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« Celles-ci sont condensées en archétypes qui représentent comme un produit de la distillation

de tout I ’existant, de ce qui peut se produire et se produira encore. Il semble que par une
répétition incessante, ces images se soient chargées d'une énergie interne au moyen de laquelle
elles sont véhiculées de génération en génération »

L'hypothèse d'Alain Caillé

Tel est le sentiment d'Alain Caillé qui, à l'instar de Lévi-Strauss, estime que l'une des plus grandes
découvertes de Mauss est " l'idée que la société doit être conçue comme une réalité d'ordre
symbolique, une totalité liée par des symboles ". Idée que Durkheim avait déjà entrevue, sans
vraiment l'exploiter, alors que Mauss aurait su la développer " en étendant la notion de symbole bien
au-delà des seuls signes linguistiques et picturaux ".

Car, bien entendu, Caillé refuse d'identifier le symbolisme au langage ou à l'échange et rejette
l'ensemble des griefs que Lévi-Strauss adresse à l'auteur de l'Essai sur le don. Une seule proposition
suffit à résumer sa pensée : " symboles et dons, écrit-il, sont sans doute pour Mauss identiques. Ou
au moins coextensifs . ". Et une belle formule de Camille Tarot marque bien ce qui distingue ce point
de vue de celui du structuralisme : " Le symbole maussien du symbole, ce n'est pas le mot ou le
phonème, c'est le don . "

Reste que Caillé demeure, par certains côtés, encore trop fidèle à Lévi-Strauss, et presque aussi
désinvolte que lui à l'égard des phénomènes religieux. Il sait bien que le structuralisme s'est efforcé
de remplacer les trois obligations maussiennes (de donner, de recevoir, de rendre) par le seul échange
réciproque, pour tenter d'éliminer le religieux dont Mauss, dans sa candeur, croyait encore avoir
besoin . Il constate l'échec de cette entreprise, mais ne se résout pas à en tirer toutes les
conséquences : il propose de revenir au don, mais répugne à voir que revenir au don, c'est aussi
revenir au religieux, et plus précisément au sacrifice. Ce point a été bien établi par Mark Anspach
dans le Bulletin du MAUSS : nous nous bornerons donc à renvoyer le lecteur à ses travaux .

En fait, tout comme Lévi-Strauss , Caillé relègue le religieux au second plan. Aussi oppose-t-il au
projet durkheimien de tout expliquer par la religion, l'idée, selon lui plus maussienne, de tout
comprendre par le symbolisme . Car, comme Lévi-Strauss encore, il attribue à " symbole " un sens
élastique qui donne l'illusion de pouvoir diluer le religieux dans un univers symbolique beaucoup plus
vaste, dont il ne serait plus qu'une simple modalité .

Mais cette tentative est bien vaine car, qu'on le veuille ou non, et comme Mauss le soutenait encore
en 1924, fidèle en cela à Durkheim, " la notion de symbole " est " issue de la religion ". Pour le vérifier,
à notre tour, nous allons suivre la piste du sumbolon, vers laquelle nous entraîne fort judicieusement
Alain Caillé, lorsque, dans les dernières pages de son article, il suggère de remonter à la source
grecque de notre concept . Nous verrons alors que le symbole prototypique n'est apparemment pas le
don qui lie, comme l'imagine Caillé, mais plutôt le sacrifice qui sépare, comme l'attestent
d'innombrables descriptions de rites sacrificiels et, en particulier, un bel article de Leïla Babès sur le
couscous comme don et sacrifice, paru sous la même couverture que le texte de Caillé, ainsi d'ailleurs
que certaines pages trop peu connues de Lévi-Strauss par lesquelles nous terminerons cette brève
enquête.

Symbole et sacrifice ou séparer pour unir

A l'appui de cette thèse, nous commencerons par établir deux propositions qui, rapprochées, suffisent
presque à la valider. Elles ont en commun de prendre à contre-pied la vulgate structuraliste, de faire
apparaître une séparation là où cette dernière croit avoir affaire à une " communication ".

Sacrifice, communion et séparation


Contrairement à ce que soutient Lévi-Strauss , et comme l'a bien montré Luc de Heusch , l'opération
sacrificielle n'est pas de l'ordre de la conjonction mais de la disjonction . La première fonction du
sacrifice est de tenir les dieux à distance, de rétablir la séparation du monde surnaturel et du monde
humain et de rétablir, par la même occasion, une bonne distance entre les hommes eux-mêmes .
Aussi consiste-t-il souvent à couper symboliquement en deux la victime sacrificielle pour obtenir cet
effet séparateur : qu'il s'agisse de mettre fin à une relation incestueuse en divisant un cabri dans le
sens de la longueur ou de couper en deux un chien sur la frontière qui sépare deux tribus belligérantes
pour rétablir la paix entre elles . Lorsque les Nuer sacrifient un concombre à la place d'un animal, le
geste rituel est exactement le même : le fruit est fendu en deux, comme le serait une chèvre, un
mouton ou un bœuf. Chez eux, en cas d'inceste, on jette la moitié gauche, car c'est " la mauvaise
moitié ", tandis que les auteurs du délit boivent une infusion faite avec la moitié droite qui est " la
bonne moitié " . Comme le montre cet exemple, le sacrifice a bien pour effet, selon une définition
usuelle, d'unir les hommes autour des dieux, mais sur la base d'une séparation préalable qui rend
possible cette union. Or, nous allons voir que le symbole a, lui aussi, la double propriété d'unir et de
séparer.

Symbole, communication et mise à distance

Considérons le langage, qui représente indéniablement un aspect fondamental de la fonction


symbolique. Bien avant Chomsky, qui a toujours reconnu sa dette à leur égard, les auteurs classiques
avaient déjà remarqué que la communication n'était ni le seul ni le principal attribut de l'usage des
mots. " Les mots, soutenaient Hobbes et Leibniz, ne sont pas moins des marques pour nous que des
signes pour les autres . "

Ce n'est pas tout. Dire que les mots sont d'abord des marques pourrait nous faire croire que leur
fonction est essentiellement de rendre présentes les choses absentes ou passées. Comme nous l'avons
vu, c'est par cette propriété qu'on caractérise généralement la fonction symbolique, et non sans
raison. Mais, comme l'ont montré, indépendamment l'un de l'autre, Raymond Ruyer et René Thom ,
le langage a aussi et surtout pour effet de tenir à distance les choses présentes, d'éviter la fascination
aliénante qu'exercent sur nous les objets qui nous entourent et la présence de nos semblables. En
effet, si les mots sont bien des intermédiaires entre chaque sujet parlant et son environnement
naturel et humain, ce n'est pas seulement parce qu'ils les relient les uns aux autres, c'est aussi parce
qu'ils s'interposent entre eux et font barrage à un contact ou une communication trop directs et
aliénants. Les prédateurs sont fascinés par leurs proies au point de s'identifier à elles et les animaux
grégaires ne cessent de communiquer entre eux et d'exercer des effets mimétiques les uns sur les
autres. Et pour cette raison, c'est seulement, comme le note Ruyer, à la faveur d'un arrêt de cette
communication immédiate avec autrui que nous pouvons accéder au symbole . Lorsque Helen Keller,
par exemple, découvre brusquement la véritable portée du langage, lorsqu'elle saisit pour la première
fois la signification du mot " water " et comprend, tout d'un coup, que toute chose peut être désignée
par un mot, sa première réaction n'est pas de se servir des mots pour mieux communiquer avec sa
maîtresse, mais de communiquer avec elle (par le simple toucher) pour connaître les mots qui
désignent toutes les autres choses et entretenir par là un nouveau rapport avec le monde.

Bref, loin d'être asservi à la communication, le langage suppose une rupture de la communication
spontanée, et pour ainsi dire " horizontale ", des hommes avec leurs semblables et avec les choses qui
les entourent ; rupture qu'il accentue et stabilise, pour instaurer un rapport " vertical " avec le monde,
une " distance psychique ", qui caractérise l'humanité et rend possible la formation des phénomènes
proprement culturels . Comme l'écrit et le montre, de son côté, Leroi-Gourhan, " ce qui nous est
propre et strictement propre ", et qu'on nomme " faculté de symbolisation ", c'est " plus généralement
cette propriété du cerveau humain qui est de conserver une distance entre le vécu et l'organisme qui
lui sert de support. [...] Ce détachement qui s'exprime dans la séparation de l'outil par rapport à la
main, dans celle du mot par rapport à l'objet, s'exprime aussi bien dans la distance que prend la
société par rapport au groupe zoologique ", dans " cette propriété unique que l'homme possède de
placer sa mémoire en dehors de lui-même . " C'est d'elle que procèdent toutes les techniques et toutes
les institutions.

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