πον.
<Chapitre 8>
8. Πév δ νδχεται τοÖτο συµàα¬νειν, πλιν λγωµεν. 25
Contre les Mais expliquons encore une fois com- Το´v µν ο×ν δοκε´ πσχειν καστον δι τινων π¾ρων ε®σι¾ντοv
conduits des ment il se peut qu’un tel processus se τοÖ ποιοÖντοv σχτου κα κυριωττου, κα τοÖτον τ¿ν τρ¾πον
Empédocléens. produise 1 : aux uns, chaque chose paraît
Áρν κα κοËειν µv φασι κα τv λλαv α®σθσειv
affectée en raison de certains conduits 2,
α®σθνεσθαι πσαv, τι δ Áρσθαι δι τε ροv κα Ïδα-
où s’introduirait l’agent ultime et au sens le plus propre 3 ;
τοv κα τéν διαφανéν, δι τ¿ π¾ρουv χειν ορτουv 30
c’est d’après eux 4 de cette façon que nous voyons, que nous
entendons, bref, que nous sommes le siège de toutes les per- δι µικρ¾τητα, πυκνοÌv δ κα κατ στο´χον, κα µλλον
ceptions ; ils professent également que les objets sont vus à χειν τ διαφαν µλλον. Ο¯ µν ο×ν π¬ τινων οÏτω διÞρι-
travers l’air, l’eau et les corps diaphanes parce que ceux-ci σαν, èσπερ κα LΕµπεδοκλv, οÍ µ¾νον π τéν ποιοËντων
renferment des conduits, invisibles du fait de leur petitesse, κα πασχ¾ντων, λλ κα µ¬γνυσθα¬ φασιν Åσων ο¯ π¾ροι
mais serrés et alignés, et ils affirment que ces conduits sont σ˵µετροι πρ¿v λλλουv ε®σ¬ν. 35
d’autant plus nombreux que les corps sont plus diaphanes 5. σ˵µετροι πρ¿v λλλουv ε®σ¬ν. HΟδô δ µλιστα κα περ
Et ces gens 6, comme Empédocle, se sont rangés à ce type πντων [ν λ¾γω]| διωρ¬κασι ΛεËκιπποv κα ∆ηµ¾κριτοv, ρ- 1 325a
d’analyse, en l’appliquant à l’étude de certains processus, et χν ποιησµενοι κατ φËσιν περ στ¬ν. LΕν¬οιv γρ τéν
non seulement à celle des choses qui agissent et sont affec- ρχα¬ων δοξε τ¿ Âν ξ νγκηv ν εµναι κα κ¬νητον· τ¿
tées : ils disent aussi que le mélange s’effectue entre tous µν γρ κεν¿ν οÍκ Ãν, κινηθναι δL οÍκ ν δËνασθαι µ Ãντοv
les êtres dont les conduits sont proportionnés les uns aux κενοÖ κεχωρισµνου, οÍδL α× πολλ εµναι µ Ãντοv τοÖ διε¬ρ- 5
autres 7. γοντοv· τοÖτο δ µηδν διαφρειν, ε° τιv ο°εται µ συνεχv εµ-
L’atomisme des Mais ceux qui ont conçu les dé-
Empédocléens moins finitions les plus méthodiques, 22 Τ¬ : Åτι M || κα τ¿ πσχειν H Philop. l || 23 Îπρχειν F ||
abouti que celui de et au sujet de tout ce qui a lieu, 23-24 τ¿ν τρ¾πον τοÖτον M || 25 λγοµεν HJV || 26 καστον post
ce sont Leucippe et Démocrite, π¾ρων ponit L || 28 ÁρAν E 1LMF : κα ÁρAν HJ 1VW || 29 δ om. F
Leucippe et Démocrite.
qui ont adopté un fondement || 30 κα : τε κα δι F || ορτουv E 1M : ορτουv µν FHJVLW ||
conforme à la nature elle-même 8. De fait 9, certains anciens 31 σµικρ¾τητα FHLW || στοEχον : στοιχεEον F 1J 1 || κα τ µAλλον
J 1 || 32 χειν om. J 1 || τινων : τινοv F || οÏτωv διÞρησαν J 1 οÏτω
furent d’avis que l’être est nécessairement un et immobile,
διÞρησαν J 2 || 33 κα om. W || 34 φασιν EFHV : φησιν LWJ φησ
du fait que le vide n’est pas et que le mouvement ne pourrait corr. φασ in M || Åσων om. E 1 : ëν FL || 35 σ˵µετροι post ε®σ¬ν
avoir lieu sans qu’il y ait un vide séparé et que les êtres ne ponit F || ε®σ¬ν om. L || 325a 1 ν λ¾γ} non habent E 1MJ 2
sauraient être multiples s’il n’existait quelque chose qui les Philop. l : hab. FHJ 1VLW H . unayn (cf. Überlieferungsgeschichte p.
isole — et nulle différence sur ce point entre penser que le 91-92) || τν ρχν M || 2 περ : «περ prop. Joachim || 3 ξ
tout n’est pas continu mais que ses parties sont en contact νγκηv delenda notat J || 4 post οÍκ Ãν add. µ¾νωv γρ τ¿ πλCρεv
Ãν e Philoponi commentario (156,19-20) V et hab. in marg. J ||
6 δ µηδν EL ( δ µηθν M) : δL οÍδν FHJV || διαφρει W || ε° :
1-9. Voir Notes complémentaires, p. 136-138. ε° F 1LW.
malgré sa division, et affirmer la pluralité, la non-unicité et ναι τ¿ πν λλL πτεσθαι δι|ρηµνον, τοÖ φναι πολλ
le vide 1. Car si le tout est en totalité divisible, rien ne sera κα µ ν εµναι κα κεν¾ν. Ε® µν γρ πντ| διαιρετ¾ν, οÍθν
un, en sorte qu’il n’y aura pas non plus de pluralité et que εµναι ν, èστε οÍδ πολλ, λλ κεν¿ν τ¿ Åλον· ε® δ τ©
la totalité ne sera que du vide. Mais s’il est divisible à tel µν τ© δ µ, πεπλασµν} τιν τοÖτL οικναι· µχρι π¾σου 10
endroit et non à tel autre, cela a tout l’air d’une fiction. Car γρ κα δι τ¬ τ¿ µν οÏτωv χει τοÖ Åλου κα πλρv στι,
où fixer le seuil quantitatif, et pour quelle raison telle partie τ¿ δ δι|ρηµνον ; τι Áµο¬ωv ναγκα´ον µ εµναι κ¬-
de la totalité aura-t-elle cette propriété d’être pleine tandis νησιν. LΕκ µν ο×ν τοËτων τéν λ¾γων, Îπερàα¬νοντεv τν α°σθησιν
que telle autre sera divisée ? Il sera en outre nécessaire, de
κα παριδ¾ντεv αÍτν äv τô λ¾γ} δον κολουθε´ν, ν κα
la même façon, que le mouvement ne soit pas 2. Mus par de
κ¬νητον τ¿ πν εµνα¬ φασι κα πειρον νιοι· τ¿ γρ πραv 15
tels raisonnements, et par la conviction qu’il faut suivre le
περα¬νειν ν πρ¿v τ¿ κεν¾ν. Ο¯ µν ο×ν οÏτωv κα δι ταËταv
raisonnement, ils ont passé outre et négligé la perception,
au point d’affirmer que le tout était un, immobile et, selon τv α®τ¬αv πεφναντο περ τv ληθε¬αv.
certains, infini — car c’est aux confins du vide qu’un terme τv α®τ¬αv πεφναντο περ τv ληθε¬αv. LΕπε δ π
le bornerait. C’est donc ainsi, et pour ces raisons, qu’ils se τéν λ¾γων µν δοκε´ ταÖτα συµàα¬νειν, π δ τéν πραγµτων
prononcèrent « sur la Vérité » 3. µαν¬{ παραπλσιον εµναι τ¿ δοξζειν οÏτωv (οÍδνα γρ τéν
Mais puisque 4 du côté des raisonnements, les choses µαινοµνων ξεστναι τοσοÖτον èστε τ¿ πÖρ ν εµναι δοκε´ν 20
semblent se produire de la sorte, tandis que du côté des faits, κα τ¿ν κρËσταλλον, λλ µ¾νον τ καλ κα τ φαιν¾-
penser ainsi ne paraît pas très éloigné de la folie (car aucun µενα δι συνθειαν, ταÖτL ν¬οιv δι τν µαν¬αν οÍθν δοκε´
fou n’est à ce point pris de démence que le feu et la glace διαφρειν), ΛεËκιπποv δL χειν îθη λ¾γουv ο²τινεv πρ¿v
lui paraissent être une chose unique ; il n’y a que les biens τν α°σθησιν Áµολογο˵ενα λγοντεv οÍκ ναιρσουσιν οÑτε γ-
et les apparences de biens provoquées par l’habitude que νεσιν οÑτε φθορν οÑτε κ¬νησιν κα τ¿ πλθοv τéν Ãντων. HΟµο- 25
certains, dans leur folie, s’imaginent ne pas être différents), λογσαv δ ταÖτα µν το´v φαινοµνοιv, το´v δ τ¿ ν κα-
Leucippe pensa disposer de raisonnements qui, mettant en τασκευζουσιν äv οÑτL ν κ¬νησιν ο×σαν νευ κενοÖ τ¾ τε κε-
œuvre des arguments en accord avec la perception, ne dé- ν¿ν µ Âν κα τοÖ Ãντοv οÍθν µ Ãν, φησν εµναι τ¿ κυ-
truiraient ni la génération ni la corruption ni le mouvement
ni la multiplicité des êtres. Ayant donc accordé ces points
8 ν om. E 1 || γρ : παρ J 1 || πντ| ν M || οÍθν :
aux phénomènes et, à ceux qui tentent d’établir l’existence οÍδν V || 9 λλ κα κεν¿ν W || 10 πεπλασµν} : πεπερασµν}
de l’un, que le mouvement ne saurait être sans le vide, que W || τοÖτL ν οικναι F : τοÖτο ν οικε L οικναι τοÖτο W ||
le vide est non-être, que rien de l’être n’est non-être, il pro- 12 τι E : τι δL FHJVLMW Philop. l || Áµο¬ωv φναι ναγκαEον
fesse que l’un au sens propre est un être totalement plein ; FHLW || 13 Îπερàα¬νοντεv ELM : Îπερàντεv FHJVW Philop. l
qu’un tel être n’est cependant pas un 5, mais qu’il y en a un (cf. Kühner-Gerth II 1 p. 200 A. 9 et 10) || 14 παριδ¾ντεv
ELMWF : Îπεριδ¾ντεv HJ 1V || 16 ν om. LW || ο×ν om. E ||
17 πε E 1LMW Philop. c (ut vid.) : τι FHJ 1V Philop. l || 18
τFν λ¾γων µν E 1M Philop. l : µν τFν λ¾γων FHJVLW || 19 εµναι
ELMW : στι FHJV || 20 ν om. E 1 || εµναι om. M || 21
κρËσταλον J 1M || 22 δι τν συνθειαν F 2 || ταÖτL : ταÖτα δL M ||
23 îθη χειν FW || 25 τFν µ Ãντων M || 27 οÑτL FHJVLW :
οÍκ EM || τ¾ τε : ποιεEν E ποιεEν τ¿ δ MF 2 || 28 µηθν (suprascr.
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 138-139. ου ) M || εµναι τ¿ EMJ 1VW H . unayn : εµναι· τ¿ γρ FHL.
nombre infini et qu’ils sont invisibles en raison de la peti- ρ¬ωv ν παµπλρεv Ãν, λλL εµναι τ¿ τοιοÖτον οÍχ ν, λλL
tesse de leur masse ; que ces derniers sont transportés dans πειρα τ¿ πλθοv κα ¾ρατα δι σµικρ¾τητα τéν Ãγκων. 30
le vide (puisqu’il y a du vide), et produisent génération en ΤαÖτα δL ν τô κενô φρεσθαι (κεν¿ν γρ εµναι), κα
s’associant et corruption en se dissociant ; qu’ils agissent et συνιστµενα µν γνεσιν ποιε´ν, διαλυ¾µενα δ φθορν. Ποιε´ν
sont affectés au hasard de leurs contacts (et c’est d’ailleurs δ κα πσχειν « τυγχνουσιν πτ¾µενα (ταËτ| γρ οÍχ
en ce sens qu’ils ne sont pas un) ; que c’est quand tout à la ν εµναι) κα συντιθµενα δ κα περιπλεκ¾µενα γεννν· κ
fois ils entrent en composition et s’imbriquent les uns aux δ τοÖ κατL λθειαν ν¿v οÍκ ν γενσθαι πλθοv, οÍδL κ 35
autres qu’il y a engendrement ; qu’à partir cependant de l’un
τéν ληθév πολλéν ν, λλL εµναι τοÖτL δËνατον· λλL
au sens véritable, la multiplicité ne naîtrait pas, ni à partir
èσπερ LΕµπεδοκλv κα τéν λλων τινv φασι πσχειν 1 325b
de la multiplicité au sens vrai l’un — Leucippe tient cela
δι π¾ρων, οÏτω πσαν λλο¬ωσιν κα πν τ¿ πσχειν
pour impossible 1. En revanche, à la façon dont Empédocle
et certains autres affirment que le processus d’affection met τοÖτον γ¬νεσθαι τ¿ν τρ¾πον, δι τοÖ κενοÖ γινοµνηv τv δια-
en jeu des conduits, chez Leucippe, c’est toute altération et λËσεωv κα τv φθορv, Áµο¬ωv δ κα τv αÍξσεωv, ε®σ-
tout processus d’affection qui ont lieu ainsi — le vide per- δυοµνων τερéν. 5
mettant non seulement la dissociation et la corruption, mais δυοµνων τερéν. Σχεδ¿ν δ κα LΕµπεδοκλε´ ναγκα´ον
aussi, de la même manière, l’augmentation, pour peu que λγειν èσπερ κα ΛεËκιππ¾v φησιν· εµναι γρ ττα στε-
s’infiltrent des éléments étrangers 2. ρε κα δια¬ρετα δ, ε® µ πντ| π¾ροι συνεχε´v ε®σιν. ΤοÖτο
Mais Empédocle est presque forcé d’en δL δËνατον· οÍθν γρ σται στερε¿ν παρ τοÌv π¾ρουv,
L’atomisme
arriver aux mêmes affirmations que Leu- λλ πν κεν¾ν. LΑνγκη ρα τ µν πτ¾µενα εµναι δι-
maladroit des
Empédocléens. cippe : il doit dire en effet que certaines α¬ρετα, τ δ µεταξÌ αÍτéν κεν, οÐv κε´νοv λγει π¾ρουv. 10
choses sont solides, mais surtout indivi- ΟÏτωv δ κα ΛεËκιπποv λγει περ τοÖ ποιε´ν κα πσχειν.
sibles, si on ne veut pas que les conduits soient continus les Ο¯ µν ο×ν τρ¾ποι καθL οÐv τ µν ποιε´ τ δ πσχει σχε-
uns aux autres. Cette dernière éventualité serait de fait im- δ¿ν οØτοι λγονται· κα περ µν τοËτων, κα πév λγουσι,
possible, car il n’y aurait aucun solide à côté des conduits, et δλον, κα πρ¿v τv αÍτéν θσειv α¶v χρéνται σχεδ¿ν Áµο-
tout serait vide ; il est donc nécessaire que les corps qui sont
en contact soient indivisibles, et vides les intervalles entre 29 ν pr. EJ 1V H. unayn : Âν FHLMW || παµπλCρεv EMWF :
eux — ce que lui dit être des conduits. Mais on en revient πανπλCρεv JV πAν πλCρεv H πµπληθεv (sic) L || Ãν om. J 1V et
dès lors au discours de Leucippe sur l’action et l’affection 3. . unayn || τ¿ om. H || 30 κα ¾ρατα δι σµικρ¾τητα τFν
fort. H
Telles sont donc à peu près les modalités dont on parle Ãγκων FHJ 1V ( µικρ¾τητα J 1V) H . unayn (immo multitudo infinita
cuius capacitas occultatur propter paruitatem suam Gerardus) : δι
pour expliquer que certaines choses agissent et d’autres sont
σµικρ¾τητα τFν Ãγκων κα ¾ρατα E 1LM || 32 δ om. E 1 || 33
affectées. On peut dire des uns que leur mode d’argumenta- τυγχνει F || 34 κα pr. om. LMW || 325b 1 φασι : εµνα¬ φασι
tion est clair et qu’il se produit manifestement à peu près W || 2 π¾ρων ELM : τFν π¾ρων FHJVW || 3 γ¬νεσθαι : γενσθαι
en accord avec leurs hypothèses de départ ; mais c’est moins W || 3-4 διαλËσεωv : λλοιÞσεωv W || 4 φθορAv : φορAv J ||
4-5 ε®σδυοµνων EMJ 1VW : Îποδυοµνων F Îπεισδυοµνων HL ||
5 τρων EHJVLW : στερεFν MF || 6 κα om. W || φασιν F
|| ττα : αÍτ J 1 || 7 κα δια¬ρετα δ EM : δια¬ρετα δ FHJVL
Philop. l δια¬ρετα W || π¾ροιv L || 8 σται om. F || στερε¿ν
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 139. ELMW H . unayn (nam non erit tunc hic aliquid nisi uacuum ita ut
sit solidum Gerardus) : τερον στερε¿ν FHJ 1V.
vrai pour les autres, comme Empédocle, chez qui les moda- λογουµνωv φα¬νεται συµàα´νον. Το´v δL λλοιv ττον, ο¶ον 15
lités du processus de corruption et d’altération ne sont pas LΕµπεδοκλε´ τ¬να τρ¾πον σται φθορ κα λλο¬ωσιv
claires. Pour les premiers en effet, les corps élémentaires οÍ δλον. Το´v µν γρ στιν δια¬ρετα τ πρéτα
sont indivisibles et ne diffèrent que par la figure (c’est à τéν σωµτων, σχµατι διαφροντα µ¾νον, ξ ëν πρÞτων
partir de ces corps premiers qu’il y a composition et à eux σËγκειται κα ε®v σχατα διαλËονται· LΕµπεδοκλε´ δ
qu’aboutit ultimement la dissociation). Pour Empédocle, en τ µν λλα φανερ¿ν Åτι µχρι τéν στοιχε¬ων χει τν 20
revanche, il est manifeste que tous les corps à l’exclusion des γνεσιν κα τν φθορν, αÍτéν δ τοËτων πév γ¬νεται κα
éléments sont sujets à la génération et la corruption ; mais
φθε¬ρεται τ¿ σωρευ¾µενον µγεθοv, οÑτε δλον οÑτε νδχεται
les éléments eux-mêmes, comment donc leur « grandeur en-
λγειν αÍτô µ λγοντι κα τοÖ πυρ¿v εµναι στοιχε´ον,
tassée » 1 est-elle engendrée et corrompue ? Cela est obscur
Áµο¬ωv δ κα τéν λλων πντων, èσπερ ν τô Τιµα¬}
et sans réponse possible du fait qu’il dénie qu’il y a aussi un
élément du feu et de tous les autres — comme Platon l’écrit γγραφε Πλτων. 25
dans le Timée. 2 γγραφε Πλτων. ΤοσοÖτον γρ διαφρει τοÖ µ τ¿ν αÍτ¿ν
τρ¾πον Λευκ¬ππ} λγειν, Åτι Á µν στερε Á δL π¬πεδα λ-
Critique de Car les seuls points de divergence entre Pla-
γει τ δια¬ρετα, κα Á µν πε¬ροιv äρ¬σθαι σχµασι
l’atomisme ton et ce que professe Leucippe, c’est que
l’un dit que les indivisibles sont des solides τéν διαιρτων στερεéν καστον Á δ äρισµνοιv, πε δια¬-
conséquent. ρετ γε µφ¾τεροι λγουσι κα äρισµνα σχµασιν. LΕκ
et l’autre des surfaces, et que les figures dé-
limitant chaque solide 3 indivisible sont en nombre infini δ τοËτων α¯ γενσειv κα α¯ διακρ¬σειv, Λευκ¬ππ} µν δËο 30
pour l’un et en nombre limité pour l’autre 4 — il reste qu’ils τρ¾ποι ν εµεν, δι τε τοÖ κενοÖ κα δι τv φv (ταËτ|
tombent d’accord pour affirmer des êtres indivisibles et dé- γρ διαιρετ¿ν καστον), Πλτωνι δ κατ τν φν µ¾νον·
limités par des figures. Et c’est précisément à partir de ces κεν¿ν γρ οÍκ εµνα¬ φησιν·
indivisibles qu’on lieu les générations et les corruptions : se- κεν¿ν γρ οÍκ εµνα¬ φησιν· κα περ µν τéν διαιρτων πι-
lon Leucippe, le processus fait intervenir deux choses, le vide πδων ε®ρκαµεν ν το´v πρ¾τερον λ¾γοιv· περ δ τéν δι-
et le contact (c’est en effet de cette manière que chaque chose αιρτων στερεéν τ¿ µν π πλον θεωρσαι τ¿ συµàα´νον 35
est sujette à être divisée) ; selon Platon, qui dénie l’existence φε¬σθω τ¿ νÖν, äv δ µικρ¿ν παρεκàσιν ε®πε´ν, ναγ-
du vide, il ne met en jeu que le contact.
Nous avons déjà évoqué les surfaces indivisibles dans nos
précédents développements 5. Pour ce qui concerne main- 15 φα¬νεται τι συµàαEνον W || ο¶ον ... 17 γρ om. F 1 || 16 τ¬να :
tenant les solides indivisibles, dispensons-nous ici d’étudier ε® τ¬να HV || 17 στιν : σται J 2 || τ om. E 1 || 18 κα σχµατι
davantage ce qui résulte d’une telle hypothèse. Bornons-nous διαφροντι W || πρÞτων : πρFτον MFV || 19 σËγκεινται V ||
à dire, en manière de petite digression 6, qu’on sera alors διαλËονται E 1J 1V ( ναλËονται M) : διαλËεται FHLW || 21 τν s. l.
contraint de dire qu’aucun indivisible n’est susceptible ni add. M || 22 µγεθοv ο¶ον Ïδωρ πÖρ W || οÑτε sec. : οÍκ L || 24
τG om. W || 25 Á Πλτων Philop. l || 26 Á pr. om. J 1 || 28 τFν
d’être affecté, puisqu’il ne pourrait être affecté qu’au tra- ... καστον seclusit Joachim || 30 α¯ sec. om. F || 30-31 δËο ...
εµεν seclusit Joachim || 31 τρ¾ποιv J 1 || εµεν ν F || δι sec. om.
W || 32 δια¬ρετον WH Philop. l || Πλτων WH || µ¾νην M ||
34-35 περ δ τFν στερεFν τFν διαιρτων J 1V || 35 πλον ELMW
Philop. l : πλεEον FHJ 1V || θεωρεEσθαι F || 36 φσθω J || τ¿ :
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 140-142. τ H || ε®πεEν : επει E.
vers du vide 1, ni de produire la moindre affection, puisqu’il κα´ον παθv τε καστον λγειν τéν διαιρτων (οÍ γρ ο¶¾ν 1 326a
ne peut être ni froid ni dur 2. Pourtant assurément 3, s’il est τε πσχειν λλL δι τοÖ κενοÖ) κα µηθεν¿v ποιητικ¿ν π-
une chose incongrue, c’est bien de seulement conférer le θουv· οÑτε γρ ψυχρ¿ν οÑτε σκληρ¿ν ο¶¾ν τL εµναι. Κα¬τοι
chaud à la figure circulaire : il sera en effet nécessaire que τοÖτ¾ γε τοπον, τ¿ µ¾νον ποδοÖναι τô περιφερε´ σχµατι τ¿
le froid, son contraire, corresponde à quelque autre figure. θερµ¾ν· νγκη γρ κα τοÍναντ¬ον τ¿ ψυχρ¿ν λλ} τιν 5
Et il serait incongru 4 également, si ces deux-ci, je veux dire προσκειν τéν σχηµτων. MΑτοπον δ κν ε® ταÖτα µν
la chaleur et le froid, sont attribuables, que la lourdeur et Îπρχ|, λγω δ θερµ¾τηv κα ψυχρ¾τηv, βαρËτηv δ
la légèreté, la dureté et la mollesse ne le soient pas. Toute-
κα κουφ¾τηv κα σκληρ¾τηv κα µαλακ¾τηv µ Îπρξει·
fois 5, selon Démocrite, chaque indivisible est « plus lourd »,
κα¬τοι βαρËτερ¾ν γε κατ τν Îπεροχν φησιν εµναι ∆ηµ¾-
au sens d’une prépondérance 6, de sorte qu’il peut manifes-
κριτοv καστον τéν διαιρτων, èστε δλον Åτι κα θερµ¾τε- 10
tement aussi être plus chaud. Or si les indivisibles sont tels,
il est impossible qu’ils ne soient pas affectés les uns par les ρον. ΤοιαÖτα δL Ãντα µ πσχειν ÎπL λλλων δËνατον,
autres — par exemple, par celui dont la chaleur est large- ο¶ον Îπ¿ τοÖ πολÌ Îπερàλλοντοv θερµοÖ τ¿ ρµα ψυχρ¾ν.
ment excédente, celui qui est à peine froid 7. Mais s’il y a dur LΑλλ µν ε® σκληρ¿ν κα µαλακ¾ν, τ¿ δ µαλακ¿ν
et mou 8, « mou » est employé parce que la chose subit une τô πσχειν τι λγεται· τ¿ γρ Îπεικτικ¿ν µαλακ¾ν.
affection : est mou ce qui cède à la pression. τô πσχειν τι λγεται· τ¿ γρ Îπεικτικ¿ν µαλακ¾ν. LΑλλ
Quoi qu’il en soit 9, il est tout aussi incongru de supposer µν τοπον κα ε® µηθν Îπρχει λλ µ¾νον σχµα· 15
que rien d’autre ne leur appartient si ce n’est la figure 10 que κα ε® Îπρχει, ν δ µ¾νον, ο¶ον τ¿ µν σκληρ¿ν τ¿ δ
de supposer, si quelque chose leur appartient, une seule et θερµ¾ν· οÍδ γρ ν µ¬α τιv ε°η φËσιv αÍτéν. HΟµο¬ωv δ
unique affection, le dur 11 par exemple dans tel cas, le chaud δËνατον κα ε® πλε¬ω τô ν¬· δια¬ρετον γρ Âν ν τô
dans tel autre. Ces deux corps n’auraient même pas en effet
quelque chose d’unique comme nature. Mais il serait tout 326a 1 παθv τε : τ¬ σται παθv W || 2 : « J || µηδεν¿v
aussi impossible d’attribuer une multiplicité d’affections à Philop. l || 3 ψυχρ¿ν οÑτε σκληρ¿ν ELM H . unayn : σκληρ¿ν οÑτε
un seul indivisible : tout en étant indivisible, le corps aurait ψυχρ¿ν FHJ 1VW Philop. c σκληρ¿ν ELMWFHJV H . unayn Philop.
c
en effet ses affections dans le même lieu ; si bien que même Averroes vulgata byzantina : calidum coniecit Asulanus et θερµ¿ν
recepit O’Brien p. 75-76 || ο¶¾ν τL : δεE F || 3-4 Κα¬τοι γε τοÖτο
FV || 4 περιφερεE : σφαιρικG M || 6 προσκει V || 7 Îπρχει
E || δ sec. om. J 1 || 8 σκληρ¾τηv κα κουφ¾τηv F || Îπρξει
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 142-143. EMFH : Îπρχ| JVLW || 9 κα¬τοι γε βαρËτερον M γε om. W
6. Pour les nombreuses interprétations antérieures du || 9-10 ∆ηµ¾κριτοv post 10 διαιρτων ponit M || 12 πολλοÖ e
κατ τν Îπεροχν, cf. O’Brien, ibid., p. 43-48, 61-62 et 100. πολÌ fecit V || ψυχρ¿ν E 1LMHJV H . unayn : θερµ¿ν FW Philop.
c
Comme le remarque celui-ci, il ne s’agit que d’une « prépondé- Joachim O’Brien p. 64-65 || 13 ε° γε W || ε® σκληρ¿ν κα µαλακ¾ν,
rance » et pas explicitement d’un excédent de taille. Bien qu’il τ¿ δ µαλακ¿ν sic interpunxerunt etiam EMWFJV (cf. animadv.
soit vraisemblable que chez Démocrite, le poids de l’atome va- ad translationem) : ε® σκληρ¾ν, κα µαλακ¾ν. Τ¿ δ µαλακ¿ν HL
rie en fonction linéaire de sa taille, ce n’est pas le sens à donner H. unayn edd. omn. || 14 τG πσχειν ELM H . unayn : δη τG
à la locution, courante chez Ar. pour exprimer l’idée d’excé- πσχειν FHJ 1V τG πσχειν δη W || γρ : δL F || Îπεκτικ¿ν J
dent quantitatif (sans qu’il s’agisse nécessairement de grandeur || 15 λλ EM Philop. l et (ut vid.) W 1 : λλL FHJVL λλL ε® (ut
spatiale). Ar. se borne à insister sur la valeur comparative de vid.) W 2 || 16-17 τ¿ µν σκληρ¿ν τ¿ δ θερµ¿ν E 1LMH H . unayn
l’adjectif. Philop. l ( τ¿ µν θερµ¿ν τ¿ δ σκληρ¿ν W) : τ¿ µν ψυχρ¿ν τ¿ δ θερµ¿ν
7-11. Voir Notes complémentaires, p. 143-144. FJ 1V || 17 φËσιv ELWF : φËσιv HJV ( s. l. add. M pr. m.) ||
18 ε® om. FJ 1.
s’il vient à être affecté — étant admis qu’il est sujet au re- αÍτô ξει τ πθη· èστε κα ν πσχ|, ε°περ ψËχεται,
froidissement — quelle action ou affection supplémentaire ταËτ| τ¬ κα λλο ποισει πε¬σεται ; Τ¿ν αÍτ¿ν δ 20
surviendra-t-elle en cet endroit ? Et il en va de même éga- τρ¾πον κα π τéν λλων παθηµτων· τοÖτο γρ κα το´v
lement pour les autres affections 1. Car aussi bien ceux qui στερε κα το´v π¬πεδα λγουσιν δια¬ρετα συµàα¬νει τ¿ν
posent des solides indivisibles que ceux qui posent des sur- αÍτ¿ν τρ¾πον· οÑτε γρ µαν¾τερα οÑτε πυκν¾τερα ο¶¾ν τε γ¬ν-
faces indivisibles doivent faire face, de la même manière, à εσθαι κενοÖ µ Ãντοv ν το´v διαιρτοιv.
ce problème ; Il ne saurait de fait y avoir raréfaction ni den- εσθαι κενοÖ µ Ãντοv ν το´v διαιρτοιv. MΕτι δL τοπον κα
sification dans les indivisibles puisqu’en eux il n’y a pas de
τ¿ µικρ µν δια¬ρετα εµναι, µεγλα δ µ· νÖν µν 25
vide 2.
γρ εÍλ¾γωv τ µεγλα θραËεται µλλον τéν µικρéν· τ
En outre 3, il est également incongru que les petits corps
µν γρ διαλËεται ø{δ¬ωv, ο¶ον τ µεγλα· προσκ¾πτει
soient indivisibles et les grands non. Dans les faits, et la rai-
son le conçoit sans peine, les grands se brisent plus que les γρ πολλο´v· τ¿ δ δια¬ρετον Åλωv δι τ¬ µλλον Îπρ-
petits. Car certains corps se dissocient facilement, comme les χει τéν µεγλων το´v µικρο´v ;
grands objets, puisqu’ils se heurtent à de nombreux autres. χει τéν µεγλων το´v µικρο´v ; MΕτι δ π¾τερον µ¬α πντων
Mais pour quelle raison faudrait-il attribuer l’indivisibilité en φËσιv κε¬νων τéν στερεéν, διαφρει θτερα τéν τρων, 30
général aux petits corps plutôt qu’aux grands ? èσπερ ν ε® τ µν ε°η πËρινα, τ δ γινα τ¿ν Ãγκον ; ε®
En outre 4, la nature de tous ces solides est-elle unique, µν γρ µ¬α φËσιv πντων, τ¬ τ¿ χωρ¬σαν ; δι
ou diffèrent-t-ils les uns des autres, au sens où certains, dans τ¬ οÍ γ¬γνεται ψµενα ν, èσπερ Ïδωρ Ïδατοv Åταν θ¬γ| ;
leur masse, seraient ignés, les autres terreux ? Car s’il y a οÍδν γρ διαφρει τ¿ Ïστερον τοÖ πρ¾τερον. Ε® δL τερα, πο´α
une nature unique pour tous ces corps, qu’est-ce donc qui ταÖτα ; κα δλον äv ταËταv θετον ρχv κα α®τ¬αv τéν 35
les a séparés ? Ou encore, pour quelle raison, une fois entrés συµàαιν¾ντων µλλον τ σχµατα. 1 326b
en contact, ne deviennent-ils pas un, comme lorsque de l’eau συµàαιν¾ντων µλλον τ σχµατα. MΕτι δ, διαφροντα
touche de l’eau ? Nulle différence en effet entre la seconde et τν φËσιν, κν ποιο´ κν πσχοι θιγγνοντα λλλων.
la première 5. Mais si ce sont des choses différentes, quelles τν φËσιν, κν ποιο´ κν πσχοι θιγγνοντα λλλων. MΕτι
sont-elles ? Et il est clair qu’il faut, plutôt que les figures,
δ τ¬ τ¿ κινοÖν ; ε® µν γρ τερον, παθητικ· ε® δL αÍτ¿
poser ces choses différentes comme principe et cause de ce
qui se produit 6.
19 κα om. M || ε°περ ψËχεται E 1LWJ (et Suppl. gr. 643)
En outre 7, si leur nature est différente, ils pourraient bien H. unayn ut vid. : «περ ψËχεται MHV περιψËχεται F Åπερ ψËχεται
à la fois agir et être affectés en étant en contact les uns avec Vat. gr. 258 || 20 ταËτ| τ¬ scripsi : ταËτ| τι E 1LJV ταËτ| τοι FW
les autres. ταËτο τι H ταÍτG τοι Bekker || post λλο add. τι LW || κα W
En outre 8, quel est le moteur ? S’il est autre, ils sont sus- || 23 µανÞτερα FW || 23-24 γενσθαι FW || 26 µεγλα EMW
ceptibles d’être affectés. Mais si chacun est à lui-même son H. unayn : µε¬ζω FHJVL || θραËσεται W || µAλλον om. F || 27
øαδ¬ωv τFν µικρFν ο¶ον F || προκ¾πτει FJ 1 || 28 τ δ δια¬ρετα
L || 29 µεγλων : λων E 1 || πντων post 30 φËσιv pon. W ||
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 144-145. 30 φËσιv EMW Philop. l : φËσιv FHJVL || τFν στερεFν κε¬νων
3. Premier argument partiel : ce n’est pas parce que les pe- L || τÞν τρων : θατρων Philop. l || 32 φËσιv ELMW : φËσιv
tits corps sont moins divisibles que les grands que de tout petits στν FHJ 1V || 34 πρ¾τερον ELMJV : προτρου FHW Philop. l ||
corps pourraient être indivisibles. 35 ταÖτα : τοιαÖτα F || ταËταv EMWJV : ταÖτα FHL || 326b 2
4-8. Voir Notes complémentaires, p. 145. ποιD κα πσχ| FLM || 3 δ τ¬ om. E 1 || παθητικ¾ν FM.
propre moteur, ou bien il sera divisible (en tel endroit mo- αÎτ¿ καστον, διαιρετ¿ν σται, κατL λλο µν κινοÖν κατL
teur et en tel autre mû), ou les contraires lui appartiendront λλο δ κινο˵ενον, κατ ταÍτ¿ τναντ¬α Îπρξει, κα 5
au même endroit, et la matière sera unique non seulement Ïλη οÍ µ¾νον ριθµô σται µ¬α λλ κα δυνµει.
en nombre, mais même selon la puissance 1. Ïλη οÍ µ¾νον ριθµô σται µ¬α λλ κα δυνµει. IΟσοι
Bref retour aux Quant à tous ceux 2 qui disent que les µν ο×ν δι τv <δι> τéν π¾ρων κινσεÞv φασι τ πθη συµ-
conduits des affections ont lieu par le mouvement βα¬νειν, ε® µν κα πεπληρωµνων τéν π¾ρων, περ¬εργον ο¯
Empédocléens. au travers des conduits 3 : si cela a lieu π¾ροι· ε® γρ ταËτ| τι πσχει τ¿ πν, κν µ π¾ρουv
même quand les conduits sont obstrués, χον λλL αÍτ¿ συνεχv Âν πσχοι τ¿ν αÍτ¿ν τρ¾πον. 10
ces derniers sont sans utilité. Car si le tout, à cet endroit, est χον λλL αÍτ¿ συνεχv Âν πσχοι τ¿ν αÍτ¿ν τρ¾πον. MΕτι
encore affecté, alors même sans conduit, et étant continu, il δ πév νδχεται περ τοÖ διορν συµàα¬νειν äv λγου-
serait affecté de la même façon. σιν ; οÑτε γρ κατ τv φv νδχεται διιναι δι τéν
En outre, comment est-il possible que la vision au travers
διαφανéν, οÑτε δι τéν π¾ρων, ε® πλρηv καστοv· τ¬ γρ
des corps se fasse comme ils le prétendent ? Il n’est en effet
διο¬σει τοÖ µ χειν π¾ρουv ; πν γρ Áµο¬ωv στν πλρεv.
ni possible de traverser les corps diaphanes au niveau des
LΑλλ µν ε® κεν µν ταÖτα, νγκη δ σÞµατα ν 15
contacts, ni au travers des conduits, si chacun est rempli 4.
Quelle différence y aura-t-il en effet dans ce cas avec le fait de αÎτο´v χειν, ταÍτ¿ συµàσεται πλιν. Ε® δ τηλικαÖτα τ¿
ne pas avoir de conduits ? Tout sera en effet semblablement µγεθοv èστε µ δχεσθαι σéµα µηδν, γελο´ον τ¿ µικρ¿ν
rempli. Supposons pourtant qu’ils soient vides et qu’il leur µν ο°εσθαι κεν¿ν εµναι, µγα δ µ µηδL ÁπηλικονοÖν,
faille contenir des corps, la même conséquence s’ensuivra de τ¿ κεν¿ν λλο τι ο°εσθαι λγειν πλν χÞραν σÞµατοv,
nouveau. Et si on admet que leur taille est assez réduite pour èστε δλον Åτι παντ σÞµατι τ¿ν Ãγκον °σον σται κεν¾ν. 20
ne contenir aucun corps, il est ridicule de penser qu’il y a un IΟλωv δ τ¿ π¾ρουv ποιε´ν περ¬εργον· ε® µν γρ µηδν ποιε´
petit vide, mais pas de grand, ni d’une taille quelconque ou κατ τν φν, οÍδ δι τéν π¾ρων ποισει διι¾ν· ε® δ
de penser que par « vide » on exprime quelque chose d’autre τô πτεσθαι, κα µ π¾ρων Ãντων τ µν πε¬σεται τ δ
qu’espace d’un corps 5. Si bien que, pour chaque corps, il doit ποισει τéν πρ¿v λληλα τοÖτον τ¿ν τρ¾πον πεφυκ¾των.
y avoir un vide de volume égal. ποισει τéν πρ¿v λληλα τοÖτον τ¿ν τρ¾πον πεφυκ¾των. IΟτι
Bref, supposer des conduits est superflu. Car si rien n’agit µν ο×ν οÏτωv λγειν τοÌv π¾ρουv, èv τινεv Îπολαµàνουσιν, 25
selon le contact, rien n’agira non plus en traversant les
conduits ; mais si l’action a lieu par le contact, alors, même 4 διαιρετ¾ν τι σται V || 5 κατ ταÍτ¿ : κατL αÍτ¿ E || Îπρχει
si les conduits n’existent pas, certains êtres seront affectés et W || 7 τCv <δι> Mugler || 8 κα om. LW || 9 γρ κα ταËτ|
d’autres agiront, lorsque ce rapport mutuel leur appartient W || τι πσχει EM ( τι πσχοι W) : πσχει τι FHJV τι om. L ||
par nature. τ¿ om. L || 10 αÍτ¿ om. W || πσχοι : πσχει FL || 11 περ
Il ressort donc clairement de ce qu’on a dit qu’affirmer ... 12 νδχεται in marg. add. F 2 (Anonymus Collega) || 12 γρ
om. M || διεEναι E || 13 διαφανFν : φανFν M || 14 χειν π¾ρουv
des conduits à la façon dont certains les conçoivent, cela est E 1LM : π¾ρουv χειν FHJ 1VW Philop. l || πAν : πλιν J 1 || στν
EMW : σται FHJVLE 2 || 15 ε® EF Philop. l : ε® κα HJVLMW ||
16 αÎτοEv W : αÍτοEv ELMFHJV Philop. l || 18 µγα ante κεν¿ν
ponit F || µηδ πηλικονοÖν W || 19 κεν¿ν : κοιν¿ν M || λγειν
ο°εσθαι W || 20 σται κεν¿ν °σον H || 21 ποιεE ... 22 π¾ρων om. E 1
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 145-146. || 22 δ : δ κα E 1 || 23 πσεται J 2.
ou faux ou inutile. Et les corps étant partout divisibles, il ψεÖδοv µταιον, φανερ¿ν κ τοËτων στ¬ν· διαιρε-
est ridicule de postuler des conduits — car en ce qu’ils sont τéν δL Ãντων πντ| τéν σωµτων π¾ρουv ποιε´ν γελο´ον· « γρ
divisibles, les corps peuvent se séparer 1. διαιρετ, δËναται χωρ¬ζεσθαι.
<Chapitre 9> 9. Τ¬να δ τρ¾πον Îπρχει το´v ο×σι γεννν κα ποιε´ν κα
πσχειν, λγωµεν λαà¾ντεv ρχν τν πολλκιv ε®ρηµνην· 30
Les veines Comment donc les êtres sont susceptibles ε® γρ στι τ¿ µν δυνµει τ¿ δL ντελεχε¬{ τοιοÖτον, πφυ-
qualitatives. d’engendrer 2, d’agir et d’être affectés,
κεν οÍ τ© µν τ© δL οÍ πσχειν, λλ πντ| καθL Åσον στ
expliquons-le en commençant 3 par ce que
τοιοÖτον, ττον δ κα µλλον « τοιοÖτον µλλ¾ν στι κα
nous disons souvent : si c’est tantôt selon la puissance et
ττον· κα ταËτ| π¾ρουv ν τιv λγοι µλλον, καθπερ
tantôt selon l’entéléchie qu’une chose est telle ou telle, elle
ne peut par nature être affectée en tel endroit et non en tel ν το´v µεταλλευοµνοιv διατε¬νουσι τοÖ παθητικοÖ φλàεv 35
autre ; au contraire, elle le sera partout pour autant qu’elle συνεχε´v. 1 327a
est telle ou telle, et plus ou moins en ce qu’elle est plus ou συνεχε´v. Συµφυv µν ο×ν καστον κα ν Âν παθv. HΟµο¬ωv
moins telle ou telle 4. Et c’est plutôt en ce sens qu’on pour- δ κα µ θιγγνοντα µτε αÎτéν µτL λλων, ποιε´ν
rait parler de conduits, ou à la façon dont dans les gisements πφυκε κα πσχειν, λγω δL ο¶ον οÍ µ¾νον πτ¾µενον
métalliques, les veines du matériau susceptible d’affection θερµα¬νειν τ¿ πÖρ, λλ κν πωθεν ª· τ¿ν µν γρ ρα
s’étendent sans solution de continuité 5. τ¿ πÖρ, Á δL ρ τ¿ σéµα θερµα¬νει, πεφυκáv ποιε´ν κα 5
Ce qui est sûr, c’est que toute chose formant un tout orga- πσχειν.
nique et une unité ne peut être affectée 6. Il en va de même de πσχειν. Τ¿ δ τ© µν ο°εσθαι πσχειν τ© δ µ, διορ¬-
choses qui ni ne se touchent l’une l’autre, ni n’en touchent σανταv ν ρχ© τοÖτο λεκτον. Ε® µν γρ µ πντ| διαι-
d’autres qui pourraient naturellement agir et être affectées ρετ¿ν τ¿ µγεθοv, λλL στι σéµα δια¬ρετον πλτοv,
(le feu, par exemple, ne chauffe pas seulement quand il est οÍκ ν ε°η πντ| παθητικ¾ν, λλL οÍδ συνεχv οÍδν· ε® δ
en contact, mais aussi à distance — le feu chauffe en effet τοÖτο ψεÖδοv κα πν σéµα διαιρετ¾ν, οÍδν διαφρει δι|- 10
l’air, et l’air le corps, puisque l’air peut naturellement agir
ρσθαι µν πτεσθαι δ, διαιρετ¿ν εµναι· ε® γρ διακρ¬-
et être affecté).
Quant au fait de penser qu’une chose est affectée en tel
endroit et non en tel autre, après avoir commencé par intro-
26 στ ante φανερ¿ν ponit F || 27 Ãντων post σωµτων ponit
duire ces distinctions 7, voici ce qu’il faut dire : si la grandeur F || πντ| : πντων M || 28 δυνατ W || 29 τοEv ο×σιν Îπρχει
n’est pas partout divisible mais qu’il existe un corps ou une J 1VW || γεννAν τοEv ο×σι F || κα pr. del. J 2 || 30 λγοµεν M
surface indivisible, elle ne serait pas susceptible partout d’af- || ε®ρηµνην πολλκιv F || 31 τοιοÖτον : τοÖτο J 1V 1 || πφυκεν
fection et il n’y aurait même rien de continu 8 ; si à l’inverse in marg. add. F 2 (Anonymus Collega) || 32 οÍ pr. : δL οÍ W ||
cela est faux et que tout corps est divisible 9, il n’y a aucune πντωv H || στ om. W || 34 ν : ε® E || λγοι : λγ| L om. E 1
|| µAλλον, καθπερ EFJ 1V : µAλλον, καθπερ HLMW || 327a 1
différence entre le fait d’avoir été divisé et d’être en contact
ν Âν del. J 2 || 2 αÍτFν JV Philop. l || 4 θερµα¬νειν EJ 2 : θερµα¬νει
FHJ 1VLMW || πωθεν E 1MJ : ποθεν FHVLW || 5 ρ κα τ¿
E || πεφυκ¿v J || ποιεEν ELMW : κα ποιεEν FHJ 1V || 7 πντ| :
παντ E || 8 σFµα µν δια¬ρετον H || πλτοv om. M || 9 οÍδν
1-9. Voir Notes complémentaires, p. 146-147. ante οÍδ ponit F || 11 : « W.
et celui d’être divisible 1. Si en effet la dissociation est pos- νεσθαι δËναται κατ τv φv, èσπερ φασ¬ τινεv, κν
sible « selon les contacts », comme d’aucuns disent 2, alors µπω ª δι|ρηµνον, σται δι|ρηµνον· δυνατ¿ν γρ διαιρεθναι·
même s’il n’y pas encore division, il y aura division : la gran- γ¬νεται γρ οÍθν δËνατον.
deur est en effet capable d’être divisée, nulle conséquence γ¬νεται γρ οÍθν δËνατον. IΟλωv δ τοÖτον γ¬νε-
n’étant de fait impossible. σθαι τ¿ν τρ¾πον µ¾νον σχιζοµνων τéν σωµτων, τοπον· ναιρε´ 15
Mais de manière générale, il est incongru 3 de ne concevoir γρ οØτοv Á λ¾γοv λλο¬ωσιν, Áρéµεν δ τ¿ αÍτ¿ σéµα
la génération que sous cette forme d’une scission des corps. συνεχv Âν Áτ µν Îγρ¿ν Áτ δ πεπηγ¾v, οÍ διαιρσει κα
Cette théorie anéantit en effet l’altération, alors que nous
συνθσει τοÖτο παθ¾ν, οÍδ τροπ© κα διαθιγ©, καθπερ λ-
voyons que le même corps, tout en gardant sa continuité, est
γει ∆ηµ¾κριτοv· οÑτε γρ µεταταχθν οÑτε µετατεθν τν
parfois liquide et parfois solide, sans que ce soit en raison
φËσιν πεπηγ¿v ξ ÎγροÖ γγονεν, οÍδ νÖν Îπρχει 20
de la dissociation et de l’association, ni de la « tournure »
et de l’« arrangement » — comme dit Démocrite —, que ces σκληρ κα πεπηγ¾τα δια¬ρετα τοÌv Ãγκουv· λλL Áµο¬ωv
processus l’affectent 4. Ce n’est en effet ni après avoir subi παν Îγρ¾ν, Áτ δ σκληρ¿ν κα πεπηγ¾v στιν.
un changement dans son ordre naturel ni dans sa position παν Îγρ¾ν, Áτ δ σκληρ¿ν κα πεπηγ¾v στιν. MΕτι δL οÍδL
naturelle que ce corps, de liquide, est devenu solide et il αÑξησιν ο¶¾ν τL εµναι κα φθ¬σιν· οÍ γρ ÁτιοÖν σται γεγον¿v
n’y a pas maintenant 5 de corpuscules durs 6 et solides aux µε´ζον, ε°περ στ πρ¾σθεσιv, κα µ πν µεταàεàλη-
masses indivisibles ; mais de même que le corps tout entier κ¾v, µιχθντοv τιν¿v καθL αÎτ¿ µεταàλλοντοv. 25
est parfois humide, il est parfois dur et solide 7. κ¾v, µιχθντοv τιν¿v καθL αÎτ¿ µεταàλλοντοv. IΟτι
En outre, l’augmentation non plus ne peut avoir lieu, ni µν ο×ν στι τ¿ γεννν κα τ¿ ποιε´ν κα τ¿ γ¬γνεσθα¬ τε
la diminution. Chaque parcelle 8 ne sera pas en effet devenue κα πσχειν ÎπL λλλων, κα τ¬να τρ¾πον νδχεται,
plus grande s’il se produit une juxtaposition, et tout n’aura κα τ¬να φασ µν τινεv οÍκ νδχεται δ, διωρ¬σθω τοÖτον
pas été transformé, que ce soit par le mélange de quelque τ¿ν τρ¾πον.
chose ou par transformation propre 9.
On a donc ainsi déterminé que les choses engendrent,
agissent, et sont mutuellement engendrées et affectées, com-
ment elles le sont, et l’impossibilité des théories que certains
13 σται δι|ρηµνον om. F et delenda notat H || γρ om. F
soutiennent à ce sujet. || 14 τοÖτον EJ 2 : τ¿ τοÖτον FHJ 1VLMW Philop. l || 15 µ¾νον
om. FL || 16 Á λ¾γοv οØτοv H : οØτοv Á τρ¾ποv F || 17 συνεχv Âν
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 147. om. M || 18 κα διαθιγD om. E κα διαθηγD L (cf. supra, 315b
3. Ar. en a fini avec sa solution. La fin du chap. est 35) || 18-19 λγει : φησ F || 19 µεταταχθν οÑτε µετατεθν
consacrée à la critique de la théorie atomiste rivale, celle de HJ 1V : µετατεθν EM H . unayn µετατεθν οÑτε µεταàαλ¿ν L et F
Démocrite. Cette critique revient encore une fois (cf. supra, n. (qui τν φËσιν post µετατεθν ponit) µεταταχθν οÑτε µεταàεàληκ¿v
1 et 2) à stigmatiser l’impossibilité d’une théorie atomiste du W || 19-20 τν φËσιν : τD φËσει H || 20 οÍδ νÖν Îπρχει
changement qualitatif « total ». E 1LM : οÑτL νυπρχει FJ 1V οÍδ νυπρχει W οÍδL νυπρχει H κα
4. Pour ces termes, voir supra, p. 2, n. 5. οÍδ νÖν Îπρχει conieceris || 21 σκληρ E 1LMW : τ σκληρ
5. Je lis, avec la famille a, οÍδ νÖν Îπρχει, contre οÑτL FHJ 1V || 23 γεγονáv E || 24 στ ELM : σται FHJ 1VW ||
νυπρχει de la famille b. L’idée est plus forte : même une fois le 25 µεταàλλοντοv FHJVM Philop. : µεταàαλ¾ντοv E 1LW || 26 τ¿
corps devenu solide, il ne contient pas d’atomes solides. γ¬γνεσθα¬ : γεννAσθα¬ W || τε : τι J 1 || 27 κα τ¿ πσχειν W || κα
6-9. Voir Notes complémentaires, p. 147-148. τ¬να τρ¾πον νδχεται om. E 1 || 28 δ om. E 1.
<Chapitre 10> 10. Λοιπ¿ν δ θεωρσαι περ µ¬ξεωv κατ τ¿ν αÍτ¿ν τρ¾- 30
πον τv µεθ¾δου· τοÖτο γρ ν τρ¬τον τéν προτεθντων ξ
Le mélange. Reste maintenant, en poursuivant la ρχv. Σκεπτον δ τ¬ τL στν µ¬ξιv κα τ¬ τ¿ µικτ¾ν,
Aporie logique. même voie, à traiter du mélange, puis- κα τ¬σιν Îπρχει τéν Ãντων κα πév, τι δ π¾τερον στι
que c’était le troisième objet d’étude que µ¬ξιv τοÖτο ψεÖδοv· δËνατον γρ στι µιχθνα¬ τι τε-
nous nous étions initialement proposé 1. Il faut examiner ce ρον τρ}, καθπερ λγουσ¬ τινεv· Ãντων µν γρ τι τéν 35
qu’est le mélange et ce que c’est qu’être miscible, quel type µιχθντων κα µ λλοιωµνων οÍδν µλλον νÖν µεµ¬χθαι 1 327b
d’êtres ont cette propriété et de quelle façon 2 ; si, en outre,
φασν πρ¾τερον, λλL Áµο¬ωv χειν· θατρου δ φθαρν-
le processus de mélange existe, ou si cette thèse est erro-
τοv, οÍ µεµ¬χθαι, λλ τ¿ µν εµναι τ¿ δL οÍκ εµναι, τν
née. Il est en effet impossible que deux choses différentes se
δ µ¬ξιν Áµο¬ωv χ¾ντων εµναι· τ¿ν αÍτ¿ν δ τρ¾πον κν
soient mélangées, ainsi que certains l’affirment 3 : si de fait
les deux corps mélangés existent encore sans s’être altérés, ε® µφοτρων συνελθ¾ντων φθαρται τéν µιγνυµνων κ- 5
rien n’est davantage mélangé, disent-ils, maintenant qu’au- τερον· οÍ γρ εµναι µεµιγµνα τ γε Åλωv οÍκ Ãντα. ΟØτοv
paravant, mais tout demeure semblable. Si au contraire l’un µν ο×ν Á λ¾γοv οικε ζητε´ν διορ¬σαι τ¬νι διαφρει µ¬ξιv γε-
des deux corps se corrompt, il n’y a pas eu mélange, mais le νσεωv κα φθορv, κα τ¬ τ¿ µικτ¿ν τοÖ γεννητοÖ κα φθαρ-
premier corps existe et le second n’existe pas — or le mé- τοÖ· δλον γρ äv δε´ διαφρειν, ε°περ στιν· èστε τοËτων
lange a lieu entre des choses de statut semblable. Il en va Ãντων φανερéν, τ διαπορηθντα λËοιντL ν. 10
pareillement si, les deux corps à la fois étant allés l’un à Ãντων φανερéν, τ διαπορηθντα λËοιντL ν. LΑλλ µν οÑτε
l’autre, chacun des deux, en se mélangeant, s’est corrompu : τν Ïλην τô πυρ µεµ¬χθαι φαµν οÍδ µ¬γνυσθαι καιο-
pour « être mélangé », ne faut-il pas d’abord tout simplement µνην, οÑτL αÍτν αÎτv το´v µορ¬οιv οÑτε τô πυρ¬, λλ
« être » ? Cet argument semble donc bien définir en quoi le τ¿ µν πÖρ γ¬νεσθαι, τν δ φθε¬ρεσθαι. Τ¿ν αÍτ¿ν δ τρ¾πον
mélange diffère de la génération et de la corruption et le οÍδ τô σÞµατι τν τροφν οÑτε τ¿ σχµα τô κηρô
miscible de ce qui peut être engendré et corrompu. Car il est µιγν˵ενον σχηµατ¬ζειν τ¿ν Ãγκον· οÍδ τ¿ σéµα κα τ¿ 15
clair qu’ils doivent différer, si du moins ces choses ont une λευκ¿ν οÍδL Åλωv τ πθη κα τv ξειv ο¶¾ν τε µ¬γνυσθαι
réalité ; en sorte qu’une fois la lumière faite sur ces ques-
tions, les apories pourraient bien se dénouer.
Se mélangent Toutefois, nous ne disons ni que
le bois s’est mélangé au feu, ni, 30 δ : δεE vel δ Philop. l || θεωρητον FHL || τ¿ν iteravit
des corps M || 34 µιχθCνα¬ τι post 35 τρ} ponit F || 327b 1 κα τFν
subsistant par soi. lorsqu’il brûle, qu’il se mélange, lui-
même avec ses propres parties ou µ H || 1-2 νÖν µεµEχθα¬ φασι ELM : µεµEχθα¬ φασι νÖν FHJ 1V
µεµEχθα¬ φασι W || 4 χ¾ντων Áµο¬ωv J 1V || κν ELMWV : κα
avec le feu ; nous disons au contraire qu’il y a génération FHJ || 6 γρ om. L || γε : κα M || 7 διορ¬σαι om. FL || τ¬νι
du feu et corruption du bois. De la même façon, nous ne ELMW Philop. l : τ¬ FHJ 1V || τε διαφρει W || 8 τε κα φθορAv L
disons pas non plus que la nourriture se mélange au corps || τ¬ : τ¬νι W || γεννητοÖ E 1LM : γενητοÖ FHJVW || 10 λËοιντL
ni que c’est en se mélangeant au bloc de cire que la figure ELMWH : λËοιτL FJ 1V Philop. l || οÑτε EMJ 1VW Philop. l+c : οÍδ
s’imprime sur lui. De même pour le corps et le blanc ; et, en FHL || 11 τG πυρ τν Ïλην L || µεµEχθαι τG πυρ J 1VW || 12
αÎτCv : αÍτCv WH αÍτοEv FJ 2 || 13 γ¬νεσθαι : µ¬γνυσθαι M || 14
οÍδ pr. ELMW : οÑτε FHJ 1V || 15 τ¿ σFµα κα : τG σÞµατι W ||
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 148. 16 µ¬γνυσθαι ELM : µεµEχθαι FHJ 1VW.
général, les affections et les états ne peuvent se mélanger aux το´v πργµασιν· σωζ¾µενα γρ Áρται. LΑλλ µν οÍδ τ¿
choses — on voit en effet qu’ils sont préservés. Par ailleurs, λευκ¾ν γε κα τν πιστµην νδχεται µιχθναι, οÍδL λλο
le blanc lui non plus ni la science ne peuvent se mélanger, τéν µ χωριστéν οÍδν. LΑλλ τοÖτο λγουσιν οÍ καλév ο¯
ni rien de ce qui n’existe pas de manière séparée 1. C’est pré- πντα ποτ ÁµοÖ κα φσκοντεv εµναι κα µεµ¬χθαι· οÍ 20
cisément sur ce point que se fourvoient ceux qui disent que γρ παν παντι µικτ¾ν, λλL Îπρχειν δε´ χωριστ¿ν
toutes choses, à un moment donné, à la fois existent et sont κτερον τéν µιχθντων· τéν δ παθéν οÍθν χωριστ¾ν.
mélangées au même endroit 2 : tout n’est pas en effet suscep- κτερον τéν µιχθντων· τéν δ παθéν οÍθν χωριστ¾ν. LΕπε
tible d’être mélangé à tout, mais il faut que chaque élément
δL στ τ µν δυνµει τ δL νεργε¬{ τéν Ãντων, νδχε-
du mélange existe séparé ; or nulle affection n’est séparée.
3
ται τ µιχθντα εµνα¬ πωv κα µ εµναι, νεργε¬{ µν
Esquisse d’une Mais puisque parmi les êtres, certains τρου Ãντοv τοÖ γεγον¾τοv ξ αÍτéν, δυνµει δL τι κατ- 25
solution : l’acte sont en puissance et d’autres en acte, il ρου περ σαν πρν µιχθναι, κα οÍκ πολωλ¾τα· τοÖτο
et la puissance. est possible que d’une certaine manière, γρ Á λ¾γοv διηπ¾ρει πρ¾τερον, φα¬νεται δ τ µιγν˵ενα
les corps qui ont été soumis au mélange
πρ¾τερ¾ν τε κ κεχωρισµνων συνι¾ντα κα δυνµενα χω-
soient et ne soient pas — le résultat du mélange étant en
ρ¬ζεσθαι πλιν· οÑτε διαµνουσιν ο×ν νεργε¬{ èσπερ τ¿ σéµα
acte autre qu’eux, mais étant encore, en puissance, l’un et
l’autre, c’est-à-dire ce qu’ils étaient précisément avant d’être κα τ¿ λευκ¾ν, οÑτε φθε¬ρεται, οÑτε κτερον οÑτL µφω· σÞ- 30
mélangés — et ce sans qu’ils aient été détruits. Ce qui était ζεται γρ δËναµιv αÍτéν. ∆ι¿ ταÖτα µν φε¬σθω·
l’aporie soulevée par le premier argument 4. Par ailleurs, ζεται γρ δËναµιv αÍτéν. ∆ι¿ ταÖτα µν φε¬σθω· τ¿
les mélanges proviennent manifestement d’éléments anté- συνεχv δ τοËτοιv π¾ρηµα διαιρετον, π¾τερον µ¬ξιv
rieurement séparés et pouvant se séparer de nouveau. Les πρ¿v τν α°σθησ¬ν τ¬ στιν. IΟταν γρ οÏτωv ε®v µικρ διαι-
éléments du mélange ne demeurent donc pas, comme le ρεθ© τ µιγν˵ενα, κα τεθ© παρL λληλα τοÖτον τ¿ν τρ¾-
corps ou le blanc, en acte, mais ne se corrompent pas non πον èστε µ δλον καστον εµναι τ© α®σθσει, τ¾τε µµι- 35
plus, ni chacun des deux 5 ni tous les deux — leur puissance κται οÑ, λλL στιν èστε ÁτιοÖν παρL ÁτιοÖν εµναι µ¾ριον τéν 1 328a
est en effet préservée. Assez par conséquent sur ces difficul- µιχθντων ; λγεται µν ο×ν κε¬νωv, ο¶ον κριθv µεµ¬χθαι
tés.
Exclusion de Il faut maintenant analyser l’aporie qui
deux modèles les prolonge : le mélange est-il relatif 18 γε om. W || 19 LΑλλ ... 22 χωριστ¾ν post 31 αÍτFν ponit
6 Philop. c || τοÖτ¾ γε W || 20 ÁµοÖ κα φσκοντεv ELM : ÁµοÖ
du mélange par à la perception ? Quand, en d’autres φσκοντεv FHJVW || 21 παν om. E || παντι om. F || δεE
termes, les éléments à mélanger sont di-
juxtaposition. τι W || 24 µν : µν µ εµναι H µν γρ W || 25 Ãντοv τρου
visés en parties suffisamment petites et F || δL τι κατρου F H . unayn : δ τι κατρου ELMJV δ τι
posés côte à côte, de telle façon qu’aucune partie ne soit τρου W δ τι εµναι κτερον H || 26 πρν µιχθCναι in marg. add.
clairement perceptible, y a-t-il alors vraiment « mélange » F 2 (Anonymus Collega) || 28 πρ¾τερ¾ν τε in marg. add. F 2
ou non ? Et en ce cas, le phénomène se produirait de façon (Anonymus Collega) : π¾τερ¾ν γε M || δυνµενα µν V || 30
que n’importe quelle parcelle, aussi petite soit-elle, d’un des φθε¬ρεται ELM : φθε¬ρονται FHJ 1VW || κτερον ELMJV : θτερον
FW καθL κτερον H || 32 συνεχv δ ELM Philop. l : δ συνεχv
corps mélangés soit contre une partie de l’autre ? Dans le FHJVW || τοËτοιv : τοËτου E || 33 τν om. W || τ¬ στιν ELM :
στιν FHJ 1VW || 328a 1 post λλL coniecit Åτε Joachim || èστε :
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 148-149. Åτε WH.
premier cas donc, il en va comme quand on dit que de l’orge πυρο´v, Åταν τισοÖν παρL ÁντινοÖν τεθ©. Ε® δL στ πν σéµα
est « mélangée » à du blé, c’est-à-dire quand tout grain d’orge διαιρετ¾ν, ε°περ στ σéµα σÞµατι µικτ¿ν Áµοιοµερv,
est contre un grain de blé, et réciproquement. Mais puisque ÁτιοÖν ν δοι µροv γ¬νεσθαι παρL ÁτιοÖν. 5
tout corps est divisible, et s’il est vrai que le corps mélangé ÁτιοÖν ν δοι µροv γ¬νεσθαι παρL ÁτιοÖν. LΕπε δL οÍκ στιν ε®v
à un autre corps est un homéomère, il faut que n’importe τ λχιστα διαιρεθναι οÑτε σËνθεσιv ταÍτ¿ κα µ¬ξιv
quelle partie de l’un soit située contre une partie de l’autre λλL τερον, δλον äv οÑτε κατ µικρ σωζ¾µενα δε´ τ
et réciproquement 1. µιγν˵ενα φναι µεµ¬χθαι (σËνθεσιv γρ σται κα οÍ κρ-
Or 2 puisqu’il est impossible d’atteindre des minima par
σιv οÍδ µ¬ξιv, οÍδL ξει τ¿ν αÍτ¿ν λ¾γον τô Åλ} τ¿ µ¾-
division, et qu’on ne doit pas confondre juxtaposition et mé-
ριον· φαµν δL, ε°περ µεµ¬χθαι, τ¿ µιχθν Áµοιο- 10
lange — il y a là en effet deux processus différents — (1) il ne
µερv εµναι, κα èσπερ τοÖ Ïδατοv τ¿ µροv Ïδωρ, οÏτω
faut évidemment pas affirmer un mélange par conservation
de petites parties. Cet état sera en effet une composition et κα τοÖ κραθντοv· ν δL ª κατ µικρ σËνθεσιv µ¬ξιv,
non une mixtion ou un mélange, et la partie n’aura pas la οÍθν συµàσεται τοËτων, λλ µ¾νον µεµιγµνα πρ¿v τν
même définition que le tout. Or nous affirmons que, si mé- α°σθησιν, κα τ¿ αÍτ¿ τô µν µεµιγµνον, ν µ βλ-
lange il y a, le résultat du mélange est un homéomère ; de π| τι ÀξË, τô Λυγκε´ δL οÍθν µεµιγµνον), οÑτε τ© διαιρ- 15
même qu’une partie d’eau est eau, ainsi pour ce qui a été σει, èστε ÁτιοÖν παρL ÁτιοÖν µροv, δËνατον γρ οÏτω διαιρε-
mélangé. Cependant, si le mélange est une composition de θναι.
petits éléments, aucune de ces choses ne se produira, et il θναι. NΗ ο×ν οÍκ στι µ¬ξιv, λεκτον τοÖτο πév νδχεται
n’y aura « mélange » que pour la perception ; en sorte que γ¬γνεσθαι πλιν. MΕστι δ, èv φαµεν, τéν Ãντων τ µν
le même état perçu comme un mélange pour une personne ποιητικ τ δL Îπ¿ τοËτων παθητικ. Τ µν ο×ν ντιστρφει,
ayant la vue basse ne le sera pas pour Lyncée 3. (2) Il ne faut Åσων αÍτ Ïλη στ¬, κα ποιητικ λλλων κα παθητικ 20
non plus affirmer le mélange selon une division telle que ÎπL λλλων· τ δ ποιε´ παθ Ãντα, Åσων µ αÍτ
n’importe quelle partie d’un des deux corps soit contre une
partie de l’autre, et réciproquement : une telle division est
en effet impossible.
Affinement des Ainsi donc, ou le mélange n’existe 3 Åταν : Åτε H || τισοÖν : ε®τισοÖν W || παρL ÁντιναοÖν H :
réquisits logiques. pas, ou il faut expliquer de nouveau παρL ντιναοÖν L παρωτινοÖν W || 4 στ σFµα consensus codd.
comment il peut avoir lieu. Il se Philop. c : στ κα σFµα Philop. l || σÞµατι : τι FW (suprascr.
trouve que parmi les êtres, certains sont, comme nous le di- σÞµα F) || 5 δοι : δε suprascr. η F || γενσθαι F || 6 τλχιστα L
|| οÑτε consensus codd. : οÍδ coniecit Ross et recepit Joachim
sons, susceptibles d’agir et d’autres d’être affectés par eux.
|| 8 µεµEχθαι in litura fecit E || γρ σται : γρ στι V || κα om.
Aussi certains sont-ils dans un rapport de réciprocité 4, tous W || οÍ : οÍδ H || 10 δL ELM : δ δεEν FHJ 1VW || µεµEχθαι EJ 2 :
ceux dont la matière est la même, et qui sont par conséquent µµικται F 1HJ 1VW (cf. Kühner-Gerth II 2 p. 550-552 p. 552 b)
susceptibles d’agir les uns sur les autres et d’être affectés les δεE µεµEχθα¬ τι L µµικτα¬ τι M || 12 ª om. E : F || : ª F ||
uns par les autres. Mais d’autres agissent sans être affectés, 13 οÍδν ν συµàσεται H || 15 τι ÀξË E 1LMF : ÀξË HVJ 1W ||
γλυκεE E 1 et M (qui γ expunxit et γ inter υ et κ supra lin. add. pr.
m.) : λυγγεE H || 16 èστε : οÍδL W || οÏτω : αÍτ¿ W || 17 στι :
σται FV || 18 πλιν γ¬γνεσθαι F || δ : δ F 1W || φαµεν F 2LE 3
1-4. Voir Notes complémentaires, p. 149-150. Philop. l.
tous ceux dont la matière n’est pas la même. Et entre ces der- Ïλη. ΤοËτων µν οÍκ στι µ¬ξιv· δι¿ οÍδL ®ατρικ ποιε´ Îγ¬-
niers, il n’y a pas de mélange. C’est la raison pour laquelle ειαν οÍδL Îγ¬εια µιγν˵ενα το´v σÞµασιν.
ce n’est pas en se mélangeant aux corps que la médecine, ou ειαν οÍδL Îγ¬εια µιγν˵ενα το´v σÞµασιν. Τéν δ ποιητικéν
la santé aussi bien, produisent la santé 1. κα παθητικéν Åσα εÍδια¬ρετα, πολλ µν Àλ¬γοιv κα µε-
Affinement des Quant à tous les corps susceptibles γλα µικρο´v συντιθµενα οÍ ποιε´ µ¬ξιν, λλL αÑξησιν τοÖ 25
réquisits physiques. d’agir et d’être affectés qui se di- κρατοÖντοv· µεταàλλει γρ θτερον ε®v τ¿ κρατοÖν, δι¿
visent facilement 2, il ne suffit pas σταλαγµ¿v ο°νου µυρ¬οιv χουσν Ïδατοv οÍ µ¬γνυται· λËεται
de composer de nombreuses parties de l’un avec un pe- γρ τ¿ εµδοv κα µεταàλλεται ε®v τ¿ πν Ïδωρ. IΟταν δ
tit nombre de parties de l’autre, ni de grandes parties de τα´v δυνµεσιν ®σζ| πωv, τ¾τε µεταàλλει µν κτερον
l’un avec de petites parties de l’autre pour produire un ε®v τ¿ κρατοÖν κ τv αÎτοÖ φËσεωv, οÍ γ¬νεται δ θτερον, 30
mélange ; c’est l’augmentation du corps dominant qu’on λλ µεταξÌ κα κοιν¾ν.
produira ainsi, car le second corps se transforme dans le do-
λλ µεταξÌ κα κοιν¾ν. Φανερ¿ν ο×ν Åτι ταÖτL στ µικτ
minant (c’est la raison pour laquelle un goutte de vin ne se
Åσα ναντ¬ωσιν χει τéν ποιοËντων· ταÖτα γρ δ ÎπL λ-
mélange pas à dix mille conges 3 d’eau, puisque sa forme se
λλων στ παθητικ. Κα µικρ δ µικρο´v παρατιθµενα
dissout et qu’elle est transformée dans la totalité de l’eau).
Mais quand la puissance des deux corps s’égalise plus ou µ¬γνυται µλλον, øον γρ κα θττον λληλα µεθιστσιν,
moins 4, alors chacun se transforme vers ce qui domine, en τ¿ δ πολÌ κα Îπ¿ πολλοÖ χρον¬ωv τοÖτο δρ. ∆ι¿ τ ε;- 35
sortant de sa propre nature, sans toutefois devenir l’autre : ριστα τéν διαιρετéν κα παθητικéν µικτ (διαιρε´ται γρ 1 328b
il devient intermédiaire et commun 5. ε®v µικρ ø{δ¬ωv· τοÖτο γρ ν τ¿ εÍορ¬στ} εµναι),
Il est donc évident que sont miscibles tous les corps actifs ο¶ον τ Îγρ µικτ µλιστα τéν σωµτων· ε;ριστον γρ
possédant une contrariété (car assurément ce sont eux qui µλιστα τ¿ Îγρ¿ν τéν διαιρετéν, ν µ γλ¬σχρον ª·
sont susceptibles d’être affectés les uns par les autres) ; en ταÖτα γρ δ πλε¬ω κα µε¬ζω µ¾νον ποιε´ τ¿ν Ãγκον. 5
outre, de petites parties juxtaposées à de petites parties se
mélangent davantage, car elles commutent entre elles plus
facilement et plus rapidement, tandis qu’une grande masse, 22 µν EM : µν ο×ν FHJVLW Philop. l || οÍδL ®ατρικ VW
même sous l’action d’une grande masse, met du temps pour || 23 µιγν˵ενα E 1LMJV : µιγνυµνη FHW Philop. l+c || 24 Åσα
cela. C’est pourquoi, des corps divisibles et susceptibles στν εÍδια¬ρετα F || 24-25 κα µεγλα : µεγλα δ F 1 || 25 οÍ :
d’être affectés, ce sont les corps qui se laissent aisément οÑ γε vel οÑτε E 1 || λλL W || 26 δι¿ : ο¶ον L || 27 χουσν
délimiter qu’on peut considérer comme miscibles — ils se E 1J 2 : χοεÖσιν LMFHJ 1VW || 28 µεταàλλεται ELM : µεταàλλει
FHJVW || πAν τ¿ H || 30 ε®v τ¿ κρατοÖν om. W || αÎτοÖ HLM :
divisent en effet aisément en petits corps, ce qui est la défi-
αÍτοÖ EFJVW || 31 κα om. F || ταÖτL στ ELMW : στ ταÖτα
nition du fait d’être bien délimitable. Les liquides sont ainsi HJ 1V et F qui στ supra lin. add. || 32 τFν om. F || ποιοËντων :
au plus haut point miscibles : car le liquide, de tous les corps τοιοËτων J 1V || 32-33 γρ δ ÎπL λλλων στ E 1LM : γρ στι
divisibles, est au plus haut point délimitable, à condition de ÎπL λλλων FHJ 1VW || 34 µεθιστAσι : µεθ¬στησιν FLW || 328b 2
µικρ ELMW : µικρ ταÖτα FHJ 1V || τοÖ εÍορ¬στωv E || 3 ο¶ον :
èστε coni. Georgius Pachymeres in paraphrasi sua (ms Berol.
Ham. 512, fol. 86v.) || µλιστα µικτ W || 5 ταÖτα γρ δ : κα
1. Cf. GC I 7, 24a 35-b 1. ταÖτα µν γρ δ M κα ταÖτα µν W || µ¾νον om. HJ 1VMW ||
2-5. Voir Notes complémentaires, p. 150-151. τ¿ν Ãγκον ποιεE F.
ne pas être visqueux (car les corps visqueux ne font que gros- IΟταν δL ª θτερον µ¾νον παθητικ¿ν σφ¾δρα, τ¿ δ πµ-
sir et agrandir le volume) 1. παν ρµα, οÍθν πλε´ον τ¿ µιχθν ξ µφο´ν µικρ¾ν,
Mais quand seul l’un des deux corps est susceptible d’être Åπερ συµàα¬νει περ τ¿ν καττ¬τερον κα τ¿ν χαλκ¾ν. MΕνια
affecté, ou qu’il l’est extrêmement tandis que l’autre l’est γρ ψελλ¬ζεται πρ¿v λληλα τéν Ãντων κα παµφοτερ¬-
très faiblement, le mélange résultant des deux corps ne sera ζει· φα¬νεται γρ πωv κα µικτ ρµα, κα äv θτερον 10
en rien plus abondant 2, ou ne le sera que peu, comme dans µν δεκτικ¿ν θτερον δL εµδοv. IΟπερ π τοËτων συµàα¬νει·
le cas de l’étain et du cuivre. Certains êtres hésitent en effet Á γρ καττ¬τεροv äv πθοv τι æν νευ Ïληv τοÖ χαλκοÖ
et sont indécis dans leur rapport mutuel — ils apparaissent
σχεδ¿ν φαν¬ζεται µιχθεv παv, χρωµατ¬σαv µ¾νον.
alors même comme assez faiblement miscibles et comme si
ΤαÍτ¿ δ τοÖτο συµàα¬νει κα φL τρων.
l’un était réceptacle et l’autre forme. C’est précisément ce
ΤαÍτ¿ δ τοÖτο συµàα¬νει κα φL τρων. Φανερ¿ν το¬νυν κ
qui a lieu dans le cas considéré : l’étain, comme s’il était une
affection sans matière du cuivre, disparaît presque, ayant été τéν ε®ρηµνων κα Åτι στι µ¬ξιv κα τ¬ στι κα δι τ¬, κα 15
mélangé dans son intégralité, et ne laisse qu’une couleur — πο´α µικτ τéν Ãντων, πε¬περ στν νια τοιαÖτα ο¶α πα-
et la même chose se produit également dans d’autres situa- θητικ τε ÎπL λλλων κα ε;ριστα κα εÍδια¬ρετα· ταÖτα
tions 3. γρ οÑτL φθρθαι νγκη µεµιγµνα οÑτL τι ταÍτ πλév
On a donc rendu évident, par ce qui εµναι, οÑτε σËνθεσιν εµναι τν µ¬ξιν αÍτéν, οÑτε πρ¿v τν α°-
Conclusion : σθησιν· λλL στι µικτ¿ν µν Ä ν ε;ριστον Âν παθητικ¿ν ª 20
les corps miscibles. a été dit, que le mélange existe bel et
bien, quel il est, quelle est sa raison κα ποιητικ¿ν κα τοιοËτ} µικτ¾ν (πρ¿v ÁµÞνυµον γρ τ¿
d’être et quels sont, parmi les êtres, ceux qui sont miscibles, µικτ¾ν), δ µ¬ξιv τéν µικτéν λλοιωθντων νωσιv.
puisqu’il y en a certains qui sont tels qu’ils sont susceptibles
d’être affectés les uns par les autres, faciles à délimiter et
aisément divisibles — sans qu’il soit nécessaire ni que leur
mélange entraîne leur corruption, ni qu’ils demeurent abso-
lument les mêmes, ni que leur mélange soit une composition,
ni qu’il soit relatif à la perception. Est miscible, bien plu-
tôt, tout ce qui, étant aisément délimitable, est susceptible
d’être affecté et d’agir — et c’est à un corps de même type 6 ª om. FW || lacunam inter µ¾νον et παθητικ¿ν habet J ||
que ce corps est miscible (le miscible se détermine en effet : ª F || δ : δL οÍ W || 7 ρµα FJVM : ρµα ELWH H . unayn
relativement à un être de même dénomination) ; est mélange Philop. l+c (fort. ª ρµα in archetypo) || pr. om. E 1 || οÍδν
l’unification de deux corps miscibles qui ont été altérés 4. τ¿ µιχθν ξ F 1 || 8 περ : παρ H || 9 ψελ¬ζεται J || 11 IΟπερ
ELMW : IΟπερ κα FHJ 1V || 12 æν : Âν E || νευ τCv Ïληv H ||
13 µιχθεv E 1LMFJ : κα µιχθεv HVW || παv E 1LM H . unayn :
Á πAv J 1 πεισι FHVW || κα χρωµατ¬σαv L || 14 το¬νυν κα κ
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 151. F || 16 ε°περ W || ο¶α τ παθητικ H || 17 ταÖτα : τ E || 18
3. J’adopte le texte de la famille a, syntaxiquement et ταÍτ LH : τ αÍτ FJ 1V Philop. l ταÖτα EM ταÍτ τι W || 20 Ä
phoniquement plus rude. La famille b, acceptée par tous les ν FHJ 1VMW Philop. c : Åταν L Åταν µν E || 21 ante ποιητικ¿ν
éditeurs, ajoute un κα¬ devant µιχθε¬v et, pour παv, lit πεισι. lituram habet J || τοιοËτ} : τοιοÖτο W || 22 νωσιv. περ µν
4. Ce dernier paragraphe confirme, si besoin en était, l’im- ο×ν µ¬ξεωv κα φCv κα περ τοÖ ποιεEν κα πσχειν ε°ρηται HJ 1V et
portance du passage par les miscibles pour définir la mixtion. (omisso µν ) F 1.
<Chapitre 1> 1. Περ µν ο×ν µ¬ξεωv κα φv κα τοÖ ποιε´ν κα π-
σχειν ε°ρηται πév Îπρχει το´v µεταàλλουσι κατ φË-
Du mélange, du contact, de l’action et de σιν, τι δ περ γενσεωv κα φθορv τv πλv, πév κα
Les éléments
l’affection, on a dit comment ils appar- τ¬νοv στ κα δι τ¬νL α®τ¬αν. HΟµο¬ωv δ κα περ λλοιÞ-
et la matière.
tiennent aux êtres soumis au changement σεωv ε°ρηται, τ¬ τ¿ λλοιοÖσθαι κα τ¬νL χει διαφορν αÍ- 30
naturel ; en outre, concernant la génération et la corruption τéν. Λοιπ¿ν δ θεωρσαι περ τ καλο˵ενα στοιχε´α τéν
absolues, on a dit comment elles se déroulaient, à quelles σωµτων. Γνεσιv µν γρ κα φθορ πσαιv τα´v φËσει
réalités elles appartenaient et pour quelle raison elles avaient συνεστÞσαιv οÍσ¬αιv οÍκ νευ τéν α®σθητéν σωµτων.
lieu ; et on a dit semblablement, au sujet de l’altération, en συνεστÞσαιv οÍσ¬αιv οÍκ νευ τéν α®σθητéν σωµτων. ΤοËτων
quoi consistait ce processus et sa différence par rapport aux δ τν Îποκειµνην Ïλην ο¯ µν φασιν εµναι µ¬αν, ο¶ον ρα
autres 1. Reste donc à étudier ce qu’on appelle « éléments » τιθντεv πÖρ τι µεταξÌ τοËτων, σéµ τε Âν κα χωρι- 35
des corps 2. Car la génération et la corruption, pour toutes στ¾ν, ο¯ δ πλε¬ω τ¿ν ριθµ¿ν ν¾v, ο¯ µν πÖρ κα γν, ο¯ 1 329a
les substances naturellement composées, ne se produisent δ ταÖτ τε κα ρα τρ¬τον, ο¯ δ κα Ïδωρ τοËτων τταρ-
pas sans les corps perceptibles 3.
τον, èσπερ LΕµπεδοκλv· ξ ëν συγκρινοµνων κα διακρι-
La matière donc qui constitue le substrat de ces derniers,
νοµνων λλοιουµνων συµàα¬νειν τν γνεσιν κα τν φθο-
certains affirment qu’elle est une, posant par exemple l’air, le
ρν το´v πργµασιν. 5
feu ou quelque chose d’intermédiaire entre ces derniers, qui
soit un corps et ait une existence séparée 4 ; les autres posent
que cette matière est en nombre supérieur à l’unité — le feu Tit. — LΑριστοτλουv περ γενσεωv κα φθορAv β´ MFJV περ
γενσεωv κα φθορAv β´ LW LΑριστοτλουv περ γενσεωv κα φθορAv
et la terre pour certains 5, ces derniers et l’air pour d’autres 6, - α´ : β´ α´ E om. H pr. m. || 26 κα περ τοÖ Ε || 28 τι δ : τι
ces trois-là et un quatrième, l’eau, pour d’autres encore, κα E ( δ in marg. addito) || τCv πλCv, πFv κα τ¬νοv J 1VW :
comme Empédocle. Selon eux, c’est au gré des associations τCv πλCv, τ¬νοv κα πFv EMJ 2 τCv πλCv κα τ¬νοv κα πFv HL τCv
et des dissociations, ou des altérations, que la génération et τιν¿v κα πλFv κα πFv F || 29 στ om. W || 30-31 αÍτFν om. F
la corruption se produisent dans les choses. || 35 τιθντεv om. L || τι τFν µεταξÌ M τι µεταξË τι F (secundo
tamen τι eraso) || κα om. M || 329a 1 µν : µν γρ W || 3
l 1
κα ELMW H . unayn Philop. : FHJ V || 3-4 διακρινοµνων
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 151-152. om. W || 4 : κα JV || λλοιωµνων J 2.
Critique Posons comme accordé qu’il est correct de dire ρν το´v πργµασιν. IΟτι µν ο×ν τ πρéτα ρχv κα στοι-
du Timée. que les corps premiers sont les « principes » χε´α καλév χει λγειν, στω συνοµολογο˵ενον, ξ ëν µε-
et les « éléments », puisque c’est lorsqu’ils ταàαλλ¾ντων κατ σËγκρισιν δικρισιν κατL λλην
changent selon l’association, la dissociation ou tout autre µεταàολν συµàα¬νει γνεσιν εµναι κα φθορν. LΑλλL ο¯ µν
changement que se produisent génération et corruption 1. À ποιοÖντεv µ¬αν Ïλην παρ τ ε®ρηµνα, ταËτην δ σωµατι-
ceci près que : — (1) ceux qui conçoivent une matière unique κν κα χωριστν, µαρτνουσιν· δËνατον γρ νευ ναν- 10
à côté des corps qu’on a mentionnés, et qui la font corporelle τιÞσεωv εµναι τ¿ σéµα τοÖτο α®σθητ¾ν· γρ κοÖφον
et séparée, sont dans l’erreur : il est de fait impossible que
βαρÌ ψυχρ¿ν θερµ¿ν νγκη εµναι τ¿ πειρον τοÖτο, Ä
ce corps soit une chose perceptible, s’il est dépourvu d’une
λγουσ¬ τινεv εµναι τν ρχν. HΩv δL ν τô Τιµα¬} γγρα-
contrariété (même cet « indéterminé » que certains adoptent
πται, οÍδνα χει διορισµ¾ν· οÍ γρ ε°ρηκε σαφév τ¿ παν-
comme principe devra nécessairement être ou léger ou lourd
ou froid ou chaud) 2 ; — (2) le traitement qui est fait de cette δεχv, ε® χωρ¬ζεται τéν στοιχε¬ων, οÍδ χρται οÍδν, φ- 15
question dans le Timée ne comporte aucune des distinctions σαv εµναι Îποκ嬵εν¾ν τι το´v καλουµνοιv στοιχε¬οιv πρ¾τερον,
nécessaires 3. Platon, de fait, n’a pas dit clairement si le ré- ο¶ον χρυσ¿ν το´v ργοιv το´v χρυσο´v (κα¬τοι κα τοÖτο οÍ κα-
ceptacle universel existait séparé des éléments 4 ; et il n’en λév λγεται τοÖτον τ¿ν τρ¾πον λεγ¾µενον, λλL ëν µν λ-
fait pas usage, après avoir dit qu’il était une sorte de substrat λο¬ωσιv στιν, οÏτωv, ëν δ γνεσιv κα φθορ, δËνατον
des « éléments » à titre antérieur, comme l’or est substrat κε´νο προσαγορεËεσθαι ξ οØ γγονεν· κα¬τοι γ φησι 20
des objets d’or (et assurément, il n’est pas même vraiment µακρô ληθστατον εµναι χρυσ¿ν λγειν καστον εµναι), λλ
correct de s’exprimer de la sorte, car il n’en va ainsi que τéν στοιχε¬ων Ãντων στερεéν µχρι πιπδων ποιε´ται τν
pour les choses soumises à l’altération ; en revanche, pour νλυσιν· δËνατον δ τν τιθνην κα τν Ïλην τν πρÞ-
celles soumises à la génération et à la corruption, il est im- την τ π¬πεδα εµναι.
possible de les désigner du nom de ce à partir de quoi elles την τ π¬πεδα εµναι. HΗµε´v δ φαµν µν εµνα¬ τινα Ïλην
sont engendrées — alors que lui prétend que « la chose de τéν σωµτων τéν α®σθητéν, λλ ταËτην οÍ χωριστν λλL 25
loin la plus véridique », c’est de dire que chacun de ces ob- ε µετL ναντιÞσεωv, ξ v γ¬νεται τ καλο˵ενα στοιχε´α.
jets « est or ») 5 ; mais parce que selon lui, les éléments sont
des solides 6, il poursuit l’analyse jusqu’à des surfaces. Il est
cependant impossible que les surfaces constituent la matrice
et la matière première 7.
Les trois plans Pour notre part, nous affirmons qu’il y
de la causalité a une sorte de matière des corps per-
6-7 µεταàαλ¾ντων L || 7 sec. EM H . unayn : κα FHJVLW
matérielle. ceptibles, mais que celle-ci, sans être || λλην τιν F || 11 τ¿ σFµα τοÖτο : σFµα W || α®σθητ¿ν
séparée, existe toujours avec une contra- EMW H 1
. unayn : α®σθητCv HJ V α®σθητ¿ν Âν L τ¿ α®σθητ¿ν F || 14
riété 8 ; c’est d’elle que sont engendrés ce qu’on appelle διωρισµ¿ν J || 15 οÍδν : οÍδεν EH || 16 τι om. W || 17 κα
om. LW || 18 λλL ëν : λλλων E 1 || 19 οÏτωv χειν W οÏτωv
στν E 2 || 20 κεEνα W || κεEνο προσαγορεËεσθαι : κεEνο πρ¿v
κεEνο γορεËεσθαι E 1 || ξ : φL F 1 || 21 εµναι sec. om. W || 23
τιθ¬νην J 1 || 24 φαµεν µν E 1M : φαµεν FHJVLW Philop. l || 25
1-8. Voir Notes complémentaires, p. 152-153. τFν σωµτων om. Philop. l.
« éléments » 1. Même si l’on a effectué à leur propos des dis- ∆ιÞρισται δ περ αÍτéν ν τροιv κριàστερον. ΟÍ µν λλL
tinctions plus précises dans d’autres études 2, il faut, puisque πειδ κα τ¿ν τρ¾πον τοÖτ¾ν στιν κ τv Ïληv τ σÞµατα
c’est précisément 3 cette voie qu’emprunte la génération des τ πρéτα, διοριστον κα περ τοËτων, ρχν µν κα πρÞ-
corps premiers à partir de la matière, traiter aussi de ces την ο®οµνουv εµναι τν Ïλην τν χÞριστον µν, Îποκειµ- 30
derniers 4 en songeant bien 5 que ce qui est principe et pre- νην δ το´v ναντ¬οιv· οÑτε γρ τ¿ θερµ¿ν Ïλη τô ψυχρô
mier, c’est la matière non séparée et substrat des contraires οÍδ τοÖτο τô θερµô, λλ τ¿ Îποκ嬵ενον µφο´ν. IΩστε
(car le chaud n’est pas matière du froid ni celui-ci du chaud, πρéτον µν τ¿ δυνµει σéµα α®σθητ¿ν ρχ, δεËτερον δL
mais c’est le substrat des deux qui est matière). En sorte que
α¯ ναντιÞσειv, λγω δL ο¶ον θερµ¾τηv κα ψυχρ¾τηv, τρ¬τωv
c’est en premier lieu le corps perceptible en puissance 6 qui
δL δη πÖρ κα Ïδωρ κα τ τοιαÖτα· ταÖτα µν γρ 35
est principe, en deuxième lieu les contrariétés, comme par
µεταàλλει ε®v λληλα, κα οÍχ äv LΕµπεδοκλv κα 1 329b
exemple la chaleur et le froid, en troisième lieu, enfin, le
feu, l’eau et les corps semblables. Car ces derniers se trans- τεροι λγουσιν (οÍ γρ ν ν λλο¬ωσιv), α¯ δL ναντιÞ-
forment les uns dans les autres, à la différence de ce que σειv οÍ µεταàλλουσιν. LΑλλL οÍδν ττον κα èv, σÞµατοv
prétendent Empédocle et d’autres personnes (sinon, il n’y πο¬αv κα π¾σαv λεκτον ρχv· ο¯ µν γρ λλοι Îπο-
aurait pas d’altération) 7, tandis que les contrariétés, elles, θµενοι χρéνται, κα οÍδν λγουσι δι τ¬ αØται το- 5
ne se transforment pas 8. Mais même ainsi, il n’en faut pas σαÖται.
moins énoncer quels et combien sont les principes du corps.
Car tout le monde se contente de les supposer et de s’en 2. LΕπε ο×ν ζητοÖµεν α®σθητοÖ σÞµατοv ρχv, τοÖτο δL
servir, sans dire pour quelle raison ce sont ceux-ci ni pour στν πτοÖ, πτ¿ν δL οØ α°σθησιv φ, φανερ¿ν Åτι οÍ
quelle raison ils sont en tel nombre. πσαι α¯ ναντιÞσειv σÞµατοv ε°δη κα ρχv ποιοÖσιν,
λλ µ¾νον α¯ κατ τν φν· κατL ναντ¬ωσ¬ν τε γρ 10
<Chapitre 2> διαφρουσι, κα κατ πτν ναντ¬ωσιν. ∆ι¿ οÑτε λευκ¾τηv
κα µελαν¬α οÑτε γλυκËτηv κα πικρ¾τηv, Áµο¬ωv δL οÍδ
Déduction des Puis donc que nous recherchons les τéν λλων τéν α®σθητéν ναντιÞσεων οÍδν ποιε´ στοιχε´ον.
deux couples de principes du corps perceptible, c’est-à-
dire tangible 9 et que le tangible est ce
qualités tactiles 27 τροιv : λλοιv Philop. l || 28 πειδ : πε EM || 28-29 τ
dont la perception est le toucher, il est πρFτα σÞµατα V || 29 µν om. F 1JV || 29-30 πρÞτην ELMW :
fondamentales.
évident que toutes les contrariétés ne πρFτον F 1HJ 1V || 30 ο®οµνουv ELMJV : ο®οµνοιv FH ο®¾µενοv
produisent pas des formes et des principes du corps, mais Philop. l Îποθεµνουv W || 31 οÑτε : οÍ J 1VW || τ¿ om. H || 32
uniquement celles qui relèvent du toucher. Les corps dif- οÍδ EMJ 1VW : οÑτε FL οÑτε δ H || 34 α¯ om. EW || ναντ¬ωσιv
fèrent en effet selon une contrariété, et selon une contrariété E || κα om. E || τρ¬τωv EJ 1V : τρ¬τον FHLMW || 35 δL δη :
δ µα W δ äv δη H || πÖρ s. l. add. M pr. m. || 329b 1 κα
tangible. C’est la raison pour laquelle ni la blancheur et la pr. om. W || äv : èσπερ Philop. l || 2 τεροι : λλοι W || οÍ :
noirceur, ni la douceur et l’amertume, ni semblablement ε F οÍδ HL || α¯ δL : τι α¯ W || 3 κα èv FHJLWV : èv E 1 (ut
rien des autres contrariétés perceptibles 10 ne produit un élé- vid.)M κα E 2 || 4 λεκτον : λγειν W || 5 οÍδν : οÍδ F || αØται :
ment 11. Certes, la vue est antérieure au toucher, de sorte τοιαÖται VW αØται JLM || 8 om. F : στιν M || 9 σÞµατοv del.
J 2 || ε°δη : δη V || 10 µ¾νον ELMW : µ¾ναι FHJV || 11 κατ
τν πτν FW || ∆ι¾ : δι¾τι V || οÑτε : οÍδ W || 12 γλυκ¾τηv J
1-11. Voir Notes complémentaires, p. 153-155. || 13 λλων τFν ELMW : λλων FHJV.
que son substrat aussi est antérieur ; mais la vue n’est pas Κα¬τοι πρ¾τερον Ãψιv φv, èστε κα τ¿ Îποκ嬵ενον πρ¾-
une affection du corps tangible en tant que tangible, mais τερον. LΑλλL οÍκ στι σÞµατοv πτοÖ πθοv « πτ¾ν, λλ 15
selon quelque chose de différent, même si d’aventure cela se καθL τερον κα ε® τυχε τ© φËσει πρ¾τερον. ΑÍτéν δ
trouve être antérieur par nature 1. C’est donc des corps tan- τéν πτéν διαιρετον πο´αι πρéται διαφορα κα
gibles en tant que tels qu’il faut distinguer quelles sont les ναντιÞσειv.
différences et les contrariétés premières. ναντιÞσειv. Ε®σ δL ναντιÞσειv κατ τν φν α²δε, θερ-
Or les contrariétés selon le toucher sont les suivantes : µ¿ν ψυχρ¾ν, ξηρ¿ν Îγρ¾ν, βαρÌ κοÖφον, σκληρ¿ν µαλακ¾ν,
chaud froid, sec humide, lourd léger, dur mou, visqueux
γλ¬σχρον κραÖρον, τραχÌ λε´ον, παχÌ λεπτ¾ν. ΤοËτων δ 20
friable, rugueux lisse, épais fin. Parmi ces dernières, le lourd
βαρÌ µν κα κοÖφον οÍ ποιητικ οÍδ παθητικ· οÍ γρ
et le léger ne sont susceptibles ni d’agir ni d’être affectés
τô ποιε´ν τι τερον πσχειν ÎφL τρου λγονται· δε´ δ ποι-
(on n’emploie pas ces termes pour signifier une action sur
quelque chose d’autre ou une affection par quelque chose ητικ κα παθητικ εµναι λλλων τ στοιχε´α· µ¬γνυται
d’autre) 2, mais il faut que les éléments soient susceptibles γρ κα µεταàλλει ε®v λληλα. Θερµ¿ν δ κα ψυχρ¿ν
d’agir et d’être affectés mutuellement, car ils se mélangent κα Îγρ¿ν κα ξηρ¿ν τ µν τô ποιητικ εµναι τ δ τô 25
et se transforment les uns dans les autres. — En revanche, παθητικ λγεται· θερµ¿ν γρ στι τ¿ συγκρ´νον τ Áµο-
le chaud et le froid, le sec et l’humide, sont les premiers em- γεν (τ¿ γρ διακρ¬νειν, Åπερ φασ ποιε´ν τ¿ πÖρ, συγ-
ployés pour signifier une action, les seconds une affection : κρ¬νειν στ τ Áµ¾φυλα· συµàα¬νει γρ ξαιρε´ν τ λ-
le chaud est ce qui unit les corps homogènes (le fait de disso- λ¾τρια), ψυχρ¿ν δ τ¿ συνγον κα συγκρ´νον Áµο¬ωv τ
cier que certains attribuent au feu revient à unir les choses de τε συγγεν κα τ µ Áµ¾φυλα, Îγρ¿ν δ τ¿ ¾ριστον ο®κε¬} 30
même famille, car il a pour effet d’éliminer les corps étran- Åρ} ε;ριστον Ãν, ξηρ¿ν δ τ¿ ε;ριστον µν ο®κε¬}
gers) 3 ; le froid, lui, est ce qui rassemble et unit les choses de Åρ}, δυσ¾ριστον δ.
même genre et celles qui ne sont pas de même famille indif- Åρ}, δυσ¾ριστον δ. Τ¿ δ λεπτ¿ν κα παχÌ κα γλ¬σχρον
féremment ; l’humide est ce qui, tout en étant sans principe κα κραÖρον κα σκληρ¿ν κα µαλακ¿ν κα α¯ λλαι δια-
de délimitation propre, est d’une délimitation aisée 4 ; le sec φορα κ τοËτων· πε γρ τ¿ ναπληστικ¾ν στι τοÖ ÎγροÖ
est ce qui, tout en se laissant facilement délimiter selon un
principe de délimitation propre, est difficile à délimiter 5.
14 èστε om. M || 14-15 πρ¾τερον : π¾τερον J 1 || 16 δ : δ
Or le fin et l’épais, le visqueux et le friable, le dur et le
FLW || 17 τFν HJ 1V : πρFτον E 1 πρFτον τFν LWF 2 πρFτον κα
mou et les autres différences relèvent de ces derniers. Dès τFν F 1 πρÞτων τFν M πρÞτων E rec. || ποEαι δ πρFται HJ 1V ||
lors en effet que la fluidité caractérise l’humide, du fait que 18 ε®σ δL ναντιÞσειv om. F 1 || 19 Îγρ¿ν ξηρ¿ν F || 22 τG : τ¿ J
|| τερον : πρ¾τερον E 1 H
. unayn || : οÍδ τG F || ÎφL τρου :
Îπ¿ ναντ¬ου W || λγεται FLW || 23 κα ... λλλων : λλλων κα
παθητικ εµναι F εµναι λλλων κα παθητικ L || 23-24 µ¬γνυται
1
γρ ELM H . unayn : γ¬γνεται γρ κα µ¬γνυται FHJ V γ¬γνεται γρ W
|| 24 ε®v : äv suprascr. ε®v (nescio an pr. m.) V || 25 Îγρ¿ν κα
ξηρ¿ν E 1LM H c 1
. unayn Philop. : ξηρ¿ν κα Îγρ¿ν FHJ VW Philop.
l
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 155. || τG pr. om. E || 26 λγονται M || 26-27 τ ÁµοιογενC Philop. l
3. Cf. infra, GC II 9, 36a 3-6 et la note. Voir aussi DC III 8, || 29 Áµο¬ωv ante κα ponit L || 31 Ãν : δ λλοτρ¬ωv H || τ¿
307a 31-b 5. ε;ριστον : τ¿ ¾ριστον E || 32 δ sec. s. l. scr. M || παχÌ :
4-5. Voir Notes complémentaires, p. 155-156. παχËτερον E || 33 κα σκληρ¿ν om. J 1 : κα τ¿ σκληρ¿ν L || λλαι
α¯ E 1 || 34 πε γρ om. W.
tout en étant sans limite, il est facile à délimiter et épouse δι τ¿ µ äρ¬σθαι µν ε;ριστον δL εµναι κα κολουθε´ν τô 35
les formes de ce qui est en contact avec lui, et que le fin est πτοµν}, τ¿ δ λεπτ¿ν ναπληστικ¾ν (λεπτοµερv γρ, κα 1 330a
fluide (car ses parties sont fines et ce qui a des parties subtiles τ¿ µικροµερv ναπληστικ¾ν· Åλον γρ Åλου πτεται· τ¿
est fluide — le contact a en effet lieu de totalité à totalité, et δ λεπτ¿ν µλιστα τοιοÖτον), φανερ¿ν Åτι τ¿ µν λεπτ¿ν
jamais autant que si le corps est fin) il est manifeste que le fin σται τοÖ ÎγροÖ, τ¿ δ παχÌ τοÖ ξηροÖ. Πλιν δ τ¿ µν γλ¬-
ressortira de l’humide et l’épais du sec. — De même, le vis- σχρον τοÖ ÎγροÖ (τ¿ γρ γλ¬σχρον Îγρ¿ν πεπονθ¾v τ¬ στιν, 5
queux ressortira de l’humide (car le visqueux est un humide ο¶ον τ¿ λαιον), τ¿ δ κραÖρον τοÖ ξηροÖ· κραÖρον γρ τ¿
affecté d’une certaine manière, comme l’huile), et le friable
τελωv ξηρ¾ν, èστε κα πεπηγναι διL λλειψιν Îγρ¾τητοv.
du sec : le friable est en effet ce qui est complètement sec,
MΕτι τ¿ µν µαλακ¿ν τοÖ ÎγροÖ (µαλακ¿ν γρ τ¿ Îπε´κον
au point même d’avoir été rigidifié par manque d’humidité.
ε®v αυτ¿ κα µ µεθιστµενον, Åπερ ποιε´ τ¿ Îγρ¾ν· δι¿
— En outre, le mou ressortira de l’humide (car le mou est
ce qui cède en se rétractant sans changer de place, ce qui est κα οÍκ στι τ¿ Îγρ¿ν µαλακ¾ν, λλ τ¿ µαλακ¿ν τοÖ ÎγροÖ), 10
une conséquence de l’humide — c’est pourquoi ce n’est pas τ¿ δ σκληρ¿ν τοÖ ξηροÖ· σκληρ¿ν γρ στι τ¿ πεπηγ¾v, τ¿
l’humide qui est mou, mais le mou qui ressortit de l’humide) δ πεπηγ¿v ξηρ¾ν.
et le dur du sec ; dur est en effet ce qui a été rigidifié, et ce δ πεπηγ¿v ξηρ¾ν. Λγεται δ ξηρ¿ν κα Îγρ¿ν πλεοναχév·
qui a été rigidifié est sec. ντ¬κειται γρ τô ξηρô κα τ¿ Îγρ¿ν κα τ¿ διερ¾ν, κα
Mais « sec » et « humide » se disent de plusieurs façons. πλιν τô Îγρô κα τ¿ ξηρ¿ν κα τ¿ πεπηγ¾v· παντα δ
Car au sec s’opposent à la fois l’humide et l’humecté, et à ταÖτL στ τοÖ ξηροÖ κα τοÖ ÎγροÖ τéν πρÞτων λεχθντων. 15
l’humide, à rebours, à la fois le sec et le rigidifié. Tous ces LΕπε γρ ντ¬κειται τô διερô τ¿ ξηρ¾ν, κα διερ¿ν µν στι
états ressortissent cependant du sec et de l’humide envisa- τ¿ χον λλοτρ¬αν Îγρ¾τητα πιπολv, βεàρεγµνον δ τ¿
gés en premier lieu. Car puisque le sec s’oppose à l’humecté, ε®v βθοv, ξηρ¿ν δ τ¿ στερηµνον ταËτηv, φανερ¿ν Åτι τ¿
que l’humecté est ce qui contient une humidité étrangère en µν διερ¿ν σται τοÖ ÎγροÖ, τ¿ δL ντικ嬵ενον ξηρ¿ν τοÖ πρÞ-
surface 1, tandis que l’imbibé est ce qui la contient en profon- τωv ξηροÖ. Πλιν δ τ¿ Îγρ¿ν κα τ¿ πεπηγ¿v äσαËτωv· 20
deur, et que le sec est ce qui en est privé, il est manifeste que Îγρ¿ν µν γρ στι τ¿ χον ο®κε¬αν Îγρ¾τητα ν τô βθει,
l’humecté ressortira de l’humide et le sec qui lui est opposé
du sec au sens premier. Il en va de même pour l’humide et le
rigidifié : l’humide est en effet ce qui contient une humidité
propre en profondeur (tandis que l’imbibé est ce qui contient 35 µν om. W || δL om. W || 330a 1 λεπτοµερv : µικροµερv
une humidité étrangère en profondeur), tandis que le LW et (ut vid.) Philop. c || λεπτοµερv ... 2 αναπληστικ¾ν om.
V || 4 σται : στι L || δ sec. om. W || 7 ξηρ¾ν : σκληρ¾ν J 2
|| λειψιν M || 8 τοÖ ÎγροÖ µαλακ¿ν om. E 1 post ÎγροÖ add. τ¿
δ σκληρ¿ν τοÖ ξηροÖ F || 9 µ µεθιστµενον MLFHVW H . unayn
Philopon l+c : µεθιστµενον E 1J || δι¿ ... 10 Îγρ¿ν om. E 1 || 10
κα om. M || οÍκ στι : οÍκτι L || 11 σκληρ¿ν γρ : ξηρ¿ν γρ E
H. unayn || 14 τ¿ sec. s. l. scr. M || δ : δ EF || 15 στι ταÖτα W
|| τοÖ ÎγροÖ κα ξηροÖ W || 17 λλοτρ¬αν χον J 1VW || 19 διερ¿ν :
δια¬ρον J 1 || 19-20 πρÞτωv EMJ 1V : πρÞτου FHLW || 20 δ : δ
F || τ¿ sec. om. W || 21 γρ om. F || χον τν ο®κε¬αν F || ν
1. πιπολCv : génitif de la partie. τG βθει om. F.
rigidifié est ce qui en est privé, de sorte que dans ce cas éga- βεàρεγµνον δ τ¿ χον λλοτρ¬αν Îγρ¾τητα ν τô βθει, πε-
lement, l’un des états ressortit du sec et l’autre de l’humide 1. πηγ¿v δ τ¿ στερηµνον ταËτηv. IΩστε κα τοËτων στ τ¿
Il est clair, dès lors, que toutes les autres différences se µν ξηροÖ τ¿ δ ÎγροÖ.
réduisent à ces quatre premières, mais que celles-là ne se µν ξηροÖ τ¿ δ ÎγροÖ. ∆λον το¬νυν Åτι πσαι α¯ λλαι δια-
réduisent plus à un nombre inférieur : le chaud n’a ni la φορα νγονται ε®v τv πρÞταv ττταραv, αØται δ οÍκτι ε®v 25
nature de l’humide ni celle du sec, l’humide n’a ni la nature λττουv· οÑτε γρ τ¿ θερµ¿ν Åπερ Îγρ¿ν Åπερ ξηρ¾ν, οÑτε
du chaud ni celle du froid, le froid et le sec ne se rangent ni τ¿ Îγρ¿ν Åπερ θερµ¿ν Åπερ ψυχρ¾ν, οÑτε τ¿ ψυχρ¿ν κα
l’un sous l’autre ni sous le chaud ni sous l’humide. Elles sont
τ¿ ξηρ¾ν οÍδL ÎπL λληλL οÍδL Îπ¿ τ¿ θερµ¿ν κα τ¿ Îγρ¾ν
donc nécessairement quatre.
ε®σιν· èστL νγκη ττταραv εµναι ταËταv.
<Chapitre 3>
3. LΕπε δ ττταρα τ στοιχε´α, τéν δ τεττρων ξ 30
2
Puis donc que les éléments sont au nombre α¯ συζεËξειv, τ δL ναντ¬α οÍ πφυκε συνδυζεσθαι (θερ-
Qualités et
de quatre, que de quatre termes on peut for- µ¿ν γρ κα ψυχρ¿ν εµναι τ¿ αÍτ¿ κα πλιν ξηρ¿ν κα
« éléments ».
mer six paires, mais qu’il est impossible par Îγρ¿ν δËνατον), φανερ¿ν Åτι ττταρεv σονται α¯ τéν στοι-
nature d’accoupler les contraires (car il est impossible que χε¬ων συζεËξειv, θερµοÖ κα ξηροÖ, κα θερµοÖ κα ÎγροÖ, κα
la même chose soit à la fois chaude et froide ou sèche et hu- πλιν ψυχροÖ κα ÎγροÖ, κα ψυχροÖ κα ξηροÖ. Κα κο- 1 330b
mide), il est manifeste que les paires des éléments seront au λοËθηκε κατ λ¾γον το´v πλο´v φαινοµνοιv σÞµασι, πυρ
nombre de quatre, chaud et sec, humide et chaud, ainsi que κα ρι κα Ïδατι κα γ©· τ¿ µν γρ πÖρ θερµ¿ν κα
froid et sec et froid et humide 3. Cela correspond logique- ξηρ¾ν, Á δL ρ θερµ¿ν κα Îγρ¾ν (ο¶ον τµv γρ Á ρ),
ment aux corps qui n’ont que l’apparence de corps simples : τ¿ δL Ïδωρ ψυχρ¿ν κα Îγρ¾ν, δ γ ψυχρ¿ν κα ξηρ¾ν, 5
le feu est chaud et sec, l’air chaud et humide (l’air est en ef-
fet comme une vapeur), l’eau est froide et humide et la terre 22 βεàρεγµνον ... ν τG βθει EMWFJ 2 H . unayn (et infusum est
froide et sèche, en sorte qu’il est bien conforme à la raison in cuius profundo est humiditas extranea Gerardus) fort. Alexander
d’attribuer ces différences aux corps premiers, et que leur ap. Ps.-Gābir b. H . ayyān, Kitāb al-tas.rı̄f, Paris. Ar. 5099, fol. 130 :
nombre est en accord avec la raison 4. Car tous ceux qui font om. HJ 1VL || 23 στ EJV : σται FHLMW || 24 ξηροÖ τ¿ δ
des corps simples les éléments, les uns pensent qu’il y en ÎγροÖ ELMWF : ÎγροÖ τ¿ δ ξηροÖ J 1VW || α¯ λλαι πAσαι W || 26
οÑτε pr. et sec. : οÍδ W || τ¿ om. F 1 || Îγρ¿ν : ψυχρ¿ν (suprascr.
a un, d’autres deux, d’autres trois, d’autres encore quatre. ξηρ¿ν ) F || 28 οÍδL... οÍδL EM : οÑθL ... οÑθL cett. || τ¿ ter. om. F
Tous ceux qui professent qu’il y en a un seul, puis qui en- || 29 εµναι ταËταv : αÍτv εµναι H || 30 πειδ δ FHL || τ om. L
gendrent tout le reste par condensation et raréfaction, se || 31 α¯ om. W || 32-33 ξηρ¿ν κα Îγρ¿ν ELMW H . unayn : Îγρ¿ν
κα ξηρ¿ν FHJ 1V || 34 κα ξηροÖ ... θερµοÖ om. F 1 || κα θερµοÖ
κα ÎγροÖ E 1M H . unayn : θερµοÖ κα ÎγροÖ W κα ÎγροÖ κα θερµοÖ
HJ 1V ψυχροÖ κα ÎγροÖ L || κα ter. om. W || 330b 1 πλιν om.
1. Voir Notes complémentaires, p. 156. F 1LW || ψυχροÖ pr. : θερµοÖ L || κα ÎγροÖ HJVW H . unayn :
2. Ar. entend ici les qualités élémentaires fondamentales. κα ψυχροÖ E 1M et s. l. add. F κα ξηροÖ L || κα sec. om. WL
3. Voir Notes complémentaires, p. 156-158. || ψυχροÖ sec. HJVLW H 1 1
. unayn : ξηροÖ E MF || ξηροÖ HJ VW
4. Ar., à défaut d’une preuve, se contente d’insister sur H. unayn : ÎγροÖ E 1
LMF || 1-2 κολοËθησε HL || 2 σÞµασι :
l’économie de moyens et le caractère aussi vraisemblable qu’élé- σÞµατα W || 3 γρ om. W || 4 θερµ¿v κα Îγρ¿v L || 5 κα ...
gant de sa théorie. ψυχρ¿ν om. E.
voient en fait construire deux principes, le rare et le dense, èστL εÍλ¾γωv διανµεσθαι τv διαφορv το´v πρÞτοιv σÞ-
ou bien le chaud et le froid 1 — car ceux-ci jouent le rôle µασι, κα τ¿ πλθοv αÍτéν εµναι κατ λ¾γον. IΑπαντεv
de principes ouvriers, tandis que le principe unique est posé γρ ο¯ τ πλ σÞµατα στοιχε´α ποιοÖντεv ο¯ µν ν, ο¯
comme un substrat à titre de matière. Mais ceux qui les font δ δËο, ο¯ δ τρ¬α, ο¯ δ ττταρα ποιοÖσιν. IΟσοι µν ο×ν
directement deux, comme Parménide avec le feu et la terre, ν µ¾νον λγουσιν, εµτα πυκνÞσει κα µανÞσει τλλα γεν- 10
voient dans les intermédiaires des mélanges des premiers νéσι, τοËτοιv συµàα¬νει δËο ποιε´ν τv ρχv, τ¾ τε µαν¿ν
(par exemple l’air et l’eau) 2 ; et il en va de même pour ceux κα τ¿ πυκν¿ν τ¿ θερµ¿ν κα τ¿ ψυχρ¾ν· ταÖτα γρ
qui disent qu’il y en a trois (comme Platon dans ses 3 divi-
δηµιουργοÖντα, τ¿ δL ν Îπ¾κειται καθπερ Ïλη. Ο¯ δL εÍθÌv
sions : il fait en effet du terme médian un mélange) 4 ; et les
δËο ποιοÖντεv, èσπερ Παρµεν¬δηv πÖρ κα γν, τ µεταξÌ
tenants de deux ou de trois éléments disent pratiquement
µ¬γµατα ποιοÖσι τοËτων, ο¶ον ρα κα Ïδωρ. HΩσαËτωv δ 15
la même chose, si ce n’est que les uns coupent en deux le
terme médian, tandis que les autres font de lui un seul terme. κα ο¯ τρ¬α λγοντεv, καθπερ Πλτων ν τα´v διαιρσεσιν·
Quelques uns affirment d’emblée qu’il y en a quatre, comme τ¿ γρ µσον µ¬γµα ποιε´. Κα σχεδ¿ν ταÍτ λγουσιν ο²
Empédocle : mais lui aussi finit par les réduire à deux, car il τε δËο κα τρ¬α ποιοÖντεv· πλν ο¯ µν τµνουσιν ε®v δËο
oppose au feu tous les autres 5. τ¿ µσον, ο¯ δL ν µ¾νον ποιοÖσιν. MΕνιοι δL εÍθÌv ττταρα λ-
Le feu cependant, l’air et chacun des γουσιν, èσπερ LΕµπεδοκλv· συνγει δ κα οØτοv ε®v τ δËο· 20
Les « éléments » : τô γρ πυρ τλλα πντα ντιτ¬θησιν.
formules et corps mentionnés ne sont pas simples,
mais mélangés. Les corps simples leur τô γρ πυρ τλλα πντα ντιτ¬θησιν. ΟÍκ στι δ τ¿ πÖρ
réalisations. κα Á ρ κα καστον τéν ε®ρηµνων πλοÖν, λλ µικτ.
ressemblent, mais ils ne leur sont pas
identiques : par exemple, celui qui est semblable au feu a la Τ δL πλ τοιαÖτα µν στιν, οÍ µντοι ταÍτ, ο¶ον ε° τι
forme du feu, mais il n’est pas le feu, celui qui est semblable τô πυρ ŵοιον, πυροειδv, οÍ πÖρ, κα τ¿ τô ρι εροει-
à l’air a la forme de l’air, et il en va de même pour les autres. δv· Áµο¬ωv δ κπ τéν λλων. Τ¿ δ πÖρ στιν Îπερàολ 25
Le feu est un excès de chaleur, comme la glace un excès de θερµ¾τητοv, èσπερ κα κρËσταλλοv ψυχρ¾τητοv· γρ
froid. Car la congélation et l’ébullition sont des sortes d’ex- πξιv κα ζσιv Îπερàολα¬ τινv ε®σιν, µν ψυχρ¾τη-
cès, l’un de froid et l’autre de chaleur. Si donc la glace est la τοv, δ θερµ¾τητοv. Ε® ο×ν Á κρËσταλλ¾v στι πξιv ÎγροÖ
congélation de ce qui est humide-froid, le feu sera l’ébulli-
tion de ce qui est sec-chaud (raison pour laquelle, justement,
rien n’est engendré ni de la glace ni du feu) 6. Or puisque les 6 νµεσθαι E 1 : διαφρεσθαι F 1 || 7 εµναι om. M || 8 γρ : δL
L || 9 ο¯ δ τρ¬α om. W || 10 λγουσι µ¾νον F || λγουσιν εµναι W
|| 12 : κα W || τ¿ ter. om. L || 13 τ δηµιουργοÖντα LMW ||
14 τ δ µεταξÌ W || 15 ante µ¬γµατα scr. µε E 1 || 16 τρεEv LM
1. La phrase d’Ar. est ramassée. La mention du chaud et du || 18 τε om. W || κα EMF : κα ο¯ HJVLW Philop. l || 19 δ κα
froid élucide celle du rare et du dense. Voir GA V 3, 783a 37-b 2. εÍθÌv FHL || 20 èσπερ E 1LM : ο¶ον FHJ 1VW || δ : γρ W ||
2. Voir plus haut, GC I 3, 18b 6-9 et (anonymement) II 1, 21 τλλα πντα EMWF : πντα τλλα HJVL || ΟÍκ στι : οÍκτι
329a 1. F || 22 Á om. E || µικτ : µικτ¾ν L || 23 ταÍτ : τοιαÖτα E ||
3-5. Voir Notes complémentaires, p. 158. ε° τι E 1M H 1 l
. unayn : τ¿ F HJVLW Philop. || 24 οÍ ... εροειδv
6. Le feu élémentaire, qui rentre dans la constitution du om. F || τ¿ om. W || 26 κα om. J VW Philop. l || 27 πCξιv :
1 1
vivant, est donc moins chaud que le feu dont nous nous servons ψËξιv V || 28 κρËσταλοv W || 28-29 ÎγροÖ ψυχροÖ E 1M : ÎγροÖ
dans la vie quotidienne. κα ψυχροÖ FHJVLW.
corps simples sont quatre, chaque élément d’une de leurs ψυχροÖ, κα τ¿ πÖρ σται ζσιv ξηροÖ θερµοÖ· δι¿ κα οÍδν
deux paires appartient à l’un des deux termes premiers 1 (le οÑτL κ κρυστλλου γ¬νεται οÑτL κ πυρ¾v. MΟντων δ τεττρων 30
feu et l’air relèvent de ce qui est transporté vers la limite, la τéν πλéν σωµτων, κτερα το´ν δυο´ν κατρου τéν πρÞ-
terre et l’eau de ce qui est transporté vers le milieu). La terre των στ¬ν, πÖρ µν κα ρ τοÖ πρ¿v τ¿ν Åρον φεροµνου,
et le feu sont les éléments extrêmes et les plus purs, tandis γ δ κα Ïδωρ τοÖ πρ¿v τ¿ µσον. Κα κρα µν κα ε®λι-
que l’eau et l’air sont intermédiaires et davantage mêlés. κρινστατα γ κα πÖρ, µσα δ κα µεµιγµνα µλλον
Qualité privilégiée Et chacun des deux est le Ïδωρ κα ρ. 1 331a
de chaque « élément ». contraire de chacun des deux Ïδωρ κα ρ. Κα κτερα κατροιv ναντ¬α, πυρ µν
autres — l’eau est le contraire du γρ ναντ¬ον Ïδωρ, ρι δ γ· ταÖτα γρ κ τéν ναντ¬ων
feu et la terre de l’air, car ils sont composés des affections παθηµτων συνστηκεν. ΟÍ µν λλL πλév γε ττταρα Ãντα
contraires (bien qu’en tant qu’on considère seulement qu’ils ν¿v καστ¾ν στι, γ µν ξηροÖ µλλον ψυχροÖ, Ïδωρ δ
sont quatre, chacun corresponde à une seule et unique affec-
ψυχροÖ µλλον ÎγροÖ, ρ δL ÎγροÖ µλλον θερµοÖ, πÖρ 5
tion, la terre au sec plutôt qu’au froid, l’eau au froid plutôt
δ θερµοÖ µλλον ξηροÖ.
qu’à l’humide, l’air à l’humide plutôt qu’au chaud, et le feu
au chaud plutôt qu’au sec) 2.
4. LΕπε δ διÞρισται πρ¾τερον Åτι το´v πλο´v σÞµασιν
<Chapitre 4> ξ λλλων γνεσιv, µα δ κα κατ τν α°σθησιν
φα¬νεται γιν¾µενα (οÍ γρ ν ν λλο¬ωσιv· κατ γρ τ
Puisqu’on a distingué plus haut que la τéν πτéν πθη λλο¬ωσ¬v στιν), λεκτον τ¬v Á τρ¾ποv 10
Les lois de
permutation génération des corps simples était réci- τv ε®v λληλα µεταàολv, κα π¾τερον παν ξ παντοv
des qualités proque et que ce processus de génération γ¬γνεσθαι δυνατ¿ν τ µν δυνατ¿ν τ δL δËνατον.
est en même temps manifeste selon la
constitutives.
perception (sinon, il n’y aurait pas d’al-
tération, car l’altération se produit selon les affections des
29 ξηροÖ θερµοÖ EM : ξηροÖ κα θερµοÖ JVW θερµοÖ κα ξηροÖ
corps tangibles) 3, il faut maintenant dire quelle est la moda- FHL || 30 κ pr. et sec. om. E 1 || a 30 MΟντων usque ad 331a
lité de cette transformation des corps les uns vers les autres 3 συνστηκεν citat uerbatim S impl. In de caelo 169,30-170,4 ||
et si tout corps peut être engendré à partir de tout corps, ou 31 κτερα E 1J 2 Simplicius Philop. l+c : κτερον FHJ 1VLMW ||
si cela est possible pour les uns mais non pour les autres. τοEν : τFν W || δυεEν L || 31-32 τFν πρÞτων EJVW H . unayn
Que tous les corps simples, par nature, se transforment Alexander Simplicius (cf. Überlieferungsgeschichte p. 331-333) :
les uns dans les autres, c’est évident. Car la génération a τFν τ¾πων FHL Philop. l+c τ¿ν τ¾πον M (compendio -ων tamen
supra -ον utrumque pr. m. addito) || 32 µν E 1MJ 1VW : µν
lieu vers les contraires et à partir des contraires, et tous les γρ FHL µν ο×ν Simplicius || 33 µσον Âν M || κρα : πλA
éléments partagent une contrariété réciproque, du fait que W || 33-34 ε®λικρινC F || 34 γC κα πÖρ EMJ 1VW H . unayn
leurs différences sont des contraires. Pour certains en effet, Philop. l Simplicius : πÖρ κα γC FHL et fort. Philop. c || 331a
1 Κα κτερα ELMW Simplicius : κα κτερα δ FHJ 1V κτερα
δ Philop. l || 3 γε om. F et post 4 ν¿v ponunt W Philop. l || 4
1-2. Voir Notes complémentaires, p. 159. µν ξηροÖ ELMW : µν γρ ξηροÖ FHJ 1V || ψυχροÖ fecit E || 5
3. Idée centrale du traité, à laquelle Ar. a consacré le pre- ψυχρ¿ν J 1 || pr. om. E || 9 τ om. E 1 || 10 λλο¬ωσιv FHJVL
mier chap. et qu’il a rappelée en II 1, 29b 1-2. Philop. l : λλο¬ωσιv EMF.
les deux différences sont contraires, comme dans le cas du γ¬γνεσθαι δυνατ¿ν τ µν δυνατ¿ν τ δL δËνατον. IΟτι
feu et de l’eau (l’un est sec et chaud, l’autre est humide et µν ο×ν παντα πφυκεν ε®v λληλα µεταàλλειν, φανε-
froide), tandis que pour d’autres, la contrariété tient à une ρ¾ν· γρ γνεσιv ε®v ναντ¬α κα ξ ναντ¬ων, τ δ στοι-
seule différence, l’air et l’eau par exemple (l’air est humide χε´α πντα χει ναντ¬ωσιν πρ¿v λληλα δι τ¿ τv δια- 15
et chaud, l’eau est humide et froide) ; en sorte qu’il est clair φορv ναντ¬αv εµναι· το´v µν γρ µφ¾τεραι ναντ¬αι,
qu’au niveau général, tout corps est par nature engendré à ο¶ον πυρ κα Ïδατι (τ¿ µν γρ θερµ¿ν κα ξηρ¾ν, τ¿ δL
partir de tout corps, — ce dont déjà au cas par cas il n’est Îγρ¿ν κα ψυχρ¾ν), το´v δL τρα µ¾νον, ο¶ον ρι κα
pas difficile de se rendre à peu près 1 compte — : car toutes
Ïδατι (τ¿ µν γρ Îγρ¿ν κα θερµ¾ν, τ¿ δ Îγρ¿ν κα ψυ-
choses naîtront de toutes choses, et le processus ne diffé-
χρ¾ν). IΩστε καθ¾λου µν φανερ¿ν Åτι πν κ παντ¿v γ¬- 20
rera que par sa relative rapidité ou lenteur et sa relative
νεσθαι πφυκεν, δη δ καθL καστον οÍ χαλεπ¿ν ®δε´ν πωv·
facilité ou sa difficulté. Tous ceux, en effet, qui partagent
une marque commune 2, leur transition est rapide, alors que παντα µν γρ ξ πντων σται, διο¬σει δ τô θττον
pour tous ceux qui n’en ont pas, elle est lente, du fait que κα βραδËτερον κα τô øον κα χαλεπÞτερον. IΟσα µν
le changement d’une seule marque est plus facile que celui γρ χει σ˵àολα πρ¿v λληλα, ταχε´α τοËτων µετ-
de plusieurs — par exemple, l’air sera engendré à partir du βασιv, Åσα δ µ χει, βραδε´α, δι τ¿ øον εµναι τ¿ ν 25
feu par le changement d’une seule des deux marques (l’un τ πολλ µεταàλλειν, ο¶ον κ πυρ¿v µν σται ρ
était chaud et sec et l’autre chaud et humide, en sorte que θατρου µεταàλλοντοv (τ¿ µν γρ ν θερµ¿ν κα ξηρ¾ν,
si le sec est dominé par l’humide, il y aura de l’air) ; de la τ¿ δ θερµ¿ν κα Îγρ¾ν, èστε ν κρατηθ© τ¿ ξηρ¿ν Îπ¿ τοÖ
même manière, de l’air l’eau sera engendrée, si le chaud est ÎγροÖ, ρ σται)· πλιν ξ ροv Ïδωρ, ν κρα-
dominé par le froid (car l’air est chaud et froid, l’eau froide et τηθ© τ¿ θερµ¿ν Îπ¿ τοÖ ψυχροÖ (τ¿ µν γρ ν θερµ¿ν 30
humide, en sorte que l’eau naîtra du changement du chaud). κα Îγρ¾ν, τ¿ δ ψυχρ¿ν κα Îγρ¾ν, èστε µεταàλλον-
Il en va de même à la fois quand la terre est engendrée à τοv τοÖ θερµοÖ Ïδωρ σται). Τ¿ν αÍτ¿ν δ τρ¾πον κα ξ
partir de l’eau et quand le feu est engendré à partir de la Ïδατοv γ κα κ γv πÖρ· χει γρ µφω πρ¿v µ-
terre. Ils ont en effet, pris deux à deux, une marque com- φω σ˵àολα· τ¿ µν γρ Ïδωρ Îγρ¿ν κα ψυχρ¾ν,
mune. L’eau est en effet humide et froide et la terre froide et
δ γ ψυχρ¿ν κα ξηρ¾ν, èστε κρατηθντοv τοÖ ÎγροÖ γ 35
sèche, en sorte que l’humide dominé, il y aura de la terre ; de
la même manière, puisque le feu est sec et chaud et la terre
12 γ¬γνεσθαι FHJVLW Philop. l : γενσθαι E 1M || 13 πφυκεν
froide et sèche, si le froid se corrompt, du feu sera engendré παντα W || 14 γρ E 1LM : µν γρ FHJ 1VW || ξ ναντ¬ων
à partir de la terre. Il est donc manifeste que la génération κα ε®v ναντ¬α M || 15 πντα χουσι M χει πντα J 1V || ναντ¬ωσιv
des corps simples aura lieu en cercle et que ce type de chan- E || πρ¿v λληλα ναντ¬ωσιν W || 16 µφοτροιv L || 17 θερµ¿ν
1
gement sera le plus facile, du fait qu’une marque commune κα ξηρ¿ν ELMW H . unayn : ξηρ¿ν κα θερµ¿ν FHJ V || 18 τοEv δL
appartient aux corps consécutifs 3. ... 19-20 ψυχρ¿ν om. V || : F || 19 ψυχρ¿ν κα Îγρ¿ν HM ||
κα sec. om. J 1 || 21 δη : µα W || πωv scripsi : πFv consensus
codd. edd. || 22 γρ om. F || τG : τ¿ W || 23 τG : τ¿ JW ||
1. En adoptant la lecure πωv indéfini (« à peu près ») et non 24 σ˵àολον F || 25 χηι (sed ηι in lit.) J || 27 θατρου : θAττον
πFv interrogatif (« comment »). L || µεταàαλ¾ντοv W || τ¿ : τοËτων τ¿ W || 28 Îπ¿ : π¿ M ||
2. Voir Notes complémentaires, p. 159. 29 πλιν ELMW : πλιν δ FHJ 1V || Ïδωρ σται ν F || ν JV
3. Ar. en a ainsi fini avec le premier type de transforma- || 30-31 θερµ¿ν κα Îγρ¿ν ELMF H . unayn : Îγρ¿ν κα θερµ¿ν HJVW
tion : celui qui passe d’un élément à un élément possédant une || 32 δ om. F || 34 γρ om. F || 35 èστε... b 1 ξηρ¿ν om. V.
Il est toutefois possible qu’à partir du feu, de l’eau soit σται. Κα πλιν πε τ¿ µν πÖρ ξηρ¿ν κα θερµ¾ν, δ
engendrée, à partir de l’air, de la terre et de nouveau, à par- γ ψυχρ¿ν κα ξηρ¾ν, ν φθαρ© τ¿ ψυχρ¾ν, πÖρ σται κ 1 331b
tir de l’eau et de la terre, de l’air et du feu, mais cela est γv. IΩστε φανερ¿ν Åτι κËκλ} τε γνεσιv το´v πλο´v
plus difficile du fait qu’il y a alors changement de plusieurs σÞµασι, κα øστοv οØτοv Á τρ¾ποv τv µεταàολv δι τ¿
marques. Il est en effet nécessaire, pour que le feu soit engen- σ˵àολα νυπρχειν το´v φεξv.
dré à partir de l’eau, qu’à la fois le froid et l’humide soient σ˵àολα νυπρχειν το´v φεξv. LΕκ πυρ¿v δ Ïδωρ κα
corrompus ; de même, pour que l’air soit engendré à partir ξ ροv γν κα πλιν ξ Ïδατοv κα γv ρα κα πÖρ 5
de la terre, à la fois le froid et le sec ; il en va de même pour
νδχεται µν γ¬νεσθαι, χαλεπÞτερον δ δι τ¿ πλει¾νων
l’eau et la terre à partir du feu et de l’air — les deux marques
εµναι τν µεταàολν· νγκη γρ, ε® σται ξ Ïδατοv πÖρ,
à la fois doivent changer. Cette dernière génération prendra
φθαρναι κα τ¿ ψυχρ¿ν κα τ¿ Îγρ¾ν, κα πλιν ε® κ
donc plus de temps ; mais si de l’un ou de l’autre une seule
marque se corrompt, le changement sera sans doute plus fa- γv ρ, φθαρναι κα τ¿ ψυχρ¿ν κα τ¿ ξηρ¾ν. HΩσαËτωv
cile, mais n’ira pas de l’un à l’autre : au contraire, du feu δ κα ε® κ πυρ¿v κα ροv Ïδωρ κα γ, νγκη τ µ- 10
et de l’eau il n’y aura que de la terre et de l’air, de l’air et φ¾τερα µεταàλλειν. ΑÏτη µν ο×ν χρονιωτρα γνεσιv·
de la terre que du feu et de l’eau. Quand en effet le froid ν δL κατρου θτερον φθαρ©, øων µν, οÍκ ε®v λληλα
de l’eau se corrompt et le sec du feu, on aura de l’air (sub- δ µεταàολ, λλL κ πυρ¿v µν κα Ïδατοv σται γ
sistent en effet le chaud de l’un et l’humide de l’autre) mais κα ρ, ξ ροv δ κα γv πÖρ κα Ïδωρ. IΟταν µν γρ
quand le chaud du feu se corrompt et l’humide de l’eau, on τοÖ Ïδατοv φθαρ© τ¿ ψυχρ¿ν τοÖ δ πυρ¿v τ¿ ξηρ¾ν, ρ 15
aura de la terre, du fait que subsistent le sec de l’un et le σται (λε¬πεται γρ τοÖ µν τ¿ θερµ¿ν τοÖ δ τ¿ Îγρ¾ν),
froid de l’autre 1 ; et il en va de même si à partir de l’air et Åταν δ τοÖ µν πυρ¿v τ¿ θερµ¿ν τοÖ δL Ïδατοv τ¿ Îγρ¾ν, γ,
de la terre sont engendrés le feu et l’eau : quand en effet δι τ¿ λε¬πεσθαι τοÖ µν τ¿ ξηρ¿ν τοÖ δ τ¿ ψυχρ¾ν. HΩσαË-
le chaud de l’air se corrompt et le sec de la terre, on aura τωv δ κα ξ ροv κα γv πÖρ κα Ïδωρ· Åταν µν γρ
de l’eau (subsistent en effet l’humide de l’un et le froid de τοÖ ροv φθαρ© τ¿ θερµ¿ν τv δ γv τ¿ ξηρ¾ν, Ïδωρ σται 20
l’autre) ; mais quand l’humide de l’air se corrompt et le froid (λε¬πεται γρ τοÖ µν τ¿ ψυχρ¿ν τοÖ δ τ¿ Îγρ¾ν), Åταν
de la terre, on aura du feu, puisque de l’un subsiste le chaud
δ τοÖ µν ροv τ¿ Îγρ¿ν τv δ γv τ¿ ψυχρ¾ν, πÖρ, δι
et de l’autre le sec, lesquelles qualités, nous l’avons dit, ap-
partiennent au feu. D’ailleurs la génération du feu n’est pas
36 θερµ¿ν κα ξηρ¿ν H . unayn (calidus siccus Gerardus) || 331b
moins conforme à la perception : ce qui est feu au plus haut 1 ξηρ¿ν κα ψυχρ¿ν MW || ν ELMW : ν FHJV || 2 τε
point, c’est la flamme, et la flamme est une fumée qui brûle, EMWJ 1V : σται L ut vid. J 2 τε σται FH || 5 ξ pr. om. F ||
or la fumée est faite d’air et de terre. 10 πυρ¿v κα ροv Ïδωρ κα γC ELMWF H . unayn : γCv κα Ïδατοv
πÖρ κα ρ HJ 1V || νγκη om. E 1 : ναγκαEον H νγκη κα W
|| τ EMW H . unayn (om. L) : γρ FHJV || 11 αÏτη : οÏτωv W ||
12 ν F || φθαρD θτερον E || øBον LVW Philop. l || 13 µεταàολ
EW Alexander ut vid. (cf. Philop. c 234.19 sqq.) : µετàασιv FLM
τοËτων µετàασιv HJ 1V Philop. l || 14 ξ ροv ... 16 σται iteravit
W || 15 τοÖ pr. : τοÖτο vel τοÖ τε E || 17 γC om. E 1 || 18 ψυχρ¿ν
marque commune. Il va maintenant expliquer les transforma- τοÖ δ τ¿ ξηρ¾ν L || 21 ψυχρ¿ν EM H . unayn : Îγρ¿ν FHJVLW || τοÖ
tions croisées (feu-eau et terre-air). sec. EMJVW : τCv FHL || Îγρ¾ν EM H . unayn : ψυχρ¾ν FHJVLW
1. Voir Notes complémentaires, p. 159-160. || 21-22 Åταν δ om. E 1.
Mais quand 1 il s’agit de corps consécutifs, ce n’est pas τ¿ λε¬πεσθαι τοÖ µν τ¿ θερµ¿ν τοÖ δ τ¿ ξηρ¾ν, περ ν
la corruption en chacun d’eux d’un des deux éléments 2 qui πυρ¾v. HΟµολογουµνη δ κα τ© α®σθσει τοÖ πυρ¿v γνε-
peut produire la transition vers quelque corps que ce soit σιv· µλιστα µν γρ πÖρ φλ¾ξ, αÏτη δL στ καπν¿v 25
— puisqu’il ne subsiste, dans les deux ensemble, que la και¾µενοv, Á δ καπν¿v ξ ροv κα γv.
même marque ou deux marques contraires mais que d’au- και¾µενοv, Á δ καπν¿v ξ ροv κα γv. LΕν δ το´v φε-
cune de ces deux configurations, il n’est possible que naisse ξv οÍκ νδχεται φθαρντοv ν κατρ} θατρου τéν στοι-
un corps : si, par exemple, du feu se corrompt le sec et de χε¬ων γενσθαι µετàασιν ε®v οÍδν τéν σωµτων δι τ¿
l’air l’humide (car il ne subsiste alors dans les deux que le
λε¬πεσθαι ν µφο´ν ταÍτ τναντ¬α. LΕξ οÍδετρων δ
chaud) ; si au contraire le chaud s’en va des deux, subsistent
γχωρε´ γ¬γνεσθαι σéµα, ο¶ον ε® µν τοÖ πυρ¿v φθαρε¬η τ¿ 30
les contraires, le sec et l’humide. Et il en va de même pour
ξηρ¾ν, τοÖ δL ροv τ¿ Îγρ¾ν· λε¬πεται γρ ν µφο´ν τ¿
les autres corps, car en tous les corps consécutifs résident
une marque identique et une contraire — si bien qu’il est θερµ¾ν· ν δL ξ κατρου τ¿ θερµ¾ν, λε¬πεται τναντ¬α,
en même temps évident que la transition d’un corps unique ξηρ¿ν κα Îγρ¾ν. HΟµο¬ωv δ κα ν το´v λλοιv· ν πασι
en un corps unique se produit par la corruption d’une seule γρ το´v φεξv νυπρχει τ¿ µν ταÍτ¿ τ¿ δL ναντ¬ον.
marque, tandis que la transformation de deux corps en un IΩσθL µα δλον Åτι τ µν ξ ν¿v ε®v ν µεταàα¬νοντα 35
seul se produit par la corruption de plus d’une marque. Que ν¿v φθαρντοv γ¬νεται, τ δL κ δυο´ν ε®v ν πλει¾νων. IΟτι
tout est engendré à partir de tout, et de quelle façon s’opère µν ο×ν παντα κ παντ¿v γ¬γνεται, κα τ¬να τρ¾πον ε®v 1 332a
la transformation mutuelle, voilà ce qu’on a établi. λληλα µετàασιv γ¬γνεται, ε°ρηται.
<Chapitre 5> 5. ΟÍ µν λλL τι κα ëδε θεωρσωµεν περ αÍτéν.
Ε® γρ στι τéν φυσικéν σωµτων Ïλη, èσπερ κα δοκε´
Nécessité d’un Examinons malgré tout encore ν¬οιv, Ïδωρ κα ρ κα τ τοιαÖτα, νγκη τοι ν 5
principe de distinction une fois ces questions de la façon δËο εµναι ταÖτα πλε¬ω. JΕν µν δ πντα οÍχ ο¶¾ν τε,
élémentaire. que voici. Si, comme certains en ο¶ον ρα πντα Ïδωρ πÖρ γν, ε°περ µετα-
sont d’avis, la matière des corps
βολ ε®v τναντ¬α. Ε® γρ ε°η ρ, ε® µν Îποµνει, λ-
naturels est l’eau, l’air, etc. 3, alors il est nécessaire que le
nombre de ces corps soit ou un, ou deux, ou davantage. As-
surément, que tout soit un, c’est impossible (cela voudrait
dire que tout est air, eau, feu ou terre), si du moins le chan- 23 Îπολε¬πεσθαι H || θερµ¿ν : ξηρ¿ν W || τοÖ sec. EMHJVW :
gement a lieu vers les contraires. Supposons en effet que τCv FL || ξηρ¿ν : θερµ¿ν W || 24 post πυρ¿v ponit J 2 || 25
tout soit air : si ce dernier subsiste, on aura une altération, φλ¿ξ πÖρ H || 26 κα¾µενοv J 1 || 28 οÍδν : ν FM || 29 οÍδετρου
FM || 30 γενσθαι W || τοÖ µν L || φθαρD W || 33 ξηρ¿ν κα
alors qu’il s’agit comme nous l’avons dit d’une génération Îγρ¿ν om. V || λλοιv : φεξCv W || 34 φεξCv ELM Alexander
(et concomitamment, les apparences ne sont même pas telles apud Philop. c Philop. l+c : ξCv FHJ 1V τοιοËτοιv W || Îπρχει M
que l’eau existe concomitamment à l’air, ou quoi que ce soit || ταÍτ¿ν FL || 35 µεταàα¬νοντα : µεταàλλοντα W || 36 δυεEν L
d’autre) 4. Il y aura donc une contrariété, une différence, dont || 332a 1 παντ¿v : πντων M || ε®v W || 3 κα om. F del. J 2
|| θεωρσοµεν E || 4 στ¬ τι τFν Philop. l || 5 ρ : γC M || 5-6
ν εµναι δËο ταÖτα F || 6 πλε¬ω : πλε¬ω E 1 || τε εµναι W ||
1-4. Voir Notes complémentaires, p. 160. 7 πντα om. F 1 || ε°περ om. E 1 || 8 ε® µν Îποµνει : µνει W.
ce corps s’appropriera l’un des deux termes, par exemple le λο¬ωσιv σται· λλL ν γνεσιv· µα δL οÍδL οÏτω δοκε´ èστε
feu la chaleur. Pourtant assurément, le feu 1 ne sera pas de Ïδωρ εµναι µα κα ρ λλL ÁτιοÖν. MΕσται δ τιv ναν- 10
l’air chaud, à la fois parce que ce serait là une altération et τ¬ωσιv κα διαφορ v ξει τι θτερον µ¾ριον, τ¿ πÖρ ο¶ον
que ce n’est manifestement pas le cas. Car pour peu qu’en θερµ¾τητα. LΑλλ µν οÍκ σται τ¾ γε πÖρ ρ θερµ¾v·
sens inverse, l’air doive être engendré à partir du feu, ce sera λλο¬ωσ¬v τε γρ τ¿ τοιοÖτον, κα οÍ φα¬νεται· µα δ
par transformation du chaud en son contraire. Ce dernier ap- πλιν ε® σται κ πυρ¿v ρ, τοÖ θερµοÖ ε®v τοÍναντ¬ον µε-
partiendra donc à l’air, et l’air sera ainsi quelque chose de ταàλλοντοv σται. HΥπρξει ρα τô ρι τοÖτο, κα σται 15
froid ; il est par conséquent impossible que le feu soit de
Á ρ ψυχρ¾ν τι. IΩστε δËνατον τ¿ πÖρ θερµ¿ν ρα εµ-
l’air chaud — ou alors, la même chose sera en même temps
ναι· µα γρ τ¿ αÍτ¿ θερµ¿ν κα ψυχρ¿ν σται. MΑλλο τι
froide et chaude. Ces deux corps seront donc l’un et l’autre
ρL µφ¾τερα τ¿ αÍτ¿ σται, κα λλη τιv Ïλη κοιν.
quelque chose d’autre, la même chose, c’est-à-dire une sorte
de matière commune différente d’eux. ρL µφ¾τερα τ¿ αÍτ¿ σται, κα λλη τιv Ïλη κοιν. HΟ
Le même discours s’applique à tous les corps : aucun d’eux δL αÍτ¿v λ¾γοv περ πντων, Åτι οÍκ στιν ν τοËτων ξ οØ
n’est un élément unique dont toutes choses dériveraient. τ πντα. ΟÍ µν οÍδL λλο τ¬ γε παρ ταÖτα, ο¶ον µ- 20
Mais il n’y a pas non plus d’autre corps à côté d’eux 2, comme σον τι ροv κα Ïδατοv ροv κα πυρ¾v, ροv µν
une sorte de milieu entre l’air et l’eau ou l’air et le feu, plus παχËτερον πυρ¾v, τéν δ λεπτ¾τερον· σται γρ ρ
épais que l’air ou le feu, mais plus fin que les autres 3. L’air κα πÖρ κε´νο µετL ναντι¾τητοv· λλ στρησιv τ¿ τερον
et le feu seraient en effet ce corps avec une contrariété. Mais τéν ναντ¬ων· èστL οÍκ νδχεται µονοÖσθαι κε´νο οÍδποτε,
la privation, c’est l’un des contraires, en sorte qu’il est im- èσπερ φασ¬ τινεv τ¿ πειρον κα τ¿ περιχον. HΟµο¬ωv ρα 25
possible que ce corps-là soit jamais isolé — à la différence ÁτιοÖν τοËτων οÍδν. Ε® ο×ν µηδν α®σθητ¾ν γε πρ¾τερον τοË-
de ce que certains affirment de leur « indéterminé » ou de των, ταÖτα ν ε°η πντα. LΑνγκη το¬νυν ε µνοντα
leur « contenant » 4. Il est donc chacun des éléments indif- κα µετàλητα ε®v λληλα, µεταàλλοντα, κα
féremment, ou aucun d’entre eux. Si dès lors il n’y a rien,
du moins de perceptible 5, antérieur à ces corps, il est fort 9 λλL ν EMJ 1 : λλL οÍ FHLVW H l
. unayn Philop. || 9-10
possible qu’il soit eux tous 6. Il est alors nécessaire ou bien èστL οÍδL Ïδωρ J 1 || 10 ρ ELMWF : ρα HJ 1V Philop. l ||
qu’ils subsistent toujours sans se transformer, ou qu’ils se λλL : λλο V λλL W || δ : δ W || 11 διαφορ : φθορ J 1 ||
transforment les uns dans les autres ; et dans ce cas, soit eux τι om. J 1VW || 12 τ¾ γε πÖρ FHJ 1V : τ¿ πÖρ EM γε τ¿ πÖρ LW
|| 13-14 δ κα πλιν H || 14 πυρ¿v ELMW : τοÖ πυρ¿v FHJ 1V ||
tous, soit les uns mais non les autres, comme Platon l’a écrit 14-15 µεταàαλ¾ντοv W || 15 ρα : τι M || τοÖτο ante ρα ponit
dans le Timée 7. Qu’il est nécessaire qu’ils se transforment F ante τG HJ 1VW Philop. l || 16 θερµ¿ν ρα ELM : ρα θερµ¿ν
les uns dans les autres, on l’a établi auparavant ; et on a dit FHJ 1VW || 17 θερµ¿ν κα ψυχρ¿ν : κα ψυχρ¿ν κα θερµ¿ν W || 18
l+c 1
auparavant que le passage de l’un à l’autre ne se fait pas avec ρL EMW H . unayn ut vid. Philop. : ρα παρL F HJVL || 19 Åτι
la même rapidité, du fait que les corps qui ont une marque om. E 1 || ν τοËτων : ν τοËτοιv W || 20 ΟÍ : οÍδ M || τ¬ om.
EM || γε om. LW Philop. l || παρ ταÖτα EMLWHF Philop. l :
παρL αÍτ J 1V || 22 EMFH H . unayn : κα JVLW || δ ELMF :
δ λλων H 1J 1VW || ρ γρ E || 23 κεEνο ante 22 ρ ponit
F || ναντι¾τητοv : ναντιÞσεωv Philop. l || 24 κεEνο µονοÖσθαι F
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 160-161. || 26 οÍδν HJVMW H l+c
: οÍδν E 1 οÍδν µAλλον
. unayn Philop.
7. La terre, selon Platon, ne se transforme pas dans les ρ πÖρ L οÍδν ρχ F || γε om. L || 27, 30, 35 νγκη :
autres éléments. ναγκαEον H || om. E.
en commun sont plus rapidement engendrés les uns à partir παντα, τ µν τ δL οÑ, èσπερ ν τô Τιµα¬} Πλ-
des autres, les autres plus lentement 1. Si donc la contrariété των γραψεν. IΟτι µν το¬νυν µεταàλλειν νγκη ε®v λ- 30
selon laquelle ils se transforment est une et une seule, il y ληλα, δδεικται πρ¾τερον· κα Åτι δL οÍχ Áµο¬ωv ταχωv λλο
a nécessairement deux corps, la matière étant intermédiaire ξ λλου, ε°ρηται πρ¾τερον, Åτι τ µν χοντα σ˵àολον
du fait qu’elle est imperceptible et inséparable 2. Mais puis- θττον γ¬νεται ξ λλλων, τ δL οÍκ χοντα βραδËτερον.
qu’on constate l’existence de plusieurs corps, il se pourrait Ε® µν το¬νυν ναντι¾τηv µ¬α στ καθL ν µεταàλλουσιν,
bien qu’on ne puisse avoir moins de deux contrariétés 3. Or νγκη δËο εµναι· γρ Ïλη τ¿ µσον να¬σθητοv ο×σα 35
s’il y en a deux, il est impossible que les corps soient au
κα χÞριστοv. LΕπε δ πλε¬ω Áρται Ãντα, δËο ν εµεν 1 332b
nombre de trois, il faut qu’ils soient quatre, comme cela est
α¯ λχισται. ∆Ëο δL Ãντων οÍχ ο¶¾ν τε τρ¬α εµναι, λλ τσ-
manifeste : tel est en effet le nombre des paires, puisqu’il y
σαρα, èσπερ φα¬νονται· τοσαÖται γρ α¯ συζυγ¬αι· ξ γρ
en a six mais que deux dans la réalité ne se produiront pas du
fait qu’elles seraient composées de deux qualités contraires 4. οÍσéν τv δËο δËνατον γενσθαι δι τ¿ ναντ¬αv εµ-
ναι λλλαιv. 5
Démonstration qu’aucun De ces questions, on a traité
ναι λλλαιv. Περ µν ο×ν τοËτων ε°ρηται πρ¾τερον. IΟτι δL,
élément ne peut être antérieurement 5. Qu’il soit
πειδ µεταàλλουσιν ε®v λληλα, δËνατον ρχν τινα
« principe » des autres. maintenant impossible, quand
les corps se transforment les εµναι αÍτéν π τô κρ} µσ}, κ τéνδε δλον. LΕπ
uns dans les autres, qu’ils possèdent un « principe », que µν ο×ν το´v κροιv οÍκ σται Åτι πÖρ σται γ πντα,
ce soit à l’extrémité ou au milieu, c’est clair d’après les κα Á αÍτ¿v λ¾γοv τô φναι κ πυρ¿v γv εµναι πντα.
considérations suivantes 6 : le principe ne sera pas aux extré- IΟτι δL οÍδ µσον, èσπερ δοκε´ τισιν ρ µν κα ε®v πÖρ 10
mités, parce que sinon tout sera feu ou terre, ce qui revient µεταàλλειν κα ε®v Ïδωρ, Ïδωρ δ κα ε®v ρα κα ε®v
à dire que toutes choses procèdent du feu ou de la terre 7. Il γν, τ δL σχατα οÍκτι ε®v λληλα· δε´ µν γρ στναι
n’est pas non plus possible que le principe soit intermédiaire κα µ ε®v πειρον τοÖτο ®ναι πL εÍθε¬αv φL κτερα.
(comme certains 8 ont l’opinion que l’air se transforme à la MΑπειροι γρ ναντι¾τητεv π τοÖ ν¿v σονται.
fois en feu et en eau, l’eau à la fois en air et en terre, mais
que les derniers, eux, ne se transforment plus les uns dans
les autres), c’est que le processus doit s’arrêter et ne sau-
rait courir à l’infini, ni d’un côté ni de l’autre. Car sinon, 29 παντα ELMW : πντα FHJ 1V || ν : κα ν H || 30 νγκη
on devra assigner un nombre infini de contrariétés à un seul post λληλα pon. F post το¬νυν Philop. l || 31 δδεικται : ε°ρηται
élément 9. Philop. l || κα Åτι E 1M : Åτι FHJVLW || 32 ε°ρηται πρ¾τερον
seclusit Joachim || σ˵àολα M || 332b 2 α¯ om. F 1 || λχιστοι
Soit T la terre 10, E l’eau, A l’air et F le feu. Si A se
M || Ãντων ELMFJ : οÍσFν HVW || τρ¬α : τρεEv FJ 2 || 2-3
transforme en F et en E, il y aura une contrariété qui τσσαραv J 1 || 3 φα¬νονται ELM : φα¬νεται FHJ 1VW || 4 ναντ¬αιv
appartiendra à AF. Soient les termes de cette contrariété W || 6 λληλα : λλα E || 7 τ¿ κρον µσον F τG κρ} µσον W
|| π τG µσ} M || 8 ο×ν om. M || πντα : τ πντα Philop. l ||
9 τG ELMW : τ¿ FHJV || γCv εµναι ELM : κ γCv εµναι HJ 1VW
1. Comme on l’a vu au chap. précédent. εµναι κα γCv F ξ ροv εµναι Philop. c || πντα εµναι M || 10
2. On ne peut donc la compter comme l’un des termes de èσπερ ELMWF : ο¶ον HJ 1V Philop. l || 11 µεταàλλει J 1VWM ||
la transformation. ε®v pr. om. J 1 || 12 γρ om. F || 13 µ ELMWF Philop. l : οÍκ
3-10. Voir Notes complémentaires, p. 161-162. HJ 1V || φL κατραv V.
le couple blancheur/noirceur. S’il est vrai que de l’autre MΑπειροι γρ ναντι¾τητεv π τοÖ ν¿v σονται. Γ φL ö
côté, A se transforme en E, il y en aura une autre, E et F Γ, Ïδωρ φL ö Υ, ρ φL ö Α, πÖρ φL ö Π. Ε® δ τ¿ 15
n’étant pas identiques. Soit cette contrariété le couple séche- Α µεταàλλει ε®v Π κα Υ, ναντι¾τηv σται τéν ΑΠ.
resse/humidité, S étant la sécheresse et H l’humidité. Si donc MΕστω ταÖτα λευκ¾τηv κα µελαν¬α. Πλιν ε® ε®v τ¿ Υ τ¿
le blanc subsiste, l’eau sera humide et blanche ; sinon, l’eau Α, σται λλη· οÍ γρ ταÍτ¿ τ¿ Υ κα Π. MΕστω δ ξηρ¾-
sera noire — la transformation ayant lieu vers les contraires, τηv κα Îγρ¾τηv, τ¿ µν Ξ ξηρ¾τηv, τ¿ δ Υ Îγρ¾τηv.
il faut donc que l’eau soit noire ou blanche — soit donc le ΟÍκοÖν ε® µν µνει τ¿ λευκ¾ν, Îπρξει τ¿ Ïδωρ Îγρ¿ν κα 20
premier cas 1. Semblablement alors 2, S (la sécheresse) ap-
λευκ¾ν, ε® δ µ, µλαν σται τ¿ Ïδωρ· ε®v τναντ¬α γρ
partiendra aussi à F. Il y aura par conséquent également
µεταàολ, νγκη ρα µλαν λευκ¿ν εµναι τ¿ Ïδωρ.
une transformation de F (le feu) en eau : Ils sont en effet
MΕστω δ τ¿ πρéτον. HΟµο¬ωv το¬νυν κα τô Π τ¿ Ξ
contraires, le feu étant tout d’abord noir, puis sec, et l’eau
humide, puis blanche. Il est donc évident que pour tous, la Îπρξει ξηρ¾τηv. MΕσται ρα κα τô Π τô πυρ µεταàολ
transformation sera mutuelle et qu’en fonction au moins de ε®v τ¿ Ïδωρ· ναντ¬α γρ Îπρχει· τ¿ γρ πÖρ τ¿ 25
ce qu’on a dit, à T (la terre) appartiendront les deux marques πρéτον µλαν ν, πειτα δ ξηρ¾ν, τ¿ δL Ïδωρ Îγρ¾ν,
restantes (le noir et l’humide) que l’on n’avait pas encore cou- πειτα δ λευκ¾ν. Φανερ¿ν δ Åτι πσιν ξ λλλων σται
plées. µεταàολ, κα π¬ γε τοËτων, Åτι κα τô Γ τ© γ©
Que maintenant il ne soit pas possible d’aller à l’infini 3, ce Îπρξει τ λοιπ κα δËο σ˵àολα τ¿ µλαν κα τ¿
que nous nous proposions de démontrer en entamant cette Îγρ¾ν· ταÖτα γρ οÍ συνδεδËαστα¬ πω. 30
discussion, découle clairement des considérations suivantes. Îγρ¾ν· ταÖτα γρ οÍ συνδεδËαστα¬ πω. IΟτι δL ε®v πειρον
Si, encore une fois, le feu, soit F, se transforme en autre οÍχ ο¶¾ν τL ®ναι, Åπερ µελλσαντεv δε¬ξειν π τοÖτο µ-
chose sans revenir au point de départ, soit en X, une certaine προσθεν λθοµεν, δλον κ τéνδε. Ε® γρ πλιν τ¿ πÖρ,
contrariété, différente de celles déjà mentionnées, appartien-
dra au feu et à X. On suppose en effet que X n’est identique 14 γρ ELMW Philop. c : γρ α¯ FHJV || γC E 1MLFHJV : στω
à aucun des TEAF. Soit donc K pour F et Y pour X. Mais γρ γC W || φL ö : φL « J 2 || 15 ö Υ : οØ Υ H || Ε® : πε L ||
justement, K appartiendra précisément à chacun des TEAF, 16 Π ELW : τ¿ Π FHJ 1VM || κα ναντι¾τηv L || τFν ΑΠ : τοÖ Α
κα Π W || 17 post µελαν¬α vestigia duorum schematum habent
Ψ Π Α Υ Γ
|| 25-26 πÖρ τ¿ πρFτον E 1MV : πÖρ τ¿ µν πρFτον HJL πÖρ πρFτον
3. Ar. en a fini avec le cas propédeutique, et passe à l’objet
F 1W Π τ¿ πρFτον F 2 || 26 δ om. L || 27 δ om. L || δ : δ
véritable de sa démonstration, où il va maintenant opérer sur
LW || σται om. V || 28 κα sec. om. W || τG Γ ELMW : ν τG
de l’infini. L’idée reste exactement la même.
Γ FHJV || 29 κα pr. om. W || 30 πω FJ 1VEMW H . unayn : πωv
HLE 2 || πειρα F || 31 µελλσαντεv HJVL : µελσαντεv EMWF
Philop. l (cf. appar. cr.).
puisqu’ils se transforment les uns dans les autres. Faisons φL ö Π, ε®v λλο µεταàλλει κα µ νακµψει, ο¶ον
cependant comme si cela n’était pas encore démontré ; il est ε®v τ¿ Ψ, ναντι¾τηv τιv τô πυρ Π κα τô Ψ λλη Îπρξει
cependant clair que si X, à son tour, se transforme en autre τéν ε®ρηµνων· οÍδεν γρ τ¿ αÍτ¿ Îπ¾κειται τéν Γ Υ Α Π 35
chose, il y aura une autre contrariété appartenant à X (et au τ¿ Ψ. MΕστω δ τô µν Π τ¿ Κ, τô δ Ψ τ¿ Φ. Τ¿ δ Κ 1 333a
feu F). De façon similaire, il y aura sans cesse, avec l’élément πσιν Îπρξει το´v Γ Υ Α Π µεταàλλουσιν ε®v λ-
ajouté, quelque contrariété appartenant à ceux qui existent ληλα. LΑλλ γρ τοÖτο µν στω µπω δεδειγµνον· λλL
déjà, en sorte que si les éléments ajoutés sont infinis, il y κε´νο δλον, Åτι ε® πλιν τ¿ Ψ ε®v λλο, λλη ναντι¾τηv
aura un nombre infini de contrariétés qui appartiendront
τô Ψ Îπρξει κα τô πυρ τô Π. HΟµο¬ωv δL ε µετ 5
à un unique élément 1. Si c’est le cas, il ne sera possible
τοÖ προστιθεµνου ναντι¾τηv τιv Îπρξει το´v µπροσθεν, èστL
que rien soit défini ou engendré 2. Il faudra en effet, pour
ε® πειρα, κα ναντι¾τητεv πειροι τô ν Îπρξουσιν. Ε® δ
qu’un élément provienne d’un autre, parcourir tellement de
contrariétés, et même toujours plus, que la transformation τοÖτο, οÍκ σται οÑτε Áρ¬σασθαι οÍδν οÑτε γενσθαι· δεσει γρ,
n’atteindra jamais certains éléments (comme lorsque les in- ε® λλο σται ξ λλου, τοσαËταv διεξελθε´ν ναντι¾τηταv,
termédiaires sont en nombre infini — ce qui est précisément κα τι πλε¬ουv, èστL ε®v νια µν οÍδποτL σται µεταàολ, 10
bien le cas, puisque les éléments sont ici en nombre infini). ο¶ον ε® πειρα τ µεταξË (νγκη δL, ε°περ πειρα τ
De plus, même l’air ne se transformera pas en feu, si les στοιχε´α)· τι οÍδL ξ ροv ε®v πÖρ, ε® πειροι α¯ ναν-
contrariétés sont en nombre infini 3. Et tout devient un. Il τι¾τητεv. Γ¬νεται δ κα πντα ν· νγκη γρ πσαv
est en effet nécessaire que toutes les contrariétés des élé- Îπρχειν το´v µν κτω τοÖ Π τv τéν νωθεν, τοËτοιv δ
ments qui sont au-dessus de F appartiennent aux éléments τv τéν κτωθεν, èστε πντα ν σται. 15
en-dessous de F, et que celles qui sont en-dessous de F appar-
tiennent aux éléments au-dessus, en sorte que toutes choses 6. Θαυµσειε δL ν τιv τéν λεγ¾ντων πλε¬ω ν¿v τ
seront une 4. στοιχε´α τéν σωµτων èστε µ µεταàλλειν ε®v λληλα,
καθπερ LΕµπεδοκλv λγει, πév νδχεται λγειν αÍτο´v
<Chapitre 6>
exemple d’une cotyle 1 d’eau proviennent dix cotyles d’air, εµναι συµàλητ τ στοιχε´α. Κα¬τοι λγει οÏτω· «ταÖτα γρ
c’est donc que ces deux éléments à la fois étaient une cer- µσ τε πντα». Ε® µν ο×ν κατ τ¿ ποσ¾ν, νγκη τ¿ αÍτ¾ τι 20
taine chose identique, puisqu’ils sont mesurés par le même εµναι Îπρχον πασι το´v συµàλητο´v ö µετροÖνται, ο¶ον ε®
terme. Mais si ce n’est pas selon cette acception de la quan- ξ Ïδατοv κοτËληv εµεν ροv δκα· τ¿ αÍτ¾ τι ν ρα
tité — une quantité provenant d’une quantité — qu’ils sont µφω, ε® µετρε´ται τô αÍτô. Ε® δ µ οÏτω κατ τ¿ πο-
comparables, mais pour autant qu’ils ont de puissance (une σ¿ν συµàλητ äv ποσ¿ν κ ποσοÖ, λλL Åσον δËνανται, ο¶ον
cotyle d’eau et dix cotyles d’air ayant par exemple la puis- ε® κοτËλη Ïδατοv °σον δËναται ψËχειν κα δκα ροv, 25
sance de refroidir une quantité égale), en ce sens, c’est selon
οÏτωv κατ τ¿ ποσ¿ν οÍχ « ποσ¿ν συµàλητ, λλL «
la quantité qu’ils sont comparables, mais non pas en tant que
δËνατα¬ τι. Ε°η δL ν κα µ τô τοÖ ποσοÖ µτρ} συµàλ-
quantité, mais en tant qu’ils sont dotés d’une certaine puis-
λεσθαι τv δυνµειv, λλ κατL ναλογ¬αν, ο¶ον äv τ¾δε
sance. Les puissances pourraient toutefois également être
comparées non point selon la quantité, mais selon l’analo- λευκ¿ν τ¾δε θερµ¾ν· τ¿ δL äv τ¾δε σηµα¬νει [ν µν ποιô] τ¿
gie, si par exemple comme ceci est blanc, cela est chaud ; or ŵοιον, ν δ τô ποσô τ¿ °σον. MΑτοπον δ φα¬νεται, ε® τ 30
le « comme ceci ... » signifie le semblable 2 et dans la quan- σÞµατα µετàλητα Ãντα µ ναλογ¬{ συµàλητ στιν,
tité signifierait l’égal. Il paraît assurément incongru que ces λλ µτρ} τéν δυνµεων κα τô εµναι °σον θερµ¿ν
corps, alors qu’ils ne sont pas sujets au changement, soient Áµο¬ωv πυρ¿v τοσονδ κα ροv πολλαπλσιον· τ¿ γρ
comparables non pas par analogie, mais selon leur puissance, αÍτ¿ πλε´ον τô Áµογενv εµναι τοιοÖτον ξει τ¿ν λ¾γον.
telle ou telle quantité déterminée de feu ayant une chaleur LΑλλ µν οÍδL αÑξησιv ν ε°η λλη κατL LΕµπεδοκλα 35
égale ou équivalente à telle quantité, qui lui est multiple,
d’air. Car la même chose en plus grande quantité aura un tel 19 εµναι om. F || οÏτω : οÏτωv V οØτοv W || 20 µσ τε EMW
rapport du fait qu’elle est homogène 3. Philop. c : µσα F 1HJVL || πντα FHJVL Philop. c : πντα εµναι
Cela étant dit, l’augmentation elle-même 4 ne saurait EMW || τ¿ ποσ¾ν HJVLMW : ποσ¾ν E 1F 1 Philop. l || 21 ν
avoir lieu, pour Empédocle, autrement que selon l’addition. πασι F || 22 εµεν κοτËλαι ροv F κοτËληv ροv W || τ¿ : τοÖτο
E 1 || τι : ν τι W || 23 ε® pr. : « W s. l. H || µετρεEται :
Car c’est au moyen du feu qu’il augmente le feu : « la terre
µετροÖντα W || 23-24 τ¿ ποσ¾ν HJVLMW Philop. l : ποσ¾ν F
augmente sa propre race et l’éther l’éther » 5 — mais ces πρ¾σον E 1 || 24 µàλητ L συµàλητ¿ν W || äv ποσ¿ν FHLV
processus sont des additions, or l’augmentation des êtres ne H l 1 1
. unayn Philop. : ποσ¿ν E M οÍ ποσ¿ν J τ¿ ποσ¿ν W || δËνανται
paraît guère se produire de la sorte. E 1 || 26 οÏτωv E 1L : κα οÏτωv FHJ 1VMW || τ¿ om. F 1 ||
27 δËνανται LVW || µ τG : µπω W || 28 τv : κα τv F ||
1
29 λευκ¿ν τ¾δε θερµ¾ν ELMW H . unayn : θερµ¿ν τ¾δε λευκ¾ν FHJ V
Philop. c ut vid. || σηµα¬νει E 1W Philop. l et verisim. H . unayn
(cf. Zerah.yiah : Et dicimus «sicut», quod significat equalitatem et
1-4. Voir Notes complémentaires, p. 165. assimilationem, sed illud in quanto ; melius quam Gerardus : Et
5. Ce passage d’Ar. est notre seule attestation de ce fr. sermo noster «sicut» non significat nisi assimilationem et equalitatem,
d’Empédocle (37 Diels). Je lis γνοv, « race » (famille a + ms. assimilationem quidem in quali et equalitatem non nisi in quanto) :
F) contre δµαv, « corps » (famille b), à mon sens lectio facilior, ν µν ποιG σηµα¬νει LM : σηµα¬νει ν µν ποιG FHJV || 30 τG om.
même si la variante est sûrement très ancienne (encore l’exem- F || δ : δ W || 32 λλ : λλL M || τG : τ¿ JVL Philop. l ||
plaire glosé ? Cf. supra, p. 3, n. 10). Cf. Überlieferungsgeschichte, 33 Áµο¬ωv EMWJV Philop. l+c : ŵοιον FHL || τοσ¾νδε W || 34
p. 349-350. Empédocle semble désigner une sorte d’air incan- πλεEον : πλεEον Âν coni. H.W.B. Joseph apud Joachim || Áµοιογενv
descent sous le terme « éther ». J 1 || 35 ε°η λλη E 1M : ε°η FHJVLW Philop. l || E 1LM : λλL
J λλL FHVW Philop. l.
Mais il lui est encore bien plus difficile de rendre compte κατ πρ¾σθεσιν· πυρ γρ αÑξει τ¿ πÖρ, «αÑξει δ χθáν 1 333b
de la génération naturelle 1. Car tous les êtres engendrés na- µν σφτερον γνοv, α®θρα δL α®θρ». ΤαÖτα δ προστ¬θε-
turellement viennent à l’être soit toujours, soit le plus souvent, ται· δοκε´ δL οÍχ οÏτωv αÑξεσθαι τ αÍξαν¾µενα.
et les choses qui ne viennent pas à l’être toujours ou le plus ται· δοκε´ δL οÍχ οÏτωv αÑξεσθαι τ αÍξαν¾µενα. ΠολÌ δ
souvent procèdent du hasard et de la chance 2. Quelle est donc χαλεπÞτερον ποδοÖναι περ γενσεωv τv κατ φËσιν. Τ
la raison pour laquelle un homme provient d’un homme soit γρ γιν¾µενα φËσει πντα γ¬γνεται ε äv π τ¿ 5
toujours soit le plus souvent, et du blé le blé mais non pas πολË, τ δ παρ τ¿ ε κα äv π τ¿ πολÌ π¿ ταÍ-
un olivier ? Ou qu’un os soit engendré si tels composants
τοµτου κα π¿ τËχηv. Τ¬ ο×ν τ¿ α°τιον τοÖ ξ νθρÞπου
déterminés se trouvent réunis ? 3 Car à en juger d’après ses
νθρωπον ε äv π τ¿ πολË, κα κ τοÖ πυροÖ πυρ¿ν
propres dires, ce n’est pas quand des choses s’associent se-
λλ µ λα¬αν ; κα¬, ν äδ συντεθ©, ÀστοÖν ; οÍ γρ
lon la chance qu’il y a génération, mais quand elles le font
selon une proportion déterminée. Quelle en est donc la rai- Åπωv τυχε συνελθ¾ντων οÍδν γ¬νεται, καθL κε´ν¾v 10
son ? Sûrement pas le feu ou la terre ; mais l’amour non φησιν, λλ λ¾γ} τιν¬. Τ¬ ο×ν τοËτου α°τιον ; οÍ γρ δ πÖρ
plus, ni la discorde 4, car celui-là explique seulement l’asso- γε γ. LΑλλ µν οÍδL φιλ¬α κα τ¿ νε´κοv· συγκρ¬-
ciation, celle-ci la dissociation. La cause, c’est l’essence de σεωv γρ µ¾νον, τ¿ δ διακρ¬σεωv α°τιον. ΤοÖτο δ γL στν
chaque être, et non pas seulement « mélange et séparation οÍσ¬α κστου, λλL οÍ µ¾νον «µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µι-
de ce qui fut mélangé », comme il prétend 5. C’est Chance, γντων », èσπερ κε´ν¾v φησιν. ΤËχη «δL π το´v Àνοµ- 15
« le nom à iceux conféré », non pas Proportion, puisqu’un ζεται », λλL οÍ λ¾γοv· στι γρ µιχθναι äv τυχεν. Τéν
mélange peut bien avoir lieu selon la chance 6. Mais la raison δ φËσει Ãντων α°τιον τ¿ οÏτωv χειν κα κστου φËσιv
des êtres naturels, c’est le fait qu’ils sont tels ou tels, cette αÏτη, περ v οÍδν λγει. ΟÍδν ρα περ φËσεωv λγει.
nature de chacun, de laquelle il ne dit rien, au point finale- LΑλλ µν κα τ¿ ε× τοÖτο κα γαθ¾ν· Á δ τν µ¬ξιν µ¾-
ment de ne rien dire « Sur la Nature » 7 ; mais c’est pourtant
cela, le principe de perfection et de bien. Mais lui se borne à 333b 1 πρ¾θεσιν V || αÑξει τ¿ : αÑξεται W || 2 γνοv ELMWF
l’éloge du mélange. D’ailleurs 8, pour ce qui est du moins des H 1
. unayn : δµαv HJ V || 3 αÍξνεσθαι W || αÍξ¾µενα H || 4
éléments, ce n’est pas la discorde mais l’amour qui dissocie χαλεπÞτατον M || 5 ε ELMWF H 1
. unayn : ε äδ HJ V || 5
ces êtres pourtant par nature antérieurs au dieu 9, et qui sont sec. ... 6 κα om. F 1 || äv : ä J 1 || π τ¿ FHJVLMW :
eux-mêmes des dieux. π E || 6 τ δ : τ¿ δ W || κα FHJVLW : κα τ¿ EM || π
τ¿ FHJVLMW : π E || 7 π¿ om. F || τ¿ om. J 1VW || 8
utrumque om. W sec. om. L || πυροÖ : πυρ¿v M || 9 κα¬ om.
1. Troisième argument, fondé sur les difficultés, pour un
W || οÍ γρ E 1LM H 1 c
. unayn : λλL οÍχ FHJ VW Philop. || καθL
aristotélicien, à comprendre la conception empédocléenne de
processus naturel. Si les éléments ne se transforment pas les uns
JV : καθ ELMH Philop. c καθπερ F οÍδL äv W || 11 ο×ν : ο×ν
dans les autres, le cosmos est écartelé entre des amas de matière
τ¿ L || τοËτου E 1MJ 2 H 1
. unayn : τοËτων FHJ VLW || τ¿ α°τιον
M || 12 τCv συγκρ¬σεωv J || 13 γρ ... διακρ¬σεωv om. E 1 || δ
2
autarciques. L’idée de processus naturel devient incompréhen-
sible.
γL J 1VW : δL E 1LMFH || 14 om. W || 15 ΤËχη FHJVL : φËσιv
c 2
EMW H . unayn Philop. || δL : γρ J || τοEv Àνοµζεται : τ¿ °σον
2-4. Voir Notes complémentaires, p. 165-166.
Àνοµζεται JV τοËτοιv Àνοµζεται E 1LMFH τοËτων Àνοµζεται W ||
5. Fr. 8. Cf. GC I 1, 14b 7-8. Cf. p. 3, n. 1.
16 τυχεν : τËχη L || 17 δ : δ F om. W || οÏτωv : οÑτε Åλωv W
6. Voir Notes complémentaires, p. 166.
|| χει E 1 || 18 αÍτ VW || ΟÍδν ρα : αÏτη δ τι W || 19 κα
7. Titre du poème d’Empédocle. pr. : ε® W || κα sec. om. E || γαθ¾ν ELMWHJ 1V H
8-9. Voir Notes complémentaires, p. 166. . unayn ut
vid. : τ¿ γαθ¾ν FJ 2 Philop. l(+c ut vid.) || 19-20 µ¾νην L.
En outre, sa théorie du mouvement est simpliste 1. Il ne νον παινε´. Κα¬τοι τ γε στοιχε´α διακρ¬νει οÍ τ¿ νε´κοv, 20
suffit pas de dire que l’amour et la discorde sont causes de λλL φιλ¬α τ φËσει πρ¾τερα τοÖ θεοÖ· θεο δ κα
mouvement si l’essence de l’amour n’est pas l’essence de tel ταÖτα.
type de mouvement et l’essence de la discorde l’essence de ταÖτα. MΕτι δ περ κινσεωv πλév λγει· οÍ γρ ¯καν¿ν
tel autre type de mouvement. Il fallait donc soit définir, soit ε®πε´ν δι¾τι φιλ¬α κα τ¿ νε´κοv κινε´, ε® µ τοÖτL ν φι-
faire des hypothèses, soit démontrer — de façon exacte ou λ¬{ εµναι τ¿ κινσει τοι{δ¬, νε¬κει δ τοι{δ¬. MΕδει ο×ν
lâche, ou de quelque autre manière que ce soit 2. De plus, Áρ¬σασθαι Îποθσθαι ποδε´ξαι, κριàév µαλα- 25
puisqu’il est manifeste que les corps sont mus par contrainte
κév, λλωv γ πωv. MΕτι δL πε φα¬νονται κα β¬{ κα
et contre nature aussi bien que selon la nature (par exemple,
παρ φËσιν κινο˵ενα τ σÞµατα κα κατ φËσιν, ο¶ον
le feu est mû vers le haut non par contrainte, vers le bas par
πÖρ νω µν οÍ β¬{, κτω δ β¬{, τô δ β¬{ τ¿ κατ
contrainte), que selon la nature est contraire à par contrainte
et que le mouvement par contrainte a effectivement lieu, le φËσιν ναντ¬ον, στι δ τ¿ β¬{, στιν ρα κα τ¿ κατ φË-
mouvement selon la nature, dès lors, a lieu lui aussi. Est-ce σιν κινε´σθαι. ΤαËτην ο×ν φιλ¬α κινε´, οÑ ; τοÍναντ¬ον γρ 30
l’amour qui meut de ce mouvement ? Ou non, le mouve- τν γν κτω κα διακρ¬σει οικεν, κα µλλον τ¿ νε´κοv α°-
ment naturel mouvant au contraire la terre vers le bas et τιον τv κατ φËσιν κινσεωv φιλ¬α. IΩστε κα Åλωv
s’apparentant à une dissociation 3 ? C’est ainsi la discorde παρ φËσιν φιλ¬α ν ε°η µλλον. HΑπλév δ ε® µ
qui est davantage cause du mouvement selon la nature que φιλ¬α τ¿ νε´κοv κινε´, αÍτéν τéν σωµτων οÍδ嵬α κ¬νη-
l’amour 4 ; en sorte qu’au bout du compte, l’amour pourrait σ¬v στιν οÍδ µον· λλL τοπον. 35
bien être davantage contre nature. Bref, si ni l’amour ni la σ¬v στιν οÍδ µον· λλL τοπον. MΕτι δ κα φα¬νεται κινοË-
discorde ne sont principes de mouvement pour les corps, µενα· δικρινε µν γρ τ¿ νε´κοv· νχθη δL νω Á α®θρ 1 334a
ces derniers n’ont en eux-mêmes ni mouvement ni repos ; οÍχ Îπ¿ τοÖ νε¬κουv, λλL Áτ µν φησιν èσπερ π¿ τËχηv
or cela est incongru. «οÏτω γρ συνκυρσε θων τοτ, πολλκι δL λλωv », Áτ
De plus, il est aussi évident que ces corps se meuvent 5 : la δ φησι πεφυκναι τ¿ πÖρ νω φρεσθαι, Á δL α®θρ,
discorde a en effet opéré la dissociation ; cependant, l’éther φησ¬, «µακρ©σι κατ χθ¾να δËετο ø¬ζαιv ». 5
fut apporté en haut non sous l’effet de la discorde 6 mais tan-
tôt, selon ses dires, et comme par chance, « il se trouvait à 20 τ γε HJV Philop. l : τ τε ELMF γε τ W || διακρινεE J ||
tel moment courir ainsi, mais souvent autrement » 7, tantôt, 21 κα del. E 2 || 22 δ κα περ L || κα οÍ γρ θL ¯καν¿ν J 2 || 23
à ce qu’il dit, le feu se transportait par nature vers le haut : κα E 1M || τοÖτL ν : τοÖτο τν W τοÖτο ε°η Philop. l || 23-24
et l’éther, à ce qu’il dit, « s’enfonçait au sein de la terre avec φιλ¬{ FHJ 1VM Philop. l : φιλ¬αν ELW || 24 τοι{δ¬ utrumque :
ses longues racines » 8. τοιδε Philop. l (cf. appar. cr.) || νε¬κει δ τοι{δ¬ om. VW || δ
En même temps, il dit 9 que son univers est le même, régi ELMFJ : δ τ¿ H Philop. l || MΕδει : δεE H µα W || om. H
|| 25 èρισθαι W || ποδεEξαι : ποδοÖναι W || 26 πFv γε F ||
maintenant par la discorde et auparavant par l’amour. Quel φα¬νονται E 1LM Philop. l : φα¬νεται FHJVW || 27 ο¶ον E 1L : ο¶ον
τ¿ FHJ 1VMW || 28 οÍ om. E 1 || τ¿ δ β¬{ τG κατ FH τ¿ δ
β¬{ κα τ¿ κατ W || 31 γCν : γρ W || κτω : νω FL || 32
1. Ar. en passe à la critique du mouvement « naturel » selon Åλωv : λλωv W || 33 HΑπλFv : Åλωv W || µ HJV Philop. l : µ
Empédocle. Il va, ici encore, opposer Empédocle aux réquisits E 1LMF W || 34 : κα EW H 1
. unayn ut vid. || κινεE E MFV :
de sa propre cosmologie, définie par les lieux naturels. κινοE HJW Philop. l κινο¬η L || 35 κα φα¬νεται : Îφα¬νεται M ||
2-9. Voir Notes complémentaires, p. 166-167. 334a 1 νωθεν W || 2 περ π¿ τËχηv om. F 1 || 3 θεFν νοÖv τ¾τε
E 1 || πολλκιv F || 4 φησι : φσει F.
est donc le premier moteur, la cause du mouvement ? Car ce φησ¬, «µακρ©σι κατ χθ¾να δËετο ø¬ζαιv ». IΑµα δ κα
ne sont justement pas l’amour et la discorde. Mais de quel τ¿ν κ¾σµον Áµο¬ωv χειν φησν π¬ τε τοÖ νε¬κουv νÖν κα
mouvement ces derniers sont-ils la cause, si le premier mo- πρ¾τερον π τv φιλ¬αv. Τ¬ ο×ν στ τ¿ κινοÖν πρéτον κα α°-
teur est principe du mouvement ? 1 τιον τv κινσεωv ; οÍ γρ δ φιλ¬α κα τ¿ νε´κοv. LΑλλ
Il est tout aussi incongru 2 que l’âme soit composée des τ¬νοv κινσεωv ταÖτα α°τια, ε° στιν κε´νο ρχ ;
éléments ou qu’elle soit l’un d’eux. Comment en effet les τ¬νοv κινσεωv ταÖτα α°τια, ε° στιν κε´νο ρχ ; MΑτο-
altérations de l’âme auront-elles lieu, la culture par exemple πον δ κα ε® ψυχ κ τéν στοιχε¬ων ν τι αÍτéν· α¯ 10
et à nouveau l’inculture, ou la mémoire et l’oubli ? Car il
γρ λλοιÞσειv α¯ τv ψυχv πév σονται, ο¶ον τ¿ µουσι-
est clair que si l’âme est feu, lui appartiendront seulement
κ¿ν εµναι κα πλιν µουσον, µνµη λθη ; δλον γρ
les affections qui appartiennent au feu en tant que feu, et
Åτι ε® µν πÖρ ψυχ, τ πθη Îπρξει αÍτ© Åσα πυρ
si elle est mélangée, que lui appartiendront les affections
corporelles. Or parmi les altérations de l’âme, il n’y a rien « πÖρ· ε® δ µικτ¾ν, τ σωµατικ· τοËτων δL οÍδν σωµατικ¾ν.
de corporel 3. Mais étudier ces questions est la tâche d’une LΑλλ περ µν τοËτων τραv ργον στ θεωρ¬αv. 15
autre étude.
LΑλλ
7 . περ µν τοËτων τραv ργον στ θεωρ¬αv. LΕκ
<Chapitre 7> δ τéν στοιχε¬ων ξ ëν τ σÞµατα συνστηκεν, Åσοιv µν
δοκε´ τι εµναι κοιν¿ν µεταàλλειν ε®v λληλα, νγκη
Retour au mélange, Revenons 4 maintenant aux élé- ε® θτερον τοËτων, κα θτερον συµàα¬νειν· Åσοι δ µ ποι-
à la lumière ments à partir desquels les corps οÖσιν ξ λλλων γνεσιν µηδL äv ξ κστου, πλν äv κ
de la discussion sont composés : qu’il y a quelque το¬χου πλ¬νθουv, τοπον πév ξ κε¬νων σονται σρκεv κα 20
chose de commun aux éléments ou Àστ κα τéν λλων ÁτιοÖν. MΕχει δ τ¿ λεγ¾µενον πορ¬αν
des « éléments ».
que ceux-ci se transforment les uns κα το´v ξ λλλων γεννéσιν, τ¬να τρ¾πον γ¬γνεται ξ αÍ-
dans les autres, chacune de ces deux propositions, pour ceux τéν τερ¾ν τι παρL αÍτ· λγω δL ο¶ον στιν κ πυρ¿v Ïδωρ
qui les soutiennent, implique la seconde 5. Tous ceux en re-
vanche qui ne conçoivent pas la génération mutuelle des
éléments, ni ne conçoivent la génération à partir de cha-
cun autrement qu’à la façon dont des briques proviennent
d’un mur, leur théorie ne peut expliquer sans absurdité la 5 δËεται ø¬ζ|σιν W δËετο ø¬ζεv J φËετο ø¬ζαιv M fort. E 1 || δ : τε
façon dont les chairs, les os et tous les corps de ce type pro- W || 6 π¬ τε FHJ 1VMW Philop. l+c fort. Alexander (cf. Philop.
viendront des éléments. Cette question recèle toutefois une 268.1-2) : π E 1L || 8 τCv om. W || 9 τ¬νοv J recte : τινοv vel τιν¿v
1
aporie jusque pour les partisans de la génération mutuelle : ELMFHVW H . unayn edd. || ε° στιν scripsi : ε® στιν E MHJV
στιν F 1 ε® δL στιν LW ε° <γL> στν coni. Joachim || 12 λθη
comment donc peut être engendré, à partir des éléments, ELMW : κα λθη HJ 1V κα λθη F || 14 σωµατικ¾ν : σωµατικG
quelque chose qui ne soit aucun d’entre eux ? Je veux dire L σÞµατα V || 15 LΑλλ γρ περ JV || µν om. FH || ργον
par exemple qu’il est probable que du feu soit engendré de στ ELMF : στν ργον HJ 1VW || LΕκ JV(a. c.)E 1F 1 H . unayn ut
l’eau et de celle-ci du feu : en effet, il y a quelque chose de vid. : περ LMWV(p. c.)H Philop. l || 17 τι εµναι ELM : εµνα¬ τι
FJ 1V εµνα¬ τι H εµναι τ¿ W Philop. l || 19 ξ om. M || äv sec.
om. E 1 || 23 παρL αÍτ ELM : παρ ταÖτα FHJ 1VW || ο¶ον ε® E 2
1-5. Voir Notes complémentaires, p. 168. || στιν κ πυρ¿v ELMW : κ πυρ¿v στιν FHJ 1V.
commun qui est le substrat ; mais assurément, et la chair et κα κ τοËτου γ¬γνεσθαι πÖρ, στι γρ τι κοιν¿ν τ¿ Îποκ嬵ε-
la moelle sont engendrées à partir d’eux. Or ces dernières, νον, λλ δ κα σρξ ξ αÍτéν γ¬νεται κα µυελ¾v· 25
comment sont-elles engendrées ? Et pour ceux qui parlent ταÖτα δ γ¬νεται πév ; κε¬νοιv τε γρ το´v λγουσιν äv
comme Empédocle, quel sera le processus ? Une composi- LΕµπεδοκλv τ¬v σται τρ¾ποv ; νγκη γρ σËνθεσιν εµναι
tion, nécessairement, à la façon dont un mur est composé καθπερ κ πλ¬νθων κα λ¬θων το´χοv· κα τ¿ µ¬γµα δ
de briques et de pierres. Le mélange, dans ce cas, devra être τοÖτο κ σωζοµνων µν σται τéν στοιχε¬ων, κατ µικρ δ
formé d’éléments conservés, minuscules et placés les uns à παρL λληλα συγκειµνων· οÏτω δ σρξ κα τéν λλων 30
côté des autres ; c’est donc de la sorte que s’expliquera la
καστον. Συµàα¬νει δ µ ξ ÁτουοÖν µρουv σαρκ¿v γ¬γνεσθαι
chair et tous les autres corps 1. Il s’ensuit que le feu et l’eau
πÖρ κα Ïδωρ, èσπερ κ κηροÖ γνοιτL ν κ µν τουδ τοÖ
ne seront pas engendrés de n’importe quelle partie de chair,
µρουv σφα´ρα, πυραµv δL ξ λλου τιν¾v, λλL νεδχετο
à la façon dont de telle partie de la cire une sphère serait
engendrée et de telle autre une pyramide, la possibilité tou- κα ξ κατρου κτερον γενσθαι. ΤοÖτο µν δ τοÖτον γ¬νεται
tefois ayant existé que d’une partie comme de l’autre, l’une τ¿ν τρ¾πον κ τv σαρκ¿v ξ ÁτουοÖν µφω· το´v δL κε¬νωv 35
comme l’autre soient engendrées 2. C’est de fait ainsi que λγουσιν οÍκ νδχεται, λλL äv κ το¬χου λ¬θοv κα πλ¬νθοv, 1 334b
le processus a lieu, le feu comme l’eau étant engendrés tous κτερον ξ λλου τ¾που κα µρουv.
deux de n’importe quelle partie de chair. Mais pour les défen- κτερον ξ λλου τ¾που κα µρουv. HΟµο¬ωv δ κα το´v ποι-
seurs de la théorie mentionnée, c’est impossible et, comme οÖσι µ¬αν αÍτéν Ïλην χει τιν πορ¬αν, πév σται τι ξ
du mur proviennent pierre et brique, le feu et l’eau provien- µφοτρων, ο¶ον κ θερµοÖ κα ψυχροÖ πυρ¿v κα γv. Ε®
dront chacun d’un lieu et d’une partie différents. γρ στιν σρξ ξ µφο´ν κα µηδτερον κε¬νων, µηδL 5
Même ceux qui conçoivent une matière unique pour les α× σËνθεσιv σωζοµνων, τ¬ λε¬πεται πλν τν Ïλην εµναι τ¿ ξ
éléments sont toutefois confrontés, de manière similaire, à κε¬νων ; γρ θατρου φθορ θτερον ποιε´ τν Ïλην.
une certaine aporie : comment quelque chose proviendra-t-
il des deux, du chaud et du froid par exemple ou du feu et 24 τοËτου : τοÖ J || πÖρ om. E || τ¿ om. W || 26 δ : δ WHF 2
de la terre ? Si en effet la chair provient des deux sans être || γ¬γνεσθαι V || τοEv γρ E 1 || äv : èσπερ F || 28 πλ¬νθων κα
aucun des deux, ni non plus leur composition dans leur in- κ λ¬θων H λ¬θων κα πλ¬νθων F || δ : δ E || 29 τοÖτο E 1LM :
tégrité, que reste-t-il, si ce n’est de dire que ce qui provient τ¿ ν FHJ 1VW || µν om. H || 30 δ : δ W || 31 καστον.
d’eux est leur matière ? 3 Car la corruption de l’un produit συµàα¬νει γοÖν οÏτω λγουσι µ κ παντ¿v µρουv σαρκ¿v γ¬νεσθαι ρα
Ïδωρ κα τ τερα, λλ ξ κατρου κτερον, τουτστιν κ πντων
soit l’autre soit leur matière. N’est-ce donc pas finalement 4 παρατεθειµνων κα νυπαρχ¾ντων νεργε¬{ παντα διακρ¬νεσθαι, Åπερ
que, puisque le chaud et le froid sont susceptibles de plus οÍχ οÏτω φα¬νεται. συµàα¬νει L || δ : δ WH || ξ ÁτουοÖν : ξω
ÁτουοÖν W || 32 èσπερ ε® κ om. F 1 || µν δ W || τουδ om. W :
τοÖδε E 1 ut vid. || 33 νεδχετ¾ : νδχεται τ¿ W || 34 κα E 1LM
(om. W) : γε FHJ 1V || γενσθαι : γ¬γνεσθαι F || 35 <τ¿> κ τCv
σαρκ¿v coni. Joachim || ξ ÁτουοÖν : ξωτοÖ ο×ν J || κε¬νωv :
κεEνο W || 334b 3 χει : ξει W || 4 κ θερµοÖ κα ψυχροÖ EW
H. unayn : ψυχροÖ κα θερµοÖ FHJVLM || : κα W || 6 α× om. W
|| σËνθεσιv FHJVW : σËνθεσιν E συνθσει LM || τν om. W || τ¿
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 168-169. om. E 1 : τ W || 7 γρ θατρου ELMWF : γρ κ θατρου HJV ||
4. La longue période qui suit expose la solution aristotéli- φθορ : φθονερ W || pr. om. W || ποιεE ELMW : πο¬ει FHJ 1V
cienne. || sec. om. E 1.
et de moins, quand l’un des deux est absolument en enté- OΑρL ο×ν πειδ στι κα µλλον κα ττον θερµ¿ν κα ψυ-
léchie, l’autre sera en puissance, tandis que lorsqu’il n’est χρ¾ν, Åταν µν πλév ª θτερον ντελεχε¬{, δυνµει θ-
pas complètement en entéléchie mais qu’au contraire, en τερον σται· Åταν δ µ παντελév, λλL äv µν θερµ¿ν 10
tant que chaud, il est froid et en tant que froid, chaud (par ψυχρ¾ν, äv δ ψυχρ¿ν θερµ¿ν δι τ¿ µιγν˵ενα φθε¬ρειν
le fait que mélangés, le froid et le chaud corrompent leurs τv Îπεροχv λλλων, τ¾τε οÑθL Ïλη σται οÑτε κε¬νων
excès réciproques), alors on n’obtiendra ni leur matière ni τéν ναντ¬ων κτερον ντελεχε¬{ πλév, λλ µεταξË,
l’un des deux contraires, absolument, en entéléchie, mais un κατ δ τ¿ δυνµει µλλον εµναι θερµ¿ν ψυχρ¿ν τοÍ-
intermédiaire, et en tant qu’il est en puissance plus chaud
ναντ¬ον, κατ τοÖτον τ¿ν λ¾γον διπλασ¬ωv θερµ¿ν δυνµει 15
que froid ou le contraire, d’après ce rapport il est en puis-
ψυχρ¾ν, τριπλασ¬ωv, κατL λλον τρ¾πον τοιοÖτον ; MΕσται
sance deux fois plus chaud qu’il n’est froid, ou trois fois plus
δ µιχθντων τλλL κ τéν ναντ¬ων τéν στοιχε¬ων, κα
chaud ou plus chaud selon une autre proportion du même
type ? C’est justement une fois les contraires mélangés que τ στοιχε´α ξ κε¬νων δυνµει πωv Ãντων, οÍχ οÏτω δ äv
les choses proviendront de ces derniers, ou plutôt des élé- Ïλη, λλ τ¿ν ε®ρηµνον τρ¾πον· κα στιν οÏτω µν µ¬ξιv,
ments, et que les éléments proviendront de ces contraires, κε¬νωv δ Ïλη τ¿ γιν¾µενον. 20
qui sont d’une certaine façon en puissance (non pas toutefois κε¬νωv δ Ïλη τ¿ γιν¾µενον. LΕπε δ κα πσχει τ-
à la façon de la matière, mais comme on a dit ; et ce qui se ναντ¬α κατ τ¿ν ν το´v πρÞτοιv διορισµ¾ν· στι γρ τ¿ ν-
produit est ici un mélange, là une matière) 1. εργε¬{ θερµ¿ν δυνµει ψυχρ¿ν κα τ¿ νεργε¬{ ψυχρ¿ν δυ-
Puisque l’affection des contraires obéit à la définition po- νµει θερµ¾ν, èστε ν µ ®σζ|, µεταàλλει ε®v λ-
sée dans nos premières recherches 2 — ce qui est chaud en ληλα· Áµο¬ωv δ κα π τéν λλων ναντ¬ων· κα πρéτον
acte est froid en puissance et ce qui est froid en acte est οÏτω τ στοιχε´α µεταàλλει, κ δ τοËτων σρκεv κα Àστ 25
chaud en puissance, en sorte que si ce qui est chaud et ce κα τ τοιαÖτα, τοÖ µν θερµοÖ γιγνοµνου ψυχροÖ, τοÖ δ
qui est froid ne s’équilibrent pas, ils se transforment l’un ψυχροÖ θερµοÖ, Åταν πρ¿v τ¿ µσον λθωσιν· νταÖθα γρ οÍ-
dans l’autre, et les autres contraires de même — ce sont δτερον, τ¿ δ µσον πολÌ κα οÍκ δια¬ρετον. HΟµο¬ωv δ
d’abord les éléments qui se transforment ainsi ; à partir de κα ξηρ¿ν κα Îγρ¿ν κα τ τοιαÖτα κατ µεσ¾τητα
ceux-ci, chairs, os et corps semblables sont engendrés, ce qui
est chaud devenant froid, ce qui est froid chaud, quand on
s’approche du milieu, où il n’y a plus ni l’un ni l’autre. Et le 8 θερµ¿ν : κα θερµ¿ν V || κα ter. : F || 10-11 ψυχρ¿ν θερµ¿ν
W || 11 διαφθε¬ρειν H || 12 om. W || 15 κατ : κτερον κατ
F κα κατ L || τοÖτον τ¿ν EMJ 2F H . unayn : τ¿ν τοËτων HJVLW
|| διπλασ¬ωv EMW : κα τG λ¾γ} διπλασ¬ωv F 1HJV κα διπλασ¬ωv L
1. La matière est « en puissance » en tant que potentialité || 16 τοιοÖτον τρ¾πον F || 17 δ FHJ 1VL H c
. unayn Philop. : µ
pure. Le statut de cette potentialité hésite entre celui du rien pu- E 1MJ 2 δ W || τλλL FHJVLW H c
. unayn ( τ λλα Philop. ) : λλL
tréfactif, de la déliquescence, et celui de l’abstraction logique. À E 1M || 19 οÏτω ELMWF H 1
. unayn ut vid. : τοÖτο HJ V Philop.
l+c
rebours, les qualités contraires sont dans les mélanges « en puis- || µ¬ξιv : µε¬ξειv E || 20 δ Ïλη FL || LΕπε δ LMFHJV : πε
sance » en tant que leur effectivité y est certes tempérée, mais δ E 3 πειδ W Philop. l E 1 indist. || 23 ν : α®ε W ν H || µ
néanmoins présente dans son individualité et qu’elle contribue ®σζ| om. W || 23 µεταàλλει ε®v FHJ 1VW : µεταàλλει E 1LM ||
à la cohérence de la mixture. Pour plus de détails sur cette dis- 24 πρFτ¾ν γε J 2 Philop. l πρFτον γρ W || 26 γενοµνου F || 27
tinction, voir Introduction, p. cxix sqq. λθωσιν HJ 1V : λθ| ELMWF || 27-28 οÍδτερα W || 29 ξηρ¿ν
2. Il s’agit de l’analyse de l’action et de l’affection (GC I 7). HJVLMW : τ¿ ξηρ¿ν EF || τ : τ λλα τ F 2 Philop.
milieu, multiple, n’est pas indivisible 1. De la même façon, ποιοÖσι σρκα κα ÀστοÖν κα τλλα. 30
ce qui est sec et humide, et les autres choses semblables,
produisent, selon leur médiété, chair, os, etc. 8. IΑπαντα δ τ µικτ σÞµατα, Åσα περ τ¿ν τοÖ µ-
σου τ¾πον στ¬ν, ξ πντων σËγκειται τéν πλéν. Γ µν
<Chapitre 8> γρ νυπρχει πσι δι τ¿ καστον εµναι µλιστα κα
πλε´στον ν τô ο®κε¬} τ¾π}, Ïδωρ δ δι τ¿ δε´ν µν Áρ¬-
« Eléments » et Or tous les corps mélangés, tous ceux qui ζεσθαι τ¿ σËνθετον, µ¾νον δL εµναι τéν πλéν ε;ριστον τ¿ 35
homéomères. entourent le lieu du milieu, sont compo-
Ïδωρ, τι δ κα τν γν νευ τοÖ ÎγροÖ µ δËνασθαι συµ- 1 335a
sés de tous les corps simples 2. Ainsi, la
µνειν, λλ τοÖτL εµναι τ¿ συνχον· ε® γρ ξαιρεθε¬η τε-
terre est présente dans tous les corps, du fait que chaque
λωv ξ αÍτv τ¿ Îγρ¾ν, διαπ¬πτοι ν. Γ µν ο×ν κα Ïδωρ
élément est principalement et pour la plus grande partie
de lui-même dans le lieu qui lui est propre ; l’eau, du fait δι ταËταv νυπρχει τv α®τ¬αv, ρ δ κα πÖρ, Åτι
qu’il faut que le corps composé soit délimité, que le seul des ναντ¬α στ γ© κα Ïδατι· γ µν γρ ρι, Ïδωρ δ πυρ 5
corps simples à être facilement délimité est l’eau et, de plus, ναντ¬ον στ¬ν, äv νδχεται οÍσ¬αν οÍσ¬{ ναντ¬αν εµναι. LΕπε
que la terre sans humidité n’a pas le pouvoir de cohésion, ο×ν α¯ γενσειv κ τéν ναντ¬ων ε®σ¬ν, νυπρχει δ θτερα
l’humidité étant ce qui la maintient (si l’on venait à extirper κρα τéν ναντ¬ων, νγκη κα θτερα νυπρχειν, èστL ν
complètement l’humidité de la terre, celle-ci se désagrége- παντι τô συνθτ} πντα τ πλ νσται.
rait) 3. Ce sont donc là les raisons pour lesquelles la terre et παντι τô συνθτ} πντα τ πλ νσται. Μαρτυρε´ν δL
l’eau sont présentes dans ces corps ; l’air et le feu, eux, c’est οικε κα τροφ κστων· παντα µν γρ τρφεται το´v 10
du fait qu’ils sont les contraires de la terre et de l’eau (la terre αÍτο´v ξ ëνπρ στιν, παντα δ πλε¬οσι τρφεται. Κα
est le contraire de l’air, l’eau du feu, autant qu’il est possible γρ περ ν δ¾ξειεν ν µ¾ν} τρφεσθαι, τô Ïδατι τ φυ-
à une substance d’être le contraire d’une substance) 4. Puis
donc que les générations ont lieu à partir des contraires et 30 ÀστοÖν : ÀστA V || τλλα ELMW : τλλα τ τοιαÖτα FHJ 1V
que pour chacun des couples de contraires, l’un des deux ex- || 31 IΑπαντα ELMFH : πντα J 1VW Philop. l || 32 ΓC : γCv
trêmes est présent dans les corps, il est nécessaire aussi que H || 33 γρ om. F || 34 δ : δ L || 35 τ¿ν σËνθετον J ||
l+c
l’autre contraire y soit également présent — en sorte que πλFν consens. codd. H . unayn : λλων Philop. || 335a 1-2
tout composé contiendra tous les corps simples. συµµνειν : συµàα¬νειν W || 2-3 ξ αÍτCv τελωv W || 3 διαπ¬πτει
M suprascr. οι || 4 νυπρχουσι FW Îπρχει V || 5 γρ om.
La nourriture de chaque être paraît bien l’attester. Tous F || 6 ναντ¬αν : ναντ¬ον H || 7 δ : γρ M suprascr. δ ||
les êtres se nourrissent de ce dont ils sont composés et tous 7-8 θτερα κρα EMJ 2F ( θτερον κρον L) : θτερα HJ 1VW || 8
les êtres se nourrissent de plusieurs choses. Car même ceux θτερα : θτερον HL || Îπρχειν W || ν om. M || 9 νσται :
qui sembleraient ne se nourrir que d’une seule chose, comme σται W || 10 τροφ W Philop. l || κστων E 1LMFJVE 3
les plantes d’eau, se nourrissent en réalité de plusieurs : la Philop. l : κστου WH || τρφεται om. W || 11 στιν : ε®σ¬ν
FHJ 2 || παντα γρ E 1 || πλε¬ωσι J || Κα ... 13 τρφεται om.
terre est de fait alors mélangée à l’eau, et c’est la raison pour
M || 12 γρ στιν περ F 1 περ : Åσαπερ WF 2 || δ¾ξειεν ν µ¾ν}
laquelle les agriculteurs s’efforcent d’effectuer un mélange τρφεσθαι ELM : δ¾ξειεν µλιστα ν µ¾ν} τρφεσθαι J 1VL δ¾ξειεν
ν µ¾ν} τρφεσθαι µλιστα H µλιστα δ¾ξοιεν ν µ¾ν} τρφεσθαι W
|| τG Ïδατι : ο¶ον τG Ïδατι coni. Andronicus Callistus in codicis
Vat. gr. 2201 deperdito exemplari (vide Überlieferungsgeschichte
1-4. Voir Notes complémentaires, p. 169. p. 222 sqq.).
pour irriguer 1. τ, πλε¬οσι τρφεται· µµικται γρ τô Ïδατι γ· δι¿
Puis donc que la nourriture ressortit de la matière tandis κα ο¯ γεωργο πειρéνται µ¬ξαντεv ρδειν.
que ce qui est nourri, c’est la figure, ou la forme, enga- κα ο¯ γεωργο πειρéνται µ¬ξαντεv ρδειν. LΕπε δL στν
gée dans la matière, il est d’emblée conforme à la raison µν τροφ τv Ïληv, τ¿ δ τρεφ¾µενον συνειληµµνη τ© 15
que, comme disent nos prédécesseurs, seul d’entre les corps Ïλ| µορφ κα τ¿ εµδοv, εÑλογον δη τ¿ µ¾νον τéν
simples, le feu se nourrisse — même si tous les corps simples πλéν σωµτων τρφεσθαι τ¿ πÖρ πντων ξ λλλων
sont engendrés les uns à partir des autres 2. Le feu est en effet γινοµνων, èσπερ κα ο¯ πρ¾τεροι λγουσιν· µ¾νον γρ στι
le seul corps à ressortir de la forme, et il l’est au plus haut
κα µλιστα τοÖ ε°δουv τ¿ πÖρ δι τ¿ πεφυκναι φρεσθαι
point, du fait que sa nature est de se transporter vers la li-
πρ¿v τ¿ν Åρον. IΕκαστον δ πφυκεν ε®v τν αυτοÖ χÞραν φ- 20
mite. Or, la nature de chacun est de se transporter vers la
ρεσθαι· δ µορφ κα τ¿ εµδοv πντων ν το´v Åροιv.
région qui est la sienne ; mais pour toutes choses, la figure
et la forme sont dans leurs délimitations. IΟτι µν ο×ν παντα τ σÞµατα ξ πντων συνστηκε
On a donc dit que tous les corps sont constitués de tous τéν πλéν, ε°ρηται.
les corps simples.
9. LΕπε δL στν νια γενητ κα φθαρτ, κα γνεσιv
<Chapitre 9> τυγχνει ο×σα ν τô περ τ¿ µσον τ¾π}, λεκτον περ π- 25
σηv γενσεωv Áµο¬ωv π¾σαι τε κα τ¬νεv αÍτv ρχα¬·
La matière, Puisque certains êtres 3 sont sujets øον γρ οÏτω τ καθL καστον θεωρσοµεν, Åταν περ τéν
la forme et l’agent à la génération et la corruption et καθ¾λου λàωµεν πρéτον. Ε®σν ο×ν κα τ¿ν ριθµ¿ν °σαι κα
que la génération se rencontre dans τô γνει α¯ αÍτα α²περ ν το´v ιδ¬οιv τε κα πρÞτοιv·
le lieu qui est autour du centre 4, nous devons dire, pour µν γρ στιν äv Ïλη, δL äv µορφ. ∆ε´ δ κα τν τρ¬- 30
toute génération indifféremment, le nombre et le type de ses την τι προσυπρχειν· οÍ γρ ¯κανα πρ¿v τ¿ γεννσαι α¯
principes. Car nous étudierons plus facilement les choses δËο, καθπερ οÍδL ν το´v πρÞτοιv. HΩv µν ο×ν Ïλη το´v γε-
particulières quand nous aurons d’abord compris les prin- νητο´v στιν α°τιον τ¿ δυνατ¿ν εµναι κα µ εµναι· τ µν
cipes universels 5. Les principes sont égaux en nombre et
identiques en genre à ceux qui régissent les êtres éternels
14 κα post γεωργο pon. E 1 omisso ο¯ || ante ρδειν add.
et premiers 6. L’un est en effet à comprendre comme ma- κ¾προν E 3F 2 || 15 τCv Ïληv : τοÖ ÎγροÖ W || τρεφ¾µενον δ F
tière, l’autre comme figure. Mais il est nécessaire qu’il en || συνειληµµνη EM : συνειληµµνη J 1V συνειληµµνον FHLW τ¿
existe en outre encore un troisième, car ces deux-ci ne suf- συνειληµµνον Philop. || 16 Ïλ| µορφD J 1 Ïλ| µορφ V || δη : δ
fisent pas à la génération, pas plus qu’ils ne suffisent dans le W || 17 τ¿ : äv M || ξ : γρ H qui 18 γρ om. || 18 πρ¾τεροι :
domaine des réalités premières 7. Ainsi, c’est en tant que ma- πρ¾τερον LW || 20-21 ε®v τν αυτοÖ χÞραν φρεσθαι ELMW : ε®v
τν αÍτοÖ φρεσθαι χÞραν HJ 1 φρεσθαι ε®v τν αÍτοÖ χÞραν V ε®v τν
tière que la possibilité d’être et de ne pas être est cause pour αυτοÖ φρεσθαι χÞραν F || 22 παντα : πντα M || 24 γεννητ L
les êtres sujets à la génération 8 (en effet, certains êtres né- et ubique || 26 τε om. F Philop. c || αÍτCv : αÍτFν F Philop. c
cessairement sont, comme les êtres éternels, certains autres || ρχα¬ consens. codd. : α¯ ρχα Philop. c || 27 καθL καστον
ELMW : καθL καστα FHJ 1V || θεωρσωµεν J 1 || 29 α²περ κα W
|| 30 Ïλην E 1 || 31 γρ FHJVMW : γρ ν EL || 31-32 α¯ δËο
FHJ 1VW : δËο ELM H . unayn ut vid. || 32 ο×ν om. F || 32-33
1-8. Voir Notes complémentaires, p. 169-171. γεννητοEv HL || 33 α°τιον post µ εµναι pon. F || δυνατ¿ν om. L.
nécessairement ne sont pas — il est alors impossible aux pre- γρ ξ νγκηv στιν, ο¶ον τ ¬δια, τ δL ξ νγκηv οÍκ
miers de ne pas être et impossible aux seconds d’être, car ils στιν· τοËτων δ τ µν δËνατον µ εµναι, τ δ δËνατον 35
ne peuvent, en transgressant la nécessité, être autrement) 1 ; εµναι δι τ¿ µ νδχεσθαι παρ τ¿ ναγκα´ον λλωv 1 335b
mais certaines choses peuvent à la fois être et ne pas être, χειν. MΕνια δ κα εµναι κα µ εµναι δυνατ, Åπερ στ τ¿
et c’est précisément là ce que veut dire être sujet à la géné- γενητ¿ν κα φθαρτ¾ν· ποτ µν γρ στι τοÖτο, ποτ δL οÍκ
ration et la corruption : tantôt la chose est, tantôt elle n’est στιν. IΩστL νγκη γνεσιν εµναι κα φθορν περ τ¿ δυνατ¿ν
pas. En sorte qu’il est nécessaire que la génération et la cor- εµναι κα µ εµναι. ∆ι¿ κα äv µν Ïλη τοÖτL στν α°τιον το´v 5
ruption se rapportent à ce qui peut être et ne pas être. Voilà
γενητο´v, äv δ τ¿ οØ νεκεν µορφ κα τ¿ εµδοv· τοÖτο
pourquoi c’est en tant que matière que cela est cause pour
δL στν Á λ¾γοv τv κστου οÍσ¬αv.
les êtres sujets à la génération ; mais en tant que fin, c’est la
δL στν Á λ¾γοv τv κστου οÍσ¬αv. ∆ε´ δ προσε´ναι κα
figure ou la forme qui est cause, c’est-à-dire la définition de
la substance de chaque chose 2. τρ¬την, ν παντεv µν ÀνειρÞττουσι, λγει δL οÍδε¬v,
λλL ο¯ µν ¯κανν îθησαν α®τ¬αν εµναι πρ¿v τ¿ γ¬νεσθαι
Insuffisance de la cause Mais il faut ajouter encore
τν τéν ε®δéν φËσιν, èσπερ Á ν τô Φα¬δωνι Σωκρτηv· κα 10
formelle du Phédon une troisième cause 3 que
γρ κε´νοv, πιτιµσαv το´v λλοιv äv οÍδν ε®ρηκ¾σιν,
et d’une causalité tous sans exception voient
comme en rêve, mais de la- Îποτ¬θεται Åτι στ τéν Ãντων τ µν ε°δη τ δ µεθεκτικ
exclusivement matérielle. τéν ε®δéν, κα Åτι εµναι µν καστον λγεται κατ τ¿ εµδοv,
quelle personne ne traite 4.
Car les uns ont pensé que la nature des formes 5 était une γ¬νεσθαι δ κατ τν µετληψιν κα φθε¬ρεσθαι κατ τν
cause suffisante pour la génération, comme le Socrate du ποàολν, èστL ε® ταÖτα ληθ, τ ε°δη ο°εται ξ νγκηv 15
Phédon : c’est de fait lui qui, après avoir réprimandé les α°τια εµναι κα γενσεωv κα φθορv. Ο¯ δL αÍτν τν Ïλην·
autres sous prétexte qu’ils ne disaient rien, suppose que π¿ ταËτηv γρ εµναι τν κ¬νησιν. ΟÍδτεροι δ λγουσι κα-
parmi les êtres, certains sont des formes et les autres des λév. Ε® µν γρ στιν α°τια τ ε°δη, δι τ¬ οÍκ ε γενν
participants aux formes ; que chaque chose est dite d’une συνεχév, λλ ποτ µν ποτ δL οÑ, Ãντων κα τéν ε®δéν
part être d’après la forme, d’autre part être engendrée selon ε κα τéν µεθεκτικéν ; τι πL ν¬ων θεωροÖµεν λλο τ¿ 20
qu’elle y prend part et corrompue selon qu’elle l’abandonne
— en sorte que si cela est vrai, il pense que les formes sont né-
cessairement cause et de génération et de corruption 6. Pour 34-35 οÍκ στιν ξ νγκηv F || 335b 1 νδχεσθα¬ τι W || 2
les autres 7, c’est la matière en tant que telle qui est cause δυνατ : δυνατ¾ν W || 4 νγκη : ναγκαEον F || περ : παρ W
car, disent-ils, c’est d’elle que provient le mouvement. Mais || δυνατ¿ν κα E 1 || 5 τοEv : ν τοEv H || 6 νεκεν E Philop. l+c :
ni les uns ni les autres ne parlent convenablement. Si en effet νεκα cett. (cf. Bonitz Index 250b 44 sqq.) || 7 Á λ¾γοv ELM : Á
λ¾γοv Á FHJVW || τCv κστου οÍσ¬αv ELMF : κστου τCv οÍσ¬αv
les formes sont des causes, pour quelle raison n’engendrent- HJ 1VW τCv κστηv οÍσ¬αv J 2 || δ om. E 1 || 7-8 κα τρ¬την W
elles pas éternellement et continûment, mais tantôt oui et H l
. unayn ut vid. : τρ¬την E κα τν τρ¬την FHJVLM Philop. || 9
l
tantôt non, alors que tant les formes que les choses sus- εµναι om. W || γενσθαι W Philop. || 12 Îποτ¬θεται : πιτ¬θεται
ceptibles d’en participer sont éternelles ? 8 En outre, nous suprascr. Îπο pr. m. V || τFν φËσει Ãντων W || 13 εµναι : τοËτων
observons que dans certains cas, la cause est autre : c’est W || 14 µετληψιν : µεταàολν W || 16 αÍτν : α× H || 17 π¿
ταËτηv : πL αÍτCv W Îπ¿ ταËτηv Philop. l || εµναι om. F || 19
συνεχFv : συχνFv V om. M || 19-20 κα τFν ε®δFν ε om. E 1 ||
1-8. Voir Notes complémentaires, p. 171-172. 20 τι HJ 1V : τι δL ELMWF.
ainsi le médecin qui procure la santé et le savant la science, α°τιον Ãν· Îγ¬ειαν γρ Á ®ατρ¿v µποιε´ κα πιστµην Á
tout existantes que puissent être la santé en soi, la science en πιστµων, οÑσηv κα Îγιε¬αv αÍτv κα πιστµηv κα τéν
soi et les choses susceptibles d’en participer ; et il en va de la µεθεκτικéν· äσαËτωv δ κα π τéν λλων τéν κατ δË-
sorte dès que les choses sont réalisées selon une capacité 1. Or ναµιν πραττοµνων. Ε® δ τν Ïλην τ¬v φησι γεννν δι
si l’on dit que c’est la matière qui engendre, en raison de son τν κ¬νησιν, φυσικÞτερον µν ν λγοι τéν οÏτω λεγ¾ντων· 25
mouvement, on parlera davantage en physicien que les te- τ¿ γρ λλοιοÖν κα τ¿ µετασχηµατ¬ζον α®τιÞτερ¾ν τε τοÖ
nants de telles théories 2, puisque ce qui altère et transfigure γεννν, κα ν πασιν ε®Þθαµεν τοÖτο λγειν τ¿ ποιοÖν, Áµο¬-
est davantage cause de genèse et que nous avons l’habitude
ωv ν τε το´v φËσει κα ν το´v π¿ τχνηv, Ä ν ª κινη-
de dire que l’agent, dans toutes les choses naturelles et artifi-
τικ¾ν. ΟÍ µν λλ κα οØτοι οÍκ Àρθév λγουσιν· τv µν γρ
cielles indifféremment, est ce qui peut être moteur. — Quoi
Ïληv τ¿ πσχειν στ κα τ¿ κινε´σθαι, τ¿ δ κινε´ν κα 30
qu’il en soit, eux non plus n’ont pas une théorie correcte. Car
à la matière il appartient d’être affectée et mue, tandis que ποιε´ν τραv δυνµεωv. ∆λον δ κα π τéν τχν| κα
mouvoir et agir appartiennent à une autre puissance 3. Or π τéν φËσει γινοµνων· οÍ γρ αÍτ¿ ποιε´ τ¿ Ïδωρ ζôον
cela est évident, dans le cas des choses engendrées par l’art ξ αÎτοÖ οÍδ τ¿ ξËλον κλ¬νην, λλL τχνη. IΩστε κα οØτοι
et par la nature : ce n’est pas en effet l’eau en elle-même qui δι τοÖτο λγουσιν οÍκ Àρθév, κα Åτι παραλε¬πουσι τν κυριω-
tire un animal hors d’elle-même, ni le bois un lit, mais l’art τραν α®τ¬αν· ξαιροÖσι γρ τ¿ τ¬ ν εµναι κα τν µορφν. 35
— en sorte qu’eux non plus n’ont pas une théorie correcte, MΕτι δ κα τv δυνµειv ποδιδ¾ασι το´v σÞµασι, διL v 1 336a
pour cette raison et parce qu’ils délaissent l’autre cause, plus γεννéσι, λ¬αν Àργανικv, φαιροÖντεv τν κατ τ¿ εµδοv
fondamentale que la leur 4 : ils éliminent en effet la quiddité α®τ¬αν. LΕπειδ γρ πφυκεν, èv φασι, τ¿ µν θερµ¿ν
et la figure. En outre, ils attribuent aux corps des puissances διακρ¬νειν τ¿ δ ψυχρ¿ν συνιστναι, κα τéν λλων κα-
génitrices qui sont par trop celles d’outils, du fait qu’ils sup- στον τ¿ µν ποιε´ν τ¿ δ πσχειν, κ τοËτων λγουσι κα 5
priment la cause relevant de la forme 5. De fait, puisqu’il est δι τοËτων παντα τλλα γ¬γνεσθαι κα φθε¬ρεσθαι· φα¬-
« dans la nature du chaud », comme ils disent, de dissocier, νεται δ κα τ¿ πÖρ αÍτ¿ κινο˵ενον κα πσχον. MΕτι δ
du froid de rassembler et dans celle de chacun des autres,
tantôt d’agir et tantôt d’être affecté, ils disent que c’est à
21 α°τιον Ãν ELMW : α°τιον F 1HJ 1V || γρ om. J : γρ κα
partir et au moyen de ces derniers 6 que tous les êtres sont
E 1M || 22 κα pr. : γρ W || 24 πραττοµνων ... 25 µν ν om.
engendrés et corrompus 7. Pourtant, le feu lui-même est de M || φησι VL : φησιν J φσειε F φσειεν W φσει ε (sic) E φσει H
toute évidence mû et affecté 8. En outre, il ne sont pas très Philop. l || 25 µν om. F || λεγ¾ντων FHJ 1VW : λεγοµνων ELM
loin d’attribuer à la scie et aux autres instruments la cause H. unayn || 26 σχηµατ¬ζον M || 27-28 Áµο¬ωv om. W || 28 φËσει :
des choses engendrées, car il y a nécessairement, quand on φυσικοEv L || ν sec. om. FM || π¿ τχνηv ELMW H . unayn : π¿
scie, division, quand on rabote, polissage, etc. En sorte que τχνηv, π¿ τχνηv δ F 1HJV || 28-29 ε°η κινητικ¾ν W κινητικ¿ν
ª F || 31 ποιεEν ELMW : τ¿ ποιεEν FHJV || 31-32 π τFν φËσει
κα τχν| γινοµνων W || 32-33 ζGον ξ αÍτοÖ V ζGον ξ αυτοÖ H
1. Seconde critique aux Idées platoniciennes : elles ne ξ αυτοÖ ζGον F || 33 οÍδ ELMW : οÑτε FHJ 1V || 33-34 δι
rendent pas compte des cas où la cause est manifestement un τοÖτο κα οØτοι W || 34 παραλε¬πουσι : παραλιµπνουσι W || 336a
agent individuel. 1 δ om. H || ποδ¬δουσι J 1 || v : E || 2 Àργανικv ELMWH
2. Les théories de la seule cause formelle. Voir cependant Philop. l+c : ÀργανικFv FJV || 3 LΕπειδ ELMW : πε FHJV ||
infra, n. 5. 1
φασι FHJVLW H . unayn : φησι E M || 6 γ¬γνεσθαι : γεννAσθαι W
3-8. Voir Notes complémentaires, p. 172-173. || κα φθε¬ρεσθαι om. M || 7 κα sec. om. F.
le feu a beau agir et mouvoir au plus haut point, ces gens- παραπλσιον ποιοÖσιν èσπερ ε° τιv τô πρ¬ονι κα κστ}
là ne voient pas comment il meut, à savoir de façon moins τéν Àργνων πονµοι τν α®τ¬αν τéν γινοµνων· νγκη
efficace que les outils. Nous avions auparavant proposé une γρ πρ¬οντοv διαιρε´σθαι κα ξοντοv λεα¬νεσθαι, κα π 10
théorie universelle des causes et, maintenant, nous avons fait τéν λλων Áµο¬ωv. IΩστL ε® Åτι µλιστα ποιε´ κα κινε´ τ¿
des distinctions au sujet de la matière et la forme 1. πÖρ, λλ πév κινε´ οÍχ Áρéσιν, Åτι χε´ρον τ Ãργανα.
HΗµ´ν δ καθ¾λου τε πρ¾τερον ε°ρηται περ τéν α®τ¬ων, κα
<Chapitre 10> νÖν διÞρισται περ¬ τε τv Ïληv κα τv µορφv.
C’est la raison pour laquelle ce n’est pas le premier dépla- ναντ¬ων ναντ¬α α°τια· δι¿ κα οÍχ πρÞτη φορ α®τ¬α
cement qui est cause de la génération et de la corruption, στ γενσεωv κα φθορv, λλL κατ τ¿ν λοξ¿ν κËκλον·
mais celui selon l’écliptique 1. Car c’est en ce dernier que ν ταËτ| γρ κα τ¿ συνεχv στι κα τ¿ κινε´σθαι δËο
viennent se loger aussi bien la continuité que le fait de se κινσειv· νγκη γρ, ε° γε ε σται συνεχv γνεσιv κα
mouvoir de deux mouvements. Il est en effet nécessaire, si φθορ, ε µν τι κινε´σθαι, ²να µ πιλε¬πωσιν αØται α¯ 1 336b
du moins l’on veut que la génération et la corruption aient µεταàολα¬, δËο δL, Åπωv µ θτερον συµàα¬ν| µ¾νον. Τv
toujours lieu de manière continue, qu’il y ait quelque chose µν ο×ν συνεχε¬αv τοÖ Åλου φορ α®τ¬α, τοÖ δ προσιναι
qui soit toujours mû, afin que ces changements ne s’arrêtent
κα πιναι γκλισιv· συµàα¬νει γρ Áτ µν π¾ρρω γ¬-
pas et, en outre, que les mouvements soient deux, afin que
νεσθαι Áτ δL γγËv. LΑν¬σου δ τοÖ διαστµατοv Ãντοv νÞµα- 5
l’un des deux processus ne soit pas le seul à s’accomplir.
λοv σται κ¬νησιv· èστL ε® τô προσιναι κα γγÌv εµναι
L’explication de la continuité réside donc dans le déplace-
ment de l’ensemble 2, celle du va-et-vient dans l’inclinaison. γενν, τô πιναι ταÍτ¿ν τοÖτο κα π¾ρρω γ¬νεσθαι φθε¬ρει,
Il se produit en effet tantôt un éloignement, tantôt un rap- κα ε® τô πολλκιv προσελθε´ν γενν, κα τô πολλκιv
prochement 3 et, l’intervalle étant variable 4, le mouvement πελθε´ν φθε¬ρει· τéν γρ ναντ¬ων τναντ¬α α°τια. Κα ν
sera irrégulier, en sorte que si c’est par le rapprochement °σ} χρ¾ν} φθορ κα γνεσιv κατ φËσιν. 10
et la proximité que le principe engendre, c’est par l’éloigne- °σ} χρ¾ν} φθορ κα γνεσιv κατ φËσιν. ∆ι¿
ment et la distance que le même principe corrompt ; et si κα ο¯ χρ¾νοι κα ο¯ β¬οι κστων ριθµ¿ν χουσι κα τοËτ}
c’est par l’approche répétée qu’il engendre, c’est par l’éloi- διορ¬ζονται· πντων γρ στι τξιv, κα πv χρ¾νοv κα β¬οv
gnement répété qu’il corrompt 5 — les contraires ont en effet µετρε´ται περι¾δ}, πλν οÍ τ© αÍτ© πντεv, λλL ο¯
des causes contraires, et la corruption et la génération natu-
relle 6 ont lieu pendant une durée égale. 31 ναντ¬α α°τια E H . unayn (cause contrariorum sunt contrarie
C’est la raison pour laquelle 7 la durée et la vie 8 de chaque Gerardus) : τ ναντ¬α α°τια MW τναντ¬α α°τια L α°τια τ ναντ¬α
être possèdent un nombre qui le définit. Il y a en effet un F α°τια τναντ¬α HJ 1V || 32 στ : τCv W || τCv γενσεÞv στι
ordre pour toute chose, et toute durée, toute vie, sont me- κα τCv φθορAv F || 33 στι ELMW : νεστι FHJ 1V || κινεEσθαι
surées par un cycle, à ceci près que, différent pour chaque δËο om. E 1 || 34 ε° γε ε LM ( ε° τε ε E 1 ) : ε® FHJ 1VW ||
336b 1 ε : δεE J 1 || µν om. F || τι : τοι L || πιλε¬πωσιν :
être, le cycle est ici plus court et là plus long : si, pour cer-
Îπολ¬πωσιν L Îπολε¬πωσιν MJ 2 πιλιµπνωσιν W || 2 συµàα¬νει J
|| 4 γκλησιv J 1 || 4-5 γενσθαι W || 6 τG : τ¿ W || προιναι
E || 7 τG : κα τG HE 2 κα ν τG FL τ¿ W || ταÍτ¿ν τοÖτο κα
1
π¾ρρω γ¬νεσθαι ELM H . unayn : κα π¾ρρω γ¬νεσθαι τοÖτο αÍτ¿ J V
κα π¾ρρω γ¬νεσθαι τ¿ αÍτ¿ τοÖτο HF 2 κα π¾ρρω γ¬γνεσθαι F 1 τοÖτο
αÍτ¿ κα π¾ρρω γενσθαι W || 8 πολλκιv : πλFv W || προσελθεEν
1. Voir Notes complémentaires, p. 173-174. ELMW Philop. l : προσιναι FHJ 1V || κα sec. om. F || 8-9 κα
2. Les exégètes anciens et modernes s’opposent sur le sens τG πολλκιv πελθεEν : τ¿ πιναι πλFv W κα τG πολλκιv πιναι
à donner à l’expression « mouvement de l’ensemble ». Selon F || 9 ναντ¬α J 1 τ ναντ¬α J 2 || 10 φθορ HJ 1VW Philop. l :
Alexandre suivi par Mugler et Migliori, il s’agit du mouvement κα φθορ E 1LMF || ter. om. E || 11 κστων ο×ν ριθµ¿ν
de la dernière sphère, celle des fixes, selon Philopon suivi par F 1 || 12 διορ¬ζονται : διωρισµνωv W || πAv : παv W || χρ¾νοv
Williams, de la sphère du soleil en ce qu’elle contient les deux κα β¬οv FHJ 1VW : β¬οv κα χρ¾νοv ELM H . unayn || 13 µετρAται
mouvements. 1
H || τD αÍτD πντεv FHJVW H . unayn : τD αÍτD E M || πντεv ...
3-8. Voir Notes complémentaires, p. 174-175. 14 πλε¬ονι om. L et λλοιv ut vid. suprascr. J 2.
tains êtres, le cycle, leur mesure, est d’une année, il est dans µν λττονι ο¯ δ πλε¬ονι· το´v µν γρ νιαυτ¾v, το´v δ
certains cas plus long, dans d’autres plus bref 1. Il est jus- µε¬ζων, το´v δ λττων περ¬οδ¾v στι, τ¿ µτρον. Φα¬νε- 15
qu’à certaines données de la perception qui paraissent bien ται δ κα κατ τν α°σθησιν Áµολογο˵ενα το´v παρL µéν
s’accorder à nos thèses. Car nous voyons, lorsque le soleil λ¾γοιv· Áρéµεν γρ Åτι προσι¾ντοv µν τοÖ λ¬ου γνεσιv στιν,
approche, la génération se produire et, lorsqu’il s’éloigne, πι¾ντοv δ φθ¬σιv, κα ν °σ} χρ¾ν} κτερον· °σοv γρ
la corruption — en une période égale dans les deux cas 2. La Á χρ¾νοv τv φθορv κα τv γενσεωv τv κατ φËσιν.
période de la génération naturelle, de fait, est égale à celle LΑλλ συµàα¬νει πολλκιv ν λττονι φθε¬ρεσθαι δι τν 20
de la corruption naturelle. Mais, s’il arrive souvent qu’il y
πρ¿v λληλα σËγκρασιν· νωµλου γρ οÑσηv τv Ïληv
ait corruption en une période plus courte, c’est du fait de
κα οÍ πανταχοÖ τv αÍτv, νγκη κα τv γενσειv νω-
l’interpénétration réciproque : la matière étant en effet irré-
µλουv εµναι κα τv µν θττον τv δ βραδυτραv εµναι, èστε
gulière et non point partout identique à soi, il est nécessaire
que les générations elles aussi soient irrégulières, les unes συµàα¬νει δι τ¿ τν τοËτων γνεσιν λλοιv γ¬νεσθαι φθορν.
plus rapides et les autres plus lentes 3 ; en sorte qu’il arrive, LΑε δL, èσπερ ε°ρηται, συνεχv σται γνεσιv κα φθο- 25
du fait de la génération de tels corps, que d’autres soient cor- ρ, κα οÍδποτε Îπολε¬ψει διL ν ε°ποµεν α®τ¬αν.
rompus, mais toujours, comme il a été dit, la génération et la ρ, κα οÍδποτε Îπολε¬ψει διL ν ε°ποµεν α®τ¬αν. ΤοÖτο δL
corruption seront continues et jamais, en raison de la cause εÍλ¾γωv συµààηκεν· πε γρ ν πασιν ε τοÖ βελτ¬ονοv
que nous avons dite, elles ne s’interrompront 4. Àργεσθα¬ φαµεν τν φËσιν, βλτιον δ τ¿ εµναι τ¿ µ
Cela se produit de façon conforme εµναι (τ¿ δL εµναι ποσαχév λγοµεν, ν λλοιv ε°ρηται),
Coïncidence de la
à la raison. Car puisque pour toutes τοÖτο δL δËνατον ν πασιν Îπρχειν δι τ¿ π¾ρρω τv 30
causalité efficiente
avec la finalité choses, nous disons que c’est tou- ρχv φ¬στασθαι, τô λειποµν} τρ¾π} συνεπλρωσε τ¿
jours le meilleur que « désire » la Åλον Á θε¾v, νδελεχ ποισαv τν γνεσιν· οÏτω γρ ν
naturelle.
nature 5, qu’être est meilleur que ne µλιστα συνε¬ροιτο τ¿ εµναι δι τ¿ γγËτατα εµναι τv οÍ-
pas être (en combien de sens nous disons être, on l’a expliqué σ¬αv τ¿ γ¬νεσθαι ε κα τν γνεσιν. ΤοËτου δL α°τιον, èσπερ
ailleurs 6) et qu’il est impossible que l’être appartienne à la to-
talité des choses du fait de leur position éloignée du principe, 14 δ pr. om. E 1 || τοEv µν : λλοιv µν L || 15 τοEv : λλοιv
c’est de la façon qui restait que le dieu a assuré la complétude F || λαττον J 1 || τ¿ om. E 1M || 16 Áµολογουµνη W || 17
du Tout, rendant la génération perpétuelle. C’est ainsi que λ¾γοιv : λεγοµνοιv F || γρ om. W || 18 πι¾ντοv : π¾ντοv M ||
peut se réaliser au plus haut point la concaténation de l’être, °σοv : °σωv E || 19 φορAv E || 21 σËγκρασιν : σËγκρουσιν VWM 2
du fait de l’extrême affinité qu’entretiennent avec l’essence utrumque agnovit Philop. c κρAσιν M 1 || 22 κα sec. om. W ||
23 θττον ELM : θττουv FHJ 1VW || βραδυτραv εµναι ELMW :
le devenir et la génération perpétuels 7. La cause en est, on l’a
βραδυτραv FHJ 1V || 24 συµàα¬νειν JV || δι τ¿ W fere coniecit
Joachim : δι cett. || γενσθαι W || 25 δL om. W || sec. om.
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 175-176. M || 26 οÑτε ποτ L || 27 ε post 28 φËσιν pon. F || 28 φαµν
7. Ar. se place ici du point de vue de la cause finale, qui elle Àργεσθαι W φαµεν ante 27 τοÖ pon. F || τ¿ sec. om. H || 29
aussi conduit à postuler l’éternité de la génération. Il faut, pour λγοµεν : λγεται W || 30 δËνατον ν πασιν LM : δËνατον τ¿ ν
bien comprendre le syllogisme, remarquer que οÍσ¬α (traduit ici πασιν E ν πασιν δËνατον FHJVW || 31 συνεπλρωσε codd. :
par « essence ») est perçu comme le déverbatif de εµναι. Sur le νεπλρωσε Philop. c et De Aet. Mundi 12.27 As cl ep. In Metaph.
parallèle étroit de DA II 4, 415a 23-b 7 et de GA II 1, 731b 23- 1.25 cf. P s.-Ocel l us 22.2-5 || 32 ντελεχC E || 33 γγυττω F
732a 1, voir Introduction, p. clxxix-clxxxiii. || 34 ε om. H || ΤοËτου τοÖτο F || α°τιον om. FH.
souvent dit 1, le déplacement circulaire, car c’est le seul dé- ε°ρηται πολλκιv, κËκλ} φορ· µ¾νη γρ συνεχv. ∆ι¿ 1 337a
placement continu. C’est pourquoi toutes les autres choses, κα τλλα Åσα µεταàλλει ε®v λληλα κατ τ πθη
qui se transforment les unes vers les autres selon leurs affec- κα τv δυνµειv, ο¶ον τ πλ σÞµατα, µιµε´ται τν
tions et leurs puissances 2, comme les corps simples, imitent κËκλ} φορν· Åταν γρ ξ Ïδατοv ρ γνηται κα ξ
le déplacement circulaire 3. Quand l’air est engendré à partir ροv πÖρ κα πλιν κ πυρ¿v Ïδωρ, κËκλ} φαµν περι- 5
de l’eau, le feu de l’air et qu’à partir du feu on a de nou- εληλυθναι τν γνεσιν δι τ¿ πλιν νακµπτειν. IΩστε κα
veau l’eau, nous disons que la génération s’est déroulée « en εÍθε´α φορ µιµουµνη τν κËκλ} συνεχv στιν. IΑµα δ
cercle » parce qu’elle est revenue à son point de départ. En
δλον κ τοËτων Å τινεv ποροÖσιν, δι τ¬ κστου τéν σωµ-
sorte que même le déplacement rectiligne, pour autant qu’il
των ε®v τν ο®κε¬αν φεροµνου χÞραν ν τô πε¬ρ} χρ¾ν}
imite le déplacement circulaire, est continu 4. Du même coup
οÍ διεστσι τ σÞµατα. Α°τιον γρ τοËτου στν πL λληλα 10
s’éclaircit ce qui pour certains constitue une aporie — la rai-
son pour laquelle, alors que chaque corps se transporte vers µετàασιv· ε® γρ καστον µενεν ν τ© αÎτοÖ χÞρ{ κα
sa région propre, les corps, au cours d’une durée infinie, µ µετàαλλεν Îπ¿ τοÖ πλησ¬ον, δη ν διεστκεσαν. Με-
ne finissent pas par se retrouver dans un état de séparation ταàλλει µν ο×ν δι τν φορν διπλν ο×σαν· δι δ τ¿
complète 5. La cause de cela, c’est leur transition réciproque. µεταàλλειν οÍκ νδχεται µνειν οÍδν αÍτéν ν οÍδεµι
Car si chacun demeurait dans sa région propre sans se trans- χÞρ{ τεταγµν|. ∆ι¾τι µν ο×ν στι γνεσιv κα φθορ κα 15
former sous l’action de son voisin, les corps se seraient déjà δι τ¬νL α®τ¬αν, κα τ¬ τ¿ γενητ¿ν κα φθαρτ¾ν, φανερ¿ν κ
complètement séparés ; mais ils se transforment en raison τéν ε®ρηµνων.
du déplacement, qui est double 6 et, du fait même qu’ils se τéν ε®ρηµνων. LΕπε δL νγκη εµνα¬ τι ε® κ¬νησιv
transforment, aucun d’eux ne peut demeurer en quelque ré- σται, èσπερ ε°ρηται πρ¾τερον ν τροιv, κα ε® ε¬, Åτι ε
gion déterminée que ce soit. Que donc existent la génération δε´ τι εµναι, κα ε® συνεχv, ν τ¿ αÍτ¿ κα κ¬νητον κα
et la corruption, et en raison de quelle cause elles ont lieu, γνητον κα ναλλο¬ωτον, κα ε® πλε¬ουv α¯ ν κËκλ} 20
et quels êtres y sont sujets, c’est clair d’après ce qui a été dit. κινσειv, πλε¬ουv µν, πσαv δ πωv εµναι ταËταv
La continuité de la Mais d’autre part 7, — premiè-
génération s’explique rement, comme on l’a déjà 337a 1 : α®τ¬α H || 2 κατ τ : κα τ V κατ W || 3 ο¶ον
par la continuité du dit ailleurs 8, il est nécessaire κα τ W || 4 γρ del. J 2 || 5 πυρ¿v ELMW : τοÖ πυρ¿v FHJ 1V ||
qu’il y ait quelque chose s’il 7 εÍθεEα τοËτων φορ L || 10 διιστAσι W || τ σÞµατα ELMWFH :
premier mû plus que
doit y avoir du mouvement ; τ σËνθετα σÞµατα J 1V || πL EM : ε®v FHJVLW || 11 µεινεν FH
par celle du mouvement. || αÎτοÖ J : αÍτοÖ ELMWFHV || 12 µετàαλεν WH || δη : πλαι
si le mouvement est éternel,
W || διειστκεσαν H || 13 µν s. l. add. M || φθορν E || δ om.
quelque chose d’éternel ; si le mouvement est continu,
J 1 || 15 ∆ι¾τι : Åτι H || 16 α®τ¬αν FHJ 1VW H . unayn Philop. :
l
quelque chose d’un, d’identique, d’immobile 9, d’inengendré α°τιαν ε°ρηται E 1LM || τ¬ om. V || γενητ¿ν : γεννητικ¿ν VW ||
et d’inaltérable ; et si les mouvements circulaires sont mul- φθαρτ¾ν : φθαρτικ¾ν W || 17, 21, 22, et infra 337b 13, 14, 16, 17,
tiples, il faut certes qu’ils soient multiples, mais que tous 19, 20, 21, 22, 24, 26, 28, 31, 32, 34, 35, 338a 2, 3, 4, 5 νγκη,
ces mouvements se rangent sous un seul principe ; — se- νγκηv : ναγκαEον, ναγκα¬ου H || 17 τι E 1J 1V : τι κινοÖν FWJ 2
l+c
condement, le temps étant continu, il est nécessaire que le H. unayn Philop. τι τ¿ κινοÖν LMH || ε® : W || 18 ν : κα ν
H || ε® om. E || 18-19 ε δεE τι : δεE τι ε F ε¬ τι δεE H || 19
συνεχv E || 20 γννητον FL || α¯ ν MFJ : εµεν α¯ HLVW εµεν E 1
1-9. Voir Notes complémentaires, p. 176-178. || 21 ταËταv ELMW Philop. l : ταËταv νγκη FHJ 1V.
mouvement soit continu, si du moins il est impossible que Îπ¿ µ¬αν ρχν· συνεχοÖv δL Ãντοv τοÖ χρ¾νου νγκη τν
le temps soit séparé du mouvement. C’est donc bien d’un κ¬νησιν συνεχ εµναι, ε°περ δËνατον χρ¾νον νευ κινσεωv
certain mouvement continu que le temps est nombre, du εµναι· συνεχοÖv ρα τιν¿v ριθµ¿v Á χρ¾νοv, τv κËκλ} ρα,
mouvement circulaire donc, comme cela a été distingué dans καθπερ ν το´v ν ρχ© λ¾γοιv διωρ¬σθη. Συνεχv δL κ¬- 25
les développements initiaux 1 ; — mais le mouvement est-il νησιv π¾τερον τô τ¿ κινο˵ενον συνεχv εµναι τ¿ ν ö
continu par le fait que le mû serait continu ou par le fait que κινε´ται, ο¶ον τ¿ν τ¾πον λγω τ¿ πθοv ; δλον δ Åτι τô
ce où le mouvement a lieu serait continu, par exemple le τ¿ κινο˵ενον (πév γρ τ¿ πθοv συνεχv λλL τô τ¿
lieu ou l’affection ? il est clair que c’est parce que le mû est
πργµα ö συµààηκε συνεχv εµναι ; ε® δ κα τô <τ¿> ν ö,
continu — car comment l’affection serait-elle continue si ce
µ¾ν} τοÖτο τô τ¾π} Îπρχει· µγεθοv γρ τι χει), τοËτου 30
n’est par le fait que l’objet qu’elle affecte est continu ? mais
δ τ¿ κËκλ} µ¾νον συνεχv, èστε αÍτ¿ αÎτô συνεχv.
même si c’est par ce où le mouvement a lieu, cela appartient
au seul lieu, car il a une certaine grandeur ; — mais au sein ΤοÖτο ρα στν Ä ποιε´ συνεχ κ¬νησιν, τ¿ κËκλ} σéµα
du mû, seul ce qui est mû en cercle est continu, en sorte φερ¾µενον· δ κ¬νησιv τ¿ν χρ¾νον.
d’être soi-même continu à soi-même ; — il suit de là que
le corps mû circulairement est ce qui produit le mouvement 11. LΕπε δL ν το´v συνεχév κινουµνοιv κατ γνεσιν
continu, et ce mouvement est ce qui produit le temps. λλο¬ωσιν Åλωv µεταàολν Áρéµεν τ¿ φεξv Âν κα γι- 35
ν¾µενον τ¾δε µετ τ¾δε èστε µ διαλε¬πειν, σκεπτον π¾τε- 1 337b
<Chapitre 11> ρον στι Å τι ξ νγκηv σται, οÍδν, λλ πντα νδ-
χεται µ γενσθαι. IΟτι µν γρ νια, δλον, κα εÍθÌv τ¿
Nécessité affaiblie Or puisque nous voyons, σται κα τ¿ µλλον τερον δι τοÖτο· Ä µν γρ ληθv
des assertions de physique parmi les choses mues conti- ε®πε´ν Åτι σται, δε´ τοÖτο εµνα¬ ποτε ληθv Åτι στιν· Ä δ 5
sublunaire au futur. nûment par génération, al- νÖν ληθv ε®πε´ν Åτι µλλει, οÍδν κωλËει µ γενσθαι·
tération ou, de manière gé- µλλων γρ ν βαδ¬ζειν τιv οÍκ ν βαδ¬σειεν. IΟλωv δL,
nérale, transformation, un ordre de succession (c’est-à-dire
que ceci est engendré après cela sans qu’il n’y ait jamais
23 νευ FHJ 1VW : χωρv E 1LM || 24 Á χρ¾νοv ριθµ¿v F ||
d’interruption), il faut examiner si il y a quelque chose qui
τCv : τοEv J || 25 λ¾γοιv om. F || διÞρισται H || δL ELMF :
nécessairement sera ou s’il n’y a rien de tel, tout pouvant au δ HJ 1VW || 26 : κα F || τG τ¿ L || 27 δ : δ W || τG
contraire ne pas avoir lieu 2. Que certaines choses nécessai- om. W || 28 τ¿ sec. om. J 1V || λλL τG : πε W || 29 ö pr.
rement seront, voilà qui est clair : c’est l’explication directe s. l. add. pr. m. E || ε® : συνεχv J 2 || τG <τ¿> scripsi Philippo
du fait que sera est différent de se préparant à être 3 ; ce dont Hoffmann monente : τG ELMJV τ¿ FHW || 30 νυπρχει L ||
en effet il est vrai de dire qu’il sera, il faut qu’il soit vrai de 31 èστε ... συνεχv om. W || τ¿ αÍτ¿ F || συνεχv EL H . unayn
Philop. c ut vid. : ε συνεχv FHJ 1VM || 32 ρα : γρ W || 34
dire à un moment donné qu’il est, mais ce dont il est mainte- : κα W || 337b 2 Å τι E 1MJ 2F : τι Ä HJ 1VW || σται : στιν
nant vrai de dire qu’il se prépare à être, rien n’empêche qu’il J 1V || 3-4 τ¿ γρ σται W τ¿ Ä σται coni. Bywater apud Joachim
ne soit pas — car quelqu’un qui se prépare à se promener || 4 µλλον ELWFHJV (cf. etiam CPF I vol. 1 p. 294) : µλλειν M
µλλει coni. Joachim || 4 τερον : τερα W || 5 σται : στιν E 1J 2
|| Åτι στιν : ε®πεEν W || 6 νÖν ... Åτι om. W || 7 γρ ναàαδ¬ζειν
E 1 || οÍκ ν βαδ¬σειεν. IΟλωv δL : οÍ βαδ¬σειεν Åλωv W || βαδ¬σειεν :
1-3. Voir Notes complémentaires, p. 178-179. βαδ¬σ| F || δL : τε Philop. l.
pourrait ne pas se promener 1. Bref, puisqu’il est possible à πειδ νδχεται νια τéν Ãντων κα µ εµναι, δλον Åτι κα
certains êtres aussi bien de ne pas être, il est clair qu’il en γιν¾µενα οÏτωv ξει, κα οÍκ ξ νγκηv τοÖτL σται.
ira de même également pour ceux qui sont engendrés, leur Π¾τερον ο×ν παντα τοιαÖτα οÑ, λλL νια ναγκα´ον πλév 10
génération ne relevant pas alors de la nécessité 2. Est-ce ce- γ¬νεσθαι, κα στιν èσπερ π τοÖ εµναι τ µν δËνατα µ
pendant là le cas de tous les êtres engendrés ? Certains ne εµναι τ δ δυνατ, οÏτωv κα περ τν γνεσιν ; ο¶ον τρο-
doivent-ils pas plutôt, de façon absolument nécessaire, être πv ρα νγκη γενσθαι, κα οÍχ ο¶¾ν τε µ νδχεσθαι ;
engendrés ? Semblablement dès lors au domaine de l’être, Ε® δ τ¿ πρ¾τερον νγκη γενσθαι, ε® τ¿ Ïστερον σται, ο¶ον
où il est impossible que certaines choses ne soient pas tandis
ε® ο®κ¬α, θεµλιον, ε® δ τοÖτο, πηλ¾ν, ρL ο×ν κα ε® θεµ- 15
que c’est possible à d’autres, en ira-t-il ainsi dans celui de la
λιοv γγονεν, νγκη ο®κ¬αν γενσθαι ; οÍκτι, ε® µ κ-
génération ? Sera-t-il par exemple nécessaire que le solstice
κε´νο νγκη γενσθαι πλév ; ε® δ τοÖτο, νγκη κα θε-
soit engendré et exclu que cela soit impossible 3 ?
µελ¬ου γενοµνου γενσθαι ο®κ¬αν· οÏτω γρ ν τ¿ πρ¾τερον
La circularité comme Si maintenant il est vrai que l’an-
χον πρ¿v τ¿ Ïστερον, èστL ε® κε´νο σται, νγκη κε´νο
principe de la chaîne térieur doive nécessairement être
πρ¾τερον. Ε® το¬νυν νγκη γενσθαι τ¿ Ïστερον, κα τ¿ πρ¾- 20
des générations. engendré pour que le postérieur
τερον νγκη, κα ε® τ¿ πρ¾τερον, κα τ¿ Ïστερον το¬νυν
soit — si par exemple la maison
est, les fondations doivent être et si les fondations sont, le νγκη, λλL οÍ διL κε´νο, λλL Åτι Îπκειτο ξ νγκηv
mortier doit être — faudra-t-il inversement que si les fon- σ¾µενον. LΕν ο¶v ρα τ¿ Ïστερον νγκη εµναι, ν τοËτοιv ν-
dations ont été engendrées, la maison le soit ? 4 Ou bien τιστρφει, κα ε τοÖ προτρου γενοµνου νγκη γενσθαι
n’est-ce plus le cas, à moins qu’il n’y ait là aussi une né- τ¿ Ïστερον. Ε® µν ο×ν ε®v πειρον εµσιν π τ¿ κτω, οÍκ σται 25
cessité absolue de génération ? 5 Dans ce dernier cas, il est νγκη τéν Ïστερον τ¾δε γενσθαι πλév, λλL ξ Îπο-
nécessaire que si les fondations sont engendrées, la maison θσεωv· ε γρ τερον µπροσθεν νγκη σται, διL Ä
soit engendrée. C’est en effet là, par définition, la relation
de l’antérieur au postérieur : si celui-ci est, celui-là doit être 8 πειδ FJ 1V Philop. l : πε ELMWH || κα µ εµναι : κα
antérieurement. Dès lors, s’il est nécessaire que soit le pos- εµναι κα µ εµναι V || 9 γιν¾µενα EJ 2F : τ γιν¾µενα HJ 1VLMW
térieur, il est également nécessaire que soit l’antérieur, et || 10 ο×ν : δ F || τοιαÖτα : ταÖτα F || 11 γ¬νεσθαι ELW :
si l’antérieur est, le postérieur aussi, dès lors, est nécessai- γενσθαι FHJ 1VM || δËνατον W || 12 δυνατ¾ν FW || τν γνεσιν
ELMWFH : γνεσιν J 1V || 13 ρα : ρα coni. Bonitz || ο¶¾ν τε
rement — nécessité causée non point par l’antérieur, mais εµναι W || νδχεσθαι : γενσθαι W || 14 δ : δ H || 15 ο®κ¬α :
parce qu’il a été supposé que le postérieur serait nécessai- ο®κ¬αν LW ο¬κ¬α M || κα om. J 2W || 16 ο®κ¬αν LMW : ο®κ¬α E
rement. Ainsi, dans les choses où il est nécessaire que le κα ο®κ¬αν FHJ 1V || οÍκτι : οÍκ στιν F 1 || 17 πλFv ; ε® δ τοÖτο :
postérieur soit, il y a réciprocité et toujours, si l’antérieur πλFv δ τοÖτο W || 18 γενσθαι om. W || ο®κε¬αν E || γρ ν
a été engendré, il est nécessaire que le postérieur soit en- ν F || 19 èστL : äv H || στιν FJ 1 || κεEνο : κκεEνο W || 20
πρ¾τερον EMWV Philop. l : πρ¾τερον γενσθαι FHJL || 21 νγκη,
gendré 6. Si donc on va à l’infini vers le bas 7, il ne sera pas κα ε® τ¿ πρ¾τερον LMWHV H l+c
: νγκη F 1E 1J 1
. unayn Philop.
nécessaire absolument, mais hypothétiquement, que tel ou fort. recte || 21-22 κα τ¿ ... νγκη : νγκη κα τ¿ Ïστερον W ||
tel postérieur soit engendré : toujours en effet il sera néces- 24 κα : èστε W || ε del. J 2 || γεναµνου W || 25 τ¿ Ïστερον :
saire qu’il y ait avant ce terme postérieur quelque autre chose κα τ¿ Ïστερον V || τω κτω E || 26 τFν E 1MLJ Alexander :
τ¿ FHVW || τ¾δε consens. codd. Alexander (Quaest. II 22) :
τοδ Philop. l Joachim || λλL EWF 1J 1 Alexander : λλL οÍδL LHV
1-7. Voir Notes complémentaires, p. 179-180. Philop. c λλL οÍκ M || 27 νγκη : ξ νγκηv W || διL Ä : δι¿ κα
FJ 1 διL Ä κα V δι¿ M.
qui rende sa génération nécessaire ; de sorte que s’il est vrai κε´νο νγκη γενσθαι. IΩστL ε® µ στιν ρχ τοÖ πε¬ρου,
que l’infini n’a pas de principe, il n’y aura non plus nul pre- οÍδ πρéτον σται οÍδν διL Ä ναγκα´ον σται γενσθαι. LΑλλ
mier terme qui rendra la génération de ce terme postérieur µν οÍδL ν το´v πραv χουσι τοÖτL σται ε®πε´ν ληθév, 30
nécessaire. Åτι πλév νγκη γενσθαι, ο¶ον ο®κ¬αν, Åταν θεµλιοv γνη-
Même dans les séries bornées, il sera toutefois impossible ται· Åταν γρ γνηται, ε® µ ε τοÖτο νγκη γ¬νεσθαι,
de dire véridiquement qu’une génération soit absolument né- συµàσεται ε εµναι νδεχ¾µενον µ ε εµναι. LΑλλ
cessaire — une maison par exemple quand les fondations ont δε´ τ© γενσει ε εµναι, ε® ξ νγκηv αÍτοÖ στιν γνε-
été engendrées 1. Car quand a lieu la génération, s’il n’est pas
σιv· τ¿ γρ ξ νγκηv κα ε µα· Ä γρ εµναι νγκη 35
toujours nécessaire que tel objet soit engendré, il se produira
οÍχ ο¶¾ν τε µ εµναι· èστL ε® στιν ξ νγκηv, ¬δι¾ν στι, 1 338a
qu’il soit toujours bien qu’il détienne la possibilité de ne pas
κα ε® ¬διον, ξ νγκηv. Κα ε® γνεσιv το¬νυν ξ -
être toujours 2. Mais la chose doit être toujours par génération
si sa génération est nécessaire, puisque nécessaire et toujours νγκηv, ¬διοv γνεσιv τοËτου, κα ε® ¬διοv, ξ νγκηv.
vont de pair, ce qui est nécessairement ne pouvant pas ne Ε® ρα τιν¿v ξ νγκηv πλév γνεσιv, νγκη νακυ-
pas être. Ainsi, si une chose est nécessairement, elle est éter- κλε´ν κα νακµπτειν. LΑνγκη γρ τοι πραv χειν τν 5
nelle, et si elle est éternelle, elle est nécessairement ; si donc γνεσιν µ, κα ε® µ, ε®v εÍθÌ κËκλ}. ΤοËτων δL
la génération est nécessaire, la génération sera éternelle, et ε°περ σται ¬διοv, οÍκ ε®v εÍθÌ ο¶¾ν τε δι τ¿ µηδαµév εµ-
si elle est éternelle, elle est nécessaire. Si par conséquent la ναι ρχν, µτL ν κτω π τéν σοµνων λαµàανο-
génération de quelque chose est absolument nécessaire, il µνων, µτL ν νω π τéν γενοµνων· νγκη δL εµναι ρ-
est nécessaire qu’on ait une boucle qui revienne au point de χν· µτε πεπερασµνηv οÑσηv, ¬διον εµναι· δι¿ νγκη 10
départ 3. Car il est nécessaire ou que la génération ait une κËκλ} εµναι. LΑντιστρφειν ρα νγκη σται, ο¶ον ε® τοδ ξ
borne ou qu’elle n’en ait pas, et si elle n’en a pas, qu’elle νγκηv, κα τ¿ πρ¾τερον ρα· λλ µν ε® τοÖτο, κα τ¿
soit ou rectiligne ou circulaire. Mais de cette alternative, si
la génération doit être éternelle, il faut exclure la possibilité 28 κεEνο om. M || 29 πρFτον : πρ¾τερον W || διL Ä : δι¿ FJM
d’une génération rectiligne, du fait qu’il n’y aurait d’aucune || 30 στιν FV || ε®πεEν : µ W || 31 ο®κ¬αν, Åταν θεµλιοv γνηται
manière un principe, ni de choses prises — en bas — du côté FHJVL H 1
. unayn : ο®κ¬αν E MW || 32 νγκη ε γ¬νεσθαι τοÖτο F
des futurs ni — en haut — du côté des passés 4. Mais il est ε τοÖτο γενσθαι νγκη W || 33 τ¿ νδεχ¾µενον H || µ ε : ε
nécessaire qu’il y ait un principe et, la génération n’étant pas µ F || LΑλλ ... 34 εµναι om. E 1 || 34 αÍτοÖ στιν ELMW : στν
bornée, qu’il soit éternel 5 — c’est la raison pour laquelle il αÍτοÖ FHJV || 338a 2 κα ε® γνεσιv το¬νυν om. E spatio relicto
|| 3 : κα H || ε® om. E || 4 Ε® ρα τιν¿v ξ νγκηv om. W ||
doit être circulaire 6. Il sera par conséquent nécessaire qu’il 4-5 νακυκλεEν ELMW Philop. l : περικυκλεEν HJ 1V περι νακυκλεEν
y ait réciprocité et, si telle chose se produit nécessairement, F || 5 τοι : ε° τι W || 6 ε® µ, E 1LM H. unayn : ε® µ FJW HV ||
donc le terme antérieur aussi, mais si c’est le cas, il est né- 7 σται om. W || 8 ν om. W || κτω E 1 Alexander H . unayn ut
vid. : κτω äv FHJVLMW || λαµàανοµνων EWFHJ : λαµàνοµεν
LM om. V || 9 ν νω Alexander : νω consens. codd. || νω
E 1 Alexander H . unayn ut vid. : νω äv FHJVLMW || γενοµνων
FHJLM : γεινοµνων E γιγνοµνων W γινοµνων HV Alexander fort.
1. Ce n’est pas l’infini des chaînes causales qui est cause recte || 9-10 ρχ E 1 || 10 µτε : µ L || πεπεραv οÑσηv E 1 ||
de l’absence de nécessité, mais bien la structure ontologique ¼διον E 1MJ 1 : κα ¼διον FHLW et V s. l. Philop. l || 11 ντιστρφει
du sensible. J || τοδ LMWFHJ 1V : τ¿ EJ 2 || 12 κα τ¿ πρ¾τερον ELMW : εµναι
2-6. Voir Notes complémentaires, p. 180-181. κα τ¿ πρ¾τερον FHJ 1V || ρα om. J 1 || τ¿ sec. om. E 1.
cessaire également que le terme postérieur se produise 1. Et Ïστερον νγκη γενσθαι. Κα τοÖτο ε δ συνεχév· οÍδν
ce processus éternel sera bien continu — nulle différence γρ διαφρει λγειν δι δËο πολλéν. LΕν τ© κËκλ}
entre dire que cette conversion met en jeu deux termes in- ρα κινσει κα γενσει στ τ¿ ξ νγκηv πλév· κα 15
termédiaires ou une pluralité 2. C’est par conséquent dans le ε°τε κËκλ}, νγκη καστον γ¬νεσθαι κα γεγονναι, κα ε®
mouvement et la génération circulaires que réside la néces- νγκη, τοËτων γνεσιv κËκλ}. ΤαÖτα µν δ εÍλ¾γωv,
sité absolue. Et si c’est en cercle, il est nécessaire que chaque πε ¬διοv κα λλωv φνη κËκλ} κ¬νησιv κα τοÖ
chose vienne et soit venue à l’être, et si c’est nécessaire, c’est οÍρανοÖ, Åτι ταÖτα ξ νγκηv γ¬νεται κα σται, Åσαι ταË-
en cercle. Et tout cela est bel et bien conforme à la raison,
τηv κινσειv κα Åσαι δι ταËτην· ε® γρ τ¿ κËκλ} κινοË- 1 338b
puisque sur d’autres bases aussi bien 3, le mouvement circu-
µενον ε¬ τι κινε´, νγκη κα τοËτων κËκλ} εµναι τν κ¬-
laire, c’est-à-dire celui du ciel, nous était clairement apparu
νησιν, ο¶ον τv νω φορv οÑσηv Á λιοv κËκλ} äδ¬, πε
comme éternel, du fait que c’est par nécessité que ces choses
viennent à l’être et seront, c’est-à-dire tous les mouvements δL οÏτωv, α¯ ëραι δι τοÖτο κËκλ} γ¬νονται κα νακµ-
relevant du mouvement circulaire et causés par lui 4. Si de πτουσιν, τοËτων δL οÏτω γινοµνων πλιν τ Îπ¿ τοËτων. Τ¬ 5
fait ce qui est mû en cercle meut toujours quelque chose, πτουσιν, τοËτων δL οÏτω γινοµνων πλιν τ Îπ¿ τοËτων. Τ¬
il est nécessaire que le mouvement de ces choses également ο×ν δ ποτε τ µν οÏτω φα¬νεται, ο¶ον Ïδατα κα ρ κË-
soit circulaire — par exemple, le déplacement du haut se pro- κλ} γιν¾µενα, κα ε® µν νφοv σται, δε´ Øσαι, κα ε®
duisant en cercle, le soleil se meut de la façon qu’on voit, et Ïσει γε, δε´ κα νφοv εµναι, νθρωποι δ κα ζôα οÍκ να-
puisqu’il en va ainsi, les saisons sont engendrées en cercle et κµπτουσιν ε®v αÎτοÌv èστε πλιν γ¬νεσθαι τ¿ν αÍτ¾ν ; ΟÍ
retournent à leur point de départ, et celles-ci se comportant γρ νγκη, ε® Á πατρ γνετο, σ γενσθαι· λλL ε® σË, 10
ainsi, à leur tour les choses qui en dépendent 5. κε´νον· ε®v εÍθÌ δ οικεν εµναι αÏτη γνεσιv. LΑρχ δ
La nécessité de la Mais pourquoi donc, alors que cer- τv σκψεωv πλιν αÏτη, π¾τερον Áµο¬ωv παντα να-
génération se taines choses nous apparaissent κµπτει οÑ, λλ τ µν ριθµô τ δ ε°δει µ¾νον.
cantonne au niveau ainsi (la pluie et l’air nous appa-
raissent engendrées en cercle ; à
de l’espèce. 13 δ ELMW Philop. l : δη FHJV || οÍδν : οÍδ E || 14
savoir, si un nuage est, il doit pleu- γρ om. E 1 || διαφρει E 1 Philop. l+c : τοÖτο διαφρει FHJVLMW
voir, et s’il pleut, il doit y avoir un nuage), les hommes en || πολλFν consens. codd. H . unayn : πλει¾νων Philop.
l+c
|| 15
revanche et les animaux ne reviennent-ils pas à leur être ini- στ : σται W || 16 καστον om. F || γ¬νεσθαι ELMWF H . unayn
tial au point de redevenir identique à eux-mêmes ? Car il Philop. l : γενσθαι HJ 1V || 18 πε : πε δL M || φνη κα λλωv
n’est pas nécessaire, si ton père a été engendré, que toi tu F || κα del. E 2 || 19 ταÖτα : ταËταv H || 338b 1 τ¿ ELMW :
le sois, mais si toi, lui et ce type de génération semble avoir τι F 1HJ 1V τ¾ τι F 2 || 2 τι om. W || εµναι κËκλ} W || 3 ο¶ον om.
W || οÑσηv v ut vid. J 2 || κËκλ} Á λιοv F Bonitz || äδ¬ om. E 1
lieu en ligne droite 6. Le principe de cette recherche, c’est de || πε ... 4-5 νακµπτουσιν om. F 1 || 4 οÏτωv : οØτοv J 1V οØτοv
se demander encore une fois si c’est de la même façon que οÏτωv Bonitz || α¯ om. E || 5 τοËτων ... 8-9 νακµπτουσιν add.
toutes les choses reviennent à leur point de départ ou non, in marg. pr. m. M 1 || δL om. E 1 fort. recte || πλιν τ : πντα FL
certaines revenant numériquement et d’autres seulement || 6 φα¬νονται J 1V || Ïδατα : Ïδωρ L Philop. l || 7 γιγν¾µενοv FJ 2
|| δεE Øσαι E 1LM : δεE κα Øσαι FHJ 1VW Philop. l || 8 κα νφοv
ELMWF Philop. l : νφοv HJ 1V || 9 αÎτοÌv W : αÍτοÌv ELMFHJV
αυτοÌv Philop. l || γενσθαι W || 10 Á om. E 1 || σ : µ W || ε®
1-6. Voir Notes complémentaires, p. 181. σË : σ ε® W || 11 δ pr. : δ LJ 1V || δ sec. ELMWF : δ HJ 1V.
spécifiquement 1. Ainsi, toutes les choses dont la substance IΟσων µν ο×ν φθαρτοv οÍσ¬α κινουµνη, φανερ¿ν Åτι κα
mue est incorruptible, il est clair qu’elles seront identiques ριθµô ταÍτ σται ( γρ κ¬νησιv κολουθε´ τô κινουµν}), 15
même numériquement (car le mouvement suit le mû) ; mais Åσων δ µ λλ φθαρτ, νγκη τô ε°δει, ριθµô δ
toutes celles, à rebours, dont la substance ne l’est pas mais µ νακµπτειν. ∆ι¿ Ïδωρ ξ ροv κα ρ ξ Ïδατοv ε°-
est corruptible, il est nécessaire qu’elles soient identiques δει Á αÍτ¾v, οÍκ ριθµô. Ε® δ κα ταÖτα ριθµô, λλL οÍχ
spécifiquement, mais qu’elles ne reviennent pas numérique- ëν οÍσ¬α γ¬νεται ο×σα τοιαËτη ο²α νδχεσθαι µ εµναι.
ment à leur point de départ. C’est la raison pour laquelle
l’eau qui provient de l’air et l’air qui provient de l’eau sont
spécifiquement identiques, mais non pas numériquement. Et
même si ceux-ci l’étaient numériquement, les êtres dont la
substance est engendrée ne le seraient pas, puisque cette
substance est telle qu’elle pourrait ne pas être 2.
Page 1.
1. On notera la référence à la nature (φËσιv) : non seule-
ment, comme l’ont remarqué les commentateurs, Ar. écarte les
productions de l’art du champ présent de réflexion (sur cette
distinction, cf. Phys. II 1, 192b 8-23), mais il inscrit son pro-
pos dans le double projet d’une physique des éléments et d’une
biologie générale. Les « êtres par nature engendrés et corrom-
pus » sont autant les éléments corporels que les substances
(vivantes) achevées. Cf. n. 4.
2. Le δ, répondant au µν ο×ν de la dernière phrase de DC
IV 6, 313 b 21, indique l’inscription du GC dans la série des
traités physiques aristotéliciens, à la suite du dernier livre du
Du Ciel. Sur l’unité du corpus physique aristotélicien et la struc-
ture « arborescente » du Prologue de Meteor., cf. Introduction,
p. cxliv sqq.
3. On a ici un recours pour ainsi dire « naturel » au fameux
τι κατ τινοv d’Ar., « dire quelque chose de quelque chose ». Pour
quelques autres passages, voir Bonitz, Index, 368a 34 sqq.
4. Par le mot λ¾γουv, il est probable qu’Ar. souligne, aussi
bien pour la génération (physique) en général (celle des corps
premiers) que pour celle des êtres vivants, l’importance de la
finalité : le contexte est de fait similaire à celui de PA I 1, 639b
16-19, où revient l’association des λ¾γοι et des α®τ¬αι. Aristote
souligne alors que les « raisons », dans les objets de l’art comme
dans ceux de la nature, sont essentiellement « finales ».
5. Pour la traduction de γνεσιv πλC, voir Introduction, p.
lxiv.
6. Ar. écarte dès le seuil les partisans d’un élément unique
et immobile. Il a en effet déjà démontré en Phys. I 2, 184b 25-185
a 20 qu’« examiner si l’être est un et immobile revient à ne rien
86 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 1-2) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 1-2) 87
examiner sur la nature ». Appliquant dans le GC, traité « Sur emploie souvent l’adjectif ο®κεEοv pour parler du mot propre à
la Nature », ces règles méthodologiques, Ar. n’y citera qu’une telle ou telle chose. C’est le sens du τG ο®κε¬} λ¾γ}, ν φL ν¾v de
seule fois (I 8, 25a 2), avec brièveté et violence, la thèse en la critique d’Antisthène en Metaph. ∆ 29, 1024b 33 et, plus en-
question, alors qu’il dialoguera jusqu’à la dernière page avec core, de l’opposition entre le discours « propre » à son objet et
les « physiciens » admettant la pluralité des éléments — car le discours « étranger », « logique ». C’est également ce type de
même les physiciens admettant que l’élément unique qu’il re- considérations qui explique l’idée, très courante chez Ar., d’une
connaissent est mû (cf. Phys. I 2, 184b 15-18) comme Thalès « appellation propre » des choses (cf. Bonitz, Index 499b 22-27).
(l’eau) ou Anaximène (l’air) n’ont pas, dans le GC, réellement Pour en revenir au sens d’ensemble de la phrase, il convient
voix au chapitre. Anaximandre, du fait de la confusion qu’on de se demander s’il est plus probable qu’Anaxagore n’ait pas
pourrait faire entre la matière d’Ar. et son « illimité », est plus remarqué (la rectification du ο®κεEοv permet d’exclure le sens
digne de considération. Les réfutations de II 1, II 3 et II 5 — d’ailleurs non attesté — d’« oublier » pour γνοεEν) ou n’ait
s’adressent au moins partiellement à lui. pas compris « le sens propre du mot λλοιοÖσθαι » (cf. Bonitz, In-
7. Cette conclusion résulte de deux principes définis dex 842b 17-18 : non recte intellexit propriam vocabuli λλοιοÖσθαι
ailleurs par Ar. Le premier, que le Tout n’est ni engendré ni vim). La solution est sans doute à mi-chemin (d’où, dans la
corruptible (cf. en particulier DC I 12, 281a 28-283b 22) : la traduction, le choix du français « ignorer » , qui comporte lui
question ne se pose donc pas de savoir si la substance du Tout aussi une dimension intellective — ignorer un théorème — et
peut pour les monistes avoir été, à un moment donné, engen- psychologique — ignorer un affront —) : Anaxagore ne s’est
drée, ou si elle peut, à un moment donné, se corrompre ; Ar. pas attardé sur toutes les implications des mots dont il se
se place d’emblée dans les structures de son propre univers, servait. Il a négligé de pousser son analyse philosophique et
rejetant donc tout créationisme. Le second est l’assimilation linguistique assez avant pour avoir une compréhension nette
de l’univers à une substance (Metaph. Z 2, 1028b 8-13) et par- de tout ce qu’impliquaient ses choix terminologiques. Nul ha-
tant du « Tout » à une « substance-Tout unique » qui exclut par sard si, d’entre tous les présocratiques, c’est Anaxagore que
définition l’existence d’une autre substance. vise cette critique : son admission de l’infini actuel est des
moins convertibles dans le langage de l’aristotélisme. Après
8. On peut hésiter sur le sens exact à donner au verbe cette brève apparition dans le premier chapitre, Anaxagore
γνοεEν. Il renvoie soit à un fait purement intellectuel (« non n’apparaîtra d’ailleurs plus dans la suite du GC.
intellexit » selon Bonitz, Index 6a 29-30, suivi par Joachim,
trad., lui-même repris par Tricot), soit comporte une dimen-
sion psychologique (Williams : « has forgotten », Migliori : « ha Page 2.
obliterato »). Dans le premier cas, Ar. reprocherait à Anaxagore 1. Cette mention d’Anaxagore (τ¿ γ¬νεσθαι κα π¾λλυσθαι
le caractère encore primitif de sa réflexion, tandis que dans le ταÍτ¿ν καθστηκε τG λλοιοÖσθαι) est problématique, car elle
second, il le taxerait de légèreté ou d’inconstance. Voir n. sui- s’écarte de l’énoncé transmis en Phys. I 4, 187a 30 (τ¿ γ¬νεσθαι
vante. τοι¾νδε καθστηκεν λλοιοÖσθαι). Il ne s’agit sans doute d’un frag-
9. À l’ambiguïté qu’on vient de signaler sur le sens du verbe ment d’Anaxagore ni dans un cas ni dans l’autre. Le contexte
γνοεEν (cf. n. précédente) vient s’ajouter une difficulté portant général de la Phys. (187a 26-b 7) montre qu’Ar. range cette
sur l’adjectif ο®κεEοv. Pour les traducteurs (Joachim, Tricot, Mi- thèse parmi des « lieux communs » (τν κοινν δ¾ξαν) emprun-
gliori, Williams), il fonctionne ici comme un possessif réfléchi : tés par Anaxagore aux physiciens, au même titre que les deux
Anaxagore n’a pas compris (ou : a oublié) le sens de ses propres suivantes : « toutes choses étaient ensemble » ; « l’association
paroles. Mais cet usage ne paraît attesté ni chez Ar. ni ailleurs et la dissociation ». On pourrait donc y voir une doctrine énon-
dans le grec classique. Cet adjectif conserve en effet toujours cée par un autre auteur (sous une forme plus proche de celle
quelque chose de son sens premier (« être chez soi », d’où « être que cite Ar. ?) et adoptée de manière diffuse par Anaxagore.
adapté », « être à sa place », « appartenir à »). Quand le grec veut Il faut en outre remarquer que l’adjectif démonstratif τοι¾σδε
exprimer l’idée de « son, sa propre ... », il se sert tout simple- n’apparaît qu’une seule fois, chez Empédocle, dans l’index
ment du réfléchi (τ¿ αυτοÖ, αυτCv ...). Plus décisif encore : Ar. des Vorsokratiker (fr. 75, v. 2 ; cf. D.-K. III, 432a 22-26 ; les
88 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 2) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 2) 89
trois autres occurrences sont faibles) et jamais absolument, atomes. Le αÍτ (l. 23) est un renforcement du réfléchi πρ¿v αÎτ
de manière quasi pronominale, comme en Phys. La situation (cf. K.-G. II 1, p. 574 : « Zur Verstärkung des Gegensatzes wird
est à peine différente avec la mention du ν ÁµοÖ πντα : bisweilen auch αÍτ¾v hinzugefügt ») et non un sujet grammati-
même si Anaxagore a mis cette sentence en tête de sa Phy- cal plein d’une nouvelle proposition infinitive. Malgré Joachim
sique, il n’a fait là que reconnaître sa dépendance à l’égard et la majorité des manuscrits, il ne fait aucun doute, au vu des
de la vulgate où il s’insère (cf. 187b 1-2 : δι¾ φασι πAν ν παντ exemples rassemblés par K.-G., ibid., que le second αÎτ reçoit
µεµEχθαι, δι¾τι πAν κ παντ¿v Þρων γιγν¾µενον). Aussi l’énoncé un esprit rude.
de la Phys. (τ¿ γ¬νεσθαι τοι¾νδε καθστηκεν λλοιοÖσθαι) peut-il 5. Résumé volontairement « doxographique » (voir aussi in-
être interprété comme une citation d’un physicien antérieur fra, I 2, 15b 33-16a 1) : Ar. emploie la même terminologie
à Anaxagore restant à déterminer (Porphyre, ap. Simplicius, figée en Phys. I 5, 23-24 et, de manière plus développée, en
In Phys. 163,16-18, songeait, sans doute assez arbitrairement, Metaph. A 4, 985b 13-19. On comparera également le fragment
à Anaximène), comme un écho d’un passage où Anaxagore as- du traité Sur Démocrite (Simplicius, In de caelo 294.23-295.26,
similait d’une manière ou d’une autre devenir et devenir-autre cf. Aristotelis fragmenta selecta recognovit brevique adnotatione
ou, à la rigueur, comme un pastiche aristotélicien du style instruxit W. D. Ross, Oxford, p. 143-144). Pour une présenta-
vieux-physicien. On remarquera, en confirmation qu’il ne s’agit tion générale de l’atomisme démocritéen, cf. C. C. W. Taylor,
pas d’une citation d’Anaxagore, que Simplicius, qui a le texte de The Atomists : Leucippus and Democritus [= Phoenix. Supplementary
celui-ci sous les yeux, n’y retrouve manifestement pas la phrase Volume 36], Toronto, 1999, p. 160-195. Contrairement à une er-
(cf. In Phys., 163,9-28) — pas plus d’ailleurs qu’Alexandre avant reur commise dès l’Antiquité par certains doxographes, le fait
lui ni, évidemment, que Porphyre. On pourrait enfin se de- que les atomes de Démocrite aient eu une infinité de formes
mander si le mot τοι¾νδε n’a pas été rajouté en Phys. par un ne les empêchait pas d’êtres tous extrêmement petits. Toutes
demi-habile au fait des classifications scolaires d’Ar. (cf. GC I leurs variations prenaient place bien en-deçà du seuil de notre
3, 19a 12 : τ µν γρ τ¾δε τι σηµα¬νει, τ δ τοι¾νδε, τ δ ποσ¾ν). perception.
Le « devenir-tel », pour Ar., est bien un « s’altérer » ! Mais on
pourrait rétorquer que le mot, authentique, prêtait à confusion 6. Encore le cadastre doxographique. Ar. reprend ici, en
dans un contexte aristotélicien. Pour éviter tout brouillage in- l’abrégeant légèrement, un passage plus ancien de DC III 3,
utile, et au fait que τοι¾νδε avait une portée plus générale chez 302a 28-b 5. Philopon note que l’opposition entre Empédocle et
le modèle (idéal ou réel) d’Anaxagore que chez lui, Ar. aurait Anaxagore ne réside pas dans la façon dont ils conçoivent l’un
éradiqué, dans le GC, tout risque de confusion. Simples hypo- et l’autre le rapport de l’« élément » au « composé », mais dans
thèses. leur choix de ce qui est « élément » et de ce qui est « composé ».
C’est vrai si l’on interprète aristotéliciennement Anaxagore.
2. L’Amour et la Discorde, sur lesquels Ar. reviendra ample- C’est pour le moins maladroit dans le cadre intuitionniste de
ment au cours du traité. Même si, comme le remarque Joachim, ce dernier, où l’on n’est précisément pas forcé de choisir entre
p. 231, ces deux principes sont parfois évoqués en des termes le « simple » et le « composé ».
corporels (cf. fr. 17, v. 19-20 : τλαντον, « de poids égal », °ση
µCκ¾v τε πλτοv τε, « égal en longueur et largeur »), ils n’ont rien 7. Le sujet dont πανσπερµ¬αν est l’attribut est les quatre
de corporel (σωµατικ¾ν) au sens des quatre éléments. corps cités l. 29, tandis que le τοËτων reprend le ταÖτα, dé-
signant les homéomères, de la l. 28 : « les quatre corps sont
3. Ar. définit élégamment ce que nous appelons aujourd’hui une panspermie des homéomères ». Le terme πανσπερµ¬α est as-
« mélange parfait » : la composition chimique de chaque par- sez mystérieux. Se fondant sur deux occurrences du corpus
celle du corps considéré est exactement la même que celle de d’Ar. (Phys. III 4, 203a 19-b 2 et DA I 2, 403b 31-404a 9), les
toute autre parcelle et que celle du corps dans son ensemble. historiens, à la suite de Trendelenburg entériné par Bonitz,
La « synonymie » a ici son sens de Cat. 1. Index 560b 27-34, y voient une expression technique démo-
4. Il faut comprendre que ταÖτα δL ... µορφv (ll. 22-23) est critéenne. Cela n’emporte pas la conviction. Il paraît plus
une incise et que le sujet de διαφρειν est à nouveau τλλα (l. 21- vraisemblable qu’en se fondant sur un précédent platonicien
22), « les autres corps » (i.e. les corps composés) et non plus les (Timée, 73c) Aristote recoure à πανσπερµ¬α quand il veut expri-
90 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 2-3) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 2-3) 91
mer l’idée péjorative d’une confusion séminale primordiale. théorie réduisant la génération à l’association. Sans rien concé-
D’ailleurs, en GA IV 3, 769a 28-29 (cf. aussi b 2), la théorie der aux longueurs de l’exposé doxographique pur, Ar. pose donc
que la semence soit une réserve germinale universelle est non en fait ici un premier jalon de sa théorie des éléments.
seulement prêtée à des auteurs anonymes (Ε®σ γρ τινεv ο² φασι
τν γονν µ¬αν ο×σαν ο¶ον πανσπερµ¬αν εµνα¬ τινα πολλFν) mais même
opposée à la doctrine embryologique de Démocrite. C’est donc Page 3.
sans doute qu’Ar. (dans les passages non biologiques) et Pla- 1. Fr. 8. Les points de suspension sont nécessaires au moins
ton accusent Démocrite et Anaxagore de tout faire naître d’une parce que le premier vers cité est incomplet (manque la brève
mixture indécise, se servant pour la désigner (et la déprécier) finale du cinquième pied et le sixième pied). Ce fragment nous
d’un terme originellement forgé par certains naturalistes (Alc- est transmis par six sources antiques, sous des formes légère-
méon ?) pour rendre compte de la ressemblance aléatoire du ment divergentes. Les voici :
rejeton à tel ou tel de ses ancêtres. Dans un cas (Démocrite),
cette réserve n’est pas un objet, puisque elle désigne l’ensemble — I. Aristote, GC I 1, 314b 7-8 :
de tous les atomes éparpillés (ou alors, un scattered object au ... φËσιv οÍδεν¿v στιν ...
sens de Quine, cf. Word and Object, Cambridge, Mass., 1960, p. λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων.
98-99) ; dans l’autre (Anaxagore), cette réserve est contenue — II. Aristote, GC II 6, 333b 13-16 :
dans des objets, puisqu’Anaxagore suppose qu’elle est sous- τοÖτο δL στν οÍσ¬α κστου, λλL οÍ µ¾νον
jacente à chaque corps que nous voyons (cf. fr. 4 et 12 — qu’il µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων,
s’agisse seulement des quatre « éléments » est fort douteux : Ar. èσπερ κεEν¾v φησιν. τËχη
simplifie pour les besoins de son opposition). Elle peut donc δL π τοEv Àνοµζεται,
donner l’impression d’être ces objets. Mais il n’y a là qu’une λλL οÍ λ¾γοv. στι γρ µιχθCναι äv τυχεν.
illusion de la prédication : elle est ce que ces objets, en quelque — III. Aristote, Metaph. ∆ 4, 1015a 1-3 :
sorte, recouvrent. Notons qu’au πανσπερµ¬αν τοËτων du GC corres- ... φËσιv οÍδεν¿v στιν ¾ντων
pond le µ¬γµατα τοËτων κα τFν λλων σπερµτων πντων de DC III λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων
4, 303a 16. Cela indique bien que la réserve séminale est moins στι, φËσιv δL π τοEv Àνοµζεται νθρÞποισι.
les quatre éléments en tant que tels que tous les « germes » qui — IV. [Aristote], De Melisso Xenophane Gorgia 2, 975b 6-8 :
leur sont sous-jacents. λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων
στι, φËσιv δL π τοEv Àνοµζεται νθρÞποισι.
8. L’usage d’appeler « genres » (γνη) les quatre éléments — V. Plutarque, Adversus Colotem 1111F :
corporels semble remonter au moins à Platon. Cf. Timée, 54b. λλο δ τοι ρω· φËσιv οÍδεν¿v στιν κστου
9. On attendrait plutôt, avec la paraphrase d’Alexandre cité θνητFν, οÍδ τιv οÍλοµνη θαντοιο γενθλη·
par Philopon, In GC 15,6 et un groupe de manuscrits (cf. Über- λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων
lieferungsgeschichte, p. 165), « que la génération est différente στι, φËσιv δL π τοEv Àνοµζεται νθρÞποισι.
de l’altération ». Mais l’idée reste claire. — VI. Aetius, Placita I 30, 1 (326,14-21 Diels) :
λλο δ τοι ρω· φËσιv οÍδεν¿v στιν πντων
10. Ar. veut dire deux choses : d’une part ce qu’il a déjà
θνητFν, οÍδ τιv οÍλοµνη θαντοιο τελευτ·
énoncé plus haut, que les partisans de la multiplicité des
λλ µ¾νον µ¬ξιv τε διλλαξ¬v τε µιγντων
éléments doivent faire la différence entre les concepts de gé-
στι, φËσιv δ βροτοEv Àνοµζεται νθρÞποισι.
nération et d’altération ; d’autre part, qu’ils doivent d’autant
mieux la faire que pour eux, la génération revient à l’associa- On remarque que si les deux derniers vers ne posent pas
tion et la corruption à la dissociation (ce que la phrase suivante de difficultés, il n’en va pas de même pour les deux premiers.
illustrera avec la citation d’Empédocle). Mais pourquoi cette Le second est omis à deux reprises par Aristote. S’agit-il d’une
seconde précision ? Parce que le système qu’Ar. construit dans habitude, d’une version différente, ou d’un autre passage du
le GC, comme la fin du présent chapitre va le montrer, sépare poème ? On ne saurait trancher, même si la première éventua-
beaucoup moins nettement la génération de l’altération qu’une lité est a priori la plus simple. Et quel sens faut-il attribuer à
92 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 3) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 3) 93
la φËσιv du v. 1 ? Ar. semble l’interpréter en II et III comme rer, il y a une différence qui est la plus grande et que j’appelle
un principe définitionnel univoque, pour prêter à Empédocle contrariété »). Mais il est clair qu’elle ne saurait être déduite
la thèse qu’il ne s’agit là que d’une apparence, la réalité étant des vers d’Empédocle (« vois le soleil blanc et chaud, etc. »).
en proie à un flux continuel d’interpénétration et de dissocia- Car la différence spécifique, qui est une, ne scinde pas le réel
tion. La suppression, ou l’omission, du deuxième vers facilite n’importe où (cf. en part. Metaph. Z 12, 1038a 25-28 : « si une
bien entendu cette lecture, puisque la φËσιv n’est plus alors op- différence naît d’une différence, la différence spécifique ultime
posée directement à la mort, θνατοv (notons à ce propos que sera une et la substance ; mais si la différence naît selon l’ac-
l’oxymore θαντοιο γενθλη, chez Plutarque, paraît préférable au cident et que par exemple on divise le pédestre en blanc et en
θαντοιο τελευτ d’Aetius, plus plat). Mais il ne faudrait pas noir, il y aura autant de différences que de coupures »). Peut-on
postuler de rapport trop brutal de cause à effet : en I, tout objecter que pour Empédocle, contrairement à Ar., le « blanc »
en omettant à nouveau le v. 2, Ar. semble interpréter la φËσιv et le « chaud » du soleil peuvent n’être que des « coupures »
comme une venue à l’être, γνεσιv. Son interprétation d’Em- et non des différences définissant une substance unique ? Du
pédocle — en cela différente de celle de Plutarque (reprenant point de vue d’Ar., non, car à supposer même que la différence
celle de Colotès), pour qui Empédocle se borne à souligner que essentielle du feu (le soleil) ne réside pas dans le chaud, il y
la naissance et la mort n’existent pas — serait toutefois non aura bien quelque autre affection qui définira ce corps. Or qui
pas qu’il n’y a pas de naissance du tout, mais qu’il n’y en a dit affection dit altération.
que par dissociation et agglomération de particules. L’impré- 7. Fr. 21, vv. 3 et 5. Parce que les vers sont cités à la suite
cision relative d’Ar. vient de ce que pour lui, les deux accents directe l’un de l’autre également par Plutarque, Wilamowitz a
(sur les modalités du processus, comme en I, ou sur son abou- supposé que le v. 4 qui les sépare chez Simplicius se trouvait
tissement, comme en II et III) révèlent le même échec : une originellement après le v. 5. Cf. D.-K., t. I, p. 319, appar. cr. ad
incapacité à concevoir le principe formel des êtres naturels. loc.
4. Cf. Introduction, p. xli-xlii. 8. Pour l’attestation antique et médiévale des deux va-
5. Ar. va maintenant, dans les trois paragraphes suivants, riantes Åρα et ÁρAν, cf. Überlieferungsgeschichte, p. 347-348.
développer trois critiques d’Empédocle, toutes centrées sur la Contrairement à ce que j’avais avancé alors, l’accord apparent
notion de différence. Empédocle se verra trois fois reprocher de entre la traduction arabe et la famille b ne me semble plus
n’avoir pas respecté les implications de cette notion aristotéli- un motif suffisant pour dénier la valeur hyparchétypale des
cienne. De même qu’un peu plus haut (cf. p. 1, n. 7), Ar. situait manuscrits EL. Il est possible que nous ayons affaire à une in-
d’emblée ses prédécesseurs dans son propre univers non créa- terprétation ou à un contresens de H . unayn, qui aurait retrouvé
tioniste, il impose ici à Empédocle un respect des règles de l’idée explétive du ÁρAν de la famille b. Voir infra, p. 94, n. 10.
sa théorie de la matière. Mais Ar. n’est pas en train d’aligner 9. « Blanc », λευκ¾ν, est la leçon unanime de tous les ma-
les contresens sur la philosophie d’Empédocle ; il dit plutôt nuscrits d’Ar. On trouve « éclatant », λαµπρ¾ν, chez Simplicius,
qu’avec les postulats aristotéliciens qui sont les siens — et qui qui en outre permute la position des deux épithètes (θερµ¿ν...
sont les plus « conformes à la raison », il ne peut suivre sans κα λαµπρ¿ν), ainsi que chez Plutarque et chez Galien. À sup-
absurdité le raisonnement de son prédécesseur. poser qu’il n’y ait eu qu’une seule leçon originelle — ce que,
6. Début de la première démonstration, qui a pour but tant qu’on ignore les modalités de production, de première
de montrer que la théorie empédocléenne de la génération diffusion et d’exportation de la Sicile vers la Grèce puis vers
est en contradiction avec une donnée immédiate du sensible, Alexandrie du poème physique d’Empédocle, on se gardera
l’altération. Le noyau de la démonstration est constitué par bien d’affirmer (cf. Überlieferungsgeschichte, p. 347-350 et n. sui-
l’équivalence posée par Ar. entre « affection » et « différence vante) — quelle fut-elle ? Sans doute λαµπρ¾ν. Non seulement
des éléments » : cette équivalence sera démontrée par Ar. dans elle est attestée par trois sources, deux à deux indépendantes,
la suite du traité, en II 2, où Ar. se placera dans le cas de « la sur quatre, mais la probabilité d’une attraction — que ce soit le
plus grande différence » (cf. Metaph. I 4, 1055a 3-5 : « puisque fait d’Ar. lui-même ou d’un très ancien éditeur — de la lettre de
les choses qui diffèrent entre elles peuvent plus ou moins diffé- la citation du GC par la réfutation qui la suit immédiatement
94 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 3) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 3) 95
(cf. 15a 10-11), où le soleil est décrit comme « blanc et chaud » Phénomènes I, v. 876, le verbe περι-δνοφω. Or on connaît déjà
(λευκ¿ν κα θερµ¾ν) est évidente. Cf. D. O’Brien, Empedocles’ Cos- d’autres cas où Aratos s’est inspiré d’Empédocle (cf. O. Prima-
mic Cycle, Cambridge, 1969, p. 185-186. vesi, « Lecteurs antiques et byzantins d’Empédocle de Zénon
à Tzétzès », dans A. Laks et C. Louguet (éd.), Qu’est-ce que la
10. Le terme grec originel est incertain. Les éditeurs, sans philosophie Présocratique, Lille, 2002, p. 183-204, p. 194-195).
se poser de questions, à la suite de la vulgate byzantine, ont Il faut donc sans doute retrancher l’adjectif δνοφ¾ειv et ajouter
opté pour la forme δνοφ¾εντα, accusatif masculin d’un hapax le verbe δνοφω aux dictionnaires grecs en usage — ou, à tout
δνοφ¾ειv. Ce choix est conforme à la branche planudéenne (Π) le moins, aux lexiques d’Empédocle. Une dernière question,
de la tradition de Plutarque, De primo frigidu 949F, qui trans- fort intéressante, est celle de l’origine historique de toutes ces
met le vers, mais non aux deux autres témoins indépendants variantes empédocléennes. Dans l’état actuel de nos connais-
de Plutarque (mss. g et X ; voir la présentation des données sances, je ne vois que deux solutions. La première serait de
stemmatiques dans Plutarchus Moralia V.3 ediderunt C. Hubert supposer que toutes ces variantes, attestées dans divers ma-
M. Pohlenz, Leipzig, 1955, p. VII-VIII) ni aux deux attestations nuscrits, auraient été apposées aléatoirement dans les marges
qu’on trouve chez Simplicius, In Phys. 33,10 et 159,17, qui lit à des exemplaires de Plutarque, Simplicius et Aristote. La se-
chaque fois δνοφοντα. Cette scission conduit Hermann Diels à conde, plus économique, serait de postuler que notre tradition
imprimer δνοφοντα dans son édition du commentaire de Sim- hellénistique dérive d’un unique manuscrit glosé. Cela expli-
plicius et δνοφ¾εντα dans les Fragmente der Vorsokratiker, t. I, p. querait les accords partiels entre les différents transmetteurs du
319, où il s’appuie sur « Arist[ote et] Plut[arque] ». Mais, sans fragment. L’autographe d’Ar. aurait comporté Åρα et δνοφοντα,
même parler de l’attribution fautive à Plutarque et non au seul corrigés en ÁρAν et δνοφ¾εντα sur la base de cet exemplaire hellé-
témoin Π, cette dernière leçon est-elle bien celle d’Ar. ? Rien nistique par le diorthote à l’origine de la famille b. Ces quatre
n’est moins sûr. Indépendamment des variations frappant le leçons se seraient réparties au gré des choix des copistes dans
début du mot (δν-, γν- ou ζ-), les deux témoins les plus anciens les membres restants de la tradition. L’existence d’un exem-
de la famille a, E et J 2, ont manifestement trouvé δνοφοντα plaire glosé, au Musée d’Alexandrie par exemple, expliquerait
et ζοφοντα, comme Simplicius (et sans doute Plutarque), dans l’abondance des variantes anciennes dans la tradition d’Empé-
leur exemplaire respectif. Il est donc fort probable qu’il s’agit là docle.
de la leçon de l’hyparchétype Ω1 (cf. Überlieferungsgeschichte, p. 11. Il peut ici s’agir des corps ou des affections.
315 sqq.). Aussi, comme pour la variante Åρα/ÁρAν, la tradition
aristotélicienne se partage-t-elle suivant deux variantes attes- 12. Ar. ajoute une conclusion supplémentaire, qu’il tire de
tées chez d’autres auteurs anciens. Dans ces conditions, quelle l’analogie entre toutes les affections (qu’elles soient ou non des
leçon choisir ? Un verbe hapax δνοφω ou un adjectif hapax différences élémentaires). Comme il serait arbitraire d’empê-
δνοφ¾ειv ? On pourrait reprocher à un verbe en -ω une connota- cher le changement du chaud au froid mais non du dur au mou,
tion transitive, qui rendrait un éventuel *δνοφ¾ω plus adapté. Ar. prête à Empédocle la cohérence de dénier toute altération
Mais les deux nuances, ici, en viennent à se confondre (le corps et le met ainsi en contradiction flagrante avec le monde des
météorologique qui assombrit la terre l’assombrit du fait qu’il apparences.
est lui-même sombre). Autre objection possible à δνοφοντα : le 13. Ar., en citant le déplacement, l’augmentation-diminu-
fait que la structure en ... τε ... τε coordonne deux formes gram- tion et l’altération, prend bien soin de ne rien dire de la
maticalement hétéroclites, un participe et un adjectif. Il n’y a génération : c’est justement parce que la matière dont il est
cependant là rien d’a priori impossible (cf. par exemple Eschyle, ici question est physiquement réelle et ne relève pas, à la dif-
Euménides, v. 238 ; je remercie Anne-Marie Chanet pour l’ob- férence de la prima materia, de l’existence logique du genre (cf.
jection et la référence). Cet argument constituerait même un supra, Introduction, p. xcii-ciii). Elle est donc substrat des déter-
indice d’authenticité : un grammairien hellénistique antérieur minations selon lesquelles s’effectuent les divers mouvements.
à Plutarque aurait aplani l’effet un peu rude d’Empédocle en La théorie d’Empédocle qui, en déniant la génération, empêche
alignant le participe sur les adjectifs « atmosphériques » en -¾ειv l’altération, perd donc l’idée même d’identité/unité corporelle.
(cf. σκοτ¾ειv, νεµ¾ειv, ψολ¾ειv). En outre, on trouve chez Aratos, L’altération, étant toujours altération de quelque chose, nous
96 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 3-5) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 3-5) 97
assure de l’existence réelle de ce quelque chose qu’elle affecte. commentaire dans « la chronologie du système d’Empédocle :
documents byzantins inédits », Aevum Antiquum 14, 2001, p.
Page 4. 235-257.
5. Le groupe πÖρ ... Ãντα est un accusatif absolu. Cf. K.-G. II
1. Ar. ajoute qu’il y a non seulement implication de l’altéra- 2, p. 89-90.
tion à l’unité du substrat mais aussi équivalence entre les deux
thèmes : il se garde ainsi de qui lui reprocherait que même si 6. Selon Empédocle, des phases cosmiques d’unité et de
l’altération implique l’unité du substrat, cette dernière n’im- repos, présidées par l’Amour, alternent avec des phases de plu-
plique pas forcément, elle, la première. ralité et de mouvement, présidées par la Discorde. Les éléments
sont donc périodiquement confondus en un même tout, puis
2. Deuxième critique d’Empédocle centrée sur la notion de dissociés. Ar. a tendance à « laïciser » les deux principes di-
différence. Empédocle affirme que les éléments, qui ne peuvent vins d’Empédocle en les traitant comme de simples concepts
être engendrés les uns à partir des autres, sont engendrés hypostasiés. D’où notre traduction sans majuscule. On remar-
à des moments donnés (à un moment donné du cycle cos- quera que dans le matériau inabouti de DC III, Ar. cite toujours
mique) à partir d’un Un. Ar. fait appel à deux outils théoriques l’Amour sous le terme, beaucoup plus courant chez Empédocle
pour montrer que les deux thèses sont mutuellement contradic- (cf. le commentaire au fragment d 3 dans A. Martin et O. Pri-
toires. Le premier (1), déjà apparu dans la première réfutation mavesi, L’Empédocle de Strasbourg, Strasbourg / Berlin / New
d’Empédocle, que les éléments sont constitués par des affec- York, 1999, p. 288-290) — et donc « philologiquement » plus
tions qui se comportent comme (ou qui sont) des différences exact — de φιλ¾τηv. Dans le GC, sans s’embarrasser davantage
spécifiques : la génération allant d’un élément à un autre se des homérismes de son prédécesseur (cf. D.-K. I, p. 278 : ν δ
fait donc par le jeu de ces différences. Le second (2), que ce qui τG Περ ποιητFν [fr. 70] φησιν [sc. Á LΑριστοτληv] Åτι κα HΟµηρικ¿v
est engendré est corruptible (cf. DC I 12), se démontre comme Á LΕµπεδοκλCv κτλ.), il ne parle plus que de φιλ¬α.
suit : ce qui est engendré n’a pas été à un moment donné ; donc
il peut ne pas être ; donc il doit, dans l’éternité temporelle, à 7. Troisième critique d’Empédocle, où perce une troisième
un moment donné ne pas être, car s’il est éternellement, c’est caractéristique de la théorie aristotélicienne de la différence
qu’il ne pouvait pas ne pas être (équivalence de l’« éternel » spécifique : le temps. Empédocle, dans son système cyclique où
et du « nécessaire » ; cf., outre DC I 12, GC II 11, 38a 1-2) ; les phases d’unité et de multiplicité se succèdent, ne peut rien
donc il est corruptible. La démonstration s’enchaîne dès lors trouver pour affirmer l’antériorité d’un des états par rapport à
assez facilement : les différences ont été engendrées, donc il l’autre ; Ar. lui oppose implicitement sa propre théorie, où le
est possible qu’elles soient supprimées (il faut ici « aider » un jeu de la différence permet la concomitance de l’unité (la ma-
peu la démonstration, en acceptant de transplanter le système tière indéterminée comprise comme genre) et de la multiplicité
cyclique d’Empédocle dans la linéarité infinie du temps aristo- (les éléments matériels compris comme espèces fondées par les
télicien) ; donc, par (1), il est possible que les éléments soient différences des affections) — et donc la gradation antérieur-
engendrés les uns à partir des autres ; donc il n’est pas néces- postérieur selon le seul critère valable : celui, abstrait (et non
saire que les éléments ne soient pas générables les uns à partir pas temporel), de la simplicité. Sur toute la question cf., là
des autres. aussi, GC II, chap. 1-4.
3. Cette nécessité est dialectique, mais il se trouve qu’elle 8. Le terme grec fait référence à la possibilité qu’ont les
rejoint celle, que saisit la science physique, des phénomènes éléments d’être disposés selon deux colonnes de contraires :
naturels. Ar. joue bien entendu sur la confusion des deux ta- l’eau sera face au feu et l’air face à la terre. Cf. DC III 1, 298a
bleaux. 30, 3, 302a 29, Meteor. I 3, 340a 5.
succès démocritéens. Aristote va en effet étudier la génération 5. Les lignes suivantes, où Ar. va décrire synthétiquement
au sens propre (à laquelle s’est borné Platon) en I,3 ; l’altération la doctrine atomiste, peuvent être rapprochées de plusieurs
en I,4 ; l’augmentation en I,5 ; la génération des homéomères en passages dans le corpus : DC III 4, 303a 3-16, Phys. I 5, 188a
II,7-8 ; celle-ci passe à son tour par la réfutation d’Empédocle 22-26, Metaph. A 4, 985b 4-22, son doublet en H 2 et le fragment
(II,6), par l’étude de la transformation des « éléments » (II,1-5), du Sur Démocrite (Ross p. 143). Il est d’autant plus remarquable
par l’étude du mélange (I,10) et donc par celle du fait d’agir et que le passage du GC soit le seul à clairement louer l’élégance
d’être affecté (I,7-9 avec le chapitre préparatoire sur le contact et l’originalité des solutions atomistes.
I,6). Cf. Introduction, p. xxxii-xxxv.
2. Les commentateurs ont été gênés par cette assimila- Page 6.
tion de la génération à un « mouvement », et les manuscrits 1. Ici comme une ligne plus haut et infra, 15b 35, je rends
trahissent de nombreuses tentatives de correction. Plutôt ce- le verbe µετακινεEσθαι par le français « être bouleversé », resp.
pendant que de trop presser le texte, il semble préférable, à la « bouleversement ». Il est frappant qu’Ar. emploie ce verbe,
suite de Philopon, de compter ici avec la négligence habituelle à trois reprises, pour désigner les transformations démocri-
d’Ar. Notons de plus que l’assimilation, dans la suite du traité, téennes, aussi bien celles du composé d’atomes que celles,
de l’augmentation et de l’altération, qui sont pour leur part, selon l’ordre et la position (cf. infra, ad loc.), de chaque atome
comme le déplacement, des mouvements, à des générations pris séparément. Que recouvre ce verbe d’Ar. dans le lexique
partielles, a pu favoriser le glissement terminologique inverse. de Démocrite ? Sans doute rien d’autre que µεταàλλειν. Ar. se
serait livré à cette petite adaptation pour éviter la confusion
3. Ar. ne se contente pas d’user de Platon comme d’un faire- entre le concept démocritéen du « changement » (où la « ma-
valoir de Démocrite : il se permet même d’introduire des effets tière des atomes », si l’on peut ainsi parler, reste intacte) et sa
parodiques : c’était en effet Platon qui, dans le Phédon (95 e), propre conception, où la matière est transformée dans tout son
avait mis dans la bouche de Socrate les premiers mots, ou à continu. Le verbe µετακινεEσθαι présentait l’avantage de faire
peu près, de notre passage (Åλωv γρ δεE περ γενσεωv κα φθορAv ressortir le caractère purement cinétique, non qualitatif, de la
τν α®τ¬αν διαπραγµατεËσασθαι, « c’est de la façon la plus large µεταàολ démocritéenne.
qu’il nous faut étudier la cause de la génération et de la cor-
ruption ... »). Sur le rôle fondamental du Phédon dans le GC, cf. 2. En suivant la conjecture de M. L. West, « An Atomist
Introduction, p. lvii sqq. Illustration in Aristotle », Philologus 113, 1969, p. 150-151,
confirmée — c’est ce que j’ai essayé de montrer dans
4. Toute la critique aristotélicienne des théories physiques « Démocrite-Platon-Aristote, une histoire de mots. À propos de
de Platon se ramène à ce point : Platon a étudié la nature d’un De Generatione et Corruptione 315a 26-b 15 », Les Études Clas-
point de vue non pas physique, mais logique et donc vide. Cf. siques 62, 1994, p. 177-186 — par la tradition arabo-hébraïque :
un peu plus loin (GC I 2, 16a 5-14) et DC III 5, 304a 24-25. Il τρυγ}δ¬α est un mot rare, mais attesté chez Aristophane, sy-
n’est pas indifférent de noter qu’en Phys. II 6, 198a 21-24, Ar. lie nonyme de « comédie » — et donc antonyme de tragédie.
intrinsèquement ce point du vue du physicien à une prise en L’exemple imagé d’Ar. ne renvoie pas au fait qu’une tragédie et
compte des quatre causes (« puisque les causes sont au nombre une comédie sont l’une et l’autre composées des lettres de l’al-
de quatre, il appartient au physicien de faire porter son examen phabet, mais que les mots tragédie et trugédie sont composés
sur la totalité d’entre elles, et c’est en ramenant le “en raison des mêmes lettres, l’unique variation (alpha/upsilon) provo-
de quoi” à la totalité d’entre elles (la matière, la forme, ce quant un changement de sens radical. Il faut conclure soit que
qui a mû et la fin) qu’il rendra compte en physicien <de son le mot et les formes apparentées (pour une liste, cf. O. Ta-
objet d’étude> »). Il s’ensuit que l’étude simplement « logique » plin, « Tragedy and Trugedy », Classical Quarterly 33, 1983, p.
de Platon manque — et c’est ce que toute la structure du GC 331-333) ne sont pas une création d’Aristophane, soit que Dé-
s’emploiera à démontrer — les causes matérielle et, surtout, mocrite, bien que n’ayant selon la tradition jamais mis le pied
efficiente, qu’une véritable étude physique ne saurait négliger, à Athènes, ait eu vent, sur la quarantaine, de l’innovation lin-
donc, par ricochet, la cause formalo-finale elle-même. guistique du jeune Aristophane (cf. Taplin, art. cit., p. 333 : « it
100 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 6-8) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 6-8) 101
is not impossible that Aristophanes invented the word in 425 que corrompre l’image-effluve (cf. DA II 7, 419a 15-21) : la po-
B.C. »). Cette seconde éventualité est bien peu vraisemblable. sition des atomes implique la conformation de leurs effluves
3. Ar. énonce ici l’aporie constitutive des quatre premiers et la façon dont celles-ci, par conséquent, toucheront l’œil.
chapitres du GC : il s’agit de concevoir une génération qui ne L’air ne peut ainsi qu’endommager la conformation des ef-
soit ni association ni altération. Le chap. I 2 va démontrer que fluves. Joachim, p. 75, semble troublé par le fait que selon
le modèle de l’association atomique est contradictoire, tandis Théophraste, De sensibus §§ 73-82 (H. Diels, Doxographi graeci,
que les chap. 3-4 vont fonder la distinction entre génération et 520.24-524.20) la couleur est fonction non seulement de la po-
altération. sition, mais également de la forme des atomes. Mais il s’agit
d’une évidence : la « tournure » n’a de fonction que pour au-
tant qu’elle présente les « formes » des atomes sous différents
Page 7.
angles.
1. Comment Ar. est-il autorisé à réduire sa première apo-
7. Sur l’importance de ce passage, voir Introduction, p.
rie (génération vs association, cf. n. précédente) à celle des
xxx. Ar. oppose la méthode « logique » de Platon (le terme
grandeurs indivisibles ? Ne peut-on pas supposer que la généra-
« logique », synonyme de « dialectique » et d’« abstrait » a très
tion soit une association sans postuler pour autant l’existence
souvent une connotation péjorative chez Ar. ; cf. par exemple
de grandeurs indivisibles, mais divisibles elles-mêmes à l’in-
A. Po. I 19, 81b 18-23, Phys. III 5, 204b 4) à la méthode
fini ? C’est parce que pour lui, la divisibilité à l’infini ne se
« physique » requise. Pour la connotation exacte du « logique »
comprend que dans le cadre de « veines qualitatives » qui sont
platonicien, cf. n. suivante.
elles-mêmes dictées par une conception continuiste du tout
organique (cf. Introduction, p. cxxv-cxxvi). On ne peut donc 8. Le persiflage d’Ar. est intraduisible. Tout d’abord, il y
sauver l’atomisme en voyant dans la génération une associa- a une petite perfidie à opposer l’« absence de pratique » (
tion de parties qui pourraient toujours être divisées. πειρ¬α ) des platoniciens à la compétence de Démocrite quand
2. Le Timée et le Phédon sont les deux seuls dialogues pla- en Timée 55d, Platon stigmatisait Démocrite comme πειροv.
toniciens cités explicitement dans le GC. Chacun occupe une Ensuite, le recours au terme grec, λ¾γοι, qui renvoie aussi bien
place bien précise dans la critique aristotélicienne : alors que le aux palabres interminables des platoniciens (cf. Timée, 54b :
Timée représente la théorie « atomiste » de Platon et la concep- λ¾γοv πλε¬ων) qu’à leur goût pour les algorithmes fractionnels,
tion de la matière qu’elle implique (cf. I 8, 25b 24 ; II 1, 29a sous-entend surtout l’aberration d’une confusion des deux re-
13 ; II 5, 32 a 29) — et sera donc considéré comme un traité gistres.
sur la cause matérielle de la génération —, le Phédon (cf. II
9, 35b 10) est pris comme témoin de la première théorie de Page 8.
la participation et de l’échec socratique à concevoir une cause
véritablement efficiente. 1. Philopon, In GC, 27,2-13, remarque : « En employant ces
arguments, Platon cherche à montrer qu’il y a des grandeurs
3. Cf. DC III 1, 298b 33-300a 19.
insécables. Si toute grandeur, dit-il, est divisible, le triangle en
4. Les trois datifs ne sont pas sur le même plan : τροπD soi aussi sera divisible, c’est-à-dire l’idée du triangle. Et ainsi,
et διαθιγD se rapportent à µετακινοÖντα τ¿ αÍτ¾, tandis que ταEv il y aura certaines choses antérieures au triangle en soi en les-
τFν σχηµτων διαφοραEv détermine, comme le participe circons- quelles celui-ci se divise ; or ceci est impossible, à savoir que
tanciel µετακινοÖντα, la principale λλο¬ωσιν κα γνεσιν νδχεται quelque chose soit antérieure à l’Idée. Si dès lors le triangle
ποιεEν. en soi n’est pas divisible, il ne sera donc pas vrai de dire que
5. Cf. D.-K. II, p. 112, l. 24-25 (A 123). Le « cas-type » est toute grandeur est divisible. Si donc il n’est pas vrai de dire
celui des couleurs changeantes, en fonction de la position de que toute grandeur est divisible, certaines grandeurs seront
l’œil et de la source lumineuse, de la gorge des colombes (cf. par conséquent indivisibles. Or il semble bien que Platon n’ait
[Aristote], De coloribus 3, 793a 14-16). Cette théorie explique nulle part tenu cette démonstration de l’existence de grandeurs
que, pour Démocrite, le milieu, entre l’œil et l’objet, ne puisse indivisibles ; aussi, ou bien Aristote rapporte cette théorie de
102 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 8) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 8) 103
conversations non écrites avec Platon, ou bien, plus probable- 2. Les exégètes se divisent sur l’origine de l’argument sui-
ment, d’aucuns proféraient de telles doctrines en se targuant de vant : les Atomistes cités (plus ou moins exactement) par
platonisme. Car il n’est guère plausible que Platon, versé dans Aristote selon I. Hammer-Jensen, « Demokrit und Plato », Ar-
les mathématiques comme il l’était, et sachant bien que toute chiv für Geschichte der Philosophie 23, 1910, p. 92-105 et 113-136,
droite donnée peut être sectionnée en deux parties, prétendît Joachim, S. Luria, « Die Infinitesimaltheorie der antiken Ato-
qu’il y eût des grandeurs indivisibles ». La tentative de sau- misten », Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik,
ver le maître en abandonnant l’élève à l’adversaire ne convainc Astronomie und Physik, Abteilung B, 2, 1933, p. 106-185 et D. J.
pas. Xénocrate savait lui aussi que toute droite donnée peut Furley, Two Studies in the Greek Atomists, Princeton, 1967 ; Aris-
être sectionnée en deux parties. Joachim, p. 76, dans le même tote lui-même construisant a posteriori l’apparente nécessité
ordre d’idées, renvoie à Lin. 1, 968a 9-14, dont l’auteur, succes- de la thèse atomiste : M. Schramm, Die Bedeutung der Bewe-
seur immédiat d’Ar., prête aux atomistes l’argument suivant : gungslehre des Aristoteles für seine beiden Lösungen der zenonischen
comme le principe doit être plus simple que ce dont il est élé- Paradoxie, Frankfurt am Main, 1962, p. 245-264. La question,
ment, la Ligne en Soi ne peut être divisible, car ses parties extrêmement difficile, engage toute notre compréhension de
seraient alors plus simples qu’elle. « Et il en va de même pour l’histoire de l’atomisme. J’aurais tendance, au vu de certains
le carré, le triangle et les autres figures, ainsi que, générale- affleurements purement zénoniens dans le raisonnement de GC
ment, pour la surface en soi et pour le corps » (ll. 11-13). Cette I 2 (cf. p. 9, n. 1 et 2, peut-être aussi p. 9, n. 3), et de l’in-
reconstitution n’est pas à exclure. Mais on peut remarquer que sistance d’Ar. sur une filiation entre Parménide et Leucippe, à
dans ce passage, c’est l’Idée de la Ligne (®δα γραµµCv) qui est me ranger du côté de Schramm. Tout se passe comme si le té-
au centre de l’attention, tandis que dans notre texte, c’est le moignage historique d’Ar. (GC I 8) était parfaitement exact,
Triangle en soi, ce qui, étant donné le contexte immédiat de cri- mais que cela ne l’empêchait pas de reconstruire la logique
tique de l’atomisme du Timée, ne peut être considéré comme de l’argumentation atomiste (GC I 2) en s’inspirant de Zénon.
un détail. L’argument des platoniciens serait alors non pas sim- On peut reconstituer le scénario suivant : Parménide bâtit sa
plement que l’Idée est sans partie, mais que les triangles √ les thèse de l’unité absolue de l’être contre des adversaires plura-
plus simples (le demi-triangle équilatéral, de√côtés a, 2a et a 3 listes, peut-être Pythagoriciens (pour Furley, op. cit., p. 76-77, il
et le triangle demi-carré de côtés a, a et a 2), Idées du tri- s’agirait plutôt d’Anaxagore) ; celle-ci suscite leurs critiques ;
angle parce qu’indécomposables en triangles notionnellement Parménide, ou Parménide et Zénon, conçoivent alors l’argu-
plus simples, suffiront, pour peu qu’il y en ait une quantité ment de la dichotomie. C’est l’armature de ce raisonnement
immense dans l’univers, à rendre compte des phénomènes. Le qu’Ar. présente dans le paragraphe suivant (si une grandeur est
nerf de l’argument platonicien tiendrait alors dans l’opposition partout divisible, qu’elle soit divisée ; il restera des grandeurs
du divisible et du résoluble, telle qu’on la retrouve clairement ou des non-grandeurs ; la première possibilité est contraire à
exprimée chez Leibniz : « Quand j’ay dit que l’Unité n’est plus l’hypothèse, la seconde à la raison ; cf. Simplicius, In Phys.
resoluble, j’entends qu’elle ne sauroit avoir des parties, dont 139.26-140.6 cit. p. 8, n. 4, où l’argumentation et la termi-
la notion soit plus simple qu’elle. L’unité est divisible, mais nologie sont presque celles de notre passage). Pour les Eléates,
elle n’est pas resoluble ; car les fractions qui sont les parties de on ne peut commencer à scinder l’Être car il faudra alors ad-
l’unité, ont des notions moins simples, parce que les nombres mettre l’absurdité de la division infinie (il est arbitraire de
entiers (moins simples que l’unité) entrent tousjours dans les décréter un seuil à partir duquel il deviendrait impossible de
notions des fractions. Plusieurs qui ont philosophé en Mathé- diviser ; cf. GC I 8, 25a 10) ; pour la thèse atomiste présentée
matique sur le Point et sur l’Unité, se sont embrouillés, faute par Ar., le même argument sert au contraire à établir l’exis-
de distinguer entre la Resolution en notions et la Division en tence des grandeurs indivisibles. Les deux versions diffèrent
parties. Les parties ne sont pas tousjours plus simples que le donc par le niveau auquel elles endiguent le danger de l’in-
tout, quoyqu’elles soyent tousjours moindre que le tout » (GP fini en acte. Qui, maintenant, a le premier recyclé l’argument
III, p. 583). Cette solution est en substance celle de Mugler, p. éléate contre ses auteurs ? Il semble peu probable qu’Ar. soit
7 et note p. 80. le premier à se rendre compte de sa relative efficacité à fonder
les grandeurs insécables. D’autant qu’en Phys. I 3, 187a 1-3,
104 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 8) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 8) 105
il présente la controverse comme historique et non pas seule- de manière plus puissante encore — pressentant sans doute
ment « fondée en raison » (« Mais certains ont prêté allégeance qu’aporie pour aporie, on en arriverait tôt ou tard à défendre
aux deux théories : à celle affirmant que tout est un si l’être l’existence d’infinitésimaux — dans la contradiction logique (A
signifie l’un, ils ont accordé que le non-être est, à celle qui décou- et non-A) qu’il se faisait fort d’y exhiber. Cela étant, il n’est pas
lait de la dichotomie, en posant des grandeurs indivisibles »). Il faut absurde de soutenir que la méthode de Leucippe est plus (ar-
donc très probablement admettre qu’entre l’époque de Zénon chaïquement) parménidienne que celle de Zénon. Ce dernier
et celle d’Ar., des théories atomistes (« certains », cf. GC I 8, 25 s’est appuyé sur les recherches mathématiques contemporaines
a 23 pour l’attribution à Leucippe) ont retourné la dichotomie des Pythagoriciens, portant sur le statut problématique et am-
contre la thèse éléate. Cf. infra, p. 38, n. 4. bigu des irrationnels, pour conclure, à la plus grande gloire
de Parménide, au caractère auto-contradictoire de toute plu-
4. Il est instructif de comparer le paragraphe qui suit à ralité (l’exemple le plus net est celui du stade, puisque les
une citation de Porphyre ap. Simplicius, In Phys. 139.26-140.6 : Anciens Pythagoriciens représentaient les nombres triangles
« Un autre argument de Parménide, qui passe par la dichoto- sous la forme d’un diaule et que ces nombres ont un rôle déter-
mie, pensait montrer que l’Être est seulement un, étant sans minant
√ dans la démonstration par l’absurde de l’irrationalité
parties et indivisible. Si en effet, dit-il, l’Être est divisible, qu’il de 2 (cf. J. Vuillemin, « À quoi pouvaient servir les nombres
soit coupé en deux, et chacune des parties coupée en deux. triangles des Pythagoriciens ? », dans Mathématiques pythagori-
Ceci se poursuivant toujours, il est clair, dit-il, qu’ou bien sub- ciennes et platoniciennes, Paris, 2001). Parménide et Leucippe,
sisteront certaines grandeurs dernières, minima et insécables, de manière plus traditionnelle, ne visent qu’à sauver le monde
infinies en nombre, et le tout sera composé de minima infinis physique, en s’appuyant sur des raisonnements physiques, de
en nombre ; ou bien il s’évanouira, se divisera en rien et sera l’émiettement dans une multitude évanouissante.
composé de rien. Ces choses sont absurdes. Il ne sera donc pas 5. Texte majoritaire (b et quelques témoins de a). Mais le
divisé, mais restera un. Car vraiment, puisqu’il est partout ho- texte alternatif tel qu’il apparaît chez H
. unayn et dans W (par-
mogène, s’il est divisible, il sera de façon équivalente partout tiellement confirmés par E) n’est pas absurde : « Car qu’est-ce
divisible, et non pas ici oui, et là non. Qu’il soit donc divisé qu’il y aura, à côté de la division, qui échappera ? ». Il faut
en totalité : il est alors clair que rien ne demeurera, mais il dans le premier cas comprendre δια¬ρεσιv comme « action de di-
s’évanouira et, s’il doit être composé, que c’est de rien qu’il viser », dans le second comme le point où cette action s’exerce
sera composé. Car si subsiste quelque chose, c’est qu’il n’est (au sens où l’on parle des « divisions » d’une règle). Pour notre
pas encore en totalité divisé. De sorte que, dit-il, il est évident choix éditorial, cf. Schramm, op. cit., p. 248.
à partir de ces considérations que l’Être est indivisible, sans
parties et un ». Supposons que ce texte de Porphyre ne soit pas 6. Cf. supra, p. 8, n. 3.
une reconstitution tardive du « parménidisme », due aux com- 7. Avec Schramm, op. cit., p. 247, j’interprète δι|ρηµνα
mentateurs, faite précisément sur la base du développement comme sujet neutre substantivé indéfini de ª et non comme un
du GC. Il faut alors admettre soit que les Atomistes aient dé- attribut, au pluriel par attraction ad sensum, d’un σFµα sous-
calqué l’argument de Parménide, soit qu’Ar. entende souligner entendu (pace Verdenius & Waszink, p. 113). Le µυρ¬α µυρικιv
l’étroitesse de leur filiation. Un indice d’authenticité pourrait constitue un indice supplémentaire du contexte éléatique de
être l’attribution de l’argument à Parménide plutôt qu’à Zé- l’argument des Atomistes. Cette formulation rappelle en ef-
non. En effet, dans deux arguments voisins (Simplicius, In fet les tournures par lesquelles Platon, Parménide 143d sqq.,
Phys. 140.29-33 et 141.1-8), on prête à Zénon, à chaque fois, décrit la prolifération incontrôlable de la pluralité, dès lors
une réduction à l’absurde non pas simple, mais double. Pre- qu’on fait l’hypothèse que « l’un est ». On rencontre alors, sur
mier argument : s’il y a pluralité, les êtres sont en nombre à les quelques lignes de 143e, les expressions δËο δ¬v, τρ¬α τρ¬v,
la fois limité et illimité ; second argument : s’il y a pluralité, τρ¬α δ¬v, δËο τρ¬v, ρτια ρτικιv, περιττ ρτικιv, ρτια περιττκιv,
chaque être sera à la fois infiniment petit et infiniment grand. περιττ περιττκιv. Bien sûr, ces expressions renvoient chez Pla-
Autrement dit, Zénon ne cherchait pas à loger l’absurde de la ton, lecteur de Zénon, à des catégories de nombres bien précises,
pluralité dans la simple idée physique d’infiniment petit mais, employées en tant que telles dans les démonstrations d’irratio-
106 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 8-9) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 8-9) 107
nalité. Mais les Atomistes, encore une fois, ne s’intéressaient de l’interrogatif, cf. Ph. Hoffmann, « Où et quand chez Aristote
sans doute, tout comme le Parménide historique, qu’à la di- et Simplicius », dans P. Aubenque (éd.), Concepts et catégories
chotomie physique (cf. l. 19-20 : κατ µσον). On peut ainsi dans la pensée antique, Paris, 1980, p. 217-245). Ar., comme
interpréter la formule µυρ¬α µυρικιv (à moins d’y voir une vague l’ont noté des commentateurs aussi autorisés qu’Eudème et
réminiscence zénonienne d’Ar.) comme un indice de l’ancrage Alexandre ap. Simplicius, In Phys. 563.24-25 et 563.30, sans
physique et parménidien, plutôt que mathématique et zéno- jamais définir ce que veut dire « être quelque part » , semble
nien, de l’atomisme. néanmoins entendre par là « être dans un lieu » ou, au moins,
« être dans quelque chose » (cf. B. Morison, On Location. Aristot-
8. Ar. va montrer comment l’exigence de divisibilité par-
le’s Concept of Place, Oxford, 2002, p. 17). Dans un cas comme
tout entraîne la désintégration du corps. L’argumentation reste
dans l’autre, l’accent est mis sur l’existence d’une limite. On
pour l’instant celle des Eléates.
se retrouve ainsi avec le début d’une aporie qui ressemble fort
à l’aporie du lieu prêtée à Zénon en Phys. IV 1, 209a 23-25 (j’ai
Page 9. proposé une interprétation de cette dernière dans un compte
rendu de l’ouvrage de B. Morison paru dans Elenchos 24, 2003,
1. Il est intéressant de noter qu’en Metaph. B 4, dans sa
p. 161-166, p. 165-166 en part.). L’argument, en substance, se-
discussion de la onzième aporie, « la plus difficile », Ar. fait ap-
rait le suivant : si le « quelque part » du point P1 ne peut être
pel à la même notion de la grandeur mais en l’attribuant cette
qu’un point P2 , mais que je peux construire un point P3 entre
fois explicitement à Zénon (1001b 7-13) : « en outre, si l’un en
eux deux, etc. à l’infini, aucun point ne sera « quelque part ».
soi est indivisible, selon la prémisse de Zénon, il pourrait bien
ne rien être ; ce qui, en effet, ni ajouté ni retranché ne rend 3. Si notre ponctuation est la bonne (cf. n. précédente),
plus grand ni plus petit, il dit que cela n’est pas au nombre une telle disjonction a tout l’air d’entamer une aporie de type
des êtres, dans l’idée claire que l’être est grandeur ; et s’il est zénonien. Après avoir montré que des points sans grandeur
grandeur, il est corporel ; de fait, c’est le corps qui est partout ne sauraient être ni immobiles, ni mus, on en conclura que
être : les autres <grandeurs>, ajoutées de telle façon, rendront l’hypothèse qui les postule est contradictoire. Quels pouvaient
plus grand, mais de telle autre non, la surface et la ligne par bien être les arguments ? Que des points soient nécessairement
exemple ; le point et l’unité, en revanche, <ne rendront plus immobiles impliquerait sans doute que le mouvement en géné-
grand> d’aucune façon ». S’il y a une façon dont, mises « bout ral soit impossible, puisque les points sont aussi — et même
à bout », lignes ou surfaces « rendent plus grand », cela est im- surtout — des limites de corps. Quant à leur mobilité, on peut
possible aux points. Les points ne sont pas les constituants du voir a priori deux types d’argumentation. Soit Ar. a en tête des
corps. arguments semblables à celui de Phys. VI 4, 234b 10-20, selon
lequel ce qui n’a pas plusieurs parties ne peut pas se mou-
2. L’interprétation de Philopon, suivie par Joachim, est
voir (cf. D. O’Brien et M. Rashed, « Empédocle, fragment 32
écartée, à juste titre semble-t-il, par Schramm et par Williams ;
Diels (Pseudo-Aristote, De lineis insecabilibus 972b 29-31 », Re-
selon celle-ci, Ar. fait ici référence à sa théorie des lieux na-
vue des Etudes Grecques 114, 2001, p. 349-358, p. 356-357 et n.
turels, qu’une décomposition du Tout en de simples « points »
35). Mais Ar. peut également songer à l’impossibilité de par-
rendrait inconcevable. Mais il est fort peu probable qu’Aristote
courir en un temps fini une suite infinie de points doubles,
soit aussi allusif. Le paragraphe nous paraît plutôt, à la suite
c’est-à-dire subsistant séparés les uns des autres, « en acte » et
de Schramm, centré sur l’idée de délimitation inséparable de
non « en puissance » dans le continu. On serait alors proche de
celle de corps : comment rendre compte de l’immobilité de
l’argument prêté à Zénon en Phys. VIII 8-9, 263a 4-265b 16.
tel point, de son mouvement, s’il n’appartient pas à un corps
immobile ou en mouvement ? comment rendre compte du fait 4. Il faut comprendre cette phrase dans la suite de la précé-
qu’il soit quelque part, s’il n’est dans rien ? Il est ainsi préférable dente : nous n’avons pas une pure répétition de l’idée apparue
de construire la phrase comme une affirmation, plutôt que plus haut (il faut bien un corps à côté de la division). Ici, Ar.
comme une interrogative (sur les hésitations de la tradition by- souligne son application à la structure nécessairement délimitée
zantine entre la forme atone de l’adverbe et la forme accentuée de tout ce qui est « quelque part ».
108 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 9-11) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 9-11) 109
5. Malgré une formulation identique, le sens n’a plus rien à précision qu’Ar. va localiser, au paragraphe suivant, le paralo-
voir avec celui de la proximité spatiale. Il s’agit maintenant de gisme des atomistes, il se garde bien de dire ici « partout » et
savoir ce qui restera, conceptuellement parlant, pour accom- redouble ostensiblement le partout (πντ|) de b 22 par ce καθL
pagner l’opération de division itérée jusqu’au « partout » (cf. ÁτιοÖν σηµεEον. Il ne lui restera plus ensuite qu’à distinguer les
Schramm, op. cit., p. 253). Ar. s’interroge ici sur le « mode de deux significations (πντ| = καθL ÁτιοÖν σηµεEον µα).
survie » des affections dans un monde « partout divisé ».
7. Il ne peut en effet y avoir association et dissociation de
« points » ou de « riens », ceux-ci ne produisant aucune gran-
Page 10. deur (cf. 16 a 25-30 et Joachim ad loc.). Williams, p. 73, note
1. Phys. VI 1, 231a 21 sqq. ; DC III 4, 303a 3 sqq. Philopon avec raison que cette déduction ne prend pas en compte la
(qui renvoie le lecteur, outre les références citées, au traité possibilité d’association et de dissociation de corps divisibles.
Sur les lignes insécables) note avec justesse qu’Ar. ne se propose Ar. présente toutefois ce dernier argument de façon suffisam-
plus ici de réfuter l’existence de grandeurs insécables, mais ment lâche pour qu’on y voie seulement le rappel du lien entre
de dénouer les arguments qui semblent conduire à l’accepter le fondement atomiste et la théorie de la génération qui lui
(34,5). correspond (la « réapparition » du problème de la génération
s’opérant, un peu brutalement, au détriment de la validité de
2. Le sens et la portée du paragraphe suivant sont in- l’inférence).
certains. Les commentateurs y voient tantôt une répétition,
conforme à la stratégie aporétique, des arguments précédents 8. Il est à maintes reprises, et en des sens divers, fait al-
(Schramm, op. cit., p. 258), tantôt la reprise par Ar., avec un lusion au « paralogisme » dans les Topiques et les Réfutations
« je » d’auteur plus marqué, d’arguments atomistes qu’il n’avait sophistiques ; Top. I 1, 101a 5-17, sur le paralogisme « scienti-
fait auparavant que citer directement (Hammer-Jensen, art. cit., fique », est éclairant : « À toutes les variétés de raisonnements
p. 103 sqq., p. 211 sqq. ; Luria, art. cit., pp. 129-135). Mais déductifs que nous venons d’indiquer, il faut ajouter les pa-
il s’agit surtout d’une tentative, théorique ou historiquement ralogismes, qui s’enracinent dans les conditions propres à
proposée par un auteur que nous ne connaissons plus, pour certaines sciences, comme il arrive qu’on voie en géométrie
sauver les grandeurs insécables en recourant à une distinction et dans les disciplines de la même famille [...] ; de fait, celui
de l’acte et de la puissance, jusqu’ici absente. qui raisonne sur une figure fausse ne part ni d’affirmations
3. Philopon affirme, à tort, que « perceptible » signifierait vraies et premières, ni d’idées admises [...] ; c’est en prenant
ici seulement « physique ». C’est oublier que l’argument se appui sur des assomptions qui sont propres à la science consi-
donne pour celui des Atomistes. Il ne s’agit pas de raisonner dérée, tout en étant fausses, qu’il effectue sa déduction » (trad.
sur la grandeur physique en général, mais de montrer comment J. Brunschwig). Ces lignes s’appliquent très exactement à la
notre appréhension des réalités perceptibles nous conduit à po- critique qu’Ar. va mener de la science physique atomiste : elle
ser des réalités imperceptibles (l. 33 : « invisibles »), les atomes. part d’assomptions propres, et fausses (les atomistes confondent
« partout » et « partout en même temps »), qui s’enracinent dans
4. Comprise comme la (problématique) « puissance de l’in- ses conditions propres (la réflexion nécessaire sur la structure du
fini » (cf. Phys. III 6, 206a 14-25) : il ne s’agit pas de la puissance continu).
dont s’est pour l’instant servi Ar. dans le GC (« est possible
ce qui doit nécessairement, dans l’infinité temporelle, se réa-
liser ») mais de celle garantissant la non-contradiction d’une Page 11.
itération non-bornée (si un corps est divisible en n points, il
1. Même si les points ne sont pas les « parties » de la gran-
existe toujours un n+1-ème point en lequel ce corps est divi-
deur, celle-ci n’en est pas moins homogène. Il n’y a, en terme
sible).
de « points », aucune différence de structure entre deux lignes,
6. L’expression « en chaque point » est volontairement — quelle que soit leur différence quantitative. En outre, les points
et un peu exagérément — ambiguë. Comme c’est dans cette sont interchangeables.
110 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 11-12) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 11-12) 111
2. Ar. expose ici clairement la solution qu’il avait laissé Åλον renvoyant aussi bien à la radicalité du changement qu’au
deviner dès le début du paragraphe précédent : deux points fait qu’il affecte le σËνολον de matière et de forme ; cf. Metaph.
distincts impliquant toujours l’existence d’un troisième (cf. Z 8, 1033a 31-32 : « produire un individu concret, c’est pro-
n. suivante), et ainsi à l’infini, il est absurde de prétendre duire un individu concret à partir d’un sujet total (κ τοÖ Åλωv
diviser une grandeur en tous les points. Mais cette absurdité Îποκειµνου : composé de matière et de forme) ».
n’implique aucunement l’impossibilité de la division en tout 9. Traduite en langage atomiste, la génération d’un corps
(chaque) point, itérée à volonté : on ne peut en effet vouloir élémentaire E dans un corps élémentaire A (soit la transmuta-
qu’un nombre fini de divisions (il n’y a pas d’infini en acte). tion de toute parcelle, aussi petite soit-elle, de sa matière, sans
3. Ar. renvoie ici à la construction du milieu d’un segment ajout de l’extérieur ni perte vers l’extérieur) correspondrait à
à la règle et au compas (Euclide, Eléments, I, Prop. 10). La une mutation de chaque atome de E mais non à un va-et-vient
construction du milieu d’un segment est à la fois la preuve avec des atomes externes. Nous nous retrouverions donc avec
d’existence de ce point unique et la preuve d’inexistence d’un les mêmes atomes (dans des positions et un ordre différents)
point qui lui serait contigu (on peut toujours, entre deux à la fin du processus. Il ne s’agirait ainsi, par définition (cf.
points, construire un troisième qui soit leur milieu). supra, p. 7, n. 5), que d’une altération.
4. Dernier pas de la démonstration : un corps, pour être 10. Ar. explicite ici le Åλον de l’avant-dernière phrase. Cf.
divisé, doit être divisé en parties, et pour être composé, doit suppra, n. 8.
être composé de parties ; or (1) les parties ne peuvent être
insécables et (2) elles ne peuvent être des points ; il s’ensuit Page 12.
qu’un corps est composé de parties plus petites que lui, celles-
ci de parties plus petites qu’elles-mêmes, et ainsi de suite à 2. Zeugma : en s’associant, les choses deviennent moins fa-
volonté. cilement corruptibles.
3. Je suis la leçon de la famille a (Ïδατα) contre Îδτια
5. En langage plus moderne et en désignant par a et b les
(famille b). Elle est à la fois stylistiquement plus plate et doc-
longueurs de deux parcelles constitutives du sensible, Ar. re-
trinalement plus intéressante. Le mot Ïδωρ, au pl. comme au
proche aux corpuscularistes d’incriminer la thèse « il existe a
sing., signifie couramment « pluie » (cf. LSJ, s. v.). Ar., après la
tel que quel que soit b, a < b » alors que l’infinitésimalisme
discussion abstraite de la physique atomiste, change de registre
bien compris se contente d’affirmer : « quel que soit b, il existe
et précise qu’au niveau concret des transmutations, l’asso-
a tel que a < b ». Toute l’erreur des atomistes corpuscularistes
ciation et la dissociation ont une certaine influence sur les
revient à ne pas saisir la différence de signification induite par
processus. Une bruine se transforme plus facilement en l’air
la permutation des quantificateurs.
avoisinant qu’une pluie d’averse.
6. Anticipation du chap. suivant et, plus généralement, du
4. Cf. GC I 10, 28b 14-22.
corpus biologique. Ar. commence à rapprocher la génération de
la genèse. 5. Selon les commentateurs, qui suivent Philopon (42,26),
cette phrase signifierait que la génération pourrait être asso-
7. Le « continu », c’est ici les chaînes d’atomes dont l’asso- ciation, mais non au sens où les Atomistes entendent cette
ciation globale demeure mais dont l’ordre et les orientations dernière. C’est peu clair, et Philopon ajoute d’ailleurs aussitôt
changent (cf. supra, I 2, 15b 8-9). Il ne s’agit pas du continu qu’Ar. « posera par la suite » que la génération ne peut en aucun
« pur » d’Ar., contrairement à l’interprétation de Philopon, sens être association. L’explication de Williams (Ar. se garde de
pour qui cette phrase est une annonce de la théorie de la géné- qui lui objecterait que l’information de la matière pourrait être
ration élémentaire, où le « changement dans le continu » n’est considérée comme une association) n’est pas convaincante :
pas une altération mais une génération. cette théorie de l’information est purement aristotélicienne ;
8. C’est-à-dire que la chose change en tant que tout (i. e. en et dans son propre système, Ar. rejette expressément (GC I 10,
tant que composé de matière et de forme). La terminologie 27b 10-19) l’idée que ce qui n’est pas séparable puisse être mé-
française perd l’ambiguïté implicite et fondatrice du grec, le langé. Ar. se contente sans doute de maintenir la différence
112 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 12-13) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 12-13) 113
radicale entre les deux notions tout en faisant encore une fois Page 13.
allusion au rôle de l’association-dissociation dans le processus
2. Si le non-être est la non-substance, il faudra concevoir
de génération.
la génération absolue comme partant de ce que désignent les
prédicats quantitatifs, qualitatifs, etc. et aboutissant à une sub-
6. Aristote introduit d’entrée la distinction fondamentale
stance. C’est absurde, car ce qu’ils désignent n’est pas objectal,
de la génération absolue et de la génération relative (πλFv/τιv).
mais n’est que le mode d’être d’une substance. Mais si le non-
Celle-ci recouvre en fait quatre oppositions, qui s’entremêlent
être est pris de manière générale, il y aura génération à partir de
tout au long du présent chapitre :
rien et il faudra postuler que le rien existe, ce qui est contradic-
— (1) L’opposition grammaticale : dire que quelque chose
toire. Il ne peut donc y avoir de génération à partir du non-être
« devient-∅ », tout court, (en grec : γενσθαι), c’est-à-dire ad-
absolu, qu’il soit prédicationnel ou antéprédicatif.
vient, s’oppose à dire que quelque chose « devient-X » (en grec :
γενσθαι τι). « Absolu » renvoie alors au fait que le verbe est em- 3. Les commentateurs voient en général ici une référence
ployé sans attribut. à Physique I, 6-9, peut-être à tort (pour les arguments, cf.
— (2) L’opposition dialectique : la génération absolue est celle Williams, p. 83-84). Ar. pourrait également renvoyer à DC III
qui part du non-être absolu, ou radical (qu’on peut entendre de 2, 301b 32-302a 9.
deux manières : v. n. suivante), la génération relative d’un non- 4. Le pléonasme est dans le grec, et le verbe παναποδ¬ζειν,
être qui d’une certaine manière est. qui n’apparaît qu’ici chez Ar., est un quasi-hapax de la prose
— (3) L’opposition de polarisation ontique (ou l’axiome fon- grecque (la seule occurrence citée par LSJ est chez Alexandre
damental de l’ontologie aristotélicienne du sensible) : on est d’Aphrodise !).
en droit de considérer davantage comme génération absolue,
comme génération au sens fort, le passage du moins d’être au 5. La tradition textuelle est divergente. J’ai suivi le texte de
plus d’être que l’inverse, même s’il s’agit dans les deux cas d’un la famille a tel que je l’ai reconstitué (la leçon passait jusqu’à
« devenir ». présent pour une variante singulière du ms. L). Le texte de la
— (4) L’opposition catégoriale : la génération absolue renvoie famille b, κ δυνµει Ãντοv ο×σα, qui a rallié tous les éditeurs,
au changement selon la substance, la génération relative au chan- se laisserait traduire ainsi : « qu’elle ait lieu à partir de l’être
gement selon les deux catégories adjectivales de la quantité et en puissance etc. ». Si c’est le cas, la formule est urbainement
de la qualité. rhétorique, puisqu’Ar. vient de rappeler que la génération se
Sur l’imbrication de ces quatre niveaux, voir l’Introduction, produit bel et bien à partir de l’être en puissance. J’interprète
p. lxi sqq. le membre de phrase comme un pas supplémentaire dans l’ar-
gumentation : étant admis que la distinction de la puissance et
7. Les commentateurs, parce qu’ils ne saisissent pas le sens de l’acte joue le rôle fondamental dans la résolution de l’aporie,
de καθL κστην κατηγορ¬αν τοÖ Ãντοv, se méprennent sur la pre- Ar. l’applique en retour à son opposition antérieure. Supposons
mière branche du dilemme. Cette expression ne signifie pas que le non-être absolu soit la non-substance. Cela voudra dire
ici « selon chaque catégorie », mais « dans chaque acte de pré- que la non-substance en acte est substance en puissance. Quel
dication », exactement comme le καθL ÁποιανοÖν κατηγορ¬αν de est alors le mode d’être des autres catégories ? En acte ou en
DC I 12, 281a 31-32. Ar. n’oppose donc pas la substance à la puissance ? (Ar. ne développe pas l’hypothèse du non-être géné-
non-substance, la quantité à la non-quantité, etc., mais fait ré- ral car elle pose a fortiori le problème du statut des prédicats).
férence à ce qui, dans chaque acte prédicatif, demeure premier : Cette aporie n’est pas gratuite, mais introduit à une question
la chose, le sujet (cf. DC 281a 31 : τ¿ πρAγµα) dont on affirme authentique du GC, le statut des affections qualitatives. Cf.
une quantité, une qualité, un lieu, etc. et qui se révèle être note suivante.
l’οÍσ¬α. Cette interprétation est confirmée par la suite du pas- 6. Ar. ne se borne pas à répéter l’argument précédent (17b
sage. À ce sens prédicationnel du πλFv répond l’autre sens, 5-13). Il montre maintenant que la difficulté subsiste sous une
antéprédicatif : il s’agit de l’étant « en général », soit : avant forme à peine altérée si l’on adopte sa distinction de l’acte et
même que le langage catégorial ne s’en saisisse et le morcelle. de la puissance : si tout est en puissance, rien n’est ; mais si
114 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 13-15) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 13-15) 115
la substance est en puissance alors que les catégories adjecti- 339-340). Le texte de la famille b, choisi (bien que dans sa mau-
vales sont en acte, on fait de ces dernières des réalités séparées. vaise variante) par les éditeurs et les traducteurs, se laisserait
Comme au chap. 1, Ar. vise à rapprocher les catégories adjecti- traduire ainsi : « D’entre ces deux principes, de l’immobile, il
vales essentielles de la constitution de la substance. Notons que appartient à une philosophie autre et antérieure (var. : à l’autre
nous avons ici l’un des passages où Ar. affirme le plus claire- philosophie, la première) de traiter ». Le parallèle de DC III 1,
ment l’inexistence de l’être en puissance en tant que tel (cf. 298b 19-20 : τ¿ γρ εµναι ττα τFν Ãντων γνητα κα Åλωv κ¬νητα
Williams, p. 84-85). µAλλ¾ν στιν τραv κα προτραv τCv φυσικCv σκψεωv a pu favo-
7. Le membre de phrase ξ v γνεσιv κα est absent de la riser la correction ultérieure de la phrase du GC.
branche grecque principale de la famille a, les mss. EM (mais 8. Le premier ciel. Ar. annonce ici la discussion de GC II
non de la version arabe). La phrase de EM est plus rude et 10, 36a 14-b 4 en particulier.
moins scolastique : moins symétrique, elle introduit en outre
9. Pour l’expression ( ν Ïληv ε°δει), voir Metaph. A 3, 984a
une ambiguïté par brachylogie, laissant croire que le résultat
16-18. Il ne s’agit pas ici d’étudier la matière en tant qu’objet
de la corruption est « en puissance et non en entéléchie ». Mais
physique, mais en tant que condition de possibilité du proces-
tout cela est conforme au style ramassé du Stagirite.
sus de génération.
Page 14.
Page 15.
1. Significativement, Ar. n’ajoute pas « en acte » : c’est que
quelque chose qui est entièrement en puissance, précisément, 1. Si elle s’épuise, la matière du monde le fera selon une
n’est « rien ». progression arithmétique (M n = M 0 − r · n) ou géométrique
(M n = Mrn0 ), avec M 0 quantité de matière initiale, M n quantité
2. « Les premiers qui firent de la philosophie », dit Ar. en de matière à la phase n, et r raison du décroissement (r > 0 dans
Phys. I 8, 191a 23-34, n’ont su penser le devenir autrement le premier cas et r > 1 dans le second). Le monde étant éternel,
qu’en fonction d’un non-être absolu initial — cause historique la première éventualité supposerait une quantité initiale infinie
de la déviation moniste. en acte, ce qui est impossible ; la seconde nous contraindrait
3. Cf. 17b 10-11. de postuler un rapetissement à l’infini des réalités physiques,
4. « Partiel » renvoie au fait que dans l’expression ‘X est ce qui est contraire à l’expérience. La matière ne décroît donc
Y’, par opposition à ‘X est’, la copule n’est qu’une partie du pas. Ar. épure ici l’argument soutenu en substance par Melissos
prédicat. Il s’agit donc de la distinction initiale entre πλFv (cf. fr. 7 D.-K.) pour prouver l’impossibilité du mouvement. Il
(A est-∅) et τι (A est-X). Cf. Ref. Soph. 5, 166b 37-167a 4, A.Po. recourt à la distinction entre les deux types d’infini possibles,
II 2, 89b 39-90a 5 et le commentaire de J. Barnes, Aristotle’s selon la division et selon l’addition. Cf. Phys. III 6, 206a 9-b 33.
Posterior Analytics, Oxford, 1975, p. 194, ainsi que les précisions 2. La génération et la corruption, en d’autres termes, pré-
de Williams, p. 98. supposent des transmutations de la matière, non des créations
5. Ar. commence ici sa réduction syntaxique du devenir, ex nihilo ou des annihilements. Seule la forme est créée ou
dans la ligne de certaines physiques présocratiques, en s’ap- annihilée ; c’est parce qu’ils ignoraient cette cause, la plus
puyant sur une description du mécanisme de la causalité fondamentale de toutes, que certains présocratiques, comme
matérielle en jeu. Cf. Introduction, p. lxi sqq. Melissos, ont pu énoncer l’aporie archaïque de la variation de
la « masse totale » du cosmos.
6. Ar. fait ici allusion à la distinction, envisagée Physique
VIII, chap. 6 en part., du premier moteur et du premier mû (la 3. Ar. rentre maintenant dans le vif du chap. Cf. Introduc-
sphère des étoiles fixes). tion, p. lxiii sqq.
7. L’étude du premier moteur est l’objet propre de la théo- 4. L’indifférenciation de la cause matérielle, si elle permet
logie. J’ai suivi pour cette phrase les leçons, plus vagues et de saisir pourquoi les apories des premiers philosophes n’ont
moins scolaires, de la famille a (cf. Überlieferungsgeschichte, p. pas de raison d’être, ne saurait faire oublier l’essentiel, que le
116 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 15-17) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 15-17) 117
langage « oriente » naturellement le devenir. Que signifions-nous cette dernière comme un « corps dense et lourd » (cf. 8.59 :
par là ? πυκιν¿ν δµαv µàριθv τε), ce qui peut suggérer une assimilation
5. Les exemples qui précèdent ne sont pas bien rendus par à la terre. Mais l’identification n’est jamais faite et à chaque
les traducteurs. Ar. veut dire que même si toute génération fois que la terre est évoquée (11.1 ; 14 ; cf. aussi 15a), il s’agit
est ipso facto une corruption (et vice versa), nos habitudes de de l’élément cosmologique et non « chimique ». Plus grave,
langage montrent qu’au plan sémantique, tel ou tel processus ce couple feu-nuit apparaît dans l’exposé de la voie de l’opi-
est davantage une génération qu’une corruption, ou l’inverse. nion, opposée au moins dans certains de ses aspects à la voie
Le premier exemple verbal (φθε¬ρεται νÖν, « voilà que ça se cor- de la vérité. Savoir si Parménide endosse l’opposition revient
rompt ») n’est pas choisi au hasard : il ne viendrait à l’esprit de à déterminer quels aspects de la voie de l’opinion il accepte
personne — si ce n’est d’un physicien présocratique — de consi- (ou rejette). Or il semble que ce que ce dernier condamne
dérer les processus de putréfaction comme des générations et avant tout, c’est l’acceptation, par les Mortels, du pôle né-
de dire : « ... simple corruption, certes non, mais corruption d’un gatif de l’opposition, la nuit, au titre d’étant (cf. 8.55-59). Il
corps et génération d’un cadavre ». s’agit donc moins d’un dualisme entre Unité réelle et monde
sensible évanescent, duquel toutes les apparences seraient frap-
6. Cf. Phys. I 7, 189b 30-190a 13. La question est de savoir pées d’inanité, que d’un refus de fonder le non-feu dans l’être.
quel rapport Ar. entend dresser entre les deux séries de cas lan- En un sens, Ar. a donc raison de prêter ces deux principes à
gagiers. 19a 8-11 atteste, en surface, une coupure entre les deux Parménide — puisque Parménide postule un différentiel, une
questions, puisque l’exemple de l’homme-savant, à la différence tension vers l’être-feu — mais, en suggérant que Parménide réi-
de celui de la polarisation pure, se règle « par les catégories ». fie son principe négatif, il le rapproche dangereusement de
Mais la similitude formelle du problème (dans les deux cas : l’erreur que celui-ci stigmatise. Il n’est pas du tout sûr, cepen-
devenir-∅ vs devenir-X) reflète, en profondeur, une difficulté dant, qu’il s’agisse d’un contresens d’Ar. : car bien comprise,
identique : celle d’isoler une positivité garante de la présence la théorie de Parménide correspond exactement à ce qu’Ar. en-
d’une génération « forte ». Cf. Introduction, p. lxxvii sqq. tend montrer dans le présent chapitre, à savoir la dissymétrie
fondamentale des deux termes du γ¬νεσθαι.
Page 16.
5. κατηγορ¬α τιv κα εµδοv. La catégorie, ici, c’est le pôle po-
1. « Un certain ceci » (τ¾δε τι) dit le grec. Ar. désigne cou- sitif — positif parce que « formel » — des couples structurant
ramment sous ce terme les substances non pas en tant qu’elles le langage prédicatif.
forment une certaine classe d’êtres, mais en tant qu’elles ma-
nifestent un principe clair d’individuation, une « positivité » Page 17.
ontique.
1. Troisième intuition, qui est celle de la langue naturelle
2. La tournure grecque employée (καθπερ... δι τοÖτο
non rectifiée par la philosophie. Même si le vulgaire se trompe
συµàα¬νει τ¿ ζητο˵ενον) semble un hapax. Cf. Joachim, p. 100,
en assignant le perceptible à l’être, le non-perceptible au non-
endossé par Migliori, p. 164. Le sens exact est peu sûr. La
être, il est dans le vrai en orientant instinctivement le devenir
terminologie (συµàα¬νει, τ¿ ζητο˵ενον) évoque les contextes de
du non-être vers l’être. C’est ce dernier point qui importe à Ar.
joute dialectique.
4. Ar. va exposer et développer trois intuitions du deve- 2. Que le sensible soit connaissable n’implique pas que la
nir, qui sont autant d’indices pointant vers une orientation sensation soit connaissance. Cf. Top. II 8, 114a 21-22.
fondamentale de ce phénomène. La première est la distinc- 3. Ar. rappelle ici les trois intuitions qu’il vient de dévelop-
tion, attribuée à Parménide, d’une opposition entre deux types per. Dans ce résumé, les deux premières thèses apparaissent
de corps. Cette assertion fait surgir deux difficultés doxogra- bien moins antagonistes qu’au cours de la discussion et la troi-
phiques. La première est que dans les fragments conservés, sième est mentionnée au même titre qu’elles. Cela confirme
Parménide n’oppose pas la « terre », γαEα, au feu, mais la qu’Ar. cherche moins à stigmatiser des usages linguistiques in-
« nuit », νËξ (cf. 1.9, 11 ; 8.59 ; 9.1, 3 ; 12.2). Certes, il décrit adéquats qu’à mettre en lumière ce que chacun contient de
118 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 17-20) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 17-20) 119
vérité. J’ai traduit οÍσ¬α par « substance » pour des raisons de 4. Les corps premiers sont énumérés dans le sens de leur
cohérence. Mais il s’agit ici d’un principe d’être. Certains items disposition graphique non pas cosmologique, mais chimique.
ont plus d’être que d’autres car leur principe de réalisation po- C’est ce qui explique que la mention de la terre suive immédia-
sitive est plus achevé. Pour la signification exacte du résumé tement celle du feu. Sur cette question, v. Introduction, p. xciv.
de la troisième thèse, cf. Introduction, p. lxxiii. 5. Pour une discussion philologique de ce passage, voir In-
troduction, p. xcii sqq. Ce que la matière est et qui lui permet
Page 18. d’assurer sa fonction substratique, c’est la qualité (par exemple :
le sec) qui reste stable pendant le changement d’un corps pre-
1. Cf. supra, 18a 33-35. mier en un autre (du feu à la terre, par exemple). Mais comme
2. Ni les prédications adjectivales ni les prédications cette qualité pivot est associée à une qualité continûment chan-
substantielles faibles n’admettent, une fois sémantiquement geante durant la transformation (dans notre exemple, le chaud
reconstruites, le verbe « devenir » employé absolument. Sur la qui devient froid), l’être de la masse matérielle en changement
portée de ce test linguistique, voir Introduction, p. lxiii sqq. varie sans cesse (sec-chaud, puis sec-tiède, puis sec-froid, avec
bien sûr tous les degrés intermédiaires).
3. Cf. supra, I 1, 15a 21 et p. 4, n. 8. Il s’agit bien sûr du
terme positif (cf. Metaph. Λ 7, 1072a 31). Ultime confirmation
de la prééminence, dans tout le chapitre, de la réalisation sur Page 20.
la substance des Catégories. 1. Cette précision a dérouté les commentateurs, puisqu’au
chap. précédent, Ar. a dénié aux sens le moindre rôle dans la
Page 19. définition de la génération (18b 21-27). Les défenseurs de la
prima materia y voit une opposition implicite d’avec le substrat
1. Le grec est moins explicite, Ar. se contentant de la troi- de la génération élémentaire, par nature imperceptible. Mais
sième personne du pluriel. Mais il y a là une prise de distance perceptible (α®σθητ¾ν), dans le contexte présent, tend à signifier
plus grande que si l’on se bornait, en français, à employer un « identifiable » et donc « déterminé ». Il y a altération quand
simple impersonnel (φασι au sens de : on dit). Cf. infra, n. 3. l’individualité propre du sujet se conserve. Sur le passage en
2. Avec la famille a, je ne lis pas, en 19a 26, γ¬νεται κ général, voir M. L. Gill, Aristotle on Substance. The Paradox of
µ Ãντοv. La phrase dans son ensemble, telle qu’elle apparaît Unity, Princeton, 1989, p. 48 sqq.
dans la famille b et les éditions critiques, se laisserait traduire 2. Selon la nomenclature plus rigoureuse de Physique VII
comme suit : ... de même ils disent que le processus de génération 3, 245b 3 sqq. (2 e version), il ne s’agit pas là d’altération,
provient du « non-être » quand il provient de l’imperceptible ; ainsi le terme étant réservé au changement selon les affections, qui
donc, que le substrat soit quelque chose ou qu’il ne soit rien, il y a sont les qualités objets des cinq sens (cf. Joachim, p. 106-7).
génération à partir du « non-être ». Il s’agit à mon sens d’une ten- La visée d’Ar., comme le note Williams, p. 97 est certes ici
tative d’explicitation stylistique. Le ο×ν étant compris comme plus générale. Mais les exemples de changements qualitatifs
une particule de liaison entre deux phrases et non comme un non « affectionnels » visent à éclairer analogiquement les alté-
renforcement de la double subordonnée, on aura comblé la pro- rations proprement dites. Cf. Introduction, p. lxxxvii-lxxxix.
position principale supposée manquante.
3. L’unique détermination scientifique de la génération est
3. Ar. adapte ici ses remarques sur la matière de la géné- celle de la « transformation totale » ; le critère de perceptibilité
ration (18a 1-27) à celles sur la formulation « vulgaire » du renvoie moins au langage naturel critiqué en GC I 3, 18b 18-33
devenir (18b 18-33). La lourdeur des formulations précédentes qu’à la situation expérimentale commode où la transformation
s’explique dans la mesure où il y a bien eu des tentatives, dès totale est indéniable (le cas de la semence qui se transforme en
le v e s., pour identifier le vide et l’air — tentatives que combat sang est biologiquement étrange, puisque selon GA II 3, 237a 8-
Anaxagore à l’aide d’expériences diverses. Cf. Phys. IV 6, 213a 12, celle-là se dissout sans contribuer à la matière de l’embryon
12-b 2. — il faut sans doute compter avec une négligence d’Ar.).
120 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 20-22) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 20-22) 121
tés, la première est absurde, la seconde nous conduit dans le Page 23.
meilleur des cas à la seconde branche de l’alternative initiale :
1. « Par accident » (cf. Phys. IV 4, 211a 17-23), c’est-à-dire
la matière de l’augmentant est inséparable d’un corps sensible
« par autre chose » (cf. Phys. IV 3, 210a 27), en d’autres termes :
existant en acte.
assignable de manière contingente (le clou dans la coque du
4. Cest-à-dire que la matière du surplus résultat de l’aug- navire) ou nécessaire (la science ou la blancheur dans le corps
mentation proviendra d’une matière présente dans un autre humain) à un corps par soi dans un lieu.
corps, éventuellement sous une autre forme (la cellulite « existe 2. Il ne faudrait pas croire qu’Ar. intervertit ici augmenta-
dans » le chou à la crème). tion et génération. Il se borne à tirer l’une des conséquences
absurdes, qui concerne la génération, de la thèse d’une matière
5. La phrase qui suit pose des problèmes d’interprétation, « séparée ». Non seulement tout corps, au moins dans le monde
qui ont donné lieu dès l’Antiquité à diverses interventions phi- sublunaire, est par définition perceptible au toucher (cf. DA III
lologiques. Aucune ne m’a paru nécessaire. Je justifierai mes 12, 434b 12), mais un système de poupées russes conduirait à
choix à mesure. admettre l’infini numérique en acte. En outre, si la masse d’air
provient matériellement d’une autre « réserve » que la masse
6. Je fais dépendre le du οÍδνα (cf. K.-G. II, 304, d’eau dont il provient topologiquement, une masse matérielle
Anmerkung 4). Il s’agit donc plus d’une atténuation que supérieure sera contenue dans une masse matérielle inférieure.
d’une disjonction. L’athétèse de Joachim paraît superflue, tout 5. On suppose en général qu’Ar. fait allusion ici à quelque
comme la correction antique signalée par Philopon, In GC 76,2- théorie rivale. Joachim, p. 118, évoque les atomistes et le Pla-
3 (ο¶ον γρ pour ο¶ον). ton du Timée, Verdenius et Waszink, p. 22, de manière plus
vraisemblable, des pythagoriciens et des platoniciens.
7. En tant que tel, le point n’a pas de lieu. Cf. Phys. IV 5,
212b 24-25 (οÑτε στιγµCv εµναι τ¾πον). 6. La matière est toujours réalisée dans tel ou tel corps. La
mention de la « forme » extérieure (µορφ) pourrait s’expliquer
8. Les mss. proposent et (κα), à l’exception de deux té- du fait qu’Ar. s’intéresse ici spécialement à l’augmentation. Il
moins de la famille a, qui ont : ou (). Philopon, In GC 76,3-4, faut que le corps préexistant soit déjà un corps à part entière,
qui lit « et », l’interprète comme une disjonction, sans doute c’est-à-dire doté d’affections matérielles et possédant une déli-
parce que le vide n’est pas à proprement parler un « corps », mitation spatiale. Cf. introduction, p. cvi.
mais l’espace d’un corps. Mais peut-être Ar. se contente-t-il 7. Cf. Metaph. Z, chap. 7-9.
d’admettre ici toutes les acceptions du vide que l’on voudra, 8. Le « toujours », qui n’apparaissait que dans E, est main-
justement pour que son raisonnement par exclusions succes- tenant confirmé comme leçon de la famille a par MW et
sives soit le plus englobant, donc efficace, possible. H. unayn. Il s’agit sans doute d’une haplographie lors de la copie
de l’hyparchétype majuscule de la famille b (∆ΕΑΕΙΕΝΤΕΛΕΧΕΙΑ,
9. On peut hésiter sur l’identité des deux référents de cette
similitude des groupes ∆Ε et ΑΕ).
expression, ainsi que sur l’ordre dans lequel ils sont ensuite
présentés, l’un comme « impossible », l’autre comme « néces- 9. Suivant la proposition de H. Kuhl, « Textkritisches zu
sairement dans quelque chose ». Il s’agit selon moi (1) d’une Aristoteles Περ γενσεωv κα φθορAv », Rheinisches Museum 102,
matière séparée n’occupant aucun lieu — ce qui est contradic- 1959, p. 41, j’adopte l’ordre des mots de la famille a (ÁµοειδοÖv
toire dans les termes — et (2) du vide conçu comme corps sans ÁµογενοÖv vs ÁµογενοÖv ÁµοειδοÖv famille b) : contrairement à
qualité, qui est « dans quelque chose » au sens où il est borné ce que peut laisser croire le langage de l’Ecole, influencé par la
par la surface interne du plein qualitatif qui l’entoure (ν τινι terminologie rigide des Catégories, l’homme est du même genre
est pris au sens technique de Phys. IV, chap. 3-4). Nous sommes (Áµογενv) que l’homme (cf. GA II 7, 746a 29-30 et b 11) et le
donc ramenés à une matière « existante dans un autre corps » et feu de même espèce (Áµοειδv) que le feu (cf. DC I 8, 276b 5-6).
(par hypothèse du cas a), « séparée ». Ar. va maintenant mon- 10. Une substance naturelle est engendrée par une sub-
trer que cette combinaison est auto-contradictoire. stance semblable, « de même genre » ou « de même espèce ».
124 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 23-25) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 23-25) 125
Un artefact est produit par l’entéléchie de sa forme dans l’es- chim 1922, p. 121). Joachim, ibid., fait sienne l’explication de
prit de l’artisan. C’est la forme de la maison dans l’esprit de Zabarella : Ar. ne dirait pas que la matière de la génération
l’architecte qui produit la maison, de même que c’est la forme est dépourvue de grandeur en acte, mais que si un processus
de l’homme dans le père qui produit le fils. Quel sens main- partait d’une matière dépourvue de grandeur, ce serait une
tenant donner dans ce cadre à la parenthèse « le dur ne naît génération plus qu’une augmentation. Mais il y a sans doute
pas du dur », athétisée par Joachim ? Peut-être que dans les cas davantage : la matière de l’augmentation existe déjà, pour au-
de génération artificielle, l’engendreur (l’idée de la maison) tant qu’une matière peut perdurer dans le temps. En revanche,
et l’engendré (la maison) ne sont identiques qu’analogique- la matière de la génération, si certes elle existe, subit néan-
ment. Même si la maison ne peut être engendrée que par sa moins un processus de transformation formulaire radicale (cf.
forme dans l’esprit de l’architecte, cette forme, bien qu’exis- Introduction, p. cvi et infra, 21a 17-22). Il y a donc, en ce sens,
tant en entéléchie, ne sera pas « dure » comme les poutres et une production à partir de rien qui soit formulairement identique.
les briques.
11. Le grec dit κοιν¾ν, « commun ». Cf. Bonitz, Index, 399b 4. Suit l’aporie fondamentale de l’augmentation. Ar. l’avait
18 sqq. Le « corps en général » n’est qu’une abstraction logique. déjà présentée, sous une forme moins épurée, à propos de la
génération élémentaire, en DC III 6, 305a 16-22 : « La théorie
12. Il convient de placer la virgule avant le στ¬ de la l. 24 qui les [sc. les éléments] fait naître d’un incorporel requiert
et non après, à la différence de tous les éditeurs. l’existence d’un vide séparé ; en effet, tout ce qui naît, <naît
13. Le raisonnement est extrêmement allusif. Je le com- quelque part, et> l’endroit où se produit la génération doit être
prends comme suit : la matière de chaque transformation incorporel, ou comporter un corps. S’il comporte un corps, il
(génération, altération, augmentation) est séparable dans les y aura simultanément deux corps au même endroit, le corps
notions que nous nous en formons, mais non selon leur sub- engendré et le corps préexistant. Si cet endroit est incorporel, il
strat sensible. Aussi cette matière est-elle inséparable de ses existera nécessairement du vide séparé ; or, on a démontré plus
déterminations quantitatives (les dimensions) et qualitatives haut que cette éventualité est impossible » (trad. P. Moraux).
(les affections). Mais pourquoi est-ce l’inséparabilité des af-
fections qui sert de garante à l’inséparabilité de la matière 5. 20b 27-28.
corporalo-augmentative ? Le nerf de la conversion paraît tenir
dans une symétrie supposée : si la matière est séparable de ses
affections, alors celles-ci le seront de celle-là. Mais cette symé- Page 25.
trie, qui n’est justement pas valable dans le cas de la matière 1. Il faut ici aussi se garder d’opérer une distinction réelle
céleste (dépourvue d’affections qualitatives), ressemble à une entre différents aspects notionnels d’un même processus phy-
pétition de principe. sique. Il n’y a pas de « corps » en dehors des deux termes du
processus de génération.
Page 24.
2. Réitération du doute quant à l’existence d’un « corps »
1. La scission de la tradition directe (famille a : κεν¾ν ; fa- commun. Migliori, p. 178, suggère, à la suite de Saint Thomas,
mille b : κοιν¾ν) est déjà attestée à l’époque de Philopon, qui qu’il pourrait aussi s’agir d’une réserve, conséquente à l’aporie
mentionne et discute les deux variantes (In GC, 85,24 sqq.). fondatrice, quant à l’existence de l’augmentation. L’idée, non
La principale difficulté de κοιν¾ν est non seulement qu’on ne invraisemblable en soi, me paraît syntaxiquement intenable (le
voit pas dans quel passage d’une œuvre (ν τροιv) antérieure ε°περ portant sur τ¿ σFµα et non sur ηÑξηται).
Ar. aurait montré que le « commun n’est pas séparable » (cf.
Joachim, p. 121), mais, surtout, que cela ne suffit pas à réfuter 3. Sur la signification purement biologique de ces réquisits,
l’idée d’une augmentation à partir d’une non-grandeur. voir Introduction, p. cv sqq. Pour l’emploi du verbe « sauver »,
3. Il paraît un peu difficile d’interpréter l’adverbe Åλωv σÞζειν, qui se répète quelques lignes plus bas (21a 29 et 21b
comme un πλFv au sens technique aristotélicien (contra Joa- 12), voir Introduction, p. clxviii, n. 1.
126 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 26-28) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 26-28) 127
1. Les homéomères possèdent une forme-λ¾γοv, c’est-à-dire 1. C’est-à-dire : si l’homéomère dont on considère la crois-
une « formule », résidant dans le rapport stable des qualités sance est de la chair.
élémentaires entrant dans leur composition. Mais ils peuvent 2. Il faut comprendre, ici et plus loin, que τοÖτο et ses
également être considérés sous leur aspect purement matériel, formes déclinées (l. 7 bis τοÖτο, l. 8 τοËτ}, l. 9 τοËτου) ren-
dans leur hétérogénéité à la forme-µορφ qui s’impose comme voient systématiquement au facteur matériel d’augmentation.
du dehors à eux (cf. Introduction, p. cxxvi-cxxvii). Toute cette C’est le point de repère du raisonnement dans tout ce passage
analyse se concentre sur la croissance des parties du vivant. à la syntaxe difficile.
2. La « mesure » renvoie ici à un récipient étalonné. La com- 3. Au sens propre, ce n’est pas la nourriture qui est de-
paraison n’est pas immédiatement claire. Ar. veut sans doute venue chair, mais la chair qui s’est renouvelée, et qui occupe
dire la chose suivante : la persistance de telle ou telle partie maintenant un volume plus grand. Même la nourriture-chair
du vivant dans le temps est, d’un point de vue strictement (en français : la viande), encore une fois, est « autre » que la
matériel, une illusion due au caractère indiscernable du flux chair par laquelle elle est assimilée.
matériel. La matière organique, au sein du vivant, est en per- 4. Pour nos choix éditoriaux, voir Introduction, p. cix-cx.
pétuel renouvellement. Au sens propre, seule la forme perdure Il faut comprendre cette tentative de définition de l’aug-
(à tout instant de la vie, la main a la forme d’une main, sauf mentation de manière lâche. Non seulement le processus de
accident). Il y a augmentation quand la matière (la chair ou l’os combustion n’est pas une mixtion, mais l’augmentation dif-
en puissance) se « fixe » plus rapidement qu’elle ne s’évacue. fère de cette dernière en ce que l’un des corps en présence
On voit alors la forme de la main croître. reste intact et s’assimile l’autre, tandis que le mélange — par
128 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 28-31) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 28-31) 129
définition, selon Ar. (cf. GC I 10, 27a 35-b 6) — les préserve 4. Cette périphrase pour désigner les quatre corps premiers
tous les deux. (terre, eau, air, feu) n’est ni rhétorique, ni destinée seulement à
souligner que les vrais « éléments » sont les puissances (chaud,
5. Ce n’est pas la quantité qui augmente, mais le corps froid, sec, humide) — contra Joachim, p. 137. Ar. veut aussi
concret pourvu de telle ou telle dimension (de même qu’il n’y dire que le terme était employé par certains à propos des quatre
a pas d’homme qui ne soit pas de chair et d’os). Cette pré- corps. Cf. PA II 1, 646a 13-15 : ... κ τFν καλουµνων Îπ¾ τινων
cision « analytique » n’est pas un jeu gratuit de l’esprit, mais στοιχε¬ων, ο¶ον γCv ροv Ïδατοv πυρ¾v· τι δ βλτιον °σωv κ τFν
s’impose parce qu’Ar. s’emploie ensuite à distinguer formelle- δυνµεων λγειν. Les commentateurs de PA restent silencieux
ment quantité et matière afin de théoriser la différence entre sur l’identité de ces τινεv. S’agirait-il des médecins-physiciens
augmentation et nourriture. Sa remarque vise d’entrée de jeu avec lesquels dialogue le GC ?
à préciser que la distinction ne saurait être réelle, la quantité
affectant toujours une certaine matière. 5. Ar. pose les jalons d’une étude des éléments, procédant,
de manière régressive, par analyse de la notion : l’étude des
éléments présuppose celle du mélange, celle-ci celle de l’agir et
Page 29. de l’être-affecté, cette dernière celle du contact. On a ici l’ordre
inverse des chapitres subséquents, jusqu’au chapitre 5 du livre
1. Sur ces lignes et celles qui suivent, corrompues dans l’ar-
II.
chétype, voir notre discussion dans l’Introduction, p. cxi sqq.
6. Le ÎπL λλλων des recentiores (accepté par tous les
2. Le passage qui suit est incompréhensible dans l’état où éditeurs) est contextuellement faible (cf. Migliori, p. 187)
nous l’ont conservé les manuscrits. Je propose donc quelques et textuellement indéfendable (cf. Überlieferungsgeschichte, p.
corrections, la plus importante résidant dans la transposition 321).
de la phrase « Mais la forme demeure », qui venait tout à la
fin du chapitre (après « cela provoquera alors la diminution Page 30.
de la quantité ») à la place présente. Selon cette interpréta-
tion, Ar. rendrait compte des trois grandes phases du vivant 1. En d’autres termes, l’altération est le plus petit déno-
(croissance, plénitude, dépérissement). Lors de la nutrition, minateur commun des physiologues et celle-ci met en jeu
une forme active s’assimile les aliments mais, contrairement à l’affection (πθοv), donc par définition l’action et l’affection
ce qui se passait à l’âge de la croissance, n’en use plus comme (ποιεEν κα πσχειν). L’étude de ces notions est aussi nécessaire
d’une matière à augmentation. Cette forme active parcourt le à démonter les paralogismes des prédécesseurs qu’à construire
corps, comme la forme d’un hautbois « parcourt » cet instru- une théorie de la matière plus adéquate que la leur.
ment. Elle rend le corps susceptible d’accomplir sa fonction
biologique (comme la forme du hautbois permet qu’on en tire Page 31.
des sons harmonieux), mais n’a pas le pouvoir d’augmentation
(pas plus qu’il ne relève de la forme du hautbois de faire aug- 1. Les commentateurs modernes remarquent généralement
menter ce dernier). La comparaison ne doit bien sûr pas être que ce passage est l’un des rares où Ar. applique l’Áµωνυµ¬α
poussée trop loin, puisque la forme du hautbois n’a quant à à des noms plutôt qu’à des choses. La différence, cruciale
elle pas même le pouvoir de nutrition. Ar. affirme enfin que le dans d’autres contextes, est sans grand enjeu dans l’étude
pouvoir actif de la forme nutritive, trop sollicité, s’évanouit. du contact, puisqu’il s’agit d’un acte et non d’un objet. Il est
Le corps n’est plus alors à même de se maintenir à son ni- beaucoup plus important de comprendre τ µν ... τ δ ...
veau quantitatif maximal et dépérit. Pour plus de détails, voir comme adverbial et non comme se rapportant directement aux
Introduction, p. cxii sqq. Àν¾µατα (cf. K.-G. II, 264, 3, a), puisque justement certains
noms, et en particulier le contact, peuvent être employés à
3. Je lis la négation οÑτοι (comme H . unayn) à la place du la fois de manière équivoque (« votre geste m’a beaucoup tou-
démonstratif οØτοι de tous les éditeurs et des manuscrits by- ché ») et hiérarchiquement dérivée d’un sens fondamental (le
zantins conservés. contact mathématique par rapport au contact physique). Que
130 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 31) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 31) 131
l’on n’entende plus que le sens secondaire (en français, le tact) eux-mêmes, c’est-à-dire ni chauds seulement pour nous, ni seule-
ne change rien au rapport de dérivation. ment échauffés par frottement mécanique (même si Ar. connaît
l’existence de ce phénomène ; cf. en part. Meteor. I 3, 340b 10-
2. Les commentateurs disent en général qu’Ar., interpré-
14). La position d’Ar. est sans doute médiane : la pesanteur
tant les mathematica comme de simples déterminations des
et la légèreté sont des propres de corps en eux-mêmes chauds,
êtres physiques, leur confère le contact de manière dérivée,
froids, secs, humides, mais ce sont elles qui permettent qu’ils
pour autant que les êtres physiques se touchent eux véritable-
se rencontrent, donc interagissent. Elles ont par conséquent
ment. C’est oublier qu’Ar. choisit ici précisément de suspendre
un rôle actif et pas seulement signalétique.
son jugement sur leur statut ontologique. La liaison argumen-
tative est donc bien plus forte : quel que soit le statut des 6. Ce glissement de l’agir/être affecté au mouvoir/être mû
mathematica, et à supposer même que nous ayons affaire à des réa- est insatisfaisant. Cf. n. suivante.
lités séparées au sens platonicien, la nécessité de leur attribuer 7. Ar. revient ici à l’identification du toucher à l’agir. La
contact et position impose celle de les considérer, d’une ma- dualité fondamentale des modes du mouvoir, sur laquelle il
nière ou d’une autre, dans un « lieu ». Un argument voisin était s’appuie maintenant pour postuler une dualité des modes de
utilisé en Phys. IV 1, 208b 22-25 (en suivant l’interprétation l’agir, éclaire a posteriori (mais ne suffit pas à justifier) le glis-
d’Alexandre) : si les objets mathématiques, sans être dans le sement que nous venons de constater de l’agir au mouvoir.
lieu au sens propre, le sont cependant dans une certaine me- 8. Ar. court deux lièvres : il veut d’une part traiter du
sure pour nous, a fortiori les êtres physiques. Contact et lieu contact sublunaire (celui où les deux objets se touchent et sont
sont donc indissociables, et contact au sens propre impose lieu touchés mutuellement) et d’autre part (et concomitamment)
au sens propre, c’est-à-dire monde (sublunaire) du léger et du faire une place au contact supralunaire marqué par une asymé-
lourd. trie du touchant et du touché. Le mouvoir, dans lequel on peut
3. Cf. Phys. V 3, 226b 23. opérer une distinction assez similaire, est un bon indice, car
(1) les notions de toucher et de mouvoir se recouvrent souvent ;
4. Car si elles se confondent, il s’agit de continuité et non et (2) on sait que le Premier moteur meut en étant lui-même
de contact. Cf. Phys. V 3, 227a 10-17. La correction de Joachim immobile. Il est donc plausible que le Premier Moteur agisse
(δι|ρηµνα pour διωρισµνα) ne s’impose pas. Cf. Migliori, p. sans être affecté. Le paragraphe suivant tempère cependant
189, n. 20. cette analogie et, en toute rigueur, la rend inopérante.
5. Cet argument ne se laisse comprendre que dans le cadre 9. On a là l’expression de l’équivoque qui hypothèque le
de la cosmologie aristotélicienne. Il y a pour Ar. un « haut » chapitre. Ar. hésite entre considérer le mouvoir comme le genre
resp. un « bas » absolus de l’univers, définis par le mouvement de l’agir ou comme une catégorie parallèle (qui se confond de
naturel des objets légers resp. pesants. Ainsi, le contact présup- facto avec celle du transport). Car si le mouvoir est un genre,
pose le lieu, celui-ci la position, celle-ci l’opposition haut/bas, tout ce qui se dira de lui se dira aussi de l’agir sans qu’il y
celle-ci la pesanteur et la légèreté, ces dernières, en tant que ait besoin d’une analogie lourde. Mais s’il s’agit d’une catégo-
corrélées à des déterminations actives des corps, la capacité rie parallèle, rien n’autorise à appliquer la spécificité de l’une
d’agir et d’être affecté. Il est intéressant de s’interroger sur le (en l’occurrence, la dualité des processus possibles) à l’autre.
mode de cette corrélation. Soit la pesanteur et la légèreté ne Il n’est pas sûr que toute la confusion du chap. 6 recouvre
sont que des « propres » (cf., pour le feu, Top. V 2, 130a 10- beaucoup de profondeur théorique. Si Ar. a autant de mal à dis-
14) associés à des objets susceptibles d’interaction qualitative, tinguer le toucher de l’agir, c’est que sa doctrine vise à rendre
parce que chauds, froids, humides et secs. Soit Ar. se rapproche compte de l’altération et n’a que faire du rapport topologique
de l’antitypie atomiste : la pesanteur et la légèreté créent le possible de deux objets. Pour le dire un peu brutalement, la
mouvement des masses corporelles, d’où les chocs mutuels, discussion du chap. 6 n’apporte rien à celle des chap. 7-9. Ar.
d’où les actions-affections, d’où la chimie des transformations. s’est peut-être laissé emporter par l’antériorité notionnelle du
Même dans ce dernier cas cependant, une différence de taille toucher sur l’agir. Tout est dit plus clairement et plus succincte-
subsiste avec l’atomisme : les corps, pour Ar., sont chauds en ment un chap. plus loin, GC I 7, 24a 30-34 : « Rien n’empêche la
132 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 31-33) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 31-33) 133
première chose qui meut, au sein du mouvement, d’être immo- noms « unis focalement » ? On a plutôt l’impression qu’Ar. a
bile (dans certains cas c’est même une condition nécessaire), seulement voulu insister sur la nécessité de ne pas prendre l’af-
mais la dernière, quand elle meut, est toujours en mouvement. firmation du toucher asymétrique (A touche B et B ne touche
Dans le cas de l’action, la première chose à agir ne peut être pas A) au sens strict.
affectée, mais la dernière est elle aussi affectée ». 4. Il n’est pas du tout sûr qu’il faille, avec les commen-
tateurs, réintroduire ici les mathematica, même au niveau le
Page 32. plus général, ces derniers étant par définition immobiles (cf.
Metaph. E 1, 1026a 13-15). Leur seul rôle était, au début du dé-
1. Certains mouvements, une translation simple par veloppement sur le contact, de fournir un argument a fortiori à
exemple, ne s’accompagnent pas d’affection qualitative. Il n’est la liaison entre contact et lieu. Ar. réaffirme plutôt sa distinc-
pas en revanche d’altération qui ne soit un mouvement. tion entre le « toucher » impliquant des êtres supralunaires et
2. Tous les exemples de στι µν äv X, στι δL äv οÑ relevés le « toucher » sublunaire qui ne va pas sans action et affection.
par Bonitz, Index, 220b 9-12, signifient : « il y a un sens où X 5. Le sens de l’exemple n’est pas exactement celui que la
et un sens où non-X ». Il faut comprendre, ici, que le noyau du traduction française suggère. « Toucher quelqu’un », en grec,
X consiste dans l’idée du toucher, et non dans la simple mise ne veut pas dire agir sur sa réceptivité émotive, mais porter la
en relation du moteur et du mû, qui serait un truisme, voire main sur lui, l’attaquer.
une inexactitude, puisque le moteur meut le mû sous tous les 6. Cf. supra, n. 3. À la confusion des trois notions toucher
rapports où on les considère. C’est sans doute faute de saisir agir mouvoir s’ajoute le réseau d’obscurités de la doctrine du
cet accent qu’un érudit ancien a remplacé, dans l’ancêtre de F, Premier Moteur, en particulier la difficulté à concevoir la fina-
κινητικ, « ce qui meut », par κ¬νητα, « ce qui est immobile ». lité motrice indépendamment de l’efficience motrice. On peut
Ar., selon cet ajout, soulignerait non pas la laxité du rapport ainsi distinguer (1) la façon dont le Premier Moteur (intrans-
entre mouvoir et toucher, mais la spécificité de la motricité latable et inaltérable parce qu’incorporel) meut resp. agit sur
immobile du Premier Moteur. resp. touche le Premier Mû (corporel, mobile et inaltérable) ;
3. Prise au pied de la lettre, cette affirmation est contra- (2) la façon dont une sphère supralunaire meut resp. agit sur
dictoire : le toucher présuppose (par définition) la présence resp. touche une autre sphère supralunaire ; (3) la façon dont
simultanée des deux termes en jeu. Elle n’est admissible que si la dernière sphère supralunaire meut resp. agit sur resp. touche
l’on accorde à Ar. son glissement douteux du toucher à l’agir. la sphère ignée (corporelle, mobile et altérable) ; (4) la façon
Il y aura alors un sens où l’on dira qu’un objet agit sur un dont un corps sublunaire meut resp. agit sur resp. touche un
autre sans être affecté par ce dernier. Comme à son habitude, autre corps sublunaire.
Ar. se hâte vers le seul point qui l’intéresse véritablement :
la distinction entre un domaine strict de l’agir et de l’être af- Page 33.
fecté et un domaine lâche, nécessaire à la seule théorisation
cosmologique : si l’action et l’affection véritables, réciproques, 1. Cette théorie de la destruction du petit feu par un grand
ne se réalisent qu’ici bas, il n’en faut pas moins postuler une feu, attribuée ici aux Anciens, joue un rôle fondamental dans
action sans réaction, en un certain sens du Premier Moteur la science aristotélicienne de la vie. Elle revient à ce titre à plu-
sur le Ciel (même si le Ciel n’est pas à proprement parler sieurs endroits stratégiques des PN (Somn. 2, 456a 6-10, Juv. 5,
affecté) et du Ciel sur le monde sublunaire. Le toucher n’est 469b 21-470a 15, Resp., passim et en part. chap. 8, 474a 25-b
plus à ce stade que simplement ou doublement métaphorique : 24, chap. 15-16, 478a 11-24, chap. 17, 479a 8-28). On a un cas
à un premier niveau, « toucher » veut dire « agir sur quelque net où l’attribution d’une thèse aux Anciens ne signifie pas né-
chose » ; à un second, « s’en prendre à quelqu’un » (cf. infra, cessairement qu’Ar. s’en détache. C’est plutôt leur formulation
n. 6). C’était le sens de la discussion sur les onomata du dé- qui est archaïque.
but du chap. Mais comment Ar. comprend-il la communauté 2. Même si selon Ar., comme on le verra, Démocrite n’a
des deux « touchers » : s’agit-il de noms homonymes ou de pas plus raison que ses adversaires, l’originalité de ses théories
134 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 33-36) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 33-36) 135
physiques suffit à ce qu’on lui accorde la prééminence en ce d’antériorité notionnelle, du toucher et de l’agir. Philopon,
domaine. Cf. supra, I 2, 15a 32-b 1. In GC 151,7-24, remarque judicieusement qu’Ar. passe subrep-
3. Je lis, avec le noyau de la famille a, le plus rare γχωρεE ticement de la question de l’action réciproque à celle de la
(personnel) contre le γχωρεEν (impersonnel : « être possible ») possibilité qu’a un agent de ne pas être affecté tout court (et
de la famille b et de la vulgate. pas seulement par l’objet qu’il affecte). C’est qu’Ar. a en tête
la question, ontologiquement décisive, de l’impassibilité et de
l’immobilité du Premier Moteur. Voir n. suivante.
Page 34.
5. L’opposition entre le premier et l’avant-dernier terme
4. Cf. Metaph. I 7, 1057b 2-34. L’analyse du genre des
dans une chaîne de mouvements en recouvre implicitement
contraires est plus développée en Cat. 11, 14a 15-25, où Ar.
une autre, de statut ontologique : celle entre la cause finale
distingue entre les contraires dans le même genre (le blanc
(ou formelle) et la cause agente. Sous peine d’une régression
et le noir dans le genre de la couleur), les contraires dans les
à l’infini, le premier terme absolu du mouvement est nécessai-
genres contraires (la justice dans la vertu et l’injustice dans le
rement immobile, et sa causalité doit être d’un autre type que
vice) et les contraires eux-mêmes genres (le bien et le mal). Il
celle de l’agent, qui meut en étant mû. Seules les approxima-
est vrai que seule la première catégorie intéresse vraiment la
tions du langage peuvent laisser croire que le premier terme
science physique, qui traite avant tout du changement entre les
d’un mouvement est lui-même mobile : si je meus une pierre
contraires.
avec un bâton, le mouvement de mon bras dépend en dernière
5. Le schème logique de la contrariété des espèces à l’in- instance de la forme de mon acte en mon âme, donc d’un prin-
térieur d’un même genre, dégagé a priori, trouve confirmation cipe immobile parce qu’incorporel.
dans la façon dont les processus physiques ont lieu. Alexandre
et Averroès, pour sauver la faiblesse de cette « reconnaissance »
du schème abstrait dans le sensible, inversent la démarche et Page 36.
parlent d’induction. Cf. Introduction, p. xcviii. 1. Il est intéressant qu’Ar. parle de la matière d’un acte ou
d’une science. L’idée sous-jacente est sans doute que la matière
Page 35. de la médecine réside en des propositions, des contenus notion-
1. Cet exemple, ambigu en français, l’est un peu moins en nels, auxquels la science imprime son ordre, donc sa forme.
grec, où l’on peut entendre plus facilement sous les termes Aussi la matière de la médecine doit-elle être comprise comme
« froid » et « malade » (au neutre) la détermination elle-même subject-matter « où » elle se déploie. En tant que telle, elle est
et non le sujet déterminé. hétérogène à la matière sensible sur laquelle elle se propose
d’agir et par laquelle elle ne peut par définition être affectée.
2. L’exemple n’est pas choisi au hasard. Il annonce le pro- C’est d’ailleurs ce qui explique que l’existence d’un art n’est
cessus d’assimilation de la nourriture par, en un sens, l’âme pas mise en péril par l’échec de certaines de ses réalisations
et, en un autre sens, la chaleur vitale. Cf. DA II 4, 416b 20-31. individuelles (cf. Rhet. I 1, 1355b 8-14). Cette formalisation
3. Ar. postule implicitement que le rapport de la forme à la du problème permet à Ar. d’établir la relation non-symétrique
matière, et du prédicat au sujet aussi bien, est celui de l’espèce (mixte) nécessaire à sa cosmologie.
au genre. On peut s’interroger sur le statut de cette équiva-
lence : s’agit-il dans l’esprit d’Ar. d’une analogie forte, fondée 2. Le médicament est tôt ou tard en contact avec le tissu
sur un rapport d’antérieur-postérieur et volontairement souli- organique qu’il doit guérir.
gnée par les communautés lexicales (εµδοv pour l’espèce et la 3. Ar. présente ici plus nettement comme une comparai-
forme, Îποκ嬵ενον pour le substrat matériel et le sujet) ou d’une son ce dont il avait eu tendance à se servir plus haut (cf. 23b
métaphore facilitée par une terminologie équivoque ? 29 sqq.) comme d’une équivalence. L’essentiel reste d’insister
4. Ar. revient au problème abordé au chap. précédent, en sur le fond naturel commun des deux substances susceptibles
réaffirmant la quasi équivalence de facto, malgré la distinction d’interaction.
136 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 36-37) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 36-37) 137
4. Déclaration capitale, et fort gênante, pour une lignée doctrine de la perception. La progression du chap. 8 reste
d’interprétations théologiques d’Ar. Celui-ci s’élève clairement malgré cela difficile à cerner. L’objet principal de la critique
contre une assimilation de son Premier Moteur à un Dieu créa- d’Ar. est la théorie des conduits d’Empédocle et de certains au-
teur. Ammonius avait rédigé un traité pour démontrer que le teurs anonymes, scientifiquement erronée et intrinsèquement
Premier Moteur était également cause agente selon Ar. et son maladroite : s’ils avaient saisi les présupposés de leur propre
élève Philopon, In GC 152,18-153,2, fait plus qu’évoquer la dif- discours, ils auraient été leucippéens. La critique portera donc
ficulté : sans doute dans une volonté conciliatrice, il dénie que essentiellement sur l’atomisme « conséquent » de Leucippe et
le Premier Moteur soit cause agente (ποιητικ¾ν), parce que l’ac- Démocrite, mais en tant que forme la plus achevée de la thèse
tion implique durée et imperfection, mais maintient son statut d’Empédocle.
de cause (immédiatement) « processive » (προαγωγ¾ν) c’est-à- 2. On n’a conservé aucun vers d’Empédocle où celui-ci men-
dire, comme il l’avait dit un peu plus haut (In GC 136,33-137,3), tionne des « conduits » (π¾ροι) en ce contexte. Au fr. 84, v. 9 (cf.
de Démiurge (δηµιουργ¾v). Cette contre-attaque par surenchère Ar., Sens. 2, 437b 26-438a 3), il emploie un autre terme (χονη)
ne peut bien évidemment pas être acceptée comme une in- et parle sans doute davantage de la structure ignée du globe
terprétation historique plausible d’Ar. Ce n’est qu’une pièce oculaire que du mécanisme de la vision (l’amalgame tendan-
néoplatonicienne rapportée. cieux d’Ar. vise à lui prêter une incohérence supplémentaire).
5. Un agent, pour pouvoir être dit tel, doit provoquer un Il ne fait cependant guère de doute, étant donné les citations
changement, c’est-à-dire être à l’origine d’un processus menant des auteurs anciens (cf. Théophraste, Sens. § 7-8 ; Platon, Mé-
à un certain état. L’agent ne saurait donc se confondre avec des non, 76c) que la thèse des conduits est bien un morceau de
causes (résultatives) qui sont elles-mêmes des déterminations doctrine authentique. Empédocle a cherché à réduire une série
de cet état, comme la forme et la fin (qui se confondent au de processus biologiques à des infiltrations, via des conduits,
niveau du vivant : cf. GA I 1, 715a 8-9). d’effluves dans des corps. Voir cependant infra, n. 4.
6. La matière, en tant que telle, est pure passivité, et ne 3. En d’autres termes, Empédocle conçoit les différents
saurait par définition être considérée comme agente, ou active. sens à la manière d’autant de serrures, que ne peuvent « ou-
Comme il n’y a pas d’autre type de cause que les quatre men- vrir » que certaines effluves. Si celles-ci sont trop épaisses,
tionnés, l’agent est nécessairement principe de mouvement. elles ne pénètrent pas dans les conduits ; trop fines, elles ne
s’adaptent pas exactement à leur forme. L’agent dernier, c’est
7. Ar. suppose ici une chaleur séparée, c’est-à-dire sans sub- celui qui correspond métriquement aux conduits correspon-
strat matériel. Dans ce cas, cette chaleur ne se corromprait dants.
jamais, car la structure « espèce-genre » de la contrariété ne
s’appliquerait pas. Elle agirait sans être affectée en retour. Ar. 4. Pour le pluriel, qui dénoterait une école médicale em-
songe sans doute à une théorie alternative de la substance pédocléenne chronologiquement plus proche d’Ar., et pour
astrale, qui postulerait, au niveau du Ciel, une chaleur « im- laquelle le principe des conduits aurait eu une importance dé-
matérielle », en tant que telle incorruptible, donc éternelle. cisive, voir Introduction, p. xxxv sqq.
Cela revient d’ailleurs à une doctrine qu’il a lui-même soute- 5. Les bonnes conditions de la vision sont fonction du
nue dans sa jeunesse. Pour la proximité, sur cette question, du nombre des conduits du corps traversé et de leur bon aligne-
De philosophia perdu et de certaines théories présocratiques, cf. ment axial les uns par rapport aux autres.
G. Freudenthal, Aristotle’s Theory of Material Substance, Oxford, 6. Cf. supra, n. 4 et la référence à l’Introduction. Ar. pour-
1995, p. 84-105. rait avoir en vue Philistion.
7. C’est certainement pour cette raison, selon Empédocle,
Page 37. fr. 91, que « l’eau ... s’adapte au vin mais qu’elle refuse <de se
1. Pour Ar., l’affection par excellence, c’est la sensation mêler> à l’huile ».
(Cf. Introduction, p. cxxxvi-cxxxvii). Une discussion des théo- 8. La relative περ στ¬ν est ambiguë. Je la comprends
ries des prédécesseurs se centre donc d’elle-même sur leur comme la locution aristotélicienne Åπερ στ¬ν rapportée à φËσιν
138 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 37-39) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 37-39) 139
avec attraction du relatif. L’autre construction, privilégiée par comment celle-ci tient compte aussi bien des réquisits exorbi-
les traducteurs modernes, revient à dire « ils ont pris comme tants des Eléates que des exigences de la nature. Tout le compte
principe, conformément à la nature, ce qui l’est vraiment ». rendu de la doctrine éléate n’était destiné qu’à situer dans sa
Mais Ar. ne peut aller jusqu’à reconnaître aux atomistes le filiation historique la théorie de Leucippe. Ce passage n’a pas
choix des bons principes. Il leur accorde seulement d’avoir été compris parce que le grec n’a pas été correctement édité.
eu conscience de la nécessité de choisir la nature (et non des Il faut comprendre que le δ après ΛεËκιπποv n’introduit pas
schèmes « logiques ») comme principe d’explication des phé- une nouvelle opposition, mais reprend, après la parenthèse, le
nomènes naturels. δ du début de la phrase (pour cette construction, voir dans le
même traité I 1, 14a 11-13 (Åσοιv δ..., τοËτοιv δ ...). Il faut en
9. Ar. explique maintenant comment Leucippe, partant du
outre lire πε¬, leçon de la famille a aussi bien attestée, malgré
raisonnement logiquement (mais seulement logiquement) im-
ce que laisse croire les apparats de Joachim et de Mugler, que
peccable des Eléates, parvient à le concilier aux apparences
le π¬ de la famille b. Cf. Überlieferungsgeschichte, p. 343-346.
sensibles. Il commence donc par un résumé des thèses de Mé-
lissos (cf. le traité pseudo-aristotélicien Sur Mélissos, chap. 1). 5. Avec les meilleurs manuscrits, je ne retiens pas γρ après
τ¾ (25a 28) et je lis ν pour Ãν (25a 29). Je place en consé-
Page 38. quence une virgule avant φησιν (25a 28) et supprime le point
en haut après εµναι (25a 28). Les éditeurs lisent tous « l’être (τ¿
1. Le nerf de l’argument éléate est de montrer que la divi- Ãν) au sens vrai est un être tout à fait plein » ; mais il s’agit
sion sans vide, où la contiguïté (en langage aristotélicien) est sans doute de la correction d’un érudit antique gêné par l’ap-
préservée, n’en est pas vraiment une. L’univers est donc un. parente contradiction de la phrase subséquente (« un tel être
Dans l’hypothèse inverse, c’est-à-dire si l’on se risque à affirmer n’est cependant pas un »). L’idée est en fait que le principe
la division de deux corps en contact, il faudra poursuivre l’ana- d’unité matérielle n’est pas unique (le terme grec ν, « un », a
lyse à l’infini, et il ne restera plus du sensible que des divisions, les deux sens). Il faut comprendre l’opposition comme un pa-
donc du vide, donc du rien. Les Eléates refusent de prendre en radoxe voulu, comme un « slogan » atomiste face au monisme
compte les critères dynamiques de cohésion entre deux corps éléate : τ¿ ν οÍχ ν, l’Un n’est pas un. Cf. Überlieferungsgeschichte,
pour ne considérer que leur position « géométrique » relative. p. 323-325.
2. Supposons, nous diraient les Eléates, un univers contigu
mais sans vide : il sera lui aussi immobile. Si ce renseignement
doxographique est fondé, on comprend mieux l’insistance Page 39.
d’Ar., au début du chap. 5, sur la possibilité du mouvement 1. Reste de l’éléatisme de Leucippe. Tout ce passage est
circulaire « dans un même lieu ». On a cependant peine à croire destiné à montrer la simplicité des moyens mis en œuvre par
que les Eléates ne se soient pas fait à eux-mêmes une objection les atomistes pour contourner les interdits éléates frappant
aussi immédiate. N’avons-nous dès lors affaire ici qu’à une re- mouvement et pluralité. Leur solution tient à un monisme « lo-
construction aristotélicienne ? cal », c’est-à-dire transplanté du niveau cosmique à celui de la
3. L’expression peut faire référence à un titre, attesté chez substance-atome.
de nombreux penseurs présocratiques (cf. D.-K., t. III, p. 33a)
ou tout simplement à un terme courant chez les Eléates (cf. 2. En lisant, avec les meilleurs manuscrits, τρων (« allo-
Parménide, fr. 1, v. 29 et fr. 8, v. 51). Mélissos est très proba- gènes ») pour στερεFν (« solides »). Cf. Überlieferungsgeschichte,
blement la cible de ces dernières lignes, mais on ne lui connaît p. 325-326.
qu’un traité Sur la nature, ou : Sur l’Être. L’intention d’Ar. est
3. Les conduits d’Empédocle jouent maladroitement le rôle
bien entendu persifleuse.
du vide des atomistes — maladroitement, parce qu’Empédocle
4. Ar. enchaîne maintenant sur ce qui lui importe, le carac- nie justement l’existence du vide. Cf. plus bas, même chap.,
tère méthodique de la doctrine atomiste. Il va donc montrer 26b 6 et sqq.
140 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 40) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 40) 141
< 3.3.2. Ce qui est contradictoire avec 1.>. a à ne distinguer qu’une figure du chaud.
Pour une autre interprétation de ce passage, qui y voit quatre 5. Nouvel appel à la symétrie. Démocrite admet qu’un
réfutations distinctes de la thèse globale de la non action- atome puisse être « plus lourd » qu’un autre. Il doit donc égale-
affection des indivisibles, voir D. O’Brien, Theories of Weight ment admettre qu’un atome puisse être plus chaud qu’un autre.
in the Ancient World. Four Essays on Democritus, Plato and Aris- Or une différence de chaleur, au moment du contact, implique
totle. Vol. I : Democritus : Weight and Size, Leyde, 1981, p. 41-79. par définition — sur ce point de physique aristotélicienne, voir
O’Brien est cependant contraint de changer le texte à la l. 3 O’Brien, ibid., p. 58, n. 1 — échauffement du corps le plus froid
et, ll. 13-14, d’emprunter aux éditeurs une ponctuation de l’ar- et refroidissement du corps le plus chaud. Il y a donc action et
gument qui, selon moi, en manque le sens. Cf. p. 41, n. 1 et affection réciproques, ce qui est contraire au postulat de départ
8. des atomistes. Leur thèse est donc contradictoire.
7. Je lis, avec la grande majorité de la tradition manuscrite,
Page 41. « à peine froid » et non, comme les éditeurs et traducteurs mo-
dernes, « à peine chaud » ; Cf. Überlieferungsgeschichte, p. 326.
1. Or les atomes de Leucippe, comme l’Un des Eléates, sont Les deux expressions renvoient chez Ar. au même état ther-
parfaitement pleins. mique, tiède. « À peine froid », car la chaleur d’un radiateur
2. Asulanus, suivi par O’Brien, ibid., p. 64-65, contre la tra- agit sur du froid modéré (à Paris), mais pourrait être mise en
dition directe et indirecte unanime, a conjecturé de remplacer échec par le froid glacial (dans l’Antarctique). On pourrait être
« dur » par « chaud ». L’idée serait alors qu’Ar. dénierait aux ato- tenté de défendre la leçon traditionnelle en remarquant qu’Ar.
mistes la possibilité d’expliquer l’action en se fondant sur sa a intérêt à présenter son argument comme une variation du
propre théorie du chaud et du froid comme les deux et uniques chaud selon le plus et le moins, pour contraindre plus faci-
qualités actives. Toutefois, non seulement Démocrite admet le lement Démocrite à reconnaître l’existence de l’affection au
chaud, mais il pourrait être tenté de prêter un rôle actif à la niveau atomique. C’est vrai, mais l’assimilation du « à peine
dureté des atomes. Pour le « tout chaleur » des atomes de Dé- froid » à l’« à peine chaud » est implicite dans notre texte (le
mocrite, c’est-à-dire la réduction aristotélicienne des atomes meilleur, encore une fois, du point de vue de la tradition) et sa
sphériques de Démocrite (cf. n. suivante) au modèle anguleux leçon peut donc être maintenue.
des pyramides de Platon et donc la réduction de toute figure à 8. Je comprends la particule δ, comme il n’est pas rare chez
un figure polygonale, voir DC III 8,307a 13-19 : « En outre, si Ar. et d’autres auteurs classiques, comme une introduction
le feu chauffe et brûle à cause de ses angles, tous les éléments d’apodose à effet adversatif. Cf. Bonitz, Index, p. 167a 19-21 :
seront, quoique, sans doute, à des degrés divers, capables de in enunciatis conditionalibus apodosis interdum, ubi oppositio quae-
chauffer, car tous ont des angles. C’est le cas, notamment, de dam significanda est, particulam δ adhibet. Voir aussi LSJ, s. v.,
l’octaèdre et du dodécaèdre. (Pour Démocrite, même la sphère, II 1 et K.-G. II 2, p. 275-278, p. 276 (b). Ar. se contente donc
qu’il tient pour une sorte d’angle, coupe, à cause de sa mobi- de tirer la conséquence non pas d’une prémisse atomiste « ab-
lité). De la sorte, les éléments se différencieront entre eux par solue », mais de l’extension dialectique opérée aux ll. 6-8 : si
le fait que les uns comporteront ces propriétés à un plus haut on admet le couple dur-mou, on admet par définition l’existence
degré que les autres, ce qui est manifestement faux ». de l’affection. Les traducteurs et commentateurs comprennent
3. Pour la sphéricité des atomes de feu, cf. DA I 2, 403b 31- autrement : LΑλλ µν ε® σκληρ¾ν, κα µαλακ¾ν. Τ¿ δ µαλακ¿ν δη
404a 3 ; 405a 8-13 ; DC III 4, 303a 12-14 ; III 8, 306b 29-307b τG πσχειν τι λγεται· τ¿ γρ Îπεικτικ¿ν µαλακ¾ν (« En outre, si un
18. indivisible est dur, il doit y en avoir un aussi qui est mou ; mais
4. Il serait arbitraire de confiner les couples d’affections il est déjà dit mou par le fait de pâtir en quelque chose, car le
possibles au chaud et au froid. L’argument n’est que superfi- mou, c’est ce qui cède à la pression »).
ciellement semblable à DC III 8, 307b 5-10. Dans ce texte, Ar. 9. On a montré la contradiction que fait subir l’atomisme à
stigmatisait l’impossibilité de trouver une figure contraire à une l’idée d’action-affection. On passe maintenant au second argu-
autre figure. Ici, il se contente de souligner l’arbitraire qu’il y ment, l’impossibilité, pour les atomistes, de rendre compte de
144 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 41-43) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 41-43) 145
l’inhérence locale des affections. Le trilemme est le suivant : de transposer ce passage en 326a 8 (après « ne le seront pas »).
Mais Ar. veut sans doute seulement dire ici que les indivisibles,
1.1. Soit chaque indivisible est sans qualité ;
ne contenant pas de vide, ne peuvent pas s’étendre, ni donc
1.2. C’est absurde <car cela contredit l’évidence sensible>. devenir réceptacles de plusieurs affections. Ar. en a maintenant
2.1. Soit chaque indivisible possède une et une seule qualité ; fini avec le problème de l’inhérence affective. Il va enchaîner
2.2. C’est absurde car les indivisibles n’auraient plus de nature une série de brèves critiques partielles.
commune. 4. Deuxième argument partiel : Ar. insiste encore une fois
3.1. Soit chaque indivisible possède plus d’une seule qualité ; sur la difficulté posée à l’atomisme par la qualité, prise ici
3.2.1 C’est absurde car ils ne supportent pas la division ... comme ce qui permet l’union véritable entre deux corps. L’idée
joue un rôle fondamental dans la physique aristotélicienne. Cf.
3.2.2. ... et ne sont pas susceptibles de densification et de raré- Introduction, p. cxxiii sqq.
faction.
5. On peut comprendre cette remarque de deux manières,
< 4. Conclusion : l’inhérence affective est impossible >. le grec étant ambigu : Ar. souligne soit l’indifférenciation des
10. Ar. n’explique pas pourquoi. L’idée est sans doute qu’on deux gouttes d’eau, soit l’identité entre la situation macrosco-
ne saurait constituer le monde sensible sans la moindre par- pique (les gouttes d’eau) et microscopique (les indivisibles).
celle « de » qualité. Une juxtaposition d’entités géométriques 6. Ar. songe bien sûr ici à ses propres qualités élémentaires,
ne produit pas le corps physique et ses affections. mieux à même de rendre compte de la constitution du sensible.
11. En suivant le texte de la famille a, contre le ψυχρ¾ν, La critique de l’atomisme n’est pas aveugle, mais orientée par
« froid », de la famille b. La dureté et la chaleur étant deux qua- la pars construens du livre II du GC. Voir n. suivante.
lités effectivement reconnues par les Atomistes, l’argument est 7. Troisième argument partiel : Ar. disait un peu plus haut
plus fort. Ar. montre que les indivisibles devront être soient (I 6, 23b 10-15) que Démocrite n’admettait l’action et l’affec-
durs, soit chaud, mais non les deux ensemble. Dans ce cas tion qu’en cas de similitude complète entre les deux corps en
cependant, c’est l’unité même du sensible qui s’évanouira, jeu. Il montre ici combien peu il se soucie de juger les Atomistes
puisqu’il n’y aura plus de qualité fédératrice de tous les atomes. à l’aune de leurs propres critères. C’est la théorie (aristotéli-
cienne !) des affections qualitatives qui lui fournit le cadre de
Page 42. sa critique.
1. Cet argument ne paraît pas avoir été correctement com- 8. Quatrième argument partiel, fondé sur la conception
pris par les éditeurs et traducteurs (cf. Verdenius & Waszink, p. qu’Ar. se fait du rapport entre le moteur et le mû. Cf. Phys.
51-52), qui lisent tous : δια¬ρετον γρ Âν ν τG αÍτG ξει τ πθη, VIII 5, 257b 2-13.
èστε κα ν πσχ| «περ ψËχεται [sic Joachim, Mugler, Tricot,
Migliori et la vulgate byzantine ; ε°περ ψËχεται Bekker, Prantl Page 43.
et les meilleurs mss.], ταËτ| τι κα λλο ποισει πε¬σεται ; cf. 1. Cette phrase a gêné les commentateurs. Elle ne pose ce-
Überlieferungsgeschichte, p. 326-327. Il est selon moi nécessaire pendant pas de problème si l’on distingue, pour la matière,
de mettre un point en haut après τ πθη, de lire (avec les unicité et simplicité (une définition unique pouvant mettre
meilleurs manuscrits) ε°περ pour «περ et de changer le τι in- en jeu une pluralité d’éléments définitionnels). Ar. veut dire
défini en τ¬ interrogatif. La précision « étant admis qu’il est ceci : si l’atome est « ici » moteur et « là » mû, comme il est
sujet au refroidissement » s’explique parce qu’on vient de voir indivisible, il sera en fait, simultanément et au même endroit,
combien cette thèse est problématique pour les atomistes. moteur-et-mû. Sa matière sera donc une non seulement dans
2. La justification apportée par le développement introduit sa réalisation, mais également en puissance, puisque la seule
par « car » (γρ) à la troisième branche du raisonnement apa- réalisation possible de l’indivisible sera d’être moteur-et-mû.
gogique n’est pas immédiate. Prof. Edward Hussey, dans sa Sa réalisation individuelle viole donc le principe de contradic-
communication du Symposium Aristotelicum (1999), propose tion tel que le conçoit Ar., pour qui la puissance des contraires
146 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 43-45) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 43-45) 147
7. Cette critique de Démocrite a tout de la pétition de prin- 2. Ar. vise ici Anaxagore et son πντα ÁµοÖ, sans doute aussi
cipe. On peut se demander si elle ne vise pas avant tout à Empédocle. Williams, p. 144, selon qui ces penseurs n’au-
présenter, sous la forme d’une confrontation, les fondements raient jamais posé le problème des « affections » en ces termes,
du continuisme aristotélicien. juge l’attaque « gratuite ». Peut-être ce rigorisme terminolo-
8. Le grec, moins explicite, dit « n’importe quoi » (ÁτιοÖν). gique a-t-il uniquement pour but d’annoncer la propre théorie
Mais il s’agit bien entendu des atomes, voire des portions aristotélicienne du mélange homéomérique, en précisant impli-
d’atomes, et non des corps résultant d’assemblages d’atomes. citement que des substances « composées » de matière et de
forme (celle qui n’ont pas « leur forme dans la matière ») ne
9. Reprise des résultats de l’étude de l’augmentation : celle- se mélangent pas l’une à l’autre (« on ne dit pas qu’un homme
ci se fait selon la forme, non selon la matière. Cette critique individuel a été mélangé à un cheval individuel », Sens. 3, 440b
montre une nouvelle fois clairement qu’Ar. a en tête ici le pro- 9).
cessus de croissance biologique, et non l’augmentation d’un
mur, par exemple, auquel on rajouterait un rang de briques. 3. Premier pas vers la solution : le résultat du mélange est
en acte autre que les éléments initiaux, en puissance chacun
d’eux. Sur les problèmes posés ici par la notion de puissance,
Page 46. cf. Introduction, p. cxvii sqq. Il ne s’agit de la définition du mé-
1. Cf. I 6, 22b 1-26. lange qu’à un niveau très abstrait, et inadéquat, de généralité.
C’est intenter un faux procès à Ar. qu’ironiser sur la naïveté
2. La distinction entre mélange et « ce que c’est qu’être de ce qui constitue bien, dès lors qu’on le prend comme une
miscible » est fondée : le mélange ne se rapportant pas à une conclusion et non comme un cadre heuristique, une tautolo-
catégorie propre de l’être, mais mettant en jeu la substance, gie. La définition véritable du mélange, répétons-le, c’est la
la qualité, la quantité et la relation, la détermination exacte description des modalités du processus qui la donnera.
du type d’êtres susceptibles d’être mélangés sera en un sens la
meilleure réponse à la question de la nature ou de l’essence du 4. Au début du chap. Cf. supra, 27b 4-9.
processus. 5. Je conserve le κτερον de la grande majorité des ma-
3. On ignore aussi bien l’auteur de l’aporie fondamentale nuscrits, contre le θτερον de FW. Même si celui-ci (« l’un
— sur celle-ci, cf. Introduction, p. cxvi sqq. — que l’identité ou l’autre ») donne un meilleur sens que celui-là (« l’un et
des physiologues qu’elle visait. À défaut d’une hypothèse his- l’autre ») qui ne s’oppose pas adéquatement à µφω (« tous
torique fragile, on peut remarquer qu’elle s’intègre, dans le les deux ») il me paraît plus probable qu’on ait affaire à un
cadre du paysage brossé par Ar., aussi bien aux présupposés raccourci nonchalant d’Ar. (qui veut dire : « l’un ou l’autre
des atomistes conséquents (Leucippe et Démocrite) que des n’importe lequel »), corrigé par un lecteur, qu’à une corrup-
néo-Empédocléens (sur cette opposition, cf. supra, p. 37, n. 1). tion incompréhensible dans la majorité de la tradition.
Cf. Mugler, p. 89. L’hypothèse Diogène d’Apollonie à laquelle 6. Morceau central, à en croire le résumé qu’Ar. donne lui
se rangent Verdenius & Waszink, p. 55, se heurte à des objec- même du chap. en Sens. 3, 440a 30-b 13. Le premier paragraphe
tions sérieuses : voir F. Solmsen, Aristotle’s System of the Physical présente la solution atomiste « standard » (mélange = juxtapo-
World, Baltimore / New York, 1960, p. 369, n. 5, qui propose sition d’extrêmement petits) et formule l’hypothèse (réfutée
d’attribuer le trilemme à Zénon d’Élée ... contre Empédocle. ensuite) qu’on puisse ranger « côte à côte » deux ensembles
Les Empédocléens auraient alors endossé haut et fort la cri- d’infiniment petits. Voir n. suivante.
tique que l’Eléate adressait à leur maître, à savoir : ce qu’il
dénomme « mélange », µ¬ξιv, n’est qu’une juxtaposition. Page 48.
1. Ce réquisit, poussé à ses conséquences, impose donc une
Page 47.
division à l’infini en acte, soit qu’on divise des « parcelles » tou-
1. Pour une argumentation semblable, voir GC I 7, 24b 14- jours plus petites jusqu’à obtenir des minima sans dimension.
22. Cf. n. suivante.
150 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 48-51) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 48-51) 151
2. Ce paragraphe entreprend (1) la réfutation de la solution leur mise en contact (cohabitation, collaboration, fusion, ...)
atomiste, au nom du caractère homéomérique du mélange fi- harmonieuse. Cf. Politique I 5, 1254a 29.
nal. Comme presque toujours dans la critique des Atomistes,
il s’agit d’une pétition de principe. Ar. (2) souligne ensuite,
Page 50.
sans la démontrer, l’impossibilité de la juxtaposition d’infini-
ment petits. La raison tient à l’inexistence en acte de telles 1. Ar. songe sans doute au « mélange » de l’eau et de l’huile.
réalités : toute division d’un corps étendu produira des corps Pour cette dernière, voir plus bas, II 2, 30a 5-6 et Meteor. IV 5,
étendus, qui envelopperont en eux une infinité potentielle de 382b 16.
parcelles de matière ne touchant pas les autres corps censés en-
2. Il s’agit alors d’une transformation distincte de toutes
trer dans le mélange. Il faut attendre GC II 7 pour voir exprimé
celles qui ont déjà été passées en revue. Le corps actif s’assimile
explicitement par Ar. le critère de cohérence de la mixture. Cf.
entièrement le corps passif. Le seul changement constatable,
Introduction, p. cxix sqq.
hormis un très léger accroissement de son volume est celui de
3. Membre de l’expédition des Argonautes, Lyncée était sa couleur.
passé en proverbe pour sa vue perçante, qui distinguait jus-
qu’aux profondeurs de la Terre. Cf. Apollonius de Rhodes,
Argonautiques I, v. 151-155. Page 51.
4. La notion à laquelle Ar. a maintenant recours, l’anti- 1. Résumé approximatif des chapitres précédents, respec-
strophie, est délicate. Il s’agit dans certains contextes du sens tivement : I 10, 6, 7-9, 3, 4. Ar. ne mentionne pas l’étude de
logique strict de la conversio, le fait, si a est relié à b par une l’augmentation (I 5), pas plus d’ailleurs qu’il ne la mentionnait
relation R, que b soit relié à a par la relation converse (si a est dans le résumé de GC I 6, 22b 1-26. Moins que comme un signe
le père de b, b est le fils — et non le père — de a). Ailleurs, du caractère composite de l’ouvrage, cf. P. Gohlke, Aristoteles :
et c’est à l’évidence le cas ici, il s’agit d’une relation de symé- die Lehrschriften, Bd IV.2 : Über den Himmel, Vom Werden und Ver-
trie, a et b étant interchangeables selon la relation R : si a se gehen, Paderborn, 1958, p. 281, n. 47, cette absence s’explique
mélange avec b, b se mélange avec a. Le mélange est la seule sans doute par le fait que ce sont les rapports entre génération
relation physique mettant en jeu un agent et un patient où une et altération qui posent vraiment problème (cf. d’ailleurs supra,
telle symétrie est constatable. Dans tous les autres cas, l’une p. 45, n. 9).
des substances sublunaires agit et l’autre est affectée, il s’agit
2. Pourquoi ces précautions terminologiques ? Ar. em-
donc d’une relation seulement converse.
ployant la même expression en GA I 1, 715a 11, il est exclu
de ne voir là qu’un scrupule méthodologique lié à l’ordre de
Page 49. la recherche, le caractère élémentaire du feu, de l’air, de l’eau
2. On peut tout au plus concéder aux Atomistes que l’exis- et de la terre relevant alors des opinions communes jusqu’à
tence de petites parties facilite la mixtion. Cette condition, démonstration rigoureuse. On a vu plus haut (cf. supra, p.
peut-être physiquement nécessaire, n’est en tout cas pas suf- 29, n. 4) que les « guillemets » d’Ar. s’expliquent en partie au
fisante : si l’un des deux corps est en trop petite quantité, il ne moins comme une citation de certains auteurs. Mais Ar. en-
se mélange pas, mais se dissout. Ar. raisonne ici en physicien, tend maintenant sans doute aussi souligner le caractère dérivé
c’est-à-dire n’a que faire de l’objection logique qui postulerait du grec στοιχεEον, à l’origine « lettre de l’alphabet », puis « élé-
le mélange d’une goutte de vin dans l’océan. ment <d’un corps> » (la prise de distance s’expliquant d’autant
mieux que l’expression présuppose, ou tout au moins favo-
3. Mesure athénienne, environ 3,25 litres.
rise, une conception atomiste de la matière), ainsi que le fait
4. Il ne s’agit pas d’une égalité mathématique absolue, mais que malgré leur position physique privilégiée, les quatre corps
d’un relatif équilibre des composants. ne sont « éléments » que de manière seconde, voire troisième,
5. « Commun » (κοιν¾v) peut signifier, chez Ar., non pas le après la matière-corporalité et les contrariétés primaires (cf.
fait d’appartenir à la fois à deux individus, mais de résulter de plus bas 29a 27-35).
152 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 51-53) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 51-53) 153
3. Selon les commentateurs anciens, « les substances na- 2. Contre Anaximandre : même si le corps primordial n’est
turellement composées » sont les homéomères, les « corps aucun des quatre prétendus éléments, il ne saurait être dé-
perceptibles » sont les quatre corps élémentaires ; pour Joa- pourvu de qualité tactile. L’idée d’un corps sans qualité est
chim, p. 191-193, il s’agit, dans le premier cas, des homéomères intrinsèquement contradictoire.
aussi bien que des corps vivants et, dans le second, des corps 3. Deux arguments dialectiques contre la matière du Timée :
élémentaires aussi bien que des homéomères, ces derniers pou- (1) son statut est ambigu, Platon ne disant jamais clairement sa
vant être considérés soit selon leur forme (leur formule) soit relation aux éléments ; (2) elle ne joue aucun rôle effectif dans
selon leur matière (comme constituants des parties du vivant). la physique élémentaire. Cette seconde critique se décompose
La lecture de Joachim a le mérite de souligner la visée bio- en deux moments : Ar. souligne tout d’abord l’inadéquation
logique sous-jacente : la forme du vivant ne saurait être un de l’exemple platonicien (l’or par rapport aux objets d’or) puis
principe séparé de la matière, mathématique par exemple. la façon dont l’hypothèse du réceptacle entre en contradiction
4. Ar. a sans doute en tête, comme en Phys. I 2, 184b 15-22, avec celle des surfaces élémentaires.
les fiches doxographiques qui aboutiront aux grandes synthèses 4. Ar. reproche sans doute moins à Platon d’être imprécis
historiques de Théophraste. On est du même coup légitimé à que de vouloir l’être. De fait, celui-ci prend grand soin de laisser
mentionner les noms que ce dernier nous fournit, Anaximène flotter la terminologie dès qu’il est question du support de la
et Diogène d’Apollonie (l’air), Héraclite et Hippase (le feu), génération, rendant bien sûr ainsi l’impensable de la chose. On
Anaximandre (le corps intermédiaire). Sur le rôle du commen- trouve, sur quelques pages, « le receptacle de toute génération,
taire perdu d’Alexandre d’Aphrodise dans la transmission de pour ainsi dire sa nourrice » (πσηv γενσεωv Îποδοχν εµναι αÍτν
cette liste, cf. Überlieferungsgeschichte, p. 44-48. ο¶ον τιθνην) (49a), un « porte-empreinte » (κµαγεEον) (50c) une
« mère » (µητρ, µητρα) (50d, 51a), « une nature recevant tous
5. Les Aristotéliciens semblent avoir eu des difficultés à
les corps » (τCv τ πντα δεχοµνηv σÞµατα φËσεωv) (50b), « un
classer Parménide. Ar., dans la Phys., lui attribue la thèse d’un
certain genre, invisible et informe, omnirécipient » (ν¾ρατον
élément unique immobile, et c’est à ce titre qu’il l’excluait du
εµδ¾v τι κα µορφον, πανδεχv) (51a) — autant de métaphores
rang des physiciens (cf. réf. citée n. précédente). Dans le GC, en
qui, prises à la lettre, peuvent donner l’impression d’une réalité
revanche, il lui attribue systématiquement la thèse de la doxa,
séparée des sensibles.
celle des deux éléments. Il y a de grandes similitudes dans la
lecture qu’Ar. fait de Parménide et de Platon : il les interprète 5. Cette longue parenthèse pointe un abus de langage chez
l’un et l’autre comme scindés entre une grande intuition systé- Platon, en réfutant l’application de la relation or → objets d’or
mique logique (l’Un là, les Idées du Phédon ici) et une doctrine (cf. Timée 50a-b) à celle de la matière aux êtres engendrés et
physique accordée du bout des lèvres (cf. Metaph. A 5, 986b 27- détenteurs d’un principe d’individuation formelle (cf. Phys. VII
987a 2) sous la pression du sensible (le Feu et la Terre pour 3, 245b 9-a 10 ; Metaph. Z 7, 1033a 5-23 ; Θ 7, 1049a 18-26).
celui-là, les surfaces élémentaires du Timée pour celui-ci). 6. Géométriques, s’entend. D’autres traducteurs, faute de
voir ce point, rendent la causale par une concessive. Ar. se
6. Philopon évoque ici le poète Ion de Chios (v e siècle av. J.-
contenterait alors de dire que bien que les éléments soient des
C.), auteur des Triagmoi. Il n’est pas sûr que le renseignement
corps, Platon pousse l’analyse jusqu’aux surfaces.
soit indépendant d’Isocrate, Or. XV, § 268.
7. Ar. ne justifie pas cette assertion. C’est sans doute que la
matrice doit être antérieure à tout principe de distinction.
Page 52.
8. Le singulier est fondamental. Cf. Introduction, p. xcv.
1. Ce n’est ni dans la nécessité de déterminer les principes
des choses, ni dans la simple dénomination des principes pre-
Page 53.
miers, qu’Ar. s’estime en désaccord avec ses prédécesseurs,
mais dans la conception même qu’ils se font des réalités pou- 1. Le grec est ambigu, le relatif ξ v pouvant en principe
vant efficacement remplir cette fonction. se rapporter aussi bien à la contrariété. Mais Ar. parlant, trois
154 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 53-54) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 53-54) 155
lignes plus bas, de la « génération des corps premiers à partir DC I 3, 270a 25-270b 4). Dans son traité perdu Sur l’éternité
de la matière », il est préférable de voir dans la « matière », Ïλην, du monde contre Aristote, Philopon se servait de l’argument de
l’antécédent. réduction pour démontrer que le ciel, étant visible, était ipso
2. S’il s’agit des « éléments », Ar. renvoie à DC III et IV ; de facto tangible, donc constitué de contrariétés tactiles, donc cor-
la matière et de la privation, à Phys. I 6-9. ruptible (texte paraphrasé par Simplicius, In de caelo 89.15-19
et conservé dans un traité arabe inédit). Il n’évoque pas le pro-
3. Pour l’analyse du κα¬, voir Williams, p. 155. blème dans son commentaire.
4. Selon Williams, p. 156, Ar. renvoie ici aux contrariétés. 10. Mais non tangibles.
Mais nous avons un pluriel, et la dernière apparition du mot
11. Cf. DA II 11, 423b 27-29, qui se réfère à notre passage
était au singulier et se trouvait trois lignes plus haut. Pour
comme à un écrit « Sur les éléments ». Nous ne croyons pas, à la
notre interprétation, voir n. suivante.
différence de Williams, p. 157, qu’Ar. démontre ici la priorité du
5. C’est cette proposition participiale (et non « ces der- toucher par le seul fait que tous les vivants possèdent ce sens,
niers ») qui porte tout le poids argumentatif de la phrase : ce mais non nécessairement la vue, l’ouïe ou l’odorat. C’est aussi,
qui compte, dit Ar., c’est de comprendre que comme toutes voire surtout, parce que toutes les réalités sublunaires sont
les substances (la statue, la sphère d’airain, etc. ...) les corps tangibles : alors que l’air, par exemple, n’a par soi ni couleur
premiers ont eux aussi une matière. Mais ils ont cette matière ni goût ni odeur, il est tangible, comme on s’en aperçoit quand
en ce qu’ils sont cette matière les uns pour les autres. Ce qui le vent souffle. Le corps en tant que corps est tangible et n’est
explique qu’elle soit moins directement saisissable que dans le que tangible. Une entité non tangible est nécessairement non
cas des exemples cités puisque, s’il est vrai que nous pouvons visible, non audible, etc., bref, inexistante, tandis qu’une entité
nous représenter un bloc d’airain, l’idée même d’un bloc de non visible ou non audible peut tout à fait être tangible.
« matière première » est contradictoire, cette dernière étant in-
séparable des affections qui en font une matière déterminée, Page 54.
c’est-à-dire un corps premier. Bref, la « matière première » est
une modalité des « corps premiers » et non ceux-ci de celle-là. 1. Les interprètes comprennent cette phrase comme se ré-
férant au caractère relevé de l’acte de la vision, en ce qu’il
6. Pour notre interprétation, cf. n. précédente et Introduc-
contribue davantage au raffinement de la vie qu’à la satisfac-
tion, p. xcix-ci.
tion de ses besoins premiers/primaires (cf. Metaph. A 1, 980a
7. Rappel de la réfutation d’Empédocle et des néo- 24-27, DA III 13, 435b 19-25, Sens. 1, 436b 12-437a 18). Mais
Empédocléens, GC I 1, 314b 12-15a 3. Ar. pourrait également avoir en tête la supériorité ontologique
8. Intéressant affleurement du schème du Phédon 71d-e, où de la substance céleste qui, n’étant atteignable que par la vue,
Platon distinguait dans les mêmes termes les corps et les affec- prouve en retour la prééminence de cette dernière. Les deux
tions. Les qualités, à la différence des corps, ne se transformant problématiques, il est vrai, se rejoignent dans le concept de
pas, elles semblent présider, en tant que termes, au change- θεωρ¬α innervant la théologie astrale d’Ar.
ment lui-même, donc être davantage « principes » que les corps 2. Pour Ar., la capacité à agir signifie en réalité une capa-
changeants. cité à s’assimiler autre chose davantage qu’un simple pouvoir
9. Cette réduction du perceptible au tangible a fait couler de transformation. Un objet lourd, tombant de haut, affectera
beaucoup d’encre. Que fait Ar. des substances éthérées ? S’il l’objet sur lequel il tombe, mais ne le rendra pas plus lourd.
ne les prend pas en compte, la thèse est admissible, puisque Au contraire, le chaud rendra chaud l’objet en contact. C’est
la tangibilité est bien le dénominateur commun, au moins de ce pouvoir assimilateur, et non la mécanique atomiste, qui
facto, de tous les corps perceptibles ici-bas (v. infra, n. 11). Au seul peut fonder, selon Ar., une théorie des éléments (voir plus
niveau cosmique cependant, cette règle de réduction est dé- haut, I 8, 25b 34 sqq. et p. 40, n. 6).
mentie : les astres sont visibles, mais leur substance, étrangère 4. Ici (comme, dès lors, dans les trois autres cas) il s’agit
à toute contrariété, échappe au jeu des qualités tactiles (cf. plus d’un propre que d’une définition : voir, malgré l’authen-
156 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 54-56) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 54-56) 157
ticité problématique de l’ensemble de ce livre, Top. V 2, 130b semble E de cardinal n pair, puis à soustraire les combinaisons
34-37 : « Par exemple, puisqu’en disant comme propre du li- « impossibles », sachant que tout élément de E est inconciliable
quide ‘corps qui se laisse amener à prendre n’importe quelle à un et un seul élément de E. Soit, dans notre langage mathé-
forme’, le propre a été donné un, et non plusieurs, sous ce rap- matique, p!(nn−! p)! − 2n . Le résultat, avec p = 2 et n = 4, est bien
port le propre du liquide serait correctement posé » (trad. J. 4. Ce passage est d’ailleurs l’occasion, dans le monde byzantin,
Brunschwig inédite). Indice de la difficulté insurmontable, à de tentatives de calcul combinatoire. Il s’agit de la paraphrase
laquelle Ar. se trouve confrontée, à définir les fondements. de Georges Pachymère, vers 1300, dont je compte publier
prochainement l’editio princeps. Le texte, qui développe des in-
5. Le couple sec-humide se comporte comme une matière
dications qu’on trouve déjà chez Simplicius, In Cat. 45.8-18 (cf.
passive, sur laquelle le couple chaud-froid exerce son action.
397.31-398.14) est le suivant (d’après le manuscrit autographe
Ar. formalise assez brutalement des expériences courantes. Du
Paris. gr. 1930, fol. 89 r.-v.) : πε δ κανáν στν Á λγων π τοEv
concours du sec et de l’humide naît une sorte de magma co-
ποιοÖσι τοÌv συνδυασµοÌv κα τv συζυγ¬αv, äv ν τ¿ παρ ν τFν
hérent, l’une et l’autre qualité contribuant à fixer l’autre (la
προκειµνων λαµàνηται κα πρ¿v τ¿ Åλον πολλαπλαζ¬ηται κα τ¿ τοÖ
poussière sèche se désintègre, l’eau s’écoule, mais le mélange
ποτελεθντοv ριθµοÖ µισυ [89v] κεEνο εµναι τv συµπλοκv, ο¶ον
stabilise chacun des éléments). Sur cette boue humide, le chaud
Îπ¾θου τ τσσαρα µετàολα λ´ µ´ ν´ ρ´, τFν τεσσρων τ¿ παρ τ¿
et le froid peuvent à leur tour agir. La chaleur de la flamme dur-
ν τρ¬α· τετρκιv το¬νυν τ τρ¬α δÞδεκα· τοËτων τ¿ µισυ ξ· τ¾σαι
cira la terre et évacuera l’eau (four du potier), le très grand froid
α¯ συξυγ¬αι τοËτων, λ´µ´ λ´ν´ λ´ρ´ µ´ν´ µ´ρ´ ν´ρ´. δυνµεθα δ λγειν
saisira terre et eau ensemble. Il faut bien sûr comprendre cet
αÍτ κα ντιστρ¾φωv µ´λ´ ν´λ´ ρ´λ´ ν´µ´ ρ´µ´ ρ´ν´, λλL α¯ αÍτα¬ ε®σι
exemple comme une approximation grossière, et un développe-
συµπλοκα ταEv προτραιv, δι τοÖτο κα α¯ µ¬σειv παρελφθησαν κα
ment génétique impropre, d’un état concomitant, les qualités
οÍχ α¯ πAσαι. πε γοÖν ταÖτα κα ναντ¬α νταÖθα τσσαρα ε®σ, θερµ¿ν
premières n’étant dans la réalité jamais séparées.
ψυχρ¿ν Îγρ¿ν ξηρ¿ν, ξ νγκηv ξ α¯ συζυγ¬αι γενσονται, θερµ¿ν
κα ψυχρ¿ν, θερµ¿ν κα Îγρ¿ν, θερµ¿ν κα ξηρ¿ν, κα αØθιv ψυχρ¿ν κα
Page 56. Îγρ¿ν, ψυχρ¿ν κα ξηρ¿ν, κα α×θιv Îγρ¿ν κα ξηρ¿ν· ÁµοÖ ξ· δυνµεθα
κα λλα ξ ντιστρ¾φωv ε®πεEν, ψυχρ¿ν κα θερµ¿ν, Îγρ¿ν κα θερµ¿ν,
1. Le raisonnement de ce paragraphe est à première vue
ξηρ¿ν κα θερµ¿ν, Îγρ¿ν κα ψυχρ¿ν, ξηρ¿ν κα ψυχρ¿ν κα ξηρ¿ν κα
déroutant. Ar. veut démontrer que des types dérivés d’humide
Îγρ¿ν, λλ α¯ αÍτα ε®σ ταEv προτραιv. τοËτων δ τFν ξ συζυγιFν
et de sec ressortissent de l’humide et du sec au sens premier. Il
α¯ µν δËο σËστατοι ε®σν· ξ ναντ¬ων γρ κτλ. ... (« Or puisqu’il y
ne le fait pas directement mais passe par les opposés et fait agir
a une règle, pour ceux qui font des paires et des couplages, que
la règle suivante : si A et B sont les contraires de C du point de
si on prend les éléments moins un et qu’on multiplie par le
vue de la relation Φ, alors A et B sont identifiables du point de
tout, la moitié de ce produit constitue l<e nombre d>es unions
vue de Φ. Ainsi, l’humecté étant contraire du sec, et l’humide
— suppose par exemple les quatre éléments fixes L, M, N, R :
étant déjà contraire du sec, l’humecté se rangera sous l’humide.
quatre moins un trois ; quatre fois trois douze ; dont la moi-
Mais pourquoi, aux yeux d’Ar., la contrariété de l’humecté et
tié est six ; c’est donc le nombre de leur couplages, LM LN LR
du sec est-elle primitive par rapport à la parenté de l’humecté
MN MR NR , que nous pouvons également dire à rebours ML
et de l’humide ? Sans doute parce que l’humecté est du sec
NL RL NM RM RN, mais ce sont les mêmes unions que les
auquel on a fait subir quelque chose de contraire, plutôt qu’une
précédentes ; c’est la raison pour laquelle on ne prend que la
tranformation de l’humide. L’ordre de la démonstration calque
moitié et non pas l’ensemble — ; puis donc que dans le cas
donc celui des choses. — Williams, p. 160 remarque justement
présent, les éléments sont quatre et contraires, chaud froid
la difficulté qu’il y a à admettre que le sec et l’humide soient, au
humide sec, il y aura nécessairement six couplages, chaud et
sens propre, des qualités tangibles. Il semblerait plutôt qu’on
froid, chaud et humide, chaud et sec, ainsi que froid et humide,
ait là des qualités communes (au sens de DA II 6).
froid et sec, ainsi qu’humide et sec. Soit six. Nous pouvons
3. Malgré leur caractère simple et empirique, ces lignes dire les six autres à rebours, froid et chaud, humide et chaud,
trahissent une intuition combinatoire chez Ar. La démarche sec et chaud, humide et froid, sec et froid et sec et humide,
consiste en effet à dénombrer les p-combinaisons d’un en- mais ce sont les mêmes que les précédentes. De ces six, deux
158 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 56-60) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 56-60) 159
4. Les exégètes n’ont cessé, depuis l’Antiquité, de s’inter- 2. Le grec dit σ˵àολον, « symbole ». À l’origine, les « sym-
roger sur le passage auquel Ar. fait ici référence. Pour une boles » étaient les deux tessons de poterie qui, obtenus par
discussion des nombreuses interprétations, voir Migliori, p. brisure, s’emboitaient parfaitement l’un dans l’autre et étaient
230-231. Nous pensons avec Joachim qu’il s’agit du texte du conservés par les deux parties contractantes, lors des décisions
Timée sur la constitution de l’Âme du monde (34b-37c). Un in- juridiques, en attestation de leur accord. Ici, l’humide est le
dice linguistique supplémentaire en faveur de cette thèse nous « signe de ralliement » de l’air et de l’eau, le sec celui de la
semble être le suivant : lorsque Platon décrit les divisions du terre et du feu, etc. La terre et l’air n’ont pas de « symbole »
Même et de l’Autre concourant à la substance de l’Âme (34b- commun, ni le feu et l’eau.
36b), il emploie toujours le verbe διαιρεEν, auquel correspondent
les διαιρσειv du GC ; mais ensuite, au moment de passer à la Page 60.
partition longitudinale de la substance de l’Âme en vue de son
incorporation (36b-d), il abandonne διαιρεEν pour σχ¬ζειν (« scin- 1. De telles formulations sont ambiguës. On peut en effet
der », « fendre »). Or dans sa paraphrase de cette seconde partie comprendre soit que le nombre de « molécules » de terre sera
(DA I 3, 406b 25-407a 2), Ar. n’use que du verbe διαιρεEν, lais- le double de celui des molécules de feu et le double de celui des
sant donc à penser que pour lui, le mot résumait bien la teneur molécules d’eau (puisque la corruption du chaud est ipso facto
de l’ensemble du passage du Timée. la génération du froid, et la corruption de l’humide ipso facto
la génération du sec). Dans ce cas, l’argument d’Ar. est for-
mellement correct. Si Ar. suppose, en revanche, que le nombre
5. Sur cet aspect complexe de la doctrine d’Empédocle, qui de molécules de terre est égal à celui de feu et à celui d’eau,
associe le feu à la Discorde et à Zeus, voir J.-C. Picot, « L’Em- en d’autres termes que le chaud du premier et l’humide de
pédocle magique de P. Kingsley », Revue de Philosophie Ancienne la seconde se sont purement et simplement évanouis sans se
18, 2000, p. 70-78, p. 73-75 en particulier. transformer dans leur contraire, on aurait là, au vu des théo-
160 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 60-63) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 60-63) 161
— 4.1. Impossibilité de toute transformation (33a 12-13) ( λευκ¿ν µλαν). Le sens est quoi qu’il en soit rigoureusement
— 4.2. Indistinction de toutes choses (33a 13-15). identique.
de ses présupposés matériels, formellement impeccable : il ne uns dans les autres, ce qui est contraire au postulat de départ
peut y avoir de corps-principe ni à l’extrémité d’une chaîne de d’Empédocle. La dernière phrase de l’argument d’Ar. vise donc
génération ni en son milieu ; il ne peut donc y avoir de corps- surtout à affirmer en toutes lettres ce critère d’homogénéité.
principe du tout ; et comme il n’y de perceptible que les corps
(cf. supra, 32a 26-27), la génération sera circulaire et mettra en
Page 66.
jeu un nombre fini de corps et de contrariétés.
1. La cotyle vaut un peu plus d’un quart de litre.
5. Empédocle, fr. 17, v. 27. Cf. D. O’Brien, Empedocles’ Cos-
mic Cycle, p. 135-136. 2. Famille a ; famille b : « dans la qualité le semblable » —
évidente lectio facilior.
6. Ar., dans le passage qui va suivre, adopte la terminologie
mathématique de son temps. Les mathématiciens pouvaient 3. Phrase très ramassée et difficile. — « La même chose » :
entendre trois choses par logos : au sens le plus restreint, égale- l’un des corps en jeu, qu’on prend avant et après avoir aug-
ment le plus archaïque, il s’agit du rapport entre deux nombres menté sa quantité ; « un tel rapport » : d’égalité de puissance à
(1) ; la réforme de Théétète permet d’étendre cette notion l’autre corps ; « du fait qu’elle est homogène » : i.e. non pas sim-
aux grandeurs commensurables en puissance, c’est-à-dire dont plement du fait que cette chose a été augmentée (en d’autres
le rapport des carrés est un nombre rationnel (2). Enfin, la termes, l’augmentation de la quantité est condition nécessaire
définition eudoxéenne de l’analogie (ναλογ¬α) intègre cette ex- mais non suffisante à la comparabilité de deux puissances),
tension elle-même dans une théorie plus vaste des proportions mais du fait que les deux corps appartiennent au même genre,
à deux rapports hétérogènes l’un à l’autre (3). La caractéris- ce qui revient à dire qu’ils sont susceptibles de changement mu-
tique de (1) est l’existence d’une mesure commune simple, τ¿ tuel. Comme les penseurs visés refusent ce dernier, il doivent
µτρον, celle de (2) l’homogénéité (τ¿ Áµογενv) des deux gran- refuser la thèse de la comparabilité selon la puissance ; il ne
deurs et l’existence d’une mesure commune à leur puissance leur reste plus qu’à postuler le dernier type d’unité, le plus
(α¯ δυνµειv), celle de (3) la prise en considération simultanée lâche, celle selon l’analogie. Cf. supra, p. 65, n. 6.
de deux genres distincts de grandeurs. Si l’on observe mainte-
4. Deuxième argument contre la physique d’Empédocle.
nant le texte d’Ar., on s’aperçoit immédiatement que les trois
L’idée est exactement identique à celle développée en GC I
options entre lesquelles il somme Empédocle de choisir cor-
10 : la juxtaposition ne saurait rendre compte des changements
respondent point par point, au niveau terminologique, à ces
qualitatifs des êtres.
trois conceptions du logos mathématique. Lorsqu’Empédocle
sous-entend que les éléments sont « comparables » — συµàλητ¾ν,
chez les mathématiciens, signifie également commensurable — Page 67.
il n’a pas conscience d’enjamber des abîmes : cela peut en ef-
2. Rappel de Phys. II 4-6, 195b 31-198a 13. Le hasard et les
fet vouloir dire qu’un élément est multiple d’un autre ; que
aléas ne sont pas constitutifs de la nature.
la puissance d’un élément est multiple de la puissance d’un
autre, ou que les comparés sont hétérogènes mais obéissent à 3. Ar. ne veut pas dire que la comprésence des éléments de
des rapports de grandeurs identiques. C’est sans doute là le l’os nécessite la génération de l’os (cette idée est combattue
sens de la dernière phrase du paragraphe, que Williams, p. 47, en GC II 11), mais que si génération naturelle il y a, ce ne
a préféré condamner comme trop obscure (cf. p. 66, n. 3). Ar. peut être que celle de l’os. L’exemple de l’os est choisi parce
disait d’abord qu’à tout prendre, les éléments d’Empédocle ne qu’Empédocle lui-même en a donné la proportion, réglée sur
pouvaient être comparables/commensurables que selon l’ana- l’octave : cf. DA I 5, 410a 1-6 : deux parts d’eau (Nestis), deux
logie et non selon le rapport des puissances. Or la raison est parts de terre et quatre parts de feu (Héphaïstos). L’intuition
ici encore directement empruntée aux mathématiques : c’est empédocléenne, sans doute parce qu’au fond assez proche de
seulement pour les grandeurs homogènes (archimédiennes) la théorie homéomérique d’Ar., n’a pas laissé ce dernier indif-
que les éléments sont comparables (cf. Eléments V, déf. 4). Or férent. Elle affleure encore en Metaph. A 10, 993a 17-18 et N 5,
si les éléments sont homogènes, ils peuvent se transformer les 1092b 18-19.
166 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 67-68) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 67-68) 167
4. Tous les traducteurs modernes rendent les principes mo- tration souple à partir de choses vraies la plupart du temps.
teurs d’Empédocle avec une majuscule, la plupart même sans La troisième catégorie n’en serait pas vraiment une, mais se-
l’article défini. Ce choix nous semble cependant contraire à rait à interpréter en partie comme un effet rhétorique contre
l’esprit « banalisant » de la critique aristotélicienne. Cf. supra, Empédocle, en partie dans l’idée que la seconde catégorie est
p. 4, n. 6. susceptible de plus et de moins : il y a un « le plus souvent »
6. Ar. persifle ici la fin du fr. 8 (cf. n. précédente). Empé- proche du toujours (l’homme engendre l’homme) et un « le plus
docle ne parlait bien sûr pas de Chance, mais de ΦËσιv, calqué souvent » plus indécis (tel vent en telle saison à tel endroit).
par le latin natura mais dont le sens se rapproche plutôt de
3. Amour, en constituant le Sphairos, éparpille la terre
celui de « génération » chez Ar.
dans tout l’univers et déplace ses parcelles vers le haut à partir
8. À l’apogée du règne de la discorde, les éléments sont du centre du monde, où Discorde l’avait située. Le mouvement
totalement séparés les uns des autres et occupent probable- occasionné par Amour sera donc, vu au travers d’une lunette
ment quatre zones concentriques superposées. Cf. Plutarque, aristotélicienne, un mouvement contre nature.
De facie orbis lunae 926c-927a et D. O’Brien, Empedocles’ Cos-
mic Cycle, p. 147-149 en particulier. Les éléments sont rangés 4. Face complémentaire du raisonnement précédent. V. n.
dans l’ordre qu’ils auront ensuite chez Ar., terre, eau, air, feu précédente.
(en partant du centre de l’univers). L’amour va alors petit à
petit mêler ces quatre éléments entre eux, jusqu’à parvenir au 5. Le verbe φα¬νεται, « il est manifeste », est équivoque. L’évi-
Sphairos, sphère divine homogène faite du mélange harmo- dence soulignée par Ar. peut être une proposition physique ou
nieux des quatre éléments et occupant tout l’univers. Aussi cet doxographique.
état fusionnel présuppose-t-il que chacun des quatre éléments
soit transporté vers chacune des trois régions restantes. C’est 6. On aurait pu attendre le raisonnement suivant : Discorde
ce processus qu’Ar. décrit dans la phrase qui suit comme la dis- a élevé tout l’éther (= l’air incandescent) qui se trouvait au
sociation des éléments, qui sont pour ainsi dire arrachés à leur centre de l’univers (équivalent topologique des deux premières
lieu propre puis éparpillés dans tout l’univers par l’amour. Cf. ceintures) au moment du Sphairos, au niveau de la troisième
Mugler, p. 95-96 et Migliori, p. 244-245. Le raisonnement, en ceinture. Mais ensuite, quand Amour reprend le dessus, l’air
substance identique, est plus fermement conduit en Metaph. concentré à cet endroit est infiltré dans la quatrième ceinture,
A 4, 985a 23-29. Malgré Joachim, p. 236 suivi par Tricot et donc recommence à s’élever. Il suit que l’air, bien que mû par
Williams, l’argument de DC III 2, 301a 15-20 est différent. deux causes opposées, aura le même mouvement d’élévation.
Ar. procède cependant différemment : il reproche à Empédocle
9. Le Sphairos (cf. n. précédente). de ne pas accorder à l’air en voie de dissociation de mouvement
naturel vers le haut, mais de lui conférer soit un mouvement
Page 68. aléatoire vers le haut (Fr. 53), soit un mouvement naturel vers
le bas (Fr. 54).
2. Empédocle affirme mais ne démontre pas. Joachim, p.
237 veut rapporter la démonstration précise à celle du parce 7. Fr. 53.
que (τοÖ δι¾τι), la démonstration souple à celle du que (τοÖ Åτι)
traitées en A.Po. I 13 78a 22 sqq., mais ne sait à quoi référer la 8. Fr. 54 (le texte du GC est la seule occurrence de ce vers).
troisième distinction d’Ar. On peut aussi interpréter ces lignes,
en accord avec la tonalité d’ensemble du chap. (cf. 33b 4-9) à 9. La phrase qui suit, et son opposition entre un « main-
la lumière de la distinction entre syllogisme au moyen de pré- tenant » est un « alors », constitue un indice fort d’une double
misses nécessaires et syllogisme au moyen de prémisses « la cosmologie chez Empédocle. Si le mouvement est le même sous
plupart du temps », établie en A.Po. I 30, 22-25 : une démons- l’effet d’Amour et sous celui de Discorde, c’est que ces deux
tration précise serait une démonstration à partir de choses principes ne sont pas la cause véritable (suffisante et néces-
nécessaires (angles du triangle égaux à deux droits), une démons- saire) du mouvement.
168 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 69-73) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 69-73) 169
Page 69. il ne s’agit pas pour Ar. de figures mais d’affections) et le mur
de briques et de bois, qui ne peut donner que des briques ou
1. Je corrige le texte édité en lisant τ¬νοv interrogatif pour
du bois (théorie des Atomistes et d’Empédocle).
τινοv indéfini. Le texte classique serait : « Mais l’amour et la
discorde sont causes d’un mouvement particulier, si le pre- 3. À la façon dont dans le Timée, la transformation d’un élé-
mier moteur est principe <du mouvement> ». L’idée se laisse ment en un autre passe, avant que la recomposition ait lieu,
saisir, mais la phrase est plus que bancale, au point d’ailleurs par la dislocation des polyèdres en surfaces (cf. DC III 7, 305b
que Joachim se sente obligé de rajouter un γε après le ε® (« si 27-306a 1). Cette éventualité ne représente chez Ar. qu’une
du moins » — Mugler suit la lectio facilior, correction érudite étape de raisonnement, puisqu’il va précisément montrer que
manifeste d’une branche de la famille a). Amour et Discorde sa théorie de la puissance et de l’acte ménage un intermédiaire
n’ont plus aucun rôle cosmologique à jouer, même partiel, dès aux deux termes du changement.
lors qu’on saisit le caractère nécessaire et suffisant du Premier
Moteur. Page 72.
2. Cf. DA I 5, 409b 23-410a 22. 1. Il n’est pas non plus infiniment divisible, étant fonction
3. F. Nuyens, L’évolution de la psychologie d’Aristote, Lou- des qualités tactiles. Cf. Sens., chap. 6.
vain/Paris, 1949, p. 121-122, s’appuie sur ces lignes pour 2. Nous sommes ici dans la suite logique du chap. précé-
attribuer le GC à la première période d’Ar., où celui-ci n’au- dent. Ar. n’a fait qu’un seul mouvement depuis le début de la
rait pas encore une notion claire de l’hylémorphisme. À tort. critique d’Empédocle en II 6.
Nuyens néglige tout d’abord que nous avons affaire à une réfu-
3. Cf. GC II 2, 29a 30-32.
tation, où Ar. a pu trouver expédient de raidir certaines thèses,
puis que même dans un cadre hylémorphique, il serait tout à 4. Ar. passe ici un peu rapidement de la condition logique
fait admissible de dire que l’âme en tant qu’âme n’a rien de du changement à la comprésence physique de ses termes ex-
corporel, de même que la forme en tant que telle n’a rien de trêmes.
matériel.
4. Ar. en a fini avec sa digression critique consacrée à la Page 73.
cosmologie d’Empédocle en général et revient maintenant à sa 1. Joachim, p. 246-247, explique bien ce passage. La nour-
théorie de l’immutabilité des éléments, abordée au début de riture, qui est assimilée par le corps qui se nourrit, permet
GC II 6, en 33a 16-34 (toute la partie restante de II 6 consti- de savoir de quoi ce dernier se compose. Or la nourriture se
tuant une longue parenthèse). Ar. ne peut littéralement pas compose d’humide et de sec (cf. PA II 3, 650a 3-4) ; elle doit
penser sa doctrine physique de la transmutation élémentaire donc provenir d’au moins deux éléments, qui ne sont autres
sans s’opposer aux Empédocléens (on notera le retour des plu- que l’eau et la terre (cf. GA III 11, 762b 12-13). C’est la raison
riels). pour laquelle les homéomères organiques sont dits provenir
5. Retour à l’idée du premier chapitre du traité. Cf. en par- d’eau et de terre (cf. Meteor. IV 8, 384b 30-31).
ticulier GC I 1, 14b 26-15a 3. 2. La nourriture, qu’on peut assimiler à la matière du corps
qui se nourrit, est essentiellement sec-humide. L’assimilation
Page 70. est prise en charge par les qualités actives (cf. GC II 2, 29b 24-
30), le chaud et le froid (en l’occurrence, le chaud tempéré de
1. C’est cette critique qui rapproche Empédocle de Démo- la chaleur vitale). C’est grâce à elles que la forme parvient à do-
crite et qui a accrédité l’idée d’un atomisme corpusculaire miner la matière et à croître. Cet ensemble de caractéristiques
d’Empédocle. Cf. DC III 7, 305b 1-5. expliquent l’analogie cosmique des anciens penseurs. Le feu,
2. Deux modèles macroscopiques pour la structure des qui tend vers la limite de l’univers, est du côté de la forme. En
corps : la cire, dont toute partie peut donner lieu à toute figure un certain sens donc, il se nourrit des trois autres éléments,
(théorie d’Aristote — le modèle est dangereusement imparfait : qui se comportent un peu comme sa matière (mot qui en outre
170 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 73-74) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 73-74) 171
signifie « bois » en grec). En d’autres termes, le feu n’est pas 8. Assimilation de la structure physique des êtres en-
puissance de la terre comme la terre est puissance du feu. Sur gendrés, faite de contrariétés et donc corruptible, à la
ce point, cf. Introduction, p. lxxv. caractéristique modale qui en est, au plan logique, le corrélat.
Toute l’opposition d’Ar. au monde créé mais éternel du Timée
3. Ar. aborde maintenant la dernière partie du traité, consa- tient dans ce glissement.
crée à la cause efficiente de la génération et de la corruption.
Celle-ci se compose de trois parties. Chap. 9 : critique de la
théorie de la seule cause formalo-finale (le Socrate du Phédon) Page 74.
et de la seule cause matérielle ; chap. 10 : identification de la 1. La modalité n’est pas dictée par un état momentané,
cause efficiente dans le soleil et le mouvement de l’ecliptique ; mais représente une caractéristique ontologique de telle ou
chap. 11 : grandes lignes d’une logique modale de la généra- telle substance considérée in abstracto. L’existence ou l’inexis-
tion. tence actuelles, autrement dit, n’affectent pas la modalité.
4. Ar. désigne peut-être plus encore ici les environs immé- 2. Cf. GA I 1, 715a 8-9.
diats de la surface terrestre que la sphère sublunaire dans son
ensemble. 3. Je ne lis pas l’article défini, avec la famille a : effet d’es-
tompe typiquement aristotélicien. Ar. passe à ce qu’il considère
5. Il faut d’abord prendre conscience de la nécessité uni- comme son innovation véritable : l’identification de la cause
verselle d’une cause efficiente (chap. 9) pour pouvoir ensuite efficiente de la génération. Curieusement — s’agit-il d’une coïn-
identifier la cause efficiente individuelle de la génération, le cidence, d’une réminiscence inconsciente ou d’une stratégie
soleil mû sur l’écliptique (chap. 10) et a fortiori d’une cause parodique ? — un mouvement rhétorique assez semblable ac-
efficiente interne à chaque animal (le cœur). Cf. Introduction, compagne, en Timée 48e, le dépassement des deux « causes »
p. clxxvi-clxxix. que sont le paradigme et son imitation, jugées un temps seule-
ment « suffisantes » (cf. ¯κανFv), par la prise en compte de la
6. Phrase difficile, qui a gêné les commentateurs anciens
causalité « matérielle ».
et modernes. Il est en effet fort étrange d’expliquer les quatre
causes du monde de la génération par référence aux réalités 4. Il est possible, comme le suggère Philopon, In GC 285,10-
éternelles, alors que ces dernières n’ont matière et « effi- 14, qu’Ar. ait spécialement en vue Anaxagore, qui postule le νοÖv
cient » qu’en un sens assez particulier. La suite du texte sans finalement savoir qu’en faire, et le Platon du Timée.
éclaire cependant le mouvement argumentatif d’Ar. : le statut
d’engendré-corruptible appartient autant à l’essence des êtres 5. τFν ε®δFν φËσιv. La synthèse du GC tend à intégrer les
qu’il recouvre que celui d’éternel aux êtres célestes étudiés en Idées platoniciennes au rang de causes formelles (au sens phy-
DC I-II. En d’autres termes : ce qu’est la nécessité aux êtres sique aristotélicien), pour souligner leur manque d’efficience.
éternels est la possibilité aux êtres engendrés. V. n. suivante. Les commentateurs modernes se plaisent à stigmatiser les dis-
torsions aristotéliciennes d’Ar. Pour une défense intéressante
7. En quel sens Ar. parle-t-il de la cause efficiente des réa- de la pertinence de la critique aristotélicienne, cf. J. Annas,
lités éternelles (c’est-à-dire supralunaires) ? Il ne saurait s’agir « Aristotle on Inefficient Causes », The philosophical Quarterly
de les créer ex nihilo, puisqu’elles existent de toute éternité ; ni, 32, 1982, p. 311-326.
sans davantage de précision, et quoi qu’en disent les commen-
6. Paraphrase du Phédon, 96a-99c et 100b-101c.
tateurs, de produire leur mouvement, puisque celui-ci est une
imitation de l’essence et relève par conséquent de la finalité. 7. Les commentateurs se sont demandés qui Ar. avait ici en
Ar. veut dire que l’existence d’une matière nécessaire et celle tête. Ils mentionnent Empédocle, Archelaus (cf. Phédon 96b),
d’une forme connexe ne suffit pas à l’instanciation de la forme le Parménide de la doxa et les Atomistes. Cf. Migliori, p. 254,
dans la matière. Il faut encore qu’un principe efficient réalise Picot (art. cit. supra p. 57, n. 5), p. 74, n. 69. Le pluriel d’Ar.
cette forme dans cette matière. Il s’agit sans doute de l’âme des suggère encore une fois les médecins physiciens de l’époque.
astres, qui les fait se conformer à la translation circulaire. Voir Introduction, p. xlvi et p. 75, n. 7.
172 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 74-77) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 74-77) 173
8. Première critique aux Idées platoniciennes : à supposer fondamentales dans tous les cas que celles des deux grands
même qu’elles soient nécessaires, elles ne sont pas suffisantes principes mécaniques. Cette lecture me paraît la plus probable.
pour expliquer des processus sensibles opposés. Il est peu vraisemblable que nous ayons affaire au raisonne-
ment des auteurs anonymes. Ar. nous donne son analyse des
Page 75. contraintes subies par le projet matérialiste, ou plutôt son ana-
lyse de son échec : aveuglés par les réussites partielles de leur
3. Première critique aux matérialistes : la matière par elle- mécanique des qualités, les médecins physiciens — si c’est bien
même n’est pas cause de réalisation. Elle est purement passive d’eux qu’il s’agit — ont hypostasié à outrance les qualités sen-
(cf. GC I 7, 24b 18 et Métaph. Θ 1, 1046a 9-29, 1048a 25-b 9). sibles, perdant ainsi de vue la nécessité d’un principe formel.
4. Deuxième critique : l’essence et la forme ne jouent aucun 8. Le raisonnement est le suivant : comme les matéria-
rôle chez les matérialistes. Il est particulièrement intéressant listes suppriment la forme et la fin, ils ont besoin de causes
qu’Ar. concède ici que la cause formelle, décrite à peine plus matérielles « intelligentes » et efficaces, donc actives. Cela les
haut (35b 25 et la n.) comme moins « physique » que la cause conduit à faire des qualités les plus actives les principes des
matérielle, est cependant « plus fondamentale ». Il faut ce- êtres. Mais même le feu est susceptible d’affection et présup-
pendant bien comprendre, avec Alexandre (cité par Philopon pose par conséquent une causalité d’ordre supérieur.
287,8-15), qu’il ne s’agit pas là d’un pur retour au platonisme,
mais d’une affirmation dictée par la doctrine aristotélicienne
de la forme dans la matière, qui se rapproche de l’efficience. Page 76.
Ce qui agit doit en effet être en acte et l’acte est synonyme de 2. Cf. Phys. VIII 7-9.
la forme.
3. Il s’agit du soleil. Voir infra, p. 77, n. 2. Les commenta-
5. La forme et la fin étant absentes, la matière est teurs renvoient à juste titre à Physique II 2, 194b 13 et Metaph.
surévaluée et, de simple passivité, devient efficience. Les maté- Λ 5, 1071a 15-16 ; 6, 1072a 10-18.
rialistes finissent par faire de la matière un outil aussi efficace
que la forme dans l’esprit de l’artisan. 4. Phys. VIII 7, 260a 26-261a 26.
6. Il s’agit sans doute de tous les contraires, qu’ils érigent 5. L’idée est développée en Phys. VIII 7 et revient en MA 5,
en outils, à la rigueur du chaud et du froid (v. n. suivante). 700a 26-b 3.
7. En DC III 8, 307a 31-b 5 Ar. remarque, en s’opposant 6. Cf. GC I 3, 17b 33-18a 23.
aux Atomistes, que le feu réunit bien plus qu’il ne divise (car
il réunit les corps homogènes et sépare les corps hétérogènes). 7. C’était le nerf de la critique des Idées platoniciennes
En GC II 2, 29b 26-29, il s’oppose dans les mêmes termes à causes de génération (cf. GC II 9, 35b 18-19).
des auteurs anonymes. Le « comme ils disent » s’explique ainsi 8. Le mouvement circulaire n’a pas de contraire. Il s’agit
comme une prise de distance et non comme une marque d’as- dans le premier cas de deux mouvements rectilignes de sens
sentiment, d’où nos guillemets. Si l’on suit la lettre d’Ar., il inverse ; dans le second, sans doute moins de vitesse que de
n’est pas impossible que ces auteurs anonymes fassent une variation « sinusoïdale » du mouvement, comme celle de la
différence précise entre la contrariété chaud-froid, où les deux translation du soleil (contra Joachim, p. 257 ; cf. Physique V
termes sont actifs et ont un rôle mécanique fondamental, et 4, 228b 21-26).
tous les autres couples, qui se composent d’un terme actif et
d’un terme passif (τ¿ µν... τ¿ δ... au sens de : « l’un [des deux]
Page 77.
... l’autre [des deux] ... »). Selon une interprétation plus souple,
Ar. viserait plutôt à distinguer le chaud et le froid des autres 1. Il s’agit du cercle du zodiaque, dont le mouvement ap-
qualités, auxquelles les auteurs critiqués accordent de petites parent (et pour Ar. réel) se produit sur un cercle d’inclinaison
« puissances » actives ou passives, au hasard d’une sorte de cui- variable par rapport au plan de l’équateur terrestre (et de même
sine (τ¿ µν... τ¿ δ... au sens de : « tantôt ... tantôt ... »), moins centre que ce dernier). Le plan de l’écliptique varie ainsi dans
174 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 77-78) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 77-78) 175
un intervalle d’un peu plus de 23ř de part et d’autre de l’équa- 7. Les difficultés soulevées par les commentateurs à l’en-
teur céleste (verticale des tropiques terrestres du Cancer et du contre de ce paragraphe se dissipent à la lecture de GA IV 10,
Capricorne). 777a 31-778a 9, qu’on ne peut citer intégralement ici, mais au-
quel il y a tout intérêt à se reporter. Cf. supra, Introduction, p.
3. Les commentateurs du GC laissent inexpliquée cette cu-
clxxvii-clxxviii.
rieuse affirmation. Ar. croit-il vraiment que le rayon terrestre
n’est pas négligeable par rapport à la distance entre la terre et 8. Il n’est pas du tout sûr qu’Ar. veuille dire la même chose,
le soleil ? Ou veut-il dire que le soleil s’approche et s’éloigne ou ne veuille pas dire grand’ chose, en juxtaposant ces deux
de la latitude (maximale) du solstice ? Ou s’agit-il d’une expres- termes. En GA IV 10, 777b 16-18, Ar. distingue « les durées
sion non préméditée, relevant du langage commun ? On notera des gestations, des générations et des vies » (ο¯ χρ¾νοι κα τFν
qu’Ar., qui cite en DC II 14, 298a 15-17 la dimension de la cir- κυσεων κα τFν γενσεων κα τFν β¬ων), qui « tendent, dans le
conférence terrestre selon les mathématiciens (40 000 stades, cours normal des choses, à être mesurées par des cycles »
soit plus de 70 000 km), en conclut seulement (19-20) qu’« elle (µετρεEσθαι βοËλονται κατ φËσιν περι¾δοιv). χρ¾νοv s’applique donc
n’est pas grande par rapport aux autres astres ». Simplicius à tous les phénomènes réguliers liés à la génération des êtres
répond indirectement à la question dans sa discussion de DC vivants ; c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de rendre ce
II 7, 189a 19-35 (438,28-444,15) en remarquant que, le rayon terme par « durée » et de traduire περ¬οδοv, où l’idée de circu-
terrestre étant négligeable par rapport à celui de la trajectoire larité est encore très présente pour Ar. et ses auditeurs, par
solaire, le soleil est toujours à la même distance de la terre ; « cycle ».
d’où viennent donc les variations de chaleur selon les saisons
(440,13-22) ? Il ne saurait s’agir d’une action à distance enjam-
Page 78.
bant le corps éthéré, comme le veut Alexandre (440,23-35). Le
soleil envoie en fait un rayonnement qui traverse inchangé la 1. En GA IV 10, 777a 31-b 16, Ar. rentre dans le détail de
substance incorporelle de l’éther, puis qui parvient à l’air, dont ces différences et précise que les périodes de gestation sont
les interstices le laissent aisément passer. C’est en tombant sur proportionnelles aux périodes de vie. V. n. suivante.
les corps plus denses que le rayonnement solaire finit par re-
bondir et qu’il prend alors en tenaille l’air intermédiaire, qui 2. Les commentateurs remarquent qu’Ar. n’explique pas
pourquoi hiver et été ne se neutralisent pas chaque année, en
du coup s’agite et, par frottement interne, s’échauffe. Les lois
sorte que ni la période de croissance de l’individu ni celle de
de la réflexion expliquent que l’air soit plus chaud à mesure
déclin ne pourraient avoir lieu. Ar. répond pourtant à cette
que le soleil se rapproche non pas « de nous », mais de la ver-
question, en GA IV 10, 777b 27-29 encore une fois : « les
ticale de notre tête (441,15 : τG κατ κορυφν µFν πλησιζειν), la
poussées de chaleur et de froid, jusqu’à un certain équilibre,
déperdition étant minimale pour un angle de 0ř.
produisent les générations, et ensuite les corruptions ». Cette
4. Mot-à-mot : « inégal ». phase s’explique à son tour par les explications données en
Vit. La vie est liée à la chaleur interne. Mais pour subsister,
5. Les commentateurs ont noté, depuis l’Antiquité (cf.
cette dernière ne doit pas s’auto-consumer. Elle doit donc être
Alexandre, Quaestiones, III, 4) l’aporie suivante : si la géné-
en permanence refroidie au moyen des organes respiratoires.
ration d’une chose est la corruption d’une autre (GC I 3, 18a
Croître, c’est développer ceux-ci (cf. 479a 30-32, cité dans l’In-
23-25), comment Ar. s’estime-t-il ici autorisé à distinguer entre
troduction, p. clxxix). Les mêmes causes qui contribuent au
des phases de génération et de corruption ?
développement de l’animal par son échauffement progressif,
6. Le grec d’Ar. ne rapporte « naturelle » qu’à « généra- en sollicitant trop ses organes respiratoires, finissent par les
tion », mais il faut sans doute inclure les deux processus ad user. La chaleur n’est plus alors suffisamment refroidie et
sensum. On ne sait sur quoi Williams, p. 191 se fonde pour dire s’auto-consume. La doctrine d’Ar. est cohérente : le chaud et
qu’il « n’était pas possible, à l’époque d’Ar., d’accélérer la gé- le froid, chaque année, conservent les vivants en équilibre ther-
nération ». C’est faux, voir Phys. V 6, 230a 18-b 10 et les Jardins mique et aident même leur croissance et leur maturité. Puis
d’Adonis auxquels renvoie Simplicius (In Phys., 911,14). a lieu le début d’usure des tissus, qui provoque à terme le
176 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 78-79) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 78-79) 177
déséquilibre thermique et la mort. Bref, même si le froid est es- 2. Philopon, In GC 298,10-13 propose deux interpréta-
sentiellement, par lui-même, cause de corruption, comme les tions : soit « affections » désigne les modifications des corps
rythmes végétaux l’attestent, il contribue jusqu’à un certain et « puissances » les capacités selon lesquelles les corps se
point, par une sorte de ruse de la nature, à la génération et à transforment, soit « affections » renvoie aux qualités passives,
la croissance des vivants supérieurs. l’humide et le sec, et « puissances » aux qualités actives, le
chaud et le froid (cf. GC II 2, 29b 24-26).
3. Qu’est-ce qu’Ar. désigne exactement par cette « interpé-
nétration réciproque » (τν πρ¿v λληλα σËγκρασιν) ? On pourrait 3. On notera que le monde sublunaire imite le seul dépla-
tout d’abord supposer que dans la justification qui suit im- cement supralunaire, « divin », et non pas Dieu.
médiatement, la matière (Ïλη) soit à comprendre comme la 4. Le déplacement rectiligne dont il est ici question est celui
possibilité même d’être et de ne pas être (τ¿ δυνατ¿ν εµναι κα µ des éléments d’une zone cosmologique à une autre. C’est sans
εµναι ; cf. supra, II 9, 35b 4-5). Dans ce cas, l’« interpénétration doute la raison pour laquelle Ar. a préféré ne pas mentionner
réciproque » serait celle des processus de génération et de cor- la terre.
ruption. Mais il paraît plus vraisemblable qu’Ar. songe ici à la
constitution matérielle, et non pas logique, de la matière, et 5. Platon exprime une idée semblable en Timée 58a. On ne
que nous ayons une anticipation de GA IV 10, 778a 5-9 : « Ainsi sait qui sont les auteurs visés. Peut-être faut-il voir une allu-
donc la nature tend à mesurer les générations et les morts par sion à Empédocle. Le jeu d’Amour et Discorde viserait alors
les nombres qui régissent ces astres, mais elle ne peut le faire entre autres choses à ne rendre que temporaire la dissocia-
exactement à cause de l’indétermination de la matière et d’une tion complète des éléments en quatre ceintures concentriques.
multiplicité de principes qui empêchent les générations et les « Pourquoi dans l’univers tel que vous le concevez », deman-
corruptions de suivre l’ordre naturel, et causent souvent des derait en substance Empédocle à ses adversaires matérialistes,
accidents contre nature ». Ar. dirait, également dans le GC, que « les éléments ne se sont-ils pas définitivement rendus à la place
la matière est par définition rétive à une distinction parfaite où nous les voyons tendre ? Selon moi, il ne s’agit que d’un état
des êtres les uns des autres, que ce soit localement ou ontolo- momentané produit par Discorde et immédiatement bouleversé
giquement. Comme aucun corps, en tant que matériel, n’est par Amour ».
entièrement adéquat à sa définition, mais qu’il y a toujours 6. Il s’agit encore une fois des deux mouvements du soleil.
une part d’altérité en lui, les individus vivants eux-mêmes, qui
en sont composés, pâtissent de cette indétermination. Pour 7. Le long paragraphe qui suit est particulièrement difficile.
l’ensemble des parallèles entre GC II 10 et GA IV 10, voir In- Tant sa structure interne — qui prend la forme d’une immense
troduction, p. clxxvi-clxxix. période à la syntaxe floue — que son rapport à ce qui le précède
et à ce qui le suit posent problème. Tel que je le comprends, Ar.
4. Retour à la cause matérielle, GC I 3, 18a 9-25 ; cf. égale- y répond à la question suivante : si le mouvement céleste est res-
ment II 10, 36a 16. ponsable de la continuité de la génération et de la corruption,
ne peut-on pas supposer qu’il suffise, pour qu’il y ait génération
5. Curieusement, les commentateurs ne notent pas qu’Ar.
et corruption ici-bas, que différents mouvements célestes se
renvoie ici à sa doctrine de l’Ãρεξιv, clé de voûte de la théologie
succèdent les uns aux autres, bref, qu’il y ait toujours du mouve-
de Metaph. Λ (cf. chap. 7, 1072a 26-30 en part.), avec pleine
ment, mais pas nécessairement un unique mouvement, là-haut ?
conscience de l’innovation terminologique et théorique qu’elle
La réponse se déploie sur deux moments : tout d’abord (37b
représente.
17-22), Ar. souligne que malgré l’autonomie relative des trans-
6. Cf. Metaph. ∆ 7, 1017a 7 sqq. ; E 2, 1026a 33 sqq. ; Z 1, lations célestes, qui se ramènent toutes à un moteur propre,
1028a 10 sqq. ; Θ 1, 1045b 32 sqq., 1051a 34 sqq. un principe général unique les coiffe. La pluralité n’est donc
pas exclusive d’unité. Il montre ensuite (37b 22-33) que, (i) la
continuité du temps présupposant celle du mouvement et (ii)
Page 79.
le mouvement au fondement du temps présupposant non seule-
1. Cf. Physique VIII 8. ment la continuité du se-mouvoir (moveri) mais également la
178 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 79-81) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 79-81) 179
continuité matérielle de la chose mue (motum), la continuité du (vir) qui ressemble à sa mère ou à ses aïeux, une femme ou un
mouvement n’est pas suffisante pour rendre compte de celle de monstre (cf. GA IV 3). En cette indétermination matérielle ré-
la génération et de la corruption. Il faut lui ajouter un principe side paradoxalement la meilleure preuve du finalisme : c’est
de cohérence matérielle, qui n’est autre que celle de la dernière parce que la nature, en produisant des femmes, accumule les
sphère céleste, qui enceint et délimite le cosmos. Notons que semi-échecs individuels que la survie globale de l’espèce est as-
l’argument à la fois s’inspire et fait usage de la démonstration, surée. Les propositions (1) et (2) sont donc intimement liées. Je
en Phys. IV 14, 23a 29-b 12, de la liaison privilégiée entre le suggère ailleurs — « La préservation (σωτηρ¬α), objet des Parva
temps et la sphère des fixes. Naturalia et ruse de la nature », Revue de philosophie ancienne 20,
8. Cf. Phys. VIII, chap. 5-6. 2002, p. 35-59 — que c’est la notion de σωτηρ¬α, « sauvegarde »,
qui permet à Ar. de concilier ces deux exigences à première vue
9. On pourrait être tenté d’interpréter la première protase opposées.
(ll. 17-22 : « premièrement ... se rangent sous un seul prin-
cipe ») comme une description allusive non pas du premier 3. Ar. exprime cette distinction par les deux termes σται,
moteur immobile mais, étant donné la suite de la démons- « sera », et µλλον (corrigé en µλλει par Joachim, auxiliaire
tration (ll. 22-33), du premier mû, c’est-à-dire la sphère des servant à dénoter l’intention, l’imminence ou la probabilité
étoiles fixes. Dans ce cas, l’adjectif « immobile » (κ¬νητον) se- future). Il ne faut surtout pas entendre ici le verbe « se pré-
rait une interpolation très ancienne (car attestée dans toutes parer à » en termes psychologiques. Il ne s’agit que du futur
les branches de la tradition). Mais c’est peu probable, car Ar. en affaibli du langage courant.
renvoyant clairement à d’autres passages, fait sans aucun doute
allusion à ses développements sur le premier moteur de Phys. Page 81.
VIII (cf. n. précédente). La première protase concerne donc
nécessairement le premier moteur ; il faut alors comprendre 1. Cette distinction vise à dissocier plan physique (point
que dans l’esprit d’Ar., celui-ci est introduit comme un fonde- de vue de la science énonçable fondée sur les causes) et
ment implicite et évident du mouvement du premier mû (cf. plan purement logique (cf. DI, chap. 9). L’assertion, faite du-
Phys. VIII 6, 259b 32-260a 19), dont il sera seul question dans rant l’enfance de Sophronisque, « Sophronisque engendrera
la suite de l’argument. Socrate » est assertoriquement vraie, mais non nécessaire : L’as-
sertion, faite après la naissance de Socrate, « Sophronisque a
engendré Socrate », est nécessairement vraie, mais encore une
Page 80. fois non nécessaire. l’indétermination de la matière assure de
1. Cf. Phys. VIII, chap. 8. l’indétermination causale (plan de la science) de cet événe-
ment, c’est-à-dire de son indétermination tout court. Le point
2. Ar. va maintenant tenter de mettre sur pied une logique
qui importe à Ar. est qu’il ne s’agit pas d’une imperfection de
modale de l’engendré. L’idée du chap. est double : (1) dénier
notre science, mais de l’irréductibilité de l’être du sublunaire
la nécessité de toute génération d’un individu A par un indi-
en tant que tel (c’est-à-dire engendré et composé des quatre élé-
vidu B ; (2) affirmer la nécessité de toute génération cyclique
ments) à toute science exacte. Au niveau des causes naturelles,
éternelle, des événements astraux à la reproduction des es-
seul le « se préparer à être » a un sens (la seule proposition
pèces. — On remarquera qu’il ne s’agit pas, dans le premier
nécessaire étant un cas-limite, épistémologiquement stérile
cas, de se prononcer sur le statut modal de l’étant au moment
d’ailleurs, dû à la nécessité téléologique de la perpétuation de
où il est (Ar. lui-même, dans certains contextes, accorderait
l’espèce : « au moins deux individus de sexe opposé, à l’époque
qu’il est nécessairement — voir cependant plus haut, p. 73, n. 6)
de Sophronisque, seront engendrés »).
mais de souligner l’indétermination structurelle du monde où
concourent forme et matière (Ar. développe ici l’allusion faite 2. L’aporie qui suit se comprend dans le cadre de l’ontolo-
en GC II 10, 36b 21-23) : un homme (vir), s’il engendre, doit gie aristotélicienne : si ce qui est nécessairement, c’est ce qui
(cf. n. suivante) engendrer un homme (vir) qui lui ressemble, est toujours et que la génération est, dans une certaine me-
mais il peut engendrer, par ordre d’échec croissant, un homme sure au moins, un passage de ce qui n’était pas à ce qui est,
180 NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 81-83) NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 81-83) 181
il semble que la génération soit intrinsèquement réfractaire à 6. Nerf de la solution. Le principe de circularité est in-
toute nécessité. terprétable en termes de sempiternité mais non d’infinité. La
3. Ar. utilise ici au maximum le large spectre du verbe circularité de la génération était précisément conçue, en Me-
γ¬νεσθαι. Le « solstice », en français, se produit mais n’est pas taph. α 2, 994a 19-b 9 en part., comme une façon d’échapper à
engendré. L’intérêt de cet exemple est bien entendu pour Ar. l’infinité. Le devenir circulaire est éternel mais, étant clos sur
d’introduire l’idée de cycle sur laquelle il va s’appuyer durant lui-même, ne pâtit pas de l’imperfection de l’infini-indéfini : les
la fin du chap. : la seule nécessité, dans le domaine de la géné- classes d’êtres (types) dont il fait la tournée sont en nombre
ration, est celle de la venue à l’être cyclique des choses. fini. Un corps de science fini suffit à les traiter tous.
4. Ar. passe maintenant au pivot de sa démonstration : la
nécessité de la génération du postérieur implique celle de la Page 83.
génération de l’antérieur, mais non l’inverse. 1. C’est également à cette relation d’inversion qu’il était
5. C’est-à-dire, si la maison est intrinsèquement, par soi, fait appel en Metaph. α 2, 994a 31, b 3 et b 5.
nécessaire. 2. L’inversion présuppose deux termes au minimum mais
6. En d’autres termes, la nécessité de l’antérieur ne semble peut avoir lieu avec tout nombre fini.
impliquer celle du postérieur que quand le postérieur est en 3. Phys. VIII, 7-9.
réalité par soi (ou, tout au moins, non pas en raison de l’anté-
rieur) nécessaire. 4. Ar. fait allusion ici au mouvement du Premier Ciel et,
à sa suite, de celui de toutes les autres sphères éthérées. On
7. « Le bas » : le futur. L’idée d’Ar. est la suivante : dans le a gardé le terme « venir à l’être » par souci de cohérence, bien
domaine naturel, le postérieur n’est pas nécessité par l’anté- qu’il choque un peu dans le contexte du monde supralunaire.
rieur ; s’il est nécessaire, il doit donc tirer sa nécessité de ce Mais l’effet est sans doute voulu par Ar., qui cherche à mon-
qui lui est postérieur, etc. à l’infini. Comme on ne rencontrera trer, ou tout au moins à suggérer, la connexion intime entre
jamais de dernier terme nécessaire qui rende nécessaires tous ces mouvements locaux et les processus de génération cyclique
ceux qui l’ont précédé, il n’y aura de nécessité que celle de la d’ici-bas.
contingence de tous les maillons de la chaîne.
5. La sphère du vivant.
Page 82. 6. Le dernier paraphraphe est destiné à réaffirmer, mal-
gré le type de nécessité propre à la génération cyclique, les
2. Ce qui dans l’éternité temporelle est contradictoire (cf. limites du modèle. Aucun être de puissance ne peut subsister
DC II 12). indéfiniment, a fortiori renaître identique à soi après avoir été
3. Ar. en arrive à l’objet de sa démonstration : la nécessité corrompu.
de la génération passe par la circularité du processus.
4. Car dans l’infini rectiligne, « tous les termes sont au mi-
lieu » (Metaph. α 2, 994a 16-18).
5. Le texte est difficile, condamné par Joachim. Je com-
prends le τε ( µτε ) comme reliant les deux propositions
infinitives dépendant de νγκη (le τε solitaire pour lier deux
mots n’apparaît à peu près que dans la langue des poètes, tan-
dis que des prosateurs y ont recours pour lier, comme ici, deux
propositions ; cf. K.-G. II, 2, p. 241-243, § 519, point 2 en part.
et ici-même, 16b 6). Le sujet du génitif absolu πεπερασµνηv
οÑσηv est la γνεσιv de la phrase précédente et celui de ¼διον
εµναι le ρχν de la première proposition.
INDEX NOMINUM
Les deux index suivants renvoient à l’Introduction et aux Abū Hāsim al-Gubbāı̄ : xii Anaximandre : 1 n. 6, 51 n.
notes. Pour ce qui concerne le texte d’Aristote, on trouvera Ackrill, J. L. : clxxi 4, 52 n. 2, 62 n. 3-4
un index analytique admirable dans l’édition de Joachim. Les Adonis : 77 n. 6 Anaximène : 1 n. 6, 51 n. 4
Byzantins sont classés au prénom (ex. : Jean Argyropoulos), Adraste d’Aphrodise : ccix- Andronicos Callistos :
ccxlv
les Latins et les Arabes selon leur nom d’usage. ccx, ccxv, ccxvii-ccxviii,
ccxxi Andronicos de Rhodes :
cxcviii-cxcix, cci-cciv,
Aemilius Juncus : ccviii-
ccvi-ccvii, ccix, ccxii,
ccix
ccxiv, ccxviii
Aëtius (dox.) : xliii, 3 n. 1
Annas, J. : 74 n. 5
Akron d’Agrigente : xliv Anonymus Aristotelicus
Alcméon : xvii, 2 n. 7 (copiste) : ccxlvii
Alexandre d’Aphrodise : Antisthène : 1 n. 9
xliii ; lxv, lxvii, lxxxi, Apollonius de Rhodes : 48
xcviii-xcic, clxxvi, n. 3
clxxxv, cxcvii, ccvi- Apollonius Dyscole : ccx
ccvii, ccxi-ccxvii, ccxx-
ccxxi, 2 n. 9, 9 n. 2, 13 Aratos : 3 n. 10
n. 4, 34 n. 5, 51 n. 4, 75 Archelaus : 74 n. 7
n. 4 77 n. 2-3, 5 Archimède : cxlvi
Alexandre de Damas : ccxi Aristophane : 6 n. 2
Allan, D. J. : clxxxix, cxcii, Aristote : passim
cxcvii Aristoxène de Tarente : liii
Al-Nadı̄m : ccv Arrien : ccix, ccxxi
Althoff, J. : xii, xxv-xxvi Asclépius : ccii, ccxvi-
Amigues, S. : cci ccxvii
Aspasius : ccx-ccxi, ccxv
Anaxagore : xvii, xl, 1 n. 8-
9, 2 n. 1, 2 n. 6-7, 3 n. 3, Asulanus, A. : 41, n. 2
8 n. 2, 19 n. 3, 45 n. 2, Athènes : xliv
47 n. 2, 74 n. 4, Athénodore : lii
184 INDEX NOMINUM INDEX NOMINUM 185
INDEX NOTIONUM