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numéro
Mars-Avril 2007 - 6 €
Éduquer au sommeil
Fax : 01 49 33 23 90
Janvier-Février 2007 - 6 €
• l’actualité http://www.inpes.sante.fr
• l’expertise
Directeur de la publication :
• les pratiques Philippe Lamoureux
• les méthodes d’intervention
RÉDACTION
dans les domaines de la prévention Rédacteur en chef :
et de l’éducation pour la santé Yves Géry
Secrétaire de rédaction :
Marie-Frédérique Cormand
Une revue de référence et Assistante de rédaction :
un outil documentaire pour : Danielle Belpaume
La santé... • les professionnels de la santé, RESPONSABLES DES RUBRIQUES :
par l’activité physique ! Qualité de vie : Christine Ferron
du social et de l’éducation <dired@inpes.sante.fr>
• les relais d’information La santé à l’école : Sandrine Broussouloux
Nanterre : Prévention du tabac : Inégalités sociales • les décideurs et Nathalie Houzelle
un espace santé
pour les jeunes
qu'en pensent
les enseignants ?
et santé
chez les 60-75 ans
<sandrine.broussouloux@inpes.sante.fr>
Débats : Éric Le Grand
Rédigée par des professionnels <legrand.eric@cegetel.net>
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• experts et praticiens Rostan <christine.gilles@inpes.sante.fr>
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52 pages d’analyses • responsables d’associations et de réseaux
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et de témoignages • journalistes <jennifer.davies@inpes.sante.fr>
Éducation du patient : Isabelle Vincent
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Lectures – Outils : Olivier Delmer, Sandra
Kerzanet et Fabienne Lemonnier
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2 ans 48 € 1an (6 numéros) COMITÉ DE RÉDACTION :
Étudiants (1 an) 19 € 2 ans (12 numéros) Jean-Christophe Azorin (centre de ressour-
Étudiants 1 an (6 numéros) ces prévention santé), Soraya Berichi (minis-
Autres pays et outre-mer (1 an) 38 € tère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie
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associative), Dr Zinna Bessa (direction géné-
Autres pays et outre-mer 1 an rale de la Santé), Mohammed Boussouar
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les numéros suivants (en fonction des Michel Dépinoy (INPES), Alain Douiller
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Soit un montant de € Christine Ferron (Fondation de France), Lau-
rence Fond-Harmant (CRP-Santé, Luxem-
Santé mentale, n° 359. bourg), Jacques Fortin (professeur), Christel
Ci-joint mon règlement à l’ordre de l’INPES
La promotion de la santé à l’hôpital, Fouache (Codes de la Mayenne), Myriam
par chèque bancaire chèque postal Fritz-Legendre (Ceméa), Sylvie Giraudo
n° 360.
(Fédération nationale de la Mutualité française),
Éducation pour la santé et petite Joëlle Kivits (SFSP), Laurence Kotobi (MCU-
Nom
enfance, n° 361. Université Bordeaux-3 ), Éric Le Grand
Prénom
Soixante ans d’éducation pour (conseiller), Claire Méheust (INPES), Colette
Organisme Ménard (INPES), Félicia Narboni (ministère
la santé, n° 362. de l'Éducation nationale, de l'Enseignement
Fonction
L’Europe à l’heure de la promotion supérieur et de la Recherche), Bernadette
Adresse Roussille (Inspection générale des affaires
de la santé, n° 371.
sociales), Élodie Stanojevich (INPES), Dr Sté-
Nutrition, ça bouge à l’école, n° 374. phane Tessier (Crésif/Fnes).
Prévention des cancers, n° 375.
Médecins-pharmaciens : Fondateur : Pr Pierre Delore
Date
les nouveaux éducateurs, n° 376. FABRICATION
Les ancrages théoriques Création graphique : Frédéric Vion
Signature Impression : Mame Imprimeurs – Tours
de l’éducation pour la santé, n° 377.
SH 388
ADMINISTRATION
La santé à l’école, n° 380. Département logistique (Gestion des abonne-
ments) : Manuela Teixeira (01 49 33 23 52)
Commission paritaire :
0508 B 06495 – N° ISSN : 0151 1998.
Dépôt légal : 2e trimestre 2007.
Tirage : 11 000 exemplaires.
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
Les titres, intertitres et chapô sont de la respon-
42, bd de la Libération – 93203 Saint-Denis Cedex - France sabilité de la rédaction
sommaire 388
numéro
◗ Qualité de vie Personnes âgées : prendre en compte
Mars-Avril 2007
Santé mentale : enquête sur l’accueil le vieillissement physiologique
en urgence Alain Nicolas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Michel Joubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Ateliers du sommeil : une alternative
Adolescents en grande difficulté : aux médicaments
deux réseaux innovants en Ile-de-France Henri-Pierre Bessias . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Isabelle Maillard .......................7
Enfants et adolescents :
Aulnay-sous-bois : un service spécialisé mais où est passé le sommeil ?
pour les adolescents en danger
Clémentine Rappaport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 De la naissance à l’adolescence,
dans les bras de Morphée
Un partenariat pour désamorcer l’échec Marie-Josèphe Challamel . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
chez les 10-18 ans
Claude Louzoun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 « Agir sur le sommeil et les rythmes de vie
à l’école »
Entretien avec Nicole Rivière . . . . . . . . . . . . . . 46
L’urgence (dans le sens large, urgen- gence hospitalière. Pour les problèmes Accéder à une aide en temps réel
ces hospitalières et toutes autres oppor- de santé mentale, d’autres recours peu- Les visites aux urgences hospitalières
tunités de recours) est devenue un véri- vent être aussi pratiqués (police, pom- renvoient pour partie à des difficultés
table phénomène de société, en partie piers, Samu, téléphonie spécialisée, d’accès aux soins, qu’elles soient éco-
lié aux problématiques d’exclusion etc.). Les dispositifs tendent, pour évi- nomiques (impossibilité d’avancer le
sociale (1) mais renvoyant aussi à des ter l’inflation des demandes et leur prix d’une consultation), relèvent de
mutations de société et de temporalité chronicisation, à introduire des filtres, recours tardifs (situations dégradées ne
sociale (2). La montée des demandes des sas ou des amortisseurs. pouvant plus être traitées sur le mode du
posées dans l’urgence pose deux types rendez-vous) ou de résistances à l’égard
de questions : le rôle des conditions La réflexion présentée ici prolonge des consultations médicales classiques
sociales (fragilisation des individus, une recherche initiée par le Réseau « hors hôpitaux ». Les problèmes de santé
injonctions croissantes à la performance régional de recherche en santé mentale sont plus difficiles encore à
et à la flexibilité) dans la configuration publique piloté par le Cesames1, qui se gérer car beaucoup de personnes ne
des problématiques de santé ; la capa- proposait de décrypter ce que nous connaissent pas les dispositifs spéciali-
cité de notre système de santé (et plus avons appelé le « système des recours sés et redoutent la psychiatrie.
particulièrement des services d’ur- en urgence à la psychiatrie », tant pour
gence) à les prendre en compte. les adultes que pour les adolescents. Nous sommes partis, dans ce travail,
Elle a concerné deux intersecteurs de de l’idée qu’il serait possible, via les
Si l’on sait identifier et codifier les pédopsychiatrie (Aulnay-sous-Bois, en urgences, de mieux identifier et qualifier
logiques de recours aux soins relevant Seine-Saint-Denis, et Asnières-Genne- les problèmes d’articulation entre l’offre
de l’urgence psychiatrique reconnue villiers, dans les Hauts-de-Seine) et un et la demande de soins, pour ce qui est
(pour lesquelles aucune autre moda- secteur adulte (Paris Centre) intégrant de la santé mentale. La réticence à se
lité d’intervention n’est imaginable), au un centre d’accueil et de crise. Sur les considérer comme malade apparaît
travers des protocoles établis de dia- territoires concernés, nous avons ren- d’autant plus forte, en santé mentale, que
gnostic et de soins (3), les interactions contré plus de cent cinquante profes- les difficultés sociales sont plus pronon-
santé/conditions sociales sont plus dif- sionnels (médecins généralistes, équi- cées. Les publics plus particulièrement
ficiles à prendre en compte. La capacité pes de secteur, services d’urgence concernés étaient les adolescents, les
et la volonté d’une personne en situa- hospitalière, associations, travailleurs consommateurs abusifs de psychotro-
tion de précarité sociale d’entrer en sociaux) et, pour le secteur adulte, une pes, les personnes et familles en situa-
relation avec un professionnel de santé quinzaine de personnes ayant vécu tion de grande précarité et les personnes
peuvent se trouver bousculées par l’ur- l’expérience de ces recours en urgence. isolées. Le fait de se retrouver aux urgen-
gence, qui réduit les contraintes préli- ces renvoie à la possibilité de trouver
minaires pour le patient : se faire La recherche a fonctionné avec les une aide en temps réel sans préalables
patient, venir avec une demande cons- équipes de secteur sur le mode partici- (rendez-vous, examens) ou conditions
tituée, être prêt à entrer dans un proto- patif (groupes d’analyse de situations, (se reconnaître comme malade, formu-
cole de soins. Face au besoin d’une aide restitution et discussion des résultats, ler une demande de soins). La démarche
en urgence, une réponse peut être entretiens réitérés avec les principaux et la situation relèvent d’une tempora-
apportée par le biais des services d’ur- protagonistes). lité de recours particulière.
Depuis 1990, la psychiatrie infanto- deux secteurs étudiés recouvrent cha- « passages à l’acte » : tentatives de sui-
juvénile publique a été l’objet d’orien- cun une zone géographique concen- cide, violences envers soi ou autrui,
tations politiques contribuant à redéfi- trant les mêmes profils de populations conduites à risques, troubles du com-
nir ses missions, son périmètre d’action (exposées à la précarité sociale et éco- portement... Le manque de réactivité et
et son champ de compétences. Alors nomique, et, pour une part importante, de mobilité des dispositifs sectorisés (6)
qu’elle tendait à se focaliser sur les seu- issues de l’immigration) et de difficultés est fortement dissuasif pour ces publics,
les maladies mentales, elle a été invi- (quartiers d’habitat social, fort taux de qui se caractérisent par une difficulté à
tée à porter son attention sur la « santé chômage des jeunes). Une partie des se projeter dans l’avenir et à se mobili-
mentale », soit un ensemble de diffi- adolescents pour lesquels ces secteurs ser pour un suivi régulier. Le face-à-face
cultés aux contours mal définis. De reçoivent des demandes de prise en de la consultation apparaît difficilement
plus, il lui a été demandé de s’adresser charge sont inscrits dans les filières de supportable pour une frange d’entre
d’une manière plus ciblée aux adoles- la protection de l’enfance et de la jeu- eux. La combinaison de ces obstacles
cents en développant des dispositifs nesse. Ces adolescents qualifiés de est susceptible de compromettre l’en-
d’intervention et des modalités d’action « bruyants » se caractérisent par des gagement de ces adolescents dans les
spécifiques – en réseau (2). vécus difficiles (maltraitances intra- soins.
familiales, carences affectives et édu-
Loin de faire l’unanimité, ces nou- catives) et des parcours de vie émaillés Pour ces adolescents, le recours à la
velles orientations suscitent au sein de de ruptures affectives, familiales, rela- psychiatrie infanto-juvénile s’effectue
la profession des dissensions et des tionnelles, scolaires ou dues à des pla- souvent sur le mode de l’urgence,
craintes (dilution de la psychiatrie dans cements. Les problèmes multiples aux- lorsque les acteurs de première ligne
la santé mentale, psychiatrisation du quels ils sont confrontés – dont les s’estiment dépassés, démunis et in-
social) touchant à l’intégrité de la disci- dimensions familiale, sociale, éducative compétents pour gérer la situation de
pline (3). Elles alimentent les tensions et et « psy », sont si intriqués qu’il appa- crise, et que leurs cadres d’action et
conflits entre acteurs du champ social et raît difficile de les démêler – mettent à d’expérience se trouvent mis en défaut.
spécialisé, révélateurs des manières dif- mal les cloisonnements institutionnels Face aux difficultés des secteurs à
férentes d’agir et de penser (4). Cepen- à l’origine d’une prise en charge centrée répondre à ces interpellations du fait de
dant, au-delà de ces antagonismes, se sur une seule dimension de l’individu. leur engorgement et des conditions
sont développés des dispositifs d’action d’accès aux soins, une partie de ces
innovants, associant des institutions et Ces populations aux frontières des situations se retrouve aux urgences des
des professionnels diversifiés. L’analyse institutions entrent difficilement dans hôpitaux généraux. L’hospitalisation
de l’expérience de deux secteurs de psy- les cadres d’action traditionnellement des adolescents à des fins d’évaluation
chiatrie infanto-juvénile permet de conçus par les secteurs de psychiatrie ou de contenance est alors souvent une
mieux comprendre les enjeux actuels infanto-juvénile (5) dans lesquels les requête formulée à la psychiatrie
du recours aux soins des adolescents seuils d’accès aux soins sont relative- infanto-juvénile par les acteurs du
confrontés à des difficultés1. ment élevés. Il arrive souvent que ces champ social, requête à laquelle il
populations n’aient pas de demande de apparaît parfois difficile de répondre
L’inadéquation des cadres soins, soient dans le déni de leurs dif- pour plusieurs raisons : non-pertinence
d’action existants ficultés ou réticentes lorsqu’on leur pro- de l’hospitalisation sur le plan clinique ;
Bien qu’implantés dans des dépar- pose de consulter un « psy » qu’elles absence ou saturation des lits ; inadé-
tements aux caractéristiques socio- associent à la folie dans leurs repré- quation de l’hospitalisation dans un ser-
économiques éloignées (très dégradées sentations. Leurs modalités d’expres- vice non conçu pour les adolescents ;
pour l’un, favorisées pour l’autre), les sion prennent souvent la forme des effets iatrogènes potentiels de l’hospi-
COMMUNIQUÉ
ciaux, pour des adolescents confiés à une hospitalisation qu’ils refuseraient si
l’Aide sociale à l’enfance (ASE), le pla- un cadre psychiatrique leur était imposé
cement seul ne répondant pas à leurs car ces adolescents ne présentent sou-
difficultés. Dans le contexte social qui vent pas de pathologie grave.
est le nôtre, il est intéressant d’accor-
der une attention particulière aux Cette modalité de prise en charge a nformation
Une lettre d’i
enfants placés très précocement à été à l’origine de la création d’un accueil our tout
l’ASE1. Dans cette population spéci- de jour (« l’accueil jeunes ») pour ado- mensuelle p
actualité
fique d’adolescents placés à l’ASE, les lescents suicidants hospitalisés mais savoir sur l’
tion
demandes d’hospitalisation pour trou- aussi pour tous les autres adolescents de la préven
bles du comportement sont importan- du bassin de vie, hospitalisés ou non, tion
tes, elles représentent à elles seules qui nécessitent un abord spécifique, et de l’éduca
50 % des motifs d’hospitalisation de ces autour d’activités en petit groupe ou pour la santé
adolescents. individuelles. Car, si l’adolescent a
besoin de soutien, on sait combien il
Une structure d’hospitalisation telle rechigne à le reconnaître, alors même
que celle décrite ici, et qui bien évi- que la coupure d’avec le monde des
demment a ses équivalents dans d’au- adultes peut lui être préjudiciable. La
tres régions, est un outil indispensable démarche de prévention prend égale-
au traitement des adolescents. De peti- ment en compte les différents lieux et
tes unités paraissent idéales pour un professionnels qui interviennent dans le
accueil et un traitement des adolescents champ de la protection de l’enfance, du
dans des conditions de rencontre soin et de l’éducation : elle a été à l’ori-
humaine et thérapeutique optimales. gine de la création d’un « groupe
Cela permet une approche individuelle réseau » qui tente d’articuler un travail
avec chacun des patients, sans phéno- de partenariat. Ce « groupe réseau »
mène de groupe trop important, et réunit différents professionnels de
donc une contenance sans trop de vio- l’ASE, de la Protection judiciaire de la
lence, en utilisant le minimum de trai- jeunesse (PJJ), des foyers de l’enfance,
tements médicamenteux. de la prévention spécialisée, des CIO,
de l’Éducation nationale (assistantes
Prévenir et prendre en charge sociales, infirmières, CPE, principaux,
La mission d’un service de psychia- enseignants, etc.) et de la pédopsy-
trie infanto-juvénile au sein d’un hôpi- chiatrie. Ce groupe tente de mettre en
tal général – cas de l’hôpital Ballanger – commun les compétences et les regards
ne se résume pas à l’hospitalisation spé- croisés sur les adolescents les plus pro-
cialisée des adolescents. Elle comprend blématiques afin de créer des prises en
un volet important de prévention. L’ins- charge répondant au mieux à leurs pro-
tauration d’un véritable travail d’arti- blématiques complexes et multiples
culation entre tous les partenaires de (sociale, scolaire, culturelle, psy-
la prise en charge de l’enfance et de chique).
l’adolescence est fondamental : l’im-
plantation de services de pédopsychia- Clémentine Rappaport
trie dans les hôpitaux généraux est en Praticien hospitalier, responsable de l’unité
cela précieuse, permettant des échanges d’hospitalisation pédopsychiatrique
approfondis au sein même de l’hôpital, « Les Lits ados », secteur de psychiatrie
un travail en commun avec les services infanto-juvénile du Dr Berdah,
de pédiatrie, de chirurgie infantile, de hôpital Robert-Ballanger, Aulnay-sous-Bois.
maternité et de néonatologie. Par exem- Abonnez-vous
ple, la prévention des récidives de la
tentative de suicide peut être effectuée gratuitement !
par ces partenaires : une hospitalisation
systématique d’une semaine en pédia- www.inpes.sante.fr
trie pour ne pas banaliser la gravité du
geste constitue une modalité très effi- 1. Des statistiques plus précises peuvent être trouvées
cace de cette prévention. Pendant cette dans l’article intitulé Services de pédopsychiatrie et
semaine d’hospitalisation, des entretiens services de protection de l’enfance : demandes croi-
sées à paraître dans Perspectives psychiatriques.
quotidiens avec le jeune mais aussi avec 2. Se référer à l’article Dreyfuss C., Legein C., Domi-
ses parents permettent de travailler la nique Morel D., Questiaux E., Scart G., Berdah S. Ado-
crise sous-jacente2. Le cadre d’un service lescents suicidants : une expérience de prise en charge
double. Psychiatrie française 2000 ; vol. XXXI, n° 1
de pédiatrie, connu par les adolescents (mars) : La formation du psychiatre. http://www.psy-
et leur famille, permet qu’ils acceptent chiatrie-francaise.com/ rubrique Psychiatrie française.
Comment travailler avec les jeunes portements violents (bien souvent, en quatre ans de fonctionnement) n’ont
de banlieues qui se trouvent en grande comme mode de prestance, voire pas donné suite à cette première ren-
difficulté ? Cette catégorie a, en effet, d’existence), à leur exclusion répétitive, contre. Elle permet une appréciation
une autre caractéristique commune : à leurs incompréhensions agressives, à réciproque. Les règles du jeu sont édic-
mettre à mal, voire mettre en échec, les leur fatalisme souffrant, à leurs failles tées très précisément. Le jeune (seul ou
dispositifs multiples faits pour les pro- dans l’intégration des règles du jeu accompagné d’emblée par ses parents ;
téger, les éduquer ou les soigner. social et de la loi, etc. ; qui, sinon, seront reçus avec lui et la
– et, pour la plupart, (re)trouver du personne accompagnante dans un troi-
D’une commune volonté de ne pas sens, sortir de la jouissance pour s’aven- sième temps) décline ce qu’il veut de sa
abandonner cette « population à risque » turer du côté d’un imaginaire autre, s’es- biographie, de sa situation ; nous réflé-
et d’une analyse des besoins, est né le sayer au plaisir (insupportable pour chissons ensemble au profil ou au per-
projet d’un partenariat d’action en com- beaucoup !) de la créativité partagée, de sonnage qu’il nous donne à voir. La
mun – dans les Hauts-de-Seine sur cinq la découverte de ressources en soi, règle de confidentialité (interne et
communes : Asnières, Clichy, Genne- (re)démarrer du côté du réel jusque-là externe pour Soin & Culture) que nous
villiers, Levallois et Villeneuve-la- barré ou impossible (réinsertion sco- nous imposons fait que les informations
Garenne – entre le service de psychia- laire, projet de formation, engagement et l’élaboration de ces rencontres pré-
trie infanto-juvénile1, la Protection dans des soins psychologiques, etc.). liminaires restent au niveau du seul
judiciaire de la jeunesse (PJJ), l’Éduca- conseil de coordination2. Ultérieure-
tion nationale et l’Aide sociale à l’en- Démarche et premier accueil ment, toute rencontre concernant le
fance (ASE). Pas une structure ou un Un professionnel (assistante sociale, jeune se fera en sa présence.
dispositif de plus : une action ! enseignant, éducateur, consultant en
psychiatrie) – alarmé par l’évolution Le jeune choisit ou se voit proposer
S’y retrouvent, dans un mode de d’un jeune, par son état et ses condui- deux ateliers à l’essai ; son choix ensuite
faire original, des assistants sociaux, des tes, par son parcours chaotique ou est respecté sauf avis contraire de l’ar-
éducateurs spécialisés, des enseignants, d’échecs, par sa situation familiale, sco- tiste responsable de l’atelier (ce qui ne
des infirmiers, des médecins scolaires, laire, judiciaire, mais aussi accroché par s’est encore jamais produit).
des psychiatres, des psychologues, des l’empathie qu’il suscite malgré tout –
psychomotriciens… et des artistes ! nous contacte et nous expose les moti- Les ateliers sont au nombre de six,
vations de sa demande et les premiè- à fréquence hebdomadaire, répartis
L’objectif général : res réactions du jeune à cette possibilité. sur deux demi-journées. Chaque ate-
– accueillir ceux dont personne ne veut Ce professionnel est désigné comme lier est dirigé par un artiste engagé sur
plus (nous disent certains jeunes) et qui « la personne accompagnante » du par- un projet de création, d’animation et
sont dans le refus et le rejet : adoles- cours du jeune dans Soin & Culture, son de pédagogie par le biais d’un média-
cents à la dérive, adolescents en rup- référent, notre contact entre le jeune et teur culturel – c’est-à-dire autant artiste
ture, adolescents de la « haine » ; son environnement habituel. qu’animateur – (arts plastiques, art
– insister autour du lien social, de l’in- clownesque, danse, écriture, musique,
terrelationnel, de l’investissement de soi Deuxième temps : la personne théâtre) au moyen de son art et de sa
et d’autrui par le biais d’une médiation accompagnante vient avec le jeune. personne (pas d’art-thérapie !). Il est
culturelle ; C’est LA rencontre. Elle est décisive soutenu par deux à quatre profession-
– assurer la confrontation et des répon- non pas en termes de sélection : nous nels (éducateur, enseignant, infirmier,
ses à leurs conduites antisociales, à n’avons à ce jour refusé aucun jeune qui assistante sociale, psychologue, psy-
leurs identités par défaut, à leurs com- s’est présenté ; fort peu (moins de cinq chomotricienne, orthophoniste, secré-
taire) détachés de leur institution (et confiance en chacun, le soutien mutuel grant du symbolique et de l’autre, après
pour quelques-uns salariés par l’asso- et les relais, la confrontation respon- une traversée qui reconsidère (sans les
ciation La Licorne3), volontaires, sans sable avec les jeunes, l’exigence de régler) les présupposés d’instrumenta-
compétence particulière pour l’art respect de la dignité de chacun, adulte lisation, de manipulation, de fatalisme,
choisi, qui font l’atelier comme les jeu- ou jeune ! Il nous faut également des d’exclusion, de haine, d’absence d’ho-
nes. Ils sont là pour une expérience par- temps d’échanges, de discussion, d’éla- rizon… La plupart repartent avec un
tagée mais aussi dans un accompagne- boration : des rencontres informelles et projet de vie plus appréciable, avec
ment soigneux, dans une continuité courtes (mais riches et nécessaires) une inscription sociale assumée, avec
relationnelle et de projet, dans une ges- après les ateliers. Trois fois par an, nous une prise en compte de la nécessaire
tion psychodynamique, à la fois spon- invitons à un forum toutes les person- confrontation au réel, une manière
tanée et attentionnée, des émotions, nes accompagnantes, tous les profes- d’aborder autrement l’identitaire et la
des sentiments, des effets de groupe sionnels avec qui nous sommes en rela- singularité.
comme effets de chacun et sur chacun. tion ; nous maintenons ainsi une
Tous les artistes et co-animateurs des possibilité régulière ouverte et collective Un groupe relais pour
ateliers se retrouvent en supervision pour s’informer, questionner, débattre, le parachèvement des parcours
une fois par mois avec une psychana- critiquer. Certains signifient une fin de par-
lyste. cours et ne parviennent pas pour autant
à la séparation ; d’autres ont besoin
On prend soin des jeunes également d’être accompagnés vers un après. C’est
grâce à l’environnement d’accueil qui pour cette raison que nous avons cons-
organise l’espace Soin & Culture4 titué un « groupe relais » qui travaille
chaque matinée. Le groupe d’accueil de concrètement, avec le jeune et la per-
chaque demi-journée comprend trois sonne accompagnante, sur cet après et
ou quatre professionnels (auxquels cet ailleurs.
s’adjoint un stagiaire psychologue). Ils
accueillent tous les jeunes et person- Nous refusons pourtant d’enjoliver
nes accompagnantes ou familles une les effets et les résultats. Leur environ-
demi-heure avant et une demi-heure nement reste le même bien qu’ils cher-
après les temps d’ateliers sur un mode chent, avec plus ou moins de bonheur,
convivial. Ce temps d’accueil est essen- à s’y inscrire autrement. La société
tiel pour le déroulement des ateliers ce actuelle est organisée pour eux dans la
jour-là. Durant les séances d’atelier, le précarisation et la stigmatisation, ce qui
groupe d’accueil reçoit – pour un temps ne permet pas d’imaginer qu’ils sont
variable – tout jeune qui ne va pas ce sortis d’affaire, encore moins pour tou-
jour-là ou qui a un comportement trop jours. Il n’en demeure pas moins qu’il
agressif, insupportable ou destructeur. faut faire preuve de créativité sociale,
Ce moment passé à l’accueil est souvent accepter de travailler le collectif pour
l’occasion de paroles fort signifiantes, Un parcours sur trois ans aider le jeune en tant qu’individu, per-
d’expression de souffrance explosive, Au total, cinquante à soixante jeunes sonne et sujet.
de chaos de la pensée et des condui- de 10 à 17 ans passent chaque année
tes, d’effets de transfert aussi … Là par Soin & Culture. Leur parcours dure Claude Louzoun
encore sécurité par la capacité d’accueil deux ou trois ans. Quelques-uns s’ar- Psychiatre, praticien hospitalier,
et d’écoute des professionnels présents rêtent bien avant, trop engagés déjà Responsable de Soin & Culture, 1er secteur
mais encore par la confidentialité de ce dans leur devenir social de délinquance de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
qui s’y dit et de ce qui s’y joue ! Il faut ou d’exclusion sociale, ou encore dans des Hauts-de-Seine, Gennevilliers.
parfois rappeler la loi et faire valoir l’au- des pathologies familiales et person-
torité en faisant intervenir le conseil de nelles qui n’ont pu être articulées avec
coordination, en particulier le respon- un soin médico-psychologique habi- 1. Il s’agit du dispositif de psychiatrie publique, pour
sable de l’action, en situation sur l’ins- tuel. un secteur de 100 000 à 200 000 habitants et concer-
nant la population âgée de 0 à 18 ans. Les structures
tant dans le groupe d’accueil, dans une d’accueil et de soins comprennent : des centres
reprise individualisée ensuite (entretien, L’immense majorité est d’une assi- médico-psychologiques ; un hôpital de jour (enfants
réunion avec la personne accompa- duité étonnante, et y trouve un cadre et/ou adolescents) ; des structures spécifiques : unité
petite enfance, centre d’accueil à temps partiel pour
gnante, etc.) ; et certaines fois (rares) sécurisant et rigoureux pour s’exprimer, adolescents, groupes d’accueil thérapeutique parents-
dans une mise au point collective et pour « s’éclater », une chance pour enfants, ateliers, etc.
2. Le conseil de coordination est composé d’un psy-
générale avec tous les jeunes présents la (re)démarrer dans la vie. La grande chiatre, responsable de l’action, d’un médecin sco-
même demi-journée (en cas de vanda- majorité en repart (cahin-caha pour les laire, d’un enseignant, d’un représentant de la PJJ.
lisme, de vol, de chaos organisé, etc.). plus difficiles) assurée de son humanité 3. La Licorne est une association loi 1901 dont l’ac-
tion est la promotion de la santé mentale sur les cinq
et d’avoir une place dans la société communes territoires de Soin & Culture. La Licorne
Au chaos, à la destructivité, à la (pour tous, certes, mais en particulier assure l’hébergement militant et la gestion financière
jouissance, nous opposons la force pour les quelques jeunes qui viennent de l’action.
4. Soin & Culture utilise des locaux du service de psy-
d’un collectif, la qualité relationnelle d’institutions médico-sociales), avec chiatrie infanto-juvénile, à Gennevilliers… dans
entre tous les membres de l’équipe, la une perception nouvelle de soi inté- l’attente de locaux autonomes et plus adaptés.
Mars-Avril 2007
Éduquer au sommeil
Comment dorment les Français selon les catégories d’âges ? Comment
promouvoir le sommeil comme composante essentielle de la santé ? Près
d’un Français sur deux estime manquer de sommeil, un sur trois déclare
souffrir d’un trouble du sommeil. Pour traiter ce sujet, nous avons fait
appel à une trentaine d’experts, médecins somnologues, psychologues,
éducateurs pour la santé. Dans une première partie, ils dressent un état
des lieux du sommeil, de ses rites en France et ailleurs (en particulier au
Japon). Le médecin somnologue, Éric Mullens explique comment le corps
récupère pendant le sommeil et souligne qu’une bonne hygiène en ce
domaine serait un facteur capital de prévention des maladies. Nous vous
présentons un résumé du rapport du groupe d’experts Giordanella dont
l’essentiel des propositions a été repris dans le plan sommeil adopté
par les Pouvoirs publics en janvier 2007. Deux chercheurs mettent en évi-
dence le lien entre travail posté – et déficit ou perturbation de sommeil
– et accidents du travail. Le Dr Françoise Delormas, directrice de l’asso-
ciation Prosom, explique comment éduquer au sommeil tant les enfants
que les adultes. Un responsable de foyer d’accueil Emmaüs, à Paris,
témoigne des conditions très difficiles dont souffrent les sans-domicile
fixe pour trouver le sommeil, y compris dans une structure d’héberge-
ment, du fait de la promiscuité des conditions d’accueil.
Dans une seconde partie, nous vous présentons une série d’actions mises
en œuvre sur le territoire français, tel ce programme pour les plus de
60 ans proposé par le centre de sommeil de l’Hôtel-Dieu à Paris. Un psycho-
logue-clinicien décrypte ensuite une expérience d’ateliers du sommeil dans
le département de l’Ain, ou comment, par des groupes de paroles et de
la relaxation, on peut améliorer les conditions de sommeil sans recourir
systématiquement aux médicaments. Pour réduire la consommation de
psychotropes justement, l’Urcam de la région Franche-Comté sensibilise
tant les médecins que leurs patients. Une pédiatre rappelle que la mère a
un rôle prépondérant dans l’acquisition du sommeil par le tout-petit, et sou-
ligne un phénomène peu connu : les adolescents ont besoin de davan-
tage de sommeil que les préados. Dans une séquence consacrée aux
enfants et aux adolescents, plusieurs témoignages de puéricultrices et
responsables d’associations montrent comment on peut améliorer la prise
en compte du sommeil à l’école et dans les crèches, en installant, par
exemple, une véritable sieste de début d’après-midi pour les plus jeunes.
Parmi les autres initiatives présentées, soulignons la crèche Mirabilis, à
Lyon, qui accueille des enfants la nuit pour permettre aux parents travaillant
en horaires décalés de bénéficier de ce type de structure collective. Enfin,
la rubrique « Pour en savoir plus », rédigée par les documentalistes de
l’INPES, vous permettra d’accéder aux principales ressources documen-
Dossier coordonné par le Dr Françoise Delormas, directrice de Pro- taires sur ce thème ; à souligner que cette rubrique est intégralement
som, Lyon, Michel Dépinoy, médecin de santé publique, INPES, et accessible en ligne sur le site Internet de l’Institut avec l’ensemble des liens
Sandrine Broussouloux, chargée de mission, direction du Déve- vers les références que nous préconisons. Au total, un dossier extrême-
loppement de l’éducation pour la santé et de l’éducation thérapeutique, ment fourni… qui ressemble fort à un numéro spécial !
INPES.
Yves Géry
Le fait de dormir répond à un besoin microsiestes et du sommeil diurne schéma où le sens communautaire est
biologique, partagé par l’homme et les (notons que les Japonais dorment en valorisé et où le temps consacré au
animaux. Pour autant, la satisfaction de moyenne une heure de moins par nuit groupe est vu comme une garantie
ce besoin – qu’on qualifiera aisément que les Français…) (1, 2). Ces assou- d’efficacité. L’individu doit garder le
de naturel – n’échappe pas chez pissements sont sujets de surprise et de contrôle sur ses besoins physiques, tel
l’homme à une élaboration sociocultu- plaisanterie pour les Français : en que le sommeil, pour assurer un temps
relle. Les manières de satisfaire ce atteste la vogue des photos de « sies- de participation au groupe suffisant, et
besoin, la place qui lui est accordée teurs » nippons sur Internet. Le choc le système d’étude l’y entraîne depuis
dans l’existence quotidienne, varient culturel des Français devant cette pra- l’enfance ou l’adolescence. » (3). Il sem-
d’une culture à l’autre. Dormira-t-on tique tient moins au fait de faire la sieste blerait donc que, pour les Japonais, être
dans un hamac, un lit, sur le sol ? Assis, qu’aux conditions de cette sieste, à la fatigué, et céder à cette fatigue le temps
couché, debout ? Avec un vêtement, position des dormeurs, aux lieux et d’un bref endormissement, est le signe
nu ? La nuit, le jour ? Seul, en couple, en temps où ces siestes se pratiquent, à la en quelque sorte qu’on ne s’est pas
famille ? Pendant combien de temps ? généralisation de ce comportement, etc. « économisé », qu’on s’est donné entiè-
Selon quels rythmes ? Dans quels lieux ? Être capable de s’endormir assis dans rement, qu’on fait l’effort d’être présent
Dans quelles circonstances ? Ces varia- une position proche de celle d’une per- avec les autres malgré cette fatigue
tions dans des habitudes qui semblent sonne éveillée, s’endormir sur l’épaule (qu’il s’agisse du travail, d’une sortie au
si « naturelles » surprennent immanqua- de son voisin dans les transports en restaurant, d’une soirée chez des amis),
blement les candidats au voyage, aux commun, s’endormir au milieu d’une ce qui est valorisé socialement. Selon
échanges interculturels ou à l’expatria- réunion de travail ou d’un cours, s’en- Brigitte Steger (4), cette attitude est une
tion. Ce qui est considéré comme nor- dormir dans un lieu public, lors d’une des composantes des habitudes japo-
mal dans certains groupes ou peuples soirée, ou plusieurs fois durant la jour- naises ; l’expression « inemuri » lui cor-
peut se révéler surprenant, incompré- née, pour un court moment (3), cho- respond, elle désigne un « assoupisse-
hensible, voire incohérent aux yeux des ses courantes et tolérées au Japon, ment » ou le fait d’« être présent et
membres d’un autre groupe. répondent peu à ce qui serait considéré, endormi ».
en France, comme un comportement
Parce qu’il est parfois plus facile de « normal ». Ces microsiestes répétées, D’autres habitudes de sommeil des
prendre conscience de nos propres qui peuvent donner lieu à des scènes Japonais peuvent différer des nôtres.
pratiques culturelles, des valeurs et re- très surprenantes pour un observateur Ainsi, si, en France, l’on habitue très tôt
présentations qui les sous-tendent en français (s’apercevoir, par exemple, les enfants à dormir seuls, dans un lit
examinant d’autres types de comporte- qu’un quart des personnes présentes à et/ou une chambre séparée, cette sépa-
ments, provenant d’autres cultures, une réunion de travail dort), ne cor- ration, jugée dans les deux pays utile
éloignées de nos habitudes, on tentera respondent pas à la sieste telle que nous pour développer l’autonomie de l’en-
de construire un tableau du sommeil, la connaissons en France (déjà assez fant, intervient beaucoup plus tard au
en France, à partir d’une comparaison peu pratiquée par la population active Japon (en moyenne après 3 ans et sou-
avec les pratiques et représentations et souvent socialement « stigmatisée » vent plus tard). Selon l’étude pilote
d’une autre culture, celle du Japon. chez les actifs), à savoir vingt minutes menée par Jean-Luc Azra et Bruno Van-
à une heure de sommeil environ, en nieuwenhuyse auprès de groupes d’é-
Le sommeil, pratiques tout début d’après-midi et en privé. tudiants français et japonais (1), il n’est
et représentations : pas rare au Japon que les enfants par-
comparaison France-Japon Comment comprendre tagent le lit1 de leurs parents (ou d’un
En quoi les pratiques de sommeil ces habitudes de sommeil de leurs parents) à 3 ans. Le bon âge
des Japonais diffèrent-elles générale- japonaises ? pour qu’un enfant dorme dans une
ment des nôtres ? La première diffé- Selon Jean-Luc Azra et Bruno Van- chambre séparée serait en moyenne
rence qui marque les Français décou- nieuwenhuyse, « les habitudes de som- 7 ans et demi, selon de jeunes étudiants
vrant le Japon est la pratique de meil des Japonais s’inscrivent dans un japonais, alors que les étudiants français
À quoi sert le sommeil ? Si l’on pose sommes pas toujours conscients mais comme résultats, une prise de poids et
cette question, il est étonnant de consta- beaucoup reste encore à découvrir, une majoration du risque de dévelop-
ter la similarité des réponses, que l’on comme le constate M. Jouvet : « Dans per un diabète. Ainsi, il y a une rela-
ait 7 ou 77 ans : se détendre, se reposer, le cas du sommeil, il n’y a pas encore tion entre l’obésité et la dette de som-
rêver, être en forme. Les plus jeunes de vrai pourquoi, c’est-à-dire que per- meil. Très récemment, il a été démontré
ajoutent : grandir ou éviter d’avoir des sonne ne connaît encore la ou les fonc- que le manque de sommeil était
maladies. tions du sommeil. » De ce fait, parler du responsable d’une inflammation dans
rôle du sommeil n’est pas aisé. Nous l’organisme et augmentait très nette-
Pour les croyances primitives, les pouvons cependant tenter d’élaborer ment le risque d’hypertension artérielle.
rêves étaient envoyés à dessein au une synthèse en nous référant aux
rêveur pour lui annoncer l’avenir. Aris- informations provenant d’expériences Les navigateurs en solitaire rappor-
tote pensait qu’ils pouvaient révéler au de privations de sommeil, des recher- tent la survenue d’hallucinations audi-
médecin les premiers signes d’un chan- ches ou des théories portant sur le som- tives ou visuelles lors de fortes priva-
gement dans l’état du corps, impercep- meil lent et le sommeil paradoxal. tions de sommeil.
tibles pendant l’éveil. Galien, médecin
grec du IIe siècle après J.C., estimait que Les effets de la privation Le sommeil lent et la fatigue
« le sommeil est utile aux humeurs qui de sommeil physique
doivent être élaborées… Selon l’évolu- Empêcher un rat de dormir pendant
tion de la maladie, l’éveil ou le sommeil deux à trois semaines entraîne une L’économie d’énergie
peuvent être utilisés comme régulateurs perte de poids malgré l’augmentation Pour les théories organiques, la
des humeurs, le sommeil serait même de la prise alimentaire, une hypother- « cause » du sommeil se situe à l’intérieur
capable de stopper les hémorragies ». Le mie et un décès par toxi-infections en du corps avec des réparations de pro-
siècle des lumières a vu la diffusion de relation avec la diminution des défen- cessus biochimiques et physiologiques,
l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ses immunitaires. La privation partielle réparations qui sont ensuite d’ailleurs
où le sommeil est défini par « un état de sommeil paradoxal augmente la dégradées au cours de l’éveil. Nous
nécessaire à l’homme pour soutenir, prise alimentaire et favorise une hypo- observons, en effet, un allongement de
réparer, et remonter sa machine ». Buf- thermie. la durée du sommeil, notamment du
fon dans son Histoire naturelle écrit, en sommeil lent profond, après un exer-
1768, que « le sommeil n’est pas un état Chez l’homme, le record détenu par cice physique intense, au cours de la
accidentel mais un état aussi naturel l’Américain Randy Gardner, qui est resté grossesse, de la croissance et de la
que la veille ». éveillé durant deux cent soixante-quatre puberté.
heures, a eu pour conséquences : une
En 1937, l’électroencéphalographie somnolence, la survenue de micro som- Les théories protectrices, plus ancien-
a permis de distinguer cinq états, allant meils, une baisse des performances nes, soutiennent que le sommeil pré-
de la veille au sommeil profond et, en avec irritabilité, agressivité, désorgani- serve l’organisme et le cerveau en faci-
1957, deux chercheurs américains, Ase- sation cognitive, des troubles visuels, litant le repos et la restauration des
rinsky et Kleitman, découvraient un intellectuels et une désorientation tem- liaisons nerveuses, rendues moins effi-
sommeil particulier associé à des mou- porelle. caces par une longue période d’éveil.
vements oculaires rapides, dénommé Dormir participe à la protection contre
plus tard le sommeil paradoxal par La réduction du temps de sommeil le stress induit par la privation de som-
Michel Jouvet1. Jusqu’à cette décou- à quatre heures, pendant deux nuits, meil et permet une économie d’énergie
verte, le sommeil était généralement chez des hommes jeunes, déséquilibre ainsi que le maintien de la température
considéré comme un état cérébral inac- la régulation de l’appétit et provoque centrale. En outre, le sommeil lent
tif. La recherche nous a ensuite mon- une augmentation de la faim avec une contribue à l’élimination des toxines et
tré que nos nuits sont remplies d’une appétence pour une nourriture riche en autres déchets des systèmes respiratoi-
multitude d’événements dont nous ne calories et en hydrates de carbone avec, res, cardio-vasculaires et glandulaires.
La « personnalité »
Michel Jouvet émet l’hypothèse que
le sommeil paradoxal favorise la matu-
Les sécrétions hormonales sie (stabilisation des constantes physio- ration de nos comportements innés.
Pendant le sommeil lent, la synthèse logiques) prédictive. Citons l’exemple En effet, notre potentiel génétique
protéique (c’est-à-dire les processus de de l’organisation temporelle de la peau héréditaire nécessite d’être renforcé,
fabrication des protéines) est accrue humaine, qui favorise ses fonctions de chaque nuit, pendant le sommeil para-
avec une augmentation de sécrétion de renouvellement, de reconstruction et de doxal, selon l’influence de l’environ-
l’aldostérone, la testostérone, la prolac- réparation au cours de la nuit. Le maxi- nement, afin d’adapter et de modeler
tine et l’insuline. L’enfant grandit pen- mum des divisions cellulaires épider- notre personnalité.
dant son sommeil en raison d’un pic de miques se situe vers 1 heure du matin
sécrétion de l’hormone de croissance et le creux vers 13 heures. Notre peau Les autres fonctions du sommeil
lors des activités d’ondes lentes. Ainsi, se prépare la nuit, elle anticipe les
les premières heures de la nuit sont- agressions lors de l’éveil. Ces variations La mémoire et l’apprentissage
elles très importantes. circadiennes sont le fondement même Ce domaine est sujet à des contro-
de l’étude des rythmes biologiques verses, le sommeil à ondes lentes
Un trouble qui entrave la production (chronobiologie), basée sur le principe (synonyme du sommeil lent) serait
de sommeil lent, peut perturber cette qu’il ne peut pas exister d’activité conti- à la base du renforcement de la
sécrétion, nous citerons, par exemple, nue sans repos périodique. mémoire alors que le sommeil para-
la rupture de la courbe de croissance doxal accroîtrait les capacités de
chez le jeune enfant ronfleur atteint Le sommeil paradoxal mémorisation. Le but étant de mainte-
d’un syndrome d’apnée du sommeil. et les processus psychologiques nir les mémoires existantes et d’en
Les divisions cellulaires sont augmen- créer de nouvelles. Des expériences
tées pendant le sommeil lent comme en La restauration du système nerveux ont montré que la capacité de mémoire
témoigne le pic d’activité des lympho- Ce rôle dans la maturation du cer- est meilleure quand il y a une période
cytes sanguins en début de nuit. Nos veau explique que le sommeil para- de sommeil après la phase d’appren-
défenses immunitaires se façonnent la doxal soit si prépondérant avant et tissage. D’autres ont décrit l’augmen-
nuit et le manque de sommeil contribue après la naissance pour diminuer pro- tation du taux de sommeil paradoxal
à une sensibilité accrue aux infections. gressivement avec l’âge. La proportion après un apprentissage.
de sommeil paradoxal passe en effet de
L’adaptation à l’environnement 50 % à la 36e semaine de vie fœtale à La performance
Les théories comportementales ou 20 % chez l’adulte. Qu’elle soit physique ou intellec-
éthologiques (comportement chez l’ani- tuelle, la qualité de la performance est
mal) lui confèrent un rôle dans l’adap- Le rêve liée à celle du sommeil. Les sportifs
tation. En effet, pour survivre, un orga- Le sommeil à mouvements oculaires doivent bien dormir les nuits qui pré-
nisme vivant doit s’adapter et se préparer rapides est très lié à la vie psychique et cèdent les compétitions, sous peine
aux défis de l’éveil consécutif et aux à l’activité onirique, mais ces fonctions de résultats médiocres. La sagesse est
variations prévisibles de l’environne- restent encore mystérieuses. À partir du de recommander aux jeunes enfants
ment. Des horloges circadiennes (fonc- XIXe siècle, deux courants de pensée ou aux étudiants de respecter un
tionnant sur un cycle voisin de vingt- s’opposent. Pour Sigmund Freud, le rythme veille-sommeil adéquat pour
quatre heures) endogènes sont là pour monde invisible est à l’intérieur de nous- réussir la scolarité et les examens. La
maintenir un état d’équilibre à l’intérieur mêmes et l’inconscient détient la clé de rentabilité au travail est conditionnée
du corps face aux modifications du nos songes, il est accessible par la par l’organisation de repos compen-
milieu extérieur, on parle d’homéosta- psychologie et la psychanalyse. sateurs.
Ce rapport a été élaboré, à la manque de sommeil – ou un sommeil l’adolescent. Ils rappellent aussi que les
demande du ministère de la santé, par perturbé – peut avoir des conséquen- conditions propices à un bon sommeil
un groupe de travail réunissant des spé- ces parfois majeures sur la santé, être ne sont pas toujours respectées, alors
cialistes du sommeil, coordonné par le la cause d’accidents (sur la route, au tra- que pour la plupart elles sont faciles à
Dr Giordanella, directeur de la préven- vail, etc.) ou être préjudiciable à l’ap- réunir, en tout cas pour les populations
tion de la Caisse d’assurance maladie de prentissage scolaire. Un tiers des acci- qui ne sont pas en situation de préca-
Paris. À y regarder de plus près, 8 % des dents mortels de la circulation serait rité : chambre agréable et rangée, lite-
Français se plaignent de somnolence ainsi lié à des problèmes de sommeil. rie de qualité, état de détente permet-
diurne excessive, également 8 % de la tant un endormissement progressif
population souffrent du syndrome des Le rapport inclut un important volet dans un sentiment de sécurité. Parmi les
jambes sans repos (sensations très désa- sur l’information, la communication et multiples propositions des experts, à
gréables, picotements et tressaille- l’éducation pour la santé, il préconise en noter que le sommeil devrait selon eux
ments), et 5 à 7 % d’apnées du sommeil. particulier d’évaluer les actions de pré- être intégré dans la surveillance habi-
vention et d’éducation existantes ainsi tuelle de l’enfant via le carnet de santé.
Mal connu, malmené par les que de mettre en place des « recherches
contraintes sociales (heures de travail, actions » dans ce champ. Il propose de Attirant l’attention sur le lien entre
temps de transport) et les modes de vie diffuser un guide d’information auprès sommeil et accidents de la route, le rap-
(télévision, téléphone, Internet), le des parents et des professionnels de port préconise qu’une « attention parti-
sommeil n’est pas toujours suffisant ni santé ; auprès de ces derniers, en parti- culière » soit portée aux problèmes de
de bonne qualité, en particulier chez les culier, l’information pourrait prendre la sommeil lors de l’apprentissage de la
adolescents. C’est pourtant un enjeu forme d’une communication sur le bon conduite d’un véhicule. Conduire avec
majeur puisqu’il occupe près d’un tiers usage des médicaments et sur les indi- dix-sept heures de veille a les mêmes
de la vie. Les experts rappellent qu’un cations thérapeutiques, ainsi que sur les effets sur la conduite que 0,5 g d’alcool,
thérapeutiques alternatives. Il se déclare conduire avec vingt-quatre heures de
favorable à une prise en compte accrue veille équivaut à avoir 1 g d’alcool dans
Déficit de sommeil/ du rôle des associations de patients. le sang, rappellent-ils.
obésité : un lien
scientifiquement établi Information, soins et formation Le groupe de travail estime que la
Le rapport souligne que les troubles prise en charge des troubles du sommeil
Comme l’indiquent les professeurs Patrick du sommeil constituent un réel pro- n’est pas non plus satisfaisante, pointant
Levy (CHU de Grenoble) et Jean Krieger blème de santé publique. Après l’état des retards de diagnostic pouvant
(Hôpitaux universitaires de Strasbourg), dans des lieux, il formule des propositions en « atteindre plusieurs années (…) ; la
le rapport Giordanella, « les liens entre som- présentant trois axes d’action : amélio- durée moyenne d’errance pour une
meil et obésité ont maintenant été bien ration de l’information du public et des pathologie du sommeil est de plus de trois
démontrés ». Une privation de sommeil professionnels, amélioration de l’offre ans pour 52 % des patients » tandis que
altère le métabolisme glucidique. Une recher- de soins et de la formation des méde- le délai d’attente pour une consultation
che isolée pour l’instant a établi que les cins et développement de la recherche. et/ou des examens complémentaires est
enfants en manque de sommeil à 30 mois Il formule une série de propositions de « plusieurs mois ». Il recommande de
ont un risque très majoré d’obésité à l’âge de pour améliorer l’éducation, la préven- « recenser et classer les structures du
7 ans. Plusieurs recherches ont aussi tion, la prise en charge et la recherche. sommeil » et d’« établir des recomman-
confirmé l’impact d’un déficit chronique de À cet égard, les experts plaident en dations sur les principales pathologies ».
sommeil sur la survenue du diabète. faveur d’une éducation à « l’hygiène du Le nombre des centres de sommeil est
sommeil », notamment pour l’enfant et estimé à une centaine, mais il existe
Les troubles du sommeil concernent faites de leur sommeil contre 17 % des Enfin, le statut matrimonial nous
une proportion importante de la popu- actifs occupés. informe que les personnes ayant perdu
lation. Ils affectent de nombreux leur conjoint et celles qui sont divorcées
aspects de la vie sociale et profession- Le statut matrimonial semble égale- déclarent avoir éprouvé plus de diffi-
nelle, que ce soit en rapport avec des ment jouer un rôle important. Si 70 % cultés au cours des huit jours précédant
troubles pathologiques ou encore des personnes mariées se déclarent l’interview (soit respectivement 59 % et
sociaux. Selon l’enquête Baromètre satisfaites de la qualité de leur sommeil, 55 %). En comparaison, 46 % des per-
santé menée par l’INPES en 20051, 18 % elles ne sont plus que 62 % parmi les sonnes mariées et 45 % des célibatai-
des Français se déclarent insatisfaits de personnes veuves et celles divorcées. res déclarent avoir eu ces mêmes diffi-
la qualité de leur sommeil et près de la cultés.
moitié des personnes interrogées ont eu Problèmes du sommeil au cours
des problèmes de sommeil au cours des des huit derniers jours Consommation de somnifères au
huit jours qui précèdent l’interview, Au cours des huit jours précédant cours des douze derniers mois
dont 12 % déclarent en avoir eu « beau- l’interview, presque la moitié des per- Selon cette même enquête, 7 % des
coup ». Environ 7 % des personnes sonnes interrogées (46 %) déclare avoir individus déclarent avoir consommé
interrogées déclarent avoir eu recours à eu des problèmes de sommeil (« un des somnifères ou des hypnotiques au
des somnifères ou à des hypnotiques au peu » ou « beaucoup ») dont 12 % cours des douze derniers mois. Soit
cours des douze derniers mois pour « beaucoup »2. C’est parmi la population près de 9 % des femmes et 5 % des
faciliter leur sommeil. Les individus ne féminine que les difficultés sont les plus hommes. Comme précédemment, c’est
sont pas égaux face au sommeil et cer- répandues (51 % des femmes déclarent parmi les plus âgés que l’on retrouve
tains critères sociodémographiques avoir eu des problèmes de sommeil la prévalence la plus importante : 10 %
apparaissent discriminants. contre 40 % des hommes). L’âge de la des individus âgés de 55 à 64 ans et
personne est également un facteur dis- 11 % de ceux de 65 à 75 ans déclarent
Satisfaction de la qualité criminant. En effet, plus l’individu est en avoir consommé. Cependant, parmi
du sommeil âgé, plus il déclare avoir eu des diffi- les adolescents âgés de 15 à 19 ans, la
À la question : « Êtes-vous satisfait de cultés au cours des huit derniers jours consommation de somnifères n’est pas
votre sommeil ? », 18 % des Français ont : de 32 % pour les plus jeunes de 12 à nulle et concerne 3 % d’entre eux.
répondu par la négative, 69 % en sont 14 ans à 50 % pour ceux âgés de 65 à 75
satisfaits et 13 % sont ni satisfaits ni ans. Les employés et les cadres sont, en
insatisfaits. Les femmes sont en pro- proportion, les plus importants consom-
portion plus nombreuses que les hom- La catégorie socioprofessionnelle mateurs de somnifères et d’hypnotiques
mes à le déclarer (20 % contre 16 %). des individus ayant répondu à l’enquête (soit environ 8 % d’entre eux). On
indique que les agriculteurs et les retrouve un pourcentage important
C’est parmi la population des plus ouvriers sont ceux qui déclarent avoir parmi les secteurs d’activité de la pro-
de 45 ans que l’insatisfaction est la plus eu le moins de difficulté au cours des duction et distribution d’électricité, de
importante (environ 20 %). En com- huit derniers jours (soit respectivement l’immobilier, de l’éducation et des ména-
paraison, seulement 11 % des jeunes 39 % et 40 %). Les secteurs d’activité des ges (soit une prévalence d’environ 9 %).
âgés de 12 à 14 ans déclarent être insa- services domestiques et de l’éducation La prévalence parmi les chômeurs est de
tisfaits. L’analyse de la catégorie socio- sont les principaux secteurs où les pro- 8 % ; elle est de 6 % parmi les actifs
professionnelle et du secteur d’activité blèmes de sommeil se font le plus res- occupés.
de l’interviewé indique que 21 % des sentir (51 %). De plus, les chômeurs
employés et 21 % des personnes tra- sont en proportion plus nombreux que Le statut matrimonial indique que les
vaillant dans le secteur de l’hôtellerie les actifs occupés à avoir ressenti des personnes ayant perdu leur conjoint
et de la restauration en ont une opi- problèmes de sommeil (49 % contre (16 %) et celles qui sont divorcées
nion défavorable. Enfin, 21 % des per- 45 % chez ceux qui déclarent avoir un (14 %) déclarent plus que les autres
sonnes au chômage ne sont pas satis- emploi). avoir consommé des somnifères au
Dans le programme des stages, Pro- exemple fréquemment rencontré est cité de l’action éducative ? Cela peut
som figure, outre une actualisation des celui des enquêtes sur la semaine de être la réorganisation de locaux pour
connaissances scientifiques sur le som- quatre jours où de nombreux groupes permettre une pause en début d’après-
meil et les rythmes biologiques aux dif- de parents sont demandeurs d’infor- midi, la diminution de la demande et de
férents âges, la présentation d’une mations sur les rythmes biologiques. Il la prescription d’hypnotiques, la dispa-
méthodologie de l’action éducative, qui leur est évidemment proposé par les rition des plaintes concernant la sieste
apparaît comme un facteur très impor- intervenants de parler du sommeil et de proposée à tous les enfants de mater-
tant d’efficacité. son importance... nelle..., de nombreux autres marqueurs
sont identifiables.
Les étapes de la démarche L’état des lieux concerne aussi la
éducative connaissance approfondie du public Objectifs opérationnels : dans cha-
Il s’agit bien d’une démarche, et non de l’action : ses caractéristiques socio- cune des actions décidées, qui fera
d’actions ponctuelles, isolées et unila- économiques, culturelles, son niveau quoi, quand, comment, avec quels
térales. Les actions, encore plus pour ce d’enseignement, sa langue et son lan- moyens humains et financiers – quelle
thème que pour d’autres, doivent être gage, ses traditions et ses pratiques, ses logistique adopter ?
coordonnées, adaptées, résultat de représentations de la santé, ses goûts
concertations et basées sur la parti- et rejets éventuels, et si possible son S’informer, se former…
cipation active du public auquel elles vécu du sommeil et la façon dont il l’ex- Avant de commencer une démarche
s’adressent. La diversité des approches, prime. Pour cela, il est nécessaire d’é- éducative, il est nécessaire que tous les
le poids des pratiques et des conditions tablir une étroite collaboration avec des acteurs actualisent leurs connaissances
de vie nécessitent un travail d’équipe où représentants de ce public, qui jouent sur le sommeil pour être au fait des don-
chacun joue le rôle correspondant à ses le rôle d’interprètes dans les deux sens. nées scientifiques récentes. De nom-
compétences et ses motivations... en breux ouvrages et publications per-
étant conscient de ses limites. Cet état des lieux permettra à l’équi- mettent de se documenter, ainsi que des
pe d’éducation pour la santé (enrichie formations spécifiques. Il est bon de se
Un premier temps, indispensable, des partenaires intéressés et intéres- préoccuper également de ce que lit,
consiste à faire un « état des lieux », de sants pour le projet) de définir ses voit et entend le public, surinformé par
recueillir par enquêtes et témoignages objectifs – objectif général, en termes de les différents médias sur tous les sujets
des différents partenaires socio-éduca- résultats à atteindre : en l’occurrence, de santé, y compris le sommeil et les
tifs, les problèmes prioritaires en termes amélioration de la gestion du sommeil rythmes biologiques. Cette surinforma-
de quantité et de gravité. Le choix du et des rythmes de vie, pour améliorer le tion nécessite qu’un travail de sélection
thème se fera aussi en fonction d’autres bien-être et les performances, et pour soit fait, pour mettre en évidence les
critères : demande de la part de l’orga- éviter, éventuellement dépister, les trou- messages les plus utiles, et supprimer
nisme de tutelle de traiter un sujet dont bles et pathologies du sommeil, dont les éventuellement les erreurs ou mauvai-
l’importance est reconnue par les conséquences peuvent être graves et ses interprétations. Il est également inté-
instances gouvernementales, ou bien parfois dramatiques. ressant d’analyser le travail des journa-
demande directe d’un public concerné listes, attentifs à adapter leurs articles à
par un « problème » pour lequel il sou- Objectifs intermédiaires : quelles leur lectorat habituel, ce qui est aussi
haiterait être éclairé. Ce dernier cas est actions mettre en place, et avec quels une partie du travail des éducateurs
bien sûr le plus favorable pour la mise objectifs quantifiables ? Quel objectif pour la santé quand ils ont un public
en place d’une action éducative. Un mesurable permettra d’évaluer l’effica- homogène : de travailler selon les cas
La Santé de l’homme : Le foyer Lou- sonnes qui lui ont été signalées par les existe un sommeil des SDF n’est pas
vel d’hébergement d’urgence géré services sociaux. Ces SDF sont héber- possible. On ne peut caractériser le
par Emmaüs est-il adapté aux gés pour une durée d’une semaine. On sommeil du SDF. C’est très individuel,
besoins de repos des sans-domicile ajoutera une seconde semaine si tout et c’est un domaine qui est abordé avec
fixe qui le fréquentent ? s’est bien passé. La durée moyenne beaucoup de pudeur.
pour ces trente personnes est de qua-
Christophe Baratault : Ce lieu est une torze nuits. S. H. : Le fait que ce bâtiment n’ait
ancienne sous-station EDF construite pas été conçu à l’origine pour l’hé-
en 1908. Il a donc une vocation indus- Je gère directement dix places en bergement a-t-il des conséquences
trielle et n’a pas été pensé pour fonction des disponibilités. Ce sont sur la qualité de l’accueil ?
accueillir des personnes car, à la base, souvent les usagers eux-mêmes qui
ce n’est évidemment pas un lieu d’hé- m’appellent. Là aussi, la durée oscille Oui, c’est incontestable. Ici, on
bergement. Nous l’occupons depuis d’une semaine à quatorze jours. accueille les gens en dortoir. Le mou-
1999, date d’une convention signée vement des Don Quichotte du canal
pour six mois, puis reconduite tacite- Sur les dix places restantes, cinq Saint-Martin dit qu’il ne faut plus
ment. Nous avons effectué un certain sont réservées à la veille sociale, qui est accueillir des gens en dortoir du fait de
nombre de travaux d’aménagement un système d’urgence pour une nuit, et la promiscuité. Ils ont raison. Parlons
mais nous restons tout de même dans les cinq dernières à l’accueil de nuit du ronflement, par exemple. Voilà un
un bâtiment particulier avec certaines pour des gens qui sont suivis ou ame- élément qui est terrible et pour lequel
limites. Vous parlez des besoins de nés par des « maraudeurs », c’est-à-dire on ne peut rien faire. J’ai ici des bou-
repos des SDF. Nous leur offrons un les travailleurs sociaux en tournée noc- chons. Je peux en distribuer. Mais, pour
foyer d’hébergement de nuit ouvert turne. notre SDF, c’est trop difficile. Il refuse
toute l’année, tous les jours. car la promiscuité entraîne aussi un
S.H. : C’est un centre organisé pour sentiment d’insécurité. Comment peut-
S. H. : Qui accueillez-vous ? la nuit. Que constatez-vous concer- il s’endormir sereinement dans cette
nant le sommeil des SDF ? réalité ? La personne arrive avec ses
On accueille ici cinquante person- affaires. Elle va mettre son oreiller, elle
nes, uniquement des hommes, en soi- D’abord, poser la question du som- va prendre son argent qu’elle va garder
rée et en nuit à partir de 18 h 30. Ils meil des SDF est en soi intéressant. Car tout près d’elle… C’est une vraie diffi-
nous quittent à 8 h le matin, 9 h le le sommeil est une porte, une entrée, culté. En même temps, il y a des per-
dimanche car ils ont droit à une heure c’est l’environnement… Le sommeil se sonnes qui souhaitent être entourées et
supplémentaire. Les prestations de prépare la journée, se vit le jour, et qui ne se sentiront pas bien dans une
base sont un repas le soir, vers 19 h, et nous rencontrons ce que l’on connaît chambre individuelle…
un petit déjeuner le matin. La durée des des difficultés des personnes à la rue.
séjours varie car il y a différents accès Le sommeil est également une chose S. H. : La promiscuité est donc la
à l’hébergement et deux durées de que l’on partage. Chacun d’entre nous première cause de perturbations ?
séjour (une ou deux semaines). a plus ou moins bon sommeil, plus ou
moins des problèmes de sommeil. Le Il y en a d’autres, bien sûr. Le public
Ce lieu est ouvert au Samu social de sommeil reflète l’histoire de chacun. que l’on reçoit est évidemment en souf-
Paris, qui oriente vers nous trente per- Donc, dire ou laisser entendre qu’il france. Ce qui ne veut pas dire qu’il est,
Le sommeil normal du sommeil paradoxal et du sommeil faire place à un sommeil stable que l’on
lent profond de l’adulte) pour chacun va dès l’âge de 3 mois appeler sommeil
Les états et les stades de sommeil des cycles qui s’enchaînent. Les cycles paradoxal. Ce sommeil va surtout beau-
de l’enfant à partir de 6 ans de sommeil sont courts : cinquante à coup diminuer en quantité de 50 à 60 %
Adulte ou grand enfant, lorsque soixante minutes. Chaque cycle est le du temps de sommeil à la naissance, il
nous dormons, nous passons, au cours même, constitué d’une période de som- n’en représente que 35 % à 3 mois et
de notre nuit, par plusieurs cycles, meil agité et d’une période de sommeil atteint les valeurs de l’adulte vers 1 an
d’une durée de quatre-vingt-dix à cent calme. Le sommeil du nouveau-né est (20-25 %).
vingt minutes chacun. Chaque cycle très riche en sommeil agité puisqu’il
comporte deux états de sommeil : le représente de 50 à 60 % du temps de À partir de 3 mois, il va être possi-
sommeil lent et le sommeil paradoxal sommeil, alors que ce pourcentage ble de reconnaître dans le sommeil
n’est que de 20 à 25 % chez l’adulte et calme les différents stades du sommeil
L’endormissement se fait en sommeil le grand enfant. Les endormissements lent de l’adulte, sommeil lent léger et
lent. Au cours de ce sommeil, l’élec- se font en sommeil agité (ils se font en sommeil lent profond.
troencéphalogramme permet de distin- sommeil lent chez l’adulte et le grand
guer quatre stades sur la présence de enfant). Le nouveau-né dort nuit et jour À partir de 6 mois, les endormisse-
plus en plus importante d’ondes lentes : ; ses cycles de sommeil sont nombreux, ments se font comme chez l’adulte et
les stades I et II correspondent au som- de dix-huit à vingt par vingt-quatre heu- le grand enfant, en sommeil lent.
meil lent léger ; les stade III et IV au res. Tous ses cycles sont identiques, que
sommeil lent profond. Puis survient le ce soit le matin ou l’après-midi, le début Dès l’âge de 9 mois, la structure du
sommeil paradoxal. C’est au cours du ou la fin de la nuit. sommeil nocturne ressemble, à quel-
sommeil paradoxal que survient préfé- ques différences près, à celle de l’adulte :
rentiellement le rêve. De la période néonatale le sommeil va devenir très stable, riche
à l’adolescence en sommeil lent profond, au cours des
Les cycles de sommeil Le développement du sommeil, de la trois, quatre premières heures.
Quatre à six cycles de sommeil vont période néonatale à l’adolescence, est
se succéder au cours d’une nuit de som- caractérisé par des modifications impor- Consolidation du sommeil nocturne,
meil, chaque cycle est séparé par un tantes de la composition du sommeil et éveils nocturnes
très bref éveil. La durée de chaque stade de l’organisation des différents états de La consolidation du sommeil noc-
varie au cours de la nuit : pour une nuit vigilance au cours des vingt-quatre heu- turne, définie chez le petit enfant par
de huit heures, le sommeil lent profond res. À chaque âge correspond une orga- l’existence d’un sommeil sans éveil
prédomine dans les quatre premières nisation de sommeil particulière. signalé aux parents entre minuit et cinq
heures, le sommeil paradoxal et le som- heures, apparaît normalement entre 3
meil lent léger au cours des quatre heu- Le sommeil des six premières années et 6 mois. Les parents jouent un rôle
res suivantes. Toutes les principales caractéris- important dans la mise en place de cette
tiques du sommeil de l’adulte vont se consolidation. On sait, par exemple,
Les cycles de sommeil du nouveau-né mettre en place au cours de cette que les interventions trop fréquentes
On retrouve, chez le nouveau-né, les période. Le sommeil agité des premiers d’une maman inquiète encouragent le
états de sommeil de l’adulte : sommeil jours entrecoupé par de fréquents mou- bébé à se réveiller complètement et à
agité puis sommeil calme (équivalents vements corporels va progressivement signaler ses éveils nocturnes.
La Santé de l’homme : L’entreprise gistré neuf cas de silicose parmi ses sala- d’éducation pour la santé (Cres) de
« Lecico », à Vitry-le-François, a mis riés. Étant infirmière, j’étais évidemment Champagne-Ardenne – de participer à
en place, dès septembre 2005, un très préoccupée par cette situation. Le une formation d’aide à l’arrêt du tabac.
programme d’accompagnement à port d’un masque a été rendu obligatoire J’ai donc profité de cette occasion.
l’arrêt du tabac pour ses salariés. pour les salariés en contact avec les
Pourquoi ? matériaux, et les locaux ont été réamé- S. H. : Comment le Cres a-t-il parti-
nagés pour y installer des aspirateurs de cipé à cette action ?
Marie-France Stankiewicz : L’entre- poussière. Par ailleurs, il faut savoir que
prise Lecico, spécialisée dans la pro- les effets de la silice pour la santé sont Christine Servanton : Le Cres avait
duction de pièces sanitaires en céra- aggravés par la consommation de tabac. démarré, en 2004, un projet intitulé
mique, utilise des matériaux particuliers, La direction a décidé que l’entreprise « l’École du souffle » (voir encadré
comme le grès et la porcelaine vitrifiée, deviendrait un espace non-fumeur en page 59) et contacté un certain nombre
riches en silice. Celui-ci est responsable septembre 2005. Au même moment, j’ai d’entreprises de plus de cinquante sala-
d’une maladie professionnelle redouta- eu l’opportunité – grâce à une informa- riés de la région pour leur proposer
ble : la silicose. En 2005, Lecico a enre- tion dispensée par le comité régional l’aide à la mise en place d’actions de pré-
vention du tabagisme. La demande de
Marie-France Stankiewicz nous est par-
Gagner la confiance des salariés venue dans ce contexte : nous lui avons
présenté notre programme, composé de
Christine Servanton et Marie-France Stankiewicz évoquent, dans cet accompagnement, toute deux formations : une formation de trois
une série de comportements qui, au fil de l’action, se sont révélés primordiaux pour la réus- jours intitulée « Prévention du tabagisme
site de cette « aide à l’arrêt au tabac dans l’entreprise ». Ces « bonnes pratiques » peuvent en milieu du travail », destinée aux mem-
ainsi se résumer en trois mots : confiance, temps, présence. « Quand on lance une campa- bres des comités d’hygiène, de sécurité
gne comme celle-là, raconte Marie-France Stankiewicz, il faut que l’on soit très proche des gens. et des conditions de travail (CHSCT), au
Il faut les rassurer, conduire des réunions, fournir des explications simples, compréhensibles, personnel médical, aux responsables
bref gagner la confiance des salariés ». « L’identification des acteurs est importante, surenchérit des ressources humaines, à la direction ;
sa collègue Christine Servanton. C’est une opération globale qui met en place, avec l’assenti- et une autre formation, de quatre jours,
ment de tous, salariés, encadrement, direction et membres du CHSCT, une règle du jeu com- sur l’aide à l’arrêt du tabac destinée aux
mune à chacun. Par exemple, nous devons préparer les salariés à accepter qu’un tabacolo- médecins et infirmières d’entreprise ani-
gue, un psychologue interviennent, ensemble, au sein de l’entreprise. Nous devons bien identifier mée par un médecin tabacologue, une
nos rôles respectifs. L’infirmière, connue des salariés, est notre relais. » Quant au temps, les diététicienne afin de les former à la prise
deux intervenantes sont catégoriques. « Il faut une disponibilité majeure, explique l’infirmière, en charge du sevrage tabagique de sala-
et ne pas compter ses heures. » « On avance au rythme que nous imposent les différentes riés fumeurs ; ainsi qu’un accompagne-
parties prenantes du projets, en particulier les salariés, ajoute Christine Servanton. Mais, ensuite, ment méthodologique pour les profes-
les résultats sont là. » sionnels formés. Nous sommes ainsi
intervenus à trois stades : en amont pour
la formation, pendant l’action par l’ac- faut souligner que les salariés ont dans S. H. : En quoi la formation prodi-
compagnement, et après, pour le suivi un premier temps pensé que l’on allait guée par le Cres vous a-t-elle été le
de l’information. leur imposer l’arrêt du tabac, sans plus utile ?
moyen, sans accompagnement. Il a
S. H. : Comment, concrètement, cette fallu les rassurer, leur dire que tout allait M.-F. S : Le Cres m’a donné une for-
action a-t-elle été mise en place ? se mettre en place progressivement, mation à la prise en charge et au suivi
sans brusquer quiconque. J’ai multiplié des salariés fumeurs qui souhaitent
M.-F. S. : J’ai d’abord contacté les mem- les séances d’explications. Cette démar- arrêter. J’ai acquis des connaissances
bres du comité d’hygiène, sécurité et che s’est avérée payante. sur les notions de dépendance, sur les
conditions de travail (CHSCT), qui avec substituts mais aussi sur l’écoute de la
l’aide du médecin de l’entreprise ont C. S. : Avec l’infirmière, nous avons personne qui fume et sur la manière
décidé de participer à cette opération. peaufiné et validé le questionnaire. Puis d’apporter des réponses. L’appui mé-
La direction a appuyé cette proposition. à cette même période, nous avons mis thodologique du Cres nous a été
Il fallait fixer une date pour mettre en en place notre formation « Aide à l’ar- ensuite très utile. Étant présente dans
place tout cela. Les deux cent cinquante rêt du tabac », que nous avons proposé l’entreprise, j’étais le garant de l’opé-
salariés de l’entreprise ont reçu avec à l’infirmière en octobre 2005. Une fois ration.
leurs fiches de salaire d’août 2005 un le dépouillement du questionnaire
questionnaire. Ils avaient quinze jours effectué, nous avons constitué avec les C. S. : Concernant le Cres, nous sommes
pour répondre. Nous avons eu un taux volontaires deux groupes de travail. satisfaits de cette opération. Notre but
de retour de 70 % et vingt-neuf per- L’infirmière et le Codes ont organisé la était aussi de former quelqu’un à être
sonnes ont signifié qu’elles étaient inté- venue dans l’entreprise d’un tabacolo- notre relais et ainsi de travailler ensem-
ressées par un sevrage tabagique. C’est gue et d’une psychologue : pendant ces ble à ce projet de prévention du taba-
notre présence constante dans l’entre- deux séances d’information d’une gisme. Je rappelle que cette action était
prise qui explique le bon taux de retour. heure trente, les salariés ont ainsi pu régionale et que soixante entreprises y
poser toutes les questions qu’ils ont ont participé (voir l’encadré « École du
Pour en revenir au questionnaire, souhaité. Puis, nous sommes passés à souffle » page suivante). Nous avons
nous l’avons élaboré avec le médecin de des entretiens individuels en fonction organisé, en trois ans, cinq formations
l’entreprise en prenant en compte en de leurs demandes. Ce sont des entre- avec quinze participants à chaque fois.
particulier la notion lien tabac/produits tiens individuels avec les salariés effec-
dangereux ; les questions étaient plutôt tués par l’infirmière, aidée au besoin par Au total, ce programme de préven-
générales, du type : pour vous, fumer le médecin, au cours desquels les sala- tion du tabagisme a une forte compo-
représente-t-il une détente, un plaisir, un riés devaient répondre aux différents sante d’éducation à la santé : nous som-
besoin ? Quelles seraient vos motivations questionnaires (test de Fagerström, test mes dans des démarches d’aide à l’arrêt,
pour arrêter ? Problèmes de santé, de anxiété-dépression et le test de moti- d’éducation, d’appui à la motivation, de
finances ? À ce stade, ce questionnaire vation) grâce auxquels l’infirmière allait prise en charge de la santé… Cela
a déclenché une série d’interrogations pouvoir déterminer le substitut le plus conduit à de la promotion pour la santé,
allant bien au-delà de l’arrêt du tabac. Il approprié à chaque personne. une recherche de bien-être dans l’en-
treprise.
COMMUNIQUÉ
S. H. : Quelles sont les retombées de M.-F. S. : Si un chef d’entreprise m’était
cette action pour l’entreprise ? envoyé par le Cres pour parler d’arrêt
du tabac, j’insisterais sur le fait qu’il ne
M.-F. S. : Depuis l’arrêt du tabac dans faut rien imposer en la matière. Certes,
l’entreprise, on constate qu’il y a eu il y a une loi, et il faut l’appliquer. Mais
moins d’arrêts maladie pour cause de il faut le faire avec les salariés,
bronchite. Il n’y a plus de tabagisme avec les fumeurs mais aussi avec les
passif et donc plus de conflit entre non-fumeurs pour qu’ils réfléchissent
fumeurs et non-fumeurs ; les relations
entre salariés sont meilleures.
ensemble afin de mettre en place l’en-
treprise sans tabac. Il ne faut pas croire
que cela se fera dans le mois qui suit.
sommaire
n° 220 février 2007
S. H. : Quels enseignements princi-
paux retirez-vous de cette opéra- Propos recueillis par Denis Dangaix Initiatives
tion ? 2007, une bonne année pour les non-
fumeurs
par Carine Maillard
C. S. : C’est l’appui moral que l’expé-
Que deviennent les patients dépistés à
rience de Lecico apporte aux autres risque cardio-vasculaire ?
infirmières œuvrant en entreprise. Cela Valérie Hubens et Jean Laperche
les rassure, les motive. Je ne crois pas Pour en savoir plus Surdité : une nouvelle initiative
en matière de dépistage
qu’en la matière, la direction d’une Contacter Christine Servanton ou Julie Car-
entreprise et ses salariés se comportent ruelle au 03 26 68 28 06 ; ou écrire au : 22 communes en forme
à chaque fois de la même manière. Les Cres Champagne-Ardenne – 45, avenue du Maladies chroniques
bases de la formation sont les mêmes en Général-de-Gaulle – 51000 Châlons-en-
termes de méthodologie et de contenu. Champagne, pour des renseignements sur
Réflexions
Mais chaque expérience débouche sur les modalités de diffusion du Cédérom. Et si vos objectifs en promotion de la
santé étaient inavouables ?
des enseignements particuliers. Jacques A Bury
Stratégie
Le Plan national nutrition santé belge
vu par le Conseil supérieur
L’École du souffle,un programme régional de promotion santé
de prévention du tabagisme Locale
Qualité de vie et développement
dans le cadre de l’appel à projets tabac/alcool. par Philippe Mouyart
Basé sur une approche positive et globale de
la santé, l’École du souffle a pour ambition de Outils
mobiliser les professionnels « relais » en déve- Partages, un jeu coopératif
pour la santé
loppant trois axes selon les milieux de vie –
scolaire, travail, et soin – sur trois années. Lu pour vous
En 2004, les formations des professionnels Comprendre la sécurité sociale
relais des axes concernés ont été mises en
Les francophones et la charte
place. En 2005, l’accompagnement métho- de Bangkok
dologique des professionnels formés a été
Mon quartier en noir et blanc
réalisé. En 2006, ce dispositif a été complété
par la création et la diffusion d’un outil de trans- Données
férabilité, sorte de « boîte à outils » s’adres- Les antidépresseurs en Belgique
sant à tous les professionnels souhaitant
Brèves
conduire un projet de prévention autour du
tabagisme. Un Cédérom sur ce programme Éducation Santé est un mensuel,
régional est disponible à partir de fin mars réalisé par le service Infor Santé –
Mutualité chrétienne, avec l'aide
2007. Il peut être utilisé par d’autres régions de la Communauté française de
intéressées par ce type d’action. Au total, Belgique – Département de la santé.
Pour recevoir un exemplaire de ce
soixante entreprises ont participé au pro- numéro: education.sante@mc.be.
gramme École du souffle et soixante-cinq infir- L'abonnement est gratuit en Belgique.
Pour l'étranger, l'abonnement coûte
L’opération « Arrêt du tabac dans l’entreprise mières ont été formées dans ce cadre. Le pro- 50 € pour 2 ans (22 numéros). Le
paiement se fait uniquement par
Lecico » s’intègre dans un programme régio- gramme se poursuit par une quatrième année, virement bancaire. L'inscription sera
effective dès réception du formulaire
nal de prévention du tabagisme appelé « École durant laquelle vont se poursuivre les accom- d'abonnement disponible sur notre site
à l'adresse
du souffle » et lancé, en 2004, par le réseau pagnements aux entreprises qui souhaitent http://www.educationsante.be/es/new
des comités d’éducation pour la santé de devenir non-fumeuses, et un travail avec les sletter/inscription.php?page=abo ainsi
que d'une preuve de paiement.
Champagne-Ardenne. Ce programme a reçu écoles primaires va être amorcé autour de la Pour consulter les articles parus dans
la revue depuis 2001:
le soutien financier de l’Institut national de pré- prévention du tabagisme, en lien avec les com- http://www.educationsante.be
vention et d’éducation pour la santé (INPES) pétences psychosociales.
La Santé de l’homme : Pourquoi auditifs et de voir aussi comment notre S. H. : Pour vous, l’incitation à jouer
cette double casquette de sociolo- monde gère ce risque. ou écouter moins fort n’est pas la
gue et d’anthropologue pour tra- bonne approche pour faire de la
vailler sur les risques auditifs dus S. H. : Quel est le regard de l’ethno- prévention ?
à la musique amplifiée ? logue face à ces risques ?
Je vais vous répondre par analogie :
Marc Touché : Mes travaux sur les Celui d’un homme proche de la imaginez que l’on dise aux joueurs de
risques auditifs ont été menés au Cen- soixantaine qui a connu les musiques rugby, aux pratiquants de pelote
tre d’ethnologie française. C’est un labo- des années 60, 70, 80. Cet homme a été basque, de natation ou de marathon :
ratoire du Centre national de la recher- toujours attentif à ce que l’on disait sur « Engagez-vous moins, allez moins
che scientifique (CNRS) qui faisait partie ces musiques et à qui il n’avait jamais vite… ? » Il est évident qu’il y a des
du musée national des Arts et Traditions échappé que le monde médical, pour risques dans les disciplines que je viens
populaires. Aujourd’hui, ce musée est faire court, désignait vite du doigt le de vous citer. Tout comme dire à des
délocalisé à Marseille, où il prend le titre mauvais objet, c’est-à-dire le rock. passionnés de haute montagne « mon-
de musée des Civilisations de l’Europe Après, il a découvert la musique électro- tez moins haut » est tout le contraire
et de la Méditerranée. Ce montage nique. Que disait le monde médical à d’un message de prévention. En
CNRS-ministère de la Culture explique cette époque ? « Le rock rend sourd. » La résumé, la problématique de préven-
cette confrontation entre le « socio- sentence était claire. Que disaient l’État, tion des risques dans des sports tels que
ethnologue » qui travaille sur le terrain, l’administration, le regard sociétal ? le rugby est similaire à celle de la
étudiant une société à travers une vie Rien, ou plus exactement : « C’est une musique amplifiée : nous sommes
partagée, et le passionné de culture qui, mode et, comme toute mode, elle va pas- avant tout dans une culture, celle de
dans le cadre d’un musée, a l’idée de ser rapidement ». Il y a, pour l’ethnolo- l’engagement traumatique. Tout le
constituer de la mémoire, du patrimoine gue que je suis, une manie que je trouve monde sait qu’un joueur de rugby qui
à léguer aux générations qui viennent. totalement inadaptée et qui a son illus- rencontre la tête d’un autre joueur peut
Et quand une spécialité, la mienne en tration dans ce sujet éminemment y laisser ses yeux, ses oreilles, son bon
l’occurrence, la musique électro-ampli- sérieux : c’est la manie du découpage. fonctionnement cérébral, sa vie même
fiée, transcende les deux approches, on À entendre la médecine d’hier et ses dans des cas tout à fait rarissimes. Mais,
est au cœur de multiples questions. Elles répercussions en termes de prévention, parallèlement, tout ce qui touche au
concernent à la fois les pratiques cultu- il y avait, d’un côté, le spécialiste de l’o- rugby, c’est la pacification des mœurs,
relles comme l’entend le ministère de reille, comme celui du genou, ou du une évolution des sociétés qui ne font
la Culture mais aussi le rapport au corps, torse… on découpe. Au contraire, le plus la guerre, qui se rencontrent autre-
comme celui des sportifs face à leurs socio-ethnologue essaye, quant à lui, de ment, de village à village, de ville à ville,
pratiques, donc les risques. Une partie recoller les morceaux. Il s’intéresse à de pays à pays. Ce sport a une fonction
de mon travail consiste à fréquenter les l’individu dans son entier. Dire donc, sociale qui dépasse largement la prise
salles de répétition, les régisseurs et comme on l’entend encore aujourd’hui, de risque par les individus. Je suis donc
sonorisations, et à comprendre com- « ils n’ont qu’à jouer moins fort » démon- favorable à ce que l’on remette tout cela
ment la société réagit. L’autre consiste tre une totale incompréhension de ce dans une échelle de valeurs ; et, surtout,
à constituer dans le musée une collec- qu’est cette musique et une erreur pro- quand le monde médical affirme qu’il
tion d’objets concernés par les risques fonde de message. faut jouer moins fort, je souhaite qu’il se
pose déjà la question de savoir pour- en me disant que tout le monde a rai- ministère de la Culture lançant son « Maxi
quoi les musiciens jouent fort. son. Les médecins ont raison de s’in- rock, mini bruit », qui est assez évocateur
quiéter car ils voient des personnes qui de l’état d’esprit qui régnait à cette
S. H : Pourquoi ? viennent les consulter, c’est la réalité. époque. Il a fallu attendre les années 90
Mais il y a autre chose ; dans mon tra- pour qu’à Agen, par exemple, une salle,
Parce que la musique électro-ampli- vail de rencontre sur le terrain, au le Florida, apparaisse en plein centre-
fiée est une culture partant du matériel, milieu des groupes, je suis allé – comme ville avec une qualité acoustique extraor-
de l’outil amplificateur. Ce n’est pas de d’autres sociologues l’ont fait en allant dinaire. Aujourd’hui, les villes rivalisent
la musique baroque ni de la musique dans les mines, dans les usines – pas- de salles excellentes, et c’est une très
« folk ». Ce qui a fait la création de cette ser des soirées, des nuits, dans les lieux bonne chose.
musique – et sa valeur pour des millions de répétition, dans les caves, les gre-
de personnes dans le monde –, c’est niers, les granges, des lieux magnifi- S. H. : Et, en matière de prévention,
qu’à un moment donné des musiciens quement rendus habitables par les que faudrait-il faire ?
ont transcendé des objets de produc- musiciens. L’histoire de ces musiques,
tion sonore, des instruments. Ces musi- le twist, le rock, apparues dans les Convier tout le monde, toutes nos
ciens ont une empathie avec la années 50 et 60 est comme celle des approches autour de la même table.
musique. Écoutez Jimmy Hendrix, non champignons : un matin, cela a poussé Musiciens, régisseurs de salles, associa-
seulement il maîtrisait une guitare mais partout ! Avec des amplis de vingt, tions, médecins, sociologues, etc. Je fais
aussi une chaîne d’électrification. Il y trente watts, des petites batteries avec partie de ceux qui militent pour que
a, ici, une culture du potentiomètre, du une caisse claire et, malgré tout, ces l’on parle de gestion du risque sonore.
haut-parleur. Voilà l’âme de cette musiques ont fait trembler la société. Tant que l’on ne sait pas, on ne pense
musique électrifiée. Et, d’un seul coup, Dans les années soixante, c’était à rien. Je suis persuadé que pendant les
comme dans le rugby ou dans le mara- Johnny, les Beatles… Des scènes de années 50 à 70 les gens ne savaient pas
thon, on entre dans le vertigineux. Il y liesse, d’hystérie, diraient certains. Le qu’ils prenaient des risques. La dénon-
a des funambules du son, reconnus sociologue dit liesse ou transe. Il y a des ciation de leurs pratiques était d’ordre
comme tels et admirés. nouveaux sons. Que l’on soit sociolo- idéologique. Arrêtons cela, réfléchis-
gue ou médecin, il faut que nous regar- sons ensemble au type de discours que
S. H : La musique trop forte peut dions cette période avec une largeur nous pourrions tenir ensemble, comme
provoquer un traumatisme auditif : d’esprit. C’est une jeunesse qui décou- un médecin du sport, par exemple, le
comment dire cela sans avoir un vre des modes de consommation, une fait sur la prévention du risque ! Nous
discours accusateur ? forme de sociabilité. devons amplifier notre domaine de
connaissances en cette matière et, sans
D’abord, constatons que tous les S. H : Comment la musique est-elle tabou, mettre ces informations à dispo-
professionnels de la musique ne sont devenue de plus en plus amplifiée sition de tout le monde, associations,
pas sourds ! Et, si elle rendait sourd, au fil des décennies ? professionnels, éducateurs, qui le sou-
comme certains milieux médicaux haitent. Il faut placer les spectateurs-
continuent de le dire, cela se saurait. Tout d’abord, si le monde de la auditeurs en capacité de réfléchir sur
Ensuite, oui, la musique électrifiée peut musique est, en quarante ans, passé du leurs engagements artistiques, leur
provoquer une chaîne de traumatismes. petit ampli au « mur de sons », c’est parce sociabilité et les inviter à poser les ques-
C’est comme pour le sport : à partir du que le phénomène de mode s’est, peu tions sur leurs antécédents auditifs. Afin
moment où l’on va dans des formes à peu, transformé en économie, en tech- qu’ils pensent à se protéger. Je suis, par
extrêmes de rencontre avec la nature ou nique, en échanges et en appropriations exemple, favorable à l’initiative portée
avec des objets produits par l’homme, de tout genre. Second constat : contrai- par l’association « Agi-son » (voir arti-
on use, on peut casser. Donc, il faut rement à ce qui s’est passé pour la pra- cle suivant), qui met à disposition des
modérer. Dire « ce sont des pratiques tique sportive, où les équipements ont jeunes allant aux concerts plus de six
dans lesquelles il y a des risques » n’a pas suivi l’évolution des pratiques, l’envi- cent mille bouchons chaque année.
la même signification que de dire « le ronnement sonore n’a pas suivi l’évolu- C’est un progrès considérable, au même
rock rend sourd ». Nous avons un tra- tion acoustique. Ainsi, pour la musique titre que les préservatifs gratuits. Je suis
vail à accomplir dans l’explication de ce électrifiée, les élus de tous bords, les un passionné de musique, de toutes les
phénomène musical afin qu’ensemble, administrations ont refusé les conditions musiques, j’écris une histoire d’une
du socio-ethnologue aux profession- des pratiques musicales. Ils ont refusé banda dans les campagnes du Limou-
nels du son et à ceux de la santé, nous de voir « l’électrification » des mœurs. sin et j’étudie la fanfare au XIXe siècle.
apportions les bonnes réponses. Durant quarante ans, des personnes ont Et puis, il n’y a pas que le rock dans ma
pris des risques très importants pour leur vie, il y a aussi l’épinette des Vosges,
S. H. : Quel rôle le socio-ethnologue santé. La société a été pourvoyeuse de que je pratique. Tout cela pour dire que
que vous êtes peut jouer dans la risque en refusant de créer ou d’adap- le sociologue travaillant sur la musique
prévention ? ter les lieux publics à des pratiques qui amplifiée depuis près de quarante ans
étaient en création. Nous avons baigné a besoin aussi d’informations provenant
J’essaie de travailler sur, d’un côté, dans le « DBCIP » – Dépannage, Brico- de divers milieux. On a tous intérêt à
les pratiques, de l’autre, les regards que lage, Clandestinité, Incertitude et Poly- s’écouter.
portent les corps de l’État, les ministè- valence – démontré merveilleusement, à
res, le monde médical, les associations, la fin des années 80, par le slogan du Propos recueillis par Denis Dangaix
Le 1er octobre 2006, pour la troisième pour la santé, mutuelles étudiantes, sance des sons. Durant ce moment fort,
année consécutive, les professionnels Drass, rectorats, commente Sylvie des rencontres et des ateliers, des séan-
de la musique vivante (salles de Lecano. Nous prenons un groupe local ces d’écoute et des projections sont
concerts, producteurs, artistes, techni- qui fait de la scène et qui va se prêter créés avec l’aide de partenaires impor-
ciens, prestataires de services, etc.) ont au jeu. C’est à chaque fois un succès ». tants comme Radio-France ou TF1. Des
lancé une campagne nationale de pré- À chaque représentation, une centaine musiciens s’associent, tels Maxime
vention des risques auditifs. Sept cent de jeunes découvre ainsi la musique LeForestier ou Émilie Simon. Des écri-
mille dépliants, douze mille affiches et autour d’une mise en scène particulière vains, des médecins prêtent leur
six cent mille paires de bouchons où se mélangent concert et informa- concours à cette manifestation qui, au
d’oreilles ont été distribués dans les sal- tions festives sur la physique du son, cours des années, a fait des émules à
les de spectacles au cours du dernier tri- la physiologie de l’oreille ou la législa- Grenoble, Nantes ou à La Rochelle. En
mestre 2006. Ces professionnels, tion. « Il s’agit bien pour nous d’un exer- 2007, la Semaine du son a eu lieu du
regroupés au sein de l’association Agi- cice de responsabilité », insiste Sylvie 16 au 20 janvier. « Attention, prévient
son1, sont aujourd’hui mobilisés. « Pour Lecano. Une responsabilité qui a Christian Hugonnet, il ne s’agit pas
que la musique reste un plaisir… », conduit l’association à créer, depuis d’une fête-bis de la musique ou de l’or-
comme l’indique leur logo, ils souhai- 2004, des modules de formation pour ganisation d’une semaine du bruit.
tent communiquer non seulement sur les professionnels eux-mêmes, tels les Nous souhaitons mobiliser un public
leur pratique culturelle, mais aussi, et ingénieurs du son ou les directeurs de qui n’est pas averti de la multitude des
surtout, sur les troubles auditifs, « un salle. « Seules la prévention et la for- sons et des effets qu’ils peuvent produire.
handicap qui touche tout le monde ». mation permettront de parvenir à une Je préfère parler d’un cri d’alarme éco-
« Agi-son a été créée en 2000 », explique gestion des volumes sonores permettant logique. » Cinq thèmes présents à « La
Sylvie Lecano, permanente de l’asso- de concilier préservation de la santé semaine » illustrent cette ambition : les
ciation. « C’est un outil de mutualisa- publique, tranquillité du voisinage et sons urbains, son et santé, les musiques
tion, au service d’un public que nous maintien de la diversité musicale », écrit de film, l’enregistrement en direct, l’or-
devons accompagner pour qu’il sache Agi-son. Cette association est soutenue chestre à l’école. « Savez-vous combien
préserver son audition. Nous avons mis par le ministère de la Santé. de personnes apprennent un instru-
nos compétences en commun pour faire ment de musique à l’école en France :
comprendre, par des spectacles péda- Une alarme écologique moins de 2 % contre 65 % aux États-
gogiques, que le niveau sonore est une Même esprit chez Christian Hugon- Unis. Il y a du travail », conclut Christian
question difficile à appréhender. Et, loin net, président de l’association « La Hugonnet.
de vouloir fuir notre responsabilité, semaine du son »2. L’environnement
nous mettons en place une pédagogie sonore est plus que familier chez cet Des impasses thérapeutiques
active. » ingénieur du son, expert près les tribu- L’association France Acouphènes3 est
naux et chargé dès 1988 de la réalisa- d’une autre nature. Créée en 1992 et
Un exercice de responsabilité tion du Centre audiovisuel du Conser- gérée par des bénévoles, elle regroupe
Cette pédagogie se nomme « Peace vatoire national supérieur de musique des personnes souffrant de sifflements
and Lobe ». Il s’agit d’un spectacle porté, et de danse de Paris. « Le son est partout, et de bourdonnements d’oreille. Son
dans chaque région, par un groupe de explique t-il avec passion. Il nous action est essentiellement tournée vers
musiciens professionnels et qui tourne entoure et nous en avons besoin. Et, du conseil, de l’appui informatif et de
auprès des lycéens, jeunes des MJC ou parmi cette multitude d’effets vibratoi- l’aide à de nombreux « souffrants », l’ex-
autres structures locales d’insertion res, la musique fait partie des sons pre- pression est de Dominique Dufournet,
mélangeant la découverte musicale et miers. Pourquoi ne pas apprendre en correspondant parisien de l’association.
l’information sur les effets des sons. quoi cela consiste ? » Depuis 2004, l’as- Il illustre, à lui seul, le calvaire que tra-
« Nous nous appuyons, dans chaque sociation organise chaque année une versent près de trois millions de per-
région, sur un faisceau de partenaires : « Semaine du son » en vue d’initier un sonnes répertoriées sur le territoire
des comités régionaux d’éducation public varié à une meilleure connais- national. Banquier, il est atteint soudai-