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Humanisme ou humanités?
Si l'on me demande ce qu'est l'humanisme, je répondrai franchement que je ne le
sais pas. Pour moi, je ne me sers de ce terme que pour désigner le mouvement
des esprits qui, de Pétrarque à Érasme ou même plus tard, a tendu à renouveler,
sur un patron classique, les modes d'expression, et en quelque sorte de pensée,
de la civilisation européenne. Même pour ce fait historique le terme d'humanisme,
à mon avis, est assez arbitraire et sans beaucoup de sens, voire fallacieux parfois.
Quant à celui d'humanités, je n'y vois qu'un terme d'école, général et commode, qui
s'applique à une quantité de matières dont la cohérence, en somme, est négative.
‘Les humanités’, cela semble comprendre d'une part tout ce qui n'est pas religion,
et d'autre part tout ce qui n'est pas science.
Je sais bien que, depuis une vingtaine d'années, l'usage du mot humanisme s'est
étendu à un domaine très vaste de notions assez mal définies. Dans mon pays,
humanisme d'abord a été pris comme mot d'ordre par un groupe de littérateurs,
jeunes alors, de très bonne volonté et d'aspirations plutôt vagues. Je n'ai jamais
bien compris ce qu'ils entendaient par là. Depuis ce temps ces aspirations, qui
datent d'après guerre, ont été battues en brèche par de forts contre-courants. Le
mot d'humanisme a passé de l'ordre des concepts exprimant un idéal à celui des
invectives. On peut dire qu'à présent, chez nous, humanisme est le mot qu'on jette
à la face de ceux qui, d'une part, ne sauraient s'accommoder d'un point de vue
exclusivement théologique, et d'autre part se refusent à accepter les formules d'un
vitalisme trop brutal. Le terme humanisme donc est entré dans la sphère des grandes
injures d'aujourd'hui, avec libéralisme, parlementarisme, démocratie et le reste.
Je me sens donc bien mal venu pour prendre part à une discussion sur les
humanités et l'humanisme. Je ne comprends pas ces termes. Ils expriment soit trop,
soit pas assez. Et mon embarras ne finit pas là. Dans la formule de notre thème, je
trouve encore une figure que je ne connais pas: c'est l'homme contemporain. Qu'est
cet homme? Évidemment, ce n'est pas l'homme qu'on voit, mais l'homme qu'on
voudrait voir. Il ne s'agit pas de perfectionner un des types nombreux

* Entretiens sous le titre Vers un nouvel Humanisme de l'Institut Internationale de Coopération


Intellectuel, Paris 1936, p. 200-203. Zie voorts noot * op p. 261 in dit deel der Verz. Werken.

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d'abrutissement ou de dépravation que produit notre ère. C'est un idéal que nous
avons en vue. Un idéal d'homme civilisé moderne. C'est pourquoi notre programme
demande quels sont, parmi les matériaux qui ont servi à former l'homme civilisé
d'autrefois, ceux qui pourraient encore servir pour le refaire.
Le premier chapitre de notre programme aboutit à la question de savoir quels
éléments des conceptions classiques se rapportant à l'homme sont encore vivants
parmi nous. Je me sens tenté de répondre d'avance qu'ils sont encore presque tous
vivants. L'élément grécoromain, depuis l'Antiquité même, est entré tellement dans
le tissu de toute la civilisation occidentale qu'il serait impossible de l'en éliminer,
dans quelque domaine que ce fût, sans tuer le principe vital de notre culture. Que
nous en ayons conscience ou non, nous parlons et nous pensons toujours Athènes
et Rome. Nos langues les reflètent à chaque tournure. Le grec et le latin nous servent
encore à fixer nos points de vue philosophiques, à créer la nomenclature des
connaissances nouvelles. Pour sauvegarder le trésor que nous possédons toujours
dans la tradition classique, il n'est pas nécessaire que tout le monde sache le grec
et le latin, mais il importe qu'un assez grand nombre de gens cultivés ne les aient
pas seulement étudiés, mais continuent à s'en occuper pendant toute leur vie, et
surtout que ces gens ne soient pas seulement les éducateurs professionnels, mais
également les penseurs, les poètes, les hoummes d'action et les techniciens.
Le deuxième paragraphe parle de l'apparition de notions nouvelles. Il me semble
impossible de bien définir la nouveauté d'une notion quelconque qui apparaît au
cours du développement d'une civilisation. Tout ce qui se succède est nouveau ou
rien ne l'est. Si l'on entend par notions nouvelles les idées qui ne se rattachent plus
à la tradition classique, même le Christianisme ne pourrait pas valoir comme telle,
car il nous est parvenu comme un des éléments de la culture antique. La philosophie,
qu'il s'agisse de celle du moyen âge ou de celle des temps modernes, a continué
de germer dans le sol semé par les anciens. Les littératures et les arts, quelles que
soient les merveilles qu'ont créées les quinze siècles qui ont suivi la ruine du monde
antique, n'ont jamais perdu la connexion avec les oeuvres classiques. Restent, dans
l'ordre des trésors de l'esprit, comme faits nouveaux: les sciences exactes et
peut-être l'apport de l'Orient, inconnu avant le XVIIIe siècle.
Littératures modernes et contemporaines, étude des langues et des

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civilisations étrangères? Mais tout cela va sans dire; ne négligeons donc aucun
trésor que les siècles ont amassé, quelle que soit sa provenance. Or les sciences
exactes, elles aussi, n'ont pu être construites qu'en s'appuyant d'abord sur l'héritage
de l'esprit grec. Elles ne sont notion nouvelle, dans le vrai sens du mot, qu'en tant
qu'elles remplacent la vieille ambiance spirituelle en devenant le milieu même dans
lequel l'homme moderne a cru vivre et penser. Le développement des sciences, y
compris les mathématiques, depuis Galilée jusqu'à Newton, a marqué un tournant
dans la civilisation occidentale, plus radical au fond que la Renaissance qui le
précède.
Ce mouvement scientifique du XVIe jusqu'au XVIIIe siècle tient ordinairement
trop peu de place dans l'histoire générale de la civilisation. Son importance échappe
aux historiens, parce qu'il n'a pas de nom sonore, comme Renaissance ou Réforme.
C'est la science qui a formé l'homme moderne tel que nous l'avons connu jusqu'à
une époque toute récente. Quant au phénomène que notre programme appelle
civilisation industrielle, il repose tout entier sur la science et ne peut être envisagé
que dans ses rapports avec elle.
Selon une thèse très remarquable que vient de formuler M. José Ortega y Gasset
(je cite l'édition anglaise: History as a System, dans Philosophy and History, Essays
presented to Ernst Cassirer, Oxford 1936, p. 283), le règne de la science comme
moyen de connaître le monde touche à sa fin. La science a failli à la tâche qu'elle
s'était arrogée dans le triomphe trop orgueilleux de ses succès. Il est évident que
cela ne veut pas dire que les sciences exactes perdront la haute place qu'elles
occupent dans l'outillage de notre esprit et dans la structure de notre civilisation.
Seulement on n'attendra plus d'elles ni la solution des problèmes de l'être ni la
direction de la vie humaine. Les attendra-t-on donc d'un humanisme nouveau,
humanisme pris comme l'opposé de science exacte? Certainement pas. Mais ce
n'est pas notre but ici de définir le principe même qui doit régir nos actes; il s'agit
seulement de trouver une appréciation juste de l'élément humanisme dans le type
culturel à désirer. Or il paraît bien que la primauté des sciences exactes et de leur
méthode, poursuivi trop longtemps, menace la valeur même de ce type. étant donné
la nécessité pour la civilisation de continuer à s'appuyer sur une base solide de
connaissances scientifiques, il semble utile que pour constituer cette base la science
fasse un peu plus de place aux connaissances que faute de mieux nous appelons
humanisme, c'est-à-dire à la connaissance de

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tout ce qui se rapporte à la vie humaine hors du domaine purement biologique: vie
sociale, histoire, poésie, religion, art, etc...
Ce qui importe avant tout, c'est de maintenir intacts les principes de la critique et
le besoin de vérité. Dans les sciences exactes les principes de la critique sont très
solides et très sûrs. Ce que la science considère comme ‘vérité’ est archi-prouvé.
Ce sont des ‘vérités’ telles que, l'exactitude de la méthode employée étant établie,
on n'en peut nier le caractère coactif. La conscience de l'individu n'a rien à y faire.
Son acceptation de cette vérité se passe du concours de son consentement éthique.
Dans les ‘humanités’, d'autre part, la méthode est non exacte, les principes de la
critique restent élastiques et ne seront jamais absolument sûrs. Les ‘vérités’ que
trouve l'histoire (pour comprendre dans ce terme les humanités entières) seront
toujours acceptables ou niables selon la disposition d'esprit de chacun. Il faudra
toujours une coopération de la conscience individuelle, et le consentement éthique.
C'est justement là que repose, pour un âge qui a reconnu l'insuffisance d'un
rationalisme pur, l'importance suprême des connaissances non exactes. Parce que
l'incertitude même des vérités particulières contraint à reconnaître une Vérité absolue,
même si l'on ne doit jamais la connaitre. Parce que le fait même qu'on peut nier tout
ce qui s'offre comme vérité établie entraine la nécessité d'un acte volontaire qui
décide ce qu'on doit nier. Ce n'est pas le lieu ici de me prononcer sur le principe qui
me guide dans ce choix. Il ne s'agit ici ni d'une profession de foi ni de l'exposition
d'un point de vue métaphysique.
Le mot humanisme, après tout, pourrait peut-être trouver une certaine justification
comme terme utile dans ce fait que l'homme personnel intervient dans tout jugement
porté par la pensée dans le domaine entier que le mot comprend. Toutefois, il se
cache, là aussi, un autre orgueil qu'il vaudrait mieux éviter. Tâchons donc de trouver
un terme qui pourrait remplacer humanisme et humanités.

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