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RÉSUMÉ SUMMARY
C tt revue ffait
Cette it lle point
i t sur lla physiologie
h i l i rénale.
é l L Le premier
i chapitre
h it Normal physiology of the kidney and pathophy-
correspond à une brève description de l’anatomie du rein. Le deuxième siological mechanisms of renal diseases
chapitre est consacré à l’étude de la fonction de filtration glomérulaire, avec This review concerns the physiology of the kidney.
les processus qui conduisent à la formation de la pré-urine dans l’espace The first chapter depicts briefly the anatomy of the
de Bowman, la régulation physiologique du débit de filtration glomérulaire, kidney. The second chapter is focused on the glo-
les valeurs physiologiques du débit de filtration glomérulaire, l’évaluation merular filtration, with a presentation of the process
de la fonction de filtration glomérulaire et un aperçu des pathologies glo- governing the formation of the pre-urine in the Bow-
mérulaires avec ou sans insuffi f sance rénale. Le troisième chapitre porte man space, a study of the physiological regulation
sur l’étude des fonctions tubulaires de réabsorption et de sécrétion au of glomerular filtration rate (GFR), the normal values
niveau de chaque partie du néphron. Sont notamment développés les of GFR, the evaluation of this glomerular filtration
processus de réabsorption du glucose, des acides aminés, des protéines function and a rapid glimpse on glomerular patho-
de faible masse moléculaire et des principaux ions (bicarbonates, phos- logies. The third chapter is about the tubular func-
phates, Na+, Cl- et Ca2+) ainsi que les processus de sécrétion des ions tions of reabsorption and secretion at the level of
H+, de l’ammoniac et des médicaments dans le tubule proximal. Ensuite the different parts of the nephron. We develop the
les fonctions respectives des deux branches descendante et ascendante transport mechanisms of reabsorption of glucose,
de l’anse de Henlé sont abordées, puis celles du tubule distal, à travers amino-acids, proteins of low molecular weight and
le rôle des cellules principales, intercalaires A et B dans le maintien de main ions (bicarbonates, phosphates, Na+, Cl- and
l’homéostasie hydrominérale et acido-basique. L’étude des différentes Ca2+) as well as the process of secretion concerning
parties du néphron se termine par le canal collecteur de Bellini et l’étude H+ ions, ammoniac and drugs in proximal part of the
du rôle de l’hormone antidiurétique dans les capacités de concentration tubule. Then the respective functions of the two des-
de l’urine. Le dernier chapitre est consacré à l’étude des 3 fonctions cending and ascending limbs of Henlé are presented
endocrines du rein, avec la synthèse de l’érythropoïétine, de la rénine et before studying those of the distal tubule, through
du 1,25(OH)2-cholécalciférol. the role of principal cells, intercalated A and B cells in
the maintain of hydromineral and acid-base balance.
Filtration glomérulaire – fonctions tubulaires – réabsorption – The study of the different parts of the tubule ends
sécrétion – excrétion – débit de filtration glomérulaire – with the collecting duct and the role played by anti-
concentration des urines – fonctions endocrines rénales. diuretic hormone in the concentration of the urines.
The last chapter concerns the 3 endocrine functions
of kidney, with synthesis of renin, erythropoietin, and
1,25(OH)2-cholecalciferol.
1. Introduction
Glomerular filtration – tubular functions – reabsorption
Les reins normaux assurent trois groupes de fonctions : – secretion – excretion – glomerular filtration rate –
une fonction d’élimination des déchets et d’excrétion urine concentration – renal endocrine functions.
des produits de dégradation du métabolisme cellulaire et
des substances étrangères ; une fonction de maintien de
la composition du milieu intérieur, donc de maintien de
l’homéostasie de l’eau et des électrolytes ; une fonction
a Service de biochimie générale endocrine avec les synthèses de la rénine, de l’érythro-
Hôpital universitaire Necker – Enfants Malades poïétine et du calcitriol.
149, rue de Sèvres
75730 Paris cedex 15
et UMR 1154 – Université Paris Sud – Châtenay-Malabry 2. Rappel sommaire
de l’anatomie du rein
* Correspondance
bernard.lacour@nck.aphp.fr La coupe frontale d’un rein permet de distinguer, sous
une capsule fibreuse lisse, le parenchyme rénal, composé
article reçu le 30 octobre 2012, accepté le 2 janvier 2013. d’une partie corticale externe et d’une partie médullaire
© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. interne (figure 1).
l’ultrafiltrat et le plasma, car l’équilibre de Gibbs-Donnan Toute variation de l’une de ces pressions entraîne une
doit être respecté. Ainsi la concentration des ions Cl- est variation de PUF et donc du débit de filtration glomérulaire
un peu plus élevée et celle des cations un peu moins (DFG). Ainsi une augmentation de la pression hydrosta-
élevée dans le filtrat que dans le plasma. tique dans la capsule de Bowman à la suite d’un blocage
Le processus d’ultrafiltration dépend de la pression nette de l’écoulement de l’urine (cancer de la prostate, lithiase)
d’ultrafiltration (PUF) et de la structure de la membrane va diminuer le DFG. De même, une augmentation impor-
glomérulaire. tante des protéines plasmatiques (myélome) augmente la
r La PUF correspond à la résultante des différences des pression oncotique et diminue le DFG.
pressions hydrostatiques et oncotiques qui s’exercent sur r Le 2e facteur influençant l’ultrafiltration glomérulaire est
la membrane glomérulaire. le coefficient d’ultrafiltration (Kf) qui dépend de la surface
La pression hydrostatique exercée par le sang sur la paroi de filtration et donc de la taille du lit vasculaire qui peut
des capillaires est voisine de 45 mm Hg et reste quasi- varier sous l’action des cellules mésangiales susceptibles
constante tout au long des capillaires. La pression hydro- de se contracter, et de la perméabilité hydraulique de la
statique de l’urine contenue dans l’espace de Bowman est barrière glomérulaire. Cette dernière est liée à sa structure,
d’environ 10 mm Hg à l’état physiologique et varie très peu c’est-à-dire à la présence des pores et des glycoprotéines
en raison de l’écoulement libre de l’urine formée. Donc la chargées négativement, ce qui assure une sélectivité de
différence des pressions hydrostatiques est voisine de taille et de forme et une sélectivité de charge électrique. On
35 mm Hg. C’est cette force qui tend à faire passer l’eau peut dire que la barrière glomérulaire assure un véritable
et les substances dissoutes qu’elle contient, du plasma tamisage moléculaire et que la filtration est inversement
jusque dans l’espace de Bowman. proportionnelle au diamètre des molécules et d’un point
La pression oncotique, liée à la présence des protéines de vue plus pratique à la masse moléculaire. Ainsi la limite
dans un compartiment s’oppose au départ de l’eau et de la filtration glomérulaire chez l’homme correspond à
des solutés qu’elle contient de ce compartiment. La une masse moléculaire de 60 000 Da (grossièrement celle
pression oncotique urinaire dans la capsule de Bowman de l’albumine).
est négligeable, car la barrière glomérulaire est très peu La charge électrique joue également un rôle important,
perméable aux protéines. À l’entrée du capillaire dans le comme en atteste l’albumine qui franchit moins bien la
corpuscule de Malpighi, la pression oncotique plasma- barrière glomérulaire qu’un dextran neutre de même taille,
tique est voisine de 20 mm Hg car le plasma contient en raison de sa charge négative. La membrane glomérulaire
une forte concentration de protéines de 65 à 70 g/l. est en effet chargée négativement et forme une barrière
Elle augmente progressivement tout au long du capil- électrostatique, repoussant les molécules chargées néga-
laire car les protéines se concentrent dans le capillaire tivement et facilitant le passage des molécules chargées
au fur et à mesure que la filtration a lieu. Ainsi, à l’état positivement.
physiologique, la valeur de la différence des pressions Les valeurs physiologiques du DFG sont de 120 à 130 ml/min
oncotiques est égale à celle de la différence des pres- rapportés à 1,73 m2 de surface corporelle. Ce mode d’ex-
sions hydrostatiques environ aux 2/3 de la longueur pression permet d’utiliser les mêmes valeurs physiologiques
du capillaire. La filtration s’arrête alors et il existe une chez l’enfant, l’adulte, les personnes de petite taille ou au
réserve de filtration, qui sera utile dans certaines situa- contraire obèses. Le DFG représente la fraction du volume
tions pathologiques (figure 4). plasmatique qui est filtrée pendant le passage du sang
dans le glomérule, ce qui correspond approximativement
à 20 % du débit plasmatique rénal, le débit sanguin rénal
Figure 4 – Évolution de la filtration (représentée en étant de 1 200 ml/min.
bleuté par PUF = pression nette d’ultrafiltration) La régulation du débit de filtration glomérulaire repose en
tout au long du capillaire glomérulaire. grande partie sur la régulation de la pression hydrostatique
dans les capillaires glomérulaires. Elle est donc dépendante
de la résistance respective des artérioles afférentes (AA)
et efférentes (AE). En théorie, toute vasoconstriction de
l’AA entraîne une diminution de la pression hydrostatique
capillaire puisqu’elle est pré-glomérulaire et donc du DFG.
En revanche, une vasoconstriction de même importance
de l’AE augmente la pression hydrostatique capillaire
puisqu’elle est post-glomérulaire, ce qui augmente le DFG.
Ainsi une augmentation comparable des résistances des
artérioles afférente ou efférente a des conséquences oppo-
sées en termes de DFG et c’est le maintien de l’équilibre
entre les résistances AA et AE qui permet de maintenir
constant le DFG.
r La régulation des résistances afférentes est une régu-
Delta P correspond à la différence des pressions hydrostatiques
lation locale qui permet de répondre aux fluctuations
entre le capillaire et l’espace urinaire de Bowman et Delta Pi correspond physiologiques de la pression artérielle. Elle fait inter-
à la différence des pressions oncotiques entre le capillaire et l’espace venir des canaux calciques sensibles à l’étirement qui
urinaire de Bowman.
s’ouvrent lorsque les cellules musculaires lisses de la paroi
provoque l’internalisation du NPT2a Figure 9 – Les principaux processus de réabsorption et sécrétion dans
par un mécanisme qui n’est pas le tubule contourné proximal.
encore totalement élucidé, mais qui
ne requiert pas de phosphorylation
du transporteur. La conséquence
est une augmentation de l’excré-
tion fractionnelle des phosphates.
Le FGF 23 agit en se fixant sur le
récepteur FGF R1C qui est associé
à Klotho (ce dernier fonctionnant
comme un corécepteur), ce qui
augmente l’excrétion urinaire des
phosphates en inhibant l’expres-
sion des 2 transporteurs rénaux
NPT2a et NPT2c. Sa concentration
plasmatique est augmentée par les
apports digestifs en phosphate, par
l’élévation de la phosphatémie ou
celle du calcitriol et est diminuée
au cours d’un régime pauvre en
phosphates.
r La réabsorption des autres ions
Na+, K+, Cl-, Ca2+ et de l’eau est
importante puisqu’elle correspond
à 75 % des quantités filtrées. La
seule exception concerne le Mg2+
qui n’est réabsorbé qu’à 20 % dans
le tubule proximal.
Pour le sodium, la réabsorption
se fait en majorité par voie trans-
cellulaire (60 %). Elle fait intervenir
la pompe à Na+ ou Na+-K+ ATPase
située dans la membrane basola-
térale, qui fait sortir de la cellule
3 ions Na+ et y fait entrer 2 ions K+,
en consommant de l’énergie fournie par l’ATP. L’activité étant principalement liée à la réabsorption de l’eau et du
de cette pompe permet de maintenir une concentration Na+ par la voie paracellulaire.
+
très faible en Na dans le cytosol (environ 20 mmol/l) et r Les processus de sécrétion sont très importants dans
+
une concentration très forte en K (environ 120 mmol/l) le tubule contourné proximal. Ils concernent les ions H+
et un potentiel intracellulaire négatif de –70 mV. C’est le comme nous venons de le voir, mais aussi l’ammoniac. En
moteur du mouvement de réabsorption du Na+ à travers effet les cellules du tubule proximal ont une glutaminase
l’épithélium qui permet aux ions Na+ de franchir la mem- mitochondriale très active, qui transforme la glutamine en
brane basolatérale contre le gradient électrochimique. Le glutamate avec génération de NH3. La plus grande partie
passage du Na+ à travers la membrane apicale s’effectue du NH3 diffuse librement à travers la membrane apicale
le long de son gradient électrochimique en utilisant des le long de son gradient de concentration à travers des
canaux de fuite ouverts ou en bénéficiant de transpor- canaux de la famille des aquaporines et arrive dans la
teurs qui facilitent l’entrée du Na+ couplée à l’entrée de lumière tubulaire où il se combine avec H+ pour donner
différentes substances (systèmes de cotransport décrits un ion NH4+. Une petite quantité de NH3 se combine dans
pour le glucose, les acides aminés, les phosphates…), soit la cellule avec H+ pour donner un ion NH4+ qui est pris en
+
l’entrée du Na couplée à la sortie de différentes substances charge par le système de contre-transport Na+-H+ pour
+
(systèmes de contre-transport décrits pour H par exemple). passer dans la lumière tubulaire.
La réabsorption transcellulaire du Na+ est complétée par La sécrétion concerne aussi de nombreuses substances
+
une importante réabsorption de Na par la voie paracellu- organiques (sels biliaires, acide oxalique, créatinine…) et
laire (40 %) car l’épithélium est lâche (figure 9). de nombreux médicaments (antibiotiques, diurétiques…)
L’eau suit la réabsorption proximale du Na+, quelle que soit à travers un nombre très important de transporteurs. Cette
la voie de passage. La caractéristique fondamentale de la notion est très importante et explique que dans l’insuffi-
réabsorption proximale est d’être iso-osmotique et donc sance rénale, la perte progressive de fonctionnalité des
l’urine qui arrive à la fin du tubule proximal est isotonique néphrons va diminuer cette capacité d’élimination des
au plasma (300 mOsm/l). médicaments à élimination rénale, ce qui va nécessiter
Pour le calcium, 65 % du calcium filtré est réabsorbé d’adapter les posologies en fonction du degré d’insuffi-
dans le tubule contourné proximal, cette réabsorption sance rénale [1-3].
4.3. Les fonctions du tubule distal Figure 11 – Représentation schématique d’une cellule
Le tubule distal comporte une première partie qui chemine principale du tubule distal.
entre les artérioles afférente et efférente du glomérule
et constitue l’appareil juxta-glomérulaire. Les cellules
du tubule distal qui sont au contact de l’artériole affé-
rente sont grandes et serrées les unes contre les autres,
constituant la macula densa. Elles ont pour rôle majeur de
contrôler le débit de NaCl du liquide tubulaire. Les cellules
musculaires lisses de la paroi de l’artériole afférente sont
modifiées à cet endroit et contiennent de très nombreux
granules de rénine dans leur cytoplasme. Comme nous
l’avons vu précédemment, l’appareil juxta-glomérulaire
joue un rôle très important dans la régulation du débit
de filtration glomérulaire.
Le reste du tubule distal qui est contourné est situé dans
le cortex rénal. L’épithélium a un aspect serré et la voie
paracellulaire a donc une faible perméabilité. Les cel-
lules sont cubiques, dépourvues de bordure en brosse,
et comprennent des cellules principales et des cellules
intercalaires de 2 types A et B.
Les cellules principales (P) sont équipées de pompes
à Na+ dans la membrane basolatérale et de canaux de Figure 12 – Effets de l’aldostérone dans les cellules
passage spécifiques pour le Na+ ou pour le K+ dans la principales du tubule distal et du canal collecteur.
membrane apicale. La principale voie de réabsorption
du NaCl implique la pompe à Na+ qui entraîne le mou-
vement du Na+ à travers les canaux Na+. Ce transport
est électrogénique et rend la lumière du tubule électro-
négative, ce qui entraîne en conséquence une sécrétion
passive de K+ à travers les canaux K+ le long du gradient
électrochimique, sécrétion de K+ qui est donc secon-
daire à la réabsorption de Na+. En outre, dans la partie
initiale du tubule distal, les cellules principales ont des
transporteurs électroneutres de NaCl qui sont inhibables
par les thiazidiques, d’où l’effet diurétique de ces médi-
caments. Les cellules P ont également des pompes à
Ca 2+ ou Ca 2+-ATPases (PMCA-1b) et des échangeurs
Na/Ca (NCX1) situés dans la membrane basolatérale et
des canaux spécifiques TRPV5 (canaux activés par une
dépolarisation transitoire) pour le Ca2+ localisés dans la
membrane apicale. Le Ca2+ pénètre dans la cellule selon
son gradient de concentration grâce aux canaux TRPV5
de la membrane apicale, puis il se lie à une protéine de
transport cytosolique, la calbindine vitamine D-dépen- elle agit en augmentant la synthèse et l’insertion dans
dante de 28 kDa, et il ressort au pôle basolatéral contre la membrane des canaux de passage pour le Na+ et de
un gradient électrochimique grâce aux Ca-ATPase et/ou Na+-K+ ATPases. L’aldostérone stimule indirectement et
aux échangeurs Na/Ca NCX-1. La réabsorption du Ca2+ secondairement à son action sur le Na, la sécrétion de
dans cette partie du tubule porte sur 10 à 15 % de la K+. On comprend bien que les anti-aldostérones sont diu-
quantité filtrée. Elle est régulée en fonction des besoins rétiques puisqu’ils agissent en bloquant la réabsorption
de l’organisme par la PTH et le calcitriol (figure 11). du Na+ et de l’eau à ce niveau du tubule distal et qu’ils
Dans le dernier tiers du tubule distal et la portion corti- peuvent engendrer des hyperkaliémies parfois dange-
cale du canal collecteur, les cellules P expriment dans reuses (figure 12).
leur cytoplasme des récepteurs pour l’aldostérone. Cette Les cellules intercalaires A et B sont des cellules caractérisées
hormone élaborée par les glandes surrénales, entre dans par une teneur cytoplasmique très élevée en anhydrase car-
les cellules par simple diffusion et se combine avec son bonique, ce qui leur permet de convertir de grandes quantités
récepteur cytoplasmique. Son 1er effet est d’augmenter de CO2 en H+ et HCO3-. Les ions H+ générés sont transportés
le temps d’ouverture des canaux Na+, ce qui augmente hors des cellules par des H+-ATPases ou par des ATPases qui
le taux intracellulaire de Na+ et stimule la Na+-K+ ATPase, échangent un ion H+ contre un ion K+. Les ions HCO3- quittent
permettant d’augmenter la réabsorption du Na + dans la cellule grâce aux échangeurs HCO3-/Cl-. Les 2 types de cel-
le liquide extracellulaire. Cet effet est très rapide et ne lules intercalaires diffèrent par la disposition des transporteurs
requiert pas de synthèse de nouvelles protéines canaux dans les membranes de la cellule. Les cellules intercalaires A
ou de nouvelles unités d’ATPases. Dans un 2e temps, possèdent une H+-ATPase et une H+-K+ ATPase localisées dans
la membrane apicale et l’échangeur HCO3-/Cl- localisé dans Au plan quantitatif, la réabsorption des ions est faible dans
la membrane basolatérale. Elles fonctionnent surtout dans les cette partie du tubule, puisqu’elle ne porte que sur 5 %
situations d’acidose au cours desquelles elles secrètent des environ des quantités filtrées, mais elle est extrêmement
ions H+ pour éliminer l’excès de protons du sang et génèrent importante car elle permet d’ajuster les quantités réabsor-
des ions HCO3- qui passent dans le sang et aident à ramener bées et ainsi d’assurer le contrôle des équilibres hydro-
le pH à la normale (figure 13a). Les cellules intercalaires B minéraux et acido-basiques de l’organisme. Les cellules
fonctionnent en miroir. Elles assurent donc la sécrétion des principales P permettent les ajustements de l’élimination
bicarbonates dans l’urine via un échangeur Cl-/HCO3- situé du Na+, du K+ et du Ca2+ afin de maintenir constantes la
dans la membrane apicale, alors que les pompes à protons natrémie, la kaliémie et la calcémie, alors que les cellules
sont situées dans la membrane basolatérale de ces cellules. intercalaires A et B permettent d’éliminer respectivement
Elles fonctionnent donc surtout dans les situations d’alcalose les ions H+ ou les HCO3- afin de maintenir constant le
métabolique pour éliminer les bicarbonates en excès dans pH sanguin, c’est-à-dire l’équilibre acide-base de l’orga-
les urines (figure 13b). nisme [1-3].
4.4. Les fonctions du canal collecteur Le second stimulus, beaucoup moins puissant, correspond
Chaque canal collecteur ou tube de Bellini reçoit plusieurs à la diminution de la pression artérielle et du volume sanguin.
tubules distaux. C’est le site d’acidification et de concen- Les récepteurs sensibles au volume sanguin sont situés
tration de l’urine. La première partie du canal collecteur est dans l’oreillette et ceux qui sont sensibles à la pression
identique au tubule distal, puis les cellules P disparaissent artérielle sont les barorécepteurs situés dans la carotide et
progressivement et seules restent les cellules intercalaires, la crosse de l’aorte. Lorsque la pression artérielle diminue
en particulier les cellules intercalaires A qui sont respon- ou lorsque le volume plasmatique diminue, ces récepteurs
sables de l’acidification de l’urine. sont stimulés et renseignent l’hypothalamus qui augmente
Le canal collecteur traverse toute la zone médullaire et la sécrétion d’ADH afin de conserver les liquides et res-
conduit l’urine jusqu’à la papille au sommet de la pyramide taurer la volémie.
de Malpighi. Comme dans la branche descendante de l’anse La régulation fine de la balance acide-base de l’organisme
de Henlé, l’urine rencontre un interstitium dont l’osmolarité est assurée en fonction des besoins par les mouvements
va croissant de 300 mOsm/l dans la médullaire externe des ions H+ ou HCO3- dans les 2 types de cellules inter-
pour atteindre 1 200 mOsm/l dans la médullaire interne. calaires A et B en début de canal collecteur. Les cellules
Les mouvements de réabsorption d’eau par osmose ne intercalaires A sont capables de sécréter une grande quan-
peuvent avoir lieu que si la paroi du canal collecteur est tité d’ions H+ grâce aux pompes à protons (H+-ATPase et
rendue perméable à l’eau par la présence de l’hormone anti- H+-K+-ATPase) exprimées dans leur membrane apicale, tout
diurétique ou ADH encore appelée vasopressine en raison en générant la même quantité d’ions HCO3- qui passent
de son action vasoconstrictrice importante. En l’absence dans le plasma grâce aux échangeurs HCO3-/Cl- exprimés
d’ADH, la paroi du canal collecteur n’est pas perméable dans leur membrane basolatérale. À ce niveau du tubule,
à l’eau, toute l’eau reste dans le tubule, la diurèse est très les ions H+ sont pris en charge dans l’urine par les ions
importante et l’urine excrétée est très diluée, très hypoto- phosphates mono-acides HPO42- qui se transforment en
nique (50 à 100 mOsm). À l’inverse, en présence d’ADH, ions phosphates di-acides H2PO4- et concourent à former
la paroi est très perméable à l’eau, la diurèse est faible et l’acidité titrable de l’urine, sans que le pH urinaire ne varie.
l’urine éliminée peut alors être très concentrée, avec une Ces cellules sont surtout actives en cas d’acidose. Elles
osmolarité maximum de 1 200 mOsm/l (figure 10). permettent alors d’éliminer dans les urines les ions H+ en
L’ADH ou vasopressine est sécrétée par les cellules de excès dans le sang et de reconstituer le pool de tampons
l’hypothalamus au niveau de la post-hypophyse. Elle agit bicarbonates plasmatiques.
en se liant à son récepteur à 7 domaines transmembra- Les cellules intercalaires B au contraire sont capables de
naires, situé dans la membrane basolatérale de la cellule sécréter une grande quantité d’ions HCO3- dans les urines,
épithéliale des canaux collecteurs. Ce récepteur couplé tout en générant une quantité équivalente d’ions H+ qui
à une protéine G active l’adénylcyclase ce qui augmente passent dans le plasma afin de faire revenir le pH sanguin
la production d’AMPc et permet de phosphoryler des à la normale. Ces cellules sont surtout actives dans les cas
protéines intracellulaires qui font migrer, puis s’insérer d’alcalose. L’ensemble de ces modifications sont toutefois
dans la membrane apicale les vésicules contenant les lentes à se mettre en place et nécessitent un délai d’à peu
molécules d’aquaporines de type 2 (AQ2). Ces dernières près 24 à 48 h pour être pleinement actives.
constituent de véritables canaux à eau ou pores permet- Dans le canal collecteur médullaire, une importante réab-
tant le passage de l’eau par osmose à partir de la lumière sorption d’urée a lieu. Elle est facilitée par la présence
vers l’interstitium qui est hypertonique. Et la perméabilité des canaux AQ3, qui permettent à l’urée de diffuser libre-
du canal collecteur varie en fonction de la quantité de ment depuis la lumière du canal collecteur où elle est
vasopressine présente. Ainsi il est possible de retenir la très concentrée vers l’interstitium. Ce processus permet
quantité d’eau dont l’organisme a besoin, via l’ajustement d’augmenter la concentration des osmoles totales de la
de la sécrétion de vasopressine. En fait, dans la cellule médullaire interne et l’urée contribue à l’hypertonicité de la
épithéliale, il existe un processus de recyclage d’une partie médullaire et donc à la constitution du gradient osmotique
de la membrane qui contient les molécules d’AQ2. Du côté cortico-papillaire [1-3].
basolatéral, l’eau franchit la membrane à travers 2 autres
types de molécules d’AQ qui restent toujours ancrées dans 4.5. Évaluation des fonctions tubulaires
la membrane (AQ3 et AQ4) (figure 14). du néphron
La sécrétion de vasopressine est contrôlée par l’osmolarité En clinique, il peut être nécessaire d’évaluer les fonctions
du liquide extracellulaire et par la pression artérielle. Le plus tubulaires du néphron. La documentation d’une tubulopathie
puissant des stimuli est l’osmolarité du plasma. Lorsque est plus ou moins aisée selon le transporteur concerné.
l’osmolarité du plasma est inférieure à 280 mOsm/l, les Il est relativement aisé de documenter une anomalie d’un
osmorécepteurs hypothalamiques ne sont pas stimulés transporteur impliqué dans la réabsorption proximale du
et il n’y a aucune sécrétion d’ADH. Lorsque l’osmolarité glucose, des acides aminés ou des protéines de faible masse
augmente au-dessus de 280 mOsm/l, alors les osmorécep- moléculaire, puisque normalement ces différentes substances
teurs stimulent la libération d’ADH en fonction de la valeur sont absentes ou quasiment absentes de l’urine définitive.
de l’osmolarité. C’est le principal facteur qui permet aux À chaque fois, il convient de rapporter les débits urinaires
reins de conserver le volume des liquides extracellulaires, mesurés aux débits filtrés calculés, afin de pouvoir exclure,
mais ne leur permet pas de restaurer les volumes de fluide le cas échéant, une anomalie d’excrétion liée à une charge
perdu, par exemple au cours d’une hémorragie. Ces der- filtrée trop élevée, ce qui correspondrait à une situation
niers ne peuvent être remplacés que par l’ingestion d’eau. de débordement des capacités de travail du transporteur
essentiellement les fibroblastes péritubulaires du cortex terme, la demi-vie du calcitriol étant très courte. Trois fac-
rénal. Sa production est contrôlée au niveau transcription- teurs stimulent directement l’activité de la 1α-hydroxylase
nel par l’hypoxie. C’est un agent anti-apoptotique pour rénale. La PTH exerce l’effet majeur. Mais, l’hypocalcé-
les progéniteurs érythrocytaires, en particulier les unités mie chronique, par exemple dans le cadre des régimes
érythroïdes formant des colonies (CFU-Es). En réponse à très pauvres en calcium, ou l’hypophosphatémie chro-
l’EPO, les cellules prolifèrent et se différencient en cohortes nique, observée par exemple avec des régimes très
de pro-érythroblastes et normoblastes. La réponse à l’EPO pauvres en phosphates, stimulent également l’activité
commence dès que la concentration d’hémoglobine dans de la 1α-hydroxylase. De son côté, la 24α-hydroxylase
le sang chute au-dessous de 125 g/l, en dehors de toute rénale est inhibée par ces mêmes facteurs, strictement
maladie rénale ou de toute inflammation. L’EPO collabore à l’opposé de la 1α-hydroxylase. On peut donc retenir
avec l’angiotensine II pour maintenir le volume sanguin. simplement que le métabolisme du 25OH-cholécalciférol
Chez les patients urémiques, se développe une anémie est orienté vers la synthèse de 1,25(OH)2-cholécalciférol
normocytaire normochrome en raison d’une insuffisance ou de 24,25(OH)2-cholécalciférol en fonction des besoins
de synthèse d’EPO. La capacité du rein à produire et à ponctuels de l’organisme.
sécréter l’EPO se dégrade au fur et à mesure que progresse À l’opposé, l’activité de la 1α-hydroxylase rénale est freinée
l’insuffisance rénale. Aujourd’hui l’anémie des patients uré- par l’hypercalcémie, l’hyperphosphatémie et le calcitriol
miques est corrigée par l’administration exogène d’EPO. lui-même, puisque l’enzyme est rétro-régulée par le produit
Le rein assure aussi la synthèse du calcitriol, qui est le dérivé de la réaction, et elle y est très sensible. L’activité de la
1α,25-dihydroxylé de la vitamine D. En effet dans les cellules 1α-hydroxylase est également freinée par les phosphato-
du tubule contourné proximal, le 25OH-cholécalciférol qui nines, en particulier le FGF-23, qui stimule la dégradation
est le métabolite mono-hydroxylé d’origine hépatique des du calcitriol.
calciférols, subit une 2e hydroxylation pour donner soit le De façon chronique, l’activité de la 1α-hydroxylase est
1,25(OH)2-cholécalciférol, soit le 24,25(OH)2-cholécalciférol, stimulée par l’IGF1 qui joue un rôle physiologique par-
en fonction des besoins de l’organisme. Les deux enzymes ticulièrement important pendant l’enfance et pendant la
sont localisées dans la membrane interne des mitochon- grossesse, donc pendant la croissance du squelette et la
dries des cellules du tubule contourné proximal. Elles font minéralisation des os.
toutes deux intervenir le cytochrome P 450 CYP27B1. Enfin l’activité de la 1α-hydroxylase est diminuée lors de
La 1α-hydroxylase n’existe que dans le rein, en dehors du la réduction néphronique et de ce fait, il existe toujours
placenta. En revanche, la 24-hydroxylase existe dans de une diminution des concentrations plasmatiques de cal-
nombreux tissus, l’intestin, l’os, la peau, les fibroblastes citriol circulant dans l’insuffisance rénale, ce qui concourt
et les lymphocytes. La production quotidienne de 1,25 est au développement de l’hyperparathyroïdie secondaire et
comprise entre 0,3 et 1 μg/jour, ce qui assure le renouvel- qui conduit aux lésions d’ostéodystrophie observées dans
lement du calcitriol environ 2 fois par jour. l’urémie [1-3].
La régulation de l’activité de la 1α-hydroxylase rénale per-
met de régler avec une grande précision les concentrations Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits
circulantes en calcitriol aussi bien à court terme qu’à long d’intérêts en relation avec cet article.
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