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REIN ET PATHOLOGIES

Physiologie du rein et bases physiopathologiques


des maladies rénales
Bernard Lacoura,*

RÉSUMÉ SUMMARY
C tt revue ffait
Cette it lle point
i t sur lla physiologie
h i l i rénale.
é l L Le premier
i chapitre
h it Normal physiology of the kidney and pathophy-
correspond à une brève description de l’anatomie du rein. Le deuxième siological mechanisms of renal diseases
chapitre est consacré à l’étude de la fonction de filtration glomérulaire, avec This review concerns the physiology of the kidney.
les processus qui conduisent à la formation de la pré-urine dans l’espace The first chapter depicts briefly the anatomy of the
de Bowman, la régulation physiologique du débit de filtration glomérulaire, kidney. The second chapter is focused on the glo-
les valeurs physiologiques du débit de filtration glomérulaire, l’évaluation merular filtration, with a presentation of the process
de la fonction de filtration glomérulaire et un aperçu des pathologies glo- governing the formation of the pre-urine in the Bow-
mérulaires avec ou sans insuffi f sance rénale. Le troisième chapitre porte man space, a study of the physiological regulation
sur l’étude des fonctions tubulaires de réabsorption et de sécrétion au of glomerular filtration rate (GFR), the normal values
niveau de chaque partie du néphron. Sont notamment développés les of GFR, the evaluation of this glomerular filtration
processus de réabsorption du glucose, des acides aminés, des protéines function and a rapid glimpse on glomerular patho-
de faible masse moléculaire et des principaux ions (bicarbonates, phos- logies. The third chapter is about the tubular func-
phates, Na+, Cl- et Ca2+) ainsi que les processus de sécrétion des ions tions of reabsorption and secretion at the level of
H+, de l’ammoniac et des médicaments dans le tubule proximal. Ensuite the different parts of the nephron. We develop the
les fonctions respectives des deux branches descendante et ascendante transport mechanisms of reabsorption of glucose,
de l’anse de Henlé sont abordées, puis celles du tubule distal, à travers amino-acids, proteins of low molecular weight and
le rôle des cellules principales, intercalaires A et B dans le maintien de main ions (bicarbonates, phosphates, Na+, Cl- and
l’homéostasie hydrominérale et acido-basique. L’étude des différentes Ca2+) as well as the process of secretion concerning
parties du néphron se termine par le canal collecteur de Bellini et l’étude H+ ions, ammoniac and drugs in proximal part of the
du rôle de l’hormone antidiurétique dans les capacités de concentration tubule. Then the respective functions of the two des-
de l’urine. Le dernier chapitre est consacré à l’étude des 3 fonctions cending and ascending limbs of Henlé are presented
endocrines du rein, avec la synthèse de l’érythropoïétine, de la rénine et before studying those of the distal tubule, through
du 1,25(OH)2-cholécalciférol. the role of principal cells, intercalated A and B cells in
the maintain of hydromineral and acid-base balance.
Filtration glomérulaire – fonctions tubulaires – réabsorption – The study of the different parts of the tubule ends
sécrétion – excrétion – débit de filtration glomérulaire – with the collecting duct and the role played by anti-
concentration des urines – fonctions endocrines rénales. diuretic hormone in the concentration of the urines.
The last chapter concerns the 3 endocrine functions
of kidney, with synthesis of renin, erythropoietin, and
1,25(OH)2-cholecalciferol.
1. Introduction
Glomerular filtration – tubular functions – reabsorption
Les reins normaux assurent trois groupes de fonctions : – secretion – excretion – glomerular filtration rate –
une fonction d’élimination des déchets et d’excrétion urine concentration – renal endocrine functions.
des produits de dégradation du métabolisme cellulaire et
des substances étrangères ; une fonction de maintien de
la composition du milieu intérieur, donc de maintien de
l’homéostasie de l’eau et des électrolytes ; une fonction
a Service de biochimie générale endocrine avec les synthèses de la rénine, de l’érythro-
Hôpital universitaire Necker – Enfants Malades poïétine et du calcitriol.
149, rue de Sèvres
75730 Paris cedex 15
et UMR 1154 – Université Paris Sud – Châtenay-Malabry 2. Rappel sommaire
de l’anatomie du rein
* Correspondance
bernard.lacour@nck.aphp.fr La coupe frontale d’un rein permet de distinguer, sous
une capsule fibreuse lisse, le parenchyme rénal, composé
article reçu le 30 octobre 2012, accepté le 2 janvier 2013. d’une partie corticale externe et d’une partie médullaire
© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. interne (figure 1).

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La partie médullaire est formée par les pyramides de Malpighi,
Figure 1 – Coupe d’un rein.
dont la base s’appuie sur le cortex et le sommet pénètre
dans la médullaire profonde. Le sommet des pyramides
forme les papilles rénales qui sont percées de 15 à 20 ori-
fices correspondant à l’ouverture des tubes collecteurs de
Bellini dans les calices sous-jacents.
La partie corticale s’étend de la capsule rénale aux bases
des pyramides et entre les pyramides où elle forme alors
les colonnes de Bertin. En périphérie, on trouve les corpus-
cules de Malpighi au niveau desquels prennent naissance
les tubes urinifères.
L’élaboration de l’urine résulte du travail effectué par les
néphrons ou unités fonctionnelles qui sont au nombre de
1 à 1,5 million dans chaque rein et ne sont pas strictement
identiques (hétérogénéité néphronique). Chacun de ces
néphrons est composé de 2 parties, le corpuscule de Mal-
pighi et le tubule urinaire, qui vont assurer les opérations
de filtration, de réabsorption et de sécrétion qui conduisent
à la formation de l’urine définitive [1-3].

Figure 2 – Coupe du corpuscule de Malpighi permettant de 3. La fonction


voir les structures internes qui sont décrites dans le texte. de filtration glomérulaire
La filtration du sang est effectuée dans chaque corpuscule
de Malpighi, sphère creuse constituée par une structure
épithéliale à double paroi, la capsule de Bowman, au
sein de laquelle se trouve le glomérule. Ce dernier est un
réseau de 4 à 6 capillaires issus de l’artériole afférente qui
sont enroulés autour d’une tige mésangiale, elle-même
formée de cellules mésangiales qui ont la propriété d’être
contractiles (figure 2).
L’urine primitive, formée par ultrafiltration du plasma conte-
nu dans les capillaires sanguins à travers la membrane
glomérulaire, est collectée dans l’espace de Bowman ou
espace urinaire située entre les 2 feuillets de la capsule
de Bowman. La membrane glomérulaire est constituée :
1) d’une couche simple de cellules endothéliales, présentant
de très nombreux pores ayant 50 à 100 nm de diamètre,
2) d’une membrane basale composée essentiellement de
collagène et de glycoprotéines, donc chargée négativement
et 3) d’une couche de cellules épithéliales ayant des pieds
ou podocytes, qui forment le feuillet viscéral de la capsule
de Bowman. Ces cellules émettent de nombreux prolonge-
Figure 3 – Détails de la barrière glomérulaire. ments cytoplasmiques, les pédicelles, qui s’appliquent sur
la membrane basale des anses capillaires. Les pédicelles
voisins sont reliés entre eux par une membrane très mince,
la membrane des fentes ou slit membrane qui permet de
parfaire la sélectivité de taille de la filtration glomérulaire.
En effet, l’ultrafiltrat formé à travers la membrane basale
passe entre les pieds, au niveau des fentes de filtration
qui constituent des pores d’un diamètre de 20 à 50 nm
(figure 3).
L’ultrafiltrat a une composition presque identique au
plasma sanguin, à l’exception des molécules de grande
taille et des cellules du sang. La pré-urine glomérulaire
est donc très pauvre en protéines (10 à 20 mg/l). Les
substances dissoutes non ionisées, comme l’urée et le
glucose, sont à une concentration identique dans l’ultra-
filtrat et le plasma, alors que les substances ionisées
(anions et cations) sont à des concentrations voisines dans

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l’ultrafiltrat et le plasma, car l’équilibre de Gibbs-Donnan Toute variation de l’une de ces pressions entraîne une
doit être respecté. Ainsi la concentration des ions Cl- est variation de PUF et donc du débit de filtration glomérulaire
un peu plus élevée et celle des cations un peu moins (DFG). Ainsi une augmentation de la pression hydrosta-
élevée dans le filtrat que dans le plasma. tique dans la capsule de Bowman à la suite d’un blocage
Le processus d’ultrafiltration dépend de la pression nette de l’écoulement de l’urine (cancer de la prostate, lithiase)
d’ultrafiltration (PUF) et de la structure de la membrane va diminuer le DFG. De même, une augmentation impor-
glomérulaire. tante des protéines plasmatiques (myélome) augmente la
r La PUF correspond à la résultante des différences des pression oncotique et diminue le DFG.
pressions hydrostatiques et oncotiques qui s’exercent sur r Le 2e facteur influençant l’ultrafiltration glomérulaire est
la membrane glomérulaire. le coefficient d’ultrafiltration (Kf) qui dépend de la surface
La pression hydrostatique exercée par le sang sur la paroi de filtration et donc de la taille du lit vasculaire qui peut
des capillaires est voisine de 45 mm Hg et reste quasi- varier sous l’action des cellules mésangiales susceptibles
constante tout au long des capillaires. La pression hydro- de se contracter, et de la perméabilité hydraulique de la
statique de l’urine contenue dans l’espace de Bowman est barrière glomérulaire. Cette dernière est liée à sa structure,
d’environ 10 mm Hg à l’état physiologique et varie très peu c’est-à-dire à la présence des pores et des glycoprotéines
en raison de l’écoulement libre de l’urine formée. Donc la chargées négativement, ce qui assure une sélectivité de
différence des pressions hydrostatiques est voisine de taille et de forme et une sélectivité de charge électrique. On
35 mm Hg. C’est cette force qui tend à faire passer l’eau peut dire que la barrière glomérulaire assure un véritable
et les substances dissoutes qu’elle contient, du plasma tamisage moléculaire et que la filtration est inversement
jusque dans l’espace de Bowman. proportionnelle au diamètre des molécules et d’un point
La pression oncotique, liée à la présence des protéines de vue plus pratique à la masse moléculaire. Ainsi la limite
dans un compartiment s’oppose au départ de l’eau et de la filtration glomérulaire chez l’homme correspond à
des solutés qu’elle contient de ce compartiment. La une masse moléculaire de 60 000 Da (grossièrement celle
pression oncotique urinaire dans la capsule de Bowman de l’albumine).
est négligeable, car la barrière glomérulaire est très peu La charge électrique joue également un rôle important,
perméable aux protéines. À l’entrée du capillaire dans le comme en atteste l’albumine qui franchit moins bien la
corpuscule de Malpighi, la pression oncotique plasma- barrière glomérulaire qu’un dextran neutre de même taille,
tique est voisine de 20 mm Hg car le plasma contient en raison de sa charge négative. La membrane glomérulaire
une forte concentration de protéines de 65 à 70 g/l. est en effet chargée négativement et forme une barrière
Elle augmente progressivement tout au long du capil- électrostatique, repoussant les molécules chargées néga-
laire car les protéines se concentrent dans le capillaire tivement et facilitant le passage des molécules chargées
au fur et à mesure que la filtration a lieu. Ainsi, à l’état positivement.
physiologique, la valeur de la différence des pressions Les valeurs physiologiques du DFG sont de 120 à 130 ml/min
oncotiques est égale à celle de la différence des pres- rapportés à 1,73 m2 de surface corporelle. Ce mode d’ex-
sions hydrostatiques environ aux 2/3 de la longueur pression permet d’utiliser les mêmes valeurs physiologiques
du capillaire. La filtration s’arrête alors et il existe une chez l’enfant, l’adulte, les personnes de petite taille ou au
réserve de filtration, qui sera utile dans certaines situa- contraire obèses. Le DFG représente la fraction du volume
tions pathologiques (figure 4). plasmatique qui est filtrée pendant le passage du sang
dans le glomérule, ce qui correspond approximativement
à 20 % du débit plasmatique rénal, le débit sanguin rénal
Figure 4 – Évolution de la filtration (représentée en étant de 1 200 ml/min.
bleuté par PUF = pression nette d’ultrafiltration) La régulation du débit de filtration glomérulaire repose en
tout au long du capillaire glomérulaire. grande partie sur la régulation de la pression hydrostatique
dans les capillaires glomérulaires. Elle est donc dépendante
de la résistance respective des artérioles afférentes (AA)
et efférentes (AE). En théorie, toute vasoconstriction de
l’AA entraîne une diminution de la pression hydrostatique
capillaire puisqu’elle est pré-glomérulaire et donc du DFG.
En revanche, une vasoconstriction de même importance
de l’AE augmente la pression hydrostatique capillaire
puisqu’elle est post-glomérulaire, ce qui augmente le DFG.
Ainsi une augmentation comparable des résistances des
artérioles afférente ou efférente a des conséquences oppo-
sées en termes de DFG et c’est le maintien de l’équilibre
entre les résistances AA et AE qui permet de maintenir
constant le DFG.
r La régulation des résistances afférentes est une régu-
Delta P correspond à la différence des pressions hydrostatiques
lation locale qui permet de répondre aux fluctuations
entre le capillaire et l’espace urinaire de Bowman et Delta Pi correspond physiologiques de la pression artérielle. Elle fait inter-
à la différence des pressions oncotiques entre le capillaire et l’espace venir des canaux calciques sensibles à l’étirement qui
urinaire de Bowman.
s’ouvrent lorsque les cellules musculaires lisses de la paroi

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de l’artériole sont étirées par une augmentation de la la libération de rénine par les cellules granulaires de l’AA
pression du sang. La vasoconstriction réflexe (1 min) qui dans l’appareil juxta-glomérulaire. La rénine est sécrétée,
s’ensuit, est proportionnelle à l’augmentation de la pres- soit en réponse à une diminution de la quantité de Na
sion artérielle et finalement le débit sanguin qui traverse délivrée à la macula densa (ce qui reflète le plus souvent
le capillaire et surtout la pression hydrostatique restent une diminution de la volémie et donc une diminution de la
constants et le DFG ne varie pas, comme s’il était indépen- pression artérielle), soit en réponse à une stimulation du
dant de l’augmentation de la pression artérielle. On pourrait système sympathique (par exemple à la suite d’une chute
s’attendre à avoir un effet opposé, lorsque la pression du brutale de la pression artérielle). En effet, la noradrénaline
sang diminue. Il n’en est rien, car l’AA est normalement libérée se fixe sur les récepteurs β1 adrénergiques et stimule
légèrement relaxée et la vasodilatation résultant d’une la sécrétion de rénine qui va amplifier la vasoconstriction
baisse de PA n’est pas effective dans ces conditions. En propre exercée par la noradrénaline sur les récepteurs α
conséquence, dès que la pression artérielle diminue en de l’AA. La rénine est une enzyme protéolytique qui agit
dessous de 80 mm Hg, le DFG diminue, limitant la perte sur l’angiotensinogène d’origine hépatique pour former
de liquide dans l’urine, ce qui aide à conserver le volume un décapeptide inactif l’angiotensine I, qui est ensuite
plasmatique. En conclusion, on peut dire que le DFG est transformée en angiotensine II par l’enzyme de conver-
maintenu constant pour des pressions artérielles comprises sion. L’effet de l’angiotensine II s’exerce principalement
entre 80 et 180 mm Hg (figure 5). sur l’AE, donc en post-glomérulaire, ce qui se traduit par
r La régulation des résistances efférentes fait surtout une augmentation du DFG (figure 6).
intervenir l’angiotensine II, qui est produite à la suite de À l’opposé, les prostaglandines, surtout PgI2 et PgE2, et les
kinines, en particulier la bradykinine, sont vasodilatatrices
et augmentent le débit sanguin rénal. Leur rôle serait de
Figure 5 – Zone d’autorégulation limiter l’effet de l’angiotensine II.
du débit de filtration glomérulaire par autorégulation En conclusion, il est fondamental que le DFG soit maintenu
des résistances afférentes glomérulaires. constant. Lors des fluctuations de la pression artérielle au
D cours du nycthémère, à volémie constante, l’adaptation
instantanée de la résistance de l’AA permet de maintenir
constant le DFG. Lorsqu’il y a diminution de la volémie,
la stimulation du système nerveux sympathique et la pro-
duction d’angiotensine II entraînent une vasoconstriction
prédominante de l’AE qui maintient le DFG. L’effet vaso-
constricteur du système sympathique et de l’angiotensine
II est limité par la stimulation de la production de prosta-
glandines vasodilatatrices. Ainsi, l’effet observé ne peut
aller au-delà de la normalisation du DFG.
En pratique clinique, il est souvent nécessaire d’évaluer la
fonction de filtration glomérulaire. On a alors classiquement
recours à la mesure de la clairance d’une substance qui
est librement filtrée et n’est ni métabolisée, ni réabsorbée
et ni secrétée dans les tubules. Cette mesure de clairance
nécessite de recueillir des urines pendant un temps précis et
d’effectuer un prélèvement de sang pendant cette période
Figure 6 – Schéma de production de l’angiotensine II de recueil des urines. Elle suppose que la concentration
en réponse à la libération de rénine dans le cadre plasmatique de la substance reste constante pendant la
de la régulation des résistances efférentes glomérulaires. période de recueil des urines. La mesure fiable du DFG
nécessite d’utiliser une substance exogène, qui doit être
perfusée à débit constant, après saturation préalable des
volumes de distribution de la substance par une dose de
charge. La substance idéale est l’inuline, un polymère du
fructose d’une masse moléculaire voisine de 5 000 Da dont
la clairance normale est de 120 à 130 ml/min/1,73 m2.
D’autres substances peuvent être utilisées comme cer-
tains produits de contraste tel l’iohexol (615 Da) ou
l’iothalamate (821 Da) ou des produits radioactifs comme le
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Cr-EDTA ou le 99mTc-DTPA, mais toutes sont d’utilisation
contraignante pour le patient. Actuellement, l’iohexol est
le marqueur le plus utilisé en Europe. La clairance de la
créatinine ne permet pas de mesurer sensu stricto le DFG,
car la créatinine est sécrétée dans le tubule proximal. On
s’en contente pour avoir une estimation du DFG et suivre
les malades compte tenu de la facilité de réalisation d’une
telle clairance, puisqu’aucune perfusion n’est nécessaire.

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Lorsqu’on détermine la clairance de l’inuline, il peut être


Figure 7 – Schéma d’un néphron
intéressant de la coupler avec la détermination de la clai-
avec le corpuscule de Malpighi
rance de l’acide para-aminohippurique ou PAH. En effet,
et les différentes parties du tubule.
dans certaines conditions précises, la totalité du PAH
présent dans le sang entrant dans le rein est éliminée en
un passage, de telle sorte que la clairance du PAH permet
d’obtenir une mesure du volume réel de plasma qui a été
totalement épuré par min, donc du flux plasmatique rénal,
qui est d’environ 600 ml/min chez un sujet normal. On peut
ainsi calculer la fraction filtrée qui correspond au rapport
des 2 clairances (120/600 = 0,20) et avoir une idée assez
précise des résistances vasculaires rénales.
Les pathologies des glomérules ou glomérulopathies se
caractérisent par la présence d’une protéinurie dite glo-
mérulaire, le filtre glomérulaire étant trop poreux. Cette
protéinurie est majoritairement constituée d’albumine
(protéinurie sélective), mais elle peut parfois contenir des
protéines de masse moléculaire plus élevée, lorsque les
atteintes glomérulaires sont plus sévères (protéinurie non
sélective). La protéinurie est d’autant plus importante que
les lésions de la barrière glomérulaire sont importantes,
et lorsqu’elle est supérieure à 3 g/24 h, elle définit le syn- (la fraction liée aux protéines, voisine de 1 mmol/l, n’étant
drome néphrotique qui se caractérise au plan clinique par pas ultrafiltrable). Dans le cas du sodium, la charge filtrée
des œdèmes liés à l’hypo-albuminémie (avec hypoprotéi- est de 25 200 mmoles en 24 h (140 mmol/l x 125 ml/min
némie). Lorsque les lésions sont encore plus sévères, on x 60 min x 24 h). Or la quantité de Na excrétée dans les
peut observer une hématurie microscopique ou même urines est voisine de 200 mmoles par 24 h. La différence
macroscopique, le syndrome néphrotique étant alors impur. correspond à une réabsorption importante de Na dans
le tubule. Cette réabsorption peut même être totale pour
La diminution de la fonction de filtration glomérulaire cor-
certaines substances comme le glucose. Pour d’autres
respond par définition à l’insuffisance rénale, objectivée
substances, l’excrétion quantitative est très supérieure à la
par une diminution du DFG, qui traduit la perte de fonc-
quantité filtrée, indiquant qu’elles ont été sécrétées de façon
tionnalité d’un certain nombre de glomérules. Mais, toutes
très importante dans le tubule (par exemple les ions H+).
les glomérulopathies ne s’accompagnent pas d’une insuf-
Ainsi, l’urine définitive est formée très progressivement en
fisance rénale. La protéinurie est donc toujours un signe
cheminant dans le tubule après réabsorption et sécrétion
d’appel pour évaluer la fonction rénale, mais sa présence
de différentes substances dans les différentes parties du
ne correspond pas toujours à une altération du débit de
tubule. La réabsorption tubulaire correspond au passage
filtration glomérulaire [1-3].
d’un soluté de l’urine dans le sang, la sécrétion corres-
pondant au passage inverse d’un soluté du sang dans
4. Les fonctions tubulaires l’urine. L’excrétion correspond à l’élimination d’un soluté
dans les urines, c’est donc la résultante de la filtration,
de réabsorption et sécrétion moins la réabsorption et plus la sécrétion [1-3] (figure 8).
Le tubule fait suite au corpuscule de Malpighi et comporte
différentes parties qui ne jouent pas le même rôle dans la Figure 8 – Notions de filtration, sécrétion,
transformation de la pré-urine glomérulaire en urine défi- réabsorption et excrétion.
nitive. On distingue la partie contournée proximale, l’anse
de Henlé, la partie contournée distale et le canal collecteur
de Bellini qui aboutit à la papille rénale (figure 7).
Quand on compare la composition de l’ultrafiltrat glomé-
rulaire et celle de l’urine définitive, on constate qu’il existe
des différences importantes, variables d’une substance à
l’autre. On peut facilement calculer la charge filtrée par le
glomérule pour chaque substance présente dans l’ultra-
filtrat. C’est la quantité de substance filtrée par unité de
temps (ou débit massique), qui est égale à la concentration
plasmatique de la substance multipliée par le DFG. Il faut
évidemment, le cas échéant, tenir compte de la liaison
de certaines substances aux protéines, en particulier à
l’albumine. Dans ce cas, seule la fraction libre (non liée)
de la substance filtre librement au niveau du glomérule.
Ainsi pour le calcium, la partie ultrafiltrable ne corres-
pond qu’à 60 % du calcium total, c’est-à-dire 1,4 mmol/l

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4.1. Les fonctions du tubule un certain nombre de protéines qui assurent des fonctions
contourné proximal de protéines motrices ou de transduction du signal. Son
Les cellules épithéliales du tubule contourné proximal expression est diminuée par le TGFβ et l’angiotensine II et
sont cubiques et hautes et contiennent de nombreuses stimulée par de fortes concentrations en glucose et par les
mitochondries. Leur membrane apicale est très riche en traitements avec l’insuline. Enfin une surcharge du travail
microvillosités qui forment une bordure en brosse, ce qui d’endocytose à la suite d’une augmentation de la quan-
assure une très grande surface de contact avec le fluide tité de protéines filtrées entraîne des lésions des cellules
tubulaire, favorisant les échanges qui sont intenses dans tubulaires proximales et des lésions tubulo-interstitielles.
cette partie du tubule. D’autre part, à leur pôle apical, Ces perturbations sont observées dès les premiers stades
les cellules sont liées entre elles par des jonctions assez de la néphropathie diabétique, soulignant l’importance
lâches, ce qui confère une grande conductivité paracellu- de la détermination de la protéinurie dans la surveillance
laire, favorisant là encore les échanges. Au plan quantitatif, rénale chez le diabétique.
c’est le site majeur de réabsorption des solutés et de l’eau Une protéinurie dite tubulaire peut facilement être mise
et c’est un site très important de sécrétion. en évidence au laboratoire à travers le dosage urinaire de
r La réabsorption est totale pour le glucose, les acides certaines protéines de faible masse moléculaire comme
aminés et les protéines de faible masse moléculaire. la β2 microglobuline [5, 6].
Pour le glucose, la réabsorption fait intervenir les cotrans- r La réabsorption est presque totale pour les bicarbo-
porteurs SGLT1 qui permettent au glucose de franchir la nates et les phosphates. Celle des bicarbonates est de
membrane apicale et d’être transporté dans le cytoplasme 85 %. Elle est indirecte puisqu’il n’y a pas de transporteur
en utilisant l’énergie du Na+ qui se déplace le long de son de bicarbonates dans la membrane apicale pour permettre
gradient électrochimique. Ainsi la concentration de glu- un passage direct des bicarbonates de la lumière tubulaire
cose dans le cytosol peut atteindre une valeur suffisam- jusque dans la cellule. Ce passage repose sur la sécrétion
ment élevée pour activer le système GLUT 2 qui assure des ions H+ par des antiports Na+-H+ qui assurent un trans-
une diffusion facilitée du glucose le long de son gradient port secondairement actif, le moteur du mouvement étant
à travers la membrane basolatérale, tandis que le Na+ est la Na+-K+ ATPase de la membrane basolatérale. Le système
expulsé sous l’action de la Na+-K+ ATPase. de contre-transport Na+-H+ assure la sécrétion d’ions H+
Pour les acides aminés (AA), la réabsorption dans le dans la lumière du tubule en échange de la réabsorption
tubule contourné proximal est comprise entre 95 et 99 %. d’ions Na+. Les ions H+ sécrétés se combinent avec les
La clairance de tous les AA, à l’exception de la glycine, ions bicarbonates filtrés pour former de l’acide carbonique
l’histidine et la taurine, est inférieure à 1 ml/min/1,73 m2. La H2CO3 qui est très instable et se décompose immédiatement
réabsorption fait intervenir de nombreux transporteurs qui en CO2 et H2O. Le CO2 diffuse librement, en fonction du
utilisent soit le mouvement du Na+, soit la force générée par gradient de concentration, à travers la membrane apicale
les ions H+, soit encore le gradient d’autres AA. Sur la base (via des canaux de la famille des aquaporines) et gagne
des études fonctionnelles et les profils des amino-acidu- le cytoplasme de la cellule, où il se combine à H2O sous
ries observées, on peut distinguer 5 systèmes différents : l’action d’une anhydrase carbonique pour former H2CO3
un système neutre ou système préférant la méthionine, qui se dissocie ensuite en H+ et HCO3-. Les ions H+ sont
qui transporte tous les AA neutres en utilisant plus d’une pris en charge par les antiports Na+-H+ déjà décrits alors
dizaine de transporteurs différents ; un système basique que les ions HCO3- sont pris en charge par un système
qui transporte les AA cationiques et la cystine ; un système de cotransport situé dans la membrane basolatérale, qui
acide qui transporte le glutamate et l’aspartate ; un système assure le transport de 3 ions HCO3- pour 1 ion Na+. Ce
iminoglycine qui transporte la proline, l’hydroxyproline et transporteur basolatéral est saturé pour des concentra-
la glycine ; enfin un système des β-amino-acides et de la tions plasmatiques en bicarbonates voisines de 27 mM,
taurine. Il existe de nombreux désordres qui affectent le donc très proches des concentrations physiologiques des
transport des AA, parmi lesquels la maladie d’Hartnup, bicarbonates plasmatiques (figure 9).
la cystinurie, la lysinurie, l’amino-acidurie dicarboxylique, La réabsorption des phosphates est comprise entre
la glycinurie, l’iminoglycinurie ou la β-amino-acidurie [4]. 80 et 95 %. Elle fait intervenir des transporteurs couplés
Les protéines filtrées, qui sont de petite taille, sont réab- au Na+ de différents types, en particulier NPT2a et NPT2c.
sorbées par les cellules proximales par un système d’endo- Le cotransporteur NPT2a est électrogénique, permettant
cytose médiée par des récepteurs, dans lequel la mégaline la réabsorption de 3 ions Na+ pour 1 ion HPO42-. Il joue un
joue un rôle central. La mégaline est un récepteur membra- rôle majeur dans le maintien de la phosphatémie, comme
naire qui est surtout exprimé dans les puits de clathrine. le démontre l’hypophosphatémie observée dans les ano-
Elle coopère avec plusieurs molécules intracellulaires pour malies génétiques de ce transporteur. Le cotransporteur
diriger les molécules réabsorbées dans les lysosomes où NPT2c est électroneutre, transportant 2 ions Na+ pour
elles sont dégradées en AA qui passent ensuite dans la 1 ion HPO42-. Son niveau d’expression est plus élevé pen-
circulation. Les principales molécules prises en charge par dant la croissance qu’à l’âge adulte, expliquant l’hyperphos-
ce système sont l’albumine, les protéines de faible masse phatémie de l’enfant. La régulation de la réabsorption des
moléculaire ainsi que les vitamines et les éléments traces, phosphates fait intervenir 2 hormones phosphaturiantes,
qui sont associés à des protéines de transport (vitamine D, l’hormone parathyroïdienne ou PTH et la phosphatonine ou
vitamine A, vitamine B12, fer pour ne citer que les princi- FGF23. La PTH agit en se fixant sur son récepteur PTHR1,
paux). La mégaline fonctionne en étant associée avec la ce qui stimule la synthèse d’AMP cyclique et la voie de la
cubiline, l’échangeur Na+/H+ (NHE3), un canal Cl- (ClC-5) et phospholipase C. L’augmentation de l’AMPc intracellulaire

30 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451


REIN ET PATHOLOGIES

provoque l’internalisation du NPT2a Figure 9 – Les principaux processus de réabsorption et sécrétion dans
par un mécanisme qui n’est pas le tubule contourné proximal.
encore totalement élucidé, mais qui
ne requiert pas de phosphorylation
du transporteur. La conséquence
est une augmentation de l’excré-
tion fractionnelle des phosphates.
Le FGF 23 agit en se fixant sur le
récepteur FGF R1C qui est associé
à Klotho (ce dernier fonctionnant
comme un corécepteur), ce qui
augmente l’excrétion urinaire des
phosphates en inhibant l’expres-
sion des 2 transporteurs rénaux
NPT2a et NPT2c. Sa concentration
plasmatique est augmentée par les
apports digestifs en phosphate, par
l’élévation de la phosphatémie ou
celle du calcitriol et est diminuée
au cours d’un régime pauvre en
phosphates.
r La réabsorption des autres ions
Na+, K+, Cl-, Ca2+ et de l’eau est
importante puisqu’elle correspond
à 75 % des quantités filtrées. La
seule exception concerne le Mg2+
qui n’est réabsorbé qu’à 20 % dans
le tubule proximal.
Pour le sodium, la réabsorption
se fait en majorité par voie trans-
cellulaire (60 %). Elle fait intervenir
la pompe à Na+ ou Na+-K+ ATPase
située dans la membrane basola-
térale, qui fait sortir de la cellule
3 ions Na+ et y fait entrer 2 ions K+,
en consommant de l’énergie fournie par l’ATP. L’activité étant principalement liée à la réabsorption de l’eau et du
de cette pompe permet de maintenir une concentration Na+ par la voie paracellulaire.
+
très faible en Na dans le cytosol (environ 20 mmol/l) et r Les processus de sécrétion sont très importants dans
+
une concentration très forte en K (environ 120 mmol/l) le tubule contourné proximal. Ils concernent les ions H+
et un potentiel intracellulaire négatif de –70 mV. C’est le comme nous venons de le voir, mais aussi l’ammoniac. En
moteur du mouvement de réabsorption du Na+ à travers effet les cellules du tubule proximal ont une glutaminase
l’épithélium qui permet aux ions Na+ de franchir la mem- mitochondriale très active, qui transforme la glutamine en
brane basolatérale contre le gradient électrochimique. Le glutamate avec génération de NH3. La plus grande partie
passage du Na+ à travers la membrane apicale s’effectue du NH3 diffuse librement à travers la membrane apicale
le long de son gradient électrochimique en utilisant des le long de son gradient de concentration à travers des
canaux de fuite ouverts ou en bénéficiant de transpor- canaux de la famille des aquaporines et arrive dans la
teurs qui facilitent l’entrée du Na+ couplée à l’entrée de lumière tubulaire où il se combine avec H+ pour donner
différentes substances (systèmes de cotransport décrits un ion NH4+. Une petite quantité de NH3 se combine dans
pour le glucose, les acides aminés, les phosphates…), soit la cellule avec H+ pour donner un ion NH4+ qui est pris en
+
l’entrée du Na couplée à la sortie de différentes substances charge par le système de contre-transport Na+-H+ pour
+
(systèmes de contre-transport décrits pour H par exemple). passer dans la lumière tubulaire.
La réabsorption transcellulaire du Na+ est complétée par La sécrétion concerne aussi de nombreuses substances
+
une importante réabsorption de Na par la voie paracellu- organiques (sels biliaires, acide oxalique, créatinine…) et
laire (40 %) car l’épithélium est lâche (figure 9). de nombreux médicaments (antibiotiques, diurétiques…)
L’eau suit la réabsorption proximale du Na+, quelle que soit à travers un nombre très important de transporteurs. Cette
la voie de passage. La caractéristique fondamentale de la notion est très importante et explique que dans l’insuffi-
réabsorption proximale est d’être iso-osmotique et donc sance rénale, la perte progressive de fonctionnalité des
l’urine qui arrive à la fin du tubule proximal est isotonique néphrons va diminuer cette capacité d’élimination des
au plasma (300 mOsm/l). médicaments à élimination rénale, ce qui va nécessiter
Pour le calcium, 65 % du calcium filtré est réabsorbé d’adapter les posologies en fonction du degré d’insuffi-
dans le tubule contourné proximal, cette réabsorption sance rénale [1-3].

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 31


4.2. Les fonctions de l’anse de Henlé sont réabsorbés activement lorsque l’urine chemine dans
L’anse de Henlé est une véritable épingle à cheveux cette branche pour gagner le cortex. Cette réabsorption
située dans les pyramides de Malpighi. Elle conduit l’urine de solutés concerne d’abord le NaCl grâce au système
iso-osmotique au plasma qui sort du tubule proximal, de cotransport électroneutre Na-K-2Cl qui est situé dans
depuis le cortex jusque dans la médullaire par sa branche la membrane apicale des cellules. Il s’agit d’un transport
descendante fine et la fait revenir dans le cortex par sa secondairement actif puisque le moteur des mouvements
branche ascendante d’abord grêle, puis large. L’urine est la pompe à Na+ située dans la membrane basolaté-
traverse donc la partie médullaire dont l’osmolarité va rale. Ce système de transport fait pénétrer dans la cel-
en augmentant au fur et à mesure que l’on se dirige vers lule à partir de la lumière du tubule 1 ion Na+, 1 ion K+ et
la papille, puisqu’il existe un gradient osmolaire cortico- 2 ions Cl-. Le K+ est recyclé dans la lumière tubulaire grâce
papillaire, qui chez l’Homme, va de 300 à 1 200 mOsm/l. à des canaux K+, ce qui permet de rendre la lumière élec-
L’anse de Henlé d’un néphron pénètre plus ou moins tropositive et évite tout désamorçage du transporteur. On
profondément dans la médullaire selon que le corpuscule a donc une « réabsorption de NaCl sans eau » qui est à
de Malpighi est plus ou moins enfoncé dans le cortex, la base de la constitution du gradient osmolaire cortico-
donc que c’est un néphron cortical (environ 80 % des papillaire. En effet, l’intensité du transport de NaCl dépend
néphrons) ou juxta-médullaire profond. uniquement de la concentration de NaCl dans la lumière
La branche descendante de l’anse de Henlé est naturel- tubulaire. Il est donc plus intense en bas de la branche
lement perméable à l’eau. Donc plus elle s’enfonce pro- ascendante de l’anse lorsque la concentration de NaCl
fondément dans la médullaire rénale et plus l’urine qu’elle dans l’urine tubulaire est très élevée et il diminue au fur et
contient va se trouver face à un interstitium hypertonique, à mesure que l’on remonte vers le cortex puisqu’il y a de
donc plus la quantité d’eau réabsorbée par osmose sera moins en moins de NaCl dans la lumière tubulaire. Dans la
importante. Ainsi, l’urine est très hypertonique par rap- mesure où ce processus de réabsorption de NaCl dans la
port au plasma en bas de l’anse, puisque les solutés ne branche ascendante amplifie le processus de réabsorption
sont pas réabsorbés en parallèle avec l’eau dans cette d’eau dans la branche descendante, on parle de système
branche. L’osmolarité de l’urine contenue dans cette de multiplication à contre-courant. L’inhibition de l’activité
partie peut atteindre 1 200 mOsm/l et la concentration du cotransporteur par des médicaments comme le furosé-
de NaCl être voisine de 400 mmol/l pour les néphrons mide entraîne la diminution du gradient osmotique et a un
juxta-médullaires les plus profonds. effet diurétique puisque l’eau est alors moins réabsorbée
En revanche, la branche ascendante de l’anse de Henlé (diurétiques de l’anse) (figure 10).
est imperméable à l’eau, mais perméable aux solutés qui La branche ascendante assure aussi la réabsorption
des autres cations, en particulier du Ca 2+ et surtout
Figure 10 – Représentation schématique du Mg 2+. La réabsorption du Ca 2+ porte sur 20 % de
des réabsorptions d’eau et de solutés dans les 2 branches la quantité filtrée et celle du Mg 2+ sur 55 %. La réab-
de l’anse de Henlé et dans le canal collecteur de Bellini. sorption des cations divalents se fait essentiellement
par la voie paracellulaire, grâce à l’électropositivité de
la lumière du tubule, générée par le cotransport Na-K-
2Cl et grâce à la présence dans les membranes des
jonctions serrées d’un certain nombre de protéines
spécifiques comme la paracelline-1 qui assurent une
perméabilité suffisante de la voie paracellulaire. À ce
niveau du tubule, la réabsorption du Ca2+ et du magné-
sium est contrôlée par l’activité des récepteurs au cal-
cium exprimés dans la membrane basale des cellules.
Ces récepteurs sont sensibles aux moindres variations
de la concentration du Ca 2+ extracellulaire, toute aug-
mentation locale du Ca 2+ extracellulaire diminuant la
réabsorption paracellulaire du Ca2+ et du Mg2+. En effet,
l’activation du récepteur au Ca2+ inhibe le canal K+ et
l’activité du co-transporteur Na-K-2Cl. Il s’ensuit une
diminution du potentiel transépithélial et donc du flux
paracellulaire de Ca2+ et de Mg2+.
La branche ascendante de l’anse de Henlé permet aussi
de réabsorber les 15 % de bicarbonates qui restaient à
la fin du tubule proximal.
Finalement, à la fin de l’anse de Henlé, les processus
de réabsorption des solutés ont été tels que l’urine est
devenue hypotonique par rapport au plasma puisqu’elle
a une osmolarité de 100 mOsm/l lorsqu’elle entre dans le
tubule distal. Le passage dans l’anse de Henlé a permis
de réabsorber environ 20 % de la quantité de l’eau et
des ions initialement filtrés (à l’exception du Mg2+) [1-3].

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REIN ET PATHOLOGIES

4.3. Les fonctions du tubule distal Figure 11 – Représentation schématique d’une cellule
Le tubule distal comporte une première partie qui chemine principale du tubule distal.
entre les artérioles afférente et efférente du glomérule
et constitue l’appareil juxta-glomérulaire. Les cellules
du tubule distal qui sont au contact de l’artériole affé-
rente sont grandes et serrées les unes contre les autres,
constituant la macula densa. Elles ont pour rôle majeur de
contrôler le débit de NaCl du liquide tubulaire. Les cellules
musculaires lisses de la paroi de l’artériole afférente sont
modifiées à cet endroit et contiennent de très nombreux
granules de rénine dans leur cytoplasme. Comme nous
l’avons vu précédemment, l’appareil juxta-glomérulaire
joue un rôle très important dans la régulation du débit
de filtration glomérulaire.
Le reste du tubule distal qui est contourné est situé dans
le cortex rénal. L’épithélium a un aspect serré et la voie
paracellulaire a donc une faible perméabilité. Les cel-
lules sont cubiques, dépourvues de bordure en brosse,
et comprennent des cellules principales et des cellules
intercalaires de 2 types A et B.
Les cellules principales (P) sont équipées de pompes
à Na+ dans la membrane basolatérale et de canaux de Figure 12 – Effets de l’aldostérone dans les cellules
passage spécifiques pour le Na+ ou pour le K+ dans la principales du tubule distal et du canal collecteur.
membrane apicale. La principale voie de réabsorption
du NaCl implique la pompe à Na+ qui entraîne le mou-
vement du Na+ à travers les canaux Na+. Ce transport
est électrogénique et rend la lumière du tubule électro-
négative, ce qui entraîne en conséquence une sécrétion
passive de K+ à travers les canaux K+ le long du gradient
électrochimique, sécrétion de K+ qui est donc secon-
daire à la réabsorption de Na+. En outre, dans la partie
initiale du tubule distal, les cellules principales ont des
transporteurs électroneutres de NaCl qui sont inhibables
par les thiazidiques, d’où l’effet diurétique de ces médi-
caments. Les cellules P ont également des pompes à
Ca 2+ ou Ca 2+-ATPases (PMCA-1b) et des échangeurs
Na/Ca (NCX1) situés dans la membrane basolatérale et
des canaux spécifiques TRPV5 (canaux activés par une
dépolarisation transitoire) pour le Ca2+ localisés dans la
membrane apicale. Le Ca2+ pénètre dans la cellule selon
son gradient de concentration grâce aux canaux TRPV5
de la membrane apicale, puis il se lie à une protéine de
transport cytosolique, la calbindine vitamine D-dépen- elle agit en augmentant la synthèse et l’insertion dans
dante de 28 kDa, et il ressort au pôle basolatéral contre la membrane des canaux de passage pour le Na+ et de
un gradient électrochimique grâce aux Ca-ATPase et/ou Na+-K+ ATPases. L’aldostérone stimule indirectement et
aux échangeurs Na/Ca NCX-1. La réabsorption du Ca2+ secondairement à son action sur le Na, la sécrétion de
dans cette partie du tubule porte sur 10 à 15 % de la K+. On comprend bien que les anti-aldostérones sont diu-
quantité filtrée. Elle est régulée en fonction des besoins rétiques puisqu’ils agissent en bloquant la réabsorption
de l’organisme par la PTH et le calcitriol (figure 11). du Na+ et de l’eau à ce niveau du tubule distal et qu’ils
Dans le dernier tiers du tubule distal et la portion corti- peuvent engendrer des hyperkaliémies parfois dange-
cale du canal collecteur, les cellules P expriment dans reuses (figure 12).
leur cytoplasme des récepteurs pour l’aldostérone. Cette Les cellules intercalaires A et B sont des cellules caractérisées
hormone élaborée par les glandes surrénales, entre dans par une teneur cytoplasmique très élevée en anhydrase car-
les cellules par simple diffusion et se combine avec son bonique, ce qui leur permet de convertir de grandes quantités
récepteur cytoplasmique. Son 1er effet est d’augmenter de CO2 en H+ et HCO3-. Les ions H+ générés sont transportés
le temps d’ouverture des canaux Na+, ce qui augmente hors des cellules par des H+-ATPases ou par des ATPases qui
le taux intracellulaire de Na+ et stimule la Na+-K+ ATPase, échangent un ion H+ contre un ion K+. Les ions HCO3- quittent
permettant d’augmenter la réabsorption du Na + dans la cellule grâce aux échangeurs HCO3-/Cl-. Les 2 types de cel-
le liquide extracellulaire. Cet effet est très rapide et ne lules intercalaires diffèrent par la disposition des transporteurs
requiert pas de synthèse de nouvelles protéines canaux dans les membranes de la cellule. Les cellules intercalaires A
ou de nouvelles unités d’ATPases. Dans un 2e temps, possèdent une H+-ATPase et une H+-K+ ATPase localisées dans

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Figure 13a – Représentation schématique d’une cellule Figure 13b – Représentation schématique d’une cellule
intercalaire A du canal collecteur de Bellini. intercalaire B du canal collecteur de Bellini.

la membrane apicale et l’échangeur HCO3-/Cl- localisé dans Au plan quantitatif, la réabsorption des ions est faible dans
la membrane basolatérale. Elles fonctionnent surtout dans les cette partie du tubule, puisqu’elle ne porte que sur 5 %
situations d’acidose au cours desquelles elles secrètent des environ des quantités filtrées, mais elle est extrêmement
ions H+ pour éliminer l’excès de protons du sang et génèrent importante car elle permet d’ajuster les quantités réabsor-
des ions HCO3- qui passent dans le sang et aident à ramener bées et ainsi d’assurer le contrôle des équilibres hydro-
le pH à la normale (figure 13a). Les cellules intercalaires B minéraux et acido-basiques de l’organisme. Les cellules
fonctionnent en miroir. Elles assurent donc la sécrétion des principales P permettent les ajustements de l’élimination
bicarbonates dans l’urine via un échangeur Cl-/HCO3- situé du Na+, du K+ et du Ca2+ afin de maintenir constantes la
dans la membrane apicale, alors que les pompes à protons natrémie, la kaliémie et la calcémie, alors que les cellules
sont situées dans la membrane basolatérale de ces cellules. intercalaires A et B permettent d’éliminer respectivement
Elles fonctionnent donc surtout dans les situations d’alcalose les ions H+ ou les HCO3- afin de maintenir constant le
métabolique pour éliminer les bicarbonates en excès dans pH sanguin, c’est-à-dire l’équilibre acide-base de l’orga-
les urines (figure 13b). nisme [1-3].

Figure 14 – Mécanisme d’action de la vasopressine ou ADH (hormone antidiurétique)


dans les cellules du canal collecteur.

34 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451


REIN ET PATHOLOGIES

4.4. Les fonctions du canal collecteur Le second stimulus, beaucoup moins puissant, correspond
Chaque canal collecteur ou tube de Bellini reçoit plusieurs à la diminution de la pression artérielle et du volume sanguin.
tubules distaux. C’est le site d’acidification et de concen- Les récepteurs sensibles au volume sanguin sont situés
tration de l’urine. La première partie du canal collecteur est dans l’oreillette et ceux qui sont sensibles à la pression
identique au tubule distal, puis les cellules P disparaissent artérielle sont les barorécepteurs situés dans la carotide et
progressivement et seules restent les cellules intercalaires, la crosse de l’aorte. Lorsque la pression artérielle diminue
en particulier les cellules intercalaires A qui sont respon- ou lorsque le volume plasmatique diminue, ces récepteurs
sables de l’acidification de l’urine. sont stimulés et renseignent l’hypothalamus qui augmente
Le canal collecteur traverse toute la zone médullaire et la sécrétion d’ADH afin de conserver les liquides et res-
conduit l’urine jusqu’à la papille au sommet de la pyramide taurer la volémie.
de Malpighi. Comme dans la branche descendante de l’anse La régulation fine de la balance acide-base de l’organisme
de Henlé, l’urine rencontre un interstitium dont l’osmolarité est assurée en fonction des besoins par les mouvements
va croissant de 300 mOsm/l dans la médullaire externe des ions H+ ou HCO3- dans les 2 types de cellules inter-
pour atteindre 1 200 mOsm/l dans la médullaire interne. calaires A et B en début de canal collecteur. Les cellules
Les mouvements de réabsorption d’eau par osmose ne intercalaires A sont capables de sécréter une grande quan-
peuvent avoir lieu que si la paroi du canal collecteur est tité d’ions H+ grâce aux pompes à protons (H+-ATPase et
rendue perméable à l’eau par la présence de l’hormone anti- H+-K+-ATPase) exprimées dans leur membrane apicale, tout
diurétique ou ADH encore appelée vasopressine en raison en générant la même quantité d’ions HCO3- qui passent
de son action vasoconstrictrice importante. En l’absence dans le plasma grâce aux échangeurs HCO3-/Cl- exprimés
d’ADH, la paroi du canal collecteur n’est pas perméable dans leur membrane basolatérale. À ce niveau du tubule,
à l’eau, toute l’eau reste dans le tubule, la diurèse est très les ions H+ sont pris en charge dans l’urine par les ions
importante et l’urine excrétée est très diluée, très hypoto- phosphates mono-acides HPO42- qui se transforment en
nique (50 à 100 mOsm). À l’inverse, en présence d’ADH, ions phosphates di-acides H2PO4- et concourent à former
la paroi est très perméable à l’eau, la diurèse est faible et l’acidité titrable de l’urine, sans que le pH urinaire ne varie.
l’urine éliminée peut alors être très concentrée, avec une Ces cellules sont surtout actives en cas d’acidose. Elles
osmolarité maximum de 1 200 mOsm/l (figure 10). permettent alors d’éliminer dans les urines les ions H+ en
L’ADH ou vasopressine est sécrétée par les cellules de excès dans le sang et de reconstituer le pool de tampons
l’hypothalamus au niveau de la post-hypophyse. Elle agit bicarbonates plasmatiques.
en se liant à son récepteur à 7 domaines transmembra- Les cellules intercalaires B au contraire sont capables de
naires, situé dans la membrane basolatérale de la cellule sécréter une grande quantité d’ions HCO3- dans les urines,
épithéliale des canaux collecteurs. Ce récepteur couplé tout en générant une quantité équivalente d’ions H+ qui
à une protéine G active l’adénylcyclase ce qui augmente passent dans le plasma afin de faire revenir le pH sanguin
la production d’AMPc et permet de phosphoryler des à la normale. Ces cellules sont surtout actives dans les cas
protéines intracellulaires qui font migrer, puis s’insérer d’alcalose. L’ensemble de ces modifications sont toutefois
dans la membrane apicale les vésicules contenant les lentes à se mettre en place et nécessitent un délai d’à peu
molécules d’aquaporines de type 2 (AQ2). Ces dernières près 24 à 48 h pour être pleinement actives.
constituent de véritables canaux à eau ou pores permet- Dans le canal collecteur médullaire, une importante réab-
tant le passage de l’eau par osmose à partir de la lumière sorption d’urée a lieu. Elle est facilitée par la présence
vers l’interstitium qui est hypertonique. Et la perméabilité des canaux AQ3, qui permettent à l’urée de diffuser libre-
du canal collecteur varie en fonction de la quantité de ment depuis la lumière du canal collecteur où elle est
vasopressine présente. Ainsi il est possible de retenir la très concentrée vers l’interstitium. Ce processus permet
quantité d’eau dont l’organisme a besoin, via l’ajustement d’augmenter la concentration des osmoles totales de la
de la sécrétion de vasopressine. En fait, dans la cellule médullaire interne et l’urée contribue à l’hypertonicité de la
épithéliale, il existe un processus de recyclage d’une partie médullaire et donc à la constitution du gradient osmotique
de la membrane qui contient les molécules d’AQ2. Du côté cortico-papillaire [1-3].
basolatéral, l’eau franchit la membrane à travers 2 autres
types de molécules d’AQ qui restent toujours ancrées dans 4.5. Évaluation des fonctions tubulaires
la membrane (AQ3 et AQ4) (figure 14). du néphron
La sécrétion de vasopressine est contrôlée par l’osmolarité En clinique, il peut être nécessaire d’évaluer les fonctions
du liquide extracellulaire et par la pression artérielle. Le plus tubulaires du néphron. La documentation d’une tubulopathie
puissant des stimuli est l’osmolarité du plasma. Lorsque est plus ou moins aisée selon le transporteur concerné.
l’osmolarité du plasma est inférieure à 280 mOsm/l, les Il est relativement aisé de documenter une anomalie d’un
osmorécepteurs hypothalamiques ne sont pas stimulés transporteur impliqué dans la réabsorption proximale du
et il n’y a aucune sécrétion d’ADH. Lorsque l’osmolarité glucose, des acides aminés ou des protéines de faible masse
augmente au-dessus de 280 mOsm/l, alors les osmorécep- moléculaire, puisque normalement ces différentes substances
teurs stimulent la libération d’ADH en fonction de la valeur sont absentes ou quasiment absentes de l’urine définitive.
de l’osmolarité. C’est le principal facteur qui permet aux À chaque fois, il convient de rapporter les débits urinaires
reins de conserver le volume des liquides extracellulaires, mesurés aux débits filtrés calculés, afin de pouvoir exclure,
mais ne leur permet pas de restaurer les volumes de fluide le cas échéant, une anomalie d’excrétion liée à une charge
perdu, par exemple au cours d’une hémorragie. Ces der- filtrée trop élevée, ce qui correspondrait à une situation
niers ne peuvent être remplacés que par l’ingestion d’eau. de débordement des capacités de travail du transporteur

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2013 - N°451 // 35


soit dans le tubule distal, soit dans le canal collecteur et
Figure 15 – Évolution des débits de glucose filtré,
réabsorbé et excrété en fonction de la glycémie. fait intervenir un certain nombre d’hormones. Pour l’eau,
nous avons souligné l’importance de l’ADH, pour le Na
et K, l’importance de l’aldostérone et pour le Ca, l’impor-
tance de la PTH et du calcitriol. L’équilibre acido-basique
du sang est maintenu dans le canal collecteur grâce à
l’activité des cellules intercalaires A et B.

5. Les fonctions endocrines du rein


Dans ce chapitre, nous n’évoquerons que les fonctions
du rein qui concernent la synthèse de l’érythropoïétine,
de la rénine et du calcitriol.
Son rôle dans la synthèse de rénine a déjà été évoqué à
propos de la régulation du DFG. Le rein est le seul organe
capable de libérer dans la circulation sanguine de la rénine
active. Elle est libérée avec son précurseur la pro-rénine à
partir des cellules juxta-glomérulaires localisées dans les
artérioles afférentes glomérulaires. D’autres tissus peuvent
sécréter de la pro-rénine dans la circulation. L’activité rénine
détermine le taux de formation de l’angiotensine I dans
le plasma et des variations minimes de l’activité rénine
peuvent conduire à de grandes variations d’angiotensine I
et II circulantes. En effet l’angiotensine I circulante est
Est inséré sur la droite de la figure, le mécanisme du transport du glucose facilement convertie en angiotensine II, non seulement par
dans les cellules tubulaires proximales (SGLT1 = transporteur du glucose couplé
l’ECA circulante (enzyme de conversion de l’angiotensine I),
au sodium et GLUT2 = transporteur du glucose de type 2).
mais aussi par l’ECA présente à la surface des cellules
endothéliales dans de nombreux lits vasculaires. Plusieurs
concerné, qui en l’occurrence est normal. L’exemple corres-
angiotensinases et peptidases sont ensuite capables de
pondant à cette notion de saturation des transporteurs est
métaboliser l’angiotensine II en angiotensine III et IV. Les
illustré par le glucose. Lorsque la concentration plasmatique actions hypertensives de l’angiotensine II sont attribuées
du glucose est normale, la glycosurie est nulle car la charge à son action sur ses récepteurs de type 1 (AT1-R), qui sont
filtrée est inférieure au point de saturation des transporteurs, très largement distribués dans les tissus cardiovasculaires
qui sont donc en mesure de réabsorber la totalité du glucose et rénaux. Elle joue un rôle clé dans le développement de
présent dans le filtrat. Quand la concentration plasmatique l’hypertension artérielle et des maladies cardiovasculaires.
est telle que la charge filtrée est égale ou supérieure à ce L’angiotensine II, via l’activation des AT1-R cortico-surréna-
point de saturation, la réabsorption a lieu à un débit maxi- liens, stimule la production et la sécrétion d’aldostérone.
mum, c’est le transport maximum ou Tm et il existe alors Chez le patient urémique, on observe une activation exces-
une glycosurie, qui correspond à l’excès de glucose filtré sive du système rénine-angiotensine qui se majore avec la
par rapport au Tm (figure 15). On peut donc observer une progression de l’insuffisance rénale. Au début, elle permet
glycosurie soit lorsque la glycémie est augmentée, parce via l’angiotensine II de maintenir le débit de filtration glomé-
que la charge filtrée déborde les capacités maximum de rulaire et grâce à l’aldostérone de maintenir l’homéostasie
réabsorption tubulaire (diabète sucré sans anomalie rénale), sodée. Toutefois, la production excessive d’angiotensine
soit lorsque la glycémie est normale parce que les transpor- II entraîne une constriction excessive des artérioles effé-
teurs sont anormaux et ont une capacité de transport très rentes, qui alliée à une transmission mal atténuée de la
diminuée (diabète néphrogénique). De même, il est assez pression artérielle systémique aux glomérules, en raison de
facile de caractériser une anomalie d’un des transporteurs la perte d’autorégulation des artérioles afférentes, aboutit
des acides aminés ou du système de réabsorption proximale à une tension excessive sur la paroi des capillaires glomé-
des protéines de faible masse moléculaire. rulaires ce qui va progressivement aboutir à une sclérose
Il est plus difficile de mettre en évidence une anomalie des glomérules et donc à une progression de l’insuffisance
d’un transporteur ou d’un canal impliqué dans le transport rénale. De plus, l’angiotensine II augmente la perméabilité
d’un ion ou d’une substance qui n’est réabsorbée que des capillaires glomérulaires aux macromolécules, ce qui
partiellement, en mettant en jeu différents transporteurs ou majore la protéinurie. Au total, il est évident que l’angioten-
canaux à plusieurs niveaux du tubule. Il est alors nécessaire sine II joue un rôle central dans la progression de l’insuffi-
d’avoir recours à des explorations fonctionnelles rénales sance rénale à côté de la fibrose tubulo-interstitielle. Ces
approfondies qui ne peuvent être réalisées que dans des anomalies sont au cœur de la prise en charge du patient
laboratoires très spécialisés [1-3]. atteint d’insuffisance rénale chronique.
En conclusion, nous avons vu que le rein assure ses fonc- Le rein est également responsable de la synthèse d’éry-
tions de maintien de l’homéostasie hydrominérale et acido- thropoïétine (EPO). Cette molécule est essentielle pour
basique à travers les différentes parties du tubule. L’ajus- la production des érythrocytes et donc le maintien de
tement est réalisé dans les parties terminales du tubule, la masse des érythrocytes du sang. Elle a pour origine

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REIN ET PATHOLOGIES

essentiellement les fibroblastes péritubulaires du cortex terme, la demi-vie du calcitriol étant très courte. Trois fac-
rénal. Sa production est contrôlée au niveau transcription- teurs stimulent directement l’activité de la 1α-hydroxylase
nel par l’hypoxie. C’est un agent anti-apoptotique pour rénale. La PTH exerce l’effet majeur. Mais, l’hypocalcé-
les progéniteurs érythrocytaires, en particulier les unités mie chronique, par exemple dans le cadre des régimes
érythroïdes formant des colonies (CFU-Es). En réponse à très pauvres en calcium, ou l’hypophosphatémie chro-
l’EPO, les cellules prolifèrent et se différencient en cohortes nique, observée par exemple avec des régimes très
de pro-érythroblastes et normoblastes. La réponse à l’EPO pauvres en phosphates, stimulent également l’activité
commence dès que la concentration d’hémoglobine dans de la 1α-hydroxylase. De son côté, la 24α-hydroxylase
le sang chute au-dessous de 125 g/l, en dehors de toute rénale est inhibée par ces mêmes facteurs, strictement
maladie rénale ou de toute inflammation. L’EPO collabore à l’opposé de la 1α-hydroxylase. On peut donc retenir
avec l’angiotensine II pour maintenir le volume sanguin. simplement que le métabolisme du 25OH-cholécalciférol
Chez les patients urémiques, se développe une anémie est orienté vers la synthèse de 1,25(OH)2-cholécalciférol
normocytaire normochrome en raison d’une insuffisance ou de 24,25(OH)2-cholécalciférol en fonction des besoins
de synthèse d’EPO. La capacité du rein à produire et à ponctuels de l’organisme.
sécréter l’EPO se dégrade au fur et à mesure que progresse À l’opposé, l’activité de la 1α-hydroxylase rénale est freinée
l’insuffisance rénale. Aujourd’hui l’anémie des patients uré- par l’hypercalcémie, l’hyperphosphatémie et le calcitriol
miques est corrigée par l’administration exogène d’EPO. lui-même, puisque l’enzyme est rétro-régulée par le produit
Le rein assure aussi la synthèse du calcitriol, qui est le dérivé de la réaction, et elle y est très sensible. L’activité de la
1α,25-dihydroxylé de la vitamine D. En effet dans les cellules 1α-hydroxylase est également freinée par les phosphato-
du tubule contourné proximal, le 25OH-cholécalciférol qui nines, en particulier le FGF-23, qui stimule la dégradation
est le métabolite mono-hydroxylé d’origine hépatique des du calcitriol.
calciférols, subit une 2e hydroxylation pour donner soit le De façon chronique, l’activité de la 1α-hydroxylase est
1,25(OH)2-cholécalciférol, soit le 24,25(OH)2-cholécalciférol, stimulée par l’IGF1 qui joue un rôle physiologique par-
en fonction des besoins de l’organisme. Les deux enzymes ticulièrement important pendant l’enfance et pendant la
sont localisées dans la membrane interne des mitochon- grossesse, donc pendant la croissance du squelette et la
dries des cellules du tubule contourné proximal. Elles font minéralisation des os.
toutes deux intervenir le cytochrome P 450 CYP27B1. Enfin l’activité de la 1α-hydroxylase est diminuée lors de
La 1α-hydroxylase n’existe que dans le rein, en dehors du la réduction néphronique et de ce fait, il existe toujours
placenta. En revanche, la 24-hydroxylase existe dans de une diminution des concentrations plasmatiques de cal-
nombreux tissus, l’intestin, l’os, la peau, les fibroblastes citriol circulant dans l’insuffisance rénale, ce qui concourt
et les lymphocytes. La production quotidienne de 1,25 est au développement de l’hyperparathyroïdie secondaire et
comprise entre 0,3 et 1 μg/jour, ce qui assure le renouvel- qui conduit aux lésions d’ostéodystrophie observées dans
lement du calcitriol environ 2 fois par jour. l’urémie [1-3].
La régulation de l’activité de la 1α-hydroxylase rénale per-
met de régler avec une grande précision les concentrations Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits
circulantes en calcitriol aussi bien à court terme qu’à long d’intérêts en relation avec cet article.

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